La rachianesthésie pour chirurgie ambulatoire
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La rachianesthésie pour chirurgie ambulatoire
Anesth Reanim. 2016; 2: 23–34 Revue en ligne sur / on line on www.em-consulte.com/revue/anrea www.sciencedirect.com La rachianesthésie pour chirurgie ambulatoire : nouveaux enjeux et modalités de prise en charge des patients Nicolas Dufeu 1,5, Marc Gentili 2,5, Laurent Delaunay 3,5, Xavier Capdevila 4,5 Disponible sur internet le : 29 juillet 2015 1. CHU de Marseille, hôpital Nord, département d'anesthésie-réanimation, 13000 Marseille, France 2. CHP de St-Grégoire, département d'anesthésie-réanimation, 35768 St-Grégoire, France 3. Clinique Générale, département d'anesthésie-réanimation, 74000 Annecy, France 4. CHU de Montpellier, hôpital Lapeyronie, département d'anesthésie-réanimation, 34295 Montpellier, France Correspondance : Xavier Capdevila, CHU de Montpellier, hôpital Lapeyronie, département d'anesthésie-réanimation, 34295 Montpellier, France. [email protected] Mots clés Chirurgie ambulatoire Rachianesthésie Organisation Prilocaïne 2-chloroprocaïne Articaïne Bupivacaïne Résumé L'utilisation de la rachianesthésie en ambulatoire est souvent discutée, depuis le retrait de la lidocaïne, en raison d'un bloc sensitif prolongé et imprévisible avec les doses faibles d'anesthésiques locaux à longue durée d'action tels que la bupivacaïne, retardant la sortie des patients. La prilocaïne a un profil pharmacodynamique similaire à celui de la lidocaïne, avec un risque significativement plus faible de troubles neurologiques. La 2-chloroprocaïne est comparable à la lidocaïne ou à la prilocaïne en termes de puissance, avec une durée d'action beaucoup plus courte. La présente revue aborde les données structurelles et cliniques récentes sur l'utilisation de la rachianesthésie et se centre sur les anesthésiques locaux qui peuvent offrir des alternatives valables à l'anesthésie générale ou aux blocs nerveux périphériques en pratique ambulatoire. Summary Spinal anesthesia for ambulatory surgery: Emerging issues and patients' management Spinal anesthesia use is often debated for outpatient surgery, since the removal of lidocaine. This is related to the prolonged and unpredictable sensory blockade despite low doses of long acting local anesthetics such as bupivacaine, delaying discharge of patients. Although the intermediate sensory blockade duration of mepivacaine seems to be more suitable for outpatient surgery, its use is not recommended due to a high incidence of transient neurological symptoms. Prilocaine Conception, écriture et relecture : Nicolas Dufeu, Marc Gentili, Laurent Delaunay et Xavier Capdevila. tome 2 > n81 > janvier 2016 http://dx.doi.org/10.1016/j.anrea.2015.03.007 © 2015 Société française d'anesthésie et de réanimation (Sfar). Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 23 5 Revue N. Dufeu, M. Gentili, L. Delaunay, X. Capdevila has a similar pharmacodynamic profile to lidocaine, with a significantly lower risk of neurological disorders. The 2-chloroprocaine has a shorter duration of action compared to lidocaine or prilocaine. This review highlights recent outpatient management, clinical use of spinal anesthesia and local anesthetics that can offer real alternatives to general anesthesia or peripheral nerve blocks for ambulatory surgery. Introduction Le développement de la chirurgie ambulatoire ne fait plus aucun doute. Différentes techniques anesthésiques sont disponibles pour la réalisation de l'acte opératoire. La préférence pour une technique dépend du type de procédure, du profil du patient, des comorbidités associées, de l'infrastructure disponible et des organisations spécifiques, des dispositifs de surveillance et du confort de l'anesthésiste réalisant la technique. La rachianesthésie peut être utilisée pour la chirurgie ambulatoire, mais est délaissée par certains au profit de l'anesthésie générale ou des blocs nerveux périphériques, principalement à cause d'une difficulté à prévoir la durée de prise en charge postopératoire des patients relative à la durée d'action peu prévisible des anesthésiques locaux (AL) actuellement utilisés [1] et à leurs effets secondaires. Des anesthésiques locaux de courte durée d'action, de cinétique idéale pour la rachianesthésie ambulatoire ont été récemment commercialisés en France, la prilocaïne et la 2-chloroprocaïne. L'objectif de cette mise au point est de définir la place actuelle de la rachianesthésie en pratique ambulatoire à la lumière des nouveaux enjeux socio-économiques, des nouvelles organisations médicales et des anesthésiques locaux disponibles. Pratique anesthésique dans le contexte de l'ambulatoire L'ambulatoire en France : un développement inéluctable 24 La prise en charge du patient chirurgical en ambulatoire correspond à 42,3 % des actes chirurgicaux (Inspection générale des affaires sociales N8 2014-039R, données 2013) en France, pour une hospitalisation de moins de 12 heures. Il y a probablement très peu d'établissements de soins, exerçant la chirurgie, qui ne pratique pas ce mode d'hospitalisation devenu un enjeu stratégique. L'ambulatoire n'est plus considéré comme une solution alternative à l'hospitalisation traditionnelle, mais comme la norme, a priori [2]. Ce paradigme revêt un caractère stimulant puisqu'il représente pour les équipes d'anesthésistes-réanimateurs et de chirurgiens de vrais défis à relever en termes d'innovation, de simplification et d'organisation. Les freins à cette pratique dépendent de facteurs humains (crainte de perte de lits et de patients, résistance au changement, crainte du risque supplémentaire. . .) et de facteurs médicoéconomiques (activité ambulatoire moins rémunératrice qu'en hospitalisation traditionnelle dans une logique de tarification à l'activité). Sur ce dernier point, les choses ont évolué récemment avec la suppression en mars 2014 des bornes basses (nombre minimal de jours requis pour une