SOLIDARITE et RESPONSABILITE : une petite librairie
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SOLIDARITE et RESPONSABILITE : une petite librairie
1 SOLIDARITE et RESPONSABILITE : une petite librairie indépendante en difficulté. Quelques librairies en France ont déjà eu recours au financement participatif qui devient le dernier espoir de ces libraires. La librairie A l’Encre Violette à Aurillac dans le Cantal a choisi cette voie pour exposer ses difficultés. Dans le même temps, une librairie à Lyon a été sauvée grâce à la solidarité des habitants du quartier. Au sein de l’association LIRA (Libraires Indépendants en Région Auvergne), quelques libraires connaissent des difficultés passagères, d’autres meurent comme la librairie jeunesse Papageno à Clermont-Ferrand et ce, malgré l’accompagnement qu’assure l’association auprès de ses membres en les informant des aides financières auxquelles ils peuvent prétendre (La librairie A l’Encre Violette est membre de l’association régionale). Les dispositifs existent mais ne répondent pas toujours aux attentes des petites librairies. L’année 2015 a été en France une bonne année pour les librairies indépendantes et le Syndicat de la Librairie Française s’en est fait l’écho dans un communiqué de presse pour combattre l’image d’un secteur en perte de vitesse. Cependant, il faut noter qu’il y a une inégalité dans le fonctionnement entre les grandes librairies et les petites voire les très petites. Certains disent que ce modèle de petites librairies n’est pas viable comme si cela était une fatalité. D’ailleurs certains éditeurs, comme Hachette, n’ouvrent pas de compte à ces librairies : le calcul économique du risque client entraîne un diktat préjudiciable au fonctionnement de ces petites entreprises. Petites, certes mais utiles : elles remplissent un rôle social et culturel sur les territoires où elles sont installées, qu’ils soient ruraux ou urbains. Un homme ou une femme travaille chaque jour pour faire vivre un commerce de proximité et leur présence dépasse largement les 35 h. Oui, les libraires aiment leur métier, ils agissent au quotidien pour développer l’offre aux clients, pour animer leurs librairies en invitant des auteurs parfois accompagnés de leurs éditeurs. La librairie est au bout de la chaîne du livre : si elle va mal, tout se répercutera sur les autres métiers. En Auvergne, tout un travail a commencé sur l’interprofession et sur la nécessaire solidarité entre tous les maillons de la chaîne : solidarité entre tous les métiers du 2 livre et aussi solidarité des clients-lecteurs, voire militantisme affiché pour des achats dans des librairies de proximité. Au-delà des déclarations d’amour à la librairie indépendante, il faut aussi qu’au quotidien, le libraire, qui est un commerçant, voit entrer chez lui des clients. Le libraire est un chef d’entreprise qui doit mettre en œuvre un nombre important de compétences : accueil commercial, négociation commerciale avec les éditeurs et diffuseurs, gestion des achats et des retours des ouvrages et aussi animateur culturel et manutentionnaire… Autant de compétences qui nécessitent une remise en question continuelle dans un marché concurrentiel très fluctuant et une formation professionnelle qui puisse lui permettre de s’adapter à un métier dont les contours bougent. Le libraire, s’il travaille tout seul, doit donc répondre à un certain nombre d’exigences professionnelles, en sachant, car il faut bien le répéter, que même si le marché du livre est régi par une Loi dite Loi Lang qui protège de la concurrence des mastodontes, en fixant le PRIX UNIQUE DU LIVRE, il repose sur une base originale dans l’univers commercial : ce n’est pas le libraire qui fixe le prix du livre mais l’éditeur. Si le libraire veut gagner un peu d’argent pour couvrir des charges (loyers et taxes), il doit négocier ses achats au mieux. Et c’est là que le bât blesse : le petit libraire n’a souvent aucune marge de négociation avec ses fournisseurs, compte tenu du faible volume d’achat. Bien sûr, des travaux nationaux sur les négociations commerciales sont assurés par le Syndicat de la Librairie Française en partenariat avec les associations régionales des libraires indépendants et les informations sont communiquées aux membres de ces associations. Le résultat financier final est bien souvent une faible marge commerciale qui permet de couvrir quelques charges mais qui ne permet pas toujours de se verser un salaire. Au-delà de ces considérations techniques liées au secteur du livre, il y a ensuite l’environnement dans lequel évolue la librairie. Déjà en 2007, l’association LIRA a communiqué auprès des collectivités locales sur les difficultés rencontrées par les librairies de centre-ville dues à des charges trop importantes. Depuis, d’autres phénomènes se sont agrégés : changement du comportement d’achat, une concurrence mondiale déloyale qui capture des clients par une politique commerciale « agressive », et une désertification accrue des centres-villes 3 (Cf. article du journal Le Monde du 12 janvier 2016 - http://lemondeemploi.blog.lemonde.fr/2016/01/11/les-centres-villes-se-vident-de-leurs-commerces-dans-le-monde-du-12janvier/ Pourquoi la clientèle boude-t-elle les commerces de centre-ville ? Parce que la politique de la ville est complètement à l’opposé d’une politique commerciale intelligente qui cherche à apporter le service au client : accès facile, pas cher…. tout le vocabulaire des slogans qui flatte l’égo du consommateur. Heureusement, il y a des consom’acteurs, militants qui bravent les difficultés pour acheter dans les commerces dits de proximité, pour fréquenter leurs librairies parce qu’il y a là, dans la relation, autre chose à partager qu’un échange produit-monnaie. Les difficultés sont réelles pour beaucoup d’entre eux : comment accéder vers ces commerces qui se retrouvent malgré eux prisonniers d’une politique par laquelle la voiture devient un obstacle sans bien souvent aucune contrepartie. Bien sûr, il est difficile de