Trois nations dans la tourmente. Vivre et écrire la Grande Guerre.

Transcription

Trois nations dans la tourmente. Vivre et écrire la Grande Guerre.
Trois nations dans la tourmente.
Vivre et écrire la Grande Guerre.
Présenté par les collégiens de l’Ecole française de Berne
Juillet 2014
Action pédagogique sélectionnée par l’Association des écoles françaises de
l’étranger (AEFE) et labellisé par la Mission du Centenaire :
1914-1918. La France, l’Allemagne et la Suisse sont dans la tourmente. Les collégiens
mettent en scène la guerre au quotidien à travers un échange de lettres et de cartes
postales qu’ils ont rédigées eux-mêmes, ainsi qu’à travers des dialogues joués en
allemand.
Projet dirigé par Mme Marie-Noëlle Brand Crémieux (histoire) et Mme Céline
Laborde (français), avec la collaboration de Mme Rahel Manolache (allemand), de Mr
Sébastien Vallélian (arts plastiques) et de Mr Enrico Zapparrata (musique).
Remerciements à Mme Elena Brand qui a pris les photos du spectacle et a bien voulu
les mettre à notre disposition.
© Copyright 2014 by Ecole française de Berne
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Avant-propos
Ce recueil est la trace écrite d’un spectacle présenté par les collégiens de l’Ecole
française de Berne le 3 juillet 2014. Il est l’aboutissement d’un travail mené tout
au long de l’année avec les quatre classes du collège en histoire, en français, en
allemand, en arts plastiques et en musique.
En cette année du Centenaire de la Première Guerre mondiale, nous avons voulu
faire réfléchir nos élèves sur une guerre d’une violence jusqu’alors inédite, qui a
bouleversé l’histoire européenne et internationale, déstructuré les sociétés et
bousculé les mentalités.
Cette action pédagogique a été sélectionnée par l’AEFE et labellisée par la
Mission du Centenaire.
Comme angle d’approche, nous avons choisi de retracer l’expérience de guerre au
quotidien, aussi bien pour les soldats que pour les civils, dans trois pays : deux
pays ennemis, la France et l’Allemagne engagés dans un conflit d’une extrême
violence, et la Suisse, pays neutre situé au milieu d’une Europe embrasée et
frontalier de la France et de l’Allemagne. Il s’agissait d’amener les élèves à
s’interroger à la fois sur un vécu commun et sur des expériences différenciées
dans les trois pays.
Nous avons cherché à saisir la réalité de la guerre dans les témoignages écrits,
lettres, cartes postales, carnets, littérature de guerre, en s’interrogeant sur leur
fonction, leur sens, leur message, sur le dit et le non-dit. Puis nous avons tenté de
comprendre les motivations qui ont pu pousser les soldats à combattre durant de si
longues années, dans des conditions si effroyables, à travers le questionnement
suivant : Qui est l’ennemi ? Quelle image a-t-on de lui ? En quoi la perception de
l’ennemi peut-elle justifier le combat et le sacrifice ? Que cherche-t-on à
défendre : son territoire, sa patrie, les siens ? Quelles sont les réactions
individuelles par rapport à la violence : sacrifice, héroïsme, révolte, colère,
acceptation ? Enfin, nous nous sommes intéressés aux civils, notamment aux
femmes et aux enfants entraînés dans ce que l’on appelle une guerre totale, pour
comprendre en quoi leur vie a été conditionnée par une guerre souvent éloignée
d’eux sur le plan géographique et néanmoins omniprésente.
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Nous avons décidé d’appréhender cette guerre principalement par l’écrit. De 1914
à 1918, l’écrit a joué un rôle fondamental en reliant le soldat à sa famille, à la vie
civile, à la vie sociale, en un mot à la vie « normale » pour utiliser l’expression
trouvée par les élèves. La lettre ou la carte postale établissent le lien avec ceux
pour qui le soldat se bat. Le carnet a une fonction d’exutoire, parfois de
témoignage. La littérature permet de dénoncer, de s’engager pour une cause :
Henri Barbusse, Erich-Maria Remarque, Jean Giono. Pour le soldat confronté à la
mort au quotidien, écrire c’est vivre !
Dans notre époque envahie par l’image, ce choix de l’écrit a rencontré un
véritable succès auprès des élèves qui ont été enthousiasmés par cette approche,
l’ont assimilée, puis se sont lancés, eux-mêmes, dans des écrits de guerre.
Les 3ème ont rédigé des carnets. Les 6ème, 5ème et 4ème ont imaginé des cartes
postales ou des lettres dans lesquelles ils ont mis en scène les relations entre les
soldats et leurs proches. Un groupe d’élèves s’est interrogé sur le sens de la guerre
et de la violence, à travers des dialogues en allemand. Ils ont représenté des
hommes, des femmes, des enfants issus des trois pays et de milieux sociaux
divers. Il en résulte des écrits extrêmement riches et nuancés, usant des différents
registres de langue, qui brossent un tableau fidèle de la Grande Guerre et ouvrent
sur une réflexion à dimension universelle. Une dimension universelle que l’on
retrouve également dans le décor et le thème musical.