chirurgie). De plus, selon les différentes enquêtes menées par les organismes de tutelle, une très large majorité des patients ayant bénéficié de l'ambulatoire ont été satisfaits et préféreraient à choisir ce mode de prise en charge. L'incitation des tutelles – qui visent un objectif de 50 % de chirurgie ambulatoire en 2016 – se renforce d'année en année. Depuis janvier 2013, 38 interventions nécessitent une mise sous accord préalable pour être réalisées hors du cadre de l'ambulatoire. Sur le plan théorique, 1 geste sur 3 de cette liste pourrait être réalisé sous rachianesthésie (orthopédie, varices, angioplastie périphérique, hernie inguinale, gynécologie, urologie, proctologie). Néanmoins, en pratique courante, le champ d'application de la rachianesthésie en ambulatoire concerne principalement la chirurgie orthopédique pour laquelle la pratique ambulatoire pourrait représenter 86 % des actes [2]. Les particularités de l'anesthésie/analgésie en ambulatoire De façon générale, le choix d'une technique d'anesthésie repose sur une analyse bénéfice/risque, pour l'acte réalisé ainsi que sur l'organisation mise en place et sur le souhait du patient. L'ambulatoire correspond intrinsèquement à une organisation et à une gestion d'un espace/temps permettant à la fois une meilleure qualité des soins et une économie de temps et de ressources, sans majoration du risque. Dans l'idéal, le parcours d'un patient en ambulatoire doit être l'équivalent d'un chemin clinique optimisé et fluide suivant un circuit dédié et le plus court possible [3]. L'objectif principal est de permettre la sortie du patient dans les meilleures conditions et le plus rapidement possible. Les causes d'hospitalisation primaire ou secondaire sont bien connues. La douleur et les nausées/vomissements postopératoires (NVPO) sont les plus fréquents. Une sédation excessive, l'existence de vertiges et de façon générale, toute déstabilisation d'un état médical antérieur sont des événements qui peuvent interférer avec la prise en charge. Quel que soit le type d'anesthésie choisie, celui-ci devra tenir compte de ces risques. L'anesthésie générale (AG), les blocs nerveux périphériques (BNP) ou la rachianesthésie peuvent être compatibles avec l'ambulatoire. La méta-analyse de Liu et al. [4] apporte de tome 2 > n81 > janvier 2016 La rachianesthésie : une technique anesthésique adaptée à la pratique ambulatoire La rachianesthésie (RA) représente actuellement 30 % des techniques d'anesthésie régionale avec un volume approximatif de 600 000 rachianesthésies en injection unique. Entre 2011 et 2010, une réduction de 2,5 % (données industrie) en volume total a été notée. Pour certaines interventions (arthroscopies, ligamentoplasties) réalisées en ambulatoire aux États-Unis, l'utilisation de la RA a baissé de 47 % entre 1996 et 2006 [1]. La rachianesthésie est une technique dont la principale qualité est d'être simple à réaliser et de faible coût [6]. La rachianesthésie idéale pour la chirurgie ambulatoire assure une anesthésie de durée adéquate, avec une récupération rapide pour faciliter la sortie, et des d'effets secondaires et des complications minimales. L'observation de complications à type de symptômes neurologiques transitoires (IRT) avec la lidocaïne dans cette indication a conduit à proscrire cette molécule pour la rachianesthésie [7]. Ceci a conduit à utiliser des anesthésiques locaux de longue durée d'action comme la bupivacaïne, la lévobupivacaïne ou la ropivacaïne à doses très faibles [8,9]. tome 2 > n81 > janvier 2016 TABLEAU I Chirurgies ambulatoires réalisables sous rachianesthésie Arthroscopies du genou (hors ligamentoplasties) Arthroscopie de cheville Chirurgie de l'avant-pied dont hallux valgus Chirurgie des varices Chirurgie anale Chirurgie testiculaire Chirurgie des hernies inguinales Endoscopies et chirurgie vésicale mineure Endoscopies et chirurgie urétrale Endoscopies et chirurgie urétérale Chirurgie des paraphymosis Chirurgie des hernies abdominales Chirurgie du col de l'utérus, de la vulve, et du vagin Chirurgie de l'utérus (hors hystérectomie) Indications de la rachianesthésie en ambulatoire Les critères de sélection des patients à qui l'on propose une rachianesthésie pour une chirurgie ambulatoire ont largement évolué des années 1970 à nos jours (tableau I). Actuellement seules les complications chirurgicales potentielles semblent être un frein. La durée de l'intervention, la chirurgie non programmée ne sont plus des contre-indications à l' ambulatoire. Parmi les indications de la chirurgie ambulatoire située dans la sphère sous-ombilicale, parfaitement réalisable sous rachianesthésie sous réserve de l'acceptation du patient, on citera les cures de hernie inguinale, les arthroscopies et ligamentoplasties du genou, la chirurgie du pied, des gestes proctologiques et urologiques, les ablations de varices (saphénectomie). Rachianesthésie en ambulatoire : les aspects techniques Pavlin et al. [10] se sont intéressés aux facteurs qui pouvaient affecter la durée d'hospitalisation après une intervention réalisée en ambulatoire. L'analyse multivariée des résultats a montré que la technique anesthésique était le facteur le plus important. La rachianesthésie augmentait significativement la durée d'hospitalisation par rapport à l'anesthésie générale ou aux blocs nerveux périphériques. D'autres études ont confirmé ces résultats [11–14]. La cause principale de ce retard à la sortie était un bloc sensitivo-moteur trop long, responsable d'un retard à la déambulation et pour la miction (risque de rétention d'urine). Ces considérations ont longtemps été un frein à l'utilisation de la rachianesthésie en France. 