trouver une solution idéale mais le résultat à court terme que connaissent beaucoup de villes c’est la désertification des cœurs de villes. L’argument des édiles est de privilégier les espaces piétons pendant que les parkings des grands centres commerciaux en périphérie sont encombrés. Pourquoi nier l’évidence ? Le commerce va avec la voiture : l’exemple des drives en tout genre en est la preuve flagrante. Alors pourquoi les clients deviendraient piétons par plaisir pendant que le compteur du stationnement les prépare à une dépense supplémentaire qui augmente avec le temps passé à la flânerie propice à la découverte de l’offre commerciale de la ville centre ? Bien sûr, il y a quelques masochistes qui pour privilégier les commerçants du centreville, sont prêts à quelques sacrifices mais jusqu’où ? Autre phénomène révélateur de la richesse ou non d’un territoire c’est celui de la diminution du pouvoir d’achat bien sûr et peut-être aussi des lecteurs… à moins que ceux-ci n’aient trouvé une échappatoire au « stationnement-racket» car c’est bien comme cela que certains justifient leur non fréquentation des centres-villes. Revenons à la librairie A l’Encre Violette : beaucoup de libraires ont rêvé de faire comme elle… et Violette l’a fait ! Il en faut du courage pour afficher publiquement ses difficultés. Une constante dans ce métier c’est la souffrance cachée des libraires dans leur quotidien. Cela va de la fréquentation qui diminue, au harcèlement concomitant des banques qui, pour répondre à une exigence économique normalisée, n’accompagnent pas toujours leurs clients dans leur spécificité sectorielle (caractère saisonnier de l’activité de la librairie à relever ici : les premiers mois de l’année sont 4 bien souvent difficiles pour les librairies), dans leur spécificité de territoire et aussi leur spécificité d’éthique. Le libraire travaille avec passion et travaille avec l’humain. Comme l’agriculteur qui fournit la nourriture terrestre, le libraire est un des vecteurs pour accéder à la nourriture intellectuelle et spirituelle. Le libraire fait partie d’une chaîne du secteur culturel. Il dépend donc du Ministère de la Culture et de la Communication. Des aides financières sont apportées par les Directions Régionales de la Culture et de la Communication sous certaines conditions. Les aides régionales sont disparates mais la naissance de la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes laisse un espoir poindre pour les libraires du territoire auvergnat, c’est celui de pouvoir bénéficier d’aides directes qui existent en Rhône-Alpes. Localement, la librairie est membre de la Chambre de Commerce et d’Industrie : les aides mises en place par cette structure vis-à-vis de ce type de commerce sont quasi inexistantes. La question qu’il faut se poser : faut-il inclure des commerçants en difficulté dans une logique d’assistanat (versement du RSA par exemple), plutôt que d’aider leurs entreprises afin de permettre le développement de l’activité pour qu’ils puissent rebondir ? L’appel à l’aide des clients, des voisins, des amis, des collègues est la preuve que toutes les mesures mises en place ne sont pas adaptées pour conserver une activité commerciale à forte valeur sociale et culturelle… et conserver un emploi. L’association LIRA a pour projet de mettre en place un plan d’accompagnement des libraires avec l’organisation d’un audit sur le fonctionnement qui permettrait de souligner les points faibles et les points forts et de mettre en place une stratégie de développement professionnel. Cet accompagnement doit lui-même être appuyé par un environnement politique favorable : un diagnostic sur la filière livre réalisé fin 2015 par le Conseil Régional et la DRAC Auvergne avec Le TRANSFO (Agence Culturelle de la Région Auvergne) et l’association LIRA, préconise un certain nombre de pistes pour permettre à ce secteur de se développer et ainsi de faire taire les esprits chagrins qui prophétisent sa fin. La chaîne de solidarité commence avec le citoyen, elle doit aussi prendre son envol avec la prise de conscience des décideurs institutionnels : le monde change pour tous. Les modèles ne sont plus les mêmes : l’imagination collective doit faire face à un environnement qui devient certes difficile mais le succès des entrepreneurs sera la victoire sur des schémas dépassés et sur des aprioris réducteurs et négatifs. 5 Les libraires se sont regroupés au sein d’une association régionale pour pouvoir développer leurs activités en travaillant la mutualisation source de solidarité professionnelle et d’innovation, tel le Groupement d’Employeurs de la Chaîne du Livre en Auvergne (GECLA), créé en 2014, fruit d’une réflexion collective et solidaire des libraires et des éditeurs. (1er GE dans le secteur du livre en France) Dans ce contexte, nous ne pouvons pas laisser un libraire seul face à ses difficultés, même si l’obstacle pour l’association c’est bien de doser son désir d’intervention dans les affaires d’une entreprise indépendante et son désir de respecter les volontés de cette indépendance. En interne, les libraires se perfectionnent dans l’exercice de leur métier, ils se remettent en question en restant informés des évolutions du métier, ils sont connectés tant au réel qu’au virtuel. Il est bon de rappeler ici que des librairies indépendantes disposent de sites de ventes en ligne et qu’il existe aussi des sites de géo localisation comme celui des libraires d’Aquitaine et des libraires de RhôneAlpes « Chez mon libraire » : un des dossiers sur lesquels les deux associations de libraires indépendants travaillent actuellement. Les associations de libraires sont le fruit de la volonté de ces libraires indépendants : ne laissons pas des librairies disparaître même si par ailleurs, d’autres ouvrent comme récemment La Cité du Vent à Saint-Flour, avec un fort accompagnement local complémentaire aux aides financières nationales et régionales, ceci pour terminer sur une note optimiste pour le département du Cantal. LIRA - 13 février 2016