Convergences et divergences
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Convergences et divergences
FICHE DE LECTURE Convergences et divergences C es dernières années, le Conseil pontifical pour le dialogue interrligieux a tenu deux colloques importants concernant la rencontre entre le bouddhisme et le christianisme. Le premier, qui a traité des convergences et divergences entre ces deux traditions, a eu lieu du 31 juillet au 4 août 1995 dans un monastère bouddhiste à Kaohsiung (Taiwan), et le deuxième, sur le thème « Parole et silence dans les traditions bouddhiste et chrétienne », au monastère bénédictin d’Asirvanam à Bangalore (Inde), du 8 au 12 juillet 1998. Nous proposons des extraits des déclarations finales des deux colloques. RÉSUMÉ D ans ces colloques, les participants bouddhistes et chrétiens ont voulu exprimer, dans des termes simples et clairs, les positions respectives de leurs traditions sur des questions essentielles : – la condition humaine et le besoin de libération ; – la réalité ultime de l’expérience du nirvâna et l’accomplissement de la personne dans l’union avec Dieu ; – la nature et le rôle du Bouddha et du Christ ; – le détachement personnel et l’engagement social ; – l’autorité des textes bouddhistes et chrétiens ; – la place de la tradition dans le bouddhisme et dans le christianisme ; – le lien entre étude et pratique religieuse ; – l’attitude envers les textes sacrés d’autres religions ; – La place du silence dans la démarche spirituelle, etc. C PERSPECTIVE es deux colloques s’inscrivent dans l’effort concerté que fait le CPDI pour promouvoir un dialogue authentique entre bouddhistes et chrétiens partout dans le monde, et surtout là où ils se côtoient dans la vie quotidienne. Les actes des colloques ont été publiés (en anglais) dans La revue Pro Diologo (voir ci-dessous). La déclaration finale du colloque de Kaohsiung, Taiwan a été publiée en anglais dans Pro Dialogo (revue du CPDI, bulletin 90, 1995\3, p. 217-219 (pour la traduction française du texte intégral, voir DC 1996, n° 2130, p. 93-94). La déclaration du colloque de Bangalore a été publiée en anglais dans Pro Dialogo, bulletin 100, 1999/1, p. 9-12 (traduction française de Questions actuelles). COLLOQUE DE KAOHSIUNG La condition humaine et le besoin de libération (…) Bouddhisme et christianisme s’accordent pour reconnaître que la condition humaine est en quelque sorte imparfaite, et admettent la possibilité d’une transformation positive. L’approche bouddhique de la condition humaine consiste à examiner l’expérience humaine, en présenter une analyse précise, et une méthode pratique qui amène à la libération. L’analyse bouddhiste traditionnelle affirme que l’énergie du karma, enracinée dans l’ignorance, et l’attachement à soi sont les causes de la souffrance humaine et du mal. Les bouddhistes proposent un chemin hautement moral, une pratique de méditation profonde, et une grande sagesse comme remèdes à cette condition [NDLR: voir plus haut, p. 16]. Selon la tradition chrétienne, chaque être humain est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Cependant, nous en expérimentons les limites non seulement à cause de notre statut de créatures mais aussi par suite des conséquences du péché originel. Cet héritage produit des limitations causées par l’ignorance, la concupiscence, l’aliénation de soi, des autres et de Dieu, et même la mort. Au cœur de l’histoire chrétienne du salut, se trouve le mystère pascal de la Passion, de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, mystère à travers lequel la condition humaine est définitivement transformée et participe à la vie divine de la grâce. La réalité ultime de l’expérience du nirvâna Dans leurs traditions respectives, bouddhisme et christianisme proposent un idéal concret de perfection humaine. Pour les bouddhistes, cet idéal comporte un équilibre subtil, dans l’oubli de soi, pur et détaché, entre une sagesse éveillée et un engagement de compassion dans le monde. Bien que la nature précise Septembre-Octobre 2002 • 29 du nirvâna ne puisse pas s’exprimer facilement, sa réalisation comporte à la fois une libération de soi et la liberté de vivre pleinement pour le bien des autres. Enraciné dans la révélation biblique et accompli dans la personne de Jésus-Christ, l’idéal chrétien est toujours vu dans une perspective théiste. En tant que pèlerins sur la terre, les chrétiens sont appelés à trouver la perfection dans l’union avec Dieu. Cette union est une participation dynamique et commune dans