25 réels éclairages sur l'intérêt potentiel et les limites de la rachianesthésie en ambulatoire par rapport à l'AG ou aux blocs nerveux périphériques (BNP). La rachianesthésie ne permettait pas de « shunter » la salle de réveil et pouvait générer une prolongation du séjour. Les BNP permettaient d'éviter le passage au réveil, n'induisaient pas de nausée, mais n'amélioraient pas le délai de sortie de l'institution. Les auteurs concluaient à la nécessité de privilégier les rachianesthésies unilatérales ou de réduire les doses d'AL administrées en intrathécal. D'autres études se sont intéressées à comparer dans la chirurgie du membre inférieur en ambulatoire, les BNP (blocs sciatique et fémoral combinés) à la rachianesthésie unilatérale. Une efficacité comparable avec moins d'hypotension et un temps de salle de réveil plus court étaient notés dans le groupe BNP [5]. La préférence pour la technique de BNP était liée à une meilleure analgésie postopératoire diminuant le travail infirmier et les réadmissions et à une réduction des effets adverses (rétention urinaire, prurit, hypotension) liés à l'emploi de bupivacaïne, même à faibles doses. Les cathéters périnerveux ont également été utilisés en chirurgie orthopédique ambulatoire afin d'assurer une excellente analgésie postopératoire dans les trois jours succédant à la chirurgie. Il n'en demeure pas moins que la courbe d'apprentissage, le délai de réalisation et surtout son moindre coût réel et organisationnel [6] sont en en faveur de la rachianesthésie. Il n'y a pas lieu ici de recommander une technique plus qu'une autre, mais plutôt de cerner les conditions de réalisation d'une rachianesthésie pour qu'elle soit compatible avec les contraintes d'une prise en charge en ambulatoire. Revue La rachianesthésie pour chirurgie ambulatoire : nouveaux enjeux et modalités de prise en charge des patients 26 Revue N. Dufeu, M. Gentili, L. Delaunay, X. Capdevila La rachianesthésie ambulatoire est soumise à un impératif majeur qui est de produire un bloc sensitivo-moteur d'une durée limitée, idéalement superposable à la durée de l'acte chirurgical. Même si la baricité joue un rôle, c'est la dose d'anesthésique local utilisée qui reste l'élément déterminant. Pour obéir aux exigences de l'ambulatoire, il faut soit réduire les doses d'AL soit utiliser des produits ayant une durée d'action courte. La réduction des doses est efficace. Une étude réalisée auprès des volontaires sains a comparé 3 doses de bupivacaïnes 0,75 % hyperbare : 3,75, 7,5 et 11,25 mg [8]. Les durées de bloc moteur (dynamomètre) et sensitif (stimulation électrique transcutanée), et de récupération des critères de sortie, ainsi que la tolérance du garrot étaient évaluées. La diminution des doses permettait de raccourcir la durée du bloc et permettait une récupération plus rapide. Pour chaque milligramme de bupivacaïne en moins, la durée d'anesthésie était réduite de 13 min [9–17] et le délai d'obtention des critères de sortie était raccourci de 21 min [17–25]. En contrepartie d'importantes variations interindividuelles exposent à des blocs insuffisants pour les doses inférieures à 10 mg. Ben David et al. [15] ont montré dans une étude comparant quatre doses de bupivacaïne hyperbare (15,10,7,5 et 5 mg) pour l'arthroscopie du genou que 7,5 mg de bupivacaïne dans 1,5 mL de sérum physiologique offraient une qualité anesthésique optimale et une levée rapide du bloc moteur compatibles avec l'ambulatoire. Gentili et al. [16] ont montré dans une étude randomisée comparant 3 doses de bupivacaïne (4,6 et 8 mg) lors de saphénectomies que la dose de 8 mg permettait une anesthésie chirurgicale supérieure à une heure avec une durée de bloc moteur inférieure à 90 minutes. La dose idéale permettant le bloc le plus court possible avec un taux de succès satisfaisant se situerait donc entre 8 et 10 mg. Mais, même à ces doses, le risque de rétention d'urine et de retard dans la récupération du bloc moteur et/ ou sensitif persiste, ce qui a conduit certains auteurs à proposer des solutions alternatives en utilisant des adjuvants ou les caractéristiques de baricité des AL. De nombreux adjuvants ont été proposés en association aux AL par voie intrathécale comme l'adrénaline, la clonidine ou les opiacés, pour ne citer que les plus importants. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'allonger la durée du bloc (adrénaline, clonidine) ou de permettre une analgésie prolongée (morphine), ce qui n'est pas spécifiquement recherché en ambulatoire. Dans cette situation, l'intérêt d'un adjuvant serait plutôt de renforcer la qualité du bloc anesthésique et donc le taux de succès de la technique tout en réduisant la dose d'anesthésique local injectée. L'association de faibles doses d'un morphinique liposoluble semble être la solution la plus satisfaisante. Les morphiniques ont une action synergique avec les anesthésiques locaux sur la qualité de l'analgésie sans augmentation de la durée des blocs moteur et sympathique. Chez des patients bénéficiant d'une arthroscopie de genou en ambulatoire, l'adjonction de 10 mg de fentanyl à 5 mg de bupivacaïne intrathécale améliore significativement la qualité du bloc sensitif sans modifier la durée d'hospitalisation et la récupération d'une miction [18]. Couplé aux AL de longue durée d'action, le fentanyl permet de diminuer les doses injectées en rachianesthésie tout en obtenant un bloc sensitif plus intense mais sans allongement de la durée du bloc. À ces doses, il ne semble pas y avoir de risque de dépression respiratoire [19]. La littérature est beaucoup plus pauvre en ce qui concerne le sufentanil. Il semble néanmoins que les résultats soient comparables à doses équianalgésiques [20–22]. La rachianesthésie unilatérale, qui consiste à injecter une solution hyper- ou hypobare et laisser la baricité agir en conséquence est également une solution pertinente [23]. Elle a été initialement proposée pour limiter les conséquences hémodynamiques de la rachianesthésie [24]. Cette technique réalisée chez un patient en décubitus latéral suppose une bonne maîtrise de la technique dans son abord classique pour éviter les ponctions itératives, source de douleurs et de risque majoré de céphalées post-rachianesthésie. Son faible retentissement sur la pression