la chute du monde octogonal

Transcription

la chute du monde octogonal
LA CHUTE DU MONDE OCTOGONAL
Pour toi Samirage
Pour toi Samiracle
Tu n’es pas la luminosité tu es
Mon retour vers les sources polaires
Je te vois derrière
Une histoire qui finit bien
Et je vois bien que tu es plus brutale
Que ce malheur devenu bleu
Aujourd’hui je me sens comme
L’arbalète qui foudroie l’apôtre
J’ai décidé que la pluie sera le signe
De ma propre réponse
MP & SO
Silise Oriol
Mauro Placì
LE GÉNIE ET LA PENSÉE
SOLLICITUDE
Nous avons dévalisé l’arsenal d’Ali Baba
Nous avons réalisé le vieux rêve américain
Nous crachons sur les mathématiques
Et sur le plancher métallique résonnera ce corps
Saupoudré de zeste de python
Il tombera sur le duvet de la terre massacrée
Le visage en sang et l’œil très noir
La chanson des orphelines ne l’émeut guère
Rien ne bouge au sommet des miroirs
Mais d’un coup la lune s’allume
Le décor est clair comme l’eau de roche
On voit très bien le sourire en coin du précepteur
Il prépare la baguette qui n’est pas magique et qui tape sur les doigts
Sur les petits doigts des enfants du merveilleux
Sans doute
Aujourd’hui la pintade évitera la balle
SANS BLAGUE
Le Colorado ne nous ressemble en rien mis à part
Qu’il a déjà déjeuné. Mais les êtres sombres du bal ne rient pas
Jamais
Ils pleurent
Occasionnellement ils se suspendent en l’air par les pieds et font de
l’exercice gymnastique
Je ne passe pas mon temps à dénicher les bancs d’ablettes
Autrement plus intéressante est la musique
Nuit de brume au labour on ne finira donc jamais
De travailler ?
Fatalité inventée rien n’est par hasard
La couverture des petits riens passerait bien par la fenêtre
Je massacre la patrie
Et le gravier des perles rares
INSIGNIFIANCE DU GALET
La signification du tichodrome est difficile à saisir
Il paraît que la lune ne change jamais son linge
Il paraît qu’après les dunes le temps s’écoule plus joyeusement
Et qu’au-dessus des cols le ciel s’allume
Pourtant il ne suffit pas de souffler sur les cordes des violons
Les plus noires chanterelles sont souvent celles que l’on craint
Il ne faut pas mourir trop tard
Ne pas s’enfuir trop atrophié
Revoir tous les enfants dans leurs sacs d’école
Et les sacs d’école pendus aux tournesols
Comme des voûtes écroulées
Mais partout la mer s’avance
Les fossiles y retourneront
Un ciel de poissons-lunes se lézarde par endroits
Les sentinelles de papier apparaissent alors aux quatre points cardinaux
Elles ont l’air de prendre soin
Des cercles
Pas de place pour les théoriciens
Tout est toujours d’une envergure trop large
Vos mots résonnent trop loin
Vos têtes sont de la couleur du matin pâle
Vos gants ressemblent à la planète des dinosaures
Vos enclos sont des murs que l’on dresse partout
Et jusque devant les sans-raison
Nous allons perdre votre temps
Nous mettons des cravates les jours de pluie
Pour la bonne cause de vos soupapes
Et celles des Parques ?
Vous sentez le bitume
Et vos faces sont en fait des bifaces
Utilisés par les hommes de Toutankhamon
La petite fille comme un nénuphar qu’on épluche
A le cœur des lombrics
J’aurais aimé vous voir plus maigres !
