À la rencontre d`un héros méconnu
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À la rencontre d`un héros méconnu
Cinéma U Le tournage de “Nos patriotes” vient de s’achever. Attendu sur les écrans en 2017, ce biopic retrace le destin d’un résistant sénégalais, qui s’est battu pour la France. Un soldat oublié dans les livres d’Histoire, campé par le Belge Marc Zinga. DE NOTRE ENVOYÉE SPÉCIALE À LYON, SIGRID DESCAMPS. Qui sont les patriotes ? « Le film s’appelle “Nos patriotes” parce qu’il réunit une galerie de personnages qui vont s’improviser résistants pour défendre leurs valeurs et leur famille. À la base, ils sont tous des étrangers les uns pour les autres, mais vont unir leurs forces face à l’ennemi », explique Marc Zinga. Si le jour de notre venue, seuls Astrid et lui étaient présents sur le plateau, le film réunit un large casting, dont deux personnalités ultra-populaires : Alexandra Lamy et la chanteuse Louane. La première joue une institutrice, la seconde une employée de la poste. « Quand on compose un casting, on cherche avant tout la justesse, insiste le réalisateur. Mais on essaie aussi de mêler des acteurs au niveau de popularité différent, pour équilibrer l’ensemble. On veut surtout que chacun apporte de la lumière au projet. Louane par exemple collait parfaitement à son personnage, une jeune femme de 20 ans spontanée, tout feu tout flamme. » S.D. À la rencontre d’un héros méconnu 40 terroriste noir”, j’ai trouvé le héros que je cherchais pour évoquer cette période. » Et pour camper ce dernier, le réalisateur a jeté son dévolu sur notre compatriote Marc Zinga, révélé au grand public avec “Les rayures du zèbre”. « J’ai pensé à lui dès le départ. Il a une force d’incarnation intéressante. Il possède la profondeur et la rigueur nécessaires au personnage. Il n’y a pas un plan qu’il n’habite pas totalement. Et puis j’aimais l’idée d’avoir un acteur relativement discret, dont la popularité ne dépasserait pas le personnage. » (Sur le plateau, on nous glissera que certains financiers auraient d’ailleurs aimé voir Omar Sy dans le rôle, ce qui aurait provoqué l’effet contraire !). Pour l’anecdote, si le tournage a principalement eu lieu dans les Vosges, lieu d’origine de l’action, il s’achève à Lyon pour coller au mieux avec l’agenda de l’acteur belge, qui s’y produit chaque soir au Théâtre national. Pour sa part, Marc Zinga se réjouit d’endosser le rôle de cette figure héroïque : « Je choisis mes rôles pour l’émotion qu’ils dégagent. Je me mets à la place du spectateur, car comme lui, j’ai besoin d’être touché avant tout. Dans le cas présent, c’est avant tout une aventure artistique, avec une vraie facture de films de genre, qui mêle l’histoire, l’action, la romance, l’espionnage… mais il y a aussi un acte citoyen à incarner une telle figure. Ça amène une portée politique nécessaire. On combat les craintes liées à la vague migratoire. Je ne connaissais pas l’histoire d’Addi Ba, un peu celle des tirailleurs. J’ai approfondi mes connaissances via des recherches documentaires. Notamment sur la question de Vichy, le Service du travail obligatoire, les coulisses de la réalité politique de l’époque. » MOTEUR… ACTION ! La scène tournée aujourd’hui n’a pas vraiment eu lieu. Elle évoque la rencontre entre le héros et une châtelaine locale (jouée par la Belge Astrid Wettnall, vue notamment dans “Little Glory” et “Au nom du fils”), qui lui apportera son aide et avec qui il aura Marc Zinga s’est totalement immergé dans son rôle de résistant, allant jusqu’à se faire appeler en permanence Addi Ba par le réalisateur Gabriel Le Bomin et toute l’équipe de tournage. Photos: Prod Une belle journée d’automne, dans la commune de Limonest, sur les hauteurs de Lyon. Là se dresse le Château de la Barollière, vaste demeure familiale du XVIIIe siècle. La cour et les jardins sont presque déserts. Mais une fois la porte franchie, on découvre