Marie-Noëlle Brand Crémieux
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Like Toy Soldiers
Paroles écrites par les collégiens de l’EFB.
Loura
Comment c’est possible de faire tellement de guerres, des bombes, du sang, des
morts, l’horreur ?
Comment ça se fait de faire des choses pareilles, le froid, la haine ?
Beaucoup de familles qui ont perdu quelqu’un de cher, trop de gens devant le
cimetière.
Tuer des gens juste pour du territoire, il y a trop de sang, je peux plus y croire.
Nicolas
Ici c’est la terreur, ici tout le monde meurt,
Sur le champ de bataille, on est tous des tueurs.
Je voulais partir, mais je ne peux pas fuir, maintenant, c’est trop tard.
Mohamed
Pourquoi fait-on la guerre ? Suivez la nouvelle ère car guerre rime avec galère.
Tout ça, il faut en finir, se tourner vers l’avenir, arrêtez le carnage, il vaut mieux
tourner la page.
Mark et Nicolas
Adieu à la famille, adieu aux amis, nous sommes tous prisonniers, nous sommes
tous sacrifiés.
On doit s’en aller là-bas, dans la terreur, devenir nous tous, des tueurs.
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Sophia et Carla
Douleur, misère,
Mais, toutefois, nous continuons à la faire.
Elle n’apporte rien, que de la haine,
Pas d’amour, que limites et barrières.
Corali
Pourquoi tant de colère, pourquoi tant de violence ?
Les gens déclarent la guerre pour des raisons sans importance.
De la Grande guerre mondiale à la dernière en Syrie,
Cela n’est pas normal, que ça ne soit toujours pas fini.
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Carnets de Verdun, rédigés par Théo Emery, 3ème
15 Février 1916
Arrivée à la gare de Lyon, à Paris, vers 3h00, après 5 heures de train. Nuit passée dans
la gare même.
16 Février 1916
Départ du train pour Verdun à 2h00 du matin. Les conditions du voyage sont
inhabituelles. Arrivé du train à 21h30.
17 Février 1916
Distribution du matériel et des vivres. Nuit passée à la caserne.
18 Février 1916
Arrivée à Verdun. Dans la nuit, mes compagnons et moi, montons au front.
19 et 20 Février 1916
Tout est étrangement calme, nous restons sur nos gardes. L’ennemi semble préparer
quelque chose...
21 Février 1916
Début du bombardement de l’ennemi. Les obus pleuvent. C’est l’enfer ! Les obus de
gros calibre détruisent tout sur leur passage, les shrapnells volent, les obus sifflent, le
sol est jonché de cadavres et le paysage est à jamais transformé par les cratères des obus.
À la fin de la journée, j’ai l’impression que des millions d’obus nous sont tombés dessus.
Nous n’avons pas fermé l’œil de la nuit et nous avons peur pour la suite.
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Carnets de Verdun rédigés par Ange-Daniel Gnaly, 3ème
Lundi 19 Juin 1916
Je suis appelé pour aller au front. Je dois me préparer et faire mes adieux à ma famille
et à mes amis. Bientôt, ce sera pour moi le baptême du feu.
Vendredi 23 Juin
Dans quelques heures, je monterai dans le camion pour Verdun. J’ai beaucoup prié pour
éviter ce moment.
Vendredi 10 Juillet 1916
Je suis au front pour la première fois. Malgré les difficultés rencontrées, nous avons
réussi à repousser les Allemands.
Samedi 11 Juillet
Je viens juste de me réveiller. Cette nuit, nous sommes retournés à l’arrière, dans un
village, afin de dormir. Les tranchées sont tellement inconfortables !
Dimanche 26 Juillet
Aujourd’hui, c’est le jour de la prière. Avec quelques soldats nous allons à l’arrière de
l’église. Nous faisons la rencontre d’un prêtre et de quelques médecins. Les salles et les
caves de l’église sont combles, toutes encombrées par des lits et de la paille. Nous
déposons nos armes avant d’entrer. La prière commence à neuf heures.
Mardi 28 Juillet
J’ai reçu une lettre de ma mère. Elle a eu 49 ans le 22 juillet. Elle me remercie d’avoir
pensé à son anniversaire malgré l’enfer dans lequel je me trouve. Cette guerre m’a fait
manquer plusieurs évènements importants dans la famille, dont celui-ci.
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Jeudi 30 Juillet
Grâce à notre courage et à nos canons de 75, nous avons réussi à repousser les
Allemands assez loin du fort. C’est peut-être notre première grande victoire à Verdun.
