Soutenir un sportif handicapé est porteur de valeurs au sein d`une

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Soutenir un sportif handicapé est porteur de valeurs au sein d`une
DOSSIER - SPORT ET HANDICAPS E N EUROPE
Béatrice Hess
Interview réalisée par Sylvain Landa
: Cinq participations aux Jeux Paralympiques,
 médailles dont  en or : vos performances
sportives sont incroyables. Pouvez-vous nous
rappeler votre parcours, votre découverte de la
natation et ce que le sport représentait pour
vous alors ?
BH : Originaire de Ribeauvillé en Alsace, je suis
paraplégique depuis l’âge de treize ans. J’ai
découvert la natation par le biais de la
rééducation. C’est vite devenu une passion car
cette discipline sportive me procurait pas mal de
liberté.
J’ai continué à progresser au sein du Club Réunis
Colmar Natation en m’entrainant jusqu’à  heures
par jour du lundi au samedi. Le travail est très
important car il permet de perfectionner le don
que l’on possède. Autre point non négligeable
dans la réussite sportive est la capacité mentale de
chaque athlète qui lui permet de fournir des efforts
toujours plus importants. La famille joue
également un grand rôle dans la vie d’un athlète
qu’il soit valide ou handicapé.
Le sport, c’est ma vie. Le sport a modélisé mon
existence, d’abord par l’entrainement quotidien en
piscine puis par mon action en tant que bénévole
du mouvement handisport. Lorsque ma vie a
basculé par l’handicap, j’ai mené un combat
quotidien. Ce combat, je l’ai gagné grâce à la
natation et j’ai eu une nouvelle chance « il vaut
mieux vivre handicapé heureux que valide
malheureux »
: Quel est votre regard sur l’évolution du
handisport depuis vos débuts, au milieu des
années  ? Quels sont à vos yeux les grands
défis d’aujourd’hui et les solutions à y apporter ?
BH : Dans les années  et  la pratique
sportive handicapée était souvent réservée à des
clubs spécifiques pour personnes handicapées. La
progression des performances, le nombre
croissant de pays participants et le modèle des
pays Anglo-saxon ont changé les méthodes
d’entraînements. Après les jeux Paralympiques
d’Atlanta en , les athlètes Handisport ont
recherché des structures valides dans tous les
sports parents pratiqués par les valides et de
nombreuses sections « Handisport » se sont
ouvertes au sein de club valide.
C’est une évolution logique par rapport au besoin
d’entrainement pour le haut niveau, mais le tout
intégré ne fonctionne pas forcément. En Europe,
de nombreux pays ont décidé de déléguer
l’ensemble de la pratique sportive handicapée aux
fédérations valides homologues. Revers de la
médaille, les sports dits atypiques et les handicaps
les plus lourds sont souvent mis à l’écart par ces
fédérations valides car qui les jugent peu
médiatiques et lourds en contraintes.
A contrario, la Fédération Française Handisport
garde la maîtrise, la formation et le
développement des pratiques sportives pour
personnes handicapées physiques et sensorielles.
Elle a une grande expertise dans ce domaine, reste
impartiale pour chaque pratique et s’ouvre à
l’ensemble des sportifs sans distinction d’handicap.
Les fédérations homologues valides ouvrent de
plus en plus leur porte aux sportifs handicapés de
compétition et de loisir, leurs entraineurs se
forment auprès de la fédération Handisport et ce
binôme
est
complémentaire
pour
le
© BÉATRICE HESS
26 médailles aux Jeux Paralympiques dont 20 en or : le palmarès de la nageuse française Béatrice Hess
impressionne. Aujourd’hui vice-présidente de la FFH et membre du Comité International
Paralympique, elle revient sur l’évolution du handisport ces dernières années.
développement de la pratique sportive adaptée
maîtrisée.
Depuis , les athlètes Handisport figure sur la
liste ministérielle de Haut Niveau. Au fil du temps,
les critères se sont peaufinés et sont à présent à
l’égal de ceux qui sont pour les athlètes des jeux
Olympiques. Chaque athlète signe une charte et
se soumet aux règles et aux contrôles antidopage.
