Relations sociales entre pairs à l`adolescence et risque de

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Relations sociales entre pairs à l`adolescence et risque de
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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 60 (2012) 87–93
Article original
Relations sociales entre pairs à l’adolescence et risque de désinvestissement
scolaire
Peer relationships among adolescents and risk of academic disengagement
L. Hernandez ∗ , N. Oubrayrie-Roussel , Y. Prêteur
EA 1687, équipe psychologie de l’éducation familiale et scolaire et contextes culturels, laboratoire psychologie du développement et processus de socialisation
(PDPS), université de Toulouse, UTM, 5, allée Antonio-Machado, 31058 Toulouse cedex 09, France
Résumé
But de l’étude. – Cette recherche rend compte de la diversité des formes de relations aux pairs et de leur impact sur le développement psychologique et
socioaffectif de l’adolescent à travers son rapport à l’école. Plus précisément, cette étude examine l’influence du statut social sur le désinvestissement
scolaire, chez des adolescents scolarisés dans des collèges issus de l’« éducation prioritaire ».
Population et méthode. – Nous avons questionné 186 collégiens de 3e scolarisés dans ces collèges. Une classification hiérarchique descendante a
été réalisée permettant de dégager des profils types, selon leur statut social et le (dés)investissement scolaire.
Résultats. – Les adolescents ayant les relations les plus « extrêmes » (les populaires, les agressifs, les rejetés) sont ceux qui ont les plus grandes
difficultés scolaires. Leurs relations, basées sur des rapports de force, la recherche de conformité ou la dépendance affective leur octroient
des comportements a-scolaires (dispersion, passivité scolaire. . .) et des valeurs trop éloignées des exigences scolaires. Les adolescents qui ont
des relations équilibrés avec leurs pairs réussissent mieux. Le soutien et la sécurité que leur offre le groupe leur permettent d’être disponibles
cognitivement pour les apprentissages. Les adolescents « solitaires » sont également de bons élèves : ces élèves fuient la pression sociale pour se
concentrer sur les activités scolaires.
Conclusion. – En définitive, ces résultats sous-tendent que le statut social de l’adolescent dans son groupe de pairs peut générer des problématiques
individuelles affectant sa personnalité, sa confiance en soi, sa sociabilité, ses valeurs et, par conséquent, son parcours scolaire.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Adolescence ; (Dés)investissement scolaire ; Statut social ; Pairs ; Éducation prioritaire ; Valeur accordée à l’école
Abstract
Objective. – This paper emphasizes the variety of peer relationships and their impact on the psychological and social-emotional development of
adolescents of their attachment to school. In greater detail, this study analyzes the impact of social status on school commitment/disengagement
within suburban schools (socially disadvantaged areas). We define social status as the social position of a person in a group: popular, rejected,
lonely profile, etc. We study it based on the integration of an adolescent to a peer group, on the acknowledgment than he gets back, on the quality
of his relationships with the other members of the group and on the fact he is/is not able to curb the peer pressure.
Methods and population. – We asked 186 adolescents, pupils of a suburban school (58% of them are girls and 42% are boys). Most families live on
low (or medium) incomes with a low educational attainment. A Decreasing Hierarchical Classification (DHC, Alceste, a method which consists of
providing clusters by bringing them together according to their similarity) was used to identify five adolescents’ profiles: “followers/aggressive”,
“popular”, “rejected”, “lonely” and “estimates”. This approach allowed us to set up typical adolescent profiles based on their social status and
illustrated with their school disengagement.
Results. – It was revealed that adolescents with “extreme” relationships (profiles: famous, aggressive or rejected) are those experiencing more
difficulties at school. Their relationships are based either on power, on research for conformity or on strong emotional dependence. This leads
them to bad school behaviors (practicing other activities at school, inattention, or being passive during class) because of their values too far from
∗
Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected] (L. Hernandez), [email protected] (N. Oubrayrie-Roussel), [email protected] (Y. Prêteur).
0222-9617/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.neurenf.2011.12.003
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school requirements. Adolescents who have balanced and satisfying relationships succeed better. The support and the security from peers make
them more cognitively available during class. The adolescents who do not belong to any group are also good performers: this way, they avoid social
pressure so that they can concentrate on school activities.
Conclusion. – After all, these results underlie that the social status of a adolescents in his group of peers can generate individual problems affecting
his personality, his self-esteem, his sociability, his values and, as a consequence, his whole school journey.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Adolescence; Academic (dis)engagement; Social status; Peer relationships; Suburbs; Value towards school
À l’adolescence, le jeune aspire à étendre son indépendance et
son autonomie par rapport à sa famille — premier lieu de socialisation — tout en s’engageant totalement auprès des pairs [1].
