Mathématiques et culture : l`exemple du Maghrébin Ibn al
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Mathématiques et culture : l`exemple du Maghrébin Ibn al
Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn (m. 1204) Mahdi Abdeljaouad1 Contemporain des philosophes Ibn Tufayl (m. 1185) et Ibn Rushd (m. 1198) et du mathématicien andalous al-aār qui vivaient au Maghreb extrême et en Andalousie, le Berbère Ibn al-Yāsamīn a été d’abord connu comme mathématicien arabe. Sa renommée a traversé les siècles et son poème didactique al-Urjûza fi’l-jabr wa’l-muqābala a continué à être enseigné jusqu’au milieu du 19e siècle. Dans cette communication, nous présenterons ce mathématicien iconoclaste et l’homme de culture, bien ancré dans son siècle mais qui a terminé sa vie dans des circonstances dramatiques. Plan de l’exposé : 1. L’évolution des recherches concernant Ibn al-Yāsamīn 2. Eléments biographiques concernant Ibn al-Yāsamīn 3. L’épopée almohade : une apogée culturelle, artistique et scientifique 4. L’œuvre mathématique d’Ibn al-Yāsamīn, entre classicisme et innovation 4.1 Les poèmes didactiques 4.2 Le manuel en prose d’Ibn al-Yāsamīn : Talqīh al-afkār fi-l-camal bi rushûm al-ghubār 4.3 Quelques aspects remarquables de ce manuel - L’introduction des chiffres indiens et le rôle de la planche à poussière - L’écriture des fractions - La résolution des équations quadratiques non unitaires 5. Conclusion Annexe : L’argumentaire (en arabe) d’Ibn al-Yāsamīn sur l’écriture des fractions. 1 Professeur retraité de l'Institut Supérieur de l'Education et de la Formation Continue, Université de Tunis. 7045 Raf Raf Plage, Tunisie. Email : [email protected] 1 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn 1. L’évolution des recherches concernant Ibn al-Yāsamīn La notoriété dont a bénéficié Ibn al-Yāsamīn est due essentiellement à l’extraordinaire diffusion qu’a connu son poème didactique al-Urjûza fi’l-jabr wa’l-muqābala, enseigné et commenté jusqu’au 19e siècle. Les premières notices biographiques, connues aujourd’hui le concernant, ont étés écrites par deux historiens andalous morts à Tunis moins d’un siècle après sa disparition : Muhammad Ibn al-Abbār2 (m. 1260) et Ibn al-Ṣacīd al-‘Andaluṣī3 (m. 1280). Sa trace apparaît dans un ouvrage d’Ibn Abī Zarc al-Fāṣṣī4 (1326 ?), puis on trouve quelques informations sur lui chez Hājjī Khalifa5 (m. 1657). A la fin du 19e siècle, des copies du manuscrit d’al-Urjûza fi’l-jabr wa’l-muqābala sont décrites par les Orientalistes européens et Ibn al-Yāsamīn commence, alors, à figurer dans les biobibliographies modernes. Par exemple, Suter, s’inspirant d’ibn al-Abbār, lui consacre, en 1900, une courte notice biographique6. Bien plus tard, Carl Brockelmann l’inclut par deux fois dans Geschichte der arabishen Litteratur et cite en particulier une copie du manuscrit Talqīh al-afkār fi ‘l-cilm bi rushûm al-ghubār se trouvant à la bibliothèque d’Alexandrie7. Dès 1936, dans un ouvrage consacré à l’histoire culturelle et sociologique du Maroc musulman, Abdallah Gannūn présente une courte notice sur Ibn al-Yāsamīn8 qui est reprise par Mohammed al-Mannouni dans son histoire des sciences, des lettres et des arts au temps des Almohades9 et enrichie par Tuqân dans son ouvrage sur l’histoire des mathématiques et de l’astronomie arabes10. En éditant, en 1983, le commentaire d’al-Māridīnī11 (m. 1501) sur al-Urjûza fi’l-jabr wa’lmuqābala, Mohamed Souissi consacre à la biographie d’ibn al-Yāsamīn une place importante (8 pages) et il insiste sur ses dons poétiques à partir des écrits d’Ibn Sacid al-‘Andalusī. Mohamed Souissi commence ainsi le cycle des éditions modernes concernant les commentateurs d’Ibn al-Yāsamīn. (923 . – ص2 )جزء، محمد ابن األبار2 (49-42 . )ص، ابن سعيد3 .6 أنظر المالحظة عدد. حسب عبد ﷲ كنذون4 63-62. – ص1 جزء،" "كشف الظنون، حاجي خليفة5 6 7 Suter H., Die Mathematiker ... , n°320, p.130 Brockelmann, GAL Supplément I, édition 1937 (page 858) ; GAL I, édition 1943 (page 621) ّ عبد ﷲ8 (86 . ) ص1936 : الطبعة األولى،1 جزء،"... "النبوغ، كنون .(105-103 . )ص، محمد المنوني9 (377. ) ص، قدري حافظ طوقان10 .1983 ، الكويت، تحقيق محمد سويسي،" "اللمعة الماريدينية في شرح الياسمينية، محمد سبط المارديني11 2 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques Signalons que le titre du manuel d’algèbre en prose d’ibn al-Yāsamīn : Talqīh al-afkār fi ‘lc ilm bi rushûm al-ghubār ne figure ni dans les premiers écrits de Gannūn, ni chez al- Mannouni, ni chez Tuqân. Souissi ne le signale pas alors que déjà, en 1950, Abdallah Gannūn avait attiré l’attention des chercheurs arabes sur la copie de ce manuscrit se trouvant à la bibliothèque de Rabat dans la collection al-Kattaniya ; il en avait d’ailleurs présenté une analyse détaillée dans un petit fascicule de la collection « Dhikrayāt mashāhīr al-Maghrīb » publié à Beyrouth sous le titre « Ibn al- Yāsamīn ». Cette biographie et l’analyse détaillée de Talqīh al-afkār fi ‘l-cilm bi rushûm al-ghubār est publiée en 1964 dans une revue12. Dès 1984/5, Djebbar lance un travail d’équipe avec ses étudiants de l’Ecole normale supérieure d’Alger-Kouba. Il les encadre pour rechercher, étudier, analyser et même éditer des ouvrages mathématiques maghrébins inconnus ou encore peu connus, proposant à certains de travailler sur des commentateurs du poème d’Ibn al-Yāsamīn. En 1986, Touhami Zemmouli13 édite le commentaire d’al-Qalasādī tandis que Youcef Guergour14 édite celui d’Ibn Qunfudh. Editant tous les poèmes mathématiques d’ibn al-Yāsamīn, en 1988, Galal S.A. Shawki consacre à l’auteur une courte biographie signalant, à son tour, le même manuscrit de la bibliothèque d’Alexandrie Talqīh al-afkār15. En 1990, dans sa thèse de doctorat, Ahmed Djebbar écrit : « Connaissant le lien étroit entre le Maghreb et l’Andalus et, au vu de quelques survivances algébriques importantes dans les écrits maghrébins, je suis porté à croire, aujourd’hui, à l’existence d’une tradition algébrique plus riche que ne le laissent entrevoir les ouvrages tardifs. L’absence de documents ne suffit pas à infirmer cette hypothèse. Elle permet tout au plus d’admettre que les apports nouveaux de cette discipline n’ont pas suffisamment circulé … » (page 19). A partir de deux copies, celle d’Alexandrie et une seconde trouvée à Rabat, Zemmouli édite en 1993 Talqīh al-afkār fi l-cilm bi rushûm al-ghubār que Djebbar considère comme l’œuvre d’ibn al-Yāsamīn la plus consistante16. Djebbar en profite pour attirer l’attention des chercheurs sur l’importance de l’activité mathématique à Marrakech17 au temps des Almohades (12e et 13e siècles). ّ عبد ﷲ12 (190-181. ) ص،1964 ، بغداد، مجلة البحث العلمي،" "تلقيح األفكار في العمل برشوم الغبار،كنون المدرسة العليا لألساتذة، أطروحة ماجستار،" "دراسة عن القلصادي وتحقيق كتابه تحفة الناشئين على أرجوزة ابن الياسمين، تھامي زمولي13 .1986 ،الجزائر ، المدرسة العليا لألساتذة الجزائر، أطروحة ماجستار،" "لمحة عن ابن قنفذ وتحقيق سرحه ألرجوزة ابن الياسمين الجبرية، يوسف قرقور14 .1986 .