Contraintes financières et ordre de financement hiérarchique des

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Contraintes financières et ordre de financement hiérarchique des
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In Économies et Sociétés, Série « Systèmes agroalimentaires »,
AG, n° 35, 11-12/2013, p. 1909-1929
Contraintes financières et ordre de financement
hiérarchique des entreprises agroalimentaires :
une approche par données d’enquête
Julien Cadot
Griisg, ISG Paris
Jean-Laurent Viviani
IGR, Université de Rennes 1
À partir de données d’enquêtes auprès d’entreprises agroalimentaires du Languedoc-Roussillon, notre recherche remet en question la
relation supposée entre recours privilégié à l’autofinancement et
contraintes financières ainsi que l’idée selon laquelle les coopératives
seraient particulièrement contraintes financièrement. Cependant les
contraintes financières qui pèsent sur les filiales de coopératives
pourraient expliquer la concomitance de surcapacités de production et
d’un sous-investissement chronique en marketing.
Through direct observations on a sample of Languedoc-Roussillon
(France) agribusiness firms, our research contradicts the conventional
view of a positive relationship between internal finance and financial
constraints as well as the idea that cooperatives are financially constrained. However, our results suggest that cooperatives’ subsidiaries
face strong financial constraints. This can explain the coexistence of
overinvestment in production capacity and underinvestment in marketing.
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INTRODUCTION
Le rationnement du capital, défini comme la situation dans laquelle
les entreprises trouvent l’accès au financement trop difficile ou trop
coûteux [Greenaway et al. (2007)], est souvent évoqué par les professionnels et les pouvoirs publics mais aussi la recherche académique
[Audretsch et al. (2002) ; Carpenter et Petersen (2002)] comme une
contrainte majeure au développement des PME. Cette contribution
s’interroge sur les liens entre les modes de financement et le rationnement du capital. Une meilleure compréhension de ces interrelations
offrira un éclairage nouveau sur le comportement d’investissement des
PME agroalimentaires que nous spécifierons selon le type de gouvernance de ces entreprises : entreprises à capital fermé, entreprises à
capital ouvert, coopératives et filiales ou groupements de coopératives.
Il s’agit ici de considérer la diversité des structures de gouvernance
caractéristiques du secteur agroalimentaire [Boland et al. (2008)].
La théorie du financement hiérarchique [Myers et Majluf (1984) ;
Myers (1984)] selon laquelle les managers privilégient tout d’abord les
sources internes de financement, puis l’endettement et, finalement, le
financement par capitaux propres, et la théorie du rationnement du crédit [Stiglitz et Weiss (1981)] sont toutes les deux fondées sur le postulat d’asymétrie informationnelle entre investisseurs et managers. Les
managers connaissent la valeur des opportunités d’investissement, ce
qui n’est pas le cas des apporteurs des capitaux. L’asymétrie d’information peut également porter sur le comportement des dirigeants. Fazzari, Hubbard et Petersen (1988) ont établi un lien direct entre
contraintes financières et la théorie du financement hiérarchique en
introduisant les coûts informationnels du financement externe dans un
modèle standard d’investissement. En effet, selon la théorie financière
standard, les choix d’investissement devraient être indépendants de
leurs modes de financement. Mais du fait des asymétries d’information, le coût des financements externes devrait être supérieur à celui du
financement interne. Par conséquent, les entreprises devraient attendre
de disposer de suffisamment de ressources internes avant d’entreprendre un investissement. C’est pourquoi la sensibilité des investissements aux cash flows constituerait une mesure robuste des contraintes
financières. Ce résultat est à l’origine d’une littérature empirique abondante sur les contraintes financières. Devenue une mesure standard de
la contrainte financière (plus la sensibilité est élevée, plus la contrainte
est forte), cette sensibilité serait plus forte et significative pour les
PME (cas de notre échantillon) car l’asymétrie d’information serait
plus forte [Bond et al. (2003)].
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Mais Kaplan et Zingales (1997) et Cleary (1999) ont fortement
contesté la pertinence de la mesure. Ils démontrent que la sensibilité
des investissements aux cash flows ne varie pas de façon monotone
avec l’intensité des contraintes financières. Autrement dit, la relation
entre une préférence pour l’autofinancement et les surcoûts informationnels des financements « externes » ne serait pas univoque. Plusieurs raisons sont évoquées.
La situation financière de l’entreprise peut altérer la relation entre
sensibilité des investissements aux cash-flows et contraintes financières [Cleary et al. (2007)]. En effet, la sensibilité des investissements
aux cash flows peut-être négative pour les entreprises en difficulté
financière car investir peut être la seule issue pour se tirer de difficultés financières (ce que la littérature anglo-saxonne nomme le gamble
for resurrection). Mais cette sensibilité peut aussi être positive pour les
entreprises dont le cash est abondant. En effet, l’effet d’une augmentation des cash flows sur la capacité d’investissement peut être amplifié
par l’augmentation de l’accès à des capitaux externes [Baghat et al.
