La dysfonction érectile entre maladie et symptôme... ou le

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La dysfonction érectile entre maladie et symptôme... ou le
Société francophone de médecine sexuelle
WAS Montréal 10/7/2005
La dysfonction érectile (DE) entre maladie et symptôme … ou le concept « DE
maladie-DE symptôme ».
Pierre. BONDIL
urologue-andrologue CHG Chambéry 73000
La dysfonction érectile (DE) est définie comme « l’incapacité persistante ou récurrente d’obtenir et /
ou de maintenir une érection suffisante pour une activité sexuelle » (7). Stricto sensu, elle est un
symptôme (du grec sumptôma : coïncidence), c’est à dire un trouble subjectif révélateur d'un trouble
fonctionnel ou d’une lésion (2). Si la DE est certes, un symptôme de la santé sexuelle, la multiplication
d’enquêtes épidémiologiques à partir des années 1990 (1,5,7,8) a prouvé qu’elle est aussi (et parfois
surtout) un symptôme de la santé non sexuelle. Ainsi, l'identification épidémiologique des multiples
facteurs étiologiques et de risque de la DE a facilité sa compréhension mais aussi profondément
modifié son approche tant à l’échelon individuel que collectif (2,3). La médecine factuelle a prouvé que
la DE est un baromètre pertinent de :
a) la santé globale qui inclue la santé sexuelle, physique et psychique selon la définition de
l’OMS (6). Cette valeur de marqueur clinique d’un état de « non santé » est à la base du
concept « DE symptôme » (1,2) selon lequel la DE est potentiellement un révélateur d’état(s)
de « non santé » ou un marqueur de complication(s) de maladies chroniques (aussi fréquentes
que le diabète, l’athérosclérose et les maladies cardiovasculaires, les troubles de l’humeur…)
ou de situations à risque pour la santé (aussi fréquentes que les addictions, la fatigue
chronique, la mauvaise hygiène de vie, le stress…) (1,2,4,5,7,8) .
b) la qualité de vie, à la base du concept « DE maladie » (1,2) (du latin male habitus : mal-être)
lorsqu’il existe une souffrance, une plainte ou une demande du patient (ou du couple), reflets
des difficultés à vivre sa sexualité au quotidien. Mais, cet impact négatif n’est pas constant
(Figure) en raison de l’aspect facultatif de la sexualité et de la diversité du vécu de la sexualité
et de ses troubles chez nombre d'hommes et de femmes (pour des raisons personnelles et / ou
socioculturelles) (1,4,8).
Cette distinction DE « symptôme » ou « maladie » n’est pas que conceptuelle, elle est aussi pratique
car les objectifs de prise en charge sont très différents. La DE « maladie » concerne d’abord la qualité
de vie tandis que la DE « symptôme » concerne avant tout la santé (2,3). Mais, dans tous les cas, la
survenue d’une DE n’est jamais fortuite ou anodine car elle est toujours un symptôme d’un état de
« non santé ». Pour cette raison, le retentissement souvent important, quel que soit l’âge, de la DE sur
la vie quotidienne de l’homme et de la partenaire ne doit plus occulter sa valeur de symptôme pour la
santé non sexuelle non seulement chez les soignants mais aussi dans la population. Ce concept « DE
maladie-DE symptôme » permet ainsi de mieux différencier la « non santé », la qualité de vie, la
sexualité et les troubles sexuels, source de confusion encore trop fréquente (3,4). Il permet également
de ne pas faire un bilan systématique à tout sujet ayant une DE mais une évaluation ciblée (2,8) qui
hiérarchise les priorités en fonction des données cliniques essentielles puisque le diagnostic de la DE
et la distinction « DE maladie ou symptôme » reposent sur le seul interrogatoire. Que la DE soit
« maladie » ou non pour le sujet, le concept DE « symptôme » souligne tout l’intérêt de réaliser un
bilan de santé globale (même si la DE n’est pas un problème pour le patient) susceptible de révéler
des pathologies méconnues ou des situations à risque, tout particulièrement cardiovasculaires
(1,2,4,5,6,7)
(avec à partir de 35 ans, le concept de l’ « angine de verge » (3) authentique marqueur
clinique et de risque cardiovasculaires).
En conclusion, la DE peut être un symptôme et une maladie. Si elle est toujours un symptôme (parfois
révélateur) d’un état de « non-santé » (sexuelle, psychique et / ou physique), elle n’est pas
obligatoirement maladie car la DE n’altère pas toujours la qualité de vie. Cette distinction entre qualité
de vie (enjeu de la « DE maladie ») et santé globale (enjeu de la « DE symptôme ») permet de
hiérarchiser les priorités en fonction de l’étape clinique primordiale. Ainsi, de façon totalement
inattendue, la DE offre la possibilité d’une approche plus globale de la santé tant à l’échelon individuel
(via un bilan de santé chez tout sujet consultant pour DE) que collectif (via le dépistage opportuniste
de morbidités notamment cardiovasculaires et la perspective d’un dépistage ciblé de la DE dans
certaines populations à risque).
1) BONDIL P : La dysfonction érectile; Ed. John Libbey Eurotext, Paris, 2003.
2) BONDIL P: Quelles investigations, le non-spécialiste doit-il demander devant un patient consultant pour un
dysfonctionnement érectile ? Andrologie, 2004, 14 : 291-306.
3) BONDIL P, DELMAS V : L’ « angine de verge » ou la révolution actuelle de la dysfonction érectile. In press : Prog
Urol 2005.
4) BUVAT J, RATAJCZYK J, LEMAIRE A : Les problèmes d'érection : une souffrance encore trop souvent cachée.
Andrologie 2002; 12 : 73-83.
5) CHEITLIN MD : Erectile dysfunction : the earliest sign of generalized vascular disease ? J Am Coll Cardiol 2004;
43 : 185-6.
6) GIAMI A: Sexual health : The emergence, development and diversity of a concept. Annual Review of Sex Research.
2002, 13 : 1-35.
7) LEWIS W, FUGL-MEYER KS, BOSCH R, FUGL-MEYER A, LAUMANN EO, LIZZA E, MARTIN-MORALES
A: Definitions, classification and epidemiology of sexual dysfunction. In Sexual medicine : sexual dysfunctions in men
and women. Ed. TF LUE, BASSON R, R. ROSEN, F GIULIANO, KHOURY S, MONTORSI F. Health Publications
Paris, 2004 : 37-72.
8) LUE TF, GIULIANO F, MONTORSI F, ROSEN RC, ANDERSSON KE, ALTHOF S et al. Summary of the
Recommendations on Sexual dysfunctions in men. J Sexual Med 2004; 1: 6-23.
DE maladie : altération de la qualité de vie
une réalité (80% d’une population ciblée de médecine générale)
(% de réponses)
100
DE « maladie »
79,5 %
80
50,1
60
DE « symptôme »
40
29,4
19,1
20
Q : « Ce trouble est-il
0
pour vous ?... »
Peu gênant
Assez gênant
Très gênant
1845 MG, 7698 patients (âge moyen 59 +-9 ans) vivant en couple > 6 mois : 87,4%, HTA : 51,5%,
diabète : 32,2%, HTA+Diabète 16,3%
Leriche, Jaudinot et al. Congrès AFU 2000