LE REGARD DES BÉBÉS, LA PERLE ET LE
PETITES MARQUES ALAIRES NOIRES
MARAIS
Souvent les enfants ont des larmes sur les doigts
Leurs yeux d’ombre rappellent la bougie de la concierge
Ou le cierge du boulanger
Par endroits les cils sont pâles
À d’autres on les voit plus verts
Mais le merle est un merle à moutarde
Qui n’aime pas la mescaline
Demain au lever de l’astre sans tête
Les marécages et les roseaux
Ne sauront plus où se mettre
Et la stupidité de l’homme noir
Se mêlera à celle plus sûre de l’homme blanc
Il n’y aura plus d’école et cela pour tous les enfants du monde
Les grandes marmottes n’auront rien à redire bien sûr
Elles qui occupent leur temps à changer de mascarade
Je n’aime pas les philosophes
Et tous les autres pas non plus
Il n’y a plus de fresques il n’y a plus d’eau fraîche dans le puits
de ma patience
Et demain au lever de l’astre sans queue ni pétales
Il fera noir il fera noir absolument
Ô le clavage mental
LE MARCHAND DE RÉALITÉS
La larme jaillit de l’œil en tiki
L’épine est dans le doigt
Pas la peine d’en frémir :
L’air est un tombeau
Où la poudre disparaît
Nous voici, nouveaux chasseurs de comètes
Notre bourse est pleine des vents du jour
Et l’on sait que l’herbe est plus rouge chez le voisin
Pourtant là-bas tout est plus noir
On ne se ressemble pas
Nous sommes bien décidés à user de tout pour parvenir à
l’émancipation totale de l’eau claire
Ainsi qu’à celle de tous les papillons que l’on enferme dans les
quartiers de l’impossible
Demain est le tombeau grand ouvert des masques étranglés
par le destin
Pour nous le monde est une horreur
Mais le monde de maintenant pas l’autre
D’OÙ QUE TU VIENNES, LES FÉES
AVEC TOI PRENDRONT
SOIN D’ÉTEINDRE LES LAMPES
Sinistre présage dans la chambre d’invité
Au café du Commerce on ne parle que de toi
Fée des chansons où la distance
N’est jamais que trop rose
Et tu rêves et tu meurs à langueur de journée
Le chien s’arrête le vieux ramasse
Ton regard fuit comme l’eau d’un orifice
Tu n’auras jamais ton pain
Les tartines d’existence c’est la peur qui les avale
Sinistre
Tu peux par un tour de magie
Changer un à un les donjons de nos châteaux mais tu n’y
songes pas
Du blanc de Prusse plein les plumes
L’oiseau volant boite des deux pieds
Dans une ambiance de hurlements
Il a pris l’horizon pour un bout de papier
Dans la classe d’à côté tous les enfants ont pris la fuite
Ils rêvaient de départs déchirants
De l’absence de nouvelles
Du brouillard enfin libérateur
Ils restaient des heures entières à regarder les oiseaux par la fenêtre
Rien ne leur était trop long tant que la vie au dehors était
Rien ne leur était trop long même pas
Les leçons de mathématiques
Ils ne cesseraient donc jamais de vomir
Toute l’inconséquence de leur estomac
Tous ces tas de belles paroles
Toutes ces places couvertes de neige en confettis
Plus loin on retrouvait comme par hasard
La goutte de sang le baiser de la murène
On ne déchiffrera jamais assez les sous-bois de la colère
Le coléoptère à reflets bleus s’y envole sans arrêt
Alors il ressemble à ces oiseaux
Qui se suivent par milliers
Sans jamais que l’un dicte la direction
Et pourtant, pourtant, la mystérieuse ambiguïté ne cesse de me paralyser
LA MORT LE ROI ARTU
LE POUVOIR DU BLONGIOS
Le début n’est pas la fin que dis-je
Il est la lèvre ouverte
Sous le sous-bois traînent des chiens
Qui n’attendent que de mordre nos talons
Ce sont des êtres las
Ce sont des taches qui ne disparaissent jamais
Le matin ressemble aux ailes de ton corps
Tu as dû mal dormir cette nuit n’est-ce pas
Ça se voit tu as les cheveux vides
Tes trèfles sont plus gris
Et le bleu de tes sandales
Est trop tranquille
Tu ressembles à l’impossible
C’est bien ton secret le plus violent
Les petits anges des palais bleus