artérielle des patients explique son utilisation initiale chez le sujet âgé et constitue son premier intérêt pour faciliter la sortie du patient. En matière d'aiguille, la recommandation est d'utiliser des aiguilles dites « pointes crayons » à orifice latéral, permettant de contrôler la direction du flux d'AL. Cela a été montré dans un modèle expérimental comparant des aiguilles Whitacre® et Quincke 25G. Pour une dose de 8 mg de bupivacaïne, l'aiguille Whitacre® donnait de meilleurs résultats en termes de bloc unilatéral (66 % versus 13 %) [25]. La vitesse d'injection semble jouer un rôle modeste dans la qualité de la latéralisation [26]. En ce qui concerne la position dans laquelle est réalisée la rachianesthésie, il est recommandé de laisser le patient sur le côté à opérer, et ce pendant 10–15 minutes. Les AL hyperbares et hypobares ont été utilisés dans cette indication [27–29] avec des résultats plus constants pour les formes hyperbares. Les doses de bupivacaïne recommandées varient de 3,5 à 8 mg. Nair et al. [1] ont montré que 5 mg de bupivacaïne hyperbare étaient suffisants pour obtenir un bloc sensitif chirurgical de 60 à 90 minutes. La rachianesthésie reste unilatérale avec les faibles doses, mais pour les doses supérieures ou égales à 8 mg de bupivacaïne, le bloc devient bilatéral dans 25 % des cas. L'adjonction d'un morphinique n'allonge pas la durée du bloc sensitif obtenu. En pratique, on retiendra qu'avec une dose de 5 à 6 mg de bupivacaïne, l'aptitude à la marche sera possible au bout de 180 à 190 minutes environ, mais elle devra être associée à une latéralisation et/ou à un morphinique liposoluble. Une dose de 8 mg est suffisante seule, mais au prix d'un délai d'aptitude à la marche de l'ordre de 260 minutes. La rachianesthésie en selle procure une anesthésie du périnée, de l'extrémité du coccyx, de la partie médiale et inférieure des fesses et de la face postéro-médiale de la racine des cuisses. Elle est obtenue en injectant une petite dose d'un AL hyperbare chez un patient maintenu en position assise. Le bloc induit tome 2 > n81 > janvier 2016 Anesthésiques locaux à notre disposition Amino-esters : l'articaïne et la 2-chloroprocaïne L'articaïne (non commercialisée en France) et la 2-chloroprocaïne sont des anesthésiques locaux à fonction amino-ester, Figure 1 Anesthésiques locaux fonction amino-ester tome 2 > n81 > janvier 2016 comme la procaïne (figure 1). L'articaïne possède un métabolisme mixte par les cholinestérases sériques et les enzymes microsomals hépatiques. Elle n'est pas commercialisée en France pour la rachianesthésie. La 2-chloroprocaïne est conditionnée en ampoules de 5 mL, à la concentration de 10 mg/mL, sous le nom de Clorotekal®. La 2-chloroprocaïne a obtenu l'AMM pour la rachianesthésie chez l'adulte pour des interventions chirurgicales programmées ne devant pas excéder 40 minutes. La puissance relative des deux AL est équivalente à celle de la lidocaïne. Peu liposolubles, ils se caractérisent par un délai et une durée d'action courts (tableau II). Plusieurs études sur volontaires et études cliniques récentes ont assez complètement réévalué la 2-chloroprocaïne dans une nouvelle formulation sans conservateur (métabisulfite). Les accidents de toxicité neurologique rapportés étaient en fait liés à cet agent. Chez 503 patients opérés en ambulatoire, l'utilisation de 2-chloroprocaïne isobare (20–60 mg) [33] était associée à une récupération plus précoce de la marche (107 min) et de la sortie du patient du centre d'ambulatoire (171 min) qu'avec l'utilisation de lidocaïne et la bupivacaïne. Les mêmes auteurs affirment, en expérience clinique, avoir réalisé plus de 4000 rachianesthésies avec de la 2-chloroprocaïne sans séquelles neurologiques et rapportent seulement 4 cas documentés de TNS. Les études centrées en dose-réponse ont montré que 30 mg pouvait procurer une durée insuffisante du bloc sensitif pour une chirurgie de durée 60 min, tandis que la dose de 50 mg prolongeait significativement et indûment la durée de bloc. La dose de 40 mg semblait le meilleur compromis [34–36]. Goldblum et al. [37] ont résumé l'ensemble des données de la façon suivante : 30 mg de 2-chloroprocaïne isobare pour une chirurgie de 40–60 min, 40–45 mg pour une chirurgie de 45– 70 min, et 50–60 mg pour chirurgie > 60 min. Des études récentes ont comparé la 2-chloroprocaïne avec d'autres AL pour la chirurgie ambulatoire. En comparaison à la bupivacaïne hyperbare, la 2-chloroprocaïne assure un bloc sensiblement plus court. Dans un rapport de dose d'un à cinq, soit 7,5 mg de bupivacaïne versus 40 mg de 2-chloroprocaïne, la 2-chloroprocaïne entraîne un bloc d'une durée totale (temps de régression du bloc jusqu'en S3) de 120 min, alors que la durée du bloc en S3 est de plus de 240 min avec la bupivacaïne [38]. Cent six patients programmés pour une chirurgie ambulatoire (d'une durée moyenne de 20 minutes) ont été randomisés pour recevoir 7,5 mg de bupivacaïne hyperbare 0,75 % ou 40 mg de 2chloroprocaïne 2 % [39]. Bien qu'aucune différence significative ne soit retrouvée dans le délai d'apparition du bloc anesthésique, la régression était nettement plus rapide avec la 2-chloroprocaïne : régression de deux segments bloqués en 50 vs 75 min, régression complète en 146 vs 329 min, temps de reprise de la marche en 225 vs 265 min, miction en 271 vs 338 min et sortie du centre en 277 vs 353 min, respectivement. En conséquence, l'apparition d'une douleur postopératoire et l'utilisation d'analgésiques de secours étaient observées plus 27 également un blocage parasympathique sacré aux niveaux vésical et rectal. Une anesthésie sélective avec très peu d'effets secondaires en particulier sur le plan hémodynamique est réalisée. Elle facilite une déambulation rapide. La chirurgie proctologique est une des indications principales de la rachianesthésie en selle (hémorroïdes, fistules, sphinctérectomies, condylomes) mais aussi les gestes peu invasifs en urologie et