Ce soir nous dormirons au calme, sans peur, nous sommes tous soulagés de ne plus avoir
à combattre, mais pour combien de temps ?
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Carnets de guerre rédigés par Wanda Mensi, 3ème
1 novembre 1918,
Me voilà parti. Mes camarades et moi remontons le boyau et allons en direction du
champ de bataille. Je tremble comme une feuille en entendant les tirs d’artilleries, je ne
trouve aucun moyen pour stopper ce tremblement frénétique. Reviendrais-je vivant ?
C’est la seule question qui me taraude. Ce qui me fait tenir le coup, c’est que tu puisses
avoir de mes nouvelles et que tu ne t’inquiètes pas.
8 novembre 1918,
Ma bien chère et tendre Denise,
Quand cette lettre te parviendra, je serai peut-être déjà mort. Je ne saurais dire à quel
point tu me manques. Tous ces bombardements me rendent fou. Je passe le plus clair de
mon temps à attendre la mort, dissimulé dans ma cagna. Tous mes camarades sont
enterrés. Pourquoi pas moi ? L’unique chose qui me fait tenir, c’est l’idée de te revoir.
Le moindre bruit me fait sursauter. Les quelques provisions que je m’efforce de trouver
sont insuffisantes. Heureusement qu’il me reste de l’eau de pluie. Je prie pour que tu
reçoives au plus vite cette lettre et que nous nous retrouvions.
10 novembre 1918.
Le moment de la relève est enfin arrivé, mes jambes ne me tiennent plus, j’ai retrouvé
quelques camarades. Ils ne parlent pas beaucoup. L’un d’entre eux a perdu sa jambe, un
autre n’entend plus rien. Mes compagnons sont comme des fantômes. Plus aucun
sourire sur leur visage, plus aucune émotion, ils sont comme morts de l’intérieur.
J’essaie tant bien que mal de tenir bon, il faut que je tienne, pour ma Denise.
Jeudi 11 novembre 1918,
La guerre est enfin finie, je n’aurai pas à retourner sur le champ de bataille. Je reviens
à la maison. Je vais pouvoir te serrer dans mes bras. Si tout se passe bien, je serai de
retour dès le début de la semaine prochaine et notre futur enfant aura la chance de
connaître son père.
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Carte rédigée par Armand Emery, 6ème
Papa,
Tu me manques beaucoup. A l’école, j’ai toujours de bonnes notes. À la maison, je suis
souvent seul. Maman rentre tard de l’usine d’armement. Je dois tout faire moi-même.
S’il te plaît, reviens vite.
Ton fils qui pense à toi,
Guillaume
P.S : merci pour la carte, je la garde bien précieusement.
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Carte rédigée par Salomé Favre, 6ème
Mon petit papa chéri,
Je voulais te dire que tu me manques beaucoup et j’aimerais tant que tu reviennes. Moi,
je me plais bien avec ma tante et ma nouvelle cousine.
Tu voulais savoir comment ça va à l’école ? J’ai eu deux 10 sur 10 et un 9 sur 10 en
rédaction. On devait écrire sur ta permission ou sur un père blessé. Mais je n’ai eu
qu’un 6 sur 10 en dictée.
Voilà, maman veut te dire qu’elle t’aime et qu’on t’embrasse très fort.
Ta fille chérie qui pense à toi et qui t’aime très fort,
Marie
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Lettre rédigée par Anissa Seidi, 5ème
Le 2 Janvier 1916
Chère Clémence,
Cela fait maintenant une semaine que je suis au front. Il y a beaucoup de morts mais je
ne sais point par quel miracle je suis en vie. Le temps n’est pas de notre côté, les nuages
sont noirs. On va recevoir une bannée, donc ça va être dur de marcher et de combattre.
On pense souvent à nos camarades qui ne sont plus là, ils nous manquent beaucoup
mais on n’y peut rien. Dans les tranchées, on dort par terre, sans oreiller et sans
couverture. Il fait froid, on a toujours l’esprit aux aguets et on ne mange pas très bien.
Si on n’a pas de corvées ou si on ne combat pas, on n’a rien à faire, l’ennui alors nous
envahit. On essaie de se trouver des occupations, comme lire un livre, discuter entre
nous ou écrire à sa famille et aux copains. J’espère que tout va bien pour toi et j’attends
avec impatience que tu me répondes.
Jean
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Lettre rédigée par Thomas Sigrist, 5ème
Le 9 janvier 1916
Cher Jean,
Merci pour ta lettre, je me suis fait beaucoup de soucis pour toi au front. Ce que tu
m’as raconté sur tes copains m’a inquiétée. Quant à moi, je vais bien, le seul problème
est le travail, il est très pénible.