Trouvent tout ça plutôt sombre
Depuis que l’air est plus chaud
On voit moins de garrots
C’est à cause de la caresse
Il n’y a pas de brigands
Les plus méchants hommes sont très souvent les cachalots
C’est bien heureusement que parfois ils s’échouent
Sur les balançoires
Tu as beau claquer des dents
Le rouge-gorge te répondra par un chant
Et au fond de ma chambre
On trouvera des fossiles d’hommes
Très cher monsieur nous vous prions de bien vouloir vous suicider
La vie n’est pas un grand lac
Les fleurs s’avarient les papillons commenceront
À mourir de soif d’ici deux jours
Et plus rien ne rappellera le moine des ténèbres
Qui couchait sur des noix de muscade sans ôter ses souliers
Le monde octogonal est à nos pieds
Le roi des fous vient de mourir
Il n’y a plus qu’à attendre
Le temps maussade
LA CHASSE AU TRÉSOR
Le petit nom de la colère est
Fauve
Des tueurs attendent dans les cachots
Ce sont des démons
Ne tuez jamais les démons
Ils tournent tout le temps autour des pots cassés
Leur ambition est de mourir le plus longtemps possible
C’est pour cela qu’ils attendent
L’attente aussi est un démon elle tue
Et le soleil me fait signe de le suivre depuis des siècles
Il passe et repasse sans que jamais je fasse mine de le voir
Dès lors je reste au lit le plus longtemps possible pour ne pas
changer mes yeux
La chanson du reste le dit il n’y a pas de si qui tienne
Ah je serais une comète
Si les jours avaient du mystère
LE GRAND JAMAIS
Il y avait tout près de la maison du peintre
Un caprice avarié qui tombait sans cesse dans le parc
Et qui sentait le vide et la pluie des nuits claires
De sinistres géants se promenaient dans les environs pour
croire aux fées d’acajou
J’ai vécu dans le plâtre
Je vivrai dans la propagande de l’infini qu’ont à peine inventée
les destructeurs de l’imperceptible froissement des plumes
Mais où sont donc mes mains
Ces mains où la clé des champs est la clé des poèmes
J’ai battu le pauvre qui voulait un sou
Et puis j’ai couru m’acheter
Un conte de fée
L’avenir est contenu
Dans l’estrade dont l’accès est si violemment défendu
Mais regarde
Le ciel ressemble à l’insignifiance rébarbative des gestes les
plus dangereux
Dans le caveau désaffecté de la paupière
Dansent les spectres du fracas
Et du martin-pêcheur femelle que l’on appelle Fougère
Naître et mourir dans le mal-être
Ça n’est pas pour moi c’est pour
Les poètes de l’éperdu
À force de souffler sur la tête des mésanges
Les faces un jour seront moins sales
Là sous les roues
Je crois bien que c’était Dieu
Ou peut-être
Un bas de soie multicolore
Allô a dit Savane à l’autre bout du fil
Alors que la jeunesse jamais soumise se débattait dans les rues
du centre-ville et ne savait plus où frapper
T’es-tu seulement demandé déjà pourquoi
La liberté ou la liberté
LA FENÊTRE OUVERTE
La liberté du petit peuple est une locomotive verte et rouge
Qui luit sous les flammes de bougies vertes
Je regarde tout autour de moi et seules bougent
Les épaves en grand nombre que l’on rencontre au fond des
yeux du tableau noir
Un long silence n’est pour rien dans la chute du grand cri
Il vole on dirait qu’il vole
En fait il marche comme tous les autres
Il est l’heure il est l’heure de partir
De tourner en rond sur le visage de Barbara
Nous sommes en posture d’attaque et bientôt en passe de
nous soustraire à l’attraction des tourterelles
De plus en plus de fées tombent du ciel
On croirait même à du poivre
Le poivre bleu des rêves jamais faits
Qui se décline en cristaux de plusieurs couleurs apparemment
non complémentaires
La lucarne éclaire un peu mieux la mansarde où je m’étire
Après de longs moments de visions composées d’encre
Mais de toute façon
La permission sera toujours intransigeante et mortifère
