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À propos de l’article de Mikael Molet : le point de vue
d’un neurobiologiste
Georges Chapouthier
Enfance / Volume 2012 / Issue 04 / January 2013, pp 441 - 442
DOI: 10.4074/S0013754512004077, Published online: 16 January 2013
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Georges Chapouthier (2013). À propos de l’article de Mikael Molet : le point de vue d’un
neurobiologiste. Enfance, 2012, pp 441-442 doi:10.4074/S0013754512004077
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À propos de l’article de Mikael Molet : le point
de vue d’un neurobiologiste
Georges CHAPOUTHIER
L’article de Mikael Molet vise à suggérer des effets secondaires très négatifs
de la technique dite du packing. « À partir d’un raisonnement argumenté, nous
suggérons que le packing a de fortes chances de produire des effets secondaires
qui entraîneraient l’apparition de troubles. . . », conclut l’auteur, qui affirme « qu’il
y a de bonnes raisons pour être formellement opposé à l’utilisation du packing ».
D’un point de vue neurobiologique, je serais beaucoup plus nuancé. Sans exclure
les effets négatifs possibles du packing, dont je ne suis nullement spécialiste, je
voudrais souligner que le « raisonnement argumenté » de l’auteur n’a pas, pour
autant, valeur de preuve et que sa conclusion mérite d’être beaucoup plus relative.
En ce qui concerne les effets physiques du refroidissement superficiel, les
conséquences que l’auteur évoque restent du domaine du « peut-être ». Certes
j’accepte le point de vue de Tordjman et de ses collaborateurs, selon lequel
l’autisme peut se traduire par des sensations douloureuses que le sujet n’arrive
pas à gérer. Reste à savoir si effectivement le refroidissement, dans les conditions
où il est pratiqué, induit ou accroît une telle sensation douloureuse, avec toutes
les conséquences possibles sur les neurotransmetteurs. On pourrait, en effet,
tout aussi bien, faire l’hypothèse inverse, à savoir que le refroidissement reste
superficiel et non douloureux et qu’en outre, comme l’enveloppe froide produit
une distraction, la formation réticulée, dont la fonction est justement de trier les
impulsions pertinentes qui arrivent au cortex cérébral, élimine pour un temps,
les impressions de sensation douloureuse qui, dans la vie quotidienne, assaillent
parfois le patient. Faute d’arguments expérimentaux, aucune des deux hypothèses
ne me paraît mieux étayée que l’autre.
D’autre part, en ce qui concerne les effets psychologiques, je n’approuve
pas le rapprochement que formule l’auteur entre packing chez l’homme et
résignation acquise (learned helplesness) chez l’animal. Le packing s’effectue dans
un environnement « ami », où la prévision de l’enfant, a fortiori dès la seconde
fois, mais probablement dès la première, est que l’enveloppement n’aura qu’un
temps. Je pense que ça n’a que peu de rapport avec l’impression que peut
ressentir un animal dans les situations, particulièrement violentes, de résignation
acquise telles qu’elles sont pratiquées dans les laboratoires. Le principe des
expériences effectuées sur les animaux est de délivrer, de manière très répétitive,
des chocs électriques désagréables et inévitables. Chez le rat ou le chien, des
auteurs administrent, en une seule session, jusqu’à 80 à 90 chocs électriques de
1 à 6 mA. Finalement l’animal se « résigne » à ne plus rien faire, ne cherche
plus à éviter les chocs et, si on lui présente une possibilité de s’échapper, il
n’en profite pas et reste sur place « résigné ». Certes personne ne met en
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Georges CHAPOUTHIER
doute le caractère particulièrement nociceptif, dépressiogène et anxiogène de ces
expériences (même si les auteurs qui travaillent sur les animaux font plus souvent
référence au stress induit qu’à l’anxiété proprement dite). Mais peut-on étendre
sans nuance la comparaison au packing des patients humains ? Par analogie avec les
expériences sur l’animal, Molet interprète le packing comme un état où le patient
« ne peut ni contrôler ni échapper à une situation anxiogène (enveloppement froid
serré) ». Contrairement aux données chez l’animal, cette interprétation, comme
d’ailleurs l’interprétation qui en est tirée des conséquences qui en découlent sur la
réduction de l’automutilation, voire sur la démotivation, restent, à mon avis, très
largement hypothétiques et mériteraient confirmation. Bref, je ne suis pas, dans
ce cas, convaincu par l’analogie avec les expériences effectuées sur les animaux,
ces dernières me paraissant, dans leur conception, beaucoup plus violentes et
nociceptives que ne pourrait l’être le packing.
En conclusion, je ne conteste pas l’intérêt des réflexions de Molet, mais je leur
dénie le caractère impératif et dogmatique qui voudrait qu’elles amènent à être
« formellement opposé » au packing. Ces réflexions sont des pistes qui offrent des
possibilités, certainement pas des certitudes. Elles suggèrent que seuls d’autres
travaux expérimentaux peuvent conduire à répondre clairement à la question de
l’utilité du packing.