La cerise sur le gâteau - e
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La cerise sur le gâteau - e
LaureElisac Lacerisesurlegâteau ©2011LaureElisac.Tousdroitsréservés. AutoeditionNovembre2011 Couverture:WilliamB ISBN978-1-4709-1077-8 Résuméduroman: DanslabanlieuenorddeLondres,MalcolmHurstestàl’apogéedesacarrière,maisiln’apersonne avecquipartagersaréussite.Sonépousel’aquitté,sesenfantssepassenttrèsbiendeluietsesamis… ena-t-iljamaiseu?Pourl’aideràsortirdecechaos,safemmeaengagéunecuisinière,unejeune françaiseaucaractèrebientrempé,suffisammentpourluitenirtêteetluiredonnergoûtàlavie… AChrystelle,pourtousnosfousrires… Chapitre1:Naufrage Ilouvritlesyeuxmalgrélui.Lalumièredujourfiltraitàtraverslesrideauxmaltirésdelachambre. Unelumièredoréedemilieudematinée.Sespaupièressemblaientpeserunetonne,commelajournée quis’annonçait.Depuisquesafemmel’avaitquitté,s’extirperdulitétaitunvéritablecalvaire.Ilse sentait comme un escargot sans coquille. Toutes ces années il l’avait traitée comme un accessoire, considérantsesretoursàlamaisoncommedespausesentredeuxtournages.Aujourd’huiilréalisait qu’ilavaitsous-estimélaplacequ’elletenaitdanssavie.Elleétaitsonpilier,sonpublicassuré.Sans elle,quiallaitluidonnerl’impressiond’êtreenvie? Unbruitsourdattirasonattentionetluirappelalaraisondesonréveil.Quelqu’unouvraitetfermait les portes des placards dans la cuisine. Ce n’était pas les sons habituels de Gloria, la femme de ménage,etd’ailleurs,cen’étaitpassonjour,ellenetravaillaitpaslemercredi. Ilétaitrentrédanslanuit,épuisé,aprèsunesemainedetravailétourdissanteenItalie.Ilavaitenchaîné interview sur interview, faisant semblant de vivre une vie de rêve. Avait-il mal fermé la porte d’entrée?Iln’étaitpasseulementrentréépuisé,ilavaitaussiunpeuforcésurleChampagneoffert dansl’avion.Ilsoupira.Ilnemanquaitplusqueça!Etluiquipensaitquesavienepouvaitpasêtre pire!Soninstinctdepropriétéeutraisondesonindolence.Ils’extirpadesonlitetattrapasonvieux caleçonjetélaveilleaupieddulit.Ilcherchaquelquechosequipourraitfaireofficed’armes’ilavait àsedéfendre.Ilavaithorreurdesarmesàfeu.C’estalorsqu’illevit,posé,surl’étagère,àcôtéde l’écrandeTVgéant:sonOscar!Illuiavaitsansdoutecoûtésonmariage,ilpouvaitbienluirendre ceservice,sedit-il,sarcastique.Ilsaisitlastatuetteétonnammentlourdeetsortitdesachambresans fairedebruits. Delamezzaninequicourraitlelongdeschambresilavaitunevueimprenablesurlesalon.Ilétait vide.L’intrusétaitdoncbiendanslacuisine,situéejusteendessousdelui.Ilavançaitsilencieusement, piedsnussurlamoquetteépaisse.Safemme,italienne,étaitfascinéeparlamoquetteanglaise,elleen auraitmisjusquedanslacuisines’ill’avaitécoutée!Lesmarchesdel’escalierenboissemontrèrent moins coopératives et commencèrent à craquer sous son poids. Il s’arrêta un instant puis reprit sa descente.Lesalonétaitunegrandepiècequicommuniquaitenpartieaveclacuisine.Ilhésitaentre contourner l’escalier pour faire irruption par la salle à manger, ou avancer jusqu’à la partie communeetprendrel’intrusdeface.Ilsedécidapourlereversetpivotapourcontournerl’escalier. C’estalorsqu’iltombanezànezavecunepetitebonnefemmeblondeéchevelée.Encoreplussurprise queluiellepoussauncrietlaissatomberlevaseenverredeMuranoqu’elleportaitàdeuxmains.Il eutjusteletempsdereculerenjurantpouréviterleséclatscoupantssursespieds.Unefanfétichiste, ilnemanquaitplusqueça!Ilregardaautourdeluipourcomprendrecommentelleétaitentrée. - Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous fabriquez chez moi bon sang ! lui dit-il agacé tandis qu’elle reprenaitsarespiration,unemaincontresapoitrine. Elle jeta un œil à son caleçon qui comme lui avait sans doute connu des jours meilleurs et il prit soudain conscience qu’il était quasiment nu et qu'il offrait un piteux tableau. Il avait horreur d’être prisparsurprise.Samauvaisehumeurredoubla. -Désoléepourlevase,jenevousattendaisquedemain.Ellesebaissapourramasserlesmorceaux, puisréalisantqu’elleavaitoubliéunepartiedesprésentationselleserelevaensouriant.Elleétaitplus jeunequ’iln’avaitpensé.Elleluitenditlamainetajouta: -Jem’appelleAlineRivière,j’aiétéengagéeparvotrefemmepourgérerl’intendancedelamaison aprèsson…sondépart. Ilsesentitridicule,etplusnuquejamais.Iltenditsamaindroite,maiselleétaitencoreserréeautour desastatuette.Elleétouffaunriregêné.Ilhésita,changealastatuettedemainetfinalementtournales talonssansprévenirpourremonterdanssachambre. -Jesuisrentréplustôtqueprévu.Faites-moiuncafé.Noir!Maugréa-t-ilduhautdesescalierssansse retourner. Ellelaissaretombersamaindanslevideethaussalesépaules. Il réapparut 15 minutes plus tard, douché et habillé. Ses cheveux châtains retombaient en mèches humides sur son front haut. Il avait passé une chemise propre et repassée mais n’avait pas pris la peinedeseraser.Ilétaitdrôlementblancpourquelqu’unquirentraitd’Italiemaisvul’accueilglacial qu’illuiavaitréservéellen’osapasluiposerplusdequestions. Elleavaitdressélatablepourlepetitdéjeunermaisilsemblahésiter.Finalementilpritlatasseàcafé etrestadeboutpourenavalerunegorgée.Ilgrimaça.C’étaitlepirecaféjamaisbudesavie.Ilreposa latasseets’approchadel’îlotprèsduquelelleétaitentraindetravailler. Elleseretourna,unecasseroleàlamain. -Jenesavaispascequevousvouliezmangeralorsj’aifaitduporridge. Ilhaussalessourcils,surpris. -Duporridge?Jen’enaipasmangédepuismes10ans.Oùest-cequevousavezapprisàcuisiner, dansunromandeDickens? -Etbien,répliqua-t-ellesèchement,jevousauraisbienfaitdestoastspourlesdurs,maisjen’aipas encorefaittouteslescourses. -Vousavezunaccentdit-ilpourchangerdesujet,d’oùest-cequeçavient?DeFrance? - Gagné ! Et sans rien ajouter elle versa le porridge dans un bol. Il est déjà sucré mais si vous en voulezplus…ellefitmined’allerchercherlasucrièresurlatablederrièrelui.Ill’arrêtad’ungestede lamain. - Laissez, je vais me débrouiller. Et il se décida à aller s’asseoir à la table à manger. De mauvaise humeur,ilavaitdécidéqu’uncafé,mêmeimbuvablesuffiraitàsasurviemaisleporridgedégageait uneirrésistibleodeurdecannelleetdevanille. Lajeunefemme,penchéesurl’évier,lavaitméticuleusementlacasserole.Elleportaitundébardeur blanc et un vieux short en jean, dans lequel ses jambes semblaient flotter comme celles d’un adolescentprépubère.Sescheveuxblondsétaientattachésdansunsemblantdechignonquisemblait teniravec…nonilnerêvait,avecunstyloàbille! Contrariéparcetteintrusiondanssaviedenaufragéilplantaunecuillèredanslegruauetouvritle journal qu’elle avait aimablement posé à côté de sa tasse. Il cherchait avant tout à se donner une contenanceletempsdes’éclaircirlesidées. Il ne supportait pas la solitude de la maison sans sa femme, mais il supportait encore moins la présencedecetteétrangèrequiavaitl’airdemieuxconnaîtreleslieuxquelui.Ilreposalejournal, agacé, et avala une cuillère de porridge. La vanille se révéla suavement dans sa bouche comme un nuagefondant,suiviparl’arômesubtildelacannelle.Elleavaitégalementajoutéquelquesgrainsde raisindeSmyrnedontlapointeaciduléeempêchaitlesucred’envahirtoutlepalais.Unefractionde secondeiloubliaqu’ilétaitmaltourné.Aumoins,toutcebazaravaitréussiàlefairesortirdulitet prendreunedouche.Leproblème,c’estqu’iln’avaitrienàfairedesajournée.Ilnedevaitrentrerque demain du festival et son agent était resté sur place. Cela faisait plus d’un mois qu’il tournait en Europepourlapromotiondesonfilmetcommed’habitude,ils’étaitunpeucoupédesesamis.C’est Allegra qui était censée faire le lien, entretenir les relations humaines. Sans elle il était comme un bateau sans amarres. Il sourit intérieurement de cet élan lyrique. Au moins il n’avait pas perdu son sensdel’autodérision. -Est-cequejedoispréparerquelquechosepourmidi?luidemanda-elleens’essuyantlesmains. Ilrepritsonjournalpournepasavoiràcroisersonregardetbougonnaunnonirrité. Ilregrettaitdéjàcemouvementd’humeurmaisenmêmetempsilnesupportaitpascerappeldelavie quotidienne.Iln’étaitdéjàpascapabled’envisagerles5minutessuivantesalorscequ’ilallaitfaire dansdeuxheures!Detoutesfaçonsiln’avaitpasenviedesenourrir,iln’avaitpasenviedesefaire plaisiraveccetincroyableporridge,ilavaitjusteenviedepassersamauvaisehumeursurquelqu’un. - Est-ce que vous avez d’autres fonctions à part me nourrir de bouillie pour bébé ? ajouta-t-il en pliantlentementsonjournal. Excédée,elleposalesmainsàplatsurl’îlotetletoisaduregard. Lagarce,sedit-il,elleprofitedufaitquejesuisassis,sij’étaisdeboutellenem’arriveraitpasplus hautquelapoitrine. - Votre petit déjeuner sera prêt tous les matins à 9 heures, si vous vous levez plus tard il faudra le réchauffer,pareilpourledéjeunerà13h.Repasfroidlesoir.Jem’occupedegérerGloriaetMrSari pour la piscine et le jardin. Je ramasse le journal le matin et je fais également les courses. Je