la vie du Dieu trinitaire. Puisque Dieu est lumière et amour, cette perfection comporte à la fois l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Cette vie d’amour est nourrie par la parole de Dieu et les sacrements. (•) Dans le bouddhisme, on parle davantage des êtres vivants que des hommes (voir encadré p. 13). L’existence humaine est pourtant axiale car c’est uniquement l’être humain qui peut arriver à l’Éveil. Bouddha et le Christ Une divergence importante entre les deux traditions se trouve dans les compréhensions respectives des figures de Bouddha et du Christ. Il a été expliqué que le Bouddha est un être humain « illuminé » qui nous montre la perfection de l’être-Bouddha (parfait oubli de soi manifesté comme pureté, compassion et sagesse) et donne aux gens l’espérance qu’ils peuvent eux-mêmes atteindre cet idéal. L’être-Bouddha qui peut être accompli est la condition positive de l’intégralité humaine et la liberté caractérisée par l’amour, la compassion, la joie sympathique et l’équanimité, qui font que l’on peut vivre pleinement pour le bien des autres. Un grand mouvement historique est né (la Communauté bouddhiste ou sangha) avec LE CHRIST EST-IL UN BODHISATTVA ? De nombreux maîtres bouddhistes affirment que le Christ est un bodhisattva. Par là, ils disent leur respect pour un être qui a fait don de lui-même pour aider les autres. Ainsi incarne-t-il l’idéal du bodhisattva (voir encadré p. 21). Le chrétien doit reconnaître le respect que ces maîtres ont pour Jésus-Christ. Il faut simplement comprendre qu’il est fondé sur la cohérence bouddhique, laquelle ne peut pas reconnaître, bien évidemment, que Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu et l’image de ce que tout homme est appelé à devenir. Selon la foi chrétienne, le mot bodhisattva ne communique pas vraiment ce que le Christ a toujours été pour la communauté de croyants qui suivent la « Voie » du Christ (voir encadré p. 23) à travers les siècles et partout dans le monde. 30 • Questions actuelles un message de libération spirituelle pour tous les êtres vivants. (•) Il fut aussi compris plus clairement que, pour les chrétiens, JésusChrist est la manifestation de la volonté salvatrice de Dieu, l’incarnation de la Seconde Personne de la Trinité, apportant une fois pour toutes la lumière du salut dans le monde pour toute l’humanité. Par la grâce de cet événement « qui illumine toutes les personnes » (Jn 1, 9), la signification de l’histoire individuelle et humaine est révélée. Dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ, l’amour infini et la miséricorde de Dieu, source du salut, sont aussi révélés. Cet événement central du salut du monde a culminé dans le don du Saint-Esprit à la Pentecôte. L’Église est alors née comme rassemblement de tous les peuples, de toutes les langues et de toutes les races, pour être la famille de Dieu sur la terre. Détachement personnel et engagement social Le lien entre pratique spirituelle et engagement social a été pour les chrétiens et les bouddhistes un sujet de dialogue, mais aussi une occasion de collaboration. Pour les bouddhistes, plus l’esprit est purifié, plus profondes sont la sagesse et la compassion. Dans la sérénité de l’esprit, ils essaient d’amener la paix dans le monde en appliquant les enseignements du Bouddha à leur contexte personnel et social. Il a été noté que le Bouddha lui-même s’était engagé dans une mission de renonciation à soi et avait conseillé à ses disciples de vivre de la même manière pour leur bien-être et celui du peuple. Dans l’esprit des enseignements du Bouddha, dans le détachement et la compassion, les bouddhistes d’aujourd’hui s’engagent concrètement dans de nouvelles formes de service social et spirituel. Dans l’histoire récente du christianisme, il y a eu un renouveau de l’engagement traditionnel pour la justice sociale qui est compris comme inséparable de la vie de foi. C’est le détachement enseigné par Jésus-Christ qui rend quelqu’un libre d’actualiser la libération qu’il a gagnée pour tous. La dimension sociale de cette libération invite le chrétien à se dévouer consciemment et totalement à une vie de charité et de service des autres, avec une option préférentielle pour les pauvres, et développe une perception particulière de l’environnement global. Les participants bouddhistes et chrétiens du colloque ont aussi reconnu qu’ils se réunissaient dans un monde déchiré par des divisions, la pauvreté et l’injustice, la violence et la guerre, l’érosion des valeurs spirituelles et la