Concerto pour piano et trompette n°1

Transcription

Concerto pour piano et trompette n°1
Dimitri Chostakovitch
(1906-1975)
Concerto n°1 pour piano, trompette et orchestre à cordes en ut mineur op.35
Chostakovitch ne marqua jamais un intérêt excessif pour la forme concertante, se contentant
à chaque fois et parfois grâce à de prestigieux solistes – on songe ici à David Oïstrakh et
Mstislav Rostropovitch - de ne composer que deux partitions dans chaque genre : deux
concertos pour pianos, deux autres pour le violon et enfin deux opus pour le violoncelle.
Achevé en juillet 1933 et créé la même année à Leningrad, avec le compositeur au piano, le
Premier Concerto pour piano et trompette réunit autour de l’orchestre, uniquement composé
des cordes, deux solistes qui auront peu l’occasion de dialoguer ensemble ! Il ne s’agit donc
pas d’un “double concerto”, dans la pure forme romantique, car la trompette n’a qu’un rôle
(certes périlleux), celui d’accompagnateur, de commentateur de l’action entre le piano et les
cordes.
La facture du concerto demeure classique. Il se compose de quatre mouvements enchaînés.
L’esthétique des années 20-30 a favorisé, dans tous les pays, la résurgence d’écritures
adaptées à de petits ensembles et se revendiquant du classicisme.
Après sa géniale Première Symphonie (1925), le compositeur avait abandonné une écriture
anguleuse et moderniste. Par ailleurs, le Concerto répondait à l’envie du jeune Chostakovitch,
de poursuivre sa carrière de pianiste. Il avait, en effet, remporté un Prix au premier Concours
Chopin de Varsovie de 1927.
Le Concerto en ut mineur s’ouvre sur les frottements rythmiques et harmoniques provocants de
son Allegretto. Il s’agit de surprendre l’auditoire avec humour, un peu à la manière de Haydn.
Le musicien maîtrise à la perfection l’art du persiflage et de la dissimulation. On croit ainsi
reconnaître des réminiscences de thèmes de Mozart et de Beethoven, de Rhapsodies
Hongroises de Liszt. Quant à la trompette, elle s’inspire des couleurs du jazz et des sonneries
militaires, dont les Septième et Onzième Symphonies de Chostakovitch sauront se souvenir.
Les deux mouvements centraux, Lento, puis Moderato peuvent se comprendre comme un
hommage aux concertos russes passés. Le second mouvement compile ainsi les autocitations,
reprenant par exemple un thème de valse lente du ballet L'Âge d’Or, composé trois ans plus
tôt. Chostakovitch lui donne un caractère parodique, inspiré par le jazz. La trompette est
absente du Moderato, qui est enchaîné avec le finale. Celui-ci utilise un thème des pièces
d’orchestre de l’opéra, Christophe Colomb de 1929 et il emprunte aussi au Rondo a
capriccio “du Sou perdu” de Beethoven.
Le mélange des genres, si russe dans l’esprit, est d’autant plus explosif dans cette œuvre,
qu’elle se veut à l’image de la modernité et d’un “réalisme socialiste” pour lequel bon nombre
d’intellectuels et d’artistes russes adhéraient encore. Il faudra attendre l’année suivante
(1934) pour que Chostakovitch soit mis au ban de la vie musicale soviétique à cause de la
parution d'une critique anonyme et assassine, faisant suite à la création de son opéra Lady
Macbeth de Mzensk !
Stéphane Friédérich
A LIRE
Bertrand Dermoncourt, Dimitri Chostakovitch (éditions Classica / Actes Sud, 2013)