Family Ties – Carrefour famille New Carlisle : un organisme de
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Family Ties – Carrefour famille New Carlisle : un organisme de
PRINTEMPS 2001 Volume 3 Numéro 1 Aussi dans ce numéro L’intervention positive et concertée : une approche en devenir pour une famille ayant un jeune en difficulté de comportements 9 Cultures et paternités 11 BULLETIN DE LIAISON DU CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT DE LA RECHERCHE SUR LA FAMILLE DU QUÉBEC REMERCIEMENTS À JACQUES ALARY Comme on l’a annoncé dans le dernier bulletin, j’ai la lourde tâche de prendre la relève de M. Jacques Alary à la direction générale du Conseil. Au nom des membres du conseil d’administration et du comité scientifique, je voudrais remercier sincèrement Jacques Alary pour son travail remarquable. Il a su donner au Conseil de développement de la recherche sur la famille du Québec non seulement un élan et un souffle dont nous lui sommes tous redevables, mais aussi une crédibilité certaine, une profondeur de développement, des réalisations de qualité … et de nombreux projets d’avenir. Merci, Jacques. GILLES PRONOVOST Action concertée pour le soutien et la promotion de la recherche sur la famille et les responsabilités parentales Le Conseil s’est associé à neuf autres partenaires dans la 3e Action concertée sur la famille. Il s’agit d’un programme de plus d’un million de dollars, permettant d’offrir des subventions annuelles à des équipes universitaires pour la réalisation de projets de recherche d’une durée maximale de 3 ans. Les projets doivent impérativement être réalisés en partenariat avec des milieux d’intervention et des organismes communautaires. Pour plus d’information, consulter le site Internet du Fonds FCAR : http://www.fcar.qc.ca RAPPORT DE RECHERCHE Family Ties – Carrefour famille New Carlisle : un organisme de soutien familial en Gaspésie JOSÉE ARCHAMBAULT, AGENTE DE RECHERCHE, DIRECTION DE LA SANTÉ PUBLIQUE GASPÉSIE–ÎLES-DE-LA-MADELEINE Cet article présente les résultats d’une étude évaluative réalisée à la Direction régionale de santé publique de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et publiée en mai 20001. Cette étude visait à comprendre et à décrire le fonctionnement, les pratiques et certains effets d’un programme de soutien familial offert par un organisme communautaire de la Gaspésie : Family Ties – Carrefour Famille New Carlisle. Une brève partie des résultats est exposée ici, en vue de faire connaître une initiative de notre région qui démontre des effets positifs au sein d’une petite communauté anglophone. Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une première présentation lors du colloque sur Les compétences parentales tenu à Trois-Rivières le 27 octobre 2000. Family Ties2 est un organisme communautaire qui offre des services de garderie éducative, d’entraide et de soutien aux familles anglophones de New Carlisle qui vivent dans des conditions difficiles. Les services ont pour mission de favoriser le bien-être des familles et des enfants. Le projet fut implanté à New Carlisle en 1995 à partir d’une idée de haltegarderie éducative (Munchkin Mansion). Depuis les débuts de Munchkin Mansion, les principaux objectifs poursuivis par les intervenants sont : de préparer les enfants en vue d’une meilleure intégration sociale et scolaire, et d’outiller les parents pour qu’ils puissent exercer efficacement leur rôle parental. Au fil des ans, plusieurs autres services se sont greffés à Munchkin Mansion pour ainsi former le réseau de services qu’est Family Ties – Carrefour Famille New Carlisle. Aujourd’hui, en plus des enfants d’âge préscolaire et de leurs parents, Family Ties accueille également une clientèle d’enfants qui fréquentent l’école primaire ainsi qu’une clientèle de jeunes de l’école secondaire, leur offrant des ateliers de lecture, de devoirs ainsi que des 2 activités sociales et sportives. P R É S E N TAT I O N 5 Être parents d’enfants en difficultés scolaires 7 RECENSION Être parents en situation d’immigration Deuxième partie 11 Cultures et paternités RAPPORT DE RECHERCHE SUITE DE LA PAGE COUVERTURE Family Ties – Carrefour famille New Carlisle : un organisme de soutien familial en Gaspésie I. Caractéristiques de la population anglophone de la Gaspésie Plusieurs municipalités en bordure de la péninsule gaspésienne sont peuplées majoritairement ou en partie seulement de communautés anglophones. Les caractéristiques socio-économiques de ces communautés ne sont pas réjouissantes. Cette minorité vit au sein d’une population présentant, elle aussi, un profil socioéconomique préoccupant. En effet, l’ensemble de la Gaspésie connaît un taux de vieillissement sans cesse en croissance et une économie en décroissance. Selon les données du recensement 1996, la péninsule gaspésienne compte une population totale de 90 440 personnes. Les Gaspésiens unilingues anglais comptent au nombre de 9 680 personnes, soit 10,7 % de la population totale de la Gaspésie (DRHC, Gauvin, 1999 inédit). V O L U M E 3 • N U M É R O 1 Dans la municipalité de New Carlisle, située dans la Baie des Chaleurs, la population anglophone représente 61 % de la population totale (1 538 habitants), soit 938 citoyens anglophones. Les caractéristiques socio-économiques des familles anglophones de cette municipalité sont empreintes de nombreux facteurs de pauvreté, on pense notamment au taux élevé de chômage et d’assistance sociale, à l’isolement social des familles et à la monoparentalité. Certaines familles faisant partie de cette communauté sont en fait parmi les plus pauvres de tout le territoire de la MRC de Bonaventure. Au-delà de la pauvreté économique, la communauté ne dispose pas non plus de structure permettant d’assurer un soutien social aux familles vivant une situation difficile. Avant la mise sur pied de Munchkin Mansion, la communauté anglophone ne disposait d’aucun service de garderie, ni de réseau d’entraide pour la garde des enfants, ni de groupe de soutien pour les parents. 2 Sans l’appui de la communauté, les conséquences d’une situation familiale difficile sur le développement et la santé des enfants peuvent être nombreuses : retards de développement, problèmes d’apprentissage et d’adaptation, détresse psychologique, etc. (Mailloux, 1996 inédit). Or, les circonstances d’échange entre les intervenants3 du secteur de New Carlisle ont favorisé l’élaboration d’un projet de soutien et de prévention pour la population anglophone qui n’obtenait, jusque-là, aucun soutien familial communautaire. Des programmes de soutien familial s’adressant à une clientèle de parents et d’enfants de deux à quatre ans ont été mis sur pied au Québec au cours des dix dernières années. À ce jour, peu de ces programmes à deux générations ont fait l’objet d’évaluation, néanmoins, les résultats de certains travaux démontrent que les programmes ouverts simultanément à la clientèle d’enfants et de parents ont une plus grande efficacité que les programmes s’adressant à une seule clientèle (PalacioQuintin et Coderre, 1998; Painchaud et coll. 1998). La majorité des programmes de prévention adressés aux familles poursuivent des objectifs qui visent, auprès des parents, le développement des compétences parentales (Laflamme et ses collaborateurs, 1991) et la rupture de l’isolement. Auprès des enfants, la majorité des interventions vise le développement de l’estime de soi chez l’enfant, et le développement de l’intégration sociale et scolaire (Tafarodi et Swann, 1995). Ce sont les principales variables sur lesquelles nous nous sommes penchées pour l’évaluation du programme offert par Family Ties. Avant de décrire ce programme, nous présentons en quelques lignes la démarche méthodologique que nous avons empruntée pour cette étude. II. Objectifs et méthodologie de recherche Les objectifs poursuivis dans cette étude visaient, dans un premier temps : 1) à comprendre le fonctionnement de l’organisme dans la communauté anglophone de New Carlisle; 2) à comprendre le processus par lequel la clientèle s’approprie les actions posées. Dans un deuxième temps, l’étude avait pour objectif : 1) d’analyser les effets du programme sur l’isolement vécu par les parents et sur leurs compétences parentales; 2) d’analyser les effets du programme sur l’estime de soi, l’intégration sociale et scolaire des enfants qui ont fréquenté Munchkin Mansion. Pour chacun des objectifs