(2004) ; Moyen (2004)]. Par ailleurs, Alti (2003) propose un modèle
sans contraintes financières (pas d’asymétrie d’information) où la sensibilité des investissements aux cash flows varie avec l’âge des entreprises. La sensibilité de l’investissement aux cash flows dépend également de la nature de l’investissement. En effet, selon Hall (1992) les
investissements en actifs tangibles réagissent plus que les investissements en R&D. Pour Almeida et Campello (2007), les entreprises
contraintes financièrement peuvent être incitées à investir dans des
actifs tangibles, de sorte que la sensibilité des investissements aux cash
flows croît avec la tangibilité des actifs. Ce dernier point a ceci d’intéressant qu’il réconcilie deux phénomènes que Chaddad et Cook (2005)
perçoivent comme contradictoires : la prévalence de contraintes financières et la surcapacité des entreprises coopératives US.
La mise en œuvre empirique de l’étude des contraintes financières
par la sensibilité des investissements aux cash flows comporterait des
biais d’endogénéité difficiles à contourner, notamment du fait que les
cash flows contiennent des informations pertinentes sur les opportunités d’investissement de l’entreprise [Gomes (2001)]. Moyen (2004)
avance une autre explication : une relation positive entre l’investissement et les cash flows pourrait être générée car le niveau de dette est
corrélé aux cash flows mais n’est pas pris en compte dans les régressions.
Pour toutes ces raisons, l’analyse des contraintes financières par des
mesures directes reste d’une importance fondamentale [Kaplan et Zin-
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galès (1997)]. La première contribution du papier est de proposer et
d’analyser, suivant en cela Hyyten et Vaanen (2006), une mesure
directe de la contrainte financière.
Les données « directes » dont nous disposons ont été obtenues par
questionnaire dans le cadre du projet « Enquête Entreprises Agroalimentaires du Languedoc Roussillon 2010, Montpellier SupAgro,
UMR Moisa », dont l’objectif est d’identifier à la fois l’environnement, les ressources et les comportements stratégiques des entreprises
agroalimentaires du Languedoc-Roussillon. L’aspect financier n’est
pas négligeable. Le questionnaire1 permet notamment de distinguer les
contraintes financières et l’ordre de préférence des ressources financières envisagées. Nous sommes également en mesure de distinguer
les entreprises en difficulté financière, d’établir des indicateurs de tangibilité et de gouvernance.
Une deuxième contribution de cette recherche est d’explorer le lien
entre la hiérarchie des financements (sources de financement privilégiées) et la contrainte financière (risques perçus sur l’obtention ou le
coût des financements). La littérature empirique fournit un certains
nombre de résultats concernant la sensibilité des investissements aux
cash flows et diverses variables liées aux contraintes financières [voir
par exemple Kaplan et Zingales (1997) ou Cleary (1999)] mais le lien
entre les sources de financement privilégiées et les contraintes financières n’a, à notre connaissance, jamais été étudié par données d’enquête.
Notre troisième contribution porte sur l’impact des structures de
gouvernance sur le mode de financement et les contraintes financières
des entreprises. Deux types d’entreprises sont caractéristiques du secteur agroalimentaire, les entreprises coopératives et les PME familiales
[Boland et al. (2008)]. La gouvernance très spécifique des coopératives constituerait un obstacle à l’obtention de ressources financières
externes [Cook (1995)]. C’est dans cette perspective que Chaddad et
Cook (2005) comparent les contraintes financières des coopératives
agroalimentaires américaines et des entreprises commerciales.
L’article est organisé en deux parties : la première consiste en une
présentation des données et une discussion des mesures des variables
d’intérêt. La seconde délivre les résultats des analyses statistiques portant sur la relation entre le financement d’ordre hiérarchique et les
contraintes financières.
1 80% des personnes interrogées sont les directeurs des entreprises considérées. Pour
le reste, il s’agit très majoritairement des directeurs administratifs et financiers puis des
directeurs adjoints ou des directeurs commerciaux.
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I. – DONNÉES ET MESURES
L’enquête « EAA du LR-2010 »2 fournit un éclairage tout particulier sur l’industrie agroalimentaire en Languedoc-Roussillon. Celle-ci
répond à un besoin de statistiques permettant d’avoir une vision plus
représentative de la sphère agroalimentaire régionale que les statistiques officielles, ne prenant en compte que les entreprises de 20 salariés et plus. Une équipe de l’UMR Moïsa, chargée de la direction
scientifique du projet a défini le champ de l’enquête selon une
approche systémique allant de la production agricole en amont à la
commercialisation en aval, et prenant en compte tous les établissements de 3 salariés et plus. Domergue et Couderc (2012) présentent en
détail la méthodologie d’enquête.
