Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Université de Paris X Où sont les
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Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Université de Paris X Où sont les
Anne-Claude AMBROISE-RENDU, Université de Paris X Où sont les petites filles ? Le XIXème siècle poursuit un peu laborieusement mais non sans succès l’entreprise de déchiffrement de l’enfance inaugurée au XVIIème siècle et met au point progressivement des itinéraires éducatifs adaptés. Dans la seconde moitié du siècle l’enfant devient sujet et destinataire de la publicité et son corps l’enjeu de toutes les pédagogies du sport et des loisirs. Mais qu’il soit réel, fruit d’un imaginaire philosophique ou protagoniste de théories sociales, l’enfant n’est pas un être sexué, l’enfant n’a pas de genre, ou s’il en a un c’est quelque chose qui se situe à mi chemin entre le masculin et le neutre. Cette béance pourrait à elle seule expliquer pourquoi la culture populaire du XIXème siècle semble largement ignorer les petites filles. Absentes ou insignifiantes dans la littérature pour adultes (Cosette n’a guère plus qu’une sorte de fonction syntaxique dans Les Misérables, quand Gavroche est un vrai personnage plein de dynamisme et doté d’une réelle épaisseur psychologique) comme dans la presse et dans la peinture les petites filles sont plus encore que les femmes adultes condamnées à l’obscurité et au silence. La petite fille n’existe pas en tant que telle, ni à l’état de nature ni à l’état de culture. La Comtesse de Ségur, seule ou presque de son espèce, s’adresse tout spécialement aux filles et c’est pourquoi elle offre quelques portraits de petites filles. Les Petites filles modèles (1858), Les Vacances (1859), Les Malheurs de Sophie (1859) sont pratiquement les seules œuvres populaires à offrir à leurs lecteurs de vrais portraits de petites filles, très vraisemblables dans leurs vertus comme dans leur dissipation. Mais, à mi-chemin entre le manuel de savoir vivre et le livre de morale, ces romans ont aussi une valeur prescriptive et des intentions pédagogiques C’est à ces portraits de petites filles dans leur siècle que cette communication veut s’attacher. Pour dessiner les contours d’un discours sur et pour les petites filles et examiner la manière dont il résonne dans le vide d’une culture populaire qui ignore largement les petites filles et dans le plein d’une culture savante – juridique et médicale notamment - qui commence de découvrir, via le monde du crime, certains aspects concrets des conditions de vie des petites filles.