(28-21 . )ص، جالل شوقي15 ، باريس.15 رقم، مجلة جديد العلم والتكنولوجيا،" "األنشطة الرياضية العربية في مراكش في القرنين الثاني عشر والثالث عشر، أحمد جبار16 .(25-13 . )ص،1990 في وقائع أعمال،"ض العناصر حول النشاطات الرياضية في المغرب الكبير ما بين القرنين التاسع والتاسع عشر الميالديينjjjjjj " بع، أحمد جبار17 .(38-1. )ص,1993 ، غردايا،الملتقى الوطني األول حول تاريخ الرياضيات العربية 3 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn Driss Lamrabet publie en 1994 une biobibliographie des mathématiciens maghrébins dans laquelle il consacre une place importante à Ibn al-Yāsamīn (n° 347 ; pp. 66-71 et pp.224-225). Après une très courte biographie, Lamrabet propose le sommaire détaillé de la copie de Talqīh al-afkār fi l-cilm bi rushūm al-ghubār qui se trouve à Rabat sous le code : BG K 222, puis il analyse et traduit en français quelques thèmes qu’il juge originaux. En 2000, Ahmed Djebbar me suggère d’éditer le manuscrit de Djerba, dont l’auteur est le mathématicien égyptien Ibn al-Hā’im (m. 1412). Ce manuscrit : Sharh al-urjūza al-yāsminīya fi al-jabr wal muqābala est l’un des plus importants commentaires mathématiques du poème didactique d’ibn al-Yāsamīn sur l’algèbre. Partant de ce poème, Ibn al-Hā’im construit un manuel utilisant les savoirs algébriques développés aussi bien en Orient, en particulier par alKaraji (m. 1029), qu’en Occident, en particulier par Ibn al-Bannā (m. 1321). 2. L’épopée almohade : une apogée culturelle, artistique et scientifique Ibn al-Yāsamīn a vécu pendant une époque considérée par les historiens comme la plus brillante du Maghreb en général et du Maghreb extrême en particulier. Après le temps des conquêtes du pouvoir (1146-1170), les Almohades unifient toute l’Afrique du Nord, la Tripolitaine incluse, et l’Andalousie. Mais, à partir de 1212, les révoltes intérieures et les attaques extérieures à l’empire l’affaiblissent et entraînent son agonie et sa chute en 1269. A partir de l’héritage légué par leurs prédécesseurs (zirides, andalous et almoravides), les quatre premiers califes almohades créent, un état puissant qu’ils consolident. 4 Période Califes 1146-1163 Abd al-Ma’mūn 1163-1184 Abû Yacqūb Yūsuf 1184-1199 Abû Yūsuf Yacqūb al-Mansūr 1199-1213 Muhammad Nāsir al- Evènements marquants Prise de Marrakech (1146) Prise de Séville (1147) Conquête de Jerba et Tripoli (1160) L’empire almohade s’étend de l’Andalousie à la Tripolitaine. Lutte permanente contre les dissidences intérieures et les attaques chrétiennes Désastre de las Navas de Tolosa (1212). Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques Mohammed Gannûn18 décrit l’époque almohade avec un lyrisme sans retenue : les premiers califes almohades encourageaient les hommes de lettres, les poètes, les philosophes et les scientifiques ; ils leur offraient des cadeaux somptueux, des logements dignes d’eux, aimaient partager leurs conversations et débattre avec eux de sujets graves et importants. Il ajoute : «On peut affirmer que les Almohades ont constitué l’Etat islamique le plus ressemblant à l’Etat abbaside en ce qui concerne le développement des sciences et l’encouragement des scientifiques19». Seul un aspect des initiatives du pouvoir almohade le gène, l’attriste et même le choque : il s’agit de leur volonté d’accorder une place importante à la culture berbérophone et à l’encourager : ce qui se traduit en particulier par le remplacement dans les mosquées des prédicateurs arabophones unilingues par des prédicateurs bilingues pouvant prêcher en arabe et en berbère20. Mohammed Mannouni21 confirme le dynamisme de la dynastie almohade lorsqu’il décrit les efforts de ses premiers califes pour créer des écoles, instaurer l’éducation obligatoire et gratuite des enfants, garçons et filles, hommes libres et esclaves22. Par ailleurs, cet extraordinaire dynamisme des activités culturelles, artistiques et scientifiques à l’époque almohade est signalé par tous les archéologues et les historiens modernes ; il se traduit par des travaux de rénovation et d’aménagement des principales villes almohades et leur transformation en centres de rayonnement : la capitale de l’empire, Marrakech23, Fès et Ceuta (Sebta), Séville (Ishbīliya) en Andalousie, Bougie (Bejāiya)24 et Tunis (Ifrīqiya)25. 18 Opuscule cité dans la note 8. ّ ّ ”. بالعباسيين في األخذ ببعض ھذه العلوم وتنشيط رجالھا أشبه الدول اإلسالمية، والحق يقال، الموحدون “ كان19 ونقل الشعب المغربي من حضيض، "على أن الغريب في أمر دولة الموحدين التي رأينا ما بذلته من جھود في خدمة الثقافة اإلسالمية العربية20 فلقد بلغ من، حتى بعد استقامة أمرھا ونجاح مطلبھا، وعدم نسيانھا لھا، ھو اعتناؤھا الزائد باللغة البربرية،الجھل والجمود إلى أوج المدنية والعرفان وخطيب القرويين نفسه من الذين، بل عزلت الخطباء، وتكريمھا ألھلھا أن حضرت الوظائف الدينية على من ال يحسن التعبير بھا، محافظتھا عليھا ّ ثم،ليسوا بربر أو ليسوا ممن يتكلمون البربرية ّ والحق ّ ّ وفي،تصرف غريب أن ھذا . وينتق اللغتين معا،ولت مكانھم من يضطلع بالمھمة المزدوجة ّ ال نعرف سبيال إلى التوفيق بينه وبين ما، يجعلنا نقف أمامه حائرين مشدوھين،منتھى الغرابة قدمناه من سھر الدولة على تعميم نشر العلم والثقافة ّ ".العربية (114. النبوغ المغربي )ص،كنون 21 Opuscule cité dans la note 8. وجمعوا المجامع العلمية، وعقدوا المناظرات واالمتحانات، واقترحوا تدوين الكتب، وجلبوا كبار العلماء، وعمروا المعاھد، " فأسسوا المدارس22 وإنھم لرغبتھم في نشر العلم، ووضعوا مناھج التعليم، وابتكروا التعليم المجاني، وسبقوا إلى التعليم اإلجباري، وأسسوا خزائن الكتب،المتنوعة (16 . ص،" )المنوني,علموا حتى باللسان البربري (27 . ص،" )المنوني... – األحرار والعبيد،" فجعل عبد المؤمن التعليم اإلجباري حتما الزما على كل مكلف – الرجال والنساء 23 Ahmed Djebbar, Les mathématiques dans le Maghreb impérial du 12e et 13e siècles, in Actes du 7e colloque maghrébin sur l’histoire des mathématiques arabes, Marrakech : Ecole normale supérieure, 2005. (pp. 97-132) 24 Ahmed Djebbar, Les activité mathématique dans les villes du Maghreb central (11e-19e siècles), in Actes du 3e colloque maghrébin sur l’histoire des mathématiques arabes, Alger : Ecole normale supérieure, 1998. (pp. 73113) 5 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn Les Califes almohades entament un vaste programme d’édification de mosquées, palais, phares, remparts, écoles et même la construction