destruction de la nature. Ils ont réaffirmé ncessité pour les religions aujourd’hui de promouvoir une transformation personnelle et sociale pour amener un monde plus paisible. Finalement, il y a eu une prise de conscience qu’un dialogue vrai en profondeur peut renforcer une impulsion créative pour travailler ensemble, dans une authentique amitié interreligieuse, pour une unité plus grande entre tous les peuples et nations. L’espoir des participants est que cette réunion nous rendra capables de grandir dans la connaissance et l’expérience de nos traditions propres et celles des autres, ouvrant ainsi la possibilité d’autres rencontres à divers niveaux, locaux, nationaux et internationaux. ■ COLLOQUE DE BANGALORE L’autorité des textes bouddhistes et chrétiens (…) L’autorité des premiers textes sacrés bouddhiques a été décidée lors des six grands Conciles bouddhiques, réunis à différentes périodes par les disciples du Bouddha après qu’il ait rejoint le parinirvâna. (•)Le bouddhisme du Theravâda accepte seulement les enseignements du Bouddha qui ont été déclarés dignes de foi pendant ces Conciles. Ce canon ancien comprend les discours du Bouddha (sutta), les règles pour l’ordre monastique (vinaya), et les enseignements philosophiques développés (abhidhamma). (••) Tout en acceptant ce canon ancien, le bouddhisme de Mahâyâna accepte aussi et met l’accent sur d’autres textes sacrés, appelés sutras, qu’ils croient aussi avoir été enseignés par le Bouddha. À l’intérieur du Mahâyâna, une autre tradition, appelée Vajrayâna, s’est développée ; elle accepte les canons de Theravâda et de Mahâyâna et ajoute une nouvelle littérature appelée les tantras qui présentent les enseignements bouddhiques ésotériques. Les préceptes de vie, les enseignements du Bouddha et les commentaires dignes de foi des traditions particulières sont communs à ces traditions. Ces textes sacrés décrivent la voie qui conduit à la libération de la souffrance, ainsi que la nature et les qualités de cette condition suprême. Dans la tradition catholique du christianisme, c’est l’autorité magistrale de l’Église qui a reçu fidèlement les textes révélés et inspirés et qui a déterminé leur canonicité. (•••) Le canon de l’Écriture Sainte a été fixé au cours des siècles, par les premiers Conciles de l’Église. Cette Écriture Sainte comprend deux sections : l’Ancien Testament, écrit à l’intérieur de la tradition juive avant le Christ, et le Nouveau Testament, écrit par les apôtres et leurs disciples immédiats, en tant que témoins du Christ. Les chrétiens croient que dans l’Écriture Sainte Dieu se révèle et révèle son amour pleinement manifesté dans le Christ. Il nous parle, nous dit ce que nous devons croire, comment nous devrions vivre, et ce dont nous avons besoin pour être sauvés. (•) Au moment de sa « mort », un être éveillé, et donc déjà « nirvané », atteint le nirvâna « parfait » (parinirvâna). Il ne naît plus. (••) La troisième « corbeille » du canon bouddhique (voir encadré p. 14. (•••) À ce propos, voir « Bible et Tradition », QA n° 21 (septembreoctobre 2001) LES PRÉCEPTES BOUDDHISTES Les cinq premiers préceptes du bouddhisme invitent tout bouddhiste à : 1) s’abstenir de détruire la vie ; 2) s’abstenir de voler – ou plus précisément s’abstenir de prendre ce qui n’est pas donné ; 3) s’abstenir de fornication et de toute impureté ; 4) s’abstenir de mentir ; 5) s’abstenir de liqueur fermentée, d’alcool et de toute boisson forte. Ces préceptes fondamentaux, exprimés ici sous une forme négative, appellent également à protéger la vie, à se situer d’une manière juste devant les biens matériels, à utiliser la parole pour le bien d’autrui, etc. Leur contenu est très proche de celui du Décalogue (les trois premiers commandements mis à part). La règle de vie pour les bouddhistes qui deviennent moines ou moniales est beaucoup plus complexe et exigeante. Dans le règlement proposé par le Theravâda (le Pâtimokkha), par exemple, tous les manquements possibles et imaginables aux préceptes sont détaillés. Le règlement pour les hommes comprend plus de 200 articles, et celui des femmes plus de 300. Dans ce règlement, tout est destiné à éteindre peu à peu le feu des passions, feu alimenté par les actes interdits par les préceptes. Les règles du Pâtimokkha constituent la base d’une confession publique entre moines qui se fait à la pleine et à la nouvelle lune de chaque mois. Septembre-Octobre 2002 • 31 Dans le bouddhisme, l’étude des textes sacrés est considérée comme essentielle à la pratique, cependant