Je ne gagne que quelques francs à l’usine…Le travail me pèse, nous construisons et
manipulons des obus qui risquent d’exploser à chaque secousse. Je n’aime pas ce travail
parce qu’à chaque obus qui explose un, nouveau soldat meurt. Je pense t’avoir tout dit.
Je pense très fort à toi.
Clémence
PS : j’ai fait quelques petites économies et j’ai pu t’envoyer des confiseries que tu
trouveras dans le colis, j’espère te revoir très vite… dans un mois pour tes 29 ans…
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Carte rédigée par Armand Emery, 6ème
Mon cher papa,
Depuis que tu es parti, tout est différent. À l’école, nous devons travailler sur la guerre.
Par exemple : en arithmétique, nous calculons le nombre de punitions infligées par un
maître allemand. Il y a quelques jours, j’ai dû écrire une rédaction sur le retour d’un
père blessé à la maison.
Envoie-moi vite de tes nouvelles, je m’inquiète.
Ton fils Guillaume
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Lettre rédigée par Océane Date, 4ème
Verdun, le 5 décembre 1915
Ma chère Julia,
Je t’écris pour te faire part de ma vie qui prend une tournure dramatique. Au début,
j’étais heureux de pouvoir partir défendre ma patrie mais, au fil du temps, tout a
changé. C’est un sentiment désagréable. J’ai reçu hier les biscuits au chocolat que tu
m’as envoyés, ce sont mes préférés ! Quotidiennement l’on espère recevoir des vêtements
et de la nourriture. Dans la semaine, nous avons une ration très moyenne, la soupe aux
pommes-de-terre et au lard, deux fois le bouillon, une fois les haricots verts. On mange
à même le couvercle de notre casserole de fer. Tous les dix jours, je change de
chaussettes. Nous dormons avec nos vêtements de combat. Pour nous asseoir, nous
avons un tabouret ou rien du tout. Souvent, nous nous rinçons et nous lavons dans
l’eau des tranchées. Maintenant qu’il pleut beaucoup, c’est une véritable catastrophe,
les tranchées sont remplies de boue. Pour s’éclairer, nous mettons une faible lumière
dans une bouteille pour pouvoir écrire nos lettres. Crois-moi ma chérie, je préfèrerais
vivre loin d’ici plutôt que de vivre dans cet enfer. J’espère que tu me répondras le plus
vite possible.
Ton bien aimé Ulrich
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Lettre rédigée par Rim Ouchqir, 5ème
Le 6 décembre 1915
Mon cher Ulrich,
Hier j’ai reçu ta lettre.
Je peux te dire que tout va bien ici. Les enfants te réclament, ils me demandent
toujours de t’écrire mais à cause de mes heures de travail, je ne peux pas t’écrire chaque
jour. Nous prions le bon Dieu pour que tu reviennes sain et sauf. On a faim à cause de
ces maudits Anglais. Ils empêchent l’approvisionnement du pays et les rations
diminuent de jours en jours. Cette semaine nous avons enterré plusieurs voisins victimes
de la famine. A cette misère, s’ajoute la grippe espagnole qui fait des ravages terribles
dans tout le pays.
Reçois cette lettre avec tout mon amour. Demain je t’enverrai des biscuits, si je peux
m’en procurer…
Ta femme,
Julia
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Lettre rédigée par Sofia Zurkinden, 5ème
Le 14 mars 1915
Chère Fränzi,
Comment vont les enfants ? Dis-leur de bien travailler à l’école et de t’aider comme ils
peuvent. Toi, comment tu vas ? Le travail n’est-il pas trop dur ? Demande à mon père
de t’aider avec la récolte. Ma mère pourra s’occuper des animaux. J’aimerais tellement
être avec vous, chez nous. Quelquefois, on passe des jours à surveiller l’horizon et le
ciel, et rien ne se passe. D’autres jours, on ne fait qu’entendre des coups de canons et
des avions voler au-dessus de nos têtes. Dans ces moments, on se protège comme on
peut et on attend que l’enfer se termine. Heureusement que mes camarades sont là, ils
m’aident à supporter les horreurs qui se produisent à quelques kilomètres d’ici. Peux-tu
me tricoter une écharpe et des chaussettes ?
Je t’aime tendrement,
Philipp
18
Lettre rédigée par Justine Bongardo, 5ème
Le 20 Mars 1915
Cher Philipp,
J’ai bien reçu ta lettre. Les enfants apprennent chaque jour de nouvelles formules de
mathématiques. Notre fils, Hansi, est le meilleur de sa classe. Pour moi, tout va bien. À
la Croix-Rouge, j’accueille des soldats blessés de toutes nationalités et je les soigne
comme je peux. Certains y restent plusieurs mois et d’autres pas plus d’une semaine.
