L`isolation, l`étanchéité à l`air et la ventilation : un
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L`isolation, l`étanchéité à l`air et la ventilation : un
L’isolation, l’étanchéité à l’air et la ventilation : un trio de choc ! Cette année, Nature & Progrès a choisi de se préoccuper principalement de ventilation. La nécessité de bien ventiler n'apparaît pas toujours comme une évidence ; beaucoup parmi nous peinent à accepter des trous dans leurs châssis par où l'air froid va rentrer ! Est-ce un paradoxe, est-ce un nonsens ? Pas si l'on parvient à considérer que le renouvellement de l'air ne se fait plus aussi naturellement dans une maison bien isolée et, par conséquent, très étanche à l'air que dans une habitation traditionnelle ouverte à tous les vents… Par Anne Lambert, Daniel De Vroey et Hervé Barbeaux (pour le groupe écobioconstruction de Nature & Progrès) Interviews réalisées par Dominique Parizel et Hamadou Kandé La maison est une enveloppe qui doit protéger ses occupants des différentes agressions extérieures. L'isolation permet de conserver l’énergie thermique à l'intérieur de la maison et d’obtenir un meilleur confort thermique car, à température égale de l'air, l'impression d'inconfort sera d'autant plus forte que la paroi sera froide. Toutefois, l'étanchéité à l'air doit toujours accompagner l'isolation. Si elle est négligée, des courants d'air froids subsisteront dans l’environnement intérieur de l’habitation. Une paroi qui normalement devrait être chaude, puisque bien isolée, procurera ainsi une sensation d'inconfort et de froid car des courants d’air continueront à circuler dans l'habitation. L'enveloppe isolante doit donc absolument être continue sinon – en dépit de sa qualité intrinsèque - ses performances seront divisées par cinq environ, à cause de la perte thermique engendrée par le courant convectif dû à une fente d'un seul millimètre ! D’autres paramètres entrent évidemment en jeu dans le bilan thermique comme l'épaisseur de l'isolant et la différence de température entre l'intérieur et l'extérieur, mais cet exemple indique à quel point un simple défaut peut avoir des conséquences importantes sur le confort intérieur. L'impression de confort qui est prioritairement recherchée peut être très rapidement anéantie à cause d'un raccord imparfait près d'une prise électrique, près d'une fenêtre, ou à cause d'une liaison avec l'extérieur qui aura été mal réalisée et qui génère un courant d'air froid. Pourquoi il est nécessaire de ventiler ! L'étanchéité à l'air et l'isolation sont donc toujours indissociables. Si on se limite à réfléchir uniquement en termes d'épaisseur d'isolation, les effets d’une mauvaise étanchéité peuvent être également très rapidement ressentis. Mais qu'en est-il de la ventilation ? Il n'y a pas si longtemps, nos bâtiments étaient bien moins isolés - avec des "fuites d'air" nombreuses - et la question de l'aération se posait peu. Depuis que l'isolation se perfectionne, avec une grande attention portée à l'étanchéité à l'air, on crée, si on ne ventile pas assez, des airs emprisonnés qui peuvent très vite s'avérer malsains. Plus une maison sera isolée et étanche à l’air, plus il faudra ventiler car l’air vicié ne s’échangera plus automatiquement avec un air neuf venant de l’extérieur. Avec une moins bonne ventilation - ou pas de ventilation du tout -, l’air sera moins souvent renouvelé et sera plus chargé en CO2 et en humidité. Des conséquences peuvent apparaître, sous forme de condensation au niveau de ponts thermiques, ce qui n'existait pas auparavant, provoquant des développements éventuels de moisissures et de champignons… Nos anciennes maisons étaien certainement trop dépensières en énergie mais, à présent, si la facture énergétique s'allège, c'est la qualité de vie qui risque d'en être détériorée… Il est donc indispensable de renouveler l'air ! Mais, pour ventiler correctement, il existe bien entendu des normes sur lesquelles il est nécessaire de se baser. Certains débits d'air doivent être respectés suivant la fonction de la pièce et sa superficie. Différents systèmes existent. Quatre systèmes contrôlés (pas controlés mais préconisés plutôt) Il existe quatre systèmes de ventilation reconnus par la Région Wallonne ; ils sont dénommés A, B, C ou D. - Le système A (illu 2) est a priori le plus simple puisqu'il ne nécessite aucune mécanisation, aucune électronique, aucune domotique. L'arrivée d'air