le management public des territoires

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le management public des territoires
« LE
MANAGEMENT
PUBLIC
DES
TERRITOIRES – DECIDER, AGIR, EVALUER »
Organisateur
LE LIVRE DES TERRITORIAUX
Animateur
Patrick GENEVAUX, Élève administrateur territorial, promotion Paul Eluard
1
L’ouvrage intitulé Le management public des territoires – Décider, agir, évaluer a été
écrit sous la direction d’Éric Jardouin et Jean-Christophe Baudouin, avec la participation
de Didier Bacqueville, Jacques Marsaud, Béatrice Mérand, Vincent Potier et Philippe
Yvin, tous Directeurs Généraux des Services (DGS) de grandes collectivités et
d’établissements publics. Il vise à établir un corpus aussi complet que possible des
processus et des outils mis en œuvre dans le cadre du mana gement du service public
local ; un objet jusqu’alors peu étudié.
Ses auteurs rappellent en outre que ce type de management présente plusieurs
spécificités, liées au poids du cadre réglementaire, à la nécessaire prise en compte des
citoyens et des élus ou encore à l’organisation des collectivités qui emploient souvent de
nombreux agents. Ils affirment par ailleurs que les collectivités disposent d’une rationalité
2
limitée . Ainsi, certains processus de décision relèvent de pratiques informelles non
rationnelles. À travers cet ouvrage, les auteurs ont donc aussi l’ambition de
proposer des outils pour maîtriser l’irrationalité relative qui règne dans les
collectivités. En revanche, ils laissent de côté la question de l’influence de l’humain dans
le management d’une collectivité. Par ailleurs, ces auteurs accordent dans leur ouvrage
une large place à la dimension politique et à ses implications dans le fonctionnement
d’une collectivité. Ils rappellent combien il est important que le manager territorial
accompagne l’élu pour qu’il s’approprie les décisions prises et l’aide ainsi à avancer dans
ses projets.
Enfin, au travers d’un va-et-vient incessant entre la théorie et la pratique, l’ouvrage
propose un catalogue et une mise en perspective des outils au service des managers des
territoires pour la mise en œuvre de leurs projets. Ces outils présentent toutefois un
caractère pionnier et nombre de collectivités ne les ont pas encore mis en place. Se pose
donc la question de leur coût par rapport aux bénéfices qu’ils doivent procurer.
1
Jardouin E. et Baudouin J-C. (2012). Le management public des territoires – Décider, agir, évaluer . Editions
de l’Aube
2
Concept développé par Michel Crozier et Erhard Friedberg en 1977 dans L’acteur et le système – Les
contraintes de l’action collective
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5 & 6 décembre 2012
Genèse de l’ouvrage
Didier BACQUEVILLE
Directeur général des services, Conseil général du Gard
L’ouvrage Le management public des territoires – Décider, agir évaluer a été rédigé en
réponse à une commande, mais il vient également combler un manque. En effet, alors
que les managers territoriaux sont très nombreux, leur activité fait rarement l’objet
d’ouvrages généralistes. Rédigé par des praticiens, cet ouvrage se veut un manuel à
l’usage des managers publics locaux, fondé sur le constat du caractère très spécifique de
la structure des collectivités territoriales. Ces dernières se distinguent ainsi des
entreprises, car leur finalité est de produire du lien social et non du profit. Elles se
différencient également d’autres collectivités publiques, par leur interaction quotidienne
avec les élus et les citoyens. Enfin, elles s’inscrivent dans un cadre législatif et
réglementaire particulier et assument une large palette de missions (petite enfance,
entretien de la voirie, etc.).
En revanche, l’ouvrage ne traite pas des différentes manières d’incarner le management.
Ce sujet pourrait faire l’objet d’un livre à part entière. Nous avons plutôt considéré les
managers territoriaux comme des chefs d’orchestre, dont la partition prendrait la
forme d’un corpus de références communes que nous avons réunies dans notre
ouvrage. Enfin, les outils proposés doivent bien sûr être validés et adaptés au cas par
cas. Ils ne constituent pas en outre un manuel de « pilotage automatique » grâce auquel
les managers pourraient pallier la rationalité limitée de leur organisation. Ils viennent
plutôt éclairer objectivement la contestable primauté de la rationalité politique sur toutes
les autres rationalités.
Quel consensus autour du contenu de l’ouvrage entre les auteurs ?
Béatrice MÉRAND
Directrice générale des services, Ville de Quimper et Quimper Communauté
Nous nous sommes rapidement accordés sur le plan de l’ouvrage. La diversité de nos
parcours et de nos expériences nous a permis de proposer un corpus très riche. Certains
sujets, toutefois, ont généré des confrontations. Par exemple, alors que la réforme de la
fiscalité locale est accueillie avec intérêt dans les communes et les intercommunalités, les
Départements regrettent la perte d’autonomie qu’elle entra îne.
Le rapport du management public local au politique
Béatrice MÉRAND
Nous revendiquons une approche du management par le territoire. Les politiques des
collectivités locales sont de plus en plus globales. Cette spécifi cité nous différencie de la
fonction publique d’État, dont les politiques sont davantage thématiques.
Didier BACQUEVILLE
Nous avons pris le parti d’ancrer le management public local dans un territoire. Les
politiques publiques ne sont alors que des instruments au service d’un projet de territoire.
Débat avec la salle