Grâce à tes parents, le travail est moins pénible. Birgit et moi t’avons tricoté une
écharpe et des chaussettes. Hansi t’a fabriqué un cadre pour y mettre une photo de
notre famille, pour te réconforter dans les moments où tu te sentiras seul. Tu me
manques beaucoup et j’espère bientôt te revoir à nos côtés.
Je t’aime,
Fränzi
19
Carte rédigée par Chahinaz Mechrouk, 5ème
Le 3 Mars 1916,
Cher père,
Que dire? Chaque jour, une avalanche de sentiments me tourmente. Le temps semble
une éternité, un enfer… Je me demande comment je vais pouvoir m’en sortir : vivant
ou mort ? Je ne verrai point la différence. La souffrance qui règne dans les âmes, les
victimes qui agonisent devant moi …mes enfants souffrent-ils ? Qu’en sais-je ?
Heinrich
20
Carte rédigée par Carla Piffaretti, 5ème
Le 6 mars 1915
Heinrich, Mon fils,
C’est un soulagement de te savoir en vie. Dans ta carte, j’ai senti que tu souffres. Je
peux comprendre, je l’ai aussi vécu …
Mais reste fort ! Les Müller ne baissent jamais les bras. Et rappelle-toi que tu te bats
pour la famille et pour ta patrie. Les Français, ces lâches, nous haïssent. Depuis leur
défaite de 1870, ils ne pensent qu’à se venger. Ils cherchent par tous les moyens à
regagner du terrain et à s’emparer de territoires allemands.
Les enfants vont bien. Ne t’inquiète pas pour nous. Que dieu te garde mon fils !
Courage !
Herbert
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Lettre rédigée par Mark Bernath, 5ème
Porrentruy, le 15 septembre 1916
Cher Jean-Paul,
Je vais bien. Merci beaucoup pour ton cadeau d’anniversaire. Le tricot et les
chaussettes me sont très utiles. Il fait froid la nuit ! Notre pire ennemi est l’ennui.
Même si nos journées sont bien chargées, elles se ressemblent toutes. Vers six heures du
matin, on se lève, on mange rapidement, on continue à creuser des tranchées et à
construire des fortifications. Nous avançons lentement car le sol est dur et caillouteux.
Vers onze heures, on peut se reposer une heure environ. Pour midi, nous mangeons des
patates au lard ou des haricots. J’espère que tu ne souffres pas trop de la pénurie.
L’après-midi, on s’entraîne, on nettoie les armes et on creuse. Le soir, nous avons de la
soupe ou de la viande. Le plus difficile, c’est quand il faut rester de garde la nuit, dans
le froid. C’est là que ton colis m’est le plus utile. J’espère que tu apprécieras mon
cadeau, c’est un objet que j’ai sculpté dans un morceau de bois pendant les temps morts.
Je suis bien heureux d’être Suisse. Quand je vois la guerre avec mes jumelles, je suis
tellement heureux de ne pas y être… Pour l’ instant notre secteur est calme. Après ces
lignes, es-tu toujours aussi impatient de faire ton service militaire ? Bon, assez parlé de
ma vie, que fais tu tous les jours ? Est-ce que tu t’ennuies ? Réponds-moi vite.
Henri
P.S. : j’ai vu de nombreux déserteurs. Leurs discours n’ont rien de rassurant !
J’espère te voir bientôt.
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Lettre rédigée par Gea Robbiani, 5ème
Neuchâtel, le 18 septembre 1916
Mon cher frère,
J’espère que tu as un peu plus le moral. Je t’envoie avec cette lettre un jeu de dames
pour t’amuser pendant les temps morts. Mère a mal à la tête et ne dort plus te sachant
aux frontières de la guerre. Après ce que tu m’as écrit, je suis bien moins enthousiaste
qu’auparavant pour faire mon service militaire. Merci beaucoup pour ton cadeau, ta
statuette sculptée dans le bois est magnifique ! Je ne te connaissais pas aussi bon
sculpteur. Mère m’a offert un morceau de chocolat pour mon anniversaire. Je déteste les
cartes de rationnement, nous mangeons tellement peu ! J’espère que ni les Français, ni
les Allemands ne vont nous envahir. L’autre jour, nous avons vu venir un camion
rempli de déserteurs allemands, qui est arrivé de Bâle. Leurs discours sont horribles,
mon envie de faire mon service militaire s’est essoufflé, rien qu’a l’idée de voir ces
horreurs depuis la frontière ! Notre plus grande terreur à tous serait d’apprendre que les
Français ou les Allemands ont attaqué notre pays. J’espère que tu viendras à Noël, j’ai
vraiment envie de te revoir !
Réponds-moi vite,
Jean-Paul.
P.S. : j’aide Mère tous les jours dans la boutique, c’est très dur, nous n’en pouvons
plus.
J.P.