vais d’ailleursmanquerdeliquide,j’aidépensétoutcequem’avaitlaissévotrefemme. Ilouvritlabouchepourprotestermaiselleenchaîna. -Meshorairessont8h30-14h.Endehorsdecelajenesuispasdisponibleetjen’aipasdecomptesà vousrendre. -Etsi… -Jelogedanslebungalowdesinvitésetj’ailajouissancedelapiscine. -Maisqui… - C’est votre femme qui paie mon salaire depuis mon arrivée la semaine dernière et jusque dans 6 mois.Après,nousrediscuteronsdemoncontrat. -Monex-femme. -Votreex-femme. Ilsseregardèrentenchiendefaïence. -Etjenefaispasdecafé. Ilhaussalessourcilsetgrimaçaunsourireironiqueenmontrantlatassesurlatable: -J’avaisremarqué! Ildépliasonmètre90etcommençaàtâterlespochesdesonpantalon. -Combienvousfaut-il? -200Livres.répondit-elleenluitendantleportefeuillequ’ilcherchait. -Ilétaitparterredanslesalon.ajouta-t-elleenréponseàsonfroncementdesourcil. Malcolmpassaunegrandepartiedelajournéeàl’extérieur.Enfin,àl’extérieur,façondeparler.En routepourLondresils’arrêtadevantlepremiercinémaqu’ilcroisaàCamdenetenchaînadeuxfilms d’affilée.D’abordunecomédie,plutôtréussie.Entouslescas,lesautresspectateursavaientbeaucoup ri.Etunfilmtotalementnavrantsurlesaffresd’unfuturmariéquinesaitpascequ’ilveutetquifinit pascoucheraveclademoiselled’honneur,anciennemaîtresselesbiennedesafuturefemme!C’était toujours agréable pour lui de voir un mauvais film. « Encore un auquel j’aurai échappé ! » se félicitait-il.Maiscettefoislavictoireétaitamère,commetoussesplaisirsdepuisledépartd’Allegra. En milieu d’après-midi, poussé par la faim il quitta la salle obscure et traîna dans le quartier à la recherche d’un Fish and chips. Il ne voulait pas se retrouver sur les artères principales trop fréquentéescequilelimitaitfortement.Ilerraitdanslapartierésidentielleavecseslonguesbarres d’appartementsenbriquerouge.Beaucoupdevoituresmaispeudepassantsàcetteheuredel’aprèsmidi.Ilavaitmisseslunettesdesoleiletsondébutdebarbesuffisaitengénéralàlerendrepresque invisible.IlrestaitsatailleetsonaccentdesCornouaillesmaisilavaitapprisàmodulercedernierau gré de ses films et s’il était grand, beaucoup d’anglais l’étaient aussi. Il poussa la porte d’un pub. Plutôtdangereuxvusonétatd’humeur.Lacélébritél’avaitrenduméfiantdeslieuxalcoolisés.Surtout cesdernièresannéesavectouscestéléphoneséquipésd’appareilsphotooudecaméra.Unfauxpas pouvait le conduire directement sur les premières pages des tabloïds et il avait développé une méfianceprochedelaparanoïapourtoutcequiconcernaitleslieuxpublics. C’étaitdonciciquesecachaitlerestedelapopulation!sedit-ilsarcastiqueenbalayantlasalledu regard. Trois hommes bedonnants accrochés au bar, un couple de jeunes lycéens en uniformes bordeaux sur la banquette à droite de la porte, et deux autres hommes d’un âge mûr, les joues couperoséesàgauche.Ilcommandaunebièreetunpaquetdechipsauvinaigrepuiss’installaprèsde ces derniers mais en prenant soin de tourner le dos à la salle. Une petite astuce pour éviter d’être reconnu. Illevalesyeuxverslescarreauxopaquesdelavitre,degroscarreauxjaunesetépais,commedans lesusinesdeManchester.Laisserfiltrerlalumière,maissansêtrevudel’extérieur,toutel’histoirede savie.Passersontempsàjouerdesrôles,puisunefoisrevenuàlavienormalecontinueràposer.Ne jamaisrienmontrer.C’esttoutesaviequiétaituneimposture.Quandiln’étaitpasdevantlescaméras ilendossaittoutsimplementunautrerôle,uneimagedemarque,unproduitdeconsommation.Mais quiétait-ilvraiment?Quesavait-ildesesdésirsetdesesaspirationsprofondes?Ilavalalepaquetde chipsenquelquesminutes,sansmêmelesgoûter.Ilessayaitdeserappelerlejeunehommequ’ilavait été,quandilavaitl’âgedesonfils,Ben.Avantlesuccèsetlacélébrité.Acetteépoquedéjàilaimait jouerlacomédie,fairesemblant.Fairesemblant!Ilétouffaunricanement.Maisilaimaitaussiécrire. Dessketchscomiques.Ilétaitplutôtbond’ailleurs.AuDramaCenterentredeuxpiècesclassiquesil lesmettaitdéjàenscèneavecGerry.Maissonphysiquearistocratiqueetsonairnaturellementguindé, satailleetsestraitsréguliersl’avaientamenéàincarnerdesrôlessérieuxouromantiques.Gerrys’en étaitmieuxsortiqueluidecepointdevue-là.Finalementilétaitmoinsbeauqueluimaissoncharme etsagouailleluipermettaientd’incarnerencoreaujourd’huidesrôlescomiques.Acetteépoqueilsse voyaienttouslesdeuxcommelesdignessuccesseursdesMonthyPython.Ilréalisasoudainqueses doigtsneramassaientplusquedesmiettesdanssonpaquetdechips.Ilterminasabièred’unetraite,se levaetquittaleslieuxsansseretourner.Ileutsoudainenviederentreràlamaison. Bienentendu,elleétaitvide.Ilavaitl’impressiond’entrerdansunappartementtémoin.Contrelemur, prèsdel’entrée,lepianodesafillelaisséàl’abandon.Adroitedeuxgrandesfenêtresencadraientla cheminée. En face d’elle et sur les côtés trois immenses canapés en cuir brun. Vides. A gauche, la cuisine un peu plus vivante avec ses grandes baies vitrées orientées Sud-Ouest. Il s’approcha de la cloisonquiséparaitlesalondurestedelacuisine.Troisétagèrescouvertesdelivres,etsurlemur, des photos. Toute sa vie étalée sous ses yeux comme des antisèches familiales. Les plus récentes avaientétéprisesparAllegra,elleadoraitlaphoto.Ilregardacesmomentsdeviedontilsesentait absent. Ce gâteau d’anniversaire pour les 12 ans de Stella, qui l’avait choisi ? Ce pyjama sur son cadet,d’oùsortait-il?Undétaillefrappasoudain.Surlaplupartdesphotossesenfantsousafemme se tenaient souvent par le bras, le cou ou la taille. Mais pas lui. Il se tenait toujours posté plus ou moinsaumilieud’eux,épaulescontreépaules,maissesbrasn’entouraientpersonne.Sesyeux,son sourireavaientl’airjoyeuxmaisenfaitilétaitposélà,commeunjolibarildelessive.Est-cequ’il avaittoujoursétécommeça?Absentàsaproprevie? Laportedelabuanderiequidonnaitsurlacourclaqua.L’intendanteapparutànouveauderrièreles escaliersmaissanscriercettefois.Elleportaitlesmêmesvêtementsnégligésmaisonpouvaitvoir les lanières d’un maillot de bain vert pomme dépasser du col de son débardeur. Ses tongs lui donnaientunedémarchenonchalantequinecorrespondaitpasàsontonénergique. - J’ai affiché les menus de la semaine sur le frigidaire. Vous pouvez ajouter ce qui vous plaît ou corrigeràvotreconvenance.J’aijustebesoind’êtreprévenuesuffisammentàl’avancepourfaireles coursesenconséquence. -Etsijeveuxducafé?railla-t-il - Vous pouvez vous le faire, ou aller dans un bar. Je ne suis pas payée pour vous empoisonner. La caféineestmauvaisepourlecœuretlecafédonnemauvaisehaleine. Aussitôtilfermalaboucheetcontinuaàrespirerparlenez. - Ah, et j’oubliais, ajouta-t-elle, si vous souhaitez recevoir des amis c’est possible, mais je vous demandedemeprévenir48hàl’avance,pourquejem’organise. Ellesemblaattendreunsignedesapart,etilréalisaqu’ilétaitcensédirequelquechose,maiscomme cematinilsesentaitdésarmé. Il marmonna une espèce de oui qui faisait office de validation et fit mine de monter les premières marchesdel’escalierpourqu’elles’enaille.Ellecompritlemessageettournaledossansunmot. Ilredescenditlesdeuxmarchesetattenditleclaquementdelaporte,puisilsedirigeaverslebardu salon. Il trouva immédiatement ce qu’il cherchait. Vodka ! Il prit une bouteille et un verre pour la formeetmontarejoindresachambrependantqu’iltenaitencoresursesjambes. Chapitre2:Tempête Quelqu’unjouaitauping-pongdanssatête.Cen’étaitpasdésagréable,commesilaballerebondissait enrythmecontrelesparoisdesoncrâne.Maislejoueurinsistaitetfrappaitdeplusenplusfort.Il voulut ouvrir les yeux mais la lumière lui brûla la cornée. Le ping-pong avait cessé, c’était maintenantuntrainquiroulaitàtraverssoncerveau.Unevoixassourdiearrivadifficilementjusqu’à sesoreillestandisquel’intendanteouvraitledeuxièmepandurideau.Onauraitditqu’elleparlaità traversunmurd’eau.Cettepenséelefitrireeteutpoureffetdesecouertoutsoncorpsdespasmes. Cen’étaitpasunebonneidée.Ileutjusteletempsdesauterdulitjusqu’auxtoilettesavantdevomir deslitresd’alcool.Cettefoiscen’étaitpasseulementdanssatêtequeletrainétaitpassé,maissurtout soncorps.Ilseredressadouloureusementetsetraînamisérablementjusqu’àlasalledebainattenante. Ilposalespaumesdesesmainsbienàplatdechaquecôtédelavasquepouressayerdesestabiliser.Il sentituneprésencedanssondosetavantd’avoirletempsdecomprendrecequisepassaitilreçutun jet d’eau glacé sur le crâne, la nuque et pire que tout, le dos ! Ça c’était du sadisme pur. Dans un instinctdesurvieiltenditlesbrasenavantpourseprotégeretfinitpararracherl’armedesmainsde son agresseur. Le pommeau de douche continuait à cracher son liquide glacé, la salle de bain était entièrementinondéeetàboutdesouffleilbaissalesyeuxsurlajeunefemme.Ilsétaienttouslesdeux trempés,maisilréalisaqueluiétaitàpoil.Ilposalesyeuxsursonsexerecroquevilléparlefroid comme un escargot cherchant désespérément à rentrer dans une coquille trop petite pour lui. Cela