MES SOUPÇONS REDOUBLENT
L’ESPRIT DE L’HOMME
1940
Les armoires vides et les rochers du bord de mer
Vocifèrent si bruyamment que mes yeux éclatent
J’ai moulé une bougie pour faire fondre ton ombre
Mais demain ne sera pas
Une tranche de melon se dessine à l’opposé du ciel
C’est l’image même de l’inconnu
Partir à vive allure en prenant bien soin d’oublier
Le suicide des générations ultérieures
Le gouvernement demande l’extradition des fugitifs pour les
soixante prochaines années
Il n’y a plus de place pour les huttes
Et puis tu sais j’ai rangé mes voiles
Car le vent s’est essoufflé
C’est à force de dessiner des pavés sombres dans l’eau claire
Un groupe de parapluies s’est dirigé vers la sortie
Revendiquant la libération sans délai des plus vastes
sentiments
Trop longtemps j’ai cru bien faire
L’air dur et cendré
Détient la clé du mystère
L’esprit de l’Homme tourne en ellipse
Il dort souvent mais court très vite
L’esprit de l’Homme
Dirige une équipe entière de marchands d’eau verte
Cette eau est destinée à prendre de court tous les murs
mous qui nous ont nourris de fleurs
À cinq ans nous sucions des pétales
À vingt ans nous voulons courir sur les principes
Et les écraser bien méchamment
Beaucoup de livres sont décevants leurs titres reflètent si
mal l’insignifiance du contenu
Il fait noir dans les contrées de l’esprit bleu
Comment voulez-vous que la bouche soit verte
Ah je me suis perdu voici bientôt cinq cents mille ans
Cette nuit je veux mourir de cruauté
La rigueur de l’hiver aiguise ses couteaux d’ombre
Les chemins se sentent seuls depuis que je troque le
triangle isocèle de la paresse contre un bout de fruit pur
J’ai choisi la chute libre
Au moins je serai l’oiseau nicheur du paradis
Enfin le jour se couche un lampadaire mauve se débarrasse
encore de la lumière qui l’étouffait
Le clocher sonne il est bien tard
Demain
Rouge et ténèbre
Semble se relier à ma vie
Pour des raisons circonstancielles le prêtre a pris du retard dans
la rédaction de ses mémoires de pétale
J’ai mis dans mon sac deux pommes jaunes
C’est pour y fixer mon hamac ce soir
La nuit d’ailleurs se lève déjà
Et je sais que l’obscurité ne se dérange jamais pour chasser les
oiseaux de son toit
Elle est assise et bleu persienne
Rien ne l’importune et quand il pleut sur la chaussée
Elle me montre le sol
J’y vois deux pieds luisants que je n’avais pas remarqués
Elle me dit qu’ils ne l’intéressent vraiment pas
Autre part c’est le déraillement d’un train qui se transforme en
barreaux blancs
Il y a là-bas sous le ciel
La fleur rose qui ne porte pas de nom
Sur la colline aux matins chauds
Un large vol de lucioles se répand sur l’ensemble des cours
d’eaux
Un hululement sinistre ne laisse présager que de la mort de la
colline
Alors j’oppose ma paume au mouvement des pierres
de lune qui s’évaporent au crépuscule
Pour laisser place aux fées qui ne naissent que dans les bulles
Parce que l’Émeraude craint les chutes de calcaire
Parce que l’horizon est de biais ce soir dans la maison du purifié
Il n’y a pas d’âme
Il n’y a pas de vent
Seulement des plans divers et la rue froide
TOUT PRÈS L’ÉTERNITÉ
J’ai la corde je voulais me pendre
Je n’ai pas de cou
Où sont
Nos racines de raison
Zébrures
À minuit les passantes ont l’air de lèvres épaisses
Le soleil court sous les tropiques
Toujours pressé toujours trop loin
Alors s’ouvre la bouche de la vision d’épave
J’y plonge que vois-je
Mon abstraction qui se reflète dans les vitrines roses du vieux manoir ensorcelé
Hier alors que je couvrais de phalanges les murailles de ma chambre
J’ai vu se faire jour
Ma crasse
Hier encore je crachais sur un apôtre et ce matin
Nous n’avions pas encore ce feu follet au fond des yeux
Le vieux démon chantait des comptines à la mémoire
