La douleur dans la médecine traditionnelle chinoise
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La douleur dans la médecine traditionnelle chinoise
LA DOULEUR DANS LA MEDECINE TRADITIONNELLE CHINOISE Miancheng ZHU Professeur de médecine traditionnelle chinoise, faculté de médecine, université Paris 13, Bobigny Aujourd’hui, 21 janvier 2004, est le dernier jour de l’année chinoise. Demain commencera l’année du singe. Je vous souhaite à tous « bonne année chinoise ». Pour vous expliquer ce qu’est la douleur dans la médecine traditionnelle chinoise je voudrais commencer par vous dire que dans notre médecine il n’y a pas de cerveau, ni de nerfs. Alors comment parler de douleur sans faire référence au cerveau ou aux nerfs ? Pour cela je vais tenter de vous expliquer petit à petit les principaux principes de la médecine chinoise concernant la douleur, en suivant trois parties : 1- Comment l’homme ressent la douleur ? 2- Comment la douleur se produit-elle ? 3- Comment la douleur est-elle traitée ? I- COMMENT L’HOMME RESSENT LA DOULEUR ? Il n’y a donc pas de cerveau ni de nerf dans la médecine traditionnelle chinoise. Mais chez l’homme il existe un système de méridiens qui se partagent en différents organes en liaison autour de trois flux, et qui est à la base du ressenti de la douleur. La place du cœur dans la perception de la douleur Quand on parle du cœur, il ne s’agit pas de l’organe auquel on fait référence dans l’anatomie occidentale. Le cœur est l’organe qui gouverne l’esprit, les émotions et les sensations. Dans le premier livre classique de la médecine chinoise on trouve la référence au cœur comme l’organe qui s’occupe de l’ensemble de la clarté de l’esprit et de toutes les sensations anormales du corps, dont la douleur. Le cœur a un rapport avec le feu, parmi les cinq agents auquel fait référence la médecine traditionnelle chinoise. C’est le feu qui donne la clarté et la tranquillité de l’esprit, et il doit être équilibré par l’eau du rein (et là encore, bien entendu, l’idée de rein ne se limite pas seulement au rein de la médecine occidentale). Douleur et souffrance dans les situations de handicap - De l’évaluation à l’accompagnement de la personne… Journées d’étude APF Formation – Unesco -–21, 22 et 23 janvier 2004 p.1 Il faut en fait, pour essayer de comprendre les concepts de la médecine chinoise, changer de références et concevoir les différents organes dont il est fait mention en rapport avec les cinq agents essentiels et leur équilibre. Parmi ces agents se trouvent le feu et l’eau. Par exemple si la chaleur du feu du cœur n’est pas contrôlée et équilibrée par la tranquillité de l’eau, alors ce premier peut devenir très violent. La place du rein dans la perception de la douleur Souvent on traduit le mot nao par cerveau. Ce n’est pas correct, parce que la conception de nao correspond à l’océan de moelle qui est transformé par l’essence subtile du rein, cette fonction de transformation étant assurée en liaison avec le réchauffement du feu du cœur. Comme pour la cuisson en cuisine où il n’y a pas de transformation sans chaleur, dans le corps humain c’est le feu du cœur qui aide la fonction de rein. Les reins et le cœur jouent donc conjointement un rôle extrêmement important dans le processus du nao. L’axe central de la perception de la douleur se trouve au croisement de la descente du feu du cœur et de la montée de l’eau du rein après sa transformation en moelle. Pour sentir la douleur on doit donc se situer au niveau de ce mouvement de descente du feu et de montée de l’eau. Pour mieux comprendre la place du rein dans la perception de la douleur, je vais analyser maintenant la décomposition du mot douleur en chinois. Ce mot est composé de deux caractères. Ils contiennent tous les deux la même clé « maladie », le premier caractère contenant l’idéogramme « hiver ». La caractéristique énergétique de la saison hiver est le froid qui est la cause principale des spasmes et contractures. Dans la médecine traditionnelle chinoise, la saison hiver est en liaison avec le système du rein, sous entendu avec l’ensemble rein-moelle-nao. La place du foie dans la perception de la douleur Le foie régularise et stabilise le croisement du feu du cœur et de l’eau du rein. Dans la relation des cinq agents, le foie représente le bois et assure le pivot entre le feu du cœur et l’eau du rein. Ainsi, la sensibilité du corps est particulièrement gouvernée par le foie. Douleur et souffrance dans les situations de handicap - De