I.1. Échantillon
La base de sondage se compose de 1 289 entreprises. L’échantillon en
comprend 322. Sur ces 322 entreprises, 126 sont des coopératives ou
apparentées (soit 39 % de l’échantillon), avec 101 coopératives de premier niveau. 19 sont des filiales de coopératives et 6 des groupements ou
unions de coopératives. Les entreprises de la filière vin constituent le
gros de l’échantillon, avec 129 entreprises (40 % de l’échantillon), tandis que les entreprises des filières fruits et légumes, céréales et produits
animaux représentent respectivement plus ou moins 15 % de l’échantillon. La catégorie « produits divers », regroupant les entreprises non
appartenant aux filières traditionnelles régionales (quelques chocolatiers, fabricants d’arôme, d’épices, de boissons, entreprises livrant des
repas à des collectivités, etc.), est la moins importante en effectif.
TABLEAU 1
Statut et filières des entreprises enquêtées
Vins
Fruits et Céréales Produits Produits
légumes
animaux divers
Entreprises commerciales
Coopératives stricto sensu
Contrôlées par un groupe
coopératif
Groupe ou unions
de coopératives
35
79
33
15
37
2
57
3
10
1
3
5
5
1
Total
129
50
34
2
Total
196
101
19
6
42
65
36
322
Données : EAA du LR – 2010
2 Enquête certifiée par le label d’intérêt général et de qualité statistique du Conseil
national de l’information scientifique.
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En plus de répondre au questionnaire sur les aspects stratégiques de
leur activité, les entreprises enquêtées ont fourni leurs comptes sociaux
sur les années 2007-2008-2009. Ceux-ci ont été complétés par des
extractions de la base de données financières Diane3 sur les années
2003 à 2006. Le tableau 2 donne une idée de la taille moyenne de ces
entreprises par filières et de la répartition de ces entreprises.
TABLEAU 2
Chiffre d’affaires moyen par filières, en k€
Moyenne
Écart-type
N
Vins
Fruits et légumes
Dérivés des céréales
Prod. d’origine animale
Produits divers
11 152
11 488
16 231
8 916
20 465
22 728
17 019
65 928
29 074
39 936
129
50
42
65
36
Total
12457
34062
322
Données : EAA du LR – 2010
I.2. Contraintes financières
Hyytinen et Vaananen (2006) différencient les contraintes financières se traduisant par un surcoût des ressources financières externes
de l’impossibilité d’obtenir les fonds nécessaires pour un investissement donné. Le questionnaire EAA-LR permet une distinction similaire, en différenciant les risques perçus par les entreprises sur les coûts
et les risques de leur financement :
« Dans quelle mesure les risques suivants affectent-ils l’entreprise :
– Le coût des financements (réponse sur une échelle de 1 à 5)
– Le volume des financements (réponse sur une échelle de 1 à 5) ».
TABLEAU 3
Contraintes financières en termes de risques sur le financement
Risques...
... sur le coût des financements ... sur le volume des financements
Très faiblement
Faiblement
Moyennement
Fortement
Très fortement
NSP
85
105
65
40
14
12
83
96
76
37
12
17
Données : EAA du LR – 2010
3 La base de données Diane porte sur l’ensemble des entreprises françaises ayant
publié leurs comptes annuels auprès des greffes des tribunaux de commerce.
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Les réponses montrent que près de 15 % (environ 50) des entreprises
de l’échantillon considèrent que leur financement est risqué, que ce soit
du point de vue du coût des financements ou de leur disponibilité.
I.3. Ordre de financement
L’enquête EAA du LR (2010) fournit un indicateur direct de l’ordre
de préférences des ressources financières via la question suivante :
« Pour financer des investissements importants (et non obligatoires), quelle source de fonds privilégiez-vous ? »
Voir tableaux 4a et 4b ci-après.
Les réponses viennent contredire la théorie du financement d’ordre
hiérarchique de Myers et Majluf (1984) : les entreprises privilégient
l’emprunt à moyen et long terme. C’est la source privilégiée de financement pour près de 42 % des entreprises de droit commercial et 53 %
des coopératives. Environ un tiers des entreprises, qu’elles soient
coopératives ou non, envisagent l’autofinancement comme première
source de financement. Une vraie différence apparaît sur les sources de
financement alternatives à la dette à moyen et long terme et l’autofinancement : les coopératives comptent fortement sur les subventions
tandis que l’acquisition d’actifs par du crédit-bail ou de la locationvente apparaît comme une source substantielle de financement pour les
entreprises de droit commercial.