gynécologie. L'utilisation d'une aiguille à pointe « crayon » de type Withacre® de 25 ou de 27G permet d'orienter l'orifice distal de l'aiguille en direction caudale. Le patient est maintenu assis 5 à 10 minutes. La dose la plus couramment utilisée en proctologie est de 4 à 6 mg de bupivacaïne pour une durée de bloc de 60–80 minutes. Wassef et al. [30] ont comparé deux doses différentes de bupivacaïne hyperbare : 1,5 mg vs 6 mg. Avec la dose de 1,5 mg, ils ont pu obtenir un bloc sensitif de qualité plus ciblé (S4) et sans bloc moteur, avec un temps de déambulation plus court (98 vs 147 min), un délai de miction plus court (121 vs 236 min), et un délai de sortie plus rapide (126 vs 249 min). La ropivacaïne comme la bupivacaïne ont été comparées à la lidocaïne dans la chirurgie anorectale en ambulatoire avec un profil clinique intéressant [31,32]. Revue La rachianesthésie pour chirurgie ambulatoire : nouveaux enjeux et modalités de prise en charge des patients Revue N. Dufeu, M. Gentili, L. Delaunay, X. Capdevila TABLEAU II Caractéristiques pharmacologiques des anesthésiques locaux utilisables1 pour la rachianesthésie en ambulatoire Paramètres Bupivacaïne Prilocaïne 2 8 2 Isobare Iso/Hyper Hyperbare Hyperbare 1,028 1,00021 1,001 1,025 1,021 Liaison protéique (%) 65 ? 94 95 55 PKA 7,8 9,1 7,8 8,1 8 Demi-vie d'élimination (h) 1,6 0,1 0,3 3,05 1,6 Dose maximale en rachianesthésie (mg) 100 80 120 20 100 Dose usuelle (mg) 40–80 40–50 80 7,5–10 40–80 Délai d'action Court Court Très court Long Court Durée d'action (min) 60–90 40–60 50–80 180–240 80–120 Très bonne Excellente Très bonne Aléatoire Très bonne Puissance relative 2 Baricité Densité AL à 37 8c Densité LCR : 1,0006 + 0,0002 Reproductibilité de l'effet pharmacodynamique 1 2 Lidocaïne Chloroprocaïne 2 2 Hyperbare La lidocaïne ne peut être utilisée dans cette indication actuellement en France. La puissance relative est définie par rapport à la procaïne, dont la valeur est de 1. tôt. Un cas de TNS était documenté dans chaque groupe. Une rachianesthésie utilisant 50 mg de 2-chloroprocaïne 1 % isobare est similaire à 10 mg de bupivacaïne 0,5 % isobare en ce qui concerne le délai d'obtention d'un bloc sensitif à T10 mais permet une récupération plus rapide que l'utilisation de bupivacaïne 0,5 % [40]. L'utilisation de 40 mg de 2-chloroprocaïne 1 % isobare a été comparée à l'injection intrathécale de 60 mg de lidocaïne isobare chez 108 patients admis pour arthroscopie de genou. La miction et la sortie du centre d'ambulatoire étaient obtenues en moyenne 40 minutes plus tôt avec l'utilisation de 2-chloroprocaïne. Une perfusion au préalable de 500 mL de cristalloïde ne modifiait pas ces délais [41]. Dans une autre étude, 40 patients opérés d'une chirurgie transurétrale en ambulatoire (28 min de durée moyenne) recevant 40 mg de 2-chloroprocaïne 2 % ont été comparés à 40 patients ayant reçu 35 mg de lidocaïne 2 % (les deux combinés avec du fentanyl à 12,5 mg) [42]. Aucune différence significative n'était notée en ce qui concerne l'apparition, l'extension et la régression du bloc sensitif (ex. : une durée de bloc sensitif > T10 : 28 vs 32 min). Les faibles doses utilisées et l'ajout de fentanyl ont, d'après les auteurs, masqué les différences pharmacodynamiques attendues. Soixante milligrammes de 2-chloroprocaïne 2 % isobare ont été comparés à 60 mg d'articaïne 4 % isobare chez 78 patients prévus pour des arthroscopies du genou en ambulatoire [43]. Les délais d'obtention et d'extension maximale du bloc sensitif (T10) ne différaient pas entre les groupes, tandis que la régression du bloc sensitif en dessous de T10 était significativement plus rapide avec la 2-chloroprocaïne (22 vs 28 Articaïne 38 min), comme les durées totales de blocs sensitif et moteur (105 vs 165 min et 75 vs 135 min, respectivement). En outre, le temps de sortie de l'hôpital était significativement plus court après 2-chloroprocaïne (318 vs 392 min). Une étude très récente du même groupe a comparé l'utilisation de 40 mg des deux AL [44]. Des résultats similaires à l'étude précédente sont rapportés avec une récupération plus rapide du bloc sensitivo-moteur avec la 2-chloroprocaïne, ce qui confirme que les caractéristiques du bloc obtenu sont plus dues à la pharmacodynamie des AL qu'aux doses utilisées. L'incidence calculée de TNS est de 0 à 1,9 % pour la 2-chloroprocaïne et de 0 à 40 % pour la lidocaïne, démontrant un risque nettement plus faible pour les TNS après 2-chloroprocaïne. En résumé concernant la 2-chloroprocaïne 1 % isobare : des doses de 40–50 mg sont le plus classiquement utilisées pour des interventions chirurgicales programmées ne devant pas excéder 40 minutes ; le délai de bloc est identique aux autres anesthésiques locaux utilisés ; la durée du bloc sensitif est très sensiblement raccourcie par rapport à de faibles doses de bupivacaïne (en moyenne 120–140 min vs 240–300 min) et raccourcie de 40 à 60 min comparativement à la lidocaïne ; la reprise de la miction spontanée est également significativement raccourcie avec la 2-chloroprocaïne comparativement à de faibles doses de bupivacaïne (en moyenne 220 min vs 350 min) ; l'utilisation de fentanyl peut masquer les différences obtenues comparativement avec la lidocaïne. L'articaïne, elle aussi, offre une plus courte durée de bloc par rapport à la bupivacaïne ou à la lidocaïne [45]. Le temps de tome 2 > n81 > janvier 2016 Revue La rachianesthésie pour chirurgie ambulatoire : nouveaux enjeux et modalités de prise en charge des patients récupération du bloc moteur après l'injection intrathécale de 50 mg d'articaïne est sensiblement plus court qu'après 50 mg de prilocaïne (140 vs 184 min) [46]. L'injection de 72 mg d'articaïne 3 % hyperbare avec ou sans 10 mg de fentanyl intrathécal chez 100 patients programmés pour une cure de hernie inguinale sous rachianesthésie [47] ne montrait pas de différence concernant la durée du bloc sensitif et moteur (76 vs 73, 99 vs 107 min, respectivement), mais