se fait naturellement par des entrées d'air installées dans les châssis ou par des grilles posées à travers les murs. L'évacuation se fait par un conduit vertical dans les pièces humides qui, par un effet de cheminée, extrait naturellement l'air de la maison. Pour ce système, le contrôle des débits n'est pas aisé. Il demande une attention particulière lors de l’utilisation. L’inconvénient de ce système réside dans le fait que les petites grilles placées dans les châssis sont souvent maintenues en position fermée par l'habitant. Le système d'extraction à l'aide d'un tirage naturel est généralement équipé de petits clapets qui, eux aussi, restent souvent fermés. L'occupant de la maison n'a, en effet, tout simplement pas envie de laisser rentrer de l'air froid chez lui, ni de voir s'échapper son air chèrement chauffé. Le système A exige un auto-contrôle sérieux car si le tirage est mauvais ou s'il y a beaucoup de vent, les problèmes peuvent rapidement survenir. Sa bonne gestion repose donc avant tout sur l'acquisition des bons réflexes et sur le ressenti des occupants. - Le système B (illu 3) est motorisé à l'entrée et naturel à la sortie. Son utilisation est de moins en moins répandue. Ce système peut avoir un intérêt pour ceux qui souhaitent une ventilation naturelle, mais qui envisagent de faire rentrer l'air par un système de type "puits canadien", par exemple, c'està-dire par un conduit enterré dans le sol qui utilisera la climatisation naturelle de la terre. Vu sa longueur et vu les coudes éventuels, il sera parfois utile de prévoir un moteur qui ira chercher l'air pour l'amener dans la maison. Mais il s'agit là, en fait, d'une sorte de système A assisté. - Le système C (illu 4) est celui qui est le plus fréquemment utilisé dans les constructions traditionnelles. L'entrée d'air est naturelle – qu'on peut évidemment régler à l'aide d'une grille - mais l'extraction est motorisée. Les extractions mécaniques sont placées dans les pièces humides tandis que les arrivées d’air sont placées dans les pièces de vie : séjour, bureau, chambres... Attention ! Contrairement à ce que l'on pense habituellement, l'extraction par la hotte de la cuisine ne peut être considérée comme base d'extraction de l'espace de vie car un système d'extraction doit être susceptible de fonctionner à tout moment. Or l'utilisation habituelle de la hotte consiste à la mettre en marche pendant qu'on cuisine mais est très rapidement coupée ensuite parce qu'elle est trop bruyante ; c'est généralement pareil pour la ventilation des toilettes qui se met en route quand elles sont occupées, puis se coupe avec l'appoint éventuel d'un temporisateur. Et c'est tout le problème du système C de base qui prévoit d'enclencher manuellement l'extracteur, puis de le couper dès qu'on n'en a plus besoin. Il existe cependant un système C+ qui tente de résoudre ce problème, fonctionnant à l'aide de capteurs - CO, CO2 et hygrométrie, principalement, mais qui pourraient être augmentés en fonction d'autres polluants et d'autres sensibilités des occupants (COV, pollens, poussières…) - qui requièrent, par conséquent, une légère domotique afin d'actionner automatiquement la ventilation. On pourrait donc considérer qu'il s'agit là également d'un système A adapté car, si on écoute ceux qui prétendent ventiler eux-mêmes et ouvrir leur fenêtre tous les jours, un système C+ ne devrait a priori jamais s'enclencher. Gageons qu'il se mettra quand même en route dans les cas où une extraction est nécessaire sans qu’ils aient pu, malgré leurs sens ou leur bon sens, s'en rendre compte par eux-mêmes... - Le système D (illu 5), enfin, concerne essentiellement les systèmes à double flux où, après avoir mécanisé l'entrée et la sortie de l'air, on ajoute un échangeur de chaleur afin de récupérer les calories de l'air sortant pour préchauffer l'air entrant. Ce système est devenu le "standard" pour les maisons passives qui doivent conserver un maximum d’énergie calorifique en leur sein, minimiser les pertes et optimiser les gains ‘gratuits’ d’énergie. Tout l'air passe par les conduits, qu'il s'agisse d’air extrait ou d’air amené, l'ensemble des gaines se trouve à l'intérieur de la maison et l’échangeur d’air est le plus souvent situé au grenier ou dans une cave. La ventilation mécanique a besoin d’énergie électrique pour fonctionner, elle peut être perçue comme bruyante si elle est mal installée, si les tuyaux sont mal