L`influence du théâtre traditionnel et du ciné

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L`influence du théâtre traditionnel et du ciné
Régie du secteur socioculturel
Activité cinéma
Loriol sur Drôme
N°11 - FÉVRIER &MARS 2008
L’influence du théâtre traditionnel et du cinéma occidental
L’adoption du modèle socio-économique occidental durant l’ère Meiji (1868-1912) interroge l’identité du Japon. Cette confrontation entre la modernité occidentale et la tradition va influencer durablement le cinéma nippon.
Les premières images tournées par un Japonais
datent de 1897… Pendant cette période pionnière,
le cinéma japonais est tributaire du kabuki (forme
épique du théâtre japonais traditionnel à l’origine
du jidai-geki, film d’époque) et du shingeki
(nouveau théâtre inspiré par l’Occident).
Les films sont muets et les cinémas emploient des
benshi, interprètes et commentateurs, parfois accompagnés de musique jouée par un orchestre.
Leur grande popularité explique en partie le retard
du Japon à passer massivement au cinéma parlant
(seconde moitié des années 30).
Au Japon, le cinéma était associé à une forme de
théâtre. L’hégémonie de ce dernier va décliner
notamment sous l’influence des films occidentaux,
plus dynamiques. A cette époque, certaines compagnies dont la Shochiku décident d’aller chercher
idées et innovations techniques à l’étranger. Lang,
Murnau, Hawks, Sternberg et d’autres inspirent de
nombreux jeunes réalisateurs japonais. La fille du
lieutenant (1917) est le remake japonais d’un film
allemand, Le gendarme Moëbius…
La Shochiku et l’âge d’or des années 20
Les années vingt correspondent à une période d’ébullition artistique qui voit naître beaucoup de
grands réalisateurs. En 1928, le Japon produit plus
de films que partout ailleurs. C’est aussi l’âge d’or
du muet et de la Shochiku. D’aucuns parlent même
d’un style Kamata, du nom de ses studios installés
à Kamata sous la direction du producteur Shiro
Kido. Les thèmes choisis se veulent plus réalistes… Ce virage vers un cinéma de classes est à
mettre en rapport avec le marxisme, à la mode
chez les intellectuels. Les premiers cinéastes les
Film japonais – 1999 – 1h40 –
Thriller réalisé par Nagisa
Oshima. Avec Takeshi Kitano,
Shinji Takeda, Tadanobu Asano.
Kyoto, printemps 1865. Au
temple Nishi-Honganji, la milice du Shinsengumi sélectionne de nouvelles recrues en
présence du commandant Isami Kondo et du capitaine Toshizo Hijikata. Les candidats
doivent affronter le meilleur guerrier de la milice, Soji
Okita. Ce jour-la, deux hommes se détachent du lot et intègrent la milice: Hyozo Tashiro et Sozaburo Kano, jeune
homme dont la beauté envoutante attire tous les regards.
Tashiro s'éprend immédiatement de Kano…
Film japonais – 2003 - 1h56- Film
d’aventure réalisé par Takeshi
Kitano. Avec Takeshi Kitano, Tadanobu Asano, Michiyo Ogusu.
Au Japon, au XIXe siècle, Zatoichi est un voyageur aveugle gagnant sa vie comme joueur professionnel et masseur. Alors qu'il
traverse la montagne, il découvre
une petite ville sous la coupe d'un
gang dont le chef, Ginzo, se débarrasse de tous ceux qui
osent se dresser sur son chemin. L'affrontement devient
inévitable…
Soirée ciné thème
Zatoichi
Tabou
18h30
21h00
Vendredi 28 mars
Intervention d’Olivier VENET, directeur de la régie, sur
le cinéma japonais. Entre les deux films, Tabou et Zatoichi, la régie offre un apéritif dînatoire aux spectateurs.
NE PAS JETER SUR LA VOIE PUBLIQUE
plus représentatifs du style Kamata sont Kiyoshiko
Ushihara, Yasujiro Shimazu et Torajiro Sato. Influencés par Hollywood, leurs films se déroulent
dans le monde contemporain (le genre gendaigeki
s’oppose au jidaigeki ou film d'époque) avec pour
thème récurrent le choc de deux mondes, rural et
urbain. Chez les Japonais, le paysan représente le
cœur du pays, le fondement moral du peuple.
A cette période, débute également Yasujiro Ozu.