coupacourtauxgrossièretésquiétaientmontéesdanssagorge.Elleluijetauneservietteauvisageet luiditd’untonsec: - Habillez-vous et descendez. Gloria attend pour faire votre chambre, il est temps de la laisser travailler. Ellesortitdelasalledebainetinclinalatêteendirectiondestoilettes -Etpensezàtirerlachassed’eau,«çapuelamortici».Elleavaitprononcécesderniersmotsen françaismaisilavaitbiencomprisquecen’étaitpasuncompliment. -Connasse!marmonna-t-ilentresesdents. Il résista à l’envie de retrouver la position horizontale et se traîna malgré lui jusqu’aux toilettes. Aprèsavoirfaitdisparaîtrelestracesdesadéchéanceildécidadeterminersadouchepuisqu’ilétait déjààmoitiétrempé. Lorsqu’il sortit de la pièce, une serviette propre enroulée autour de la taille, il avait retrouvé son assurancedebipède.L’eaubrûlanteluiavaitfaitdubien.Gloria,safemmedeménageétaitentrainde passerl’aspirateurautourdulit.Elleavaitretirélesdrapsetrassemblélesbouteillesprèsdelaporte. Ilgrimaçaunsourirecontrit.Lebruitdel’enginluirappelaitlafraisedudentistemaisonauraitdit qu’onlaluipassaitsurletympan.Ellel’arrêtapourluiparler. -JesuisdésoléeMonsieur,maiscelafaisaithuitjoursquevousn’étiezpassorti,ilfallaitquejefasse leménagequandmême… -VousavezbienfaitGloria,larassura-t-iletilsedépêchad’attraperunpantalonetunechemiseavant qu’ellenerallumesoninstrumentdetorture. Danslamezzanineilenfilasonpantalon,tantpispourlecaleçon,ilreprendraitleshabitudesdela civilisationplustard.Etapeparétape!D’abordréglersoncompteàcettegarcebarbare!Ilfinissait de boutonner sa chemise dans les escaliers quand une odeur de bacon grillé arriva jusqu’à ses narines.C’étaitlepremiermessageagréablequesessensapportaientjusqu’àsoncerveaudepuisdes lustres.Ilsesentittoutàcoupaffamécommeunloup! Ilaperçutsonrefletdanslabaievitréetandisqu’iltournaitdanslacuisineetréalisaqu’iln’enétait passiloinavecsabarbesombreetsescheveuxemmêlés.Celafaisaitplusdedeuxmoisqu’ilneles avait pas coupés et ses boucles châtain foncé commençaient à retrouver leur goût naturel pour l’anarchie. Ses yeux étaient enfoncés dans leur orbite et ses joues s’étaient creusées à force de se nourrirdecrackersetdefromage,luidonnantl’aird’êtreauxabois.Detoutelasemaineilavaitmis un point d’honneur à n’avaler aucun de ses plats. C’était totalement puéril puisque de toute façon c’étaitellequiremplissaitaussileplacardaufuretàmesurequ’illevidait.Maisilavaitbesoind’être désagréableavecquelqu’und’autrequelui-mêmeetelleétaitseuleàpartagersacompagnie.Est-ce qu’il faisait ça aussi avec Allegra ? Depuis quand avait-il développé cette capacité à se conduire commeunsalecon? Néanmoins il était décidé à régler ses comptes avec cette petite mégère. Comment s’appelait-elle déjà?Lisa?Alice?IlyavaitunAquelquepart.Sesyeuxseposèrentsurlatablerondeettoutesa hargne se dissipa. La table était dressée pour lui d’une façon accueillante. Une tasse trônait à côté d’unethéièreenporcelaine.Destoastschaudsl’attendaientainsique…desscones! -OnsecroiraitdansunsalondethéàMissMarpleTown!Lesondesavoixlesurpris,ilnepensait pasavoirparléàvoixhaute. Elles’approchadelatableuneassiettedansunemain,unepoêledansl’autre. - J’ai fait aussi des pancakes, elle inclina la tête en direction du plan de travail. Ce que vous ne mangerezpasferaaumoinsplaisirauxenfantsdeGloria.Etelleposal’assiettesurlatableavantd’y verser le contenu de la poêle. Des œufs brouillés avec des lamelles de bacon grillé et des oignons confits. Ilnerelevapascettedernièreremarque,décidéfinalementàsemontrerunpeupluscivilisé.Ils’assit devantsonassietteetellesaisitlathéièrepourverserunbreuvagebrûlantdanssatasse. -Qu’est-cequec’est?demanda-t-ilméfiant. -Uneinfusiondethymetderomarin,çavaaiderànettoyervotrefoie. Ilallaitriposteretenbonanglais,réclamerduvraithéàdéfautdecafémaissoudainilcroisason regardetilréalisaqu’ellen’avaitpasoubliélascènedecematin.Ilpritconscienceavecconfusion qu’iln’étaitpasseulementàpoilquandellel’avaitarrosé,maisqu’ill’étaitégalementquandilavait pitoyablementrampéhorsdulitpourfinirlatêtedanslacuvette.Ilsentitmonterjusqu’àsoncrâne une vague de chaleur qui le fit sans doute rougir, ce qui ne lui était pas arrivé depuis le collège. Il pinçaleslèvres,avançasonmentondansunsemblantdedignitépuisfinalementplongealenezdans sesœufs. C’étaitdivinementbon,l’espaced’uninstantilperditlanotiondutemps.ilavaitl’impressionqu’il pourraitmangercommeçaencorependantdesheures. De son côté la jeune femme s’occupait de la vaisselle silencieusement. Quand elle eut terminé elle revintversluiunmugàlamain.Ellepritunechaise,s’assitetseservitdel’infusion. -Qu’est-cequevousvoulezexactement?commença-t-elle. Ilhaussalessourcilsetengouffraunenouvellebouchéedesconesaulieuderépondre. -Jeveuxdire,celafaitquasiment10joursquejecuisinepourunfantôme.Jejetteoujedonnetoutce quejeprépare,vousnem’avezadresséentoutetpourtoutquetroisphrasesetdeuxonomatopéeset vous mettez un point d’honneur à ne sortir de votre tanière que quand j’ai terminé mon service. Si vousvoulezmonavis,votrefemmemepayebeaucouptroppourremplirleplacarddecrackersetde fromage. -Monex-femme. -Votreex-femme. Ilcontinuaàmastiquersilencieusement.Cen’étaitpastoutàfaitdelaprovocation,iln’avaitjamais étébavarddenature.Enfinsienfait,ildevaitsel’avouer,c’étaitunbavardetc’étaitplusfortquelui, ilavaitirrésistiblementenviedelaprovoquer. -Est-cequevouscomptezauditionnerpourlerôled’unhommedescavernes?dit-elleenpointantdu mentonsabarbepleinedemiettes. -Non,pourunremakedeHair.répondit-ilengrimaçant - Ambitieux, mais il va falloir étoffer un peu votre vocabulaire : vous savez qu’on est passé au cinémaparlant? Cettefoiselleluiarrachaunsourire. -Jesuisdésolémaisjen’arrivepasmerappelerdevotrenom,dit-ilpenaud. Ellesoupira. -AlineRivière.Elleluitenditlamainetcettefoisillasaisit. -MalcolmHurst,dit-ilensecouantsamainlentement. -Noussommeslesamedi10juillet2010etilest10hdumatin,ajouta-t-elleavecunevoixd’hôtesse del’air. -Oùestlasortiedesecours? -Pasdansvotrechambreentouslescas! -Vousavezunaccent,vousêtesfrançaise?dit-ilmi-figuemi-raisin. Sesyeuxs’agrandirentetelleallaitl’envoyerpromenerquandilluisouritmalicieusement. - Je plaisante ! Il me reste encore quelques neurones…que je n'ai pas noyés dans le chagrin ou l'alcool,chuchota-t-ilcommesurletondelaconfidence. -Danscecas,vousferiezbiend’allervérifiers’ilsnesontpassolublesdanslapiscineparcequ’un peudesoleilnevousferaitpasdemal…ellesepenchapourchuchoteràsontour,ilm’asemblétoutà l’heurequevotrevisageétaitplusblancquevotrecul! Ilavaitdécidéqu’elleétaitdebonconseiletaprèsquelqueslongueursdansl’eaupourdégourdirson corpscourbaturéparlesexcèsils’installasuruntransatpoursomnolerunpeuausoleil,bercépar lesbruitsdecuisinedelajeunefemmeetlesvaetvientdeGloriadanslabuanderie.Lamaisonnelui avaitpassembléaussivivantedepuisdeslustres.Luinonplusnes’étaitpassentiaussivivantdepuis longtemps.Toutàcoupilrelevalatête.Unevoixmasculinevenaitd’interromprelafélicitévestalede lamaison.Gerrypassalatêteparlabaievitréedelacuisine.Gerrysonvieilami!Undesraresqu’il avaitgardédel’écoledethéâtre.Leseulaussiquin’étaitpasunamiducouple,d’ailleursAllegrane l’appréciaitguère,danslamesureoùilnes’étaitjamaismarié,n’avaitpasd’enfantets’obstinaitàse pointeraurepasdeNoëlavecdesstarlettestoutdroitsortiesd’unconcoursdeteeshirtmouillé.En résumé,Gerryétaitunsnob,machoetégocentrique,maisMalcolmétaitincroyablementheureuxde levoir. -Etmoiquitecroyaisaufonddulit,tunerépondaisplusautéléphone!luidit-ilensaisissantlamain queluitendaitMalcolm. -J’aiessayéd’yresterlepluslongtempspossiblemaisjem’ensuisfaitdélogerparlesdeuxharpies quimeserventdefemmedeménageetdecuisinière.Gerryrit,croyantàuneblague. -Quiestcettenanaquim’aouvert?C’estvraimentunecuisinière? Malcolmtournalatêteverslacuisinecommes’ilavaitpeurd’êtresurveilléparleKGBetsepencha verssonamienbaissantleton: -Sesparentsl’ontbaptiséeAline,maisenfait,sonvrainomc’estAttila,etcrois-moi,ilvautmieux êtreavecelle,quecontreelle. -SesmessieurslesWisigothsaccepteront-ilscesjusdefruitsengagedepactedenon-agression?ditelled’unairentendu,posantdeuxverresdejusd’orangefraissurunetabletteentrelesdeuxtransats. -Avecgrandplaisir!réponditMalcolmenexagérantsonaccentsnobinard. Le regard de Gerry alla de son ami à la jeune femme qui avait tourné les talons pour regagner la cuisine. -Qu’est-cequisepasseici?Tubaisesavecelleouquoi?souffla-t-il -Cavapaslatête!ElleestàpeineplusvieillequeBen! -Hum,dit-ilenseretournantànouveauverslamaison.Jenesaispasquelâgeellea,maisjesais qu’il ne faut pas négliger l’effet d’une belle paire de jambes pour lutter contre la déprime. Elle est fagotéecommeunsac,maisilfaudraitlavoiràpoilpoursefaireuneidée. C’étaittoutGerry.Bientôtilallaitluirappelersathéoriedusinge:l’hommenedoitjamaislâcherune