etude de facteurs socio-sanitaire et economique
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etude de facteurs socio-sanitaire et economique
ETUDE DE FACTEURS SOCIO-SANITAIRE ET ECONOMIQUE POUR UN MEILLEUR RENDEMENT DANS LES VILLAGES COLONS DE L’OFFICE DU NIGER DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LA SCHISTOSOMIASE M.A. MAIGA1, N. SANOGO2, N. KONE3, S. SISSOKO4, PNCLS5 RESUME 2 - METHODES La bilharziose occupe une place de choix dans la pathologie, à cause de son influence sur la mise en valeur des ressources humaines, qui en retour agissent sur la p roductivité globale des facteurs de production à l’Office du Niger. La présente étude, a montré que la bilharziose touche dans la zone de riziculture de l’Office du Niger la population en âge de travailler. Au plan social, les causes de la maladie sont encore imputables à Dieu, alors que l’environnement du colon explique largement la transmission de la bilharziose. Au plan économique, il a été rencontré une liaison statistique entre la charge parasitaire et la surface cultivée, le nombre de journées perdues et le coût des médicaments. Au plan sanitaire, dans le cadre de l’Office du Niger une lutte intégrée doit améliorer les conditions sanitaires de la population par le traitement, le nombre de puits, le niveau d’éducation. 2.1 - Echantillonnage L’enquête a concerné 13 villages colons : Enquête économique : 745 chefs de famille enquêtés Enquête sociologique : 668 chefs de famille enquêtés Enquête démographique et parasitologique : 8 784 individus enquêtés. Mots-clés : schistosomiase, office du Niger, Mali. 1 - INTRODUCTION La pathologie des barrages est d’actualité au Mali, du fait des barrages déjà en service (Markala, Sélingué et Manantali). L’Institut National de Recherche en Santé Publique (I.N.R.S.P.) a développé l’étude des conséquences sociales, économiques, et épidémiologiques de l’explosion des maladies parasitaires, principalement la schistosomiase dans les zones de périmètres irrigués dépendant du barrage de Markala. Les conséquences de la schistosomiase occupent une place de choix pour son influence sur la mise en valeur des ressources humaines qui, en retour, agissent sur la productivité globale des facteurs de production. 1 - Epidémiologiste INRSP BP 1771 Bamako Mali. 2 - Economiste-Démographe INRSP BP 1771 Bamako Mali. 3 - Sociologue ENSUP, Quartier du Fleuve Bamako Mali. Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (6) 2.2 - Variables Variables démographiques : Age, sexe Variables épidémiologiques : Charge parasitaire S. Hæmatobium et S. mansoni Variables socio-sanitaires : Nombre de personnes atteintes de bilharziose, nombre de puits, coûts des médicaments pour bilharziose, nombre de personnes instruites ou alphabétisées. Variables économiques : Surface cultivée, quantité d’engrais, production totale, population active, revenu net réalisé, semences, préparation du sol, etc. 2.3 - Modèle de régression L’analyse économétrique sera effectuée par la fonction de production Cobb-Douglas de la forme : Yt = Ae bt. Ltß. Kt 1-ß 3 - RESULTATS 3.1 - Description de l’échantillon La description des différentes structures : démographique parasitologique sociologique, économique et a permis de faire ressortir les points suivants : 3.1.1 - Démographie Il y a une liaison significative entre le rendement à l’hectare et la population active (P < 0,0001)... En effet, la distribution des familles selon la population active est un élément essentiel du rendement à l’hectare. 4 - Statisticien, DNSI - Ministère du Plan Bamako Mali. 5 - PNLCS : Programme National de Lutte Contre la Schistosomiase BP 1771 Bamako Mali. ETUDE DE FACTEURS SOCIO-SANITAIRE ET ECONOMIQUE POUR UN MEILLEUR RENDEMENT… 3.1.2 - Epidémiologie Il y a une liaison significative entre le niveau de prévalence et l’âge de la population (P = 0). La population âgée de 4 à 14 ans est touchée par la bilharziose à 93,9 % (1881/2003) ; suivie par la population adulte de 25-44 ans avec 94,4 % (930/985). Le taux de prévalence moyen est de 93,5 % (4200/4490). 3.1.3 - Social Le niveau d’instruction à l’Office du Niger est assez bas : . 62 personnes soit 9,30 % ont seulement fréquenté l’école fondamentale (enseignement du 1er degré) . 603 personnes, soit 90,3 % n’ont jamais été à l’école . l’éducation religieuse est très bien implantée dans la zone de l’Office avec 365 personnes soit 54,60 % déclarent avoir été à l’école coranique . l’éducation fonctionnelle est à ses débuts avec 251 personnes soit 37,60 % qui suivent des cours d’éducation fonctionnelle ; 414 soit 62 % ne fréquentent pas le centre d’alphabétisation fonctionnelle, et 3 personnes ne disent rien. L’avis des colons sur les causes de la schistosomiase est partagée : 474 personnes soit 71 % croient que Dieu y est pour quelque chose ; 16 soit 2,40 % croient au sorcier ; 27 soit 4 % au destin et 148 soit 22,20 % aux microbes. 