l’évaluation à l’accompagnement de la personne… Journées d’étude APF Formation – Unesco -–21, 22 et 23 janvier 2004 p.2 Par ailleurs ce sont les méridiens qui maintiennent la correspondance entre les diverses parties du corps et leurs diverses fonctions organiques. Les fonctions du cœur, du foie ou du rein importent surtout dans leur combinaison, dans les liaisons que ces différentes fonctions entretiennent entre elles. Ces liaisons sont assurées par le système des méridiens. La place du terrain dans la perception de la douleur Le chapitre 53 du premier livre classique de médecine traditionnelle chinoise discute des études sur la douleur et souligne l’importance de la qualité de la chair, de la solidité des os et de la force psychique dans le système complexe de perception de la douleur. Conclusion On pourrait donc résumer la perception de la douleur dans la médecine traditionnelle chinoise en disant que le cœur joue le rôle de chef (par la clarté de l’esprit), que les reins constituent un soutien principal de ce premier (par l’équilibre que l’eau apporte au feu), que le foie assure la fonction de pivot entre ces deux premiers, que les méridiens représentent les ambassadeurs de ce système (par l’envoi et la collecte d’information pour la perception de la douleur depuis les divers points du corps vers la voie centrale) et que le terrain est la base de l’homme sur laquelle peut ou pas être ressentie la douleur. II- COMMENT LA DOULEUR SE PRODUIT-ELLE ? Si l’on s’intéresse au deuxième caractère qui compose le mot douleur en chinois, ce caractère signifie en fait « blocage », mais il peut aussi être associé à l’idée de marche. Ainsi, les caractères qui composent le mot douleur sont ambivalents dans le sens où ils peuvent à la fois signifier le blocage ou la marche. Autrement dit, on pourrait résumer le sens des caractères qui composent le mot douleur en disant que le blocage provoque la douleur mais aussi que celle-ci disparaît avec la disparition du blocage, et donc avec la marche. En l’absence de blocage il n’y a pas de douleur. Mais la question est maintenant de savoir quel genre de blocage survient dans notre corps pour provoquer de la douleur ? Douleur et souffrance dans les situations de handicap - De l’évaluation à l’accompagnement de la personne… Journées d’étude APF Formation – Unesco -–21, 22 et 23 janvier 2004 p.3 Le trouble des trois flux dans la douleur Les flux correspondent à des éléments en mouvement dans notre corps. Les flux peuvent être bloqués à trois niveaux principaux et créer ainsi de la douleur. Il y a d’abord le blocage de l’énergie (qi zhi), qui est souvent lié à un problème du foie, celui-ci étant à l’origine de la régularisation des mouvements énergétiques. Il y a ensuite les problèmes liés aux stases sanguines (xue yu), qui peuvent être très variées et concernent globalement tous les effets qui sont plutôt en relation avec le ralentissement du mouvement du sang dépendant de toutes les toxines qui pénètrent dans le sang. Le troisième trouble concerne les glaires (tan yin), c’est à dire tous les problèmes liés aux mouvements des liquides organiques. Les glaires sont également très variés puisqu’elles sont liées à n’importe quelle partie du corps en relation avec le système des méridiens. Si on pousse notre explication des troubles des trois flux et pour synthétiser ce point, on peut dire que ceux-ci peuvent être liés soit : - au manque de force de mouvement (déficience de l’énergie ou du sang ou des liquides organiques), - au changement de la qualité des flux (ce qui signifie une perturbation de la qualité de l’énergie, du sang ou des liquides organiques), - au blocage de la voix de circulation (ceci se centre essentiellement sur un problème au niveau du système des méridiens, qui constitue le support du mouvement des trois flux entre les diverses fonctions organiques), - à la modification de la vitesse de mouvement (le ralentissement du mouvement du sang est par exemple très fréquent chez les personnes âgées). Les trois phases de la douleur Pour comprendre la douleur nous avons une conception de celle-ci qui s’articule autour de trois phases distinctes. La première phase est celle-ce que nous avons déjà évoquée et qui se situe au niveau du blocage qui provoque la douleur. Cette phase n’est pas encore très grave et l’on verra plus loin qu’il existe à ce niveau différentes méthodes pour dégager la douleur. Douleur et souffrance dans les situations de handicap - De l’évaluation à l’accompagnement de la