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Lettre rédigée par Laoura Manessi, 4ème
Le 7 juin 1917
Mon papa que j’aime,
Tu sais ce qui s’est passé hier ? C’était mon anniversaire ! J’ai eu 9 ans, mais tu n’étais
pas là. En plus, je n’ai pas eu de gâteau d’anniversaire. On aurait pu jouer au ballon
que maman m’a offert. C’est dommage, il est déjà tout noir car hier c’était le jour du
charbon et je l’ai fait tomber dans le seau que je transportais. Maman était un peu
fâchée mais elle ne m’a pas envoyé au piquet.
Ça fait très longtemps que je n’ai pas mangé du chocolat, on n’en trouve plus dans les
magasins. J’espère que tu reviendras bientôt et qu’on pourra en manger ensemble,
comme avant.
À l’école, on parle des Allemands. La maitresse nous a expliqué que c’est à cause d’eux
que la guerre a commencé. Je ne les aime pas du tout, ils sont méchants. Ils veulent te
tuer et tuer tes amis soldats.
Je n’aime pas la couture mais avant-hier on a fait quelque chose qui m’a beaucoup plu.
Ce sont des chaussettes en laine avec ton nom dessus. Maman m’a dit que tu vas
beaucoup aimer.
Au cours de gymnastique, on a appris à se cacher des mauvaises personnes. J’espère
qu’on t’a appris à te protéger des Boches.
Fais attention à toi. REVIENS VITE !!!!!
Je t’aime très fort.
Tu es mon Héros,
Léon
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Lettre rédigée par Corali Steffenon, 4ème
Le 12 juin 1917
Mon Léon,
Tu sais bien que pour rien au monde je n’oublierais ton anniversaire. J’en ai même parlé
à tous mes camarades, figure-toi !
Quand je serai à la maison, on jouera au ballon ensemble. Et promis, on mangera un
gâteau au chocolat comme tu les aimes et on soufflera tes neuf bougies. C’est que tu
deviens un grand garçon maintenant !
Tu as bien raison de ne pas aimer les Boches, mon fils. Ce sont des bêtes sauvages. Mais
ne t’en fais pas, je me protège bien d’eux, rien ne peut m’arriver. Du moins, tant qu’ils
ne décident pas d’avoir recours aux grands moyens…
Moi non plus, je n’ai pas eu de ration de chocolat depuis plusieurs jours maintenant.
Rien que du pain, de la viande et un peu de soupe pour nous réchauffer dans les
tranchées.
D’ailleurs, tes chaussettes aussi m’aident à me réchauffer. Je les ai reçues hier et elles
sont très belles ! Je les porte tous les jours en pensant à toi.
Très bientôt, je serai rentré à la maison. En attendant, sois sage et reste gentil avec ta
Maman.
Ton Papa qui t’aime fort.
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Lettre rédigée par Mohamed Diallo, 4ème
Verdun, le 15 juillet 1916
Très chère sœur,
A ce jour, durs sont les combats que nous, soldats, menons sur le champ de bataille. Je
sors vivant de ce carnage, mais à quel prix ? Nombreux sont les valeureux compagnons
morts sous mes yeux, traversés par les balles des fusils, brûlés par les lance-flammes,
explosés par les obus .Nous, soldats français, nous nous battons pour une guerre que
nous n’avons ni voulue, ni provoquée. Quant à la vie dans ces tranchées, c’est un vrai
calvaire vécu au quotidien. Nous sommes constamment dans la boue. L’hygiène est
déplorable. Ma vie privée est devenue quasiment inexistante. Bien que ma vie soit
constamment menacée, et la vôtre sauve, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter de notre
famille si proche des zones de combats. Je crois me souvenir que tu travailles
maintenant en tant qu’infirmière, ai-je tort ? Comme pour moi, ce changement a dû
bouleverser ton train de vie. Je ne peux que me montrer fier de toi. Certes, ce n’est pas
comparable à l’angoisse ressentie sur le champ de bataille, mais j’imagine que s’occuper
des blessés de guerre doit être un fardeau lourd à porter sur tes frêles épaules.
Très chères salutations.
Louis
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Lettre rédigée par Yasmina Eby, 4ème
Le 18 juillet 1916
Très cher frère,
Je me vois ravie de t’écrire à mon tour et de te savoir en vie. Sache que, nous, ta famille
te remercions de nous défendre, de nous protéger en te sacrifiant. Nous apprécions le
courage dont tu fais preuve et continuons d’espérer ton retour. J’ai pris une partie de
mon temps libre pour te répondre. À l’hôpital, nombreux sont les soldats entre la vie et
la mort, et ici, il règne un grand désordre. Il y a quelques jours de cela, j’assistais à une
amputation et j’entends encore les cris de douleurs résonner sans cesse dans ma tête.