d’une ville nouvelle Ribāt al-fath (Rabat). On leur doit aussi la grande mosquée al-Kutubiyya de Marrakech (édifiée vers 1150), un nouveau quartier dans cette ville, la Qasba, un Māristāna (l’hôpital), les jardins al-Masarra et as-Sāliha et un lac à al-Jadīda ; ainsi que la Grande mosquée de Séville. Sans oublier les nombreux palais, mosquées et madrasas dans toutes les villes de l’empire. Le dynamisme des Almohades ne peut pas seulement s’expliquer par l’héritage des prédécesseurs, car comme nous le dit Ahmed Djebbar : « On serait tenté d’expliquer <ce> dynamisme par la seule proximité des foyers intellectuels andalous encore très productifs. A mon avis, ce jugement serait excessif et injuste. Au contraire, sans nier l’apport d’al-Andalus tout proche, il me semble, au vu des documents existants que, dans ce domaine, des comportements nouveaux se sont affirmés et ont eu des incidences heureuses, à la fois sur la production littéraire et philosophique, mais également sur la production scientifique (médecine, chimie, mathématique). On peut même dire qu’il y eut une sorte de politique culturelle, comme celles qu’avaient initiées puis financées l’abasside al-Ma’mūn au début du 9e siècle à Bagdad, l’omayyade al-Hakam II au 10e siècle à Cordoue et l’aghlabite Ibrāhim II à la fin du 11e à Rakkāda26. » Pierre Guichard ajoute : « Les programmes almohades ont une toute autre originalité, et surtout une ampleur et une cohérence bien supérieures <à leurs prédécesseurs>. … Les monuments religieux almohades sont remarquables par la synthèse qu’ils révèlent entre les tendances exubérantes de l’art arabe andalous et une géométrie plus épurée où il est tentant de voir un héritage berbère. » (page 182) La capitale de l’empire almohade, Marrakech, ainsi que la capitale de sa province andalouse, Séville, attirent et accueillent les meilleurs hommes de culture qu’ils soient arabes ou berbères, maghrébins ou andalous. Outre les poètes et auteurs de muwashahāt, les grammairiens et les historiens, on trouve par exemple : - Le philosophe extrêmement créatif Ibn Tufayl (1110-1185) qui non seulement fut médecin, secrétaire et ministre du second calife almohade (Yūsuf) mais aussi l’auteur du roman philosophique « Hayy ben yaqdhān » 25 Ahmed Djebbar, Quelques éléments nouveaux sur l’activité mathématique arabe dans le Maghreb oriental du (11e-16e siècles), in Actes du 2e colloque maghrébin sur l’histoire des mathématiques arabes, Tunis : ATSM, 1990. (pp. 53-73) 26 Ahmed Djebbar, Mémoire d’habilitation, volume 1, page 145. 6 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques - Le philosophe iconoclaste Abū Walīd Ibn Rushd (1126-1198) qui discute l’œuvre d’Aristote et connaîtra un prestige immense plus tard en Europe sous le nom d’Avicenne. Il devient le médecin personnel de Yacqūb al-Mansûr en 1185 mais des pressions très fortes des orthodoxes malékites amènent son discrédit et son exil en Andalousie. Gracié en 1198, il revient mourir à Marrakech. A partir des critiques du modèle ptoléméen par l’Egyptien Ibn al-Haytham (m. 1041) et reprenant les travaux d’Ibn Bājja (m. 1138), les philosophes mathématiciens Ibn Tufayl, Ibn Rushd et al-Bitrūji (m.1185) ont « tenté d’élaborer une cosmologie nouvelle qui devait être plus compatible avec le monde physique27.» - Les médecins : Abū Marwān Ibn Zuhr al-‘Iyādi al-Ishbīlī (m. 1161), Abû Marwān Abd alMalik Ibn Qāsim al-Qurtubī (m. 1179), Abû Bakr M. al-Hafîd Ibn al-Tayyib (m. 1198) et Abū Bakr Ibn Zuhr (m. 1199) ainsi que son fils Muhammad (m. 1205). Plusieurs femmes médecins sont aussi signalées, en particulier celles faisant partie de la famille d’Ibn Zuhr. - Le calligraphe Ibn cAtiyyā al-Qadhācī (m. 1208) et le relieur Ibn Saqr (m. 1193). - Le bâtisseur : Abū al-Haan Ibn Ali Fah (m. 1208). En mathématiques, quelques ouvrages écrits pendant la période almohade nous sont parvenus comme ceux d’al-Qurashī28 (né à Séville et mort en 1184 à Bougie), d’al-aār29 (a vécu à Sebta vers 1175), d’Ibn al-Yāsamīn (né à Fès et mort à Marrakech en 1204) et d’Ibn Muncim30 (m. 1228). Les historiens précisent que l’enseignement de l’arithmétique et de la géométrie pratique a pris une importance particulière dans les cursus officiels : Deux auteurs de manuels sont explicitement cités par Mannouni : le mathématicien andalous installé à Fès depuis 1191, Abû al-Hasan Ibn Farhūn al-Qīsī (m. 1204), auteur de Lubb al-lūbāb fi masā’il al-hisāb et Ibn al-Yāsamīn auteur de al-Urjūza fi al-jabr wa-l-muqābala. Des enseignants andalous de mathématiques sont signalés par d’autres biographes : Abû alQāsim Ibn Sacdah al-Ūssī (v. 1160); Abd al-Muncim Ibn M. al-Marrākushī (v. 1201) (Mannouni, page 30). Abu-l-Walīd al-Ghāfiqī (m. 1192 à Grenade), Muhammad Ibn Umayyā 27 Ibid., p. 49. ," "كتاب الكامل في الجبر، ابن منعم28 .114-110 . ص: أنظر إلى مقالة أحمد جبار." و"الكتاب الكامل في صناعة العدد،" " كتاب البيان والتذكار، أبو بكر الحصار29 « Les mathématiques dans le Maghreb impérial du 12e et 13e siècles », Actes du 7e colloque maghrébin sur l’histoire des mathématiques arabes, Marrakech : ENS, 2005. (pp. 97-132) .121-118 . ص: نفس المرجع30 7 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn (m. 1195 à Baesa), al-Hasan al-Umawī (m. 1206 à Séville), Abd Allah al-Qudācī (m. 1210 à Fès), Muhammad al-Shantiyālī (m. 1213 à Cordoue), Muhammad Ibn Yarbū (m. 1213), Muhammad al-Salamī (m. 1215) et Muhammad al-Fahrī (m. 1221). 3. Eléments biographiques concernant Ibn al-Yāsamīn Comme nous l’avons dit plus haut, on connaît très peu la vie d’Ibn al-Yāsamīn car, rares sont les bio-bibliographes arabes qui en ont parlé. Ibn al-Yāsamīn, Abū M. cAbd Allah b. M. b. Hajjāj al-Adrīnī est d’origine berbère, appartenant à la tribu des Banū Hajjāj, installée à Qalcat Fandalawa. Né à Fès au cours du 12e siècle, il semble avoir poursuivi des études de haut niveau à Séville (en Andalousie) ; il cite occasionnellement le nom d’un de ses professeurs de mathématiques (Abū Abd Allah b. Qāssim). Versé dans différents savoirs, il fut surtout reconnu par ses contemporains d’abord comme juriste et documentaliste, puis comme poète et spécialiste de littérature31. Abdallah Gannūn insiste sur ses qualités de mathématicien (logique, géométrie, astronomie et astrologie et plus particulièrement l’arithmétique et le calcul) tout en étant un poète accompli et l’auteur de célèbres Mouachahāt vivement appréciées32. Le biographe Ibn al-Abbār précise que vers 1190-91 Ibn al-Yāsamīn s’est fait réciter son poème didactique sur l’algèbre et a luimême récité cette Urjūza fi’l-jabr wa’l-muqābala qu’il