Les retards du JSF profitent au moteur F136
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Les retards du JSF profitent au moteur F136
Les retards du JSF profitent au moteur F136 Tandis que le prototype du F-35 doit reprendre ses vols en septembre, les retards s’accumulent et profitent au moteur F136 des challengers General Electric et Rolls-Royce. Le programme du Joint Strike Fighter a un calendrier des plus serrés et les avaries qui ont contraint l'avion à arrêter ses essais en vol en mai dernier ne vont pas arranger les affaires de Lockheed Martin. Pourtant, cette accumulation de retards pourrait paradoxalement profiter au F136, la seconde proposition de motorisation développée conjointement par General Electric et Rolls-Royce et dont l'entrée en service est prévue pour 2012. Car plus le JSF sera livré tardivement, plus la période durant laquelle Pratt & Whitney sera fournisseur exclusif de la motorisation sera réduite. Toujours est-il qu'actuellement Lockheed Martin table sur une livraison des premiers F-35A, la version classique de l'avion, à l'US Air Force pour 2009. Pourtant, l'horizon n'est pas complètement dégagé pour le F136 de Rolls-Royce et General Electric: le budget 2008 de 480 M$ (352 M€) doit toujours être confirmé à la mi-septembre. Budget 2008. En effet, depuis le début de son développement en 2005, le F136 échappe chaque année au couperet de l'annulation, le Pentagone souhaitant circonscrire les dépenses du programme JSF, toujours plus gourmand. En 2007 le développement du FI36 a été maintenu, mais avec un budget de développement amputé de 70 M$. "On espère que 2007 sera la dernière année où le programme est menacé", confiait Mark Rhodes, vice-président de la Fighter Engine Team (société réunissant General Electric et Rolls-Royce respectivement à hauteur de 60 et 40%), lors du dernier Salon du Bourget. Rolls-Royce se dit de son côté très confiant sur l'avenir du programme d'autant que plusieurs pays, la GrandeBretagne en tête, donneraient leur préférence à un moteur américano-britannique. De son côté, Pratt & Whitney, avec une étude du Lexington Institute à l'appui, continue d'argumenter en faveur d'un seul et unique moteur pour tous les F-35. Selon le Lexington Institute, disposer d'un second moteur pour le JSF n'est pas économiquement viable et n'améliorera pas la fiabilité et les performances de l'avion: le F135 est un dérivé du moteur du F-22 Raptor qui a déjà fait ses preuves en service, ce qui n'est pas le cas de son concurrent. Basé sur le F120 de GE qui fut proposé pour le F-22, le F136 est actuellement toujours en phase de développement système et démonstration (SDD). Cette dernière devrait se poursuivre jusqu'en 2012, date des premières livraisons du moteur, qui devraient également coïncider avec le quatrième lot de production du Lightning II. Si les prévisions de GE et de RR s'avèrent exactes, Pratt & Whitney ne devrait être fournisseur unique que pendant quatre ans seulement. La revue de conception détaillée (CDR) devrait s'achever début 2009. Dans le courant de la même année, le premier F136 de présérie devrait tourner au banc. Quatorze moteurs seront produits lors de la conduite de ces essais. La campagne d'essais en vol du F136 débutera en 2010 pour la version CTOL (F-35A) et en 2011 pour la version STOVL (F-35B). Les concepteurs insistent sur la complète compatibilité du moteur entre les différentes versions de l'avion: à l'instar du F135, il sera tout à fait possible de prendre un F136 d'un F-35A et de l'installer sur un F-35B. Selon les mots de Mark Rhodes, “la conversion sera aussi simple que de retirer le cône de la soufflante pour y fixer l’arbre de transmission vers la soufflante verticale". Par ailleurs, le F136 a reçu un nouveau coup de pouce le 17 août dernier avec la sélection de GE et de Rolls-Royce, cette fois en compétition pour mener la première phase du programme technologique Advent (Adaptative Versatile Engine Technology) de l'USAF. Cette première phase consiste en la démonstration de technologies