dimensionnés ou s'il n’y a pas de silencieux en amont de l’installation. Ce système permet aussi de centraliser l'entrée d'air et d'y installer différents filtres, ce qui offre notamment la possibilité de limiter l'entrée de pollens dans la maison pour les personnes qui y sont sensibles. "Je rappelle qu'une ventilation digne de ce nom doit être continue, ce que permet un système adéquat, explique Daniel De Vroey, artisan "isoleur" à Bruxelles, et pas seulement occasionnelle ou forcée, comme quand on ouvre sporadiquement une fenêtre. Si on laisse pendre, par exemple, du linge humide dans une salle de bain complètement étanche, ce n'est certainement pas en ouvrant la porte pendant un quart d'heure le matin et un quart d'heure le soir que le linge aura séché. Il risque même de sentir finalement vraiment très mauvais… Ajoutons aussi qu'un système de ventilation doit être très discret d'un point de vue sonore, surtout dans une maison passive, par exemple, où l'on perçoit très peu les bruits de l'extérieur. Pour bien s'isoler phoniquement, le mieux est encore, à mes yeux, d'opter pour un système double flux où il est possible de choisir le lieu de la prise d'air en fonction des bruits ambiants. Et plus on aura d'options de contrôle, plus on sera en mesure d'orienter les choses et de les contrôler. Mais plus un système est sophistiqué, par contre, plus il sera nécessaire de bien le maîtriser et de pourvoir à son entretien." Tableau comparatif des avantages et inconvénients des systèmes de ventilation Système A Système B Système C Système D Application dans le cas d'une rénovation = = + = Elle ne convient pas toujours lors d'une rénovation S'applique aux bâtiments neufs et à la rénovation Elle ne convient pas toujours lors d'une rénovation Etanchéité l'enveloppe extérieure = - - - Nécessite une bonne étanchéité à l'air Nécessite une très bonne étanchéité à l'air Nécessite une très bonne étanchéité à l'air L'étanchéité à l'air est impérative + = = - Ne nécessite que des OAR et des conduits verticaux d'évacuation Système assez simple Système assez simple Système compliqué Encombrement des conduits de ventilation = = = - Les conduits verticaux et leurs débouchés en toiture sont à prévoir Nécessite des conduits verticaux d'évacuation et un réseau de conduits d'alimentation Nécessite un réseau de conduits d'extraction Nécessite deux réseaux de conduits : un d'alimentation et un autre d'extraction Filtration - + - + L'air amené ne peut pas être traité L'air peut être filtré et sa température et/ou son humidité conditionnées L'air amené ne peut pas être traité L'air peut être filtré et sa température et/ou son humidité conditionnées Transmission du bruit - = - = Les OAR favorisent le passage des bruits gênants Bonne étanchéité aux bruits sauf si l'entrée d'alimentation est mal située Les OAR favorisent le passage des bruits gênants La transmission de bruit est limitée si l'installation est bien étudiée Contrôle - + - + de Complexité Traitement l'air de des Simplicité l'installation de plus débits d'air amené Livrés à l'influence des phénomènes naturels du mouvement de l'air Les débits d'air amené sont contrôlés Pas de contrôle réel sur les débits d'air amené Les débits d'air amené sont contrôlés Contrôle des débits d'air extrait - - + + Livrés à l'influence des phénomènes naturels du mouvement de l'air Pas de contrôle réel sur les débits d'air extrait Les débits d'air extrait sont contrôlés Les débits d'air extrait sont contrôlés Gestion débits - = = + Grilles raccordées à un régulateur mais les débits ne sont jamais réellement connus Seuls les débits d'air amené peuvent être gérés Seuls les débits d'air extrait peuvent être gérés Système très maîtrisable et qui se prête bien à une commande automatique + = = - Les éléments de ce système demandent très peu d'entretien Nécessite une maintenance régulière Nécessite une maintenance régulière Nécessite une maintenance régulière (inspection et nettoyage) Récupération de chaleur - - = + Pas de récupération de chaleur Pas de récupération de chaleur Une pompe à chaleur peut être intégrée pour récupérer la chaleur sur l'air extrait Permet la récupération de chaleur de l'air extrait pour réchauffer l'air neuf puisé Coût global + - = = Installation de ventilation simple Coût assez élevé Peu coûteuse l'exploitation Maintenance l'installation des de à Coûteux mais la récupération de chaleur permet de récupérer le surcoût