Un paysage morne et gris - Kroundave

Transcription

Un paysage morne et gris - Kroundave
Interview
Manu Markou et Odile Closset
Remembrement
Rencontre avec le couple Manu Markou et Odile Closset, compagnons au chant
comme à la ville. Histoire de comprendre la réalisation de leur album concept
« Démantibulés » et de recoller les morceaux de cette création atypique dans le
paysage sonore français.
Un paysage morne et gris. Une petite maison en bordure d’une voie SNCF entre campagne et
ville post-industrielle en décrépitude. Avant d’arriver, je me suis tapé un embouteillage.
Incroyable si loin d’une « grande ville » ! Prisonnier du flux de ces gens qui vont dépenser leur
« peu » de fric sur la méga zone commerciale d’un grand distributeur régional.
Voici le cadre de ce monde en noir et blanc où les bleds de l’Avesnois ou plutôt du bassin de la
Sambre portent la même tristesse que ces villes anglaises comme Manchester ou Liverpool : plus
qu’un catalyseur pour donner naissance à un album aussi fort, puissant et violent que
Démantibulés.
A peine ai-je franchi la barrière que s’ouvre la porte d’entrée avec le large sourire ensoleillé de
Manu ! En route pour la joie…
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1
Le Guise : Comment est né l’album ?
Manu Markou : L’album c’est 15 jours de notre vie, car c’est une écriture rapide axée sur le ressenti. Cela
correspond à l’état dans lequel j’étais au moment de l’écriture.
Le Guise : Qu’est ce que tu écoutais ou bien lisais pendant cette période d’écriture ?
Manu Markou : Pendant ces 15 jours je suis reclus
Le Guise : Un ermite ?
Manu Markou : Complètement, je vis la nuit et le jour je dors
très peu. Je n’écoute rien, je ne lis rien !
Le Guise : A propos de la notion de concept album ?
Manu Markou : Elle est venue toute seule finalement, dans la
mesure où pendant ces 15 jours d’immersion en écriture et
composition, je n’ai pas eu de variation d’humeur et d’émotion
dans ma vie. Tous les morceaux étaient liés ensemble. Il restait
à leur donner un ordre précis qui est venu assez rapidement.
Le Guise : D’où vient l’idée de la reprise de La nostalgie
camarade ?
Manu Markou : Bien avant de commencer l’écriture, je souhaitais déjà une reprise de Gainsbourg sur
mon futur album. Ca n’a pas été très difficile. En fait, j’ai ouvert un livret de partition au hasard et je suis
tombé sur La nostalgie camarade. Cela doit être magique car elle se marie parfaitement bien au concept. J’ai
pu mieux comprendre cette chanson. Quand il parle du primitif, du panou panou qu’il a flingué
finalement. Je suis intimement persuadé que c’est une chanson autobiographique, car c’est assez
extraordinaire, elle figure sur l’album « Mauvaises nouvelles des étoiles » où apparaît le personnage de Gainsbarre
(Sur la chanson Ecce Homo : ndla). N’a-t-il pas tué Gainsbourg avec cette chanson ?
Le Guise : Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
Manu Markou : C’est du « fait
maison », pour une bonne raison
qu’au moins nous pouvons
prendre le temps. Les studios
d’enregistrement sont hors de prix
mais
aujourd’hui
avec
la
technologie que nous avons à
portée de mains nous pouvons
obtenir un résultat plus que
convenable en faisant ce travail
chez soi. Je pars des morceaux qui
sont écrits « piano - chant »,
« guitare - chant », qu’il faut
ensuite
arranger.
L’album
commence par un a capella et
termine par un instrumental plutôt
symphonique, il a fallu une
progression au niveau des
arrangements.
A gauche le lit … à droite le studio …
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2
Le Guise : Parle-nous justement des arrangements que tu réalises par MAO (Musique Assistée par
Ordinateur : ndla) ? Tu as rencontré des difficultés ?
Manu Markou : Effectivement, les parties symphoniques ont été les plus difficiles. Je n’ai pas beaucoup
de notions de solfège, vu que j’ai appris sur le tard. Pour l’écriture des parties symphoniques j’ai dû étudier
la disposition d’un orchestre, réfléchir à savoir d’où venait le son des instruments tout en évitant que les
parties mélodiques ne se chevauchent. Pour le reste c’est un travail de sample.