Intuition versus rationalité
De la salle
(Simon MOVERMANN, Directeur général adjoint, Ville de Villeurbanne)
Quel doit être le poids de l’intuition dans la prise de décision d’un manager, par rapport à
la rationalité ?
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Didier BACQUEVILLE
Derrière l’intuition se cache une forme de rationalité provenant de la maturation d’un
ensemble d’informations intégrées progressivement. Il ne faut donc pas la bannir,
d’autant plus que la rationalité peut avoir un coût élevé. Par exemple, le conseil général
du Gard a mis en place un système informatisé d’aide à la déc ision, mais la production de
chaque indicateur coûte 7 000 euros, ce qui pose la question du retour sur investissement
d’un tel dispositif. Il faut donc réajuster en permanence l’équilibre entre rationalité et
intuition. Par ailleurs, rappelons qu’une excellente intuition ne vaudra jamais une
conviction partagée
Béatrice MÉRAND
N’oublions pas non plus le poids de l’expérience de chacun dans la constitution des
outils.

Comment travailler ensemble sur un territoire ?
De la salle
(Pascal FORTOUL, Directeur général adjoint des services, Communauté d’agglomération
du Pays voironnais)
L’acte 3 de la décentralisation prévoit des responsabilités accrues pour les Régions.
Comment travailleront-elles avec les territoires ?
Béatrice MÉRAND
Malgré leur lourdeur, les dispositifs de dialogue existants – contrats de territoire, par
exemple – permettent d’établir un diagnostic partagé et de confronter des priorités. De
tels outils sont utiles à un bon management.
Didier BACQUEVILLE
Les pactes territoriaux seront au cœur de l’acte 3 de la décentralisation. Or ils reposent
sur un diagnostic et un projet partagés. Si les Régions imposent leur vision, ces pactes
seront inefficaces.
Patrick GENEVAUX
Les relations entre les directeurs généraux ont-elles tendance à se multiplier sur vos
territoires ?
Béatrice MÉRAND
La situation est différente sur chaque territoire. En Bretagne, les échanges sont nombreux
car il existe plusieurs instances de coordination au niveau régional. Par ailleurs, les
contraintes budgétaires amènent les acteurs à échanger davantage pour plus d’efficacité.