brancheavantd’enavoirattrapéunenouvelle.Jamaisunefemmenes’étaitinstalléedanssavieplus de 6 mois. Il les consommait joyeusement et superficiellement et au final il ne semblait pas s’en porterplusmal.Etentouslescasmoinsmalqueluiaujourd’hui! -Commentvaleboulot?luidemandaMalcolmpourchangerdesujet. -Assezbien,jeterminedans15joursla100èmeetdernièrereprésentationd’Unticketpourdeux. Gerry avait fait jusque-là une belle carrière dans le théâtre et la télévision. C’était une star en Angleterre,spécialisédanslesrôlesdeséducteurscomiques.ContrairementàMalcolm,ilavaitréussi àimposersapersonnalitédésinvolteetsonhumour.Ilexcellaitdanslesvauxdevilleetlescomédies demœursàlaNoëlCowarddontleslondoniensétaientfriands. -Bravo!sifflaMalcolmsuruntonadmiratif.Commentças’estpassé? Iln’avaitpasprislapeined’allervoirlapièce,bientropoccupéparsaproprecarrière. Gerryétaitétonnédecetintérêtsoudainpoursontravail,maisilréponditdeboncœur. -JesuissurtoutsoulagéqueçasetermineàcausedeCarolyn. -CarolynKean?L’actricequivientderecevoirleBAFTApourlemeilleursecondrôle féminin?C’esttapartenairesurscène? -Oui,etpasquesurscènefigure-toi.J’aifaitl’erreurdecéderàsesavancesmaismaintenantjesuis coincé,jesuisobligéd’attendrelafindesreprésentationspourrompreavecellesinonelleestfichue demefaireunescènesurscène! Malcolmneputs’empêcherderiredevantleguêpierdanslequelils’étaitfourré.Ilavaitlesensdu comiquemêmedanslafaçondontilmenaitsavie. -Commentunegaminede25ansa-t-elleputeroulerdanslafarineaussifacilement?Toilevieux loupdemer! -Moque-toi!J’ail’impressionqueplusjevieillis,plusmabiteperdlatête!Làenl’occurrence,je mesuisfaitavoirparl’auradesaréussitecinématographique.Ellen’arrêtaitpasdemedemanderde l’accompagneràtoutescessoiréesdegalapourlapromodesonfilm.Elleétaittellementsexy,etje devaisl’attendreenretraitpendantqu’ellefaisaitsonshowdevantlesjournalistes,c’étaitgrisant. -T’esentraindemedirequ’àpresque50ans,ellet’aséduitcommeunestarlettesurlesmarchesde Cannes! Gerrynebougeapasmaisunsouriresedessinasurseslèvrescharnues. -Tuastouchédanslemille!Ellem’achopécommeunevulgairemidinettefascinéeparlestrasset les paillettes ! Je n’arrive pas à le croire ! Et moi qui me prenais pour un macho ! Un sac à main auraitplusdecaractère! Ilséclatèrentderire. -Entouslescas,dèsquelesprojecteurssesontéteints,mesfantasmesaussi!Etdepuisjerameavec elleenattendantpatiemmentdelalaisserretourneràsonTwiteretsonshopping. -Elledoitbiensentirquetunet’intéressesplusàelle,non? -Jenesaispas,tusaisbienquesuisunacteurné!Etpuis,iln’yapasplusaveuglequeceluiquine veutpasvoir. Les épaules de Malcolm s’affaissèrent légèrement tandis qu’il prenait conscience que toute cette conversations’appliquaitparfaitementàsaproprevie. -Désolé,bafouillaGerry,jenevoulaispastefairepenseràtondivorce. - Au contraire, dit-il pensivement, tu m’ouvres les yeux. Je me demande juste combien de temps Allegraafaitsemblantavantdetrouverlebonmomentpourmequitter.Ilfronçalessourcils.Ellea demandéledivorcepeuaprèslesOscars,jesupposequecommetoielleavaitdûfixerunmomentqui nenuiraitpasàmacarrière. -Hum,marmonnaGerry,circonspect.Tusaismonpote,Allegraetmoionn’ajamaisétédegrands fans l’un de l’autre, mais quand même on peut dire qu’elle aura vraiment pris soin de toi jusqu’au bout. -Etmoijepeuxdirequej’aivraimentmerdécecouplà.dit-il,unpliameraucoindeslèvres. Chapitre3:Lesprémicesdelacivilisation Allongé sur la moquette épaisse de la chambre de son fils Elliot, Malcolm écartait légèrement le borddurideaud’unemaintandisqu’ilplongeaitsonregardàtraverslabaievitrée.Delà,ilavaitune vueimprenablesurlapiscineetsesentaitl’âmed’unejeunecanaillelubrique.Celaluirappelaitses 12 ans quand il se cachait avec son ami Kenny dans les buissons du jardin pour regarder sa sœur Kathleensedéshabilleravantd’allerprendresadouche.Ellen’avaitque4ansdeplusqu’euxmaisses seinsétaientformésetiln’enfallaitpaspluspourlesmettreenébullition.Lascèneneduraitjamais très longtemps, elle n’en était que meilleure. L’attente les plongeait déjà dans un état d’exaltation prochedelajouissance.Kathleen,régléecommeunemontresuissesuivaittoujourslemêmerituel. Dansl’angledelafenêtreilslavoyaientpénétrerdanssachambre,etseplacerdevantsaglacepour s’observer. D’abord de profil, ses mains plaquant sa blouse contre sa taille pour faire ressortir sa poitrine,puisellesecontorsionnaitpourregardersesfesses.Sansdoutesatisfaitedurésultat,entous les cas les deux jeunes garçons, eux, l’étaient, elle retirait ses vêtements en sortant du champ de vision,probablementpourserapprocherdelapanièreàlingesaledesasalledebain.Acemoment, l’excitation des garçons était à son comble, ils cessaient de respirer. Comme par magie, elle réapparaissait entièrement nue, et recommençait ses poses devant le miroir. Puis elle disparaissait pourdebon.Lesgarçonss’enfonçaientalorsjoyeusementdanslepetitboisderrièrelamaisonetse calaient dans les branches d’un arbre pour se secouer vigoureusement la nouille comme deux ouistitislubriques. Malcolm sourit à ce souvenir. Paradoxalement, la jeune femme qu’il s’amusait à épier aujourd’hui étaitplusâgéequesasœuràl’époque,maissesseinsétaientplusmenus.Sonattentionavaitétéattirée parunemusiqueunpeudésuètediffuséeparlesbaffesprèsdelapiscine.Deuxansplustôt,ilavait fait installer autour du bassin tout un système audio pour les 16 ans de son fils Ben. Tellement sophistiquéetclinquantqu’ilauraitpuservirautournaged’unclipderap.Tellementsophistiquéet compliqué que Malcolm ne l’avait jamais utilisé. Il y avait longtemps qu’il avait perdu l’habitude d’écoutervraimentdelamusique.Peut-êtredepuislafindesvinyles…Enjetantunœilparlafenêtre de sa chambre il avait aperçu Aline, emmitouflée dans un peignoir qui trempait un pied dans l’eau turquoise de la piscine. C’est à ce moment que se réveillèrent ses vieux instincts de voyeur et avec délectationilavaitrejointlachambredesonplusjeunefilspours’installerconfortablementaubord de la baie vitrée. Allongé de tout son long, en appui sur les coudes, il avait l’impression d’être un chasseurauxaguets.Letempsqu’ils’installe,lajeunefemmeétaitdéjàentréedansl’eauetcomme lui-mêmetroisjoursplustôt,elleenchaînaitleslongueurs.Ilrepérasurleborddubassinunpetittas vertpommequiconfirmaitcequiluisemblaitêtreundosentièrementnu.Secroyantseuledansla maisonelleavaitretirélehautdesonmaillot.Ilricanabêtement.Lasituationl’amusaitautantqu’elle l’échauffait.Arrivéeàunboutdubassinoùelleavaitpied,lajeunefemmeseremitsursespieds,lui laissant le temps d’apprécier la courbe de ses seins, et avant qu’il ait le temps de comprendre ce qu’ellefabriquait,elleavaitôtélebasdesonmaillotdebainetl’avaitsavammentenrouléautourde sescheveuxpourlesfairetenirenchignon.Ilréalisaquecomme40ansplustôt,souslesfenêtresde Kathleen, il avait retenu sa respiration. Aline se retourna, lui offrant cette fois la cambrure de ses reins,etrepritseslongueurs.Sesmouvementsétaientlangoureux,elledépliaitlentementsesjambes etsesbras,semblantgoûteravecfélicitéchaquevibrationdel’eau.Seslèvresbougeaientcommesi elle fredonnait les paroles de la chanson. La position allongée commença à devenir inconfortable pour Malcolm. Il bandait dur mais n’avait pas vraiment envie de se masturber. Obéissant à une impulsionilselevapourallerlarejoindre. Ellesursautalorsqu’elleaperçutsasilhouettefranchirlaportefenêtredelacuisine.Ilétaitarrivésans bruitpouravoirleplaisirdelasurprendreetilnepouvaitretenirlelargesouriremalicieuxquise dessinait sur ses lèvres. Aline s’était arrêtée de nager, et sans montrer sa gêne, elle se contenta de retirerfurtivementl’étoffedesescheveuxpourl’enfilerpromptement. -Elleal’airbonne!dit-ilenguised’introduction.Surprisparledoublesensqueprenaitcettephrase, sachantcequ’ilavaitdanslatête,ilneremarquapasqu’ilavaitposélepiedsurlehautdesonmaillot debain.Cen’étaitpasprévu,entouslescas,pasconsciemment,maisAlineleregardaavecsuspicion tandis qu’elle tendait la main dans sa direction, se couvrant la poitrine de son autre bras. Il s’accroupit et lui lança son bien, puis s’assit en remontant le bas de son pantalon pour tremper ses jambesdansl’eau. -Vousn’étiezpascensépasserlajournéeàLondres?Elles’étaitretournéepourremettresonhautet illaregardaitattacherlesliensdanssondos.Sesbrasétaientsouplesetnerveuxetilpouvaitvoirses omoplatessaillirpendantqu’elleterminaitlenœud. -Tomaannulél’interview. Elletournalatêteetleregarda,étonnée. -Ilfaitçasouvent? - Parfois. Il fit la moue. Quand il n’arrive pas à se mettre d’accord sur le prix, ou le droit à la relecturedel’article. Il allongea ses jambes dans un clapotis. L’eau était délicieuse mais le soleil, haut dans le ciel, l’obligeaitàplisserlesyeux,accentuantsesridesaucoindesyeux.Danssonenthousiasmeilavait