Fortement influencé par le cinéma américain, Ozu
commence par tourner des comédies avant de passer à des œuvres à la dimension sociale plus prégnante comme Gosses de Tokyo (1933) ou Une
auberge à Tokyo (1935).
Daisuke Ito révolutionne le jidai-geki (film historique, ici film de sabre ou chambara) avec ses héros
nihilistes et inébranlables et une mise en scène
moderne, stylisée, rapide, spectaculaire (voir Le
chevalier voleur, 1931). Avec son collègue réalisateur Hiroshi Inagaki, il est ainsi considéré comme
le spécialiste du keiko-eiga, le film à caractère social, genre dans lequel l’œuvre de Kenji Mizoguchi peut aussi être rangée.
Autre grande figure de cette époque, Teinosuke
Kinusaga , connu comme le premier cinéaste indépendant japonais. Fortement influencé par l’expressionnisme allemand, il tourna son premier
film, Une page folle (1926). Plus tard, il connaîtra
la consécration à Cannes avec sa palme d’or pour
La porte de l’enfer (1954). Dernier grand réalisateur de cette époque, également influencé par l’expressionnisme Tomu Uchida (La poupée vivante,
1929).
style et sa conscience de l’éphémère s’imposent
déjà. La terre (1939) de Tomu Uchida, chronique
réaliste d’une famille d’agriculteurs pauvres de
l’ère Meiji, remporte un succès immense.
Enfin, dans ce climat délétère, Keisuke Kinoshita
et Akira Kurosawa, deux des cinéastes qui deviendront parmi les plus importants après la guerre,
débutent leur carrière.
L’occupation américaine et le nouvel âge d'or
du cinéma japonais
Dès la fin août 1945, l’armée américaine crée la
Direction de l’Information et de l’Education civique chargée de contrôler l’industrie cinématographique. Durant cette période pendant laquelle chaque script est passé au crible, tout résidu d’esprit
féodal est interdit.
Les années cinquante sont une époque bénie
pour les majors qui réalisent de gros bénéfices
grâce à leur important réseau de distribution.
Certains réalisateurs commencent à être reconnus
à l’étranger. Rashômon de Kurosawa, un jidai-geki
expérimental sur la relativité de la vérité, reçoit le
Lion d’Or à Venise puis l’Oscar du meilleur film
étranger (1951).
Le parlant et la guerre
A la fin des années trente, la montée du nationalisme change le paysage cinématographique japonais. La censure se renforce. Plusieurs artistes et
écrivains de gauche sont arrêtés ou assassinés
(assassinat de l’écrivain Takiji Kobayashi). En
1939, afin de mieux contrôler la production, l’industrie cinématographique est complètement réorganisée avec la fusion des majors en activité. Dans
ce contexte, le film patriotique est à la mode.
Malgré la guerre et la censure, certains cinéastes
tentent de préserver leur indépendance. Mizoguchi
se consacre au théâtre avec son célèbre Contes de
chrysanthèmes tardifs (1939) et La vie d’un acteur
(1941). Ozu, de retour du front chinois, ne peut
tourner Le goût du riz au thé vert en 1939 à cause
de la censure (il le tournera à nouveau treize ans
plus tard) et réalise Il était un père (1942) où son
Rashômon de Kurosawa avec Toshirō Mifune
dans le rôle du bandit.
La voie ouverte, Mizoguchi, qui tourne des jidaigeki non destinés à l’export, est récompensé trois
années de suite à Venise. Pour La vie d’Oharu
femme galante, Les Amants crucifiés (1954), et
L’intendant Sansho (1954). Ces œuvres marqueront la Nouvelle Vague. Les producteurs japonais
flairent le filon et proposent des productions destinées au public occidental, souvent avec succès
comme l’illustre La porte de l’enfer (1953) de Kinusaga qui remporte la palme d’or à Cannes. Le
jidai-geki de nouveau autorisé tient un rôle important dans les récompenses obtenues par le
cinéma japonais à l’étranger par rapport à un
cinéma du quotidien.
En effet, des noms comme ceux d’Ozu ou Naruse
restent inconnus du public occidental. Pourtant
c’est à cette époque qu’ils tournent leurs plus
beaux films.
D’autres cinéastes se révèlent à cette même époque dans un contexte international tendu. Masaki
Kobayashi tourne son premier film, La jeunesse du
fils (1952) et La pièce aux murs épais (1953) un
brûlot antimilitariste censuré par les Américains
engagés en Corée. Kobayashi est surtout connu
pour l’œuvre de sa vie, une fresque de neuf heures
en trois parties, sur l’histoire d’un soldat japonais,
La condition de l’homme (1959-1961).