Ces derniers introduisent de nouvelles formes de socialisation
en offrant du soutien et un contexte propice à l’expérimentation
dans des domaines de développement où l’influence parentale
a des chances d’être limitée ou défaillante. L’appartenance à
un groupe d’amis devient ainsi essentielle et nécessaire car elle
répond à des besoins éducatifs, personnels et sociaux : se découvrir, s’affirmer, se construire une image, une personnalité, à
travers l’identité groupale mais également à travers l’intimité,
le soutien affectif, l’entraide. . . Les pairs, leur importance, leur
nécessité et les différentes fonctions qu’ils offrent, vont alors
influer sur le rapport que les adolescents entretiennent avec
l’école.
De manière générale et pour de nombreux auteurs,
l’appartenance à un groupe de pairs ainsi que la qualité de la
relation influencent la scolarité. Lorsque l’adolescent est entouré
socialement et que ces relations sont harmonieuses, il est disponible pour s’engager totalement dans les activités cognitives.
Autrement dit, le soutien affectif et émotionnel ainsi que la stabilité apportés par les camarades de classes offrent un bien être
à l’élève indispensable à sa réussite [2–4]. L’appartenance à
un groupe de pairs favorise également la motivation, l’intérêt
en classe et l’échange d’informations [5]. Enfin, l’aide et le
soutien apportés par les amis favorisent une meilleure estime
de soi générale et scolaire essentielle à l’investissement de
l’élève dans sa scolarité [6]. Demir et Tarhan [7] ont précisé que l’influence sur la réussite scolaire est d’autant plus
élevée que l’élève est considéré comme « populaire » auprès
de ses pairs. De manière similaire, de nombreux travaux ont
confirmé les liens entre des relations problématiques avec les
pairs (en ne se faisant pas accepter ou en n’occupant pas une
place socialement reconnue) et divers indicateurs d’inadaptation
psychosociale, tels que le sentiment de solitude, une faible
estime de soi, un recours marqué à des stratégies de protection de soi, une situation de rejet à l’école et un faible
rendement scolaire [3,8]. Ainsi, les amis exercent une fonction
centrale à cette période du développement et leur rôle retentit
sur la scolarité, au point où les élèves rejetés, qui ne possèdent
donc pas de soutien amical, se retrouvent plus fréquemment en échec scolaire et à risque de devenir « décrocheurs »
[9,10].
Cependant, les notions d’appartenance au groupe et la qualité dans la relation ne suffisent pas à elles seules pour mesurer
l’impact des pairs sur l’engagement scolaire de l’adolescent. En
effet, lorsque l’influence et l’emprise du groupe devient trop
importante et que ses attentes et ses valeurs sont trop éloignées
des exigences scolaires, les relations amicales peuvent devenir un obstacle aux apprentissages. Selon une étude réalisée
par Marcoyeux-Deledalle et Fleury-Bahi [11], les adolescents
scolarisés dans les collèges implantés dans des zones défavorisées (exemple des ZEP) s’identifient davantage à leur groupe de
pairs que les collégiens hors-ZEP. En effet, alors que les adolescents issus de milieux sociaux favorisés et scolarisés dans des
établissements « prestigieux » sont plus enclins à rechercher la
différenciation, ceux des groupes défavorisés tendraient plutôt
à s’inscrire dans des stratégies d’identification à l’endogroupe
[12]. Ces derniers se retrouvent ensemble parce qu’ils ont le
sentiment de se ressembler, d’être face aux mêmes difficultés
[13]. De plus, ce besoin d’appartenance à un groupe répond
à un besoin de reconnaissance par les autres et un besoin de
sécurité. Les adolescents de milieux « populaires » vont en effet
chercher à créer « un esprit de groupe », un « lien groupal »
offrant un rôle d’intégration, de valorisation et de protection.
Les similitudes entre les membres vont s’accentuer, ainsi que les
différences avec les groupes extérieurs : ils vont en effet élaborer
des normes, des comportements, des attitudes pour se différencier. Ces comportements, cette culture socialisent l’adolescent et
façonnent sa personnalité mais ont en même temps une influence
importante et parfois défavorable sur tous ses milieux de vie. Pasquier [14], dans son ouvrage La tyrannie de la majorité, parle de
« conformisme ». Parfois ces jeunes acceptent les règles dictées
par le groupe et accomplissent des actes auxquels ils n’adhèrent
pas pour répondre à ce besoin de conformisme. Dans le domaine
scolaire, certains adolescents, poussés par cette pression sociale,
auront des comportements perturbateurs, irrespectueux ou parfois violents en classe pour « sauver la face » devant les autres
élèves. Cette attitude apparaît alors comme une réaction défensive. En effet, si on lève la main pour répondre, si on pose des
questions, si on a de bonnes notes, on s’expose aux regards
des autres et à leurs jugements. L’indifférenciation, la recherche
d’une fusion dans le groupe et la recherche de conformité leur
permettent par conséquent de se fondre dans l’anonymat ou simplement de ne pas être exclus de leur groupe d’appartenance
[14–16].