de recherche, nous avions plusieurs sources d’information différentes de même qu’une variété d’outils de collecte de données. D’abord, des entrevues individuelles ont été réalisées avec la coordonnatrice, l’animatrice et l’assistante, qui constituent l’équipe de ressources humaines de Family Ties. Ces entrevues en profondeur ont permis de décrire le fonctionnement de la ressource. Ensuite, un questionnaire a été distribué à toutes les mères qui participent ou ont participé à Family Ties depuis la mise sur pied de l’organisation. Ce questionnaire visait, notamment, à fournir des données qualitatives et quantitatives sur les caractéristiques de la clientèle, la participation des mères aux activités et les raisons pour lesquelles elles y participent. Par ailleurs, des entrevues individuelles ont été réalisées avec quelques mères qui ont participé ou qui participent à Family Ties et avec des intervenants du milieu qui sont impliqués dans l’organisation. Tout au long de cette collecte des données, différentes mesures ont été prises afin d’assurer la confidentialité des informations recueillies. Les enfants d’âge scolaire qui ont fréquenté la ressource alors qu’ils avaient entre deux et cinq ans ont également participé à un court entretien individuel réalisé à l’école. Cet entretien visait à en connaître plus sur les points suivants : l’estime de soi des enfants; l’intégration sociale par la présence d’un réseau d’amis; le bien-être dans son entourage; l’appréciation de soi; le sentiment de compétence en lien avec les relations sociales, les activités scolaires et sportives. Cet outil d’enquête a été inspiré des outils utilisés par Boivin et ses collaborateurs (1995) [Revised Class Play, Masten, Morison & Pelligrini, 1985; SelfPerception Profile for Children, Harter, 1985; Loneliness and Social Dissatisfaction Questionnaire, Asher & Wheeler, 1985]. Les données recueillies par entretien et par questionnaire ont été regroupées pour chaque personne participante. Elles ont ensuite été analysées qualitativement et de façon à comprendre chaque cas. Une analyse horizontale permettant de croiser et de comparer des données d’un informateur à l’autre a permis d’approfondir l’analyse. Les étapes d’analyse visant à classifier l’information et à croiser les données ont été réalisées avec un appui informatique dans le logiciel Access. Nous invitons les lecteurs qui veulent en savoir davantage sur notre méthodologie de recherche à consulter la version intégrale du rapport de recherche. Dans la section qui suit, nous présentons les principaux résultats de cette recherche. III. Principaux résultats de recherche : Le fonctionnement des programmes de Family Ties Nous retrouvons dans la structure de Family Ties une série de services qui se divisent en quatre volets : un premier volet s'adresse à SUITE DE LA PAGE 2 3 Programme enfant Family Ties a vu le jour avec la mise sur pied d'un centre (daycare) semblable à une garderie éducative. Cette garderie s'appelle Munchkin Mansion et elle est destinée aux enfants anglophones de New Carlisle (et la région) qui ont entre deux et cinq ans. Ce programme est offert gratuitement du mois de septembre au mois de juin. Les enfants peuvent fréquenter la garderie à raison de quatre demi-journées par semaine, soit le matin ou l'après-midi selon leur âge. Il y a un groupe d’enfants de deux à trois ans qui fréquente Munchkin Mansion le matin et un groupe d’enfants de trois à cinq ans qui fréquente la ressource l’après-midi. Entre quatorze et vingt enfants participent quotidiennement. Les activités de Munchkin Mansion, en avant-midi, visent davantage la socialisation de l’enfant. En après-midi, les enfants sont plus vieux et les activités visent plutôt l’acquisition de connaissances. Fonctionnement et déroulement des activités de Munchkin Mansion Pour qu'un enfant puisse fréquenter la garderie éducative Munchkin Mansion, un de ses parents, plus généralement la mère, doit s'impliquer, à raison d'une demi-journée par semaine, dans l'animation des activités en apportant son soutien à l'animatrice en charge. Les mères coaniment les activités destinées aux enfants. Le programme de la garderie comporte une période de stimulation intellectuelle et développementale de l’enfant en prévision d’une meilleure préparation pour l’école. Cette période, appelée Circle Time, consiste à transmettre aux enfants des connaissances de base tels l'alphabet, les chiffres, les couleurs, les noms. Chaque semaine, un thème est choisi pour les activités de Munchkin Mansion et permet d'aborder des sujets variés avec les enfants : les saisons, les sentiments, les amis, les fêtes, la famille, le corps, la nutrition, etc. Au total, une quarantaine de thèmes différents sont abordés en cours d’année. Pendant sa présence à Munchkin Mansion, à tous les jours, l'enfant réalise un bricolage différent. Puis, chaque jour, une histoire est lue aux enfants pour les habituer à rester calmes, à se concentrer, à écouter et à développer le goût pour la lecture. L’histoire choisie aura généralement un lien avec le thème de la semaine, de façon à ce que l’animatrice puisse ensuite amener les enfants à échanger sur l’histoire. Des jeux et des chants, généralement associés au thème de la semaine, font aussi partie de l'animation quotidienne de Munchkin Mansion. Les jeux effectués visent à stimuler le développement moteur et intellectuel des enfants. Chaque jour, on offre une collation équilibrée aux enfants. En plus de fournir un bon exemple alimentaire, la période de la collation est une bonne occasion, pour les enfants, d’échanger entre eux autour d’une table. Pour la collation, une contribution financière de 5 $ par mois est demandée aux parents. Ce coût est la seule contribution monétaire qui leur est demandée. Programme parent Les activités qui s’adressent aux parents gravient principalement autour du service de garderie éducative, Munchkin Mansion. Mis à part la garderie, le programme adressé aux parents est constitué de différentes activités sociales et d’information qui visent à briser leur isolement, à acquérir de nouvelles connaissances parentales, à élargir leur réseau de soutien et à offrir un peu de répit. Nous présentons, dans un premier temps, les activités de Family Ties qui s’adressent aux parents dans le cadre de Munchkin Mansion, puis nous présenterons celles qui se déroulent en dehors du cadre de Munchkin Mansion. Fonctionnement et déroulement des activités pour les parents D'abord, dans le cadre de Munchkin Mansion, les parents ne reçoivent pas uniquement un service de répit pendant que leur enfant est à la garderie. Les mères ont aussi la responsabilité de s'impliquer dans les activités éducatives adressées aux enfants en s'engageant à donner une demi-journée par semaine de leur temps pour aider l'animatrice. En avant-midi comme en après-midi, deux mères sont généralement présentes pour aider l'animatrice (il y a environ huit enfants par demi-journée et la garderie est ouverte à raison de quatre journées par semaine). Un horaire est constitué de façon à ce que les mères aient, en équipe, la responsabilité d’une journée de la semaine qui leur convient. Elles ont, néanmoins, la possibilité d'interchanger avec une mère d'une autre journée si, pour une raison ou une autre, elles ne peuvent être présentes ce jour-là. Cette implication hebdomadaire permet aux mères de prendre le temps d’échanger entre elles. Elles peuvent ainsi faire la connaissance d'autres mères, d'échanger de manière informelle sur différents sujets relatifs à leurs préoccupations familiales, de briser leur isolement, d'apprendre de nouvelles choses sur leur enfant, de donner leur soutien à l’organisation et de développer des compétences dans l’interaction avec les enfants. En plus de leur présence régulière à Munchkin Mansion, pendant une semaine au cours du mois, les mères des enfants qui sont inscrits sont responsables de la planification et de l’animation des activités de la garderie. Avec Parent Week, en équipe de deux, les mères planifient les activités (les bricolages, les jeux, une chanson et une histoire) et préparent le matériel nécessaire pour animer leur demijournée. De plus, une fois par mois, les mères des enfants qui sont inscrits à Munchkin Mansion se rencontrent lors d’une assemblée de parents (Parent Meeting). Les mères qui ont un enfant à Munchkin Mansion, en avant-midi ou en après-midi, s'engagent