la demande analgésique était plus faible dans le groupe de patients recevant le fentanyl. Une autre étude a comparé 84 mg d'articaïne hyperbare à 7 mg de bupivacaïne hyperbare avec du fentanyl 10 mg [48]. Le délai d'obtention d'un bloc sensitif en T10 était significativement plus rapide avec l'articaïne (4 vs 10 min), de même que le temps médian de récupération du bloc sensitif (2 h vs 3 h). tome 2 > n81 > janvier 2016 Figure 2 Anesthésiques locaux fonction amino-amide des épisodes hypotensifs et une récupération sensitivo-motrice significativement plus précoce ont été observées dans le groupe faible dose. Aucune rétention urinaire n'a été notée dans les deux groupes. L'utilisation de bupivacaïne à faible dose pour la rachianesthésie en ambulatoire est donc devenue la référence clinique. Cependant l'imprévisibilité de la durée du bloc peut rendre difficile sa totale intégration pour une pratique quotidienne dans les centres d'ambulatoire [1]. La prilocaïne a une puissance et une durée d'action semblables à la lidocaïne. Le métabolisme de la prilocaïne aboutit à l'orthotoluidine qui peut générer une méthémoglobinémie et une cyanose. Cliniquement, la cyanose n'apparaît que quand la méthémoglobinémie dépasse 15 %. Une dose de 100 mg de prilocaïne (la totalité d'une ampoule) ne peut générer un taux de méthémoglobine supérieur à 1 %. Ainsi, cette toxicité n'est que théorique, sans aucune incidence clinique, lors d'une utilisation de prilocaïne pour une rachianesthésie. Elle était 29 Amino-amides : lidocaïne, bupivacaïne et prilocaïne La lidocaïne, la bupivacaïne et la prilocaïne sont des anesthésiques locaux dont la structure chimique comprend une fonction amide (figure 2). La bupivacaïne est utilisée à faibles doses depuis le retrait de la lidocaïne en rachianesthésie ambulatoire. La prilocaïne, comme la lidocaïne, dont elle est l'équivalent clinique, possède une moindre toxicité systémique en raison de son métabolisme très rapide. En raison de problèmes de conservation, elle avait pratiquement disparu en France, ne persistant que dans la crème EMLA. Les caractéristiques pharmacocinétiques de ces AL sont regroupées dans le tableau II. La lidocaïne peut, par neurotoxicité directe pouvant être associée à certaines positions du patient sur la table d'opération, provoquer des accidents sévères et surtout définitifs à type de myélite, d'arachnoïdite ou de syndrome de la queue de cheval qui sont toutefois rares (environ 2/10 000 rachianesthésies). La lidocaïne n'est donc plus autorisée pour la rachianesthésie en ambulatoire en raison du risque d'IRT et de troubles neurologiques plus sévères. La rachianesthésie faible dose et unilatérale avec de la bupivacaïne hyperbare est fréquemment utilisé dans le but d'améliorer la stabilité hémodynamique, de réduire le risque de rétention urinaire et pour permettre la sortie du patient le plus tôt possible après la chirurgie [49]. Une étude récente comparant 5 mg et 12,5 mg de bupivacaïne hyperbare en rachianesthésie unilatérale chez 80 patients pour arthroscopie du genou montre que les plus faibles doses de bupivacaïne permettent une récupération plus rapide (60 vs 148 min), une absence de rétention urinaire (0 % vs 5 %), de nausées (0 % contre 10 %) et une meilleure stabilité hémodynamique, au prix d'une incidence plus élevée de demandes peropératoires d'antalgiques de secours (15 % vs 0 %) [50]. Dans le cadre de l'utilisation de faibles doses, 140 patients programmés pour une cholécystectomie laparoscopique sous rachianesthésie ambulatoire ont été assignés à recevoir 15 mg ou 7,5 mg de bupivacaïne hyperbare avec fentanyl 20 mg dans les deux groupes [51]. L'anesthésie était optimale chez tous les patients, cependant une diminution 30 Revue N. Dufeu, M. Gentili, L. Delaunay, X. Capdevila commercialisée en France sous le nom de Citanest® dosée à 50 mg/mL, en solution isobare et retirée en 1998 (instabilité physico-chimique de la formulation). Une nouvelle formulation est commercialisée depuis septembre 2014 pour la rachianesthésie en solution hyperbare à 20 mg/mL, le Baritekal®. Pour la rachianesthésie en ambulatoire, des doses comprises entre 50 et 80 mg ont été utilisées en solution isobare ou hyperbare. Une injection intrathécale de prilocaïne 20 mg/mL isobare comparée à celle de lidocaïne 20 mg/mL isobare a montré un comportement pharmacodynamique similaire pour ces deux anesthésiques locaux, la prilocaïne procurant un bloc légèrement plus long de 20 à 30 minutes selon les paramètres mesurés [52]. Ces résultats ont été confirmés par d'autres études qui ont montré qu'à dose identique, la prilocaïne isobare produisait un bloc légèrement plus long de 15 à 30 minutes que la lidocaïne isobare. La prilocaïne et la lidocaïne hyperbares, à la concentration de 20 mg/mL, procurent un même niveau d'extension du bloc sensitif (niveau maximum = T6), d'intensité du bloc moteur (Bromage 4), de délai de levée du bloc en S2 (130 min), de délai observé pour la déambulation (160 min) et de délai observé pour une miction spontanée (240 min) [53]. Cependant, l'incidence des irritations radiculaires est de l'ordre de 10 % avec la lidocaïne 20 mg/mL hyperbare et < à 3 % avec la prilocaïne 20 mg/mL hyperbare. Camponovo et al. [54] ont comparé les solutions isobare et hyperbare contenant 60 mg de prilocaïne. Les solutions hyperbares entraînaient une installation plus rapide (bloc en T10 en 7 4 min vs 14 7 min) et une durée totale du bloc plus courte. Le retour à l'autonomie était aussi plus rapide avec la forme hyperbare. Les auteurs concluent que la prilocaïne hyperbare était plus adaptée à la rachianesthésie ambulatoire. Krutziker et al. [55] ont noté chez des patients recevant 60 mg de prilocaïne que la miction spontanée était possible après 260 minutes en moyenne. Les auteurs notaient que 23 % des patients ont nécessité un sondage vésical 3 heures après la rachianesthésie (trois femmes pour un homme). Un contrôle échographique du volume