Dans ces milieux, ces attitudes entraînent, par conséquent,
des tensions entre la logique scolaire et celle des groupes de
collégiens [17]. Ceux-ci doivent en quelque sorte choisir entre
les exigences scolaires et les relations au groupe. Lorsque le
choix est porté sur les pairs, se forme dès lors un groupe de
solidarité pouvant faire face collectivement aux menaces des
agents de l’institution scolaire [18]. Cependant, cette solidarité peut s’avérer problématique si elle pousse l’adolescent à se
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démobiliser petit à petit de l’école et à dégrader les relations
entretenues avec les agents de l’institution scolaire [17,19].
1. Objectif de la recherche
Cette recherche examine les relations aux pairs et plus spécifiquement l’importance du statut social et de la conformité
au groupe sur l’investissement ou le désinvestissement scolaire
d’adolescents scolarisés dans des collèges issus de l’« éducation
prioritaire ». Nous considérons le statut social comme la position
sociale d’une personne au sein d’un groupe. Elle s’imposerait
à l’individu au regard de sa propre appréciation et de celle des
membres du groupe vis-à-vis de l’acceptation, de la popularité
et de la place occupée dans le groupe. De fait, nous appréhendons l’acceptation par les pairs, mais également la capacité à
se dégager de l’influence et de la pression des pairs (populaires, rejetés, suiveurs. . .) comme des facteurs susceptibles
d’influencer l’adolescent dans sa scolarité et non pas seulement
son appartenance à un groupe.
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Nous évaluons le (dés)investissement scolaire des élèves en
recourant à une autoévaluation de leur parcours scolaire, leur
engagement dans les activités cognitives, leur comportement en
classe et la valeur qu’ils accordent à l’école. La construction des
items de cette sous-échelle est à la fois reprise de l’enquête de
Prêteur et al. [21] et de la rubrique relative à la valeur accordée à
l’école issue d’une thèse de doctorat, [22]. Les autres rubriques
sont inspirées du discours des jeunes lors de l’enquête exploratoire (ex. d’item : « je préfère m’y prendre à l’avance pour faire
mes devoirs et préparer mes contrôles »). Enfin, nous rendons
compte du statut social des collégiens en intégrant la qualité de
la relation, la recherche de conformité, la capacité à se dégager
de la pression du groupe et le sentiment d’isolement. Pour créer
les items inhérents aux dimensions étudiées, nous nous sommes
appuyés sur le discours des adolescents et référés à des éléments
théoriques, notamment des outils anglophones dont le Friendship Quality Questionnaire de Parker et Asher [23]. Nous avons
adapté et reformulé certains items afin de les ajuster au contexte
culturel (ex. d’item : « je me sens apprécié et reconnu lorsque je
suis avec mes copains/copines »).
2. Méthode
2.1. Participants
Cette étude concerne 185 collégiens de 3e scolarisés en
« éducation prioritaire ». Ces établissements disposent de
moyens supplémentaires pour lutter contre les inégalités sociales
et les échecs et retards scolaires. Ces zones sont délimitées
géographiquement et administrativement dans des quartiers
« défavorisés ». Notre échantillon se compose de 58 % de filles et
42 % de garçons dont la moyenne d’âge est de 14 ans et demi. La
plupart des familles a un capital scolaire et économique faible ou
moyen. Cette variable a été contrôlée à partir du niveau d’étude
et de la profession de chacun des parents.
2.2. Instrument de mesure
Nous avons d’abord réalisé une étude exploratoire à partir d’entretiens semidirectifs auprès de six adolescents. Après
une analyse thématique des données ainsi qu’une revue de
littérature d’outils anglo-saxons, nous avons créé un questionnaire composé de 60 items répartis en deux parties relatives aux
dimensions étudiées : l’investissement/désinvestissement scolaire et la relation aux pairs. La première phase exploratoire
de validation de l’instrument, réalisée à l’aide d’une analyse en
composantes principales1 avec épuration d’items, a distribué les
items cohérents entre eux assurant une bonne cohérence interne
de l’instrument. La mesure de l’alpha de Cronbach (> 0,70) rend
compte pour chaque dimension d’une homogénéité entre les
items et d’une bonne mesure des construits supposés confirmant
la validité et la fidélité de l’instrument [20].
1 L’analyse à composante principale (ACP) est une méthode d’ordination qui
permet la représentation simultanée de plusieurs dimensions à partir de facteurs
synthétiques. Ainsi, elle permet de mettre en évidence des facteurs, au sein
d’un nombre important de données, expliquant pourquoi certaines variables sont
corrélées et d’autres pas.
3. Analyse des résultats
Une classification hiérarchique descendante (CHD) a été
réalisée sur cette population d’adolescents à l’aide du logiciel Alceste2 [24]. Il s’agit d’une méthodologie permettant de
dégager des profil-types regroupant les sujets en fonction de
la ressemblance de leur profil par rapport à l’ensemble des
indicateurs utilisés. L’intérêt de cette analyse vise à repérer
des catégories d’élèves dont l’investissement scolaire et le rapport à l’école diffèrent, de façon à mettre en évidence plusieurs
modèles identitaires selon le statut social des adolescents.
