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LES
TRANSGENRES :
IDENTITÉ SEXUELLE À
ENTIÈRE
UNE
PART
LÉGITIMER SES DROITS
Par Sabine Beaucamp
De nos jours, l’un des domaines où les personnes transgenres
rencontrent le plus de problèmes est celui du travail. Il arrive
régulièrement que des personnes soient licenciées, harcelées par
des collègues, ne soient pas prises au sérieux lors d’un entretien,
soient forcées à prendre un congé de maladie ou ne puissent plus
exercer une fonction. Dès lors, le fait de noter noir sur blanc le
changement de sexe, l’identité et l’expression de genre dans la loi
contre le harcèlement au travail, comme c’est déjà le cas pour les
autres motifs de discrimination, constituerait un signal important.
Beaucoup de questions restent encore aujourd’hui sans réponse, en raison
notamment du tabou qui règne encore sur les identités et expressions de genres.
Seules quelques associations fournissent actuellement une aide concrète aux
personnes transgenres mais celles-ci manquent de moyens pour accroître leur
visibilité et leur action, remarque Michel Pasteel, (Directeur de l’Institut pour l’égalité
des femmes et des hommes). Parmi ces associations, Genres Pluriels, la seule
association de soutien des personnes transgenres et intersexuées à Bruxelles et en
Belgique francophone. En mars 2014, en matière de droits des personnes
transgenres, un projet de loi a été approuvé en avril par le Parlement. Ceci afin de
modifier la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les
femmes et les hommes en vue de l’étendre à l’identité de genre et à l’expression de
genre. Sachant que seulement 10 % des personnes transgenres se lancent dans
l’opération de changement de genre et que ces dernières étaient uniquement visées
par la loi genre. Un groupe important de personnes transgenres, les intersexués ou
les autres personnes en dehors des modèles traditionnels en matière de sexe et de
genre n’étaient pas protégés par la législation précédente. « Cette modification
représente donc un énorme bond en avant en matière de droits des personnes
transgenres qui seront désormais toutes protégées en cas de discriminations
fondées sur le sexe et l’égalité de genre, constate Michel Pasteel. Et pourtant, cette
avancée en matière de droits humains est restée totalement sous silence.». L’Institut
a élaboré, par exemple, une proposition de modification de la « Loi relative à la
Transsexualité » et travaille, avec l’ensemble des parties prenantes, à l’élaboration
d’une liste de points d’attention ».
PAC Analyse 2014/21- Partie 2
LE NOMBRE DE PERSONNES TRANSGENRES EN BELGIQUE
Entre 1993 et le 30 juin 2013, le Registre national a enregistré 676 « changements
de sexe ». Dans un tiers des cas, il s’agit d’une transition vers une masculinisation;
dans deux tiers vers une féminisation. On estime toutefois que les transgenres sont
100 à 150 fois plus nombreux. Les conditions sévères requises dans la législation
actuelle empêchent de nombreuses personnes transgenres de faire concorder leur
identité de genre avec les documents d’identité. Le texte de loi se base sur un
respect fondamental des droits humains, même lorsqu’il s’agit de petites minorités.
En revanche, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes est convaincu que le
fait de supprimer les discriminations dans les dispositions légales donne un signal
fort. En effet, les autorités pourront ainsi donner une impulsion à la lutte contre les
préjugés et à l’incompréhension à laquelle les personnes transgenres sont encore
malheureusement confrontées de nos jours.
Pratiquement, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes plaide pour les
mesures suivantes :
1. Une révision des critères pour le changement de sexe et de prénom dans la
loi relative à la transsexualité du 10 mai 2007 ;
2. Une protection légale contre la discrimination basée sur l’identité et
l’expression de genre ;
3. Une meilleure protection des droits des parents transgenres et de leurs
enfants ;
4. Une protection légale contre le harcèlement au travail fondée sur le
changement de sexe, l’identité et l’expression de genre ;
5. Un dispositif de remboursement de qualité des frais médicaux dans le cadre
d’un processus de transition ;
6. Une réflexion sur l’adaptation des documents d’identité.
TROIS ASPECTS DE LA LOI À REVOIR EN TOUTE PRIORITÉ
En réalité, plusieurs préjugés concernant les personnes transgenres se sont
involontairement glissés dans la loi de 2007 relative à la transsexualité et doivent
être remis en question du point de vue de l’anti-discrimination. Autrement dit, la loi a
besoin d’une révision d’urgence.