a enseigné et commenté quelque temps avant de rejoindre Marrakech, la capitale de l’empire almohade. Deux autres poèmes didactiques lui sont attribués ; l’un sur les racines (al-Urjûza fi’l-judhūr) et l’autre sur la double fausse position (al-Urjūza fi’l-kaffāt)33. Cependant, c’est en tant qu’homme de culture, documentaliste spécialisé, écrivain et poète qu’Ibn Sacid s’intéresse à lui et lui consacre une importante place parmi les 24 poètes du septième siècle de l’Hégire dont il écrit la biographie. Il y indique qu’Ibn al-Yāsamīn était proche de deux califes almohades34 : Yacqūb al-Mansūr (1184-1199) et Muhammad al-Nācir (1199-1213) et plus particulièrement apprécié à la cour du 3e calife Yacqūb al-Mansûr qu’il accompagne dans ses voyages. Ibn al-Yāsamīn polémiquait souvent avec ses compagnons, ّ بالنظم ّ ثم اشتغل، حتى صار من أعالم العارفين بالتوثيق، وكان أول تعلقه بالفقه والتوثيق. "تخرج باشبيلية في فنون العلم31 ،والنثر وفنون اآلداب ُ فصار من أعلم ّ (42 . )ص، ابن سعيد،"والكتاب األدباء وال ينازع في، فكان ال يدرك شأوه فيھما. وخاصة الحساب والعدد، "رياضي برع في عدد العلوم كالمنطق والھندسة والتنجيم والھيئة32 ّ عبد ﷲ." وله أيضا القدم الراسخ في علوم األدب والباع الطويل في نظم الشعر.االختصاص بمعرفة دقائقھما وغوامض مسائلھما . )ص،كنون (157 33 Tous ces poèmes ont aussi été édités par Zammouli dans sa thèse de magistère. (47. )ص، ابن سعيد34 8 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques par exemple au sujet de la couleur de sa peau qui était noire35 comme celle de sa mère36. Il est aussi connu pour ses mœurs particulières. D’après Ibn Sacid, il ne s’en cachait pas et en plaisantait volontiers37. C’est pourquoi, les biographes lui imputent sa mort tragique : égorgé sur le seuil de son domicile à Marrakech en 1204. 4. L’œuvre mathématique d’Ibn al-Yāsamīn, entre classicisme et innovation A lire cette courte biographie, l’on est surpris par la cohabitation de différents genres chez notre auteur. En fait, peu de traces nous sont parvenues de son activité littéraire et poétique, à part celles signalées par Ibn al-Abbār. Par contre, nous sommes mieux renseignés sur quatre de ses écrits mathématiques, dont un poème didactique sur l’algèbre qui l’a rendu célèbre et un ouvrage en prose qui fut moins bien connu. 4.1 Les poèmes didactiques d’ibn al-Yāsamīn Comme nous l’avons remarqué plus haut, la renommée d’Ibn al-Yāsamīn vient de la diffusion extraordinaire de son poème didactique sur l’algèbre, al-Urzûza fi-l-jabr wa-l-muqâbala, tant au Maghreb qu’en Orient. al-Urzūza fi-l-jabr wa-l-muqābala (poème sur l’algèbre) C’est un poème de 54 vers de type rajaz. Après les salutations, remerciements et prières d’usage, le poète y introduit d’abord la terminologie algébrique dans quatre vers inoubliables38 : ثم الجذر ّ المال واألعداد وجذره واحد تــــلك األضلع للمال أو للجذر فافھم تصب كالقول في لفظ أب و والد على ثالثة يدور الجبــــــر.11 فالمال كل عدد مربـــــــ ّع.12 والعدد المطلق ما لم ينسب.13 والشيء والجذر بمعنى واحد.14 (42 . )ص، ابن سعيد." "ُنسب إلى أمه وكانت سوداء وكان ھو أيضا أسود35 Dans sa thèse de magistère, Zemmouli cite un poème écrit par un contemporain d’ibn al-Yāsamīn le taquinant sur la couleur de sa peau tout en magnifiant son intelligence. يل ثوبا حين أظلـــم أيھا الالبس لون الــــ منه يوما ما تألــــــم والذي يضـــــمر داء ﷲ ما لم تتكلـــــــــم أنت من أقبـــــح خلق ســـاحرات لو تجسم بشذور بــــــــاھرات حسن عقدا منظــــــم أصبحت في كل جيد Ibn al-Yāsamīn lui répond par un poème injurieux et cinglant d’ironie. (Zammouli, p.10) ّ " قال أبو عمران37 ُ فلم يكن: الطرياني بل يتمازح فيه وال، يستتر بحاله، على ما كان له من منصب العلم و التقدم عند السلطان،ابن الياسمين ّ ُ (45. ص: )ابن سعيد." وله في ذلك أشعار كثيرة.يضيع بادرة تقع من أجله 36 38 Nous avons publié récemment une traduction anglaise de ce poème : Mahdi Abdeljaouad (2005), 12th Century algebra in an Arabic poem : Ibn al-Yâsamîn’s Urjûza fi’l-jabr wa’lmuqâbala, in LLULL, vol. 28 (n°61), pp. 181-194. 9 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn Ces vers sont suivis par les algorithmes de résolution des six types d’équations canoniques du premier et du second degré (vers 15 à 35), puis par deux méthodes de résolution des équations quadratiques non unitaires, la première étant classique (2 vers) et la seconde originale (vers 38 et 39) sur laquelle nous reviendront par la suite. Le poème se termine par les règles de calcul sur les expressions algébriques (vers 40 à 53) et par une dernière prière (1 vers). Ce poème didactique d’ibn al-Yāsamīn fait partie d’un nouveau genre de manuels, almukhtasarāt (les abrégés) qui peuvent être soit des poèmes soit des textes en prose comme Talkhīs ‘acmāl al-hisāb d’Ibn al-Bannā (m. 1321). Ces textes concentrent et résument des connaissances dans des expressions faciles à retenir et peuvent aider à retenir les terminologies et les règles. Ils visaient au départ à venir en aide à des étudiants terminant l’étude d’un domaine particulier dans des ouvrages détaillés et techniques (mabsūtāt) et heureux de trouver à leur disposition un aide-mémoire rassemblant termes et règles à se rappeler pour les utiliser directement dans la résolution des problèmes. A. Arazi et H. Ben Chamai signalent un autre public visé par ces condensés : « Ils s’adressaient à des publics de spécialistes et à des lettrés pressés d’en apprendre le plus possible, dans le temps le plus court39. » Cet objectif est bien précisé par al-Qalasādī, dans l’introduction de son Kashf al‘asrār can cilm hurūf al-ghubār : « Voici un condensé suffisant, évitant les longueurs que j’ai extrait de mon livre qui a pour nom «Kashf al-Gilbāb » afin que certains chercheurs y trouvent ce dont ils ont besoin et qu’il soit un aide-mémoire pour les personnes initiées40.» Cependant, ces textes concis deviennent par la suite, eux-mêmes, objet principal d’apprentissage aux dépens des ouvrages fondamentaux ; un apprentissage par cœur dans lequel la compréhension est souvent absente et nécessite des explications plus détaillées. C’est le rôle des professeurs, qui après avoir fait réciter un passage du texte condensé, l’expliquent en de long commentaires, parfois linguistiques et parfois mathématiques. L’importance croissante des condensés avait déjà révolté Ibn Khaldūn (m. 1406) qui les considéraient comme étant préjudiciables à une saine pédagogie permettant un apprentissage réel41. 