oubliédeprendreseslunettesdesoleil. -Est-cequevousvoulezquejevouslaisselapiscine?luidemanda-t-ellesansfaireminedebouger. Enmusiquedefondunenouvellechansonenfrançaisavaitsuccédéàlaprécédente.Delavariétélui sembla-t-il,avecdesaccentsunpeujazzy.Ilsecoualatête. -Nonnon,c’estmoiquidébarquesansprévenir! Ellesegrattaleboutdunezenl’observant,pensive. -J’aijusteentendulamusique,çam’adonnéenvie…ilnesavaitquoiajouter.Deprofiterunpeudu soleil.conclut-ilmaladroitement.C’estpeut-êtremoiquivousdérange? Ellehaussalesépaules,levisageimpassible. -Vousêteschezvous,non?Etsansplusleregarderellerepritseslongueurs. Il posa les paumes de ses mains en arrière et se laissa aller, fermant les yeux pour mieux sentir la caressedusoleilsursonvisage.Distraitementilécoutaitlesparolesdelachanson,certainsmotsne luiétaientpasinconnus.Auboutd’unmoment,unephrasedurefrainpiquasacuriosité. -Qu’est-cequ’ilditexactement?Jecomprendsquesafemmel’aquitté,maisjenecomprendspas pourquoi. Elle s’approcha du rebord et calla son menton sur ses bras repliés. Elle était très près de lui et il remarqualesgouttelettesprisonnièresduduvetblondsursesavant-bras.Lesyeuxdanslevagueelle écoutaitattentivementlesparoles,unlégersouriresurleslèvres. -Ilditqu’ilpréfèrel’idéequesafemmel’aitquittépourunautrehommeplutôtquedepenserqu’elle l’aquittéàcausedelui-même. Lechanteurreprenaitlerefrainetellelechantaaveclui «Dites-moi,dites-moimais,qu’elleestpartiepourunautrequemoi,maispasàcausedemoi,ditesmoâça,dites-moâââçaaaaaa…»Lamusiqueavaituncharmedésuetdesannées80etilséclatèrentde rire. Puisilajoutapensivement. -C’estdrôle,jenem’étaisjamaisposélaquestion!Est-cequec’estvraimentplusfaciled’êtrequitté pouruneautrepersonne? Asontourelledevintsongeuse,mordillantl’ongledesonpouce. -Franchement,jemesuislongtempsposélaquestionetpersonnellementjenecroispasqu’ilyenait une plus facile que l’autre, c’est juste que la douleur n’est pas la même. Mais cette chanson m’a interpelléependantlongtemps! -Entouslescasçaal’aird’êtreunevieillechanson!Ilsourit,narquois Elleritjoyeusement. -C’estlecas!Mamèreécoutaitçatoutletempsquandj’étaispetite.Ilyenauneoudeuxautresdelui quej’aimebien,maiscelle-cim’impressionnaittoujours,àcausedesparoles!Jenecomprenaispas ce que ça pouvait vouloir dire « être quitté à cause de soi-même », mais surtout…ses yeux étaient fixés sur un point imaginaire, bien plus lointain que le jardin et la façade de la maison. J’étais fascinée à l’idée qu’il puisse étaler sa douleur comme ça, devant tout le monde ! Je trouvais ça tellementimpudique! Malcolmpouffatandisquelevisaged’Alines’animaitàl’évocationdecesouvenir.Ellecroisason regard,plissantlesyeuxensouriant. - A cette époque je croyais que tout ce que chantaient les artistes était la vérité, qu’ils parlaient forcémentdeleurvie! Ilritfranchement. -Ducoupj’étaisàlafoishorrifiéeetattendriedevantsapeine!Ellejoignitsonrireausien.Etjeme disais«maisest-cequequelqu’unvaenfinsedécideràaidercepauvrehomme?!!!» - Moi, quand j’étais enfant, enchaîna Malcolm, j’étais persuadé que dans les Westerns, quand un cowboy mourrait, c’était en fait un condamné à mort qui jouait le rôle et qui acceptait de mourir devantlescaméras. Alinebaissalatête,secouéeparunfourire. -Etquanddansunduel,ajoutaMalcolm,ilyenavaitunquiéchappaitàlamort,j’imaginaisqu’il étaitgraciéetqu’onlelibéraitàlafindufilm! -Cadevaitêtresacrémenteffrayantàregarder!articula-t-elledansentredeuxhoquets - Oui, parfois j’ouvrais des yeux grands comme des soucoupes et ma mâchoire manquait de se décrocher! -Camefaitpenseràmonpère,ajoutaAlineenreprenantsonsouffle. Malcolmhaussalessourcils.Fatiguédusoleililallongeaunbraspoursaisirduboutdesdoigtsles lunettesdesoleildelajeunefemme,négligemmentposéessurlebordd’untransat. -Achaquefoisquedansunfilmilyaunpersonnagesecondairequifaitpartied’uncorpsdemétier unpeutraditionnel,commeunrestaurateur,ouunmédecin,ilestpersuadéquec’estunvraimédecin ouunvraicuisinier! Iléclataderireàsontour. -EtjesupposequedansTitanic,ilapenséquelesmusiciensfaisaientpartied’unvraiorchestre? -Parcequecen’estpaslecas?dit-elleagrandissantlesyeuxd’unefaçonthéâtrale.Ilsrirenttousles deuxdeboncœur,puisunsilencepaisibles’installa.Ilsnes’étaientpasrenducomptequelachaîne s’était tue et ils savouraient le son de la légère brise dans les feuilles du grand chêne brun, trônant commeungardienàcôtédubungalow.Lesbrastoujoursaccoudésàlabordure,Alinelaissalereste desoncorpsflotteràlasurface.Sesfessesarrondies,àmoitiécoupéesparl’élastiquedesonmaillot sortantdel’eauparintermittence,commelebouchond’unecanneàpêche.Malcolmsentitlatrique reveniretilrepritlaparolepourfairediversion. -Commentmevontleslunettes?demanda-t-il,unsourireencoin -Pasmal,sivouspostulezpourunrôledansTootsie! Levantlesbrasauciel,ilselaissaglisserdansl’eautouthabilléetellerécupéraseslunettesenriant. Les deux semaines suivantes, Malcolm commença à retrouver des réflexes de sociabilité. Il avait remplacélavodkaparlevinetavaitréintroduitl’usageduverreparlamêmeoccasion.Iltâchaitde descendrepourlepetitdéjeuner,mêmesiAlines’obstinaitàluiremplirlathéièred’herbesétranges et odorantes. Malgré lui, il mangeait de bon cœur ce qu’elle lui préparait et il avait renoncé à s’apitoyersursonsort,dumoinsauxheuresderepas.Cematin-là,lenezdanssatasse,ilessayait, consterné,dedevinerquellesherbespouvaientbiendonnercettecouleurbleutéeaubreuvage. -Cesontdesfleursdebleuet,luidit-ellesansleverlesyeuxdesonplandetravail.Ilétait9heureset elles’étaitatteléeàlapréparationdurepasdusoir.Aumenu,terrinedelégumeetblancdepouletaux amandes.D’ungestevifetpréciselleépluchaittroisgrossescourgettes.L’amertumevavousfaire dubien. Ilpritunegorgéeetgrimaça. -Pasdanslaboucheentouslescas! Elleritdoucementtoutencontinuantsontravail. -Cetrucestfadasseet…ilrepritunegorgée,commes’illamâchait.Ecœurante! -Sivousbuviezmoinsdevinvousseriezenmeilleurétatlematinetjeneseraispasconstamment obligée de soigner votre foie. Elle se tourna vers l’évier pour rincer les courgettes dénudées, puis commença à les débiter en grosses rondelles. Le bleuet est très bon au goût, c’est juste que votre palaisestcomplètementencrassé.Etjeneparlepasdecesœufsquevousvousobstinezàavalertous lesjours! -Ah,çayest!dit-ilsuruntonemphatique,parcequelesœufsc’estmauvaisàlasantémaintenant! Vousm’avezdéjàsucrélecafé,vousvoulezenplusmepriverdel’undespiliersdupetitdéjeuner anglais?Jecomprendsmieuxpourquoimonex-femmevousaengagée.Alinearrêtalemouvement de son couteau et le regarda mi-amusée, mi-interrogative. Content de son effet, il enfourna une grossebouchéed’œufetdebacongrilléetprittoutsontempspourmastiqueravantderépondre,une tranche de toast à moitié grignotée en suspens dans la main. Je pensais qu’elle l’avait fait pour me faire plaisir, mais maintenant je réalise qu’elle l’a fait pour me torturer ! C’est sa vengeance, typiquementféminin! Alineavaitl’habitudedesesbravades,audébutilarrivaitassezrapidementàlafairerager,maisà force d’écouter ses babillages tout en préparant le repas, elle avait fini par percevoir la sensibilité cachée sous les piques et elle s’était habituée à son humour pince sans rire. Finalement, elle devait s’avouerquecontretouteattente,elleappréciaitsacompagnie. -Parcequevoustrouvezqu’ingurgiteràjeundubaconfritetdesœufs,cen’estpasunetorturepour votreestomacpeut-être? Ilfitdescendreladernièrebouchéeavecdesharicotsàlatomateétaléssurlerestedesontoast.Cette fois,c’estellequigrimaçaetsonventresecontractaàlavuedesharicotsblancsbaignantdansleur saucetomate. -Parcequevous,lesfrançais,avecvotrecaféaulaitetvoscroissants,vouscroyezquevousfaites mieux?Nousaumoins,onattaquelajournéeavecunvrairepas.Ilagitasafourchettesurlaquelleun haricot gisait empalé. Comment croyez-vous que s’est organisé le débarquement ? Vous croyez vraimentqu’onauraitsurvécuàlatraverséedelamancheavecunpetitdéjeunerfrançais?Ilsourità l’imagedessoldatsarrivantsurlesplagesdeNormandiepourvomirpiteusementleursviennoiseries. Commesilamêmeimageluiavaittraversél’espritAlinepouffa. - C’est un cliché, tout le monde ne déjeune pas avec des croissants tous les jours, heureusement d’ailleurs,sinononauraitdesérieuxproblèmesdepoids.Laminuteriedufourtintaetellesetourna poursortirunplatdepoivronsfumants.Maisc’estvraiquemêmelepainbeurreetconfiture,cen’est pastrèsdiététiquenonplus,finit-elleparadmettre.Avecunefourchetteellepiqualachairrougedes poivronsetlesfourradansunsacplastique.Malcolmarquâtunsourcil. - Qu’est-ce que vous fabriquez ? Il se leva pour débarrasser son assiette dans l’évier et en profita pours’approcherdel’îlotcentralsurlequelelletravaillait. -Jeleslaisserefroidirdanslesacpourpouvoirleséplucher,lavapeurvafairedécollerlapeau. Il