à être présentes lors de ces assemblées puisqu’elles sont le point de rencontre de toutes les mères (entre douze et dix-huit mères selon le nombre d’enfants inscrits). À chaque début d'assemblée, on discute des faits saillants, on planifie une activité spéciale ou une sortie pour les enfants pour le mois à venir et on fait des mises au point sur le fonctionnement de l’organisation. Ces assemblées permettent aux mères de s’impliquer directement dans la prise de décision et dans le fonctionnement de Munchkin Mansion. En plus d’être le moment pour les participantes de transmettre des commentaires sur des activités qui se sont déroulées ou des idées d’activités à réaliser, les assemblées offrent également l’occasion de discuter de certains problèmes personnels et d’obtenir du soutien et des conseils des autres mères. L’assemblée dure généralement près d’une heure, après quoi une personneressource (travailleuse sociale, infirmière…) est invitée à faire une présentation d’environ une heure, sur un sujet qui intéresse les mères (discipline auprès de l’enfant, hygiène des enfants, sécurité à la maison…). Par ailleurs, une fois par mois, les mères 4 V O L U M E une clientèle d'enfants de deux à cinq ans, un deuxième volet s'adresse aux parents de ces enfants, un troisième volet, que nous n’aborderons pas dans cet article, s'adresse aux jeunes d'âge scolaire et aux adolescents de la communauté, enfin un quatrième volet s'adresse à la communauté en général. Tous ces services sont dispensés dans un bâtiment de trois étages situé au centre de la petite ville de New Carlisle et qui est maintenant la propriété de Family Ties. Le rez-de-chaussée est l’unique étage aménagé à l’heure actuelle. 3 • N U M É R O 1 RAPPORT DE RECHERCHE RAPPORT DE RECHERCHE SUITE DE LA PAGE 3 impliquées dans Munchkin Mansion se regroupent pour vivre ensemble une activité sociale. Ces activités sont prévues lors de l’assemblée de parents (Parent Meetings) et sont organisées par la coordonnatrice ou par les mères qui proposent de les faire. Aussi, certaines mères qui sont impliquées dans Munchkin Mansion, et d’autres mères dont les enfants ont déjà fréquenté Munchkin Mansion, ont formé un groupe de cuisine et de jardin collectif. Pour ce qui est de la cuisine collective, les deux groupes sont constitués d’environ sept mères. À tous les mois, les membres de chaque groupe se rencontrent une première fois pour planifier les menus et les achats, puis une seconde fois pour cuisiner et partager les portions. Ces portions nourrissent environ 60 personnes pendant cinq jours. En ce qui a trait au jardin collectif, il s’agit d’un lopin collectif qui est entretenu par une équipe de mères durant la saison estivale. Les légumes et les herbes qui en proviennent servent principalement à la cuisine collective. Les mères ont pris en charge la coordination du projet. Elles préparent le lopin, planifient la plantation, entretiennent tout au long de la saison, récoltent et gèrent la conservation des légumes pour les saisons à venir. Également, des activités de financement sont mises de l'avant pour payer les activités sociales de l'organisation ou encore pour financer l'achat d'un accessoire tel qu'un téléviseur pour Munchkin Mansion ou un congélateur pour le groupe de cuisine collective. Ces collectes de fonds demandent la participation des parents afin de pouvoir réaliser des activités en groupe ou pour améliorer le fonctionnement de Family Ties. Effets chez les parents Chez les parents qui ont participé pendant une période significative, nos informatrices soulèvent différents types d'appui que leur a apporté l'organisation. Nous retenons plusieurs aspects qui sont tous liés à une augmentation du sentiment de bien-être du parent et qui viennent l’appuyer dans son rôle et comme individu. Nous avons observé que les mères qui ont participé, ou qui participent encore, sur une base régulière, aux activités de Munchkin Mansion durant une période d’au moins une année : • acquièrent des habiletés sociales qui les aident à se créer un réseau d’amis à l’école; • reçoivent un soutien personnel, familial et parental en s'impliquant dans Family Ties; • développent l’estime de soi et témoignent le respect des autres dans leurs différences; • développent un réseau de soutien avec les intervenants de Family Ties et avec les mères impliquées; • acquièrent une disposition à l’apprentissage en étant déjà habitués à une certaine routine, à être attentifs, à se concentrer, à suivre des directives et à être en présence d’un groupe d’enfants de leur âge; • développent de nouvelles compétences et une motivation pour faire des choses; • reçoivent un répit qui leur permet d'expérimenter de nouvelles choses et de prendre les dispositions pour réaliser des rêves (ex.: retour à l'école); • sortent d'un isolement et s'impliquent davantage dans leur vie communautaire (ex.: avec Munchkin Mansion, l'école prend un autre sens pour les parents. Elle n'est plus un établissement inaccessible, elle prend plutôt un sens familial et communautaire où les parents ont une place); • développent la capacité d’observer et d’encourager les améliorations et les apprentissages de leur enfant. Ce qui semble être d’un apport bénéfique pour l’intégration scolaire des enfants. Les effets de Family Ties V O L U M E 3 • N U M É R O 1 Effets chez les enfants 4 Précisons d'ores et déjà qu'il nous a été difficile, sinon impossible, de mesurer les effets de Family Ties auprès de la clientèle qui n'a participé que quelques mois (un à trois mois). Il a été impossible de le faire, d'une part, parce qu’un bon nombre de ces parents n'ont pas répondu à notre demande de participation à l’étude et, d'autre part, parce que nous estimons que leur participation n'a pas été complète dans l’organisation. Il serait plutôt difficile de comprendre les effets des programmes auprès d'une clientèle qui n'a pas tiré profit de tout le potentiel qu'offre la ressource. enfants qui ont fréquenté Munchkin Mansion et ceux qui ne l’ont pas fréquenté, mais dont les parents ont été recrutés, cette section de nos données ne nous permet pas de tirer de conclusions claires au sujet des effets du programme. Néanmoins, d’un point de vue général, nos résultats nous indiquent que les enfants qui ont fréquenté Munchkin Mansion assidûment pendant une période de plus d’un an : La partie de notre étude qui s’adressait aux enfants et qui visait à cibler certains effets de Munchkin Mansion nous a aussi fourni des données positives pour l’organisation. L’évaluation des effets d’un programme chez les enfants se révèle être une analyse des plus difficiles, notamment parce qu’ils vivent une période intense de changements et qu’ils sont influencés par d’innombrables éléments. D’autres chercheurs au Québec se sont aussi confrontés à ces difficultés (Ethier et coll., 1995). En ce qui a trait à la relation qui peut être faite entre les résultats des • ne se retrouvent pas parmi les enfants les plus isolés et/ou rejetés par les autres enfants de leur classe; • témoignent d’un bon sentiment de compétence et d’un bien-être dans leur entourage. IV. Conclusion Nous n’avons pu, dans ces quelques pages, faire qu’une brève description d’une partie des programmes de Family Ties et des effets que les activités peuvent avoir sur la clientèle de parents et d’enfants de moins de cinq ans. Nous n’avons pu présenter l’incroyable organisation logistique que nécessite Family Ties pour fonctionner avec aussi peu de ressources humaines et financières4. Néanmoins, nous avons mis en lumière une initiative gaspésienne qui est une source d’inspiration pour les organismes communautaires offrant du soutien aux familles et souhaitant favoriser l’engagement des parents dans la communauté. Les interventions de Family Ties, qu’elles soient dirigées vers les parents, vers les enfants de moins de cinq ans ou vers les enfants d’âge scolaire, aident à développer, chez ces groupes, le sens de la communauté. En s’impliquant dans Family Ties, les membres de la communauté développent une attitude de participation et de partage. L’engagement des parents 5 P R É S E N TAT I O N SUR LA RÉUSSITE SCOLAIRE ET À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION DE L’UNIVERSITÉ LAVAL PAR VIRGINIE HOULE ET MÉLANIE BEAUBIEN, ÉTUDIANTES À LA MAÎTRISE À L’UNIVERSITÉ LAVAL Dans le cadre du colloque Compétences et expériences de soutien à l'exercice