vésical avant la sortie du centre de chirurgie ambulatoire était recommandé par les auteurs concernant la prilocaïne. Une dose inférieure de prilocaïne (20 mg) plus fentanyl 20 mg a été comparée à 7,5 mg de bupivacaïne plus fentanyl chez 50 patients programmés pour une arthroscopie du genou en ambulatoire [56]. Le délai d'obtention d'un bloc complet était plus court avec la prilocaïne (11 vs 20 min) et la récupération du bloc sensitivomoteur était plus rapide (97 vs 280 min) comme l'était le temps de récupération de la miction spontanée. La prilocaïne était associée à moins d'hypotension (> de diminution de 20 % de la PAS de base) par rapport à la bupivacaïne (32 % vs 73 %, respectivement). Aucun cas de TNS n'a été signalé. Une étude récente a abordé en dose-réponse la dose optimale de prilocaïne 2 % hyperbare optimale pour une chirurgie ambulatoire péri-anale chez 120 patients [57]. L'augmentation de la dose était associée à l'augmentation du niveau de bloc sensitif et à un bloc moteur plus profond. La possibilité de sortie du patient était obtenue plus précocement avec les faibles doses (199 vs 219 vs 229 min, respectivement), au détriment du temps de première prise d'antalgique de secours. Aucun cas d'hypotension n'a été noté. Cette étude montre que même une très faible dose de prilocaïne hyperbare (10 mg) peut être suffisante pour une chirurgie péri-anale (lorsqu'elle est utilisée pour un bloc en selle) avec des conséquences hémodynamiques minimes. Enfin, dans une des rares études pharmacoéconomiques comparant la prilocaïne 2 % à la bupivacaïne 0,5 % hyperbare pour la rachianesthésie ambulatoire, les auteurs montrent une économie par patient pour l'institution de 66 euros en cas d'utilisation de prilocaïne liée à la diminution de la durée de prise en charge et à une amélioration du turn over au sein du bloc opératoire [58]. En résumé concernant la prilocaïne 2 % hyperbare est utilisée à la dose de 50 à 80 mg dans les indications qui étaient celles de la lidocaïne auparavant ; la prilocaïne et la lidocaïne procurent un même niveau d'extension métamérique et d'intensité du bloc, de retour de la déambulation (moyenne de 140–180 min) et de délai observé pour une miction spontanée (en moyenne de 220–260 min) ; pour de faibles doses avec adjuvants, l'impact hémodynamique de la rachianesthésie est moins important avec la prilocaïne qu'avec la bupivacaïne ; l'incidence des irritations radiculaires est de l'ordre de 10 % avec la lidocaïne 20 mg/mL hyperbare et à moins de 3 % avec la prilocaïne 20 mg/mL hyperbare. Effets adverses de la rachianesthésie ambulatoire : prévention et prise en charge Les effets adverses de la rachianesthésie n'ont pas de spécificité liée au caractère ambulatoire du geste. Néanmoins ils peuvent, soit interférer sur la prise en charge du patient et retarder la sortie, soit se manifester après le retour au domicile, ce qui justifie d'une information précise du patient sur la conduite à tenir. Effets hémodynamiques et rachianesthésie ambulatoire Les effets hémodynamiques de la rachianesthésie ambulatoire sont liés au bloc sympathique responsable d'une vasodilatation artérielle et veineuse. Aux doses utilisées pour la rachianesthésie ambulatoire, les manifestations hémodynamiques restent modérées et les vasoconstricteurs (éphédrine, phényléphrine) sont privilégiés pour maintenir une pression artérielle dans les limites fixées par le praticien, d'autant plus en ambulatoire où tout remplissage vasculaire excessif est à éviter. L'hypotension artérielle et la bradycardie sont classiquement observées dans 33 % et 13 % des cas après rachianesthésie, en dehors de l'obstétrique [59]. Le risque d'hypotension est d'autant plus élevé que le niveau de bloc sensitif (et sympathique) est élevé (atteint T4), qu'il existe une pression artérielle systolique de base inférieure à 120 mmHg et/ou que le niveau de la ponction et de l'injection est tome 2 > n81 > janvier 2016 Rachianesthésie ambulatoire et rétention d'urine La miction fait partie des critères de sortie classiques d'un patient ambulatoire ayant bénéficié d'une rachianesthésie. La durée du bloc du détrusor est liée à la durée du bloc sympathique. Dans une étude évaluant par cystométrie la récupération de la fonction vésicale après rachianesthésie, tous les patients avaient uriné quand l'anesthésie était redescendue en S3 [61]. Les anesthésiques locaux de longue durée d'action et certaines chirurgies comme la chirurgie herniaire ou anale favorisent le risque de rétention urinaire. Pavlin et al. ont retrouvé une corrélation entre le volume vésical avant miction et la quantité totale de liquide administrée en peropératoire, ce qui justifie pour eux de limiter les apports hydriques périopératoires chez les patients à haut risque de rétention [62]. Dans une étude rétrospective chez 100 patients opérés de pathologies anorectales bénignes sous rachianesthésie, le risque de rétention était majoré en cas d'apports intraveineux périopératoires supérieurs à 1000 mL [63]. L'utilisation de petites doses d'anesthésique local semble réduire significativement ce risque, qu'il soit seul ou associé à un morphinique liposoluble. Il ne semble pas que la latéralisation de la rachianesthésie puisse en soit réduire le risque de rétention. Dans les études utilisant 8 mg de bupivacaïne, la fréquence des rétentions d'urine est comparable entre les groupes de patients ayant reçu un rachianesthésie unilatérale ou bilatérale [64]. En revanche, la latéralisation devient intéressante lorsqu'elle est associée à de faibles doses d'anesthésique local (6 voir 4 mg de bupivacaïne hyperbare) [1]. Chez 70 patients bénéficiant d'une rachianesthésie unilatérale pour arthroscopie de genou ambulatoire avec 6 mg de bupivacaïne, Kuusniemi et al. [23] ne retrouvent aucun épisode de rétention d'urine pendant l'hospitalisation. Dans les situations à risque : antécédents de rétention d'urine, chirurgie herniaire ou anale, il est recommandé, après