La CHD met en évidence quatre profils différenciés de collégiens selon leur mode de relation aux pairs. Chaque profil
est illustré par une série d’indicateurs du (dés)investissement
scolaire venant caractériser le profil type de chaque collégien.
Le premier profil (13 %), intitulé « les suiveurs/agressifs »,
caractérise les adolescents ayant des relations hiérarchiques et
conflictuelles ainsi qu’un investissement faible dans la scolarité.
Ces sujets appartiennent à un groupe de pairs mais les relations y sont problématiques et conflictuelles. Ils accordent de
l’intérêt à l’amitié puisqu’ils lui associent le soutien, l’intimité
et la confiance. Cependant leurs relations aux autres sont peu
satisfaisantes et leurs compétences sociales sont faibles. En effet,
la solidarité est une caractéristique peu présente (X2 (37) = 4,86,
p < 0,01) et les conflits/disputes sont réguliers (X2 (10) = 17,90,
2 ALCESTE (analyse des lexèmes co-occurrents dans les énoncés simples
d’un texte). Généralement utilisé pour l’analyse et l’interprétation de données
textuelles, ce logiciel peut effectuer, à partir de la préparation d’un corpus et
d’une analyse spécifique, une classification hiérarchique descendante (CHD) sur
des données numériques (questionnaires fermés). Il s’agit d’une méthodologie
visant à mettre en évidence les points communs et les différences qui caractérisent les réponses des sujets. Elle permet donc de dégager des profils auxquels
sont associées des variables illustratives. L’analyse indique pour chaque classe
une valeur du Khi2 qui exprime le lien entre le trait particulier et sa présence
dans le profil.
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p < 0,001). Ils ont, par ailleurs, des difficultés à se faire accepter : souvent rejetés (X2 (7) = 22,02, p < 0,001), ils sont critiqués
(X2 (17) = 32,03, p < 0,001) et peu défendus au sein du groupe
(X2 (7) = 10,15, p < 0,001). Parallèlement, ces jeunes subissent
une forte pression des pairs et ont par conséquent des difficultés à s’ouvrir aux autres, participer, prendre leur place :
ils n’arrivent pas à exprimer leur point de vue au sein d’un
groupe (X2 (10) = 26,59, p < 0,001), sont gênés lorsque les pairs
ne sont pas du même avis qu’eux (X2 (6) = 22,02, p < 0,001), préfèrent laisser les décisions aux autres (X2 (7) = 28,49, p < 0,001).
De fait, ils cherchent à être conformes aux attentes de leurs
amis en adoptant souvent des attitudes et comportements ascolaires ou contraires à leurs propres normes et valeurs pour
rester intégrés au groupe. Par exemple, il peut leur arriver de
« tricher » (X2 (15) = 5,18, p < 0,01) ou « aller tagguer des murs »
(X2 (7) = 10,15, p < 0,01) même s’ils pensent que c’est une mauvaise idée.
Les variables illustratives qui caractérisent le profil type
de ce collégien le situent comme un élève moyen qui
se satisfait du minimum pour « passer ». Il pense en effet
réussir « moyennement » (X2 (69) = 3,22, p < 0,05) et les professeurs sont satisfaits de lui seulement « de temps en temps »
(X2 (48) = 4,26, p < 0,05). Il semble, par ailleurs, faire le minimum attendu pour s’en sortir : il fait par exemple ses devoirs
le plus rapidement possible (X2 (50) = 3,16, p < 0,05). Il a un
rapport utilitariste au collège, d’une part, parce qu’il le voit
seulement comme un moyen de passer en classe supérieure
(X2 (30) = 5,43, p < 0,01) et, d’autre part, parce qu’il donne un
sens aux apprentissages seulement en prévision du futur professionnel (X2 (41) = 5,65, p < 0,01), et non pour les savoirs en
eux-mêmes. Il associe fortement le collège à l’amusement (être
avec ses amis) (X2 (88) = 17,14, p < 0,001) et à la contrainte (respecter des règles) (X2 (50) = 9,77, p < 0,01). Au final, ce collégien
semble reconnaître l’intérêt de l’école, lui accorde du sens pour
le futur, mais s’y investit peu.
Le deuxième profil (45 %), renvoyant à deux profils antagonistes, intitulé « les populaires et les rejetés », caractérise les
sujets ayant une relation extrême dans le rapport aux autres
(entre adhésion et rejet extrême) et un désinvestissement scolaire
important.
Ce profil dépeint une classe hétérogène de sujets « extrêmes »
dans leur relation aux pairs dans le sens où leur jugement est
soit très positif (tout à fait d’accord) soit très négatif (pas du tout
d’accord). Afin de préciser ce profil hétérogène, une seconde
CHD réalisée sur ce deuxième profil le subdivise en deux sousprofils bien opposés dans le mode de relation mais identiques
sur leur caractère « extrême ».