des rôles parentaux, tenu à Trois-Rivières en octobre dernier, le professeur Égide Royer a soulevé plusieurs questions concernant les besoins des jeunes en difficulté et a proposé certains éléments de réponse. Le professeur Royer a alors affirmé que la réussite scolaire n'est pas seulement une question de caractéristiques familiales, de niveau socioéconomique ou de pratiques parentales. La qualité de l'enseignement et des services offerts par l'école est une variable très importante dont bien peu de décideurs font état. Virginie Houle et Mélanie Beaubien, étudiantes à la maîtrise à l'Université Laval, présentent ici un résumé de la communication de Monsieur Royer. pouvant qualifier les mêmes individus? Un parent peut-il se demander si son jeune recevra des services de plusieurs programmes différents? Y a-t-il possibilité d'harmoniser et de coordonner les services offerts dans ces divers programmes? Est-il vraiment nécessaire d'identifier nominalement des enfants pour pouvoir gérer un contrat de travail et leur offrir des services? Au préscolaire, dans quelle mesure l'intervention précoce est-elle une forme d'investissement de première importance en adaptation scolaire? En lien avec cet aspect, croyons-nous vraiment les données qui supportent le fait qu'un dollar investi en prévention équivaut à six dollars dépensés en interventions ultérieures? Doit-on offrir, comme aux États-Unis, des services en adaptation scolaire aux jeunes de trois ans et à leurs familles? Questions Malgré 25 ans de services éducatifs destinés aux élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage (ÉHDAA), un certain nombre de questions demeurent d'actualité. Plusieurs de ces interrogations concernent directement les parents de ces jeunes en difficulté. Quelle est la relation entre l'abandon scolaire, l'échec scolaire, l'analphabétisme et l'adaptation scolaire? Dans les faits, s'agit-il de termes et des jeunes dans l’organisation et dans le déroulement des activités est une des principales forces qui caractérisent l’organisme. • 4 1 Pour avoir plus d’information sur cette étude ou sur Family Ties, vous pouvez communiquer avec la Direction de la santé publique de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine au 418-368-2443. 2 Depuis sa mise sur pied en 1995, l’organisme Family Ties – Carrefour Famille New Carlisle s’est mérité le prix AndréTétrault en 1997, le prix Hommage Bénévolat-Québec 2000 et a été finaliste pour le prix Persillier-Lachapelle 1998 et 1999. 3 Ces intervenants proviennent des différents organismes locaux suivants : CLSC-CHSLD, Centre Jeunesse, Centre de réadaptation, Commission scolaire Eastern-Shores, CAB, CASA. 4 Family Ties, qui fonctionne avec un budget annuel très restreint, est le seul organisme anglophone reconnu et subventionné par la Régie régionale de la santé et des services sociaux Gaspésie – Îles-de-la-Madeleine dans le Doit-on repenser la collaboration interorganismes en ce qui concerne la prévention des difficultés et les services offerts aux élèves en difficulté ou handicapés? Au niveau des actions, faut-il identifier ce qui peut être fait pour mettre fin au manque chronique de concertation entre la justice, les services sociaux, policiers, éducatifs, ainsi qu'entre les services de réadaptation et de désintoxication qui mine les interventions auprès des jeunes en cadre du programme «Soutien aux organismes communautaires». Family Ties est aussi le seul organisme anglophone en Gaspésie qui reçoit une subvention de Centraide Gaspésie. Family Ties a aussi reçu, au cours de l’année 1999, un appui financier des organismes et des programmes suivants : Programme d’aide à l’action concertée (PAAC), Mesures de soutien à l’emploi (provenant du CRCD), différentes fondations, appui à l’insertion sociale. Par ailleurs, l’organisation reçoit des dons de la communauté et organise aussi des activités de financement. difficultés importantes de comportement? En ce sens, l'école doit-elle être la plaque tournante, la base, l'environnement privilégié pour offrir des services éducatifs, sociaux et de santé aux jeunes et à leurs familles? La façon dont les parents peuvent s'y retrouver doit également être envisagée. Sont-ils vraiment considérés comme des partenaires? Plusieurs questions sont posées quant à la pertinence et au type de plan d'intervention à élaborer. Par exemple, doit-on maintenir l'obligation du plan d'intervention pour tous les ÉHDAA et les élèves à risque? Dans les nouveaux programmes d'études mis en place, a-t-on vraiment prévu des mécanismes d'adaptation des contenus et des stratégies d'enseignement pour les ÉHDAA? Ces nouveaux programmes, et l'adaptation de manuels scolaires, pour les ÉHDAA, doivent-ils tenir compte du profil de ces jeunes et de leur réalité? Aussi, pour créer et soutenir un lien avec la famille d'un élève, doit-on utiliser un langage de collaboration ou avoir recours à un jargon lié aux aspects éducatifs? Certains se questionnent à savoir si le support aux parents, par rapport au rendement scolaire de l'enfant, est bien adapté. Au niveau de la formation des enseignants, ce type de support devrait constituer un élément essentiel. Une autre interrogation concerne 6 ETHIER, L. et coll. (1995). Évaluation de l’impact à court terme d’un programme d’intervention éco-systémique pour familles à risque de négligence, Rapport de recherche présenté au Conseil québécois de la recherche sociale par le Groupe de recherche en développement de l’enfant et de la famille, Université du Québec à Trois-Rivières. LAFLAMME, M.K. et GRAIN (1991). L’environnement clinique du programme d’intervention en négligence (cahier 4). Direction Enfance-Famille, Direction des services professionnels. 73 p. Références bibliographiques : ARCHAMBAULT, J. (2000). Family Ties–Carrefour-Famille New Carlisle : Étude sur le fonctionnement et les effets d’un programme de soutien pour des familles anglophones de la Gaspésie. Rapport de recherche, Régie régionale de la santé et des services sociaux Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Direction de la santé publique, Gaspé, 111 p. BOIVIN, M., F. VITARO et C. GAGNON (1995). Trajectoire de développement des difficultés relationnelles et comportementales à l’élémentaire : persistance, généralisation et perceptions de soi associées, Rapport de recherche déposé au Conseil québécois de la recherche sociale, Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant, Université Laval. PAINCHAUD, R., D. GUERIN et L. ROCHELEAU (1998). Dessinemoi un avenir. Les CLSC et la prévention auprès des enfants de 0 à 12 ans et de leur famille, Direction de la santé publique du ministère de la Santé et des Services sociaux. PALACIO-QUINTIN, E. et R. CODERRE (1998). Évaluation de l’efficacité des projets visant la clientèle des enfants 0-5 ans, Centre de recherche sur les services communautaires, Faculté des sciences sociales, Université Laval, Sainte-Foy. TAFARODI, R.W. et W.B. SWANN (1995). «Self-Liking and SelfCompetence as Dimensions of Global Self-Esteem : Initial Validation of a Measure» Journal of Personality Assessment, volume 65, numéro 2, p. 322-342. N U M É R O • 3 ÉGIDE ROYER, PROFESSEUR ET CHERCHEUR AU CENTRE DE RECHERCHE ET D’INTERVENTION V O L U M E Être parents d'enfants en difficultés scolaires 1 5 P R É S E N TAT I O N SUITE DE LA PAGE 5 Être parents d'enfants en difficultés scolaires d'ailleurs la formation des maîtres. Avec seulement deux cours (cinq crédits) offerts en quatre années de formation pour devenir enseignant au préscolaire et au primaire, les maîtres sont-ils bien préparés pour adapter leur enseignement aux jeunes en difficulté? Dans le cas où un enfant doit avoir recours à un service spécifique à l'intérieur ou à l'extérieur de l'école, il peut parfois être difficile pour les parents de savoir à qui ils doivent s'adresser et où se situent les ressources. Lorsque les services nécessaires pour un élève ne sont pas présents en milieu scolaire ou qu'ils ne correspondent pas à la qualité attendue, l'école doit-elle laisser la responsablilté aux parents de les rechercher eux-mêmes? Voilà bien des questions. Où en sommes-nous? V O L U M E 3 • N U M É R O 1 L'enseignement est-il toujours suffisant? S'il ne l'est pas, quels sont les services complémentaires essentiels pour favoriser la réussite scolaire des ÉHDAA? Ce type de service devrait viser à rejoindre les besoins des familles. Doivent-ils être gratuits ou une contribution parentale devrait-elle être exigée? Au niveau des ressources disponibles, comment situer, entre autres, les services sociaux, de pédopsychiatrie et d'orthophonie offerts par les centres hospitaliers, les CLSC et les centres jeunesse? Pour ce qui est de la déprofessionnalisation dans les écoles, croyons-nous vraiment que plus un problème est complexe, moins le personnel doit être qualifié? Comment expliquer, alors, qu'une formation de quatre ans soit exigée pour devenir enseignant et qu'une formation technique au collégial soit suffisante pour intervenir auprès des jeunes qui présentent les besoins les plus complexes? Peut-on affirmer, dans certains cas, être en présence d'un problème de qualité de l'enseignement? Est-ce l'enseignement et l'environnement scolaire qui sont quelques fois de mauvaise qualité ou est-ce les caractéristiques de l'élève qui sont en cause? Les jeunes en difficulté apprennent-ils mieux dans certaines écoles? Une amélioration de la qualité de l'enseignement pourrait-elle faire en sorte que certains de ces élèves cesseraient d'être identifiés comme ÉHDAA? 