une rachianesthésie, d'attendre une miction spontanée du patient avant d'autoriser la sortie. Il semble possible de s'affranchir de ce critère pour accélérer la sortie, mais à condition de pratiquer une échographie. Le patient est autorisé à sortir si le résidu vésical est inférieur à 400 mL [65]. Le risque de rétention d'urine est important à prendre en tome 2 > n81 > janvier 2016 compte. Les retards de sortie liés à une miction tardive et les effets secondaires d'un cathétérisme vésical sont à considérer. Il est du devoir de l'anesthésiste de choisir les produits ayant les durées d'action les plus courtes en tenant compte, bien sûr, du temps opératoire. Complications neurologiques et rachianesthésie ambulatoire Elles peuvent être regroupées en 2 catégories : celles liées à la toxicité des anesthésiques locaux (les syndromes de la queue de cheval et d'irritation radiculaire transitoire) et celles liées à l'aiguille (hématome et traumatisme médullaire). La toxicité des anesthésiques locaux a été évoquée dans le chapitre précédent, nous n'y reviendrons pas. L'incidence des lésions liées à la ponction est très faible. Dans une étude rétrospective portant un nombre estimé de 1,2 millions de rachianesthésies, les auteurs retrouvent 8 hématomes médullaires et 1 seul cas de traumatisme médullaire [66]. Ces résultats plutôt rassurants concernent les complications les plus graves, mais les neuropathies transitoires semblent plus fréquentes. Il n'y a pas de particularité de ce risque par rapport au caractère ambulatoire de la rachianesthésie. Dans une étude également rétrospective, Horlocker et al. [67] retrouvent 298 paresthésies sur 4767 rachianesthésies (6 %). Pour ces auteurs, une paresthésie pendant la procédure accroît significativement le risque de lésions nerveuses prolongées. Six patients avaient présenté des paresthésies prolongées et 4 en avaient eu une ou plusieurs paresthésies pendant la procédure. Céphalées post-rachianesthésie Les conséquences de la fuite possible de LCR au travers de l'orifice méningé ont longtemps limité l'utilisation de la rachianesthésie. L'introduction des biseaux atraumatiques et le faible diamètre des aiguilles ont considérablement réduit la fréquence de ces céphalées posturales. Chez 213 patients opérés sous rachianesthésie d'une arthroscopie de genou en ambulatoire, Pittoni et al. [68] ne retrouvent qu'une seule céphalée, soit une incidence de 0,5 %. Il est important de prévenir le patient de ce risque, surtout en ambulatoire, pour que, dès l'apparition des céphalées positionnelles, il reprenne contact avec l'équipe d'anesthésie. Autres effets adverses potentiellement liés à la rachianesthésie ambulatoire Le risque de méningite est heureusement rarissime. Une large étude épidémiologique retrouve une incidence de 1/ 53 000 actes. Dans la plupart des cas, il s'agit d'un streptocoque suggérant une contamination orale. Dans l'étude française, l'incidence était de 0,3/10 000 [69]. Rappelons la nécessité des mesures d'asepsie lors de la réalisation de l'acte. Les nausées et les vomissements seraient plus fréquents après une anesthésie générale. En fait, cet avantage disparaît quand on compare la rachianesthésie à une anesthésie générale utilisant du propofol seul [70]. Il a été décrit un effet sédatif propre 31 au-dessus de L3-L4. L'âge est également un facteur favorisant, le sujet âgé étant plus sensible pour des doses équivalentes à celles utilisées chez l'adulte jeune [60]. La latéralisation et la réduction des doses d'anesthésiques locaux limitent significativement ce risque. Lorsqu'ils sont associés à du sufentanil, 7,5 mg de bupivacaïne hyperbare permettent une meilleure stabilité hémodynamique que 12,5 mg sans sufentanil pour une qualité d'anesthésie comparable. Avec la 2-chloroprocaïne, l'incidence des hypotensions semble comparable à celle obtenue pour de faibles doses de bupivacaïne [39]. Dans le contexte de l'ambulatoire et en l'absence d'hypovolémie, il est préférable de choisir les agents vasoactifs et de limiter le remplissage pour éviter le risque de rétention urinaire. Revue La rachianesthésie pour chirurgie ambulatoire : nouveaux enjeux et modalités de prise en charge des patients Revue N. Dufeu, M. Gentili, L. Delaunay, X. Capdevila de la rachianesthésie qui dépend de la hauteur du bloc sensitif, mais les conséquences de cet effet, sur une prise en charge ambulatoire, n'ont pas été évaluées [71]. Conclusion La rachianesthésie est une technique parfaitement adaptée à la pratique de la chirurgie ambulatoire pour peu que l'on puisse prédire la durée d'action du bloc anesthésique et que celle-ci soit le plus calquée sur la durée de la chirurgie. Les propriétés pharmacodynamiques des AL jouent un rôle très important pour une utilisation optimale de la rachianesthésie. Les AL à cinétique courte doivent permettre de mieux utiliser cette technique. Quoi qu'il en soit, une infrastructure adaptée et une organisation médicale appropriée sont essentielles pour assurer une utilisation réussie de la rachianesthésie en chirurgie ambulatoire. Déclaration d'intérêts : Xavier Capdevila, Marc Gentili et Laurent Delaunay déclarent avoir reçu des honoraires de consultant par le laboratoire Nordic Pharma France. Nicolas Dufeu déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] 32 [9] Nair GS, Abrishami A, Lermitte J, Chung F. Systematic review of spinal anaesthesia using bupivacaine for ambulatory knee arthroscopy. Br J Anaesth 2009;102:307–15. Société française d'anesthésie et de réanimation. Recommandations formalisées d'experts. Prise en charge anesthésique des patients en hospitalisation ambulatoire.; 2009 [http://www.sfar.org/article/207/prise-encharge-anesthesique-des-patients-en-hospitalisation-ambulatoire-rfe-2009]. Dufeu N, Beaussier M, Marchand-Maillet F, Milan D. Organisation d'un service d'ambulatoire et circuit du patient. Journée monothématique de la SFAR. 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