Le premier sous-groupe, « les populaires », concerne des
adolescents très engagés et très respectés dans leur groupe
de pairs. Ils se sentent toujours très reconnus, appréciés (X2 (56) = 50,04, p < 0,001), soutenus (« jamais » isolés)
(X2 (42) = 16,10, p < 0,001), et ils partagent de nombreuses activités et aspirations (X2 (74) = 20,21, p < 0,01). Leur groupe est
également jugé comme très solidaire (X2 (62) = 8,57, p < 0,01).
Par ailleurs, ils ne cherchent pas du tout à être conformes
à leurs pairs et ne se laissent donc « jamais » influencer :
ils n’ont « jamais » de comportements a-scolaires en classe
pour « plaire » au groupe (X2 (56) = 23,38, p < 0,001), ne désobéissent « jamais » à leurs parents pour retrouver leurs amis
(X2 (62) = 17,42, p < 0,001), ne trichent « jamais » pour faire
comme les autres (X2 (72) = 5,63, p < 0,001), ne sont « jamais »
critiqués (X2 (64) = 44,17, p < 0,01), etc. Enfin, ils ont leur
propre point de vue, leur opinion et n’hésitent « jamais »
à les donner (X2 (73) = 37,81, p < 0,001) — ou peut-être les
imposer. Ils prennent également eux-mêmes les décisions
(X2 (92) = 45,23, p < 0,001). Les réponses catégoriques et rigides
(jamais nuancées : « jamais ») de ce profil semblent représenter
des adolescents ayant une grande confiance en eux et une reconnaissance par les pairs très élevées. Cette hypothèse laisse à
penser que ces jeunes, grâce à leur « popularité », n’hésitent pas
à « mener » et/ou à faire pression sur le groupe. De plus, à la
différence du premier profil, ces jeunes, du fait de leur position
dans le groupe, semblent chercher la différenciation plutôt que
la fusion.
Le deuxième sous-groupe, les « rejetés » décrit des adolescents ayant d’importantes difficultés relationnelles, avec des
rapports assez agressifs aux autres. Leur relation aux pairs
est en effet basée sur le conflit et la trahison : ils sont souvent au cœur des disputes (X2 (11) = 4,53, p < 0,05) et font
l’objet de critiques (X2 (8) = 7,22, p < 0,01). Ils rapportent
également des sentiments de solitude importants (exclus :
X2 (13) = 13,82, p < 0,001 ou rejetés : X2 (12) = 3,27, p < 0,05).
Le partage et le soutien sont absents dans leurs rapports
aux autres : « aucune » solidarité (X2 (48) = 3,26, p < 0,01),
« aucun » partage (X2 (11) = 4,53, p < 0,05), « aucune » reconnaissance (X2 (7) = 10,05, p < 0,01). Ils subissent par ailleurs
une conformité extrême aux autres : ils sont prêts à tagguer
(X2 (18) = 12,87, p < 0,001), tricher (X2 (19) = 14,24, p < 0,001),
désobéir (X2 (13) = 13,76, p < 0,001), etc. pour pouvoir être
acceptés. De fait, ils sont incapables de se dégager de la pression exercée par le groupe. Ils ne prennent donc aucune décision,
ne font aucun choix seuls (X2 (5) = 7,45, p < 0,01) et n’imposent
« jamais » leur idée ou opinion (X2 (11) = 7,39, p < 0,01). À la
différence du premier sous-profil, ces derniers semblent par
conséquent dépendants des pairs et peu confiants en eux. Ces
adolescents, aux relations empreintes de conflits et d’échanges
négatifs avec les pairs, pourraient ainsi faire partie de la catégorie
des « rejetés ».
Ce deuxième profil, hétérogène, peut donc nettement être spécifié en deux sous-profils. Toutefois, ces deux sous-classes ont un
point commun majeur : les élèves sont dans les deux cas désinvestis de leur scolarité, même s’ils peuvent exprimer un certain
intérêt pour les apprentissages scolaires en étudiant par euxmêmes hors de la classe (ce qui explique dans un premier temps
leur regroupement au sein du même profil initial). Les variables
illustratives dépeignent en effet des adolescents qui ont le sentiment d’avoir échoué durant toute leur scolarité (X2 (11) = 3,67,
p < 0,05), ont déjà redoublé au moins une fois (X2 (57) = 7,70,
p < 0,01), qui se disent jamais attentifs en classe (X2 (11) = 3,67,
p < 0,05), jouent en cours (X2 (18) = 4,54, p < 0,05), décrochent
quand ça ne les intéresse plus (X2 (32) = 12,09, p < 0,001) et
n’aiment « pas du tout » les exercices qui demandent une
réflexion importante (X2 (38) = 7,01, p < 0,01). Parallèlement et
de façon inattendue, ils semblent tout de même reconnaître
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l’intérêt des apprentissages et de l’école puisqu’ils passent du
temps à étudier chez eux (X2 (7) = 3,35, p < 0,05). Du point de
vue de la valeur accordée à l’école, ces collégiens semblent
davantage tournés vers le futur et tout ce qui touchent aux
contraintes. Ce genre de conduite, apparemment paradoxale
selon la présence ou l’absence du regard des autres (affichage
d’une attitude de décrocheur en classe mais persévérance pour
le travail scolaire au domicile) laisse supposer que ces élèves
veulent signifier leur désinvestissement scolaire face au groupe
classe, en raison des feed-back négatifs répétés (notes faibles
régulières, remarques dépréciatives, redoublement). Toutefois,
lorsqu’ils se retrouvent seuls chez eux, ils maintiennent un effort
minimal.