39 Arazi A., Ben Chamai H., “mukhtasar”, in Encyclopédie de l’Islam, vol. 7, Leiden : Brill, 1993. (pp. 536-8) Qalasādi, (page 19) ذھب كثير من المتأخرين إلى اختصار الطرق واألنحاء في. في أن كثرة االختصارات الموضوعة في العلوم مخلة بالتعليم: 35 " الفصل41 يولعون بھا ويدونون منھا برنامجا مختصرا في كل علم يشتمل على حصر مسائله وأدلتھا باختصار في األلفاظ وحشو القليل منھا بالمعاني،العلوم ، وربما عمدوا إلى الكتب األمھات المطولة في الفنون للتفسير والبيان. فصار ذلك مخال بالبالغة وعسيرا على الحفظ،الكثيرة من ذلك الفن وفيه إخالل،فاختصروھا تقريبا للحفظ كما فعله ابن الحاجب في الفقه وابن مالك في العربية والخونجي في المنطق وأمثالھم وھو فساد في التعليم .بالتحصيل 40 10 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques On connaît aujourd’hui au moins 13 commentaires écrits de l’urjūza d’Ibn al-Yāsamīn, dont plusieurs ont été édités (voir notes 11, 13, 14 et 15). Dans un commentaire très élaboré mathématiquement et enrichi des apports des algébristes orientaux et occidentaux (al-Karājī et Ibn al-Bannā), Ibn al-Hā’im constate que la urjūza, apprise par cœur devait être dûment expliquée42. Signalons que ce poème était enseigné au 14e siècle à Tlemcen, au 15e à Tunis et aux 16e et 17e siècles au Caire43 et a été commenté44 jusqu’en 1860. Plusieurs siècles plus tard, Ahmed Djebbar confirme le pressentiment d’ibn Khaldūn et constate que : « … l’étonnant succès du petit poème algébrique d’Ibn al-Yāsamīn (…) révèle en fait un abaissement du niveau qui faisait délaisser les ouvrages d’algèbre de la période classique pour des écrits bien plus modestes. Il révèle aussi un changement qualitatif dans l’enseignement45.» (p. 365) al-Urzūza fi-l-judhūr (poème sur les racines) C’est un poème de 55 vers introduisant le calcul sur les irrationnels de la forme a ± b où a et b sont des entiers positifs ou nuls (addition, soustraction, multiplication, division, extraction de la racine carrée). Dans le vers 41, l’auteur précise une notation utilisée au Maghreb (et peut être en Andalousie), qui consiste à placer la lettre jīm sur le nombre, pour noter sa racine : ـجـــــ ainsi 567 est la racine de 567. Quant à la définition formelle de la racine (carrée), elle n’apparaît, paradoxalement, que dans le vers 51. ّ يخرج مـــا جــــــــ ّذرته بكـله ٙ والجذر إن ضربته في مثله .51 Moins connu que le poème précédent, al-Urjûza fi al-judhûr a quand même été enseignée au 15e siècle puisque l’on connaît un ouvrage d’al-Qalasādī (m. 1486) commentant ce poème46. ثم فيه مع ذلك شغل. وھو من سوء التعليم كما سيأتي.وذلك ألن فيه تخليطا على المبتديء بإلقاء الغايات من العلم عليه وھو لم يستعد لقبولھا بعد ألن ألفاظ المختصرات تجدھا لذلك صعبة.كبير على المتعلم بتتبع الفاظ االختصار العويصة للفھم لتزاحم المعاني عليھا واستخراج المسائل من بينھا ،تم على سداده ولم تعقبه آفة ّ فالملكة الحاصلة من التعليم في تلك المختصرات إذا، ثم بعد ذلك كله. فينقطع في فھمھا حظ صالح من الوقت،عويصة فھي ملكة قاصرة عن الملكات التي تحصل من الموضوعات البسيطة المطولة لكثرة ما يقع في تلك من التكرار واإلطالة المفيدين لحصول الملكة فأركبوھم صعبا، فقصدوا إلى تسھيل الحفظ على المتعلمين. كشأن ھذه الموضوعات المختصرة، وإذا اقتصر عن التكرار قصرت الملكة بقلته.التامة (212-211 . )ص، تحقيق الشدادي الجزء الثالث، ابن خلدون،" "المقدمة،" ابن خلدون.يقطعھم عن تحصيل الملكات النافعة وتمكنھا ولفذوبة، واشتھرت لحسن قصد صاحبھا في مشارق االرض ومغاربھا، " ومن مختصراتھا المنظومة التي بلغت في الحسن مرتبة معلومة42 .(58 . )ص، شرح األرجوزة الياسمينية،" ابن الھائم, وھي األوجوزة المعروفة بان الياسمين، ولكثرة معانيھا كثر معاينيھا،ألفاظھا كثر حفظھا 43 Mahdi Abdeljaouad, Issues in the history of mathematics teaching in Arab countries, in Paedagogica Historica, Vol. 42, n°4-5, 2006. (pp. 629-664). .(1863 . مصطفى الضافر )ت،(1860) أحمد الجناجي،(1819 . سويدان )ت،(1794 . أحمد الحليفي )ت،(1756 . حسين المحلي )ت44 45 Ahmed Djebbar, « Transmission et échanges scientifiques en Méditerranée au temps des Croisades : l’exemple des mathématiques », in Actes du colloque l’Occident et Proche-Orient au temps des Croisades, Louvain-LaNeuve, Turnhout : Brépols, 2000. (pp. 343-368) (187-152 . )ص: 15 أنظر المرجع في المالحظة. تحقيق جالل شوقي." "بغية الطالبين على جذور ابن الياسمين، القلصادي46 11 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn al-Urzūza fi-l-kaffāt (poème sur les plateaux) C’est un très court poème de 8 vers attribué47 à Ibn al-Yāsamīn dans un unique manuscrit tardif de 1432. Il traite de la méthode des plateaux (ou méthode de la double fausse position) explicitée pour la première fois par Qustā Ibn Lūqā (m. 932). Cette méthode est utilisée systématiquement par Ibn al-Yāsamīn dans son manuel d’arithmétique Talqīh al-afkār, parallèlement à des méthodes de résolution arithmétique ou algébrique. 4.2 Le manuel en prose d’Ibn al-Yāsamīn : Talqīh al-afkār fi-l-camal bi rushūm al- ghubār (Fécondation des esprits sur l’utilisation des chiffres de poussière) Cet ouvrage de 125 folios (recto-verso) est présenté par son auteur comme étant un manuel pour débutants, rassemblant l’essentiel de ce qu’il doit connaître de l’arithmétique des entiers et des fractions et du calcul sur les racines carrées. De nombreux problèmes sont énoncés et résolus par différentes méthodes numériques mais aussi, en même temps, par la méthode des deux plateaux et par l’algèbre. L’auteur renvoie le lecteur à d’autres livres d’algèbre (sans les nommer) pour approfondir ses connaissances. Ibn al-Yāsamīn annonce le contenu de son ouvrage dès la préface en donnant une table des matières détaillées48 : Chapitre 1 : Les nombres entiers (5 sections – pp ; 101-146) : Multiplication, division, dénomination, addition, soustraction. Chapitre 2 : Les fractions (11 sections – pp. 147-187) : Multiplication, addition et soustraction, conversion, division, dénomination ; composition ; réduction et restauration. Chapitre 3 : Quelques résultats indispensables (4 sections – pp. (188-194) : Vérification des calculs ; critères de divisibilité ; facteurs premiers (crible) ; écriture des nombres à plusieurs chiffres. Chapitre 4 : Recherche de l’inconnue (11 sections – pp. 195-236) : une suite de problèmes corrigés en utilisant diverses méthodes numériques, la méthode de double fausse position et l’algèbre. Chapitre 5 : Outils dont on a besoin pour résoudre des problèmes (9 sections – pp. 237-299) : Problèmes résolus par les six équations canoniques (10 pages) ; extraction de la racine carrée d’un nombre ou d’une fraction (9 pages) ; opérations sur les racines (8 pages) ; extraction de la racine cubique d’un nombre (5 pages) ; problèmes de mesurage de surfaces et de volumes (31 pages). Problèmes divers (22 pages). Ce manuel intéresse l’historien des mathématiques car, nous dit Djebbar : « son importance tient au fait qu’il est bien représentatif de cette période de transition : celle d’Orient, celle d’al-Andalus et celle du Maghreb49». C’est une compilation à partir de nombreux textes dont la plupart nous sont inconnus et il est difficile, sans une analyse minutieuse du texte et sa ّ "نظم في، ابن الياسمين47 (204-189 . )ص. تحقيق جالل شوقي."