Le Guise : Comment enregistres-tu les voix ?
Manu Markou : J’ai déjà eu la farce avec les précédents
albums. Il faut un lieu relativement bien insonorisé pour
prendre les chants. Alors, nous avons construit une petite
cabine dans notre chambre pour s’isoler complètement
du bruit extérieur qui nous permet un gain de 40 dB.
L’enregistrement des voix a pris pas mal de temps car je
suis un peu tatillon là-dessus. Je n’ai pas envi d’avoir une
fausse note sur les voix. Ca prend énormément de temps,
ce n’est pas qu’on ne sache pas chanter mais je veux que
ce soit nickel. Et puis il y a aussi l’émotion qui est très
importante. L’émotion ne se travaille pas, elle se capte Et
on arrive à la capter en répétant, répétant, répétant
plusieurs fois. D’ailleurs je m’amuse souvent à faire
pleurer Odile tellement je l’embête avec ça et c’est
justement à ce moment là que j’ai une meilleure prise de
voix.
Le Guise : Tu disais vouloir prendre ton temps.
Justement combien de temps as-tu consacré à la
réalisation de cet album?
… En face la cabine d’enregistrement !
Manu Markou : Pour l’enregistrement et les arrangements, il faut compter environ 9 mois !
Le Guise : Quelles sont les influences majeures du duo Markou/Closset ?
Manu Markou : Nous aimons bien Gainsbourg. Ca c’est clair, nous le disons suffisamment. Mais aussi
Léonard Cohen. Nous avons beaucoup écouté Led Zeppelin et Pink Floyd pendant l’enregistrement. Cela
ne se ressent pas forcément sur le disque. Par contre, pendant cette période nous nous sommes mis
volontairement une barrière où l’on ne voulait absolument rien écouter de « français ».
Le Guise : Quel regard portes-tu sur cette scène imposée par les média comme la Star Ac’ et
autres ersatz ?
Manu Markou : Je ne sais pas quoi répondre à ça ! Nous vivons dans un monde préfabriqué,
complètement aseptisé. Etonnement, Démantibulés est parfois taxé d’album triste, alors que je l’estime
plutôt poétique. Cela montre un peu comment évolue le monde. Si aujourd’hui la poésie devient triste !!!
On peut toujours écouter la Star Ac’ si on ne veut pas réfléchir. Je ne pense pas que le travail d’un artiste
soit d’apporter de l’émotion facile. De toute façon si cela marche c’est qu’il y a une raison !
Le Guise : Justement sur la chanson Démantibulés, nous retrouvons un arrangement digne d’une
émission TV avec des applaudissements et des rires
Manu Markou : Au départ, cela n’était pas prévu. Il devait y avoir des guitares et des voix qui montent.
Mais finalement nous avons voulu prendre cela à la légère et montrer comment sont les choses dans la
réalité. On va vous dire d’applaudir, applaudissez ! On va vous donner de la Star Ac’, achetez la Star Ac’…
C’est la manipulation du peuple.
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3
Le Guise : Quelle est ta dernière découverte musicale ?
Manu Markou : Bat for Lashes. C’est très bien, original ! J’ai
vu le clip et j’ai acheté l’album « Fur and Gold » de suite, ce qui
est rare !
Le Guise : Au niveau de la scène française ?
Manu Markou :Je n’écoute pratiquement rien !
Le Guise : A cause d’un manque d’information ?
Manu Markou : Il y a certainement des choses très bien mais
que nous ne connaissons pas. Ce que l’on propose me laisse
de marbre. La Star Academy, c’est clair je n’écoute pas ça ! Si on parle vraiment de la nouvelle scène
française avec Bénabar et compagnie, ce n’est pas trop mon truc non plus ! Le problème c’est qu’il n’y a
plus vraiment de fond. Il y a beaucoup de forme avec des textes joliment écrits, mais je trouve que ces
artistes n’ont plus grand chose à dire ! C’est un peu dommage !
Le Guise : La pochette a été réalisé par Manon (La graphiste créatrice du site www.tetedechou.com sur
Gainsbourg,: ndla). Comment s’est passée cette collaboration ?