dédiées à un moteur de nouvelle génération pouvant s'adapter de lui-même aux conditions de vol. Ce moteur sera vraisemblablement destiné à un bombardier subsonique furtif de nouvelle génération. Le rapport avec le F136? Les deux motoristes ont déclaré que quelle que soit l'issue de cette compétition, les technologies développées seraient insérées sur les évolutions futures du F136. Du côté de Pratt & Whitney, toutes les attentions se portent maintenant sur le F35B ainsi que sur la qualification de sa soufflante verticale développée par RollsRoyce. Le premier vol du F-35B STOVL (version à décollage court) est prévu pour mai 2008, avec un début de livraison normalement arrêté à 2009. Essais au sol. Bien que l'arrêt temporaire du F-35 ait mis en suspens les essais en vol du F135, la campagne d'essais au sol en configuration STOVL se poursuit ardemment. Cette dernière avait été interrompue en mai dernier suite à la rupture de l'arbre de transmission reliant la soufflante verticale à la turbine, qui a entraîné la destruction d'un moteur d'essais. Les essais ont repris début juillet et dernièrement le F135 en configuration STOVL a passé avec succès ses essais par vent de travers. Ils se sont déroulés à Palm Beach en Floride et en famille, puisqu'ils ont vu l'utilisation d'un turbopropulseur PT6 de Pratt & Whitney Canada pour produire un vent latéral de 65 km/h. Mais le programme du F135 n'est pas non plus à l'abri d'éventuels retards. Dernièrement, Pratt & Whitney s'est vu demander de redévelopper une nouvelle version de la boîte d'accessoires du moteur. En effet, le F-35C va nécessiter 33% de puissance électrique supplémentaire par rapport aux autres versions du JSF. La boîte d'accessoires devra donc pouvoir se conformer à ces nouvelles spécifications. Cette décision intervient alors que cette même boîte de transmission avait passé plusieurs tests décisifs en vue de sa qualification en mai dernier. François JULIAN Retard et surcoûts Au cœur de l'été, Lockheed Martin a reçu un contrat de 2,44 Md$ pour couvrir la deuxième année de production du JSF, soit six F-35A conventionnels, et autant de F-35B (STOVL) à livrer entre février 2010 et février 2011. La précédente commande passée l'an dernier pour livraison fin 2009 portait sur deux F-35A. A 200 M$ (145 M€) l'unité, on est encore très loin du prix cible espéré de 50 à 60 M$ par appareil quand la production battra son plein et que l'outil industriel sera mieux amorti, c'est-à-dire à partir de 2012. Et un tel surcoût dans les premières années de production risque de pousser les partenaires à reporter leurs commandes. C'est pour éviter une nouvelle spirale inflationniste que Lockheed Martin étudie à présent un principe de commandes pluriannuelles afin de convaincre ses clients étrangers d'acheter au plus tôt tout en payant un prix moyenne. A charge pour l'avionneur de se faire refinancer sur le marché des capitaux les fonds qui manqueront les premières années pour couvrir ses coûts de production. Bien avant la production, c'est le développement qui a vu ses coûts s'emballer. Ceux du F-35 ont bondi de 81% à 45 Md$, tandis que son calendrier prenait cinq ans de retard par rapport aux projections faites lors de son lancement en 1996. Le programme s'apprêterait à faire face à une nouvelle pénurie financière. En cause, les réserves prises pour couvrir les aléas techniques et qui seraient tombées loin des 8 à 10% du budget de développement total généralement retenus dans les programmes aéronautiques. 600 M$ manqueraient à l'appel et le Pentagone étudie actuellement les différentes façons de boucher les trous: demander aux pays partenaires d'augmenter leur contribution (ce qu'il s'est strictement interdit jusqu'ici) ou tailler dans le programme d'essais. Cette deuxième option semble tenir la corde et on évoque à Washington la possibilité de construire deux prototypes de moins pour les essais. Il est vrai qu'entre exemplaires de vol (quinze) et cellules d'essais statiques (huit), il existe une certaine marge. JD