1. Un premier aspect concerne la condition selon laquelle une personne
transsexuelle doit avoir subi une réassignation sexuelle « qui la fait
correspondre au sexe opposé, auquel elle a la conviction d’appartenir, dans
toute la mesure de ce qui est possible et justifié du point de vue médical ». Il
s’agit ici de caractéristiques sexuelles primaires. L’explication associée à cette
condition fait référence au fonctionnement sexuel des organes génitaux dans
PAC Analyse 2014/21- Partie 2
une logique hétérosexuelle sexiste. Les organes génitaux et la vie sexuelle
font partie de la vie privée. Demander un certificat médical comme garantie
constitue dès lors une atteinte directe à la vie privée de l’intéressé(e).
2. Un second aspect concerne l’exigence d’effectuer une stérilisation irréversible.
Interdire à une personne de procréer constitue une atteinte flagrante aux
droits de l’homme. Et n’est pas sans rappeler des éléments tragiques de notre
histoire dont ont été victimes des groupes de population jugés comme
indésirables. Priver quelqu’un du droit de procréer semble vouloir signifier que
la personne est sans grande valeur. La législation est donc discriminatoire sur
ce point.
3. Un troisième aspect concerne la condition relative à la thérapie hormonale, qui
est exigée en cas de changement de prénom. Il s’agit à nouveau ici d’un
traitement médical qui ne peut être pris à la légère. La question reste
purement physique, celle de savoir si l’expression de genre est suffisamment
« réussie ».
L’adaptation du sexe doit être au mieux considérée comme une démarche définitive.
La loi exige cependant que cette conviction soit prouvée au moyen d’une déclaration
établie par le psychiatre en charge de la personne. Or, cette exigence renvoie au
principal préjugé dont sont victimes les personnes transgenres, à savoir qu’elles sont
malades. Même si une personne transgenre est suivie par un psychiatre, on peut
difficilement imposer cela comme condition. En revanche, la psychiatrisation d’un
groupe de la population est un processus stigmatisant.
Dans ce contexte, l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes plaide pour le
maintien de la première condition uniquement :
A savoir la conviction intime, constante et irréversible d’appartenir au sexe opposé à
celui mentionné sur l’acte de naissance, tant pour l’enregistrement officiel du
changement de sexe que pour le changement de prénom dans le cadre d’un
changement de sexe. À cet effet, la personne concernée signe une déclaration sur
l’honneur auprès des services de l’état civil.
UNE QUESTION DES DROITS DE L’HOMME
Ainsi une législation similaire en Argentine, indique qu’il suffit de remplir un formulaire
pour effectuer un changement de sexe et de prénom, car l’identité de genre est
considérée comme un droit personnel. De même, un projet de loi canadien tente de
voter au Parlement la Loi sur les droits de la personne, un article protégeant les
droits des transgenres canadiens, et criminaliserait l'incitation à la haine ou au
génocide sur la base de l'identité sexuelle. Là encore, les choses restent
compliquées, la montée des conservatismes est bien présente. N’oublions pas que
les plaintes reçues régulièrement par l’Institut et les organisations de défense des
droits des personnes transgenres montrent que l’inégalité de traitement et la
discrimination des personnes transgenres restent encore trop souvent monnaie
courante. L’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes souligne l’importance
essentielle de briser les stéréotypes associés aux femmes et aux hommes. Ce sont
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en effet ces stéréotypes qui sont à la base des préjugés et du harcèlement dont sont
victimes les personnes transgenres.
La reconnaissance des transgenres comme un troisième genre n'est pas une
question sociale ou médicale mais une question des Droits de l'homme, les
transgenres sont des citoyens du monde et ont droit comme tout le monde à
l'éducation ainsi qu’à tous les autres droits.
SOURCES BIBLIOGRAPHIQUES

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

«Être transgenre en Belgique» Institut pour l’égalité des chances (igvmiefh.belgium.be)
“Le « troisième sexe ».”- Un article publié dans la revue « La Recherche,
N°245 », juillet-août 1992, pp. 836-844.
www.yogakartaprinciples.org.
Atelier Genre(s) et Sexualité(s) Genre et mobilité dans la cité: les violences et
le sentiment d'insécurité comme modalités de contrôle social sexué. Marylène
Lieber
Rapport d'activités 2012 de l'Institut pour l'égalité des chances.
www.presscenter.org
« Fausse route »-Elisabeth Badinter (éditions Odile Jacob- 2003)
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