Le troisième profil (17 %), que nous nommons les
« solitaires » regroupe des collégiens en retrait par rapport à leurs
pairs. Ce sont de bons élèves mais parfois inattentifs.
Ce troisième profil dépeint des adolescents « en retrait », qui
n’entretiennent pas de relations « intimes » et complices avec
leurs pairs. Ils sont intégrés à un groupe mais ne s’y sentent
pas vraiment reconnus et appréciés (X2 (11) = 10,22, p < 0,01).
Ils sont également peu soutenus (X2 (15) = 17,74, p < 0,001)
ou défendus (X2 (44) = 6,27, p < 0,01). La relation n’est pas
basée sur la confiance et l’intimité puisqu’ils partagent peu
avec leurs camarades, que ce soient des confidences ou de
simples activités (X2 (29) = 34,32, p < 0,001). Par ailleurs, ils
n’accordent que peu d’intérêt à l’amitié et au soutien de leurs
pairs : ils ne comptent pas sur leur aide pour avancer dans la
vie (X2 (15) = 5,39, p < 0,01). Ils se décrivent ainsi parfois seuls
ou rejetés (X2 (17) = 10,96, p < 0,01). Par ailleurs, ces adolescents ne sont pas prêts à avoir des comportements a-scolaires
ou contraires aux idées des autres membres du groupe mais
en contrepartie font souvent l’objet de critiques (X2 (26) = 9,34,
p < 0,01). Enfin, au sein d’un groupe, ces adolescents ont des
difficultés à donner leur avis (X2 (23) = 21,85, p < 0,001) ou à
prendre des décisions (X2 (18) = 3,36, p < 0,05). Cette attitude
est concordante avec les autres aspects de ce profil : il s’agit de
jeunes qui préfèrent rester à l’écart et ne pas s’imposer ouvertement. À la différence des adolescents rejetés, les sujets solitaires
n’acceptent pas de se soumettre à la pression exercée par les pairs
et choisissent eux-mêmes de s’isoler (peut-être après plusieurs
tentatives infructueuses pour être intégré au groupe).
D’un point de vue scolaire, ces jeunes sont assez bons
élèves : ils réussissent bien (X2 (73) = 3,43, p < 0,05), ils jugent
que leurs professeurs sont « satisfaits » d’eux (X2 (28) = 5,03,
p < 0,01) et ils prennent plaisir à comprendre et apprendre (ils
aiment faire leurs devoirs et étudier [X2 (36) = 3,50, p < 0,05] et
ils aiment réfléchir longtemps pour bien faire [X2 (37) = 7,53,
p < 0,01]). Parallèlement, il leur arrive d’être démotivés et inattentifs : jouent en classe (X2 (21) = 4,10, p < 0,05), bavardent
(X2 (10) = 3,19, p < 0,05), décrochent quand un cours ne les intéresse pas (X2 (46) = 7,67, p < 0,01) ou font rapidement leurs
devoirs pour en finir (X2 (38) = 3,52, p < 0,05). Par ailleurs, ces
adolescents n’accordent pas de valeur au registre social de
l’école mais davantage au domaine scolaire (plaisir d’apprendre
et enjeux pour le futur). Le collège ne représente donc en aucun
cas une contrainte pour ces élèves. Au final, ces adolescents
sont bons élèves mais semblent se contenter du minimum : ils
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travaillent bien mais abandonnent lorsque le contenu ne les intéresse pas.
Le quatrième profil, les « estimés », caractérise les adolescents ayant une relation harmonieuse avec leurs pairs. Ces
collégiens sont les plus investit scolairement (25 %).