Quatre groupes d’entreprises ressortent :
– 47 entreprises qui privilégient l’autofinancement et ont ensuite
recours à la dette à moyen et long terme,
– 47 autres qui auraient d’abord recours à la dette à moyen et long
terme puis l’autofinancement,
– 42 qui privilégient l’endettement à moyen et long terme puis les
subventions (très majoritairement des coopératives),
– 33 entreprises qui considèrent la dette à moyen et long terme et le
crédit-bail ou la location comme leurs deux principales sources de
financement.
Les deux derniers groupes d’entreprise ont ceci de particulier
qu’elles ne mentionnent pas l’autofinancement comme source de
financement envisagée. Est-ce par absence de capacité d’autofinancement ? Par volonté de faire jouer à plein l’effet de levier ? Ou d’une
gouvernance particulière les amenant à restituer leurs trésoreries à une
autre entité comme ce serait le cas pour des filiales d’entreprise ? Ce
constat nous amène à constituer deux variables pour caractériser
5
30
3
2
0
0
12
78
9
20
5
1
187
Total
22
1
0
52
2
0
14
4
0
4
28
Empr.
MLT
12
0
0
0
0
5
0
7
Appel
de fonds
3
0
0
0
0
3
0
0
Capital
risque
23
1
0
0
0
15
2
5
Crédit bail,
loc.-vente
14
0
0
1
0
11
0
2
Subv.
0
0
0
0
0
0
0
0
Autre
21
1
1
1
1
9
1
7
NSP
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2
1
5
0
13
Empr.
CT
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40
0
62
Autofinancement
Emprunt
à court terme
Emprunt à moyen
ou long terme
Appel de fonds
auprès
des propriétaires
Crédit bail,
location-vente
Subventions
Autre
Autofin.
Total
Première source
de fonds
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Deuxième source de fonds
TABLEAU 4a
Sources de fonds privilégiées par les entreprises de droit commercial
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17
0
0
5
0
65
2
3
8
1
122
Total
9
0
0
1
0
4
0
24
3
0
0
0
0
2
19
Empr.
MLT
4
0
0
0
0
3
0
1
Appel
de fonds
3
0
0
0
0
3
0
0
Capital
risque
5
0
0
0
1
4
0
0
Crédit bail,
loc.-vente
47
0
0
1
1
31
2
12
Subv.
0
0
0
0
0
0
0
0
Autre
6
0
1
1
0
3
0
1
NSP
CONTRAINTES FINANCIÈRES ET ORDRE DE FINANCEMENT
Données : EAA du LR – 2010
2
6
4
Empr.
CT
13:18
24
0
37
Autofinancement
Emprunt
à court terme
Emprunt à moyen
ou long terme
Appel de fonds
auprès
des propriétaires
Crédit bail,
location-vente
Subventions
Autre
Autofin.
Total
Première source
de fonds
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Deuxième source de fonds
TABLEAU 4a
Sources de fonds privilégiées par les entreprises coopératives
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l’ordre de financement hiérarchique, l’une prenant l’autofinancement
comme référence et l’autre la dette à moyen et long terme. Les deux
variables comportent trois modalités. Celles-ci sont, pour la première
variable :
– 0 quand l’autofinancement n’est pas mentionné dans les 2 premières sources de financement envisagés (159 entreprises),
– 1 quand il n’est envisagé qu’en second lieu, souvent suite à la
dette à moyen et long terme (64 entreprises),
– 2 quand c’est la première source de financement envisagé (99
entreprises).
Et pour la variable prenant la dette à moyen long terme comme référence de l’ordre de financement :
– 0 quand la dette à moyen et long terme n’est pas mentionné dans
les 2 premières sources de financement envisagés (104 entreprises),
– 1 quand la dette à moyen et long terme n’est envisagée qu’en
second lieu, souvent suite à la dette à moyen et long terme (76
entreprises),
– 2 quand c’est la première source de financement envisagée (142
entreprises).
I.4. Déterminants de la sensibilité des investissements
aux cash flows et des contraintes financières
I.4.1 Situation financière
La situation financière des entreprises a un impact sur le comportement d’investissement. S’il est standard de considérer que les difficultés financières devraient impliquer un rationnement des financements
[Cleary (1999)], nous avons vu en introduction que les managers peuvent avoir intérêt à investir quand l’entreprise est en difficulté financière. Nous utilisons comme indicateur de difficultés financières le
score AFDCC 24 calculé à partir des données financières de 2009. Pour
Fusier (2005), les entreprises pour lesquelles le score est inférieur à 2
4 Le score AFDCC 2 a été établi par l’Association française des Credit-Managers
(AFDCC) et calibré par le Bureau Van DijK, éditeur de la base de données Diane. Il
prend en compte la taille, la marge opérationnelle (EBIT/CA), l’impact financier
(charges financières/CA), le fonds de roulement (en jours de CA), la trésorerie nette (en
jours de CA), la capacité de financement (cash flows / (endettement moyen + % CA +
% fonds propres).