initial Hervé Barbeaux : quelques réserves sur le système D "Le système D est devenu le standard pour les maisons passives mais je ne suis, malgré tout, pas personnellement convaincu par son utilisation. Tout l'air passe par des conduits, l'ensemble des gaines se trouvent à l'intérieur de la maison et il n'est pas toujours évident de les rendre discrètes, la consommation énergétique est constante, le système est assez cher et peut être bruyant pour certaines oreilles sensibles, sans parler de l'hygiène des conduits qui peut poser problème… Il faut aussi apprendre à l'utiliser ; on ne peut certainement pas dire qu'on l'installe, qu'il tourne tout seul et que l'occupant de la maison n'a rien à faire… Tant qu'à installer un système pareil, je m'étais demandé s'il n'était pas possible d'utiliser un système D pour également chauffer l'air de la maison, mais il semblerait que cela soit compliqué et apporte d'autres problèmes : assèchement de l'air, consommation électrique importante... Bien sûr, on récupère les calories qui allaient sortir mais, dans le cas de maisons à basse consommation dans lesquelles on ajoute une bonne inertie thermique comme c'est de plus en plus souvent le cas, il me semble qu'on peut souvent faire l'économie d'un tel système qui est, de plus, assez compliqué, voire impossible, à installer correctement en rénovation. Ou alors, il faut tout prévoir en apparent mais les gaines ne sont pas très esthétiques à mon goût… On utilise des conduits de douze à quinze centimètres de diamètre qui doivent être très bien posés car l'humidité de l'air y passe avec le risque de condensation. Si tout est travaillé avec des tuyaux rigides et avec de bonnes pentes, il est censé y avoir un endroit prévu pour l'évacuation de cette eau. Mais si on emploie des flexibles dans un faux plafond, par exemple, l'intérieur du tuyau est plein de rainures, il y a un risque de panse du tuyau et, si l'eau stagne, un développement de bactéries est fortement possible… Et on ré-injecte tout cela dans l'air de la maison ! A partir du moment où une maison est bien isolée, qu'elle ne consomme déjà plus grand-chose par rapport aux maison d'avant, qu'on peut par exemple chauffer avec un petit poêle à bois dans une bonne enveloppe et que cela génère une bonne ambiance, je ne vois vraiment pas l'intérêt d'installer un système aussi sophistiqué pour récupérer juste quelques calories..." Daniel De Vroey : la performance de l'installation dépend toujours de la qualité de la pose "Des matériaux doivent toujours être judicieusement agencés pour bien remplir la fonction qui leur est assignée ; ils doivent pouvoir vieillir correctement dans le voisinage l'un de l'autre. Laisser un couloir d'air, un courant convectif, s'installer dans un ensemble de matières, autour d'une prise de courant par exemple, permettre à de l'air froid de venir lécher une paroi chaude, c'est réduire à néant trente centimètres d'isolation ! Il faut donc toujours que les choses soient cohérentes et une telle qualité, à mes yeux, impose nécessairement le retour à une forme d'artisanat dans le bâtiment. Dans le cadre de mes chantiers, je rencontre trop souvent des systèmes de ventilation qui ne sont, par exemple, pas protégés de la poussière. Des tuyaux sont déposés un peu n'importe où et des ouvriers travaillent juste à côté et y laissent tomber n'importe quoi… La ventilation, c'est forcément de la convexion : laissez un camembert dans un système de ventilation double flux et vous en profiterez très longtemps… Mettre cela en œuvre, c'est donc aussi prendre la responsabilité de laisser vivre quelqu'un avec ce système pendant de longues années : l'air que l'habitant va respirer dépendra directement de la qualité du travail de l'installateur. Le minimum est que ces systèmes demeurent, autant que possible, propres et soient aisés à nettoyer. Or bon nombre de ces systèmes sont placés, non pas à l'aide de rivets, mais bien avec des vis auto-forantes, par définition très tranchantes, qui débordent de un ou deux centimètres à l'intérieur du conduit. Nettoyer ce conduit à l'aide d'une simple brosse rotative sera donc absolument impossible. Mieux vaut aussi ne pas y risquer la main au risque de se blesser vilainement. Des débris peuvent encore s'accumuler autour de ces pointes de vis, de petits phénomènes de turbulences peuvent même apparaître… Tout cela pour gagner quoi ? Une heure de travail sur tout le chantier ?"