Toujours dans ce même climat de craintes de réarmement, Keisuke Kinoshita réalise Vingt-quatre
prunelles et La harpe de Birmanie (1954), des
films qui selon Tadao Sato « insistent sur les préjudices causés aux Japonais eux-mêmes par la
guerre faite par le Japon ». Il réalise plus tard La
balade de Narayama (1958) que Shohei Imamura
réadaptera en 1983. A la même époque, Tomu
Uchida tourne deux jidai-geki remarquables, Le
mont Fuji et la lance ensanglantée (1954) et Le
passage du grand Bouddha (1957-1959).
La Nouvelle Vague ou la querelle des anciens et
des modernes
Les années 60 sont pour le Japon une période
charnière avec la production de films réaliste
sur une jeunesse en rupture de ban : étudiants
libres et dépravés (La saison du soleil de Takumi,
1956), délinquants (Chambre de punition de Kon
Ichikawa, 1956), etc. N’ayant pas de stars, la Nikkatsu, major redevenue indépendante après la
guerre, laisse plus de liberté à ses auteurs dans le
choix de leurs sujets. Plusieurs jeunes assistants
rejoignent alors ses rangs. Les films produits font
écho à Hollywood et en particulier à La fureur de
vivre de Nicholas Ray (1955) avec James Dean.
L’heure est donc à la rupture. Les premiers films
de Shoei Imamura s’inscrivent dans cette tendance. Ils décrivent de manière réaliste la vie des milieux les plus défavorisés comme Désir volé, Désir
inassouvi (1958) ou Le grand frère (1959), sur la
vie pauvre et difficile des enfants de mineurs coréens établis au Japon.
Mais la vraie rupture, artistique, technique,
politique, générationnelle vient de la Shochiku.
En 1959 Shiro Kido, son directeur, cherche à rajeunir sa compagnie. Il choisit donc un jeune assistant, Nagisa Oshima et lui fait tourner Une ville
d’amour et d’espoir (1959). Ce premier succès lui
permet de tourner un second long métrage, Contes
cruels de la jeunesse (1960) sur le thème d’une
jeunesse en révolte contre la morale établie. Ce
film radical et subversif provoque des remous dans
la société japonaise. Son film suivant, Nuit et
brouillard au Japon (1960) est retiré des écrans
après quatre jours d’exploitation. Oshima claque la
porte de la Shochiku et monte sa propre société de
production. Dès lors il s’attaquera à tous les tabous
moraux ou sexuels du Japon contemporain.
La Shochiku compte également un autre cinéaste,
Hideo Gosha, qui bouscule les codes esthétiques
du jidai-geki à l’instar du western italien (Trois
samouraïs hors la loi, 1964).
Devant un tel succès, Shiro Kido, inspiré par ce
qui se passe alors en Europe notamment en
France suggère d’appeler Nouvelle Vague
(nuberu bagu) ce qui se passe au Japon.
Du côté des majors, certains réalisateurs se distinguent : Seijun Suzuki (La barrière de la chair,
1964 ; La marque du tueur, 1967), Tomu Uchida
(Le détroit de la faim, 1964), Kinji Fukasaku (Défi
d’amour propre, 1962), Kenji Misumi (Tuer !,
1962 ; Le sabre, 1964 ; La lame diabolique, 1965).
Parallèlement à cette Nouvelle Vague, émergent
d’autres cinéastes, moins politisés et plus autonomes vis-à-vis des studios comme Hiroshi Teshigahara (Traquenard, 1962 ; La Femme des sables,
1964).
Concurrencé par la télévision, la production cinématographique fait la part belle au sexe et à la violence pour attirer un public jeune et principalement
masculin. Cette tendance se traduit, dans un premier temps, par une résurgence massive du film de
yakuza (yakuza eiga).
Du déclin des majors à l'explosion des genres
A partir de la seconde moitié des années soixante, les compagnies font faillite ou essaient de
survivre tant bien que mal (réduction du personnel, vente de studios, etc.). A la Nikkatsu, les tournages se poursuivent avec l’appui des syndicats.
Dès 1971, le roman-porno, pornos à petit budget,
s’impose avec quelques films notables (L’Empire
des sens d’Oshima, 1976).