une agitation inhabituelle : maquilleuse, coiffeuse, techniciens, machinistes, cameramen… Tout ce petit monde est confiné dans quelques pièces du rez-de-chaussée pour filmer les dernières scènes de “Nos patriotes”, le nouveau long-métrage de Gabriel Le Bomin. Un passionné d’Histoire, à qui l’on doit déjà “Les fragments d’Antonin”, qui abordait les séquences psychologiques de la Grande Guerre sur certains soldats. Cette fois, le réalisateur s’est concentré sur un autre volet méconnu du conflit : les actions de tirailleurs sénégalais enrôlés par la France durant la Deuxième Guerre mondiale, qui s’engagèrent dans la Résistance. Et plus particulièrement celle d’Addi Ba, dit “Le terroriste noir”, qui prit la tête du maquis des Vosges en 1943. « Ma filmographie compte pas mal d’œuvres liées à l’Histoire, explique le cinéaste. Les conflits m’intéressent parce qu’ils sont sources d’interrogations, de romanesque, d’épique, mais aussi d’intime. On trouve durant les conflits des histoires humaines passionnantes, avec des gens ordinaires qui, confrontés à des événements terribles, sont poussés à faire des choix essentiels. Et dans ce contexte, j’aime travailler dans les marges. Quand j’ai parlé des blessés psychiques, le sujet avait été peu abordé dans la fiction. Ici, le rôle des tirailleurs sénégalais, et plus encore celui de ceux engagés dans la Résistance, est également marginal. Par ailleurs, un film d’Histoire évoque autant la période évoquée qu’il renvoie à l’actualité. Ce n’est pas anodin de raconter ce récit aujourd’hui. Raconter le destin d’un homme noir musulman, qui n’était pas français, mais qui a choisi de donner sa vie pour la France, a embrassé et défendu ses valeurs, a tout son sens dans notre contexte sociopolitique. Quand j’ai découvert le roman de Tierno Monemembo, “Le le Château de la Barollière, vaste demeure familiale du XVIIIe siècle, a servi de décor au film. une liaison. « Tous les personnages du film n’ont pas existé, confie le cinéaste. Autour d’Addi Ba, figure réelle, j’ai ajouté des personnages symboliques, qui représentent différentes personnes qui l’ont aidé. On va les retrouver sous d’autres formes, d’autres noms, comme celui joué ici par Astrid. » L’intéressée confirme : « Je joue une jeune veuve, qui a perdu son mari au cours d’un stupide accident de chasse. C’est une femme moderne, libérée, curieuse, courageuse, qui va être touchée par Addi Ba et s’en éprendre. C’est un personnage magnifique, plein d’ambiguïtés, entre autres à cause d’une vieille amitié avec un officier allemand que la guerre a transformé en monstre nazi. C’est vraiment un personnage riche. Et puis, jouer avec Marc est un plaisir. C‘est un acteur à la fois généreux, précis, hyperprofessionnel. » Non loin de là, ce dernier s’est isolé pour se concentrer sur son texte. Parmi les membres de l’équipe, tous sont unanimes : jamais ils n’ont vu un acteur autant impliqué dans son rôle, au point de se faire appeler Addi Ba sur le plateau. « Ce n’est pas de la coquetterie, ça fait partie du travail d’immersion, confie Marc dans un sourire. Tous les projets demandent une implication maximale. Pour ce film-ci, de par mon engagement physique – je joue quand même un soldat africain rompu au combat, endurant, qui va se battre dans le froid… – et par le fait que j’incarne un personnage très éloigné de moi, j’avais besoin de me mettre dans un état d’immersion complet. D’autant plus que je joue au théâtre un tout autre rôle chaque soir. Me faire appeler Addi sur le tournage me responsabilise, renforce l’empathie, l’identification, et me donne la capacité de mieux l’appréhender. C’est la première fois que je vais aussi loin dans ce travail de symbiose. Et je remercie toute l’équipe de jouer le jeu. » Les quelques scènes auxquelles nous avons pu assister nous ont effectivement bluffés. Le reste sera à découvrir dans quelques mois sur grand écran. S. D. 41