Ma plus grande peur serait de t’avoir comme patient, cela me détruirait de te voir dans
un si piteux état ; je m’efforce de croire que les probabilités qu’un tel drame se produise
soient infimes. C’est ainsi que je continue d’espérer ton retour parmi nous, ta famille.
Chacun s’entête à sortir victorieux de cette guerre et le sang ne cesse de couler. J’espère
que tu seras épargné ! Je ne peux qu’essayer de compatir à la douleur ressentie sur le
champ de bataille. Sache que nous ne t’oublierons jamais quoi qu’il arrive.
À bientôt (je l’espère)
Je te serre tendrement dans mes bras.
Anna
27
Carte rédigée par Nicolas Kourkoutas, 5ème
Le 15 octobre 1917
Cher Maximilian,
Comment vas-tu mon ami ? J’ai hâte de te revoir. Comme j’aimerais être à ta place! Tu
dois être très fier de défendre ta patrie. Ici, on essaye de participer à la guerre avec nos
moyens. Hier, j’ai donné les économies de ma tirelire pour les soldats. C’est le moment
des récoltes et ma mère travaille aux champs. Le travail est dur et semble interminable.
Je l’aide comme je peux, après l’école. J’espère que tu seras vite de retour! La
population meurt de faim. On nous a distribué des cartes de rationnement pour acheter
de la nourriture, notamment du pain. Le problème, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à
acheter…
Je te souhaite bon courage,
Karl
28
Carte rédigée par Lucas Bongardo, 5ème
Le 30 octobre 1917
Cher Karl,
Je vais bien, ne t’inquiète pas. Moi aussi j’ai hâte de te revoir. Ici, ce n’est pas comme
on t’a appris à l’école, il faut surveiller à tout moment ses arrières. Il fait froid, on a
faim. Les obus font un bruit terrible et assourdissant. C’est un enfer, un calvaire et je
n’en peux plus. J’espère rentrer bientôt à tes côtés, en bonne santé.
Maximilian
29
Carte rédigée par Chedi Triki, 6ème
Mon cher papa,
Les jours passent très lentement sans toi. Tout a changé ici. Maman travaille toute la
journée et je l’aide à la cuisine. A l’école, on joue à la guerre. Aujourd’hui, je suis
rentrée tard à la maison. Après l’école, on a fait la quête nationale pour récolter de
l’argent pour les soldats. Mais j’en ai assez de la guerre. Je n’arrive pas à me concentrer
à l’école, je suis très inquiète.
Marie
30
Carte rédigée par Colin Bösch, 6ème
Mon cher papa,
Je vais bien. J’attends depuis des mois ta permission. On va à la messe tous les
dimanches et je prie pour toi. Papa je veux te voir, tu me manques beaucoup et à
maman aussi.
A l’école, on travaille l’arithmétique, par exemple combien un canon lance d’obus par
minute. En chant, on apprend la Marseillaise. On a tricoté un tricot chaud pour toi.
Maman travaille beaucoup et on l’aide chaque jour.
Ta petite fille chérie
Juliette qui pense beaucoup à toi.
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Carte écrite par Antoine De Testa, 6ème
Mon cher Papa,
Maman et moi on pense fort à toi en ce moment, on tricote des chandails et des
chaussettes pour toi.
A l'école, je fais des progrès en arithmétique pour pouvoir calculer les tirs d'obus.
L'image sur ta carte postale est très belle. Comme sur la photo, j'aimerais bien faire de
la luge avec toi. Je t'attends depuis si longtemps. J'espère vite te revoir. Maman et moi
avons préparé du pain perdu pour toi et j'ai fait un beau dessin.
Ta petite Marie qui te serre dans ses bras.
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Carte rédigée par Sarah Peter, 6ème
Mon papa chéri, mon petit papa,
On a bien reçu ta carte papa, merci, on va bien ici. Maman ne s’ennuie pas, elle
travaille dur pour nourrir la famille. Hier, en classe, on a chanté la Marseillaise, et on a
tricoté un chandail et trois paires de chaussettes. On a déchiré vingt draps en charpies
pour les blessés. A la récréation, on a joué au médecin qui soignait les soldats.
Je pense très fort à toi, mon papa, tu nous manques beaucoup.
Tes chères petites filles
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Dialogues en allemand.
Luise 1917 :
Emmi: Warum ist der Doktor nun schon seit einer halben Stunde bei Luise? Sonst
bleibt er doch nie länger als fünf Minuten, er hat doch so viele Patienten.
Anna: Bestimmt stirbt Luise…
Kalle: Aber warum denn?
Anna: Weil sie krank ist, warum denn sonst.
Kalle: Und was hat sie?
Anna: Sie hat die Motten. Luise hat Tbc.
Emmi: Der Doktor kommt!
Anna: Herr Doktor, was ist mit Luise?