Dans ce contexte de crise cinématographique et de
croissance économique sans précédent, on assiste
au retour d’un des thèmes favoris du cinéma japonais, la pauvreté et la marginalité…
Les années soixante-dix et le début des années
quatre-vingt sont au Japon, comme aux EtatsUnis, une période de diversification du cinéma
de genre mais aussi de surenchère. Le film de
guerre ou le film catastrophe est alors un moyen
efficace pour tourner des œuvres spectaculaires.
C’est également dans ce contexte, influencé de
plus en plus par la science-fiction, qu’arrivent
de nombreux films d’animation projetés en salles.
Autres genres, autres manières d’attirer le public, les films sur la jeunesse (ou seishun eiga),
rencontrent un certain succès : la violence, le
sexe, le rock et le nihilisme forment un cocktail
détonant parfois d’un très bon niveau comme ceux
de Toshiya Fujita notamment la série Stray Cat
Rock dont le meilleur épisode, Stray Cat Rock :
Sex Hunter (1970), met en scène la sublime actrice
Meiko Kaji, superstar de l’époque, qui tournera
aussi pour Fujita deux jidai-geki (Lady Snowblood,
1970 ; Lady Snowblood 2 : Love Song of Vengeance, 1974) aujourd’hui cultes auxquels Quentin Tarantino a rendu hommage dans Kill Bill 1.
On retrouve également Meiko Kaji à l’affiche de
quelques uns des meilleurs films (de yakuza) de
Kinji Fukasaku de cette période (Combat sans code d’honneur, 1973 -1974 ; Guerre des gangs à
Okinawa, 1971 ; Le cimetière de la morale, 1975).
les jeunes préfèrent se plonger dans la musique ou
le manga en pleine explosion industrielle (librairie
et télévision).
Dans ce contexte, la télévision permet l’émergence d’un certain nombre de réalisateurs dont Takeshi Kitano. Déjà vu au côté de David Bowie dans
Furyo d’Oshima (1983), Kitano réalise son premier
film par hasard (Violent Cop, 1990). Toutefois
l’Occident découvre les yakuzas ironiques de son
cinéma à Cannes, en 1993, avec Sonatine.
Avec Hayao Miyazaki le film d’animation prend
date. Dès Nausicaa et la vallée du vent (1982), son
second long-métrage, il développe ce qui sera un de
ses thèmes principaux, une certaine conscience écologique. Miyazaki réalise chef d’œuvre sur chef
d’œuvre notamment Mon voisin Totoro (1988) et Le
Château dans le ciel (1986).
Au même moment, son ami Isao Takahata tourne
lui aussi son premier chef d’œuvre, Le tombeau des
lucioles (1988), un des plus grands mélodrames jamais tournés sur la guerre, alors que celle-ci résonne toujours dans les mémoires.
Premier manga édité en France, Akira de Katsuhiro
Otomo (1988) montre un Tokyo futuriste sur fond
d’industrialisation massive.
Toujours autour des angoisses apocalyptiques qui
font alors l’objet de plusieurs films, Imamura tourne
Pluie noire (1989) adapté d’un roman de Masuji
Ibuse sur les conséquences d’Hiroshima. A la même
période, Imamura tourne aussi La balade de Narayama (1983) qui lui vaut la palme d’or à Cannes.
Quelques grands réalisateurs primés comme Kurosawa, Imamura ou Oshima continuent donc de tourner parfois avec des capitaux étrangers.
Depuis les années quatre-vingt-dix le cinéma japonais subit encore les conséquences des décennies
précédentes tout en connaissant un renouveau à travers les nouveaux médias comme la vidéo, le DVD
et Internet. Cependant la production actuelle est
avant tout dominée par la recherche du plus grand
profit… Le cinéma japonais est-il mort ou en pleine
mutation ? Il est difficile de prédire son avenir.
Synthèse rédigée par Olivier VENET à partir d’un
article de Jérôme Dittmar disponible à l’adresse
suivante : http://www.fluctuat.net/5313-Histoire-ducinema-japonais.
L’actrice Meiko Kaji, superstar des années 70.
Triomphe de la télévision et déclin du cinéma
japonais.
La télévision, le magnétoscope et les nouveaux
loisirs ont mis à mal le cinéma japonais. Même
Tarif plein : 6 euros - Tarif réduit : 5 euros
Abonnement de 10 places : 50 euros.
Programme disponible sur camerapress,
cinefil.com, allocine.fr & loriol.com
Info. / horaires : 08 92 68 07 46 (0,34 € / mn)