Ce quatrième profil décrit des adolescents appréciés du fait
de leurs très bonnes compétences sociales. Ils appartiennent à
un groupe dans lequel ils se sentent souvent aimés, reconnus
et soutenus (X2 (48) = 14,32, p < 0,001). Leurs relations sociales
sont assez privilégiées puisqu’ils partagent et échangent sur de
nombreux points (X2 (51) = 7,26, p < 0,01), la solidarité est une
valeur privilégiée dans le groupe (X2 (48) = 9,10, p < 0,01) et ils
mettent en avant le soutien affectif apporté par leurs amis dans la
vie en général (X2 (37) = 7,61, p < 0,01). Ces jeunes ne cherchent
pas à être conformes à leurs pairs puisqu’ils ne font aucun choix
qui irait à l’encontre de leurs valeurs ou idées. Ils témoignent de
comportements sociaux positifs et de bonnes capacités relationnelles. En effet, il est important pour eux d’avoir leur propre
opinion (X2 (39) = 44,00, p < 0,001) et de partager leur point
de vue, de prendre leurs propres décisions (X2 (37) = 54,61,
p < 0,001), etc. sans être influencé par le groupe mais également sans les leur imposer. Également, leurs rapports aux autres
ne sont « jamais » conflictuels (X2 (52) = 8,66, p < 0,01) et ils
ne font pas preuve de comportement de retrait (X2 (28) = 35,80,
p < 0,001) ou d’exclusion (X2 (17) = 18,65, p < 0,001). Leurs
relations aux pairs sont donc positives mais ne tombent pas dans
l’extrême comme pour les adolescents du profil 2 : les réponses
sont plus nuancées, moins exclusives.
Les variables illustratives dépeignent des adolescents très
bons élèves : leur moyenne générale se situe entre 13 et
16 sur 20 (X2 (71) = 4,52, p < 0,05), ils n’ont jamais redoublé (X2 (116) = 7,86, p < 0,01), les professeurs sont satisfaits
d’eux (X2 (61) = 4,01, p < 0,05), ils participent (X2 (89) = 5,08,
p < 0,01), sont attentifs (X2 (25) = 4,93, p < 0,05), aiment
apprendre et comprendre (X2 (25) = 5,08, p < 0,01) et ont une
bonne attitude face aux devoirs et leçons (X2 (51) = 3,68,
p < 0,05). Ils accordent de manière générale une valeur sociale
et scolaire au collège (notamment pour avoir un bon métier),
mais pour eux le collège reste tout de même de temps en temps
« contraignant » : il faut se « plier aux règles » (X2 (44) = 5,31,
p < 0,01). En ce sens, ils intègrent les attentes et exigences institutionnelles du collège sur le plan scolaire.
4. Discussion et conclusion
Cette mise en exergue de cinq statuts sociaux d’adolescents
et de manifestation différenciée d’investissement scolaire
permet tout d’abord de dépasser les conceptions dichotomiques classiques des individus « populaires/rejetés » et en
« échec/réussite ». En effet, les profils mettent en avant différentes formes de relations aux pairs qui se structurent à la
fois sur leur qualité (conflit, soutien, intimité, réciprocité. . .)
mais également sur les compétences sociales mises en avant
par l’isolement/l’ouverture aux autres, la capacité à s’imposer,
à communiquer, à se détacher de la pression des pairs, etc. Ces
relations aux autres vont alors jouer sur l’investissement scolaire notamment via la valeur et le sens accordé à l’école qui se
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L. Hernandez et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 60 (2012) 87–93
construit selon les logiques singulières de l’élève, son histoire,
ses expériences.
La CHD dévoile ainsi comment rapports à l’école et à
l’apprendre peuvent être infléchis par les modes de relations
aux pairs. Cette catégorisation en profils spécifie et étaye le rôle
de l’influence des pairs sur l’investissement scolaire.
En définitive, ce sont les adolescents ayant les relations les
plus extrêmes avec leurs pairs qui sont les plus désinvestis de
leur scolarité. En effet, lorsque la valorisation par les pairs
devient trop importante et qu’elle dépasse le besoin de reconnaissance par l’école, elle devient problématique pour l’adolescent.
Il s’agit ici de relations soit conflictuelles soit hiérarchiques,
c’est-à-dire basées sur des rapports de force, la recherche de
conformité ou la dépendance affective faisant obstacles aux
apprentissages. Les adolescents « populaires » et/ou « meneurs »
accordent en effet de l’importance aux pairs de façon trop exclusive. Notons que la notion de « popularité » est à comprendre
ici en référence au contexte ou milieu social. S’il est communément admis que les critères de popularité et d’acceptation par les
pairs varient selon les sexes [25,26], nous pensons que le milieu
d’appartenance et le contexte de scolarisation influencent également ces critères. Communément associée à une connotation
positive — et ce, notamment pour les filles — la « popularité »
se baserait sur l’apparence physique, la sociabilité et le succès
scolaire. Dans les collèges issus de l’« éducation prioritaire »,
la popularité naîtrait davantage d’un détachement par rapport
au succès scolaire et de capacités à défier les règles existantes.
Ces adolescents populaires consacrent ainsi toute leur énergie à
plaire au groupe et à y imposer leurs propres règles et valeurs.