الكفات Nous suivons ici l’édition imprimée de la thèse de Touhami Zemmouli, déjà citée. 49 Ahmed Djebbar, « Les activités mathématiques en Andalus et leur prolongement au Maghreb 9e – 15e » in Actes de la 7e Trobada d’historia de la ciencia i de la tecnica, Barcelona, novembre 2002. 48 12 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques comparaison avec les textes antérieurs, de préciser sa part d’originalité50. Cependant, certains indices ont été découverts par Ahmed Djebbar qui signale que les problèmes de mesurage de surfaces et de volumes (chapitre 5, section 9) proviennent directement du Kitāb al-kāfî fi-lhisāb du mathématicien Abu Bakr al-Karājī (m. 1029) ; il ajoute : « Compte-tenu de la structure de la dernière partie de l’ouvrage d’Ibn al-Yāsamīn que nous avons décrite, on peut aussi supposer que l’emprunt a été rajouté par une autre personne. … Les copies de l’ouvrage qui nous sont parvenues ne nous permettent pas de trancher ni de dater l’insertion des extraits du Kāfi51. » (pages 221-223). L’influence du Talqīh al-afkār sur les successeurs d’Ibn al-Yāsamīn est peu connue. Ahmed Djebbar a récemment découvert que des « chapitres entiers de ce livre se retrouvent dans Talkhīs ‘acmāl al-hisāb d’Ibn al-Bannā52 ». 4.3 Quelques aspects remarquables de Talqīh al-afkār fi-l-camal bi rushūm al-ghubār Dans cette communication, nous n’analyserons pas en détail ce manuel, mais nous retiendrons quelques-uns de ses aspects qui nous semblent remarquables et qui permettent de mieux expliquer l’évolution de l’enseignement des mathématiques au Maghreb pendant les siècles qui suivent : l’introduction des chiffres indiens et le rôle de la planche à poussière, la représentation des fractions et la résolution des équations quadratiques non unitaires. L’introduction des chiffres indiens et le rôle de la planche à poussière La représentation décimale des nombres - qu'ils soient entiers ou entiers et fractionnaires constitue, par sa simplicité et sa cohérence, l'une des merveilles de l'histoire de la pensée humaine. Cette numération, utilisant dix signes détachés de toute intuition visuelle, a été inventée et utilisée en Inde, puis structurée, simplifiée et popularisée plusieurs siècles plus tard par les mathématiciens arabes. Basée sur le principe multiplicatif et sur le principe de position, elle assigne à chaque chiffre une valeur qui varie en fonction de la position qu'il " وعلى حسب ما يظھر فإن ھذا الكتاب جمعه من مذكراته التي كان ياقيھا دروسا: (1950) يقول عبد ﷲ كنون في كتيبه "ابن الياسمين50 فأكثر جماعة... "كنت في مدة تعلمي الحساب أثبت مسألة من كل نوع من أنواعه مخافة اختالفه في حين إھماله: فإنه يقول في مقدمته،عاللطلبة ... إلي ّ فلم يعد منھا شيء، فدفعت إليھم ما كان عندي،من اإلخوان البحث عنھا ورغبوا في انتساخ ما تحصل منھا ُ ّ فقدر ﷲ َ ّ ،وصديقا حق ّ وأعيدھما وأخلف وكل،أمطلھما وأسوف فلم.وجل إھمالھا قبل أخذھما لھا عز ،أخوا صدق َ َ وكان من جملة من رغب فيھا ، فحمدت ﷲ عز وجل على ذلك كثيرا، وال يحيل ودھما إلى أن فتح ﷲ العليم في وجود بعض مسائل منھا عند بعض إخواني،ذلك ال ينقض عھدھما واختالف أعمالھا الختالف معانيھا،الھمة إلى جمعھا وأضفت ما ال غنى عن معرفته منھا مثل جمع األموال وطرحھا وضربھا وامتحانھا ّ وصرفت ّ ّ (21 ." )ص... ،المكعبات يتصرف فيھا من وجوه األعمال مثل الجبر والقياس ومثل وما يستحيل منھا وبعض ما 51 Ahmed Djebbar, « La circulation des mathématiques entre l’Orient et l’Occident musulmans : Interrogations anciennes et éléments nouveaux, in Actes du colloque international de Bellagio, 8-12 mai 2000, 52 Ibid. (page 221). 13 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn occupe dans l'écriture du nombre, l'absence d'unités étant compensée par la présence du signe assigné au Zéro, chaque position valant dix fois la précédente. La représentation décimale a donc permis l'appréhension immédiate des nombres permettant de reconnaître instantanément leur ordre de grandeur, de les utiliser avec aisance dans les calculs et de les intégrer dans les textes. Ceci explique certainement l’enthousiasme des auteurs arabes pour l'arithmétique indienne qui apparaît dans Tabakāt al-umam (La Catégories des nations) de ¦ācad al-Andalusī (m. 1070) : "Parmi ce qui nous est parvenu de leur science des nombres, Hisāb al-ghubār qu'al-Khwārizmī a simplifié ; c'est l'arithmétique la plus concise, la plus petite, la plus facile à acquérir, la plus aisée à apprendre et dont la construction est la plus originale ; elle atteste chez les Indiens un esprit pénétrant, un beau talent de création et la supériorité de discernement et de génie inventif. 53" (page 58). Cette représentation parfaite des nombres, telle qu'elle se présente aujourd'hui, est le résultat d'un long processus de construction, de maturation et d'intégration, constitué de périodes d'essais et d'abandons, de réflexions et d'argumentations dans lesquelles la bilatéralité a joué un rôle important tout autant que la cohérence de la représentation. La contribution d’Ibn al-Yāsamīn constitue un moment charnière important dans l'histoire de la représentation des nombres et surtout des fractions. Les deux familles de chiffres utilisées actuellement, toutes deux issues de la numération indienne, comme l’atteste Ibn al-Yāsamīn, lui-même, dans son introduction à Kitāb talqīh alafkār … (folios 7-8) : « Sache que pour représenter n’importe quel nombre, on utilise neuf figures, dénommées chiffres ghubār¸ ce sont forme : celles-ci : et elles peuvent aussi être de cette autre , mais, chez nous, l’usage est réservé aux premières». ّ "ومما وصل إلينا من علومھم في العدد حساب الغبار الذي53 بسطه أبو جعفر محمد بن موسى الخوارزمي وھو أوجز حساب وأصغره وأقربه (58 . )ص، طبقات األمم، صاعد األندلسي،". يشھد للھند بذكاء الخواطر وحسن التواليد وبراعة اإلختراع.