l’étude n’est pas suffisante. (•) Un Père de l’Église est un écrivain ecclésiastique de l’antiquité chrétienne considéré par l’Église comme un témoin particulièrement autorisé de la foi. Un Docteur de l’Église n’appartient pas forcément à l’antiquité chrétienne. Il s’agit d’un titre accordé par la tradition ou par décision du Saint-Siège. Un Docteur est reconnu pour la sainteté de sa vie, pour son orthodoxie et pour l’importance de sa pensée. (Voir encadré p. 31 de « Bible et Tradition », QA n°21, septembreoctobre 2001.) La place de la tradition En plus de l’étude de la vérité (dharma) véhiculée par les textes sacrés, les bouddhistes cherchent à réaliser cette vérité ultime et transformante dans leur propre expérience d’éveil. Les écrits de certains des premiers moines et moniales qui ont atteint ce but, et qui sont considérés comme des patriarches, jouissent aussi d’une certaine autorité – mais toujours à un degré moindre que les premiers textes sacrés. Des maîtres éveillés sont aussi recherchés pour leurs conseils par ceux qui suivent la voie bouddhique. Du côté chrétien, la tradition de l’Église qui remonte aux apôtres est aussi considérée comme fondement de la foi, tout comme l’Écriture Sainte. L’Église accorde beaucoup de valeur aux enseignements des Pères et des Docteurs de l’Église (•) qui ont été des saints canonisés, reconnus pour leur doctrine éminente. D’autres saints et guides spirituels jouent aussi un rôle dans la transmission de la compréhension de la parole de Dieu pour la vie chrétienne. L’attitude envers les textes des autres religions Les bouddhistes sont respectueux des textes sacrés de toutes les religions. Bien qu’ils reconnaissent qu’il y ait des différences entre les enseignements des diverses traditions scripturaires, ils ne critiquent pas les opinions différentes des leurs. Ils encouragent leurs moines et leurs savants à étudier les autres écritures pour les comprendre. L’Église respecte les textes sacrés des autres religions et croit qu’ils contiennent un héritage impressionnant d’enseignements religieux qui ont guidé les vies de millions de personnes à travers les siècles. Ces textes sacrés, appartenant à d’autres religions, sont 32 • Questions actuelles perçus comme contenant des éléments de la vérité, dans lesquels les chrétiens sont invités à découvrir les semences du Verbe, don de Dieu accordé à tout le monde. Textes sacrés et pratique religieuse Dans le bouddhisme, l’étude des textes sacrés est considérée comme étant essentielle à la pratique et, par conséquent, à la réalisation de l’Éveil. Cependant, l’étude n’est pas suffisante; une pratique méditative silencieuse et un approfondissement de la sagesse qui vient de cette pratique sont également nécessaires. La pratique du silence est indispensable à une vie spirituelle qui permet la purification et, par là, l’augmentation de la conscience profonde, de la sagesse, de la compassion, de l’amour bienveillant et de la sympathie joyeuse. Tout cela se reflète en pensée, en parole et en action. Dans le bouddhisme, les textes sacrés sont aussi récités de manière répétitive, ce qui contribue au développement spirituel. Aujourd’hui, de nombreux mouvements bouddhistes laïcs enseignent les textes sacrés aux laïcs et les aident à mettre en pratique les enseignements du Bouddha dans leur vie quotidienne. Dans ce contexte, la pratique récitative devient un outil puissant pour aider les gens à se développer moralement et intérieurement. Dans le christianisme, la Parole de Dieu est utilisée dans la célébration communautaire, l’instruction et la formation personnelle. La Parole de Dieu est porteuse de la puissance de Dieu qui transforme l’existence humaine pour qu’elle soit en accord avec l’esprit et le cœur du Christ. La Parole de Dieu a un rôle central dans la liturgie de l’Église, particulièrement dans l’Eucharistie, et la liturgie des heures. Les chrétiens – spécialement les moines et les moniales – se soumettent humblement à l’action vivifiante de l’Esprit en lisant la Parole de Dieu dans la lectio divina : lecture sacrée de l’Écriture, réflexion méditative, réponse personnelle dans la prière, et – quand les mots s’arrêtent – l’expérience de la présence de Dieu dans la contemplation silencieuse. Dans l’Église d’aujourd’hui, il y a de nouveaux mouvements laïcs qui lisent et partagent la Parole de Dieu dans la prière et qui la mettent en pratique dans leur vie de tous les jours. Ici aussi on utilise le silence pour approfondir la conscience de Dieu et l’in- timité avec