Ces attitudes leur octroient une reconnaissance et une assurance
que ne leur apporte pas l’école mais les éloignent des exigences
et des demandes issues de l’institution scolaire. Certains vont
parfois apporter à l’intérieur de la classe des comportements ascolaires (agressivité, dispersion, absentéisme, comportements
perturbateurs, passivité scolaire. . .) à la fois pour détourner
les temps de classe de leur fonction pédagogique, et également pour amuser les autres, plaire au groupe [19]. Ainsi,
le renoncement à la scolarité permet d’éviter l’humiliation,
la frustration et l’angoisse que procure le sentiment d’échec.
Selon Mauger [19], les sanctions, les attestations d’insoumission
à l’ordre scolaire sont donc de véritables trophées pour ces
jeunes.
Les adolescents rejetés ou entretenant des rapports conflictuels avec les autres, subissent, pour leur part, une forte pression
des pairs dont ils n’arrivent pas facilement à se dégager. Ainsi,
les rapports hiérarchiques qu’ils entretiennent, les rapports de
force et la pression qu’ils subissent les obligent à se soumettre
à l’autorité du groupe ou du leader. Comme l’ont montré certains auteurs [16,27], ces rapports (dominants/dominés) sont
négativement associés à la réussite scolaire. Ces adolescents ont
abandonné leur projet, ont changé d’attitude et de comportement
en classe pour se conformer aux normes des pairs, ou pour se sentir acceptés, appréciés et donc intégrés. Malgré les efforts qu’ils
déploient, les adolescents rejetés n’arrivent pas à obtenir de leurs
pairs un regard positif sur eux. Il résultera souvent de ce rejet une
image négative d’eux-mêmes et un jugement défavorable de leur
personne [28]. En outre, comme nous l’avons vu dans le premier
profil, certains useront parfois de l’agressivité (conflits, disputes)
pour se faire une place au sein des groupes. En effet, plusieurs
auteurs ont souligné les problèmes d’adaptation personnelle et
sociale des enfants rejetés par les pairs. C’est le cas de Vitaro
et al. [28] qui répertorient l’agressivité-hyperactivité, l’anxiété
et l’isolement social comme des comportements habituels chez
ces jeunes.
Par ailleurs, les adolescents réussissant le moins bien sur
le plan scolaire considèrent le collège seulement comme un
amusement, une contrainte ou dans la perspective d’un futur professionnel. Pour eux, la scolarité devient une course d’obstacles
pour réussir, ce qui ne leur permet pas d’accéder au sens des
tâches scolaires, au plaisir d’apprendre.
Enfin, les élèves qui réussissent le plus sont les élèves
« solitaires » et ceux qui ont des relations équilibrées avec leurs
pairs. En ce qui concerne les élèves solitaires, la CHD met en
exergue le peu d’intérêt que ces adolescents consacrent à l’amitié
et les faibles habiletés sociales dont ils font preuves. Nous pouvons faire l’hypothèse que ce sont des adolescents qui après
plusieurs tentatives infructueuses pour intégrer un groupe se
sont repliés sur eux-mêmes, ou bien que ce sont des adolescents se sous-estimant, qui ne développent pas leur sociabilité.
Également, le fait de ne pas céder à l’intimidation des pairs, de
ne pas rechercher la conformité, la fusion et donc de se démarquer, favorise et accentue la mise en retrait à l’égard du groupe.
L’étude montre que ces élèves sont plutôt bien investis dans leur
scolarité. Lecomte [29] confirme en effet que les adolescents
souffrant de solitude sont en général « très exigeants vis-à-vis
d’eux-mêmes » et sont souvent « des élèves brillants qui n’ont
pas les mêmes centres d’intérêts que le groupe ». Les adolescents
ayant des relations harmonieuses aux pairs sont ceux qui arrivent
à ajuster leurs relations sans tomber dans l’extrême adhésion et
dont les rapports, égalitaires, sont basés sur l’intimité, le soutien
et le partage. Leur statut est considéré comme « normal » de par
leurs compétences sociales adaptées. Ces adolescents sont ceux
qui sont les plus investis dans leur scolarité et qui accordent le
plus de valeur aux apprentissages. Le fait d’être apprécié des
autres et d’interagir positivement avec eux offre en effet un soutien et une sécurité émotionnelle, favorables à une disponibilité
cognitive permettant de réussir scolairement. Ces élèves n’ont
surtout pas abandonné les attentes et les valeurs que cherchent
à transmettre l’école (notamment le plaisir d’apprendre et de
comprendre) au profit de celles des pairs.
Pour conclure, cette étude réaffirme le rôle essentiel des pairs
dans la scolarité des adolescents. Elle insiste sur le fait que le
rôle des amis n’est donc pas de façon exclusive, soit positif,
soit négatif : celui-ci dépend de la structure du groupe, de sa
cohésion, de son fonctionnement, du type d’engagement dans
la relation, des normes et des valeurs qui y sont imposées et par
conséquent de ce que l’élève va élaborer de sa relation aux autres
[16,27].
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
L. Hernandez et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 60 (2012) 87–93
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