Dossier n°28. L`avenir de l`élevage en France Quelques chiffres • 19

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Dossier n°28. L`avenir de l`élevage en France Quelques chiffres • 19
Dossier n°28. L'avenir de l'élevage en France
Quelques chiffres
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19 : c'est la part, en pourcentage, de la production française dans la production agricole
européenne
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474 000 : c'est le nombre d'exploitations agricoles en France
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220 376 : c'est le nombre d'élevages en France
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10 000 : c'est le nombre d'agriculteurs quittant la profession chaque année
En résumé. : L'avenir des éleveurs français est aujourd'hui incertain. Selon les estimations fournies
par l'Institut de l'élevage, les éleveurs laitiers ne devraient plus être que 30 000 dans vingt ans, soit
deux fois moins qu'aujourd'hui et six fois moins qu'en 1995. En cause, la baisse constante de leurs
revenus et la superpuissance de la grande distribution. Les éleveurs de bovins ne sont pas mieux
lotis, la consommation de viande bovine ayant diminué de 25% entre 1980 et 2012. Dans les deux
cas, les normes environnementales et administratives ainsi que la fin des quotas laitiers ne font
qu'aggraver la situation en freinant le développement des exploitations et en ralentissant la
modernisation des structures. Face à ce déclin progressif, la nécessité de rendre les éleveurs français
attractifs devient urgente et doit passer, au-delà d'une baisse des charges, par une responsabilisation
des consommateurs.
LES ELEVEURS A L'AGONIE
Les exploitations agricoles consacrées à l'élevage sont en plein affaiblissement. Les cheptels diminuent ainsi
que les revenus des éleveurs. Les plus touchés sont les éleveurs laitiers dont les bénéfices annuels après
déduction des charges ne devraient pas dépasser les 2 500 euros à la fin de l'année 2016. Malgré l'importance
de la production laitière dans l'élevage français (36%), le nombre d'éleveurs est en chute libre. A l'origine de
cet effondrement, la concurrence européenne et mondiale accrue à laquelle les producteurs ne semblaient pas
préparés lors de la levée des quotas laitiers en avril 2015.
Les exploitants de viande bovine sont également atteints par cette crise car ils dépendent directement des
producteurs laitiers dont les vaches de réforme constituent la moitié du bœuf vendu dans les rayons de la
grande distribution. De ce fait, ils ne vendent leur production que 3,55 euros le kilo, soit seulement un euro de
plus que la viande de réforme, pour rester compétitifs. Malgré cet effort, leurs revenus annuels stagnent autour
des 10 000 euros, sachant que leurs recettes sont composées à environ 80% des aides européennes.
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Seuls les éleveurs porcins et de volailles semblent survoler la crise, notamment en raison de la hausse de la
demande chinoise qui permet une légère hausse des recettes.
LES NOUVELLES NORMES AU CŒUR DU PROBLEME
Les insatisfactions et les requêtes des éleveurs ne sont pas récentes comme le montrent les nombreuses
manifestations ayant eu lieu ces dernières années, notamment chez les producteurs laitiers. Elles ciblent à la
fois l'Union européenne et les dirigeants français dont les normes mettent en péril le futur de l'agriculture dans
sa totalité. Le mouvement s'est accéléré en avril 2015 lors de la suppression des quotas laitiers dont l'objectif
était initialement de contrer l'effondrement des prix du lait qui menaçait la survie économique des éleveurs de
vaches laitières. Cette suppression a entraîné une concurrence accrue au niveau européen dont les producteurs
français ont majoritairement pâti. Peu compétitifs face aux éleveurs irlandais ou néerlandais qui ont envahi le
marché, les éleveurs français ont vu le prix du litre descendre à 30 centimes, soit 5 centimes au-dessous du
coût de revient. En conséquence, les éleveurs de vaches laitières ont réduit la taille de leur cheptel, fournissant
ainsi une viande de réforme à des prix plus attractifs que les viandes de races et affaiblissant ainsi les éleveurs
de bovins.
Le fonctionnement de la politique agricole commune (PAC) est également visé par les éleveurs qui craignent
des retards dans le versement de l'aide. Bien que l'Etat fasse en sorte de verser à l'avance les sommes destinées
aux agriculteurs français, soit plus de 9 milliards d'euros, des erreurs dans les déclarations pour l'obtention des
aides entre 2008 et 2012 ont retardé le paiement pour de nombreuses exploitations qui peinent déjà à faire des
bénéfices.