Du grand merle et de l’étourneau sempiternel
Je ne pourrai plus jamais dire nous
Moins encore que
Il vaut la peine de prendre les trains qui avancent au pas
D’ailleurs cela paraît-il facilite la digestion
Et perdu dans ces wagons il arrive bien souvent d’apercevoir
Les silhouettes farceuses de la beauté
La beauté
Sais-tu qu’elle portait un châle sur la gorge
Et que le petit soldat s’ennuie dans son cadre de bois rouge
Dans la chambre claire
La triste morale avide de fortune développe le concept d’immunité
Pourtant on me l’a dit souvent
L’ermite choisit toujours la même chandelle
Il déplace le temps d’un coup de canne
Et du coup
La poudre de saphir
TIKI
En pleine forêt d’automne
Sur les feuilles brunes et mouillées
Les oiseaux paradent sous la pluie cela ressemble un peu à la fontaine
écarlate
Où le vieux fugitif aiguise ses pensées rouges
Il sait qu’il se vengera
Le jour où notre lot de rêves participera à la conquête de l’orage
Mais il patiente encore
Il pense qu’il faut rendre ce qu’il a reçu
Je crois qu’il faut que j’aille enfin mourir
Le Tiki nous accueille il est
L’abominable vieillard
Maintenant la pluie tombe sur
L’œil très pâle du grizzli des volcans
Et tout semble peint
On croirait même
Au fond des lagons polynésiens des îles qui attendraient de naître
Déjà tout un peuple de paroles
Se presse à la fenêtre de la mer
Tout le monde semble attendre avec une ferveur de flûtiste
L’ouverture des vannes qui abaissera le niveau des eaux et laissera
paraître enfin le rapace sanguinaire
Or le rapace renverse ses proies sans ciller
Il sait que tuer c’est bien
Il sait que
Le Tiki est le roi des couleurs
INVALIDITÉ DU PRÉSENT FIXE, OU LA
POÉSIE RETROUVÉE
Au temps des Mayas je possédais une maison sur la colline
Dont les légères nuances de ton faisaient penser à l’arc-en-ciel
Mais il est trop tard j’ai croqué dans la pomme de Caïn
Et depuis des petits mondes maculent l’intérieur de mes yeux blancs
Au temps des Mayas je possédais une vieille maison sur la colline
Où il y avait un salon d’avalanche dans lequel la pluie n’entrait que
lorsque le vent emportait déjà les enfants-seuls
As-tu vu rien qu’une fois bâiller les cygnes
As-tu vu déjà
Nos malheureuses acquisitions dont la valeur s’avère être toujours
nulle
Je regarde le trou sans fond de mon œil malade et je n’y vois que des
oiseaux morts ou aveugles
L’oubli
Redessine la carte de l’existence naufragée
Et il ne sert plus à rien d’appeler au secours l’étendue sans fin de ses
regards perdus
Les couleurs ne sont plus les mêmes
La chute des bustes sacrés était un signe assez parlant
Et pourtant
La plupart des fragments d’iris continue de rêver de peindre l’odeur
d’une fleur
Il n’y a plus de place pour le raisin trop libertaire
Il n’y a pas de glace au fond de l’abîme
Ce qu’il y a ce n’est
Que l’impression diffuse qui ne cesse de gagner des partisans mais on
oublie qu’au départ
Le désir était de
Fuir
RIEN NE S’ALLUME
Il y a la cloche et des pépites Défense d’entrer
Il y a le lampadaire aquatique et le hibou
Les chaînes grises le pestiféré
Et demain peut-être y aura-t-il de la lumière
Dans les bocaux de confiture
Billes de paille et écrevisses
Bille d’éclair
Pas de mascarade juste le mascara sur la paupière du faucon
noir
Rien ne s’allume au front ni
À pierre de peau
Le maître à danser de la douleur ne sait
Absolument rien Il roule à mille à l’heure sur la cheville des
autoroutes glacées d’août ou de juin
Doutant de tout la chemise a fini par tomber
Mais le miel colle aux sandales du vieux roi
Il colle aussi aux étoiles comme le ciel
C’en est assez du crétacé on cherche un peu de feu de paille
On dit le progrès du crocodile
Nous nous disons la régression de l’automate