Der Doktor: Es ist vorbei. (seufzt). Ist besser so. Sie wäre ja doch nicht wieder
richtig gesund geworden.
Anna (zu ihrer Mutter): Ich will noch mal zu Luise! Sie ist… war doch meine
beste Freundin!
(klingelt bei Luise):
Luises Mutter: Wer ist denn da?
Anna: Ich! Anna! Ich….ich will… ich wollte…ich wollte fragen, ob ich Luise
noch mal sehen darf.
Luises Mutter: Komm! (Führt sie zur toten Luise, die auf ihrem Bett liegt). Sie
war so ein gutes Kind, viel zu gut für diese Welt. Deshalb hat unser Herrgott sie
zu sich geholt.
Anna: Ja, so muss es gewesen sein. Warum sonst holt der liebe Gott so viele
Kinder zu sich, die ja niemandem sonst etwas getan haben? Strafe kann es nicht
sein.
Luises Mutter: Verabschiede dich! (Anna weiss nicht, was sie sagen soll. Sie legt
die Hände zusammen und tut, als ob sie betet.)
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(bei Anna):
Annas Mutter: Warste bei Luise? Anna nickt.
Emmi (flüstert): Wie war’s denn?
Anna: Einfach traurig.
Annas Mutter: Dieser Krieg. Dieser verfluchte Krieg!
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Warum Krieg ? Gespräch unter Soldaten aus : Im Westen nichts Neues von
Erich Maria Remarque.
Albert: Eins möchte ich aber doch wissen: ob es Krieg gegeben hätte, wenn der
Kaiser nein gesagt hätte.
Paul: Das glaube ich sicher, er soll ja sowieso erst gar nicht gewollt haben.
Albert: Es ist komisch, wenn man sich das überlegt, Wir sind doch hier, um unser
Vaterland zu verteidigen. Wer hat nun recht ?
Paul: Vielleicht beide.
Albert: Aber unsere Professoren und Pastöre und Zeitungen sagen, nur wir hätten
recht, und das wird ja hoffentlich auch so sein – aber die französischen
Professoren und Pastöre und Zeitungen sagen, nur sie hätten recht, wie steht es
denn damit?
Paul: Das weiss ich nicht. Auf jeden Fall ist Krieg, und jeden Monat kommen
mehr Länder dazu.
Tjaden: Warum gibt es Krieg? Wie kommt es zum Krieg?
Albert: Meistens so, dass ein Land ein anderes Land schwer beleidigt.
Tjaden: Ein Land? Das verstehe ich nicht. Ein Berg in Deutschland kann doch
einen Berg in Frankreich nicht beleidigen. Oder ein Fluss oder ein Wald oder ein
Weizenfeld.
Albert: Bist du so dämlich oder tust du nur so? So meine ich das doch nicht. Ein
Volk beleidigt das andere…
Tjaden: Dann habe ich hier nichts zu suchen. Ich fühle mich nicht beleidigt.
Albert: Dir soll man nun was erklären. Auf dich Dorfdeubel kommt es doch dabei
nicht an.
Tjaden: Dann kann ich ja erst recht nach Hause gehen. Bedenk doch mal, dass
wir fast alle einfache Leute sind. Und in Frankreich sind die meisten Menschen
doch auch Arbeiter, Handwerker oder kleine Beamte. Weshalb soll nun wohl ein
französischer Schlosser oder Schuhmacher uns angreifen wollen? Nein, das sind
nur die Regierungen. Ich habe nie einen Franzosen gesehen, bevor ich
hierherkam, und den meisten Franzosen wird es ähnlich wie uns gehen.
Paul: Weshalb ist denn überhaupt Krieg?
Albert: Es muss Leute geben, denen der Krieg nützt.
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Tjaden: Na, ich gehöre nicht dazu.
Albert: Du nicht, und keiner hier.
Tjaden: Wer denn nur? Dem Kaiser nützt er doch auch nichts.
Albert: Das sag nicht. Einen Krieg hat er bis jetzt nicht gehabt. Und jeder grosse
Kaiser braucht einen Krieg, sonst wird er nicht berühmt. […]
Paul: Generäle werden auch berühmt durch Krieg.
Albert: Sicher stecken andere Leute, die am Krieg verdienen wollen, dahinter.
Paul: Ich glaube, es ist mehr eine Art Fieber – Keiner will es eigentlich, und mit
einem Mal ist es da. Wir haben den Krieg nicht gewollt, die andern sagen das
gleiche – und trotzdem ist die halbe Welt dabei.
Albert: Drüben lügen sie noch mehr als bei uns. Sie sagen, dass wir belgische
Kinder fressen!
Paul: Besser auf jeden Fall, der Krieg ist hier als in Deutschland. Seht euch mal
die Trichterfelder an!
Tjaden: Das stimmt. Aber noch besser ist gar kein Krieg!
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