3.1.4 - Economie Il y a une liaison significative entre la charge parasitaire et la surface cultivée, toute schistosomiase confondue (P = 0,0857) comme le montre le tableau 1. Par conséquent, le contact homme-eau est en relation avec la surface cultivée. TABLEAU 1 Surfaces cultivées et charge parasitaire moyenne (moyenne géométrique) en oeufs de Schistosoma des sujets infestés Nb d'œufs 1199 < 10 163 10-49 42 50-89 29 90-129 200599 600999 10001499 15002499 25004999 50009999 Total 92 41 14 18 15 13 356 23 13 3 3 6 4 99 22 2 3 3 2 2 63 14 3 0 0 0 3 2 22 > 129 2 7 2 0 0 0 1 12 Total 250 147 63 20 24 26 22 552 411 Il existe une relation significative entre le nombre de journées perdues et le coût en médicaments pour bilharziose (P = 0,0001). 3.2 - Analyse des facteurs déterminants de la production L’analyse économétrique du taux de croissance sur la période de 1988-1989, selon une fonction de production Cobb-Douglas donne le résultat suivant : ∆Y 0,022∆K 0,305∆I 1,20∆T = 61,923 Y K I T où Y, K, L, et T sont respectivement les quantités de production agricole, de matériel agricole, de main-d’oeuvre et de surfaces cultivées. Le coefficient de détermination de cette régression est R2 = 0,97 et les tests t (Student), respectivement tK, tL et tT ont les valeurs 0,259 ; 59,615 et 0,786. Les facteurs de production (matériel agricole, main-d’oeuvre et surfaces cultivées) expliquent bien le taux de production à 97 %. Cependant, lorsqu’on s’intéresse à chacun des facteurs cités, on se rend compte que la main-d’oeuvre occupe une place de choix. Le test de Student tL = 59,615 le confirme. Aussi, nous avons repris le modèle, en adjoignant successivement les variables socio-sanitaires agissant sur la qualité de la main-d’oeuvre dans les villages enquêtés. Il s’agit : . des charges parasitaires de S. Hoematobium et S. Mansoni, du nombre de journées de travail perdues pour bilharziose, du nombre de personnes instruites ou alphabétisées et du nombre de puits dans les villages comme moyen d’assainissement. Les résultats sont présentés dans le tableau 2. Ils montrent que l’addition des variables de la qualité des ressources humaines à l’ensemble des facteurs de production même en courte période, améliore la valeur explicative du taux de croissance de la production agricole (R2 = 0,494) dans une proportion de près de 50 %. Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (6) M.A. MAIGA, N. SANOGO, N. KONE, S. SISSOKO, PNCLS 412 TABLEAU 2 Valeurs explicatives progressives des facteurs de production et des facteurs socio-sanitaires, selon le modèle Différences expliquées par la régression K K K K K K K K L L L L L L L L T T T T T T T Sch H. Sch H. Sch H. Sch H. Sch H. Sch H. Sch H. Sch H. N jour N jour N jour N jour N puit N puit N puit Sch H. Sch H. Sch H. Ninstr Ninstr R2 0,275 0,084 0,311 0,362 0,300 0,350 0,385 0,494 DISCUSSIONS ET CONCLUSION Notre étude a révélé que la distribution de la main-d’oeuvre à l’hectare est un élément lié au rendement agricole. Pourtant cette population active est affectée par S. Hoematobium et S. Mansoni, avec des charges parasitaires élevées et une prévalence moyenne de 93,5 %. L’état de santé de la population soumise au risque bilharzien est à l’origine de pertes de production ; dans la mesure où les facteurs purement économiques comme le matériel agricole, les surfaces cultivées et autres intrants agricoles n’expliquent qu’en partie le taux de croissance de la production. La réduction de l’incidence de la maladie et le relèvement de la productivité est tributaire à 50 % de facteurs pertinents comme la réduction de la charge parasitaire, le niveau d’assainissement en eau potable dans les villages et les conditions d’éducation de la population active. Ce résultat pourrait rejoindre, celui de AUDIBERT (14) qui conclut qu’une réduction de 10 % de l’incidence de la bilharziose urinaire au Cameroun pourrait entraîner un accroissement de 4 % de la production. Dans une étude récente sur le colonat de l’Office du Niger, Audibert (15), conclut qu’une diminution de 10 % de la prévalence de la bilharziose permettrait d’augmenter la production de paddy de 2 %. Toute amélioration de la production agricole dans notre zone d’intervention de l’Office du Niger, passe par une amélioration de la qualité de la main-d’oeuvre. A l’Office du Niger, la priorité doit être accordée à la lutte contre les schistosomiases, l’amélioration de l’environnement par l’assainissement et surtout l’instruction pour les jeunes et l’alphabétisation des adultes. BIBLIOGRAPHIE 1. P.L. ROSENFIELD Dévelopment and verification of a Schistosomiasis Transmission Model, Baltimore, Maryland, 1975. 2. P.L. ROSENFIELD - R.A. SMITH - M.G. WOLMAN Development and verification of a Schistosomiasis Transmission Model The American Journal of Tropical Medecine and Hygiene, 26, (3), 1977. 3. 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