Management de pénurie versus management de projet ?
De la salle
(Christophe BLESBOIS, Élève administrateur territorial, Centre National de la Fonction
Publique Territoriale – CNFPT / Institut National des Études Territoriales – INET)
Existe-t-il vraiment un management de pénurie dans les collectivités en prise à des
difficultés budgétaires et un management de projet réservé aux plus aisées ?
Béatrice MÉRAND
Une situation budgétaire difficile ne signifie pas le gel de l’action d’une collectivité, mais
lui impose d’évoluer. Les managers publics locaux doivent aujourd’hui accompagner leurs
équipes pour passer d’une culture de développement à une culture de priorisation.
Didier BACQUEVILLE
Le management que nous décrivons dans notre ouvrage est plus que jamais utile en
période de crise, car il prévoit comment prioriser des actions, remettre en cause certaines
politiques, etc.
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Vers une professionnalisation du management public local ?
Patrick GENEVAUX
Se dirige-t-on vers une professionnalisation du management public local ?
Didier BACQUEVILLE
La professionnalisation du management public local est déjà amorcée. Elle va dans le
sens d’une homogénéisation des pratiques, limitée néanmoins par les perceptio ns
propres à chacun et les spécificités inhérentes à chaque collectivité.
Béatrice MÉRAND
La ville de Quimper et Quimper communauté recrutent des profils très divers mais
proposent à leurs nouveaux arrivants un parcours d’intégration d’une semaine, pour leur
permettre de s’immerger dans la complexité d’une collectivité territoriale.

La difficulté d’impliquer le management intermédiaire dans le projet de la collectivité
Patrick GENEVAUX
Comment amener les cadres intermédiaires à partager le projet de la collectivité au-delà
de sa mise en œuvre opérationnelle ?
Didier BACQUEVILLE
Partager le projet de la collectivité avec l’encadrement intermédiaire est une difficulté à
laquelle je suis personnellement confronté.
Béatrice MÉRAND
Il est en effet très difficile de partager avec les membres de l’encadrement intermédiaire
des projets stratégiques qui sont très éloignés de la réalité de leur travail.

Manager territorial : un sacerdoce au service du territoire ?
Patrick GENEVAUX
Un bon manager territorial doit-il être animé par une passion pour son territoire ?
Comment concilier cette position avec des ambitions de carrière ?
Béatrice MÉRAND
Un bon manager territorial se porte candidat pour un poste, lorsqu’il est intéressé par le
territoire où celui-ci se trouve. L’efficacité d’un directeur général dépend par ailleurs de
ses relations avec l’élu de sa collectivité.
Didier BACQUEVILLE
Un manager territorial doit avant tout avoir foi dans le service public et ses valeurs. Mais
il doit aussi se sentir en synergie avec le territoire où il exerce ses fonctions. L’entente
avec l’élu de la collectivité et son directeur de cabinet est aussi un élément primordial
pour effectuer un travail efficace.
Patrick GENEVAUX
Doit-on retrouver cette entente dans l’équipe de direction élargie ?
Béatrice MÉRAND
Il est surtout essentiel de construire un collectif dans l’équipe de direction. Le temps du
cloisonnement entre l’action de chaque directeur général adjoint est révolu.
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Faire face aux enjeux à venir
De la salle (Simon MOVERMANN)
Quelles habitudes devons-nous adopter pour ne pas courir à l’échec d’ici 10 ans ?
Didier BACQUEVILLE
Travailler ensemble sera indispensable pour faire face aux enjeux à venir (contraintes
financières, départs massifs en retraite, partage du savoir, etc.).
Béatrice MÉRAND
Le développement des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC)
transformera notre relation à l’usager, mais nous devrons veiller à en préserver la
dimension humaine. Par ailleurs, la réponse au défi énergétiqu e ne pourra se construire
qu’avec le secteur privé.
Didier BACQUEVILLE
Le développement des réseaux sociaux permettra certainement de restaurer la
représentation citoyenne. Or l’implication des citoyens dans les projets des collectivités
rend leurs attentes plus responsables et leurs demandes plus raisonnables.
Patrick GENEVAUX
Une implication citoyenne accrue ira-t-elle à l’encontre du fonctionnement des groupes de
pression traditionnels ?
Béatrice MÉRAND
Non. Elle permettra en revanche d’associer à nos projets un public plus large.
De la salle
(Jalal BOULARBAH, Directeur des usages numériques, Ville de Saint-Maur-des-Fossés)
Comment un DGS peut-il impulser la révolution numérique dans sa collectivité ?
Béatrice MÉRAND
Le développement des TIC doit faire l’objet d’une stratégie, afin d’éviter le développement
d’initiative hétérogènes et qui n’auraient pas de caractère prioritaire.