6 De nos jours, il y a une reconnaissance généralisée du besoin d'accentuer et de renforcer la collaboration avec les parents. Il y a aussi une tendance très nette à favoriser l'intégration des ÉHDAA dans les systèmes d'enseignement ordinaire et évaluer tous les types de services adaptés. En effet, les parents doivent être en mesure d'obtenir des réponses à des questions telles que «Combien de jeunes en difficulté de comportement qui ont fréquenté votre école spéciale ont complété leur secondaire?» Il importe de réitérer que le pourcentage d'intégration n'est pas considéré comme un indicateur valable en adaptation scolaire quant aux apprentissages réalisés et à l'insertion sociale d'un jeune. Il faut davantage se centrer sur des indicateurs tels que la réussite du secondaire, l'habileté à lire, la compétence pour utiliser sa pensée, développer de nouvelles habiletés, ainsi que les aptitudes pour occuper un emploi. Le redoublement à la maternelle et au primaire est fortement remis en question. Malgré tout, certains jeunes ont besoin de plus de temps pour atteindre les objectifs d'apprentissage et des solutions plus créatives que la reprise d'année devront être proposées. La transition au secondaire, quant à elle, doit faire l'objet d'une planification fine et sur mesure. Les parents doivent tenir compte des commentaires émis par les professionnels de l'école. Lorsqu'un parent entend «votre enfant n'est pas prêt, il sera en cheminement particulier temporaire l'an prochain», un travail en étroite collaboration avec les professionnels est de mise afin d'assurer un cheminement scolaire adéquat au jeune concerné. Il nous faut favoriser la réussite. Pour ce faire, il faut viser plus loin que l'intégration, c'est-à-dire se demander dans quelle mesure l'école contribue à instruire, à socialiser et à qualifier un élève. Il est préférable d'améliorer les services aux élèves à risque de manière continue et non catégorielle. Il faut aussi être proactif et non réactif. La plasticité développementale et un rapport coût-bénéfice extrêmement favorable soutiennent ces affirmations. La formation continue des enseignants doit être repensée puisque certains modèles ne fonctionnent pas. Pour ce faire, la formation initiale des enseignants doit être revue en ce qui concerne la façon d'adapter l'enseignement et le développement de la compétence sociale. Il est également fondamental de reconnaître expressément les parents comme de véritables partenaires et de faire de l'école la plaque tournante des services offerts aux jeunes et à leurs familles. Il est absolument nécessaire, dans cette optique, que les professionnels et les enseignants apprennent davantage à travailler en étroite collaboration avec les parents. Conclusion Si la réussite représente un but à atteindre, accepter d'en être en partie imputables est essentiel. Un droit de recours doit être instauré pour les jeunes et leurs parents lorsque les services éducatifs ne correspondent pas à la qualité attendue ou que les droits inaliénables d'un élève à l'éducation sont brimés. Il s'agit donc, pour les institutions d'enseignement, de reconnaître la nécessité d'un protecteur de l'élève ou d'un médiateur. Les orthopédagogues, les psychologues, les psychoéducateurs passent, mais les parents restent. C'est cette réalité qui doit guider notre collaboration avec les parents. • LE 8e CONGRÈS DE L’ASSOCIATION INTERNATIONALE DE FORMATION ET DE RECHERCHE EN ÉDUCATION FAMILIALE SE TIENDRA À SAINT-SAUVEUR-DES-MONTS, DU 18 AU 21 AVRIL PROCHAIN. Le programme provisoire prévoit cinq conférences, sept symposiums, et au-delà d’une centaine de communications. On peut se procurer toutes les informations pertinentes sur le site du Congrès au : http://congres8aifref.uqam.ca P R É S E N TAT I O N DEUXIÈME PARTIE MARIE-LYNE ROC, INTERVENANTE AU CLSC CÔTE-DES-NEIGES LA PRATIQUE AUPRÈS DES FAMILLES REVENDICATRICES AU STATUT DE RÉFUGIÉ Le présent article se veut surtout une illustration de notre pratique comme travailleuse sociale auprès des familles revendicatrices au statut de réfugié. À travers l’histoire de Mme B. et de sa famille, nous soulèverons certains des bouleversements, des difficultés et des changements que vivent les familles au cours du processus d’adaptation à la terre d’accueil et de l’intervention auprès de cette clientèle. LE CONTEXTE DE PRATIQUE : SARIMM Né il y a un peu plus de 45 ans et intégré au CLSC Côte-Des-Neiges depuis 1997, le Service d’Aide aux Réfugiés et aux Immigrants du Montréal Métropolitain (SARIMM) dessert une clientèle de nouveaux arrivants dont le statut est précaire et aux prises avec de graves difficultés souvent inhérentes à la migration. Composé de trois grandes équipes de travail (accueil, prise en charge à court terme et prise en charge à long terme), le SARIMM offre, plus précisément, des services d’évaluation, d’orientation, de référence, d’assistance, d’accompagnement, de représentation et de suivi psychosocial auprès des familles en situation de grande vulnérabilité, des mineurs non accompagnés de leurs parents, de personnes victimes ou témoins de la violence organisée (torture, viol). EXPÉRIENCE CLINIQUE AUPRÈS DES FAMILLES RÉFUGIÉES : LE CAS DE MME B. La référence et les données factuelles obtenues sur la famille Mme B. est originaire de la République démocratique du Congo. Âgée de 36 ans, elle est mère de six enfants âgés entre 18 et 8 ans. Elle arrive au Canada en décembre 1999 et revendique aux frontières le statut de réfugié. Sans argent, ne sachant où aller, elle et ses enfants sont orientés par les autorités de l’immigration au YMCA où, comme plusieurs requérants au statut de réfugié, ils seront hébergés jusqu’à ce qu’ils entament les démarches nécessaires pour s’installer au Canada en attente que l’on détermine si, effectivement, ils correspondent à la définition de réfugiés au sens de la Convention. Aidée des assistantes sociales du SARIMM au YMCA, Mme B. entreprend les démarches obligatoires : examen médical, rencontre avec l’avocat, présentation à MRCI (immigration du Québec), rencontre avec le bureau d’aide sociale et recherche d’appartement. La recherche d’appartement est particulièrement difficile, puisque non seulement Mme B. ne connaît pas la ville, mais aussi elle s’exprime difficilement en français pour discuter avec les propriétaires qui, quant à eux, se montrent fort réticents sinon s’objectent à louer un appartement à une mère monoparentale avec six enfants, nouvellement arrivée au Canada et bénéficiaire de la sécurité du revenu. Elle finit par dénicher un logement en banlieue de Montréal. Informée que le SARIMM offre une aide financière aux familles ayant plus de trois enfants, elle s’y présente afin de rencontrer une travailleuse sociale qui l’aidera à obtenir cette mesure de soutien. Mme B. nous est donc référée suite à sa rencontre avec une travailleuse sociale de l’accueil. Nous procédons à l’évaluation de sa situation afin d’identifier ses besoins et de déterminer des services à mettre à sa disposition pour lui venir en aide. ÉVALUATION PSYCHOSOCIALE L’histoire migratoire et personnelle de la famille Mme B. dit avoir fui le Congo par mesure de sécurité pour elle et ses enfants. Son mari était un militantiste qui s’opposait au régime en place. Après avoir été la cible de plusieurs menaces, son mari aurait été détenu puis exécuté par les militaires. Craignant pour sa vie et celle de ses enfants, Mme B., avec l’aide des membres de la famille élargie, arrive à vendre ses biens et à utiliser toutes ses économies pour obtenir des faux documents de voyage et fuir vers le Canada. Au pays, Mme B. était ménagère. Son mari était le pourvoyeur de la famille et voyait aux démarches administratives. Mariée à 17 ans, Mme B. s’en est toujours remise à son mari pour prendre les décisions importantes. Si elle voyait aux soins des enfants et au bon fonctionnement de la maisonnée, il en revenait surtout à son mari de voir à la discipline des enfants. Il était l’autorité reconnue par la famille. N U M É R O • V O L U M E Être parents en situation d’immigration 3 LA PREMIÈRE PARTIE TRAITÉE PAR LE DOCTEUR JEAN-FRANÇOIS SAUCIER A PARU DANS RECHERCHES SUR LA FAMILLE VOLUME 2 NUMÉRO 4 ET A FAIT L’OBJET D’UNE COMMUNICATION AU COLLOQUE SUR LES COMPÉTENCES PARENTALES TENU À TROIS-RIVIÈRES LE 27 OCTOBRE 2000. 