n’avait pas l’air très convaincu mais elle continua comme s’il n’était pas là. Nonchalamment il appuyasesfessescontrel’évierpourlaregarderfaire.Ils’attardaitdeplusenplussouventaprèsson petitdéjeunerpourl’observerdanssontravail.Ilaimaitregardersesgestesprécisetméthodiques,et surtoutilavaitdécouvertqu’ilaimaitlacuisine.C’étaitincroyabletoutcequ’ilavaitapprisavecelle cesdernièressemaines.Ellefinitdecouperlescourgettesetlesversadansunecocoteminutepour lesfairecuireàlavapeur,puiselleattrapaunverred’eaudanslequelelleavaitplantédesbranchesde menthefraîchecommeunbouquetdefleurs. -Nemeditespasquevousaveztrouvédelamenthefraîcheici?Elleritensemoquantdelui.Ilétait chezluiaussidémuniqu’untouriste. - Non, c’est votre voisine qui me l’a donnée. Est-ce que vous pouvez m’en laver quatre ou cinq feuilles?Jevaislesmixeravecdespignonsdepinpourparfumerlaterrine.Ilcueillitlesfeuilles, dégageantleurparfumfraisetpiquantdanslapièce,etlespassasousl’eau. -Commentest-cequevousavezfaitpourlarencontrer?Ilcherchaàcachersasurprise.Savoisine étaitunancienmannequinreconvertitdanslafemmeaufoyerdeluxe.Lui-mêmeavaitdûluiadresser àpeine5phrasescomplètesdepuissixansqu’elleavaitemménagé,elleetsonindustrieldemari.Ils semblaientencoreplusjalouxqueluideleurintimité. Alinehaussalesépaulesavecévidence. - J’ai sonné et je lui ai demandé si je pouvais en cueillir. Elle lui raconta que le buisson était situé contre le mur mitoyen près du bungalow, elle avait senti son parfum dès qu’elle s’était installée et naturellement elle était allée lui en emprunter. Vous n’avez jamais remarqué comme en général les gens qui aiment faire pousser des trucs, aiment bien les partager ? Il n’osa pas lui dire que les personnesquiaimentfairepousserdestrucsdanssonmilieuétaientengénéralpeurecommandables et que la seule herbe qu’ils aimaient bien partager étaient au mieux issue du cannabis, au pire des grainesdepavot.C’estunefemmecurieuse,continua-t-elle.Unpeuhautaineaupremierabordmais trèsgentilledèsqu’ondiscuteunpeu.Illuipassalesfeuillespourqu’elleleségouttedansunefeuille de papier absorbant. Elle les ajouta aux pignons de pin dans le mixeur. Il la regarda verser un peu d’huiledenoisettesurlemélangeetpresserlecouverclepourdéclencherlemoteurduhachoir.Ses yeux glissèrent discrètement sur ses fesses flottant négligemment dans le tissu du jean détendu. Les franges de coton, irrégulières comme des branches de saule pleureur effleuraient le haut de ses cuisses.Ilavaitremarquéqu’elleavaitplusieursshortsdanssagarde-robe,ilreconnaissaitsurtoutla formedespochesquichangeaitparfois,maisilsavaienttouscetaspectrescapé,commesilerestedu vêtementavaitétédévoréparuntigreaffamé.Lui-mêmeauraitbienretirécequirestaitdetissus. La soupape de la cocotte s’ébroua en sifflant sa vapeur. Elle attendit quelques minutes, le temps de plaquerunpapiersulfurisédansunmoulerectangulaire,puiselleéteignitlefeuetfinitdelibérerla pression.Ellen’avaitpasregardélapenduleaccrochéeau-dessusdelaportedeservicequidonnait surlecellier. -Commentest-cequevoussavezquec’estcuit?luidemanda-t-ilenpromenantsesdoigtssousson nez.Ilsétaientencoreimprégnésdel’odeurdementhe.Elleposalamainsurlasiennepourlaretirer etattendit. -Voussentez? Ilcherchaunpeuetfinitpardécouvrirunsubtilparfumdecourgettecuiteémanentdel’autocuiseur. -C’estcuitquandleparfumcommenceàsortirdelacocotte,plusçasentfortetpluslelégumeest cuit.Là,j’aibesoinqu’ilsrestentcroquantspourlaterrine,c’estpourçaquejelessorstoutdesuite. Elleavaitgardésamainsurlasiennependantqu’elleparlait.Elleétaitdouceetfraiche.Ellelaretira pour sortir les courgettes du fait-tout. Avec elle, cuisiner semblait tellement simple. Il sourit béatement. Stimulant des sens dont il avait oublié l’existence, elle lui avait ouvert un monde de parfums, de goûts et de couleurs. Une vague de gratitude monta en lui, il chercha comment la remercier. -Etsijevousemmenaisaurestaurant?fit-ilbrusquement.Elleleregardaétonnée. -Quoi,là?Maintenant?Jevoussignalequevousmepayezjustementpournepasavoiràallerau restaurant… -Justement,j’aimeraisvousremercier. Ellesetournapourcachersasurpriseetseconcentrasurlespoivronsqu’ellesortaitdusacplastique. Ellelesavaitlaisséssuffisammentlongtempspourqueleurpeaufassedescloquesetellen’avaitplus qu’àtirerlapeauaveclapointed’uncouteaupourmettreleurchairànu. -Jevousaimenélavieduredepuisvotrearrivéealorsquevousn’avezfaitqueprendresoindemoi. J’aimeraispouvoirvousremercieretvousfaireplaisiràmontour. Ellesedemandasiellenepréféraitpassespiques,aumoins,ellesavaitàquois’entenir.Ellefinitpar luijeterunœilméfiant. -Vousn’êtespasentraindemedraguerouuntrucdugenre,j’espère. Illevalesmainsensigned’innocence. - Je vous assure, je voudrais juste vous rendre un peu du bien être que vous m’avez apporté ces dernières semaines. Si je savais cuisiner, je le ferais moi-même, mais j’aurais trop peur de vous empoisonner. Ellesemitàfrotterpensivementledosdesonpiedcontresonmollet,ungestequ’ill’avaitdéjàvu fairequandellehésitaitsurlesproportionsd’unerecetteoulechoixd’uningrédient. -D’accordfinit-ellepardireensoupirant.Maisceseraunjouràmidi,etsanstenuedesoirée.Justele repas. -D’accord!Ilsourit,triomphant. -Etpasdeconversationpersonnelle. -Quelacuissondeslégumes,promis. -JeneplaisantepasmonsieurHurst. -Appelez-moiMalcolm. Elleposalepoivronqu’elleétaitentraindepeler. -Sûrementpas,c’estexactementcequejeveuxdirequandjeparledeconversationpersonnelle.Je n’aipasl’habitudedesortiravecmesemployeurs,quecesoitbienclair. - Ca tombe bien, c’est ma femme qui vous emploie. Elle ouvrit la bouche pour protester mais il enchaîna -Jeplaisante!Vousêtesincroyablementsérieuse,toutàcoup.Jevousemmèneaurestaurant,jen’ai pasparlédevousépouser.Aujourd’huimiditrente? Cettefoisc’estlesyeuxqu’elleouvritengrand. -Quoi?Vousn’aurezpasdecollationàpréparer,çavouslaisselargementletempsdenepasmettre de tenue de soirée, railla-t-il. Il se sentait en pleine forme et l’idée de sortir avec elle le mettait d’excellentehumeur. -D’accord,laissez-moiterminerça,ellemontralemouleàterrinedumenton,etjevousretrouveà midietdemidanslesalon.Oùest-cequevousm’emmenez? Ilsourit,faisantnaîtredesridesenrayondesoleilaucoindesesyeux. -C’estunesurprise. Chapitre4:Terreenvue! Enfaitiln’avaitabsolumentaucuneidéedel’endroitoùilallaitl’emmener.IltéléphonaàGerrypour lui demander conseil, mais tomba sur son répondeur. 9h45 au réveil de sa chambre, il devait probablementdormirencore.Gerryquittaitrarementlethéâtreavant23hetilavaitl’habituded’aller mangeraveclatroupeaprèslareprésentationaveclatroupe.IltentalenumérodeTom,sonagent, avecplusdesuccès.Cedernier,rassuréderetrouverunMalcolmsobreetenjouéluiindiquauntrois étoilesdégotéparsasecrétaire,maislechefétaitfrançais,c’étaitexactementcequeMalcolmvoulait éviter. Tom ne montra pas d’étonnement devant cette nouvelle lubie, Malcolm n’avait jamais paru s’intéresser de loin ou de près à ce genre de détails mais il avait l’habitude de travailler avec des clients autrement plus capricieux et excentriques que l’acteur. Malcolm entendit un bruit de voix étouffées,TomdevaitfairepartdesesexigencesàTrudy,sasecrétaire.Ellefinitparluitrouverun restaurantThaïlandaistrèsenvogueactuellementetquivenaitderecevoirsadeuxièmeétoile,cequi étaittrèsrarepourunrestaurantasiatiqueinstalléenEurope.Ilsesouvenaitvaguementavoirluun articleélogieuxàsonsujetdansleSundayTimes.IlnesavaitpassiAlineaimaitlacuisineasiatique, ill’avaitbienvuutiliserduTamarietduTofuuneoudeuxfoismaisilnepouvaitguèreendireplus sur ses goûts culinaires. Il chercha dans sa mémoire et finit par se rappeler l’avoir entendu parler d’un voyage au Japon prévu pour le printemps prochain, pendant la semaine d’or, quand tous les cerisiersseraientenfleurs.LeJaponn’étaitpaslaThaïlande,maisildécidadecourirlerisque.Tom, auxpetitssoinspoursonclientetamiluiproposades’occuperdesréservations.Celaluipermettrait demesurerlacôtedepopularitédesonpoulainluidit-ilenplaisantantàmoitié.Ilyavaitsansdoute une liste d’attente d’au moins un mois pour le Sai Gnam mais le nom de Hurst était un sésame puissant,ilnedevraitpasavoirdemalàluitrouverunetablepourlejourmême. Contentdelui,Malcolmraccrochaetréalisaqu’iln’avaitpaspenséàsafemmeetsesenfantsdepuis laveille.IlsedemandaquelrôlepouvaitbienjouerAlinedanscettebonnehumeuretsicettehistoire derestaurantétaitbiensansarrièrespenséesdesapart.Ilrepensaàlaproximitédeleurscorpsdans lapiscine,auplidel’élastiquedesonmaillotdebainsurl’arrondidesesfesses.Elles’étaitmontrée clairesurlefaitqu’ellen’étaitpasintéresséeetquelquepart,celalesoulageait.Iln’avaitjamaisvécu en moine, mais en vingt ans de mariage, malgré les sollicitations, il avait rarement eu envie de