Manu Markou : Manon nous a fait une première proposition de pochette qui était blanche avec une
photo un peu floue d’Odile. Mais elle ne correspondait pas vraiment à l’atmosphère de l’album. Alors j’ai
commencé à lui faire écouter des titres au fur et à mesure de leur création ce qui lui a permis de
s’imprégner de l’ambiance du disque. Finalement nous sommes arrivés à une proposition quasi identique
au produit final en noir et vert.
Le Guise : Les références littéraires, le style riche ne font-ils pas de Démantibulés un album assez
élitiste ?
Manu Markou : Je pense que certains textes comme les poésies ou les entre chansons comme Parnassius
Appolo peuvent le faire penser. Mais dans l’ensemble l’album reste abordable.
Le Guise : C’est un album assez violent par les mots ?
Manu Markou : C’est un album où nous nous faisons violence. Mais, la fin est plutôt positive. Il faut
avoir un recul sur soi pour pouvoir exprimer ces sentiments.
Le Guise : Cette violence en fait-il un concept album difficilement transposable sur scène ?
Manu Markou : Il faut prendre des gants pour essayer de glisser l’émotion tout en dosant savamment
l’humour pour justement faire passer des éléments plus glauques. Je pense qu’il ne faut pas trop se prendre
au sérieux pour justement mettre le public à l’aise.
Le Guise : Et techniquement, comment comptes-tu reproduire les arrangements ?
Manu Markou : Les chansons sont reprises dépouillées, sans arrangements.
Le Guise : Tu as des difficultés pour te produire ?
Manu Markou : Plutôt. Il faut trouver des programmateurs qui veulent prendre des risques avec un
public qui soit curieux. Aujourd’hui proposer de la chanson française, c’est la croix et la bannière. C’est
déjà sympa de trouver des endroits où jouer comme la Ferme des Hirondelles à Fretin ou le Biplan à Lille.
L’année dernière nous avons fait 6 concerts. C’est trop peu !
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Le Guise : Vous êtes diffusés à la radio ?
Manu Markou : Un titre passe sur Canal Sambre Avesnois (Devenu Canal FM : ndla) et la chanson
Démantibulés a été diffusée par Francophonie Express. C’est une émission programmée sur 26 radios
francophones avec un potentiel d’auditeurs très important (plus d'un million d'auditeurs au Canada et à
l'international :ndla)
Le Guise : Vous avez obtenu des aides ?
Manu Markou : Nous avons obtenu une subvention
de la SACEM dans le cadre de l’autoproduction. Ce qui
est loin d’être évident car sur les 5000 dossiers
présentés sur le territoire seul 40 ont été retenus et
nous sommes le seul pour la région Nord-Pas-deCalais.
Le Guise : Comment est distribué l’album ?
Manu Markou : Au niveau régional nous sommes
distribués par l’association Inner Quest. (Furet du Nord,
disquaires …). Nous avons aussi une bonne présence
nationale avec les magasins Cultura. L’album est sur la
majeure partie des plateformes légales de
téléchargement. Sinon, il bien diffusé dans les
médiathèques grâce à l’article de Chorus.
DISCOGRAPHIE
Manu Markou
Bible Oath : 1996
Web Love : 2003
Manu Markou et Odile Closset
Pompéi ou Babel : 2005
Démantibulés : 2007
Le Guise : As-tu eu d’autres articles ?
Manu Markou : L’album a été critiqué dans Longueur d’Ondes. Nous avons été cité dans le Journal du
Dimanche à propos d’un article sur Gainsbourg et également dans le Dictionnaire Gainsbourg de Jean-William
Thoury.
Vincent GILOT aka « Le Guise »
Interview réalisée le 2 novembre 2007.
Liens
http://www.demantibules.com
http://www.myspace.com/manumarkou
http://innerquest.asso.fr
http://www.myspace.com/associationinnerquest
http://www.chorus-chanson.fr
http://www.myspace.com/choruschanson
http://longueurdondes.com/articles/3311.htm
http://www.myspace.com/manon64
http://www.tetedechou.com
http://www.lejdd.fr/cmc/culture/200714/quand-gainsbourg-faisait-son-cinema_6550.html
http://francophonieexpress.com
http://www.canalfm.fr
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