1 7 La situation actuelle et les besoins présentés Mme B. se sent dépassée et se dit inquiète pour son avenir et celui des ses enfants. Elle se doit de se montrer forte, mais elle est souvent découragée et déprimée. Il y tant à faire, tant à connaître, à apprendre. Mme B. se doit de voir à toutes les démarches : inscription des enfants à l’école; rencontres avec l’avocat; assurer les besoins de la famille. Heureusement, elle peut compter sur les aînées pour l’aider, notamment sa fille de 18 ans qui, scolarisée, parle le français et semble plus facilement comprendre les codes et la subtilité de la langue. Mme B. s’en remet souvent à elle pour des conseils et prendre des décisions. Les besoins de Mme B. et de sa famille sont, à cette étape, surtout d’ordre primaire, la famille étant dans un registre de survie : installation, inscription des enfants à l’école, régularisation du statut d’immigration, familiarisation avec le nouveau milieu de vie. Les objectifs alors visés dans l’intervention vont dans ce sens : • soutenir et accompagner la famille à travers le processus d’intégration et de régularisation du statut d’immigration; • faciliter le processus d’établissement de la famille; • briser l’isolement de la famille; • soutenir la famille sur le plan financier avec une mesure d’aide financière du SARIMM. LE PROCESSUS D’INTERVENTION EN REGARD DU PROCESSUS D’INTÉGRATION DE LA FAMILLE Le passage du mode de survie au mode d’établissement : l’émergence de la problématique de l’adaptation différentielle Après sept mois au Canada, Mme B. a le sentiment que rien ne va plus. Ses filles de 16, 15 et 13 ans développent des comportements de plus en plus inquiétants : heures d’entrée et de sortie non respectées, ne font pas part de leurs allées et venues, se montrent de plus en P R É S E N TAT I O N SUITE DE LA PAGE 7 Être parents en situation d’immigration plus insolentes, n’écoutent plus ses conseils ni ceux de l’aînée, ont des comportements de promiscuité sexuelle et des fréquentations douteuses. Mme B. a le sentiment d’avoir perdu le contrôle. Elle se sent peu outillée pour encadrer ses filles dans un milieu qui lui est encore inconnu, dont elle ne maîtrise pas les codes, les moeurs et les coutumes. Elle tente de reprendre le contrôle en imposant des règles plus rigides. Parfois, par crainte d’être signalée à la DPJ comme l’en ont menacé ses filles à plusieurs reprises, elle démissionne laissant ses jeunes filles faire le choix de leurs désirs. De leur côté, ces dernières prennent goût à cette liberté encore nouvelle. Elles savent bien que leur mère est peu familière avec la vie au Canada. Elles manipulent souvent l’information ou utilisent les mensonges pour se dérober de l’autorité. En même temps, elles tentent de jongler avec leur identité, à la fois congolaise et québécoise. LA MÉDIATION FAMILIALE ET LA NÉGOCIATION D’UN NOUVEAU MODE DE FONCTIONNEMENT RESPECTUEUX DE L’HÉRITAGE CULTUREL ET DE LA RÉALITÉ ACTUELLE Afin d’aider Mme B. et ses enfants à traverser la crise et à trouver un mode de fonctionnement respectueux à la fois des valeurs culturelles et de la réalité nouvelle, nous avons exploré avec eux la situationproblème en la recadrant dans le contexte global de la migration. À cet effet, l’utilisation du génogramme a permis, tant à Mme B. qu’à ses enfants, de se raconter, de verbaliser sur les pertes, les changements et les nombreux deuils que tous avaient eu à faire face. Ce fut également une opportunité pour Mme B. de partager pour la première fois devant ses enfants ses inquiétudes, ses préoccupations mais aussi ses souhaits à travers le projet migratoire. Pour les enfants, l’exploration de l’histoire familiale et migratoire était une opportunité pour nommer les souffrances, particulièrement la perte du père et du réseau à travers la migration. Si ce recadrage nous a permis de situer et nommer les zones de fragilité de la famille, il a également mis en lumière les forces de Mme B. et de ses enfants, notamment leur capacité et leur courage à surmonter les difficultés et leur volonté commune de trouver les outils pouvant les aider à retrouver l’équilibre au sein de la famille. Un autre objectif visé dans nos rencontres avec la famille était de rétablir l’autorité parentale de Mme B. au sein de la famille. À cet effet, la valorisation de Madame dans son rôle et ses capacités parentales; la reconnaissance de son autorité auprès des enfants; l’information et la sensibilisation quant à la double identité culturelle des jeunes, le fonctionnement du système scolaire, les différentes lois; l’orientation de celle-ci vers des cours de francisation ont été autant de moyens pour aider la mère à retrouver son pouvoir comme parent et d’être davantage outillée pour offrir un encadrement adéquat aux enfants et de comprendre leur réalité propre. CONCLUSION Si le cas de Mme B. illustre les nombreux changements, les contraintes et les réajustements auxquels doivent faire face les familles en situation d’immigration, il démontre également les importantes forces qu’ont les individus à travers le processus de migration et d’adaptation. Trop souvent, l’intervention auprès de ces familles est centrée sur les zones de fragilité plutôt que sur ses capacités à trouver un nouvel équilibre. Le recadrage des situations dans le contexte global de la migration, la validation des sentiments éprouvés face aux changements vécus, la reconnaissance des capacités de chacun des membres de la famille sont autant de stratégies qui peuvent l’aider à comprendre sa situation actuelle et préserver ou maintenir son équilibre. C’est souvent à travers des interventions souples, ouvertes et créatives que nous pouvons découvrir et apprécier la richesse et le bagage des familles, avoir une compréhension plus juste de leur situation et les aider dans leur transition et leur redéfinition. • LE COLLOQUE «VISION DE LA FAMILLE» À Montréal s’est tenu les 1er et 2 février dernier le colloque "Visions de la famille". Ce colloque était organisé par une équipe de V O L U M E 3 • N U M É R O 1 recherche Partenariat famille, financée par le CQRS (Conseil québécois de la recherche sociale), et qui regroupe autant des 8 chercheurs universitaires que des chercheurs du milieu de la santé et des services sociaux ainsi que des intervenants communautaires. Riche en contenu, riche en débats, diversifié en termes de participants, voilà une initiative qui témoigne des rapports de plus en plus nombreux entre les chercheurs et les intervenants. On peut consulter les documents de ce colloque sur le site internet de l’équipe : (http://partenariat-familles.inrs-culture.uquebec.ca) P R É S E N TAT I O N CÉLINE MORAND, INTERVENANTE SOCIALE ET CO-CHERCHEURE EN INTERVENTION, CENTRE DE SANTÉ PORTNEUF, MISSION CLSC Les difficultés d’adaptation sociale et les problèmes de comportement chez les adolescents constituent une préoccupation importante de notre société, notamment en raison de leur impact sur les conditions de vie des jeunes. Plusieurs chercheurs ont souligné la nécessité de mettre en place, pour les jeunes qui manifestent des problèmes de comportement, des interventions globales qui impliquent directement les agents sociaux qui ont le plus d’impact sur la vie de ces jeunes. Cette recommandation vise particulièrement les parents qui sont les personnes les plus engagées dans un soutien à long terme des jeunes en