trompersafemme.Maintenantqu’ilseretrouvaitcélibataireàquaranteansbienpassés,iln’étaitpas sûr d’être capable d’appréhender les us et coutumes d’une femme qui était née dans un monde où l’hommeavaitdéjàmarchésurlalune. Installédanslesalon,MalcolmfeuilletaitlesSundayTimesdecesdernièressemainesàlarecherche del’articlesurlechefduSaiGnam.Letaxiqu’ilavaitcommandéétaitarrivédepuiscinqminuteset attendait,patiemmentgarédevantl’entréedelamaison.Ilentenditlaportedederrièreclaquer,ilétait miditrenteàsamontre,ilappréciasaponctualité.Alinepointalatêtederrièrel’escalier,elleportait undébardeurrosevifavecunarcencielsurlapoitrineetunshortaussigrandquelesautresmaisen cotonkakietsansfranges,lesbordsayantétésoigneusementremontésenunlargerevers.Malcolm ouvritlabouchemaisaucunsonn’ensortit.Ilsedemandasisacélébritéseraitsuffisantepourfaire accepter cette tenue au restaurant. Ce serait peut-être la première fois qu’il se ferait refouler, il se demandaqueleffetcelafaisait.Elleleregardaitensouriant,l'airingénu.Sic’étaitcelasanotionde tenuedeville…bonsangsedit-il,cettefilleestcomplètementfolle.Ilréalisaqu’ilnelaconnaissait absolumentpas.Ilnesavaitquasimentriend’elle. Ellelelaissamarinerquelquesminutes,puisn’ytenantplus,elleéclataderire. -Jeplaisante!dit-elle,hilare,etelletournalestalonssansajouterunmot.Iléclataderireàsontour, autantdesoulagementquedutourqu’elleluiavaitjoué.Elleréapparutmoinsdecinqminutesplus tard,vêtued’unerobedosnueencotonnadejaunepoussinbordéed’ungalonroselelongdelajupe, dudécolletéetdesdeuxbridesnouéessursanuque.Larobeétaitdelongueurraisonnableetelleavait troquésestongscontredessandalesàbridesencuirdoré.Elleneportaitnibijoux,nimaquillage,sa jeunesseetsonairenjouéétaientsesplusbellesparures. -Vousavezvraimentcruquemagarde-robenecontenaitquedesshorts,hein?luidit-elle,espiègle, enluiemboitantlepasverslaported’entrée.Qu’est-cequevousauriezfaitsiçaavaitétélecas? -JevousauraistrainéesurKnightsbridgeetjevousauraisvêtuedespiedsàlatêteenagitantmacarte goldaunezduvendeur. -Zutalors,sij’avaissu!Est-cequejepeuxretournermechanger? - Trop tard dit-il en saisissant les lunettes de soleil qu’elle avait perchées sur sa tête pour les lui glissersurlenez.Ilfitdemêmeaveclessiennesetouvritlaporteenpassantdevant. -Pourquoiuntaxi?l’interrogea-t-elleenapercevantlevéhicule.Ilmarchaittournéverselleettirait surunpandesavestecommepourfaireunparavent.Lechauffeursetenaitdevantlaportièreouverte etill’invitaàseglisseràl’intérieurrapidement. -Rusedeprofessionnel,répondit-ilenclaquantlaportière.Lechauffeurfitletourdelavoitureet s’installa derrière son volant pour démarrer la voiture. Il était habitué à conduire l’acteur qui l’appelait sur son téléphone portable lorsqu’il avait besoin de ses services. Malcolm avait toute confiance en sa discrétion. Les tabloïds ne perdaient jamais une occasion de graisser la patte des chauffeurs,maîtresd’hôtelsoufemmesdeménagepourobtenirlamoindreinformationàsonsujet. C’estpourquoiaufildesannéesils’étaitentouréd’unepoignéedepersonnesfidèlessurlesquellesil étaitsûrdepouvoircompter.IlmontraàAlineuneVolkswagenblancheàtraverslavitrearrière. -UnjournalisteduSunnyday.Ilmesuitenpermanencedepuisplusdedeuxsemaines.Elleleregarda intriguée.Ellesavaitquelapresseanglaisemenaitlaviedureauxstars,maisellen’enavaitencore jamaisfaitlesfrais. -Vousêtesdrôlementcalme,çanevousdérangepas? -Questiond’habitude!L’avantagedutaxi,c’estqu’unefoisenvillec’esttrèsdifficileàsuivre.Mr Webster n’a pas son pareil pour se fondre dans le paysage, n’est-ce pas Thomas ? Le chauffeur échangeaunregardcompliceavecluidanslerétroviseur. -Onadelachancequ’ilsoitenvoiture,quandilssontenmotoc’estplusdifficile,dit-ilavecunfort accentdel’estLondonien. -Maispourquoidepuisdeuxsemaines?demanda-t-elle Il lui expliqua que cela correspondait avec l’annonce officielle de son divorce par son agent. Cela faisait vingt ans que la presse devait se contenter de photos d’une banalité repoussante, lui avec sa femmeetsesenfantsauparc,safemmepoussantsoncharriotdecourse,luietsafemmeauxsoirées deremisedeprix.Ilsespéraientsansdoutelesurprendreentraindenoyersonchagrindansl’alcool, ouavecunestripteaseuse. -Vouscroyezqu’onpeutmeprendrepourunestripteaseuse?Jenesaispassijedoisêtrevexéeou flattée! Iléclataderire. - Ils risquent surtout de croire que je me console dans les bras de la petite amie de mon fils ! Remarquez,çaferaitvendre!Ils’enfonçadanslabanquettedutaxi,d’excellentehumeur.Ilsavaient quittélecoconarborédeMilfieldlaneetlongeaientHampsteadHeathparkendirectiondeCamden. Alineregardaitlepaysagechangeretsentaitleflotdesvoituresaugmenterautourd’eux.Lechauffeur lançauncoupd’œilàMalcolmdanslerétroviseuravantdetournerdansCamdenroad.Sansprévenir, MalcolmattiraAlinecontresesjambesetallongeasonbustesurelle.Elleétouffauncri,essayantde sedégagermaisilétaittroplourd. - On en a pour une minute, souffla-t-il comme si leur poursuivant pouvait les entendre. Tant qu’il chercheuntaxiavecdeuxpersonnesàbord,lenôtreestinvisible.Rapidementeneffet,lechauffeur annonça qu’ils pouvaient se redresser, le taxi s’était fondu dans l’anonymat de la circulation. Il relâchasonétreinteetseredressalentementtandisqu’elleleregardaitavecsuspicion.Entresabarbe etseslunettesopaqueselleavaitdumalàlirel’expressionsursonvisage. -Quandj’avaisditpasdeconversationpersonnelle,j’auraisdûajouterpasdetripotagedansletaxi non plus ! dit-elle en vérifiant les brides de sa robe. Elle se cala contre la portière, le plus loin possibledelui. - Désolé, j’avais oublié de vous prévenir. Un large sourire illumina sa barbe. Aventure et mains baladeuses,maintenantvousconnaissezlequotidienpalpitantdelaviedesstars! Danslerestaurant,unemagnifiquehôtesseàlapeauambréelesinvitaàlasuivrejusqu’àleurtable. Ils traversèrent une grande salle agencée comme une maison traditionnelle Thaïlandaise, avec des meublesenboissombre,desparaventsdebambousetdespalmiersnains.L’utilisationdematériaux naturels donnait une touche authentique au lieu et dès le seuil d’entrée, on était catapulté dans un quartier résidentiel de Bangkok. La salle était pleine. Le Sai Gnan s’était donné pour mission de défendreleslettresdenoblessedelagastronomieasiatiqueetdepuissonouvertureunanplustôt,il avait été pris d’assaut par la clientèle branchée du tout Londres. Ils traversèrent la salle sous les regards blasés, mais Aline sentit à la façon dont les clients du restaurant baissaient le ton sur leur passage,unecuriositéteintéed’excitation.Malcolmn’étaitpasseulementconnuentantqu’acteur,sa carrièreinternationaleetlastabilitédesavieprivéeenavaitfaitl’unedespersonnalitéspréféréedes britanniques. Il était considéré comme une gloire nationale, l’enfant, le mari et le père idéal. L’annonce de son divorce avait fait l’effet d’une bombe dans le milieu et le voir traverser la salle accompagnédecettepetiteblondeinconnueallaitalimenterlesconversationsbienaprèsleurdépart. L’hôtesse les installa dans une salle secondaire, plus intime, composée de trois tables espacées et séparées les unes des autres par des paravents en bois ajouré. Aline se glissa sur un canapé blanc bordédetecketMalcolmfidèleàseshabitudeschoisitlefauteuilquitournaitledosàlapièce.Ellese penchaversluietluiditsurletondelaconfidence: -Jesuissoulagée,j’avaispeurquevousn’ayezréservédansuntroisétoilesavecvisiteguidéedes cuisinesparlechefenpersonne. Ilpritlemenuqueluiprésentaitlaserveuse,véritablepoupéeasiatique,avecdeslongscheveuxde soie noire et une bouche comme un bouton de rose. Aline la regardait en coin, fascinée par la perfectiondesonvisageimpassible. -J’avouequecelam’avaiteffleurél’esprit,maisj’avaispeurquevousnetombieztropvitedansmes brasetcommevousaviezditquevousnevouliezpasdedrague… - Vous avez bien fait, passé deux étoiles j’ai beaucoup de mal à me contrôler ! Elle réalisa qu’ils n’avaientmêmepasencorecommandéetqu’ilsétaientdéjàentraindeflirter.Ellereprituntonplus sérieux. -Sincèrement,jesuisraviedevotrechoix,maiscommentavez-vousfaitpourdécrochercettetable? Depuisqu’ilsontgagnéleurdeuxièmeétoileilssontpleinsaumoinssixsemainesàl’avance!Ilétait surprisqu’ellesoitsibiendocumentée. -Nemeditespasquevousêtesdéjàvenue?luidemanda-t-il,méfiant. Ellecachasonsouriredanssonmenu. - Vous êtes déjà venue ! C’était stupide, mais il était un peu déçu. Il avait espéré la surprendre et l’ébahirparl’originalitédulieu,àlaplace,c’estluiquipassaitpourunidiot. -Voussavez,celafaitbientôtsixansquejevisàLondres,j’aiessayétouslesrestaurantsétoilésdela ville,dit-ellecommeuneévidence.Celui-ci,c’estuncoupdechance,unamiphotographemedevait unservice.Ilavaituneréservationpourlasemainedernièrequ’ilnepouvaithonorer.Ilm’aoffertsa réservation plutôt que d’annuler. Je venais de lire un article dans