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présentent un risque très élevé de défaillance. Ce sont les entreprises
que nous considérons comme contraintes financièrement.
I.4.2 Gouvernance
Il est aisé de distinguer les coopératives de premier niveau des
entreprises commerciales. En plus de cela, le questionnaire EAA-LR
permet d’identifier les filiales de coopératives que nous considérerons
comme des entreprises apparentées aux coopératives, avec les unions
et les groupements de coopératives.
Ensuite, il est également nécessaire de différencier les entreprises
dont le capital est ouvert de celles dont le capital est fermé, ce que permettent les réponses à la question suivante : « Le capital de l’entreprise
est-il détenu à plus de 98 % par la famille du dirigeant ? ».
Notons que parmi les 196 entreprises de droit commercial, 127 sont
des entreprises détenues à plus de 98 % par la famille du dirigeant, soit
65 %. 99 le présentent comme une volonté d’indépendance tandis que
9 considèrent que les banques prêtent suffisamment et 7 qu’elles disposent des ressources financières suffisantes. Parmi les 69 entreprises
dont le capital est ouvert, 33 répondent que la raison principale est le
besoin de fonds pour financer la croissance de l’entreprise, 20 ne
savent pas donner la raison et 12 l’expliquent par une autre raison
(1 LBO et partage de l’entreprise avec associés non familiaux).
Dans la suite de l’article, nous considérerons la gouvernance selon
quatre modalités qui pourront être des variables dummy pour isoler
l’effet de chacune de ses modalités sur la variable étudiée :
– l’entreprise familiale dont plus de 98 % du capital appartient à la
famille du dirigeant,
– l’entreprise à capital ouvert,
– les coopératives,
– les apparentées aux coopératives (filiales de coopératives et
unions et groupements de coopératives).
I.4.3 Tangibilité
La tangibilité des actifs constitue l’un des déterminants du comportement d’investissement du fait de la possibilité de les utiliser comme
contreparties financières [Almeida et Campello (2007)]. La difficulté
consiste à mesurer la tangibilité. Almeida et Campello (2007) proposent plusieurs options :
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– un score basé sur la structure de l’actif,
– une mesure de la redéployabilité des actifs par secteurs,
– une mesure de la cyclicité des secteurs (covariance historique des
ventes et du PNB réalisée par Sharpe 1994].
Nous reprenons cette démarche en calculant la variable « tangibilité » proposée par Almeida et Campello (2007) à partir de la mesure
proposée par Berger et al. (1996).
Tangibilité = [Disponibilités + (0,715 * Créances Clients + 0,547 *
Stocks nets + 0,535 * Immobilisations Nettes)] / Total Actifs
Selon cette mesure, la tangibilité des actifs est à peu près équivalente pour chacune des filières, la valeur liquidative des actifs est en
moyenne égale à 40 % du total des actifs, avec un écart-type compris
entre 10 et un peu plus de 15 %.
Nous pouvons également proposer une mesure de la redéployabilité
des actifs par filières en supposant que plus le nombre d’entreprises
engagées dans une filière donnée sur le périmètre régional est important, plus la possibilité de redéploiement de ces actifs est importante.
L’enquête nous permet de déterminer le nombre d’entreprises par
filières. Il nous semble toutefois nécessaire de prendre en compte l’hétérogénéité des entreprises au sein de chacune des filières. Pour cela,
on peut se référer à une donnée qualitative, les réponses à la question
ouverte suivante :
« Pouvez-vous définir le métier de votre entreprise en quelques mots ? ».
Force est de constater une certaine homogénéité des filières vins et
fruits et légumes mais de fortes différences de métiers intra entreprises
pour les autres filières. Cette hétérogénéité se reflète d’ailleurs dans la
dimension des entreprises : les écart-types de chiffre d’affaires sont
bien plus importants dans les filières « céréales », « animaux » et
« divers » que dans les filières fruits et légumes ou vins. Nous proposons donc un classement par filière reflétant à la fois l’hétérogénéité et
l’importance de la filière dans l’économie régionale afin d’obtenir un
indicateur de la tangibilité des actifs :
– 0 pour la filière « divers »,
– 1 pour les filières « céréales » et « animaux »,
– 2 pour la filière « fruits et légumes »,
– 3 pour la filière « vins ».
Le tableau 5 dresse le bilan des variables utilisées.