difficulté. Il est pourtant surprenant que l’effet du soutien parental sur l’efficacité des programmes d’entraînement aux habiletés sociales ait fait l’objet de si peu d’études bien contrôlées, alors qu’il est plausible qu’une partie des problèmes de maintien et de généralisation des apprentissages réalisés par des jeunes en difficulté de comportement provienne d’un manque de soutien explicite des parents. facteurs suivants : un enfant difficile, des habiletés parentales faibles ou marginales ou des parents dépassés par des circonstances extérieures difficiles (chômage, séparation, conflit conjugal, alcoolisme ou dépression). Dans les familles où les compétences parentales sont plus déficitaires, on assiste à la transmission de valeurs de croyances et de normes qui expliquent des lacunes éducatives sur le plan de l’encadrement, de la connaissance et de la réponse aux divers besoins de développement de l’enfant. L’influence parentale, entre autres le style et les pratiques parentales, est ciblée par des recherchistes comme des variables déterminantes dans la réussite scolaire. D’ailleurs, à titre d’illustration, on observe que dans la moitié des familles où l’on intervient à la suite d’abus physiques ou de négligence grave, un enfant présentera plus tard des troubles de comportement ou des problèmes de délinquance. Dans de tels contextes, l’association entre le développement de problèmes de comportement et certaines variables familiales ne fait pas de doute. forces dans l’adversité avec le plus de ressources possible». La typologie suivante nous sert d’indicateurs pour l’identification des familles résiliantes. CARACTÉRISTIQUES RÉSILIANTES Facteurs de protection • les croyances du système familial : capacité de faire face à l’adversité; regard extérieur positif, transcendance et spiritualité; • l’organisation des modèles familiaux : flexibilité, connectivité, ressources économiques et sociales; • le processus de communication : clarté, ouverture à l’expression des émotions, collaboration à la résolution des problèmes; • une bonne relation entre le parent et l’enfant (discipline, communication, acceptation des différences); • le maintien d’un rituel familial; L’action auprès des parents et des intervenants scolaires, de même que sur le mésosystème famille-école, devient nécessaire afin d’améliorer les contacts entre ces deux microsystèmes, la qualité des relations entre ces deux systèmes étant un facteur important de la réussite de l’élève. • la confrontation proactive dans la résolution des problèmes. Les travaux confirment ce que nous avions identifié depuis quelques années, soit l’importance de la dynamique familiale dans l’apparition des comportements difficiles et le besoin de plusieurs parents d’être mieux outillés pour y faire face. De plus, ce modèle explicatif corrobore ce que nous percevions, à savoir l’intérêt d’une concertation avec l’école pour favoriser une modification de comportement chez le jeune. De notre expérience clinique ainsi que dans la littérature, nous avons été à même d’observer que les familles se distinguent les unes des autres de par leurs facteurs de protection et pour tous leurs membres. Nous les retrouvons donc regroupés dans le tableau suivant à partir d’une gamme d’auteurs provenant du secteur professionnel/recherche. En résumé, les familles sont des réseaux sociaux où les membres sont liés affectivement et exercent les uns et les autres un contrôle mutuel. Cette approche est de rassembler les principaux membres de la famille ayant des difficultés parents-adolescents de dimension clinique et de cheminer vers la résolution des problèmes identifiés. L’approche diversifiée par l’identification des familles fait partie des indicateurs de succès pour l’intervention. Cette étape préalable au processus d’intervention vous guidera concernant les stratégies d’intervention à privilégier en fonction des types de familles. L’apparition, l’augmentation et le maintien de conduites antisociales constituent un processus qui est enclenché par la combinaison des Dans le cadre de notre programme, nous adoptons la définition de la famille résiliante comme étant «la capacité à rebondir avec les Dans cette première phase, où les parents et les adolescents en rencontres familiales prennent conscience de leurs difficultés, nous procédons à l’identification de leurs forces pour créer l’ouverture au changement lorsqu’ils procèdent à la cueillette des données pour constituer l’histoire de la famille afin de trouver des domaines où les membres ont atteint un certain degré de réussite. L’angle de changement sera perçu 10 Au Québec, depuis quelques années, nous avons mené des travaux de recherche sur l’intervention en milieu scolaire auprès d’adolescents présentant des troubles du comportement. Rapidement, nous en sommes venus à inclure l’entraînement aux habiletés sociales dans nos plans de recherche. Dans le but d’accroître la généralisation et le maintien des acquis, nous recherchions l’implication des agents d’éducation de l’école, de même que celle des parents des adolescents visés. • le minimum de conflits durant l’enfance; • l’absence de divorce durant l’adolescence; N U M É R O • 3 L’intervention positive et concertée : une approche en devenir pour une famille ayant un jeune en difficulté de comportements V O L U M E COMMUNICATION FAITE AU COLLOQUE SUR LES COMPÉTENCES PARENTALES TENU À TROIS-RIVIÈRES LE 27 OCTOBRE 2000 1 9 P R É S E N TAT I O N SUITE DE LA PAGE 9 L’intervention positive et concertée : une approche en devenir pour une famille ayant un jeune en difficulté de comportements positivement, c’est-à-dire leur compétence à faire des choix qui sont bons pour eux. Nous pouvons procéder à ce moment au consensus familial. Ce premier aspect est un contrat d’entente mutuelle qui mobilise positivement les membres de la famille. Selon une perspective systémique, nous savons que la famille est un système structuré où chaque membre possède sa place hiérarchique et exerce une influence affective pour favoriser ou non le changement. Il faut alors obtenir un consensus sur la trajectoire de réussite contenant les alternatives de changement. Cette première partie du programme ne peut s’effectuer que dans l’intimité d’un partage familial, qui est, selon nous, une force du programme. supportés et stimulés dans leurs apprentissages par leurs pairs puisqu’ils ne sont pas à leur première expérience sans échecs; la négociation des conflits et le mode de communication des membres, ces éléments étant très souvent une source de problème avec un adolescent en difficulté de comportement. La seconde étape du modèle se veut facultative, selon le besoin de chaque famille. Elle vise la consolidation des habiletés dans la négociation des conflits et leur mode de communication. Ainsi, l’adolescence est une étape de vie où le jeune a un besoin d’autonomie, de distanciation de ses parents et d’appartenance à un groupe de pairs. En ce qui concerne les parents, ils ont besoin, avec un jeune en difficulté de comportement, d’être PROGRAMME P.E.C. (En préparation) (Pratiquer ensemble nos compétences) Habiletés parentales Habiletés sociales pour les adolescents V O L U M E 3 • N U M É R O 1 Volet familial 10 Volet groupe Volet groupe Maintien des acquis Collaboration école – famille – CLSC – CJ RECENSION 11 N U M É R O 1 Cultures et paternités NATHALIE DYKE ET JEAN-FRANÇOIS SAUCIER Publié à l’été 2000 dans la collection Pluriethnicité/Santé/Problèmes sociaux des Éditions Saint-Martin, Cultures et paternités est un petit ouvrage intéressant à plus d’un égard. De manière accessible, le livre rend compte d’une recherche exemplaire effectuée à la demande du CLSC Côte-des-Neiges auprès de couples provenant de différentes aires culturelles et vivant une grossesse au Québec. En fait, le lecteur y verra une bonne illustration de ce que les sciences sociales ont de mieux à offrir en recherche appliquée dans le domaine de la santé et des services sociaux. L’arrimage qui s’effectue depuis plusieurs années entre la recherche universitaire et les besoins des organisations et des intervenants se concrétise ici en une recherche exploratoire qualitative qui apporte un éclairage nouveau dans l’appréhension de l’immigration, de la famille et de la santé au Québec. En somme, un triplé des enjeux sociétaux de la dernière décennie. Le devenir père Le sujet de la recherche reposait sur les