lui, dans le for intérieur de chacun. Et aussi, celui qui vit la Parole de Dieu avec d’autres est appelé à les aimer en faisant taire sa propre pensée et ses yeux, afin de vivre pleinement pour les autres. Deux voies de purification Le mélange de parole et de silence dans la pratique bouddhique de la moralité, de la méditation et de la sagesse contribue à un processus de purification. Ce processus conduit à la libération finale, que ce soit dans le nirvâna ou dans la bouddhéité, selon la tradition. On observe que dans les traditions bouddhiques, des aperçus de cette libération peuvent être expérimentés avant même sa pleine réalisation. Dans la vie chrétienne, parole et silence contribuent tous deux à une expérience plus approfondie du salut qui comprend la libération du mal, qu’il vienne de l’intérieur ou de l’extérieur, et aussi une transformation sociale. Pour les chrétiens, ce salut, offert à tous, est compris comme venant de Jésus-Christ, en qui la personne humaine est recréée et la société renouvelée, en tant que Royaume de Dieu. Cela donne un avant-goût du ciel. Silence et respect de l’ineffable La pratique du bouddhisme implique un silence intérieur qui conduit à la réalisation merveilleuse du nirvâna ou de la bouddhéité. Dans le Theravâda, ce silence – contrôle spirituel des pensées, des paroles et des actes – est la pratique bien définie qui aboutit à la réalisation du but final qui est la clarté de la sagesse. Dans le bouddhisme de Mahâyâna et de Vajrayâna, la réalisation spirituelle implique aussi le silence puisqu’il s’agit de l’expérience de la vacuité qui est ineffable. Pour les chrétiens, le salut commence dans ce monde à l’initiative de Dieu ; il est reçu par la foi, et s’accomplit seulement après la mort. Le baptême introduit le chrétien dans le mystère pascal du Christ, sa passion, sa mort et sa résurrection. La réalisation de ce don gratuit de Dieu reste un mystère. Plus on s’approche de Dieu, plus on est conscient de son ineffabilité. L’espérance chrétienne nous permet de prendre conscience de cette ineffabilité. Cette espérance est enracinée dans la foi en la Trinité – une réalité qui est toujours audelà de la compréhension humaine. Service aux autres et oubli du soi La libération bouddhique orientée vers le nirvâna aide à vivre la vie quotidienne sans attache ; elle est comme une fleur de lotus qui grandit dans l’eau boueuse, mais n’en est pas affectée. En vivant cette nouvelle liberté, la personne délivrée est caractérisée par le service et l’engagement qu’elle exerce pour son propre bénéfice et celui des autres. Dans le bouddhisme de Mahâyâna et de Vajrayâna, l’éveil spirituel dans le contexte de la voie de bodhisattva s’exprime par une vie consacrée au bénéfice de tous les êtres vivants. Cette libération trouve son achèvement et est articulée dans le bouddhisme par le Chemin octuple. (•) Selon la tradition chrétienne, la personne est purifiée et transformée par la Parole de Dieu, à travers la foi, nourrie par les Écritures saintes et les sacrements. Ainsi la gloire de Dieu, exprimée en Jésus-Christ, se reflète, par cette personne, en toute chose. Puisque Dieu est amour, ce reflet du Christ implique le don de soi dans un amour surabondant envers les autres. Dans la vie de tous les jours, cela signifie mourir à soi-même pour ressusciter avec le Christ dans une vie nouvelle d’altruisme et d’amour rédempteur. On voit cette vie altruiste dans l’exemple des saints, à travers l’histoire de l’Église. Pour les chrétiens, la charité est comme une graine semée dans le cœur humain par Dieu, où elle s’exprime dans l’indivisible amour de Dieu et du prochain. (…) ■ (•) Voir encadré p. 16. MESSAGES POUR LA FÊTE DE VESAKH Chaque année, à l’occasion de la fête de Vesakh, le président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux envoie un Message aux bouddhistes du monde entier. Cette fête, célébrée cette année le 19 mai, est la plus importante pour de nombreux bouddhistes qui commémorent ce jour-là les principaux événements de la vie du Bouddha : sa naissance, son expérience d’Éveil et sa libération définitive du samsâra. Le Message de cette année invite bouddhistes et chrétiens à collaborer pour promouvoir une culture de vie en se fondant sur le respect profond qu’ils ont pour toute vie humaine (la position du bouddhisme et de l’Église catholique sur l’expérimentation génétique, l’avortement, l’euthanasie et la guerre sont extrêmement proches). Ces messages sont publiés régulièrement dans la DC. Septembre-Octobre 2002 • 33