le Sunday Times, j’ai sauté sur l’occasion! -Etvousyêtesalléeseule?Ilcherchaàserappelercequ’ilfaisaitdixjoursplustôt.Décidément,il allaitdesurpriseensurpriseavecelle.Habituéàlavoirderrièresesfourneaux,iln’avaitpasréalisé qu’elle avait une vie en dehors de son métier. Avec des amis, des activités…autant de choses qu’il ignoraitsursoncompte. -Onavaitditpasdequestionspersonnelles!protesta–t-elleavecvéhémence.Puiselleseradoucit.En l’occurrence,oui,j’ysuisalléeseule,c’estquelquechosequejefaissouvent.J’aimebienêtreseule quandjedécouvreunrestaurant,jepeuxmeconcentrertotalementsurlanourriture,sansêtredistraite par la conversation. La serveuse s’approcha pour prendre leur commande. Malcolm la regarda énoncerseschoixavecdéterminationetrapidité,commelorsqu’ellecuisinait.Illuilaissalacartedes vins,ellecommandapresquesanshésiterunpinotgris.Ildécouvraitleplaisird’êtreguidéetnese lassait pas de la regarder. Ses yeux étaient brillants, comme ceux d’un enfant dans un magasin de jouet. -Vousnem’aveztoujourspasditcequiavaitmotivévotrechoix. -Jenevoulaispasunchefeuropéen,jetrouvaisqueçamanquaitd’originalité.J’aidemandéconseilà monagentquim’aparléduSaiGnamquiavaitunebonnecôte,voilà.Enplus,jemesouvenaisque vousm’aviezparléd’unvoyageauJaponquevousvouliezfaireauprintempsprochain,mêmesila culturen’estpaslamêmej’aisupposéquevousaimiezlacuisineasiatique. Aline était surprise qu’il se souvienne de ses projets de voyage, ils n’en avaient parlé qu’une fois, pendantqu’ilterminaitsonpetitdéjeuner.Iln’avaitpassembléporterplusd’attentionquecelaàla conversation. -Mais,etvous?Vousaimezlacuisineasiatiqueaumoins? -Cen’estpascequejepréfèreenfait.Ilritunpeubêtement.Maisjesuiscontentdedécouvrirceque lacuisineThaïpeutfairequandc’estdansunrestaurantgastronomique. -Pourtant,avecvosfilmsvousavezpassédutempsenThaïlande,non? Saquestionlesurprit,maisilneréagitpastoutdesuite.Lesommeliers’étaitapprochédeleurtable. Ilattenditqu’Alineaitgoûtélevinpourlesservirtouslesdeuxpuiss’éclipsadiscrètement. - Vous avez-vous ces films ? Il faisait référence à trois films qu’il avait tourné à la frontière du Vietnametquiavaitlargementcontribuéàasseoirsonsuccèsinternational,luiouvrantlesportesde l’Asie.Maiscesfilmsontplusde10ans,vousdeviezêtreunegamine!Amoinsque…pitié,neme ditespasquejesuisl’acteurpréférédevotremère! Ellelerassuraensouriant. -D’abord,j’étaisjeune,maisdéjàmajeure,ensuite,j’aimebiencesfilms,surtoutlepremier,c’estun de mes préférés. Il jouait un pilote d’avion qui avait la fâcheuse habitude de se retrouver dans des endroits exotiques, découvrant malencontreusement un trésor faramineux ou un temple sacré. Une espèced’IndianaJonesàlasaucebritish. -Etvousenavezvud’autres?D’habitudeiln’aimaitpasparticulièrementparlerdesafilmographie. Lesgensaimaientoun’aimaientpassesfilms,ilnevoyaitpasl’intérêtd’endébattreàmoinsquece nesoitdescritiquesconstructives,cequ’ilfaisaitdéjàabondammentavecsonentourage.Maisilétait touchéetsurprisqu’elles’intéresseàsontravail,ellen’enavaitjamaisfaitcasauparavant.Ellenele regardaitpasnonpluscommesielleétaitsanscesseentraindelecompareràsespersonnages.Illui semblaqu’ellerougissaitunpeuavantderépondre. -Tous,jecrois.Elleenchaînaavantqu’iln’aitletempsderéagir.C’estuncasunpeuparticulier.Vous nelesavezpas,maismamèreconnaitvotreépouse.Quandelleétaitadolescente,elleapasséunanà Milancommefilleaupairdanslafamilled’Allegra.Quandellevousaépousé,mamèreasuivitoute votre carrière en nous racontant à chaque fois à moi et mon père, comment elle avait rencontré Allegra,etc,etc…etbienentendu,ellemetrainaitavecellevoirtousvosfilms. -EtAllegrasaitquivousêtes? -Oui,c’estparmamèrequ’elleestpasséepourm’embaucher. Décidément,àchaquefoisqu’ilcroyaitmaîtriserunpeulasituation,ildécouvraitd’autressources d’étonnement. -Etgénéralement,j’aimebienlesfilmsdanslesquelsvousaveztourné.Ellefitunepause.Jetrouve que vous êtes un bon acteur, mais je crois que les scénaristes n’exploitent pas assez votre potentiel comique. L’arrivée des plats mit fin à leur conversation. Aline s’absorba dans la découverte de ses crevettes fourréesetenveloppéesdansunvoilederiztandisqueMalcolmgoûtaitsesbrochettesdevolailles marinées puis grillées, accompagnées d’une sauce piquante à la citronnelle. Aline parlait peu en mangeant. Elle fermait parfois les yeux, mastiquait lentement, prenait une gorgée de vin. Elle était comme dans une bulle. Il comprenait mieux son goût pour les restaurants en solitaire. La serveuse avaitapportédeuxbolsdesoupepiquanteàlacoriandrequifaisaitressortirlesarômesdeleursplats. C’était délicieux et raffiné, le restaurant n’avait pas volé sa réputation. Alors qu’elle passait discrètementundoigtgourmanddanssonassiettepourramasserunpeudesauce,sonvisagesefigea. Malcolmsentituneprésencederrièrelui.Ilseretournapourdécouvrirlasilhouettebruneetmassive de John Barreta, producteur de musique, connu comme le pygmalion et l’époux depuis plus de dix ansdeMissy,chanteuseaméricainedeRn’B.JohnetMalcolmsecroisaientparfoisdanslessoirées mondainesauseindesquelleslesgensduspectacleaimaientfrayer. -Malcolm!s’exclama-t-ilendécouvrantsonvisage.Ilmesemblaitbient’avoirreconnu!Cedernier, agacé de voir leur dîner interrompu se leva en cachant son impatience et lui serra la main. Il allait fairelesprésentationsquandJohnsetournadelui-mêmeversAline. -Aline,jesuiscontentdetevoir.Ellenefitpasungesteversluietsecontentadesourired’unair pincé.Ilajoutaun«tuasl’airenforme»quitombatoutautantàplat,puissonregardnaviguadela jeunefemmeàMalcolmmaiscommeaucundesdeuxnecherchaitàengagerlaconversation,ilfinit par prendre congé d’un air faussement détaché. Il lança un dernier « je ne voudrais pas déranger votretêteàtête»etMalcolmmitdéfinitivementfinàleurconversationavecun«passelebonjourde ma part à Missy ». Aline marmonna quelque chose en français qui n’avait pas l’air d’être un complimentetsonvisagenerepritsescouleursquelorsqu’ileutrejointlatableoùl’attendaientdeux hommesqueMalcolmsaluad’unmouvementdetête.Ilsrestèrentunmomentsilencieuxpuis,jouant aveclepieddesonverrevideellecommença -JetravaillaispourMissyjusqu’àtrèsrécemment.Laserveusesemépritsursongesteets’approcha delatablepourremplirsonverre.Elleattenditpatiemmentqu’ellesesoitretiréepourreprendre,les yeuxperdusdanslescontoursunepetitetâchedesoupeàcôtédesonverre. -C’étaitjusteavantd’accepterlecontratchezvous. Ilavaitremarquéqu’elleavaitprissoindenepasprononcerlenomdeBarreta. -Can’apasl’aird’êtrelafrancheententeentrevous.Ilsonteudumalàsupportervostisanes?Illui arrachaundébutdesourire.Oualorsc’estvotreporridgepourlesbébésqu’ilsn’ontpassupporté? - Disons plutôt que John aimait un peu trop mon porridge justement. Elle crut nécessaire de se justifier.Jesais,j’aiditquejenesortaispasavecmespatrons,maisjustement,là,j’aipuvoiràquel pointc’étaitdelafolie. IljetaunœilàBarretaàtraverslatrémieduparaventetcherchaàlesimaginerensemble.Avecun pincementdejalousieildevaitbienadmettrequel’hommeétaitunpeuplusjeunequelui.Iln’étaitpas particulièrement beau mais son caractère énergique et déterminé lui donnait un certain charme. Il étaitd’ailleursconnupoursesaventures.Malcolmétaitsurprisdecechoixdelapartd’unefemme quiavaituncaractèreaussifarouche. -Qu’est-cequis’estpasséàlafin? -Rien.Missyestpartiesixsemainesentournée,puiselleestrevenueetj’aicomprisquej’étaisjuste unextrapourlui.Ellepritunegorgéedevinqu’ellelaissareposeruninstantsursalangueavantde l’avaler.Jemanqueunpeudevolontéquandils’agitdeshormones,j’aitendanceàm’attachertrès vite,mêmequandlapersonnen’envautpaslapeine.C’estpénible,alorsdisonsquemaintenantj’ai décidéderalentirunpeulacadenceetd’êtreplussélectiveavecleshommesquejerencontre. L’appeldeshormones,songeaMalcolm.Lui-mêmeavaitl’habituded’êtresollicitépardesfemmesde tous âges, que ce soit pour son physique ou pour son métier. Mais l’avantage d’avoir connu la célébrité très tôt, c’est qu’il avait rapidement fait le tour de ces aventures purement sexuelles qui défoulentlecorpsmaislaissentunvidedifficileàignorer.QuandilavaitrencontréAllegra,ilavait trouvé une personne avec qui il se sentait comblé pas seulement physiquement, mais également intellectuellement et émotionnellement. En tous les cas, les premières années. La naissance des enfants,l’envoldesacarrière,ilavaitdumalàpercevoirl’endroitoùilss’étaientperdus. Il posa son menton sur ses doigts croisés et la regarda pensivement. Il hésitait entre l’envie de la conseillercommeunpèreetledésirdelaséduire,cequin’étaitmanifestementpascompatible. Elleportasonverreàseslèvresetfronçalessourcils. -Aquoiest-cequevouspensez? -Jemedemandaiscommentj’allaisfairepourvousmettredansmonlitmaintenantquecetidiotde John avait salopé le travail ! Elle s