تناوال وأسھله مأخذا وأبدعه تركيبا 14 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques Il y a donc bien, au moins depuis le 12ème siècle, deux familles de chiffres "indiens" adoptées par les auteurs arabes, l’une communément utilisée au Caire, à Damas, à Bagdad, à Maragha, à Samarkand et à Istanbul, source des chiffres arabes connus de nos jours au Moyen et Proche Orients, alors que l’autre forme, adoptée par les mathématiciens d’Andalousie et du Maghreb, a donné naissance à ce que l’on appelle, de nos jours, "les chiffres arabes". Ibn al-Yāsamīn utilise encore une planche à calcul recouverte de poussière : al-lawha, d’où le nom donné à cette arithmétique, hisāb al-ghubār. Il dessine les opérations sur cette planche, efface des chiffres, en recopie d’autres et poursuit les calculs jusqu’à atteindre le résultat54. Les chiffres ghubār, qui devraient jouer un rôle de symboles de substitution pour les nombres entiers permettant ainsi de remplacer les nombres écrits en toutes lettres par des chiffres, apparaissent comme une illustration graphique du nombre exprimé en toutes lettres, afin d’éviter d’introduire des erreurs dans la présentation des résultats d’un calcul, comme le montre l’exemple suivant dans lequel Ibn al-Yāsamīn conclut une opération arithmétique par55 : « Le résultat est quarante mille et quatre mille et trois cents et soixante-dix, et son image est la suivante : 44370 » La représentation des fractions Associés aux chiffres ghubār apparaissent, pour la première fois et seulement dans les manuels maghrébins, des représentations nouvelles des fractions ainsi que des notations particulières pour représenter les opérations arithmétiques et algébriques. Dans Kitāb al-bayān wa t-tudhkār fi cilm masā’il al-ghubār56, Abū Bakr al-Hassār (vivant en 1175) définit différents types de fractions et réserve à chaque type un symbole spécifique, sans pour autant en revendiquer la paternité, les notations retenues étant différentes de celles utilisées en Orient et héritées des Indiens. Lorsqu’il doit représenter un nombre mixte (c’est-àdire un entier ajouté à une fraction), al-Hassār commence par écrire le nombre entier et place 3 3 la fraction à la gauche de ce nombre. Ainsi, 11 78 correspond aujourd’hui à la fraction 78 + 11 . Par contre, lorsque la fraction est écrite à droite de l’entier, elle opère sur cet entier et 3 l’écriture représente une fraction de cet entier. Ainsi 78 11 se lit aujourd’hui “trois onzièmes على يمين العدد المرسوم... بعد أن تمحي..." . (121 ." )ص... وتنقل االثنين تحت الخمسة، وتمحو الستة...”: تلقيح األفكار، ابن الياسمين54 (266 ." ) ص... في طرف اللوح « 44375 وصورته، » فيكون الخارج أربعون ألفا وأربعة آالف وثالثة مائة وسبعين: نفس المصدر55 http://dewey.library.upenn.edu/sceti/ljs/ (1193 ” ”البيان والتذكار في مسائل الغبار” )نسخة: أبو بكر الحصار56 15 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn de 78 ”. La manière de représenter les fractions par al-Ḥaṣṣār se retrouve chez la plupart des mathématiciens arabes du Maghreb et même chez Fibonacci dans son Liber abacci (1202). Des traces de ces représentations se retrouvent dans Talqīh al-afkār fi l-camal bi rushūm alghubār mais sa manière de représenter les fractions diffère fondamentalement dans son principe de celle d’al-Ḥaṣṣār. En effet, alors que la notation de ce dernier, privilégiant la cohérence entre la lecture orale des nombres et leur représentation, permet de lire les nombres mixtes de droite à gauche et de les représenter de droite à gauche, celle d’Ibn al-Yāsamīn tient compte de la convention régissant l’écriture des nombres. Constatant, en effet, qu’un nombre entier s’écrit en plaçant les centaines à droite des milliers, les dizaines à droite des centaines et les unités à droite des dizaines, il propose de placer les fractions simples à droite des unités et les fractions composées à droite des fractions simples. 528491065 1 1 3 6 2 1 2 2 7 9 8 2 → 1 3 Là où, pour al-Ḥaṣṣār, “trois septièmes et un demi d’un septième” se note 2 7 , Ibn al3 1 6 2 1 Yāsamīn le note . Pour lui, la fraction composée se lit “six neuvièmes et deux 7 2 9 8 2 huitièmes d’un neuvième et un demi de la huitième partie d’un neuvième <de l’unité> ». Fractions composées al-Hassār Ibn al-Yāsamīn La notation actuelle 1 3 2 7 3 1 7 2 3 1 + 7 2×7 1 486 2 486 2 1 1 3 486 2 2 7 1 3 1 486 2 7 2 1 3 1 [486 + + ] 2 7 2×7 ← → 486 Nombres mixtes Sens de la lecture 1 2 Nous reproduisons en annexe l’argumentaire d’Ibn al-Yāsamīn, qui nous semble instructif. La résolution des équations quadratiques non unitaires Deux vers du poème d’Ibn al-Yāsamīn attirent l’attention du lecteur car ils n’ont pas été expliqués d’une manière unique par ses commentateurs connus. Il s’agit des vers 38 et 39 suivants : ّ وكن على ما مر ذا اعتماد ّ عدد األموال وخذ ما أصال 16 أو فاضرب األموال في األعداد.38 واقسم نظير الجذر من بعد على.39 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques Il s’agit de résoudre les équations du type ax2 + bx = c où le coefficient dominant est différent de 1 et de 0. Dans les vers 36 et 37, Ibn al-Yāsamīn avait énoncé la manière classique de le faire se ramenant à diviser tous les coefficients par le nombre a , puis à résoudre une équation unitaire. Dans les vers suivants (38 et 39), il énonce la règle suivante (traduite en langage moderne) : « multiplie le coéfficient a par la constante c, et agis comme précédemment. Puis, en divisant la racine auxilaire (nadhîr al-jidhr) obtenue par le nombre a, tu obtiens le résultat.» Si l’on cherche à résoudre l’équation ax2 + bx = c , on la transforme en X2 + bX = ac appelée nouvelle équation. On résoud cette nouvelle équation selon les méthodes canoniques. Sa racine X0 est appelée la racine auxiliaire. La racine recherchée x0 est obtenue en divisant X0 par a. Tout l'intérêt de cet algorithme est de n'utiliser qu'un seule fois la division par le coefficient a, car la division par un rationnel restait, à cette époque là, un exercice compliqué et long. Ibn al-Yāsamīn, lui-même, utilise abondamment cet algorithme dans Kitāb Talqīh al-afkār57 pour résoudre plusieurs équations quadratiques sans toutefois utiliser explicitement le concept « auxiliaire ». Son originalité, dans al-Urjūza al-Yāsiminīya, est d'avoir inventé le concept de "racine auxiliaire". Certains commentateurs de la Urjūza en ont, plus ou moins, compris la nouveauté introduite par Ibn al-Yāsimīn : Ibn Qunfudh al-Qusantīnī, dans Hatt an-niqāb can wujūh acmāl al-hisāb, consacre un paragraphe à cet algorithme, qu'il considère "général, ne nécessitant pas de réduction à l'unité". Pour chaque type d'équation quadratique, il commence par énoncer l'algorithme dans sa généralité, puis il l'illustre par un exemple58. Ibn al-Ghāzī reprend une partie de la formulation d’Ibn al-Yāsimīn mais reste flou dans les exemples59 et al-Māridīnī énonce l'algorithme dans sa généralité et explique clairement le concept de « racine auxiliaire » puis l’applique sur plusieurs exemples numériques60. Ibn al-Hā’im consacre plusieurs paragraphes à la « racine auxiliaire » et en explique le mécanisme dans son commentaire de la Urjūza61. Signalons que bien plus tôt, al-Karājī avait construit un algorithme aboutissant au même résultat qu’Ibn al-Yāsamīn, le recommandant chaque fois que les coefficients sont des 57 Edition de Zemmouli, page 242 (deux équations) ; page 243 (une équation) ; 244 (une équation) ; 246 (une équation) ; 247 (deux équations). (204 و201 ثم،199 ." )ص... " لمحة عن ابن قنفذ، يوسف قرقور58 (264 و263 . )ص،" ... " بغية الطالب، محمد سويسي59 (46-43. )ص،" ... " اللمعة الماردينية، محمد سبط المارديني60 61 Voir les détails dans mes analyses en français dans mon édition du Sharh al-Urjūza. (pages 33 à 35). 