personne… Journées d’étude APF Formation – Unesco -–21, 22 et 23 janvier 2004 p.4 La deuxième phase de la douleur s’appelle le spasme, et il aggrave celle-ci. Le spasme est plus profond que le blocage. Dans la médecine chinoise traditionnelle, le spasme est en liaison avec le tendinomusculaire, lui-même occupé par la fonction du foie. La troisième phase est le nœud, et c’est ce niveau de douleur qui la rend chronique. Pour nous la douleur chronique correspond à des nœuds (nœuds de dysfonction organique, noeuds des trois flux : sang, énergie ou liquides organiques). III- LE TRAITEMENT DE LA DOULEUR Bien que le cerveau ou les nerfs n’existent pas dans la médecine traditionnelle chinoise, elle propose malgré tout des solutions pour traiter la douleur. L’acupuncture L’acupuncture est reconnue dans les pays occidentaux pour le traitement des problèmes de douleur. L’acupuncture agit sur le système des méridiens. Le système des méridiens établit des liaisons énergétiques dans l’ensemble du corps, en connexion avec les trois flux et avec les différents organes centraux qui jouent un rôle important dans la douleur. Le système des méridiens connecte donc l’homme avec l’environnement. L’acupuncture fonctionne pour traiter la douleur du fait qu’il s’agit d’un système de communication à l’intérieur et à l’extérieur du corps. Le massage Le massage pour traiter la douleur n’est pas un massage de confort. Il y a par exemple les massages de la colonne pour les personnes handicapées. On peut aussi prescrire le massage de la tête, des mains ou des pieds qui présentent de très bons résultats. Il existe Douleur et souffrance dans les situations de handicap - De l’évaluation à l’accompagnement de la personne… Journées d’étude APF Formation – Unesco -–21, 22 et 23 janvier 2004 p.5 en Chine des cliniques et des services hospitaliers où des personnes handicapées sont essentiellement soignées à partir des massages. La pratique corporelle Dans la médecine chinoise, on considère que l’absence de mouvement, l’immobilisme aggrave le blocage. Il faut donc provoquer le mouvement, mais un mouvement qui soit contrôlé et spécialement étudié par rapport au blocage en cause. Le mouvement doit être réalisé en liaison avec la concentration de l’esprit sur la sensation énergétique à l’intérieur du corps. Le mouvement corporel doit ainsi intégrer le système des méridiens, y compris le système tendino-musculaire. Méditation La méditation peut sembler très éloignée de notre sujet, et pourtant la pratique de la méditation est une bonne méthode pour calmer l’excès de feu du cœur qui joue un rôle important pour sentir la douleur. Souvent un trouble de la sensation de la douleur provient d’un trouble de la fonction du cœur. Par la méditation, on peut équilibrer la fonction du cœur, mais aussi celle du foie ou du rein. La méditation s’incorpore donc aux méthodes pour soigner la douleur. Diététique Pour que les efforts portés sur les massages, les travaux corporels ou l’acupuncture soient efficaces il faut que l’alimentation des personnes soit adaptée et équilibrée selon le principe du ying et du yang. Une attention particulière doit donc être portée sur la qualité de l’alimentation. Pharmacopée La pharmacopée tient une place importante dans l’ensemble des soins médicaux traditionnels chinois, soit environ 85 % des soins proposés en particulier pour les soins dits intérieurs. La pratique corporelle, les massages ou l’acupuncture sont des soins extérieurs, alors que la pharmacopée constitue les soins apportés à l’intérieur. Certains médicaments peuvent cibler directement certains organes qui provoquent la douleur. Douleur et souffrance dans les situations de handicap - De l’évaluation à l’accompagnement de la personne… Journées d’étude APF Formation – Unesco -–21, 22 et 23 janvier 2004 p.6 Nos soins sont donc très variés. Devant des patients qui présentent de la douleur, le médecin chinois doit diagnostiquer si le patient a des problèmes au niveau de la voie centrale, au niveau de la communication, au niveau du système des méridiens en liaison avec les trois flux et avec l’extérieur. Le médecin doit ensuite chercher la méthode en utilisant les différents aspects du traitement évoqués précédemment, afin de proposer les soins les plus complets possibles et aider le patient à sortir de la douleur. Douleur et souffrance dans les situations de handicap - De l’évaluation à l’accompagnement de la personne… Journées d’étude APF Formation – Unesco -–21, 22 et 23 janvier 2004 p.7