Le dix-huitième étage est un regard sur le dix-septième
Rien ne s’allume
Tout se débat
TROIS FOIS NON
VOILÀ TOUT CE QUI RESTE DU SANG DES FÉES
Le Volubile s’exprime par intermittence il tue sans coup férir
Mais la malice est derrière les miroirs
Sous chaque tableau se cache
La décision de la chouette
L’après-midi le soleil se transforme en luciole d’un très mauvais aloi que
l’épervier avale
Il n’y a pas de sérénité sur le front de l’espace
Tous les volets fermés ressemblent à des chiens de berger qui jouent au loup
Mais voilà la forêt déboisée et l’ombre partout
Je m’y suis perdu de vue
Pourtant je sais qu’il y eut de grands signes dans le ciel et qu’alors la neige a
commencé par tomber
Ensuite nous ne nous reconnaissions plus de près comme de loin
Et eux qui divisaient pour mieux manger
Notre vie n’était et n’est rien d’autre qu’un manoir désaffecté
C’est alors que tomba la décision automatique
On se mit à parler très haut pour couvrir le massacre des ailes
Un sang très bleu coulait partout contre les vitres
On ne voulait pas y croire les enfants mi-tristes mi-satisfaits du spectacle
Car le bleu est toujours beau qu’on le veuille ou non il est un peu le Centrifuge
Les enfants donc devenaient nos plus grands enseignants
Puisque ce qu’ils savent sera
Et que le cimetière se remplissait comme un œil arraché auquel on tente en vain
de redonner sa forme première
Un enfant plus doux comme s’il pouvait y avoir des enfants plus doux que les
autres
Se mit à écrire contre les murs de la nouvelle nécropole que l’on venait de
baptiser Présent
Il était blond très petit il semblait voler et beaucoup d’entre nous crurent qu’il
volait vraiment
Il s’était empalé au bout du grand crayon qu’il tenait lui-même et c’était avec
son propre sang qu’il écrivait contre les murs
Pompéi n’est rien à cet égard
C’était le poète le vrai poète
L’enfant de trop de vains sourires
Le merveilleux en plastique je l’ai trouvé dans une enveloppe
Ensuite je suis entré dans la maison du crocodile qui dit Après
Et quelques plumes au bout des bras j’ai dansé
Dansé dansé sur le rythme du carabe multiplié
Cela faisait vingt ans que renaissait la perle fine dite l’Ascrobate
J’y ai plongé ma tête ma tête couleur de pomme et d’obélisque
Il y avait partout sur l’autoroute des lignes trop cruelles
J’ai voulu sécher mes yeux je me suis brûlé les doigts
Mes doigts de salpêtre
À l’embouchure du fleuve suivant j’ai pêché les oiseaux-lyres
Et deux fois plutôt qu’une on m’a répété Pardonne
J’ai pardonné
Ça n’a pas empêché les soleils de tourner dans mon ventre
Et si j’y repense
Ça me donne envie de changer
Parfois pour m’amuser je sautais sur des tas de fumier noir
C’était l’été on pouvait se permettre d’être bref
Et puis je me suis noyé tout au fond du chant des flûtes
Ces flûtes dont tu aimais l’essence
Et la naissance c’étaient oui t’en souviens-tu c’étaient les flûtes d’Hellébore
Le far-west de la pensée
Permets donc que je sois fol
C’est ton tour de pardonner
Je pose ma main sur le visage de la flèche
Et je compte jusqu’à trois pour te donner le temps
De courir
Mais là debout sur le grand chandelier
Je vois s’enflammer ton visage
Je vois les rouges et les noirs
Des vingt-huit démones du cœur
La région la moins lourde à porter s’appelle Pareille
C’est le soleil bleu du psychodrame
Tichodrome échelette sur le rempart
La prunelle est cramoisie
C’est toujours le même petit lutin aux yeux mous
Partout sur la vue claire
Obtuse espérance
Le lieu des hostilités
Tu pourras cuisiner ce ne sera pas pareil
L’aigle est plus grand que ses deux ailes
Et que la nuit
Trois fois non sera le cri de ma comète
Trois fois oui son désespoir
Ici j’étouffe comme en plein air
Obtuse obtuse obtuse
Espérance de pierre à feu