17 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn fractions complexes et nombreuses (kusūrun mokhtalifa kathīrā) et démontrant géométriquement sa validité à partir de plusieurs cas numériques62. Conclusion En présentant Ibn al-Yāsamīn, l’époque où il a vécu et ses ouvrages connus, nous avons noté la pauvreté des données le concernant personnellement, tout en constatant la richesse des informations recueillies depuis une trentaine d’années par les chercheurs maghrébins, en particulier Mohamed Souissi et Ahmed Djebbar, l’ampleur de leurs travaux, l’acuité de leurs analyses et l’importante dynamique qu’ils ont créée parmi leurs étudiants. Cependant, la plupart des recherches restent confinées dans les cénacles universitaires et manquent de visibilité culturelle. Je pense qu’il est temps de trouver les moyens humains et financiers pour rassembler et publier les travaux effectués jusqu’à maintenant et éditer les mathématiciens maghrébins que nous connaissons à travers certains de leurs manuscrits et des études faites à leur propos. En ce qui concerne les mathématiques, je pense à Abu Bakr al-Ḥaṣṣār, à Ibn alYāsamīn, à Ibn al-Muncim al-cAbdarī, à al-Masrātī, al-Ghorbī, al-Muwāhidī, Ibn Qunfudh alQusantīnī, al-cUqbānī al-Tlimsānī, Ibn Haydūr al-Tādilī, al-Habbāk al-Tlimsānī et à alQatrawānī. Tunis, le 12 avril 2009. (150-149 . )ص.1985 ، الكويت،" "تاريخ علم الجبر في العالم العربي، أحمد سليم سعيدان62 18 Constantine 2009 : Printemps de Cirta : Eclosions mathématiques et philosophiques المراجع ابن ابي زرع الفاسي ،علي بن عبد ﷲ" ،الذخيرة السنية في تاريخ الدولة المارينية" ،دار المنصور ،بيروت.1972 ، ابن الھائم المصري" ،شرح األرجوزة الياسمينية في الجبر والمقابلة" ،تحقيق مھدي عبد الجواد ،الجمعية التونسية للعلوم الرياضية ،تونس.2003 ، ابن سعيد أبو علي بن موسى األندلسي" ،الغصون اليانعة في محاسن شعراء المائة السابعة" ،تحقيق إبراھيم اإلبياري ،دار المعارف بمصر) .1945،ص(49-42 . ابن قنفذ القسنطيني" ،شرح ألرجوزة ابن الياسمين الجبرية" ،تحقيق يوسف قرقور ،أطروحة ماجستار ،المدرسة العليا لألساتذة الجزائر.1986 ، أبو بكر الحصار :البيان والتذكار في مسائل الغبار)نسخة http://dewey.library.upenn.edu/sceti/ljs/ (1193 أحمد سليم سعيدان" ،تاريخ علم الجبر في العالم العربي" ،الكويت) .1985 ،ص(150-149 . تھامي زمولي" ،األعمال الرياضية البن الياسمين" ،تحقيق التھامي زمولي ،أطروحة ماجستار بالمدرسة العليا لألياتذة، .1993 جالل شوقي" ،منظومات ابن الياسمين في أعمال الجبر والحساب" ،الكويت.1988 ، صاعد األندلسي ،طبقات األمم ،تحقيق حياة العيد بو علوان ،دار الطليعة ،بيروت. 1985 ، عبد الرحمن ابن خلدون" ،المقدمة" ،تحقيق وتقديم عبد السالم الشدادي ،وزارة الثقافة ،الجزائر.2006 ، عبد ﷲ ّ كنون الحسني" ،النبوغ المغربي في األدب العربي" ،جزء ،1الطبعة األولى 1936 :وطبع ھذا الكتاب عدة مراة من بعد ويمكن قراءته مباشرة في الموقع http://www.merbad.net/vb/showthread.php?t=6552 : عبد ﷲ ّ كنون" ،ابن الياسمين" ،سلسلة ذكريات مشاھير رجال المغرب" ،دار الكتب اللبنانية ،بيروت.1950⁄1369 ، قدري حافظ طوقان" ،تراث العرب العلمي في الرياضيات والفلك" دار الشروق ،القاھرة.1848 ، القلصادي " ،تحفة الناشئين على أرجوزة ابن الياسمين" ،دراسة وتحقيق تھامي زمولي ،أطروحة ماجستار ،المدرسة العليا لألساتذة الجزائر.1986 ، محمد ابن األبار" ،التكملة لكتاب الصلة" ،تحقيق عزة العطار الحسيني ،القاھرة.1956 ، ّ الموحدين" ،الرباط.1949 ، محمد المنوني" ،العلوم واألدب والفنون على عھد محمد سبط المارديني" ،اللمعة الماريدينية في شرح الياسمينية" ،تحقيق محمد سويسي ،الكويت.1983 ، محمد سويسي " ،بغية الطالب في شرح منية الحساب البن غازي المكناسي" ،جامعة حلب.1983 ، Abdeljaouad Mahdi (2005), Les arithmétiques arabes, Tunis : Ibn Zeidoun. 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Suter H., 1900, Die Mathematiker und Astronomen der Araber und ihre Werke, Leipzig, Teubner. 19 Mahdi Abdeljaouad : Mathématiques et culture : l’exemple du Maghrébin Ibn al-Yāsamīn الملحق :صفحات من " تلقيح األفكار في العمل برشوم الغبار" البن الياسمين 63حول كتابة الكسور )صفحة (…) : (126وإنما اختلفوا في ھيئة وضعھا .فمنھم من رأى أن يكون ابتداء قراءتھا ،أعني قراءة السطر ،من الجھة اليمنى مارا إلى الجھة اليسرى ،للناظر في المسألة .ومنھم من يرى أن يكون ابتداء قراءتھا عكس ذلك ،من الجھة اليسرى مارا إلى الجھة اليمنى ،للناظر في المسألة. فأما أصحاب القول األول ،فإنھم يقولون إنه غير جيد أن تقرأ ھذه المسألة من التبعيض التي صورتھا على زعمھم ھكذا : 3 1 1 486 7 2 2 وقراءتھا على اتفاق منا ׃ ״ نصف ستة وثمانين وأربعمائة وثالثة أسباع ونصف سبع״ ،فتذكر النصف ثم تبتدئ بعده بذكر ستة اآلحاد ثم العشرات ثم المئين ،فتمر بھا إلى جھة الشمال ،ثم ترجع إلى الكسور وتقول "وثالثة أسباع ونصف سبع״، فترجع بھا مارا إلى الجھة اليمنى .فھذا غير مناسب للناظر ،ولو كثر سطر الصحيح لكان أبشع. 1 3 1 وأما على مذھبنا فإن صورتھا ھكذا׃ . 7 2 486 2فتكون القراءة فيھا مطردة من جھة واحدة ،وذلك أولى وأوفق . فقال لھم أصحاب المذھب الثاني׃ ھذا الذي ذكرتموه غير الزم إذ الغرض ھا ھنا الوصول إلى المعنى ال مراعات األلفاظ والصور ،مع أن ھذا اللفظ ھنا لم يغير معنى ،ألن عطفه بالواو ،وقد فھم منه الغرض. )صفحة : (127ومن ذا الذي يمنع أن يقال في ذلك العدد الصحيح أربعمائة وثمانون وستة ،فھل يزيد في العدد شيئا أو ينقص ،وھذا الغرض في المسألة إال الوصول إلى الخارج منھا ومعرفته ،ثم ال ضرورة إليھا أيضا. فإنا نقول إنما وجدنا وضع األمھات في العدد التي في منازله المئين عن يمين اآلالف وھي أحط منھا ،ووجدنا العشرات على يمين المئين وھي أحط منھا ،ووجدنا اآلحاد على يمين العشرات وھي أحط منھا ،وكذلك سائر منازل العدد إلى ما ال نھاية له أكثرھا إلى الجھة اليسرى ذاھبا ،وأقلھا إلى الجھة اليمنى ذاھبا . فاألولى أن تجرى المقامات على ذلك ،فيكون المقام األكثر إلى الجھة اليسرى ذاھبا ،وأقلھا إلى الجھة اليمنى ذاھبا ،إقتداء بالعدد الصحيح ،أعني منازل العدد ،وتبعا له )…( وعلى ھذا القول > الثاني < إعتمدت في ھذا الكتاب…،ال بحجة في ذلك لكن لما تقدم علي بھا ،فأتبعتھا ورأيت القول األول لم ينتج زيادة. فإذا ،نضعھا على ما ذكرنا ،وھو أن يكون أقل مقام عن يمين المقام الذي أكثر منه ،فافھم؛ ثم تقسم العدد المسمى على أقل المقامات وأقصاھا في الجھة اليمنى ،فما بقي جعلته على المقسوم عليه ،وما خرج أيضا قسمته على مقام آخر ،وھو الثاني له ،إلى الجھة اليسرى إلى أن ينفذ العدد المسمى .فتنسب ما على المقام األكبر مما تحته ،وتنسب ما على المقام الثاني مما تحته ومن المقام األول ،وكذلك سائرھا .فافھم . )صفحة ( 129-128 مسألة :سم 101من (…) .144فيكون الخارج منھا :ستة أتساع وثمنـي تسع ونصف ثمن تسع ،وھذه صورته . : 6 2 1 .9 8 2 63تحقيق التھامي زمولي ،أطروحة ماجستار بالمدرسة العليا لألياتذة.1993 ، 20