Les normes internes sont aussi dans le viseur des producteurs français, très critiques à l'égard de la
prolifération de dispositions environnementales et administratives qui étouffent l'activité des structures
d'élevage. Les initiatives sont bridées par des démarches sans fin qui empêchent les éleveurs d'être innovants
dans la gestion de leur exploitation.
RESPONSABILISER LES CONSOMMATEURS
Pour inverser la tendance et relancer la productivité des éleveurs, une prise de conscience s'impose chez les
consommateurs. Comme l'énonce Michel Barnier, ancien ministre de l'Agriculture, « la question agricole n’est
pas seulement celle des agriculteurs. C’est une question de société. Car derrière leur travail difficile, il existe
des enjeux qui intéressent tous les citoyens : la sécurité alimentaire, l’aménagement du territoire, la
préservation de la biodiversité ». Il milite pour une hausse des prix « de la part de ceux qui transforment les
produits, mais aussi de ceux qui les distribuent et donc des consommateurs ». En effet, les éleveurs subissent
la domination de la grande distribution qui argue du refus des consommateurs de voir les prix du lait ou de la
viande augmenter. Inciter les clients à consommer mieux et valoriser la qualité des produits français serait
donc un premier pas bénéfique vers l'amélioration des conditions économiques des éleveurs face aux industries
laitières surpuissantes et aux grands groupes de distribution.
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COMMENT MODERNISER LES STRUCTURES D'ELEVAGE ?
Les outils de production sont de plus en plus techniques et donc de plus en plus onéreux. De fait, les éleveurs
ne peuvent investir dans ces dispositifs qui amélioreraient leur rendement et sont incapables d'assumer la
chaîne complète de leur production. En outre, les constructions elles-mêmes nécessitent une modernisation
dont le coût est actuellement impossible à supporter pour les agriculteurs. La taille et la vétusté de certains
bâtiments sont un poids, notamment pour les petits exploitants qui n'ont pas les moyens d'entretenir leur
structure. L'investissement est donc nécessaire mais, privé ou public, il tarde à venir.
Malgré tout, un premier pas a été accompli avec une baisse des charges en février dernier. Si cette baisse se
poursuit, les éleveurs auront bientôt la possibilité d'investir dans de nouveaux équipements plus performants.
Le financement participatif est également mis en avant comme nouvelle voie d'investissements dans le milieu
agricole. Aux agriculteurs de se mettre en avant et de porter des projets novateurs pour attirer l'argent privé.
RENDRE LES ELEVEURS ATTRACTIFS ET PRODUCTIFS
Les élevages français doivent profiter des nouvelles technologies mises à leur disposition pour améliorer leur
productivité. Ainsi, et comme le propose Michel Barnier, « il faut travailler sur l’autonomie énergétique des
exploitations ». Les grands espaces dont disposent les exploitations agricoles donnent la possibilité de produire
plus d’énergie renouvelable pouvant constituer une source de gains importante. La possibilité de construire des
méthaniseurs pour récupérer du méthane à partir du fumier en décomposition est aussi une solution nouvelle
permettant une autonomie des structures d'élevage.
Cécile Imart, vice-présidente des Jeunes agriculteurs, milite pour « valoriser les produits et reprendre en main
tous les outils qui devaient aider les agriculteurs à être performants et qui leur ont échappé : les coopératives,
les Safer, la Mutualité sociale agricole, les partenaires financiers… ». Dans cette lignée, de nombreux éleveurs
de viande bovine tentent déjà de mettre en avant la qualité de leurs produits et d'inciter les bouchers,
restaurateurs et supermarchés locaux à privilégier les circuits courts. Les producteurs laitiers, quant à eux,
cherchent à se libérer de l'emprise des industries laitières en créant leur propre marque de lait comme « Le lait
du consommateur » ou « Faire France, lait équitable ». Si ces initiatives sont un début vers le retour de la
compétitivité, faut-il encore que les gouvernants tiennent leurs promesses de simplification des normes qui
étranglent les éleveurs français.
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