représentations de la paternité chez des couples appartenant à trois groupes ethnoculturels. Il s’agissait de mieux connaître les caractéristiques de la paternité en cours «parmi trois modèles culturels» et de comprendre comment ces modèles culturels «influencent l’exercice de la paternité chez les hommes en situation d’immigration». Les réponses obtenues à ces questions permettraient selon les auteurs de la recherche de «recadrer» la conception de l’intervention pour les pères dans un contexte de pluralité culturelle. Des entrevues en profondeur ont été effectuées auprès de pères et de mères haïtiens, vietnamiens et québécois au sixième mois de grossesse de la mère et quatre mois après la naissance de l’enfant. Le moment de la grossesse a été choisi comme événement pivot pour la sélection des couples parce qu’il introduit la question de la redéfinition des rôles parentaux et aussi, parce qu’à cette occasion le CLSC offre un encadrement et répond à de nombreuses demandes d’aide de la part des parents. Au total 36 couples ont participé à l’enquête de type ethnométhodologique (grille d’entrevue semistructurée). Les entrevues ont été réalisées par des assistants de même origine ethnoculturelle, de même sexe que le répondant et parlant la langue d’origine des couples. L’intérêt de l’ouvrage se trouve concentré aux chapitres 3 et 4 qui passent en revue les réponses des informateurs aux questions concernant les dimensions reliées à la grossesse et à l'insertion sociale de l’enfant à naître : le désir d’enfant, les préférences de sexe, les nom et prénom, la période de la grossesse, l’accouchement, la période postnatale, les projets pour l’enfant, les rôles de père et de mère, le modèle perçu de père idéal (et sa concrétisation chez un proche) ainsi que les écueils rencontrés dans l'actualisation du rôle de père après la naissance. La paternité n’est pas une île En paraphrasant Renée B.-Dandurand1, on peut dire que les résultats de cette enquête indiquent une avenue aux intervenants sociaux et médicaux : la paternité n’est pas une île et c’est davantage l’insertion sociale des familles immigrantes et des familles québécoises, insertion stable et significative des deux partenaires, qui influence positivement l’accomplissement du rôle de père, son engagement auprès du nouveau-né et dans la famille, plutôt qu’un modèle culturel de père plus ou moins bien défini. Que disent ces pères et ces mères ? Et bien, que l’identification à un modèle de père idéal est une véritable construction sociale. Au départ, elle puise ses sources dans les modèles culturels des sociétés d’appartenance. Si cela est particulièrement vrai pour les familles immigrantes (arrivées au Québec depuis moins de 15 ans pour les fins de l'étude) pour qui les modèles de paternité sont plus clairement définis et orientés, il l’est aussi pour les couples québécois. À ce point de départ cependant, s’ajoute la nécessaire adaptation aux conditions sociales que rencontrent les familles dans leur existence et leur mode de vie québécois. Il est remarquable que les auteurs aient résisté à la tentation de comparer les familles immigrantes aux familles québécoises. Ce qui ressort plutôt de l'analyse, ce sont les difficultés d'adéquation entre le rôle réel et le rôle prescrit pour les pères de chacun des groupes ethnoculturels, en référence à leurs propres normes d'une paternité adéquate. Ajoutons cependant, comme cela avait été soulevé dans d'autres enquêtes portant sur plusieurs groupes culturels, que les familles immigrantes tendent à rejeter le modèle de père québécois tel qu'ils le perçoivent dans la société québécoise contemporaine. Dans le dernier chapitre de l'ouvrage, les auteurs examinent à partir de leurs résultats de recherche, quels devraient être les enjeux d'une intervention du système de santé en période périnatale auprès des pères immigrants. Ils en viennent à la conclusion que les parents, immigrants comme non immigrants, recherchent fondamentalement une condition familiale satisfaisante. «Ce qui rend la tâche laborieuse pour les familles immigrantes, alors qu'hommes et femmes essaient d'atteindre ce difficile but, c'est l'adaptation à leur nouveau contexte socioculturel. Par conséquent, il est impérieux de faire attention de ne pas attribuer à la culture ou à l'ethnicité des problèmes qui relèvent, d'une part, de l'adaptation à la parentalité et, d'autre part, à l'acculturation.» (p. 128). Il ne serait donc pas souhaitable de concevoir un programme d'intervention différent pour les pères immigrants des pères québécois. Enfin, les auteurs soulèvent avec justesse le préjugé qui fonde bien des interventions destinées aux pères, selon lequel leur compétence parentale est inadéquate (ils sont passifs, ne s'engagent pas assez, sont moins compétents que les femmes…). LECTRICE : MARIE-THÉRÈSE LACOURSE PROFESSEURE CÉGEP FRANÇOIS-XAVIER-GARNEAU 1 Du titre de l’article de B.-Dandurand, «La famille n’est pas une île» dans Le Québec en jeu, sous la direction de Gérard Daigle, Montréal, IQRC/PUM, 1992. APPEL DE COMMUNICATIONS POUR LE SIXIÈME SYMPOSIUM DE RECHERCHE SUR LA FAMILLE TROIS-RIVIERES, er 1 - 2 NOVEMBRE 2001 On peut obtenir des informations sur l’appel de texte et télécharger le formulaire sur le site Internet du Conseil au : http://www.uqtr.uquebec.ca/cdrfq/ V O L U M E 3 • MONTRÉAL, ÉDITIONS SAINT-MARTIN, 2000, 143 P. Bourse de recherche de doctorat sur le thème de la famille CONCOURS 2001 est le bulletin de liaison du Conseil de développement de la recherche sur la famille du Québec. Le Conseil a pour mission de promouvoir la recherche sur la famille et de contribuer à la Une fois par année, le Conseil de développement de la recherche sur la famille du Québec offre une bourse de recherche de 5 000 $ à une étudiante ou à un étudiant dont le sujet de recherche pour la thèse de doctorat porte sur la famille. La bourse est remise à la fin d’octobre à l’occasion du colloque ou du symposium de recherche sur la famille. diffusion et à la mise en application de ses résultats dans les milieux de pratique. Le bulletin est publié trois fois par année et le prix de l’abonnement est de 15 $ pour trois CONDITIONS D’ADMISSION ➔ être citoyen canadien, ➔ être effectivement inscrit dans une université, ➔ avoir un sujet de thèse de doctorat officiellement accepté, ➔ avoir un directeur ou une directrice de thèse formellement désigné(e). numéros. La reproduction de son contenu est autorisée pourvu que la source soit mentionnée. Les articles signés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Éditeur Conseil de développement de la recherche Faire parvenir les documents suivants à l’adresse mentionnée ci-dessous : sur la famille du Québec 1455, boulevard du Carmel, Trois-Rivières ➔ une preuve de citoyenneté canadienne, ➔ une preuve d’inscription dans un programme de doctorat d’une université, ➔ une attestation de l’acceptation officielle du projet de recherche par le ou la responsable du programme, ➔ la description du sujet de la recherche pour la thèse incluant le titre, un résumé de la problématique, du cadre théorique et de la méthodologie, un exposé des retombées potentielles pour l’avancement de la pratique ou de la politique concernant la famille, l’échéancier de réalisation, l’état d’avancement des travaux et le nom du directeur ou de la directrice (maximum 5 pages), ➔ un curriculum vitae (maximum 2 pages), ➔ la lettre d’appui du directeur ou de la directrice de recherche, ➔ un relevé des notes obtenues à la maîtrise et au doctorat, ➔ les coordonnées complètes de l’étudiant ou de l’étudiante. (Québec) G8Z 3R7 Comité de rédaction Carl Lacharité, responsable du comité scientifique Ruth Laliberté Marchand, membre du conseil d’administration Marie-Thérèse Lacourse, professeure, CEGEP Garneau Gilles Pronovost, directeur général du CDRFQ Graphisme Lucile Baril DATE LIMITE Imprimerie Imprimerie Trifluvienne V O L U M E 3 • N U M É R O 1 Les personnes intéressées sont invitées à faire parvenir la documentation pertinente au plus tard le 15 août 2001 en 11 exemplaires, à l’attention de : 12 Monsieur Gilles Pronovost, directeur général Conseil de développement de la recherche sur la famille du Québec 1455, boulevard du Carmel Trois-Rivières (Québec) G8Z 3R7 Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec Téléphone : (819) 373-3300 Télécopieur : (819) 373-3946 Bibliothèque nationale du Canada ISSN : 1481-0271