Suite à une volonté de Mr Jean François LAMOUR,
des aides supplémentaires humaines (emploi
STAPS par exemple), ainsi que l’égalité du montant
des primes aux médailles des Jeux, une
commission
Préparation
Olympique
et
Paralympique (POP) se sont mises en place. À
l’arrivée des athlètes Olympiques puis
Paralympiques, le président de la république les a
reçus à l’Élysée. Depuis  les athlètes médaillés
reçoivent les honneurs de l’état par une réception
et une décoration.
Il vaut mieux vivre
handicapé heureux
que valide malheureux
L’aide financière (subvention des collectivités
territoriales) pour la préparation varie d’une
région à l’autre, mais, en grande généralité, elle
est identique pour tous les athlètes. Ces moyens
supplémentaires permettent aux athlètes de
mieux anticiper leur avenir, de faire moins de
sacrifices et d’être récompensé à leur juste valeur,
celle de l’effort.
La place du sport pour les personnes handicapées
dans les médias varie d’un pays à l’autre.
Globalement, les pays anglo-saxons comme la
Grande-Bretagne ou les Etats-Unis et les pays de
l’est comme la Russie sont en avance sur nous. En
France, on distingue deux périodes : celle des Jeux
Paralympiques et celle du quotidien. Pendant les
Jeux Paralympiques, le suivi médiatique est plus
faible que pendant les jeux Olympiques. Cela
évolue de plus en plus et les grands médias
notamment télévisuels comme France TV
commencent à s’intéresser aux épreuves
paralympiques. Au quotidien, les médias locaux
s’intéressent aux résultats des sportifs de leur
région. Au niveau national, on peut parler de «
coups » mais pas de réel suivi quotidien sauf pour
les médias directement concernés par le handicap.
Je crois que beaucoup d’autres sports Olympiques
qui font des médailles n’ont pas plus d’espace
audiovisuel dans l’année, voir moins que le sport
« Handisport » qui je le rappelle est
pluridisciplinaire.
Concernant les sponsors et autres partenaires,
plusieurs leaders du mouvement handisport ont
intéressés des entreprises et des marques. C’est
une tendance qui évolue positivement car soutenir
un sportif handicapé est porteur de valeurs au sein
d’une
entreprise
notamment
pour
la
communication interne.
: Le développement de compétitions mixtes
entre athlètes valides et non-valides est-il à vos
yeux un axe intéressant à développer pour
changer le regard sur les athlètes handicapés ?
BH : C’est compliqué à dire. La compétition mixte
peut stimuler ou décourager. Pour m’expliquer il
faut ne faut jamais parler de globalité, ce sont des
personnes et chacune à sa spécificité physique, ses
aptitudes et son mental. Un enfant s’entrainant en
milieu valide pourra progresser si sont handicap
n’est pas trop lourd, s’il est bien entouré et si la
méthode d’entrainement prend en compte son
handicap sans l’écarter du reste de l’équipe. Pour
ma part, je suis une nageuse, mais chaque sport à
sa spécificité. Selon le handicap, une personne
déficiente visuelle en natation aura des problèmes
de repère et en athlétisme nécessitera un guide,
mais elle aura les mêmes facultés physiques qu’un
valide.
En conclusion la mixité a prouvé son efficacité et
sa nécessité pour les athlètes de compétition. Pour
le jeune dans l’apprentissage, il faut savoir écouter,
comprendre et adapter sans penser que c’est une
régression. Pour le loisir, c’est indispensable car la
mixité permet aux personnes handicapées d’avoir
un cercle social qui les aident dans l ‘autonomie.
: Vous êtes vice-présidente de la Fédération
Française Handisport et avez occupé de
nombreuses fonctions au niveau international.
Vous avez notamment travaillé sur la thématique
« Femmes et Sport ». Cette question de mixité estelle primordiale à vos yeux ? Qu’attendez-vous
des institutions (nationales et européennes) et
des organisations sportives dans ce domaine ?
BH : Le problème de la mixité dans le handicap
peut se comparer à celui de l’égalité
hommes/femmes. Les institutions par des décrets,
des lois et des règles imposent la mixité. C’est
quelque chose d’obligatoire et non naturel. Pour
moi, seul un changement profond des mentalités
pourra faire évoluer les pratiques et le regard des
personnes valides.
www.handisport.org
Journal  ● Sport and Disabilities in Europe