Parvenir à « faire collectivité »
De la salle
(Carine PILLET, Élève administratrice territoriale, CNFPT-INET)
Pouvez-vous illustrer l’idée de « faire collectivité » par une expérience particulière ?
Béatrice MÉRAND
« Faire collectivité » est un enjeu crucial pour les collectivités. Certaines ont mis en place
une organisation matricielle pour y parvenir. Ces initiatives peuv ent être un succès mais
aussi se solder par un échec. Pour contrer la logique « métiers » et dans le cadre du
développement de la culture de projet, les agents des collectivités se voient également
confier des missions ponctuelles différentes de leurs tâch es habituelles.
Didier BACQUEVILLE
Les initiatives qui permettent aux agents de se rencontrer et de se connaître contribuent
également à « faire collectivité ».
Béatrice MÉRAND
L’aménagement des locaux de la collectivité a aussi son importance. Lorsque l es bureaux
sont très cloisonnés, il est plus difficile de faire naître une culture du partage.
Didier BACQUEVILLE
L’éclatement géographique des locaux est également un frein à « faire collectivité ».
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Coordonner les différents temps de la collectivité
De la salle
(Béatrice SOLDATI, Responsable ressources humaines, Communauté urbaine de
Strasbourg)
Quelles expériences pouvez-vous partager sur la coordination du temps politique, du
temps de l’administration et du temps du citoyen ?
Béatrice MÉRAND
Cette problématique temporelle est largement abordée dans notre ouvrage. Par exemple,
le réaménagement d’un quartier peut durer plus de 10 ans. Cette durée correspond à
plusieurs mandatures électorales et se heurte à l’empressement du citoyen. La
transposition des outils du secteur privé dans le secteur public est impossible du fait de
cette problématique temporelle.
Didier BACQUEVILLE
Pour dépasser cette contradiction temporelle, il faut imaginer des projets structurants,
capables de fédérer au-delà des alternances politiques, et associer les citoyens à leur
mise en œuvre.

Distinguer besoins et demandes
De la salle
(Jean GUILLAUME, Ddirecteur général des services, Mairie du Lamentin)
Les demandes des citoyens ne correspondent pas toujours à des besoins. Doit -on pour
autant les ignorer ?
Didier BACQUEVILLE
Ne prendre en compte que les demandes correspond à une attitude démagogique de
court terme, tandis que ne tenir compte que des besoins revient à adopter un
fonctionnement technocratique et totalitaire. Il faut donc concilier les deux. En outre, une
communication envers les citoyens est essentielle pour qu’ils prennent conscience de
certains enjeux, notamment ceux du développement durable.
Béatrice MÉRAND
Certains projets d’intérêt général ne feront jamais consensus (aménagement d’une
déchetterie, par exemple). C’est alors à l’élu de porter cette décision.
De la salle
(Jean-René MOREAU, DGS, Syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence)
Lorsqu’un élu manque de représentativité et par conséquent de légitimi té sur son
territoire, la direction générale de la collectivité est contrainte de recourir au management
stratégique auprès des citoyens.
Patrick GENEVAUX
Le non-cumul des mandats aura-t-il un impact sur les relations des DGS avec les élus ?
Didier BACQUEVILLE
A mon sens, cela ne modifiera pas en profondeur nos pratiques managériales.
L’investissement important d’un élu au sein de sa collectivité est plutôt source
d’enrichissement.
Béatrice MÉRAND
Il n’y aura pas de changement majeur. Il faut avant tout délimiter précisément la sphère
du politique et celle de l’administration.
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SIGLES
CNFPT : Centre National de la Fonction Publique Territoriale
INET : Institut National des Etudes Territoriales
DGS : Directeur Général des Services
TIC : Technologies de l’Information et de la Communication
Les propos énoncés dans ce document n’engagent que la responsabilité de la personne citée.
Compte-rendu des Entretiens territoriaux de Strasbourg
5 et 6 décembre 2012
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Réalisation :
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