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TABLEAU 5
Variables, indicateurs et mesures
Variable
Contraintes
financières
Indicateur
Risque sur
le coût des
financements
Risque sur le
volume des
financements
Ordre de
Source de
financement financement
hiérarchique
Difficultés
financières
Scores
Gouvernance Structure
du capital
Tangibilité
Code
Mesure
CONTFINCO
Contraintes : « fort » et « très fort »
Non contraintes : « faible » et très
faible
CONTFINVOL Contraintes : « fort » et « très fort »
Non contraintes : « faible » et très
faible
OFH
Autofinancement 1er : 3
Autofinancement 2ème : 2
Autofinancement 3ème : 1
OFH2
Emprunt à MLT 1er : 3
Emprunt à MLT 2ème : 2
Emprunt à MLT : 1
DIFF_FIN
Score AFDCC 2 < 2
(variable binaire) 2009
DIFF_FIN
Score AFDCC 2 < 2
(variable binaire) 2008
STRUCCAP
STRUCCAP = 0 si capital fermé
1 si capital ouvert
2 si apparenté coop.
3 si coopérative
Valeur
de liquidation
TANG
Score de Berger et al.
Redéploiement
(secteurs)
TANG2
0 – Filière Divers
1 – Filières Céréales et animaux
2 – Filières F&L
3 – Filières Vins
II. RÉSULTATS
II.1. Analyses bivariées
L’analyse bivariée ne met pas en évidence de lien significatif entre
ordre de financement hiérarchique, autrement dit, le recours à l’autofinancement, et les contraintes financières.
Les difficultés financières ont un impact significatif sur la probabilité d’être contraint en termes de coût, ce qui est assez logique : la
banque détermine le taux d’intérêt selon le risque pris et perçu via les
données financières. En revanche, et de façon surprenante, les difficultés financières ne sont pas significativement associées à une contrainte
financière en termes de volume.
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La gouvernance a également un effet significatif sur les contraintes
financières : les entreprises à capital ouvert sont significativement
moins contraintes en volume des financements que les entreprises à
capital fermé. Les coopératives ne sont pas plus contraintes que les
entreprises familiales. Plus surprenant, les coopératives sont significativement moins contraintes que les entreprises familiales lorsque la
contrainte est considérée en termes de coût.
La gouvernance des entreprises est aussi associée à l’ordre de financement hiérarchique : les entreprises à capital ouvert privilégient significativement la dette à moyen long terme par rapport aux entreprises
familiales. Les coopératives tendent également à privilégier l’endettement (p-value entre 10 et 15 %).
Enfin, la tangibilité, calculée à partir du ratio de valeur liquidative,
n’est pas associée aux contraintes financières ni à l’ordre de financement hiérarchique.
TABLEAU 6
Analyses bivariées
Contraintes Ordre de financement
financières
hiérarchique
Volume Coût
AutoDette à
financement MLT
Ordre de fin.
hiérarchique (1)
Difficultés (2)
Gouv. (1)
Tangibilité
Autofinancement
Dette à MLT
...financières
...financières N-1
... familiale
... ouverte
... app. Coop
... coopératives
... score (3)
... sectorielle (1)
NS
NS
NS
NS
Ref
NS
NS
NS
NS
NS
NS
+++
++
Ref
-NS
-NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
NS
----NS
NS
Ref
++
NS
NS
NS
NS
(1)Test exact de Fisher : relation positive/négative et significative à 10 % (+/-), 5 %
(++/—), 1 % (+++/—-)
(2)Test de Pearson : relation positive/négative et significative à 10 % (+/-), 5 % (++/—),
1 % (+++/—-)
(3)Test de Student : relation positive/négative et significative à 10 % (+/-), 5 % (++/—),
1 % (+++/—-)
Dans le test exact de Fisher, l’item référence de la variable catégorielle est désigné par
le terme ref
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L’analyse bivariée montre que les contraintes financières sont significativement corrélées aux difficultés financières rencontrées par les
entreprises et à leur gouvernance. C’est moins le cas pour l’ordre de
financement hiérarchique : seul l’indicateur construit avec la dette à
moyen long terme comme source de financement privilégiée a une
relation significative avec la gouvernance et avec la variable sectorielle
de tangibilité. L’analyse de la relation entre les deux variables nécessite la prise en compte des difficultés financières, de la gouvernance et
des différences sectorielles potentielles. Il faut donc réaliser une analyse multivariée.
II.2. Analyses multivariées
L’analyse multivariée (modèle logit) montre que l’ordre de financement hiérarchique et les contraintes financières sont significativement
corrélés, toute chose égale par ailleurs. Par contre, contrairement à ce
que l’approche conventionnelle des contraintes financières (celle initiée par Fazzari Hubbard et Petersen (1988)) suppose, les entreprises
qui privilégient l’autofinancement sont les entreprises les moins
contraintes financièrement et ce, que la contrainte soit considérée en
termes de volume ou de coûts. Ces résultats vont dans le sens de
Kaplan et Zingales (1997) ou encore Cleary (1999) : les entreprises
non contraintes financièrement ont aussi tendance à utiliser l’autofinancement pour investir, de sorte que la sensibilité des investissements
aux cash flows n’est pas nulle. Elle est même, pour ces deux contributions, supérieure à celle des entreprises contraintes financièrement.
Les résultats sur la relation entre gouvernance et contraintes financières remettent aussi en question une idée largement répandue : les
coopératives apparaissent comme significativement moins contraintes
en volume que les entreprises familiales. Ce résultat va à l’encontre de
l’hypothèse de Cook (1995), ainsi que des résultats obtenus par Chaddad et Cook (2005), qui établissent que les coopératives sont
contraintes financièrement. La contradiction de ce résultat avec celui
de Chaddad et Cook provient sans doute de la méthode de mesure de
la contrainte. Elle n’est d’ailleurs pas surprenante dans la mesure où
nos résultats mettent en évidence une relation négative entre
contraintes financières et recours à l’autofinancement comme source
privilégiée d’investissement alors que Chaddad et Cook (2005) prennent la sensibilité de l’investissement aux cash flows comme indicateur des contraintes financières.
L’interprétation de ce résultat doit cependant être nuancée. Il ressort
en effet que les entreprises apparentées aux coopératives, filiales ou
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unions et groupements sont fortement contraintes financièrement,
alors même qu’elles ont en charge les fonctions de marketing et de
commercialisation des produits des coopératives5, pour lesquelles les
coûts fixes et les investissements intangibles sont les plus élevés.
Autrement dit, la question des contraintes financières doit peut-être se
poser au niveau de chaque maillon de la chaîne de valeur des groupements coopératifs : les coopératives rencontreraient peu de contraintes
pour les investissements nécessaires au développement et à la modernisation de l’appareil productif mais pourraient en revanche être limitées dans le financement de leurs politiques marketing et commerciales6.
De façon moins surprenante, les entreprises dont le capital est
ouvert sont moins contraintes financièrement, tout du moins en termes
de coût, ce qui est cohérent avec la première raison évoquée pour
expliquer l’ouverture du capital, le besoin de fonds pour financer la
croissance.
Les difficultés financières, mesurées par la probabilité d’être classées comme risquées par le score AFDCC2, ont un impact significatif
sur les contraintes en termes de coût, ce qui confirme les premiers
résultats obtenus par l’analyse bivariée. De façon plus surprenante,
elles n’ont pas d’impact sur les contraintes financières en termes de
volume, ce qui laisse supposer que le rationnement du capital n’obéit
pas aux logiques expliquant un renchérissement du coût du crédit.
L’indicateur sectoriel de tangibilité a un effet significatif sur la probabilité d’être contraint. L’analyse par modalités montre que les entreprises de la filière vin sont significativement plus contraintes que les
autres. Ce résultat contredirait l’hypothèse selon laquelle la tangibilité
réduit la probabilité d’être contraint financièrement [Almeida et Campello (2007)]. Cette interprétation est cependant très contestable : le
nombre de filières considérées n’est pas suffisant pour établir un lien
entre tangibilité intra filières et contraintes financières. Force est de
reconnaître la faiblesse de notre indicateur. Enfin, le fait que les entreprises de la filière vin soient contraintes n’est pas surprenant étant
donné la crise de cette filière qui dure maintenant depuis une dizaine
d’années. Celle-ci se traduit d’ailleurs par des performances finan-
5 Pour une compréhension du phénomène de fililalisation dans les groupes coopératifs, voir Filippi et Triboulet (2003).
6 Notons que, d’un point de vue comptable, les dépenses nécessaires à la réalisation
de la politique commerciale sont essentiellement des charges et non des investissements.
D’un point de vue financier, la distinction nécessite une analyse fine de la structure des
dépenses [Amadieu et Viviani (2011)].
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cières sectorielles médiocres sur la période 2003-2009 [Cadot et
Couderc (2012)].
TABLEAU 7
Contraintes financières et ordre de financement hiérarchique
La variable « contraintes financières » étant binaire, qu’elle soit abordée en
volume ou en coûts, les deux modèles économétriques sont des modèles logit.
Les tests post-estimations assurent la stabilité des résultats : pseudo R2 > 0,12 ;
de plus, la p-value du test de la qualité de l’ajustement (chi2) est supérieur à
0,50 pour les deux modèles.
Contraintes financières
... en volume
... en coûts
(CONTFINVOL) (CONTFINCO)
Ordre de financement hiérarchique (OFH)
Difficultés financières (DIFF_FIN)
Difficultés financières n-1 (DIFF_FIN2)
Capital ouvert (CAPOUV)
Coopératives (COOP)
Apparentées coopératives (APCOOP)
Tangibilité sectorielle (TANG2)
Constante
Number of obs
LR chi2(7)
Prob > chi2
Pseudo R2
–0,9303***
(–2.65)
0,5030
(0.78)
0,7834
(1.21)
–1,0699
(–1.55)
–2,3303**
(–2.50)
4,3902**
(2.23)
0,7623**
(2.48)
–0,7899
(–1.15)
–0,7805**
(–2.25)
1,4905**
(2.17)
0,9386
(1.35)
–1,5015**
(–2.09)
–3,1732***
(–2.91)
5,5918***
(2.64)
0,8337***
(2.61)
–1,4070*
(–1.92)
112
20,0400
0,0055
0,1651
120
30,2700
0,0001
0,2322
Données : EAA du LR – 2010
III. – CONCLUSION
Kaplan et Zingalès (1997) ont eu raison de plaider pour une observation directe des contraintes financières : notre analyse par questionnaire remet en question des idées répandues dans la communauté académique et les pouvoirs publics.
D’abord, la relation positive entre la propension à privilégier l’autofinancement comme ressource financière et les contraintes finan-
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cières perçues en termes de volume et de coût met à mal l’hypothèse
conventionnelle de relation positive entre les contraintes financières et
le recours à l’autofinancement. Notre recherche démontre précisément
l’inverse : les entreprises privilégiant l’autofinancement sont celles qui
se préoccupent le moins d’être contraintes financièrement, que ce soit
par une incertitude sur les volumes de financement ou leurs coûts. Nos
résultats sont en cela cohérents avec ceux de Kaplan et Zingales (1997)
ou encore Cleary (1999).
Ensuite, notre contribution amène à un réexamen de certaines idées
sur la relation entre gouvernance et contraintes financières. Les entreprises dont le capital est ouvert perçoivent moins de risques dans le
coût des financements futurs que les entreprises familiales. Plus surprenant, elles n’ont pas plus de certitudes que les autres sur leur capacité à obtenir des financements pour leurs investissements futurs. Les
entreprises à capital ouvert sont donc moins contraintes financièrement... mais uniquement en termes de coût des financements et non de
volume.
Enfin, contrairement à ce qu’il est communément admis, les coopératives ne subissent pas de contraintes financières particulières. Ce
résultat est toutefois à nuancer au vu des résultats obtenus sur les
filiales de coopératives ou les unions et groupements de coopératives
qui paraissent fortement contraintes. Une analyse par maillon de la
chaîne de valeur semble ici pertinente. D’un point de vue strictement
financier, cela reviendrait à s’interroger sur la relation entre contraintes
financières et la nature des investissements, voie de recherche proposée par Almeida, Campello et Weisbach (2011), et d’intégrer les interdépendances entre les investissements réalisés à différents niveaux
d’une même filière. Cela permettrait sans doute d’expliquer la concomitance de phénomènes de surcapacités, comme cela a été constaté
pour les coopératives américaines dans les années 80, et peut-être aussi
dans la filière viticole languedocienne actuelle, et d’un sous-investissement en R&D et en marketing, activités pourtant essentielles à une
création de valeur durable.
Par conséquent, nos résultats devraient alerter les dirigeants de
groupes coopératifs (conseil d’administration des coopératives-mère
ou des unions de coopératives) sur la gouvernance intra-groupe : il faut
veiller à ce que les entités chargées de la commercialisation et du marketing des produits ne se retrouvent pas dans l’impossibilité de financer des investissements nécessaires à la compétitivité de l’ensemble du
groupe alors même que les coopératives-mère ne sont pas contraintes
financièrement.
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Cette alerte vaut aussi pour les pouvoirs publics. Les aides à l’investissement destinées aux coopératives appartenant à des groupes
coopératifs (sous diverses formes) devraient avoir d’autant plus d’impact sur leur compétitivité qu’elles se traduisent par une amélioration
du fonds de roulement pour le groupe dans son ensemble. Dans le cas
contraire, les aides financières aux coopératives de premier niveau
auraient comme unique effet de se substituer à un financement bancaire disponible et peu coûteux. Autrement dit, l’octroi des aides
devrait être conditionné à une « bonne » gouvernance interne des
groupes coopératifs, quand l’allocation des ressources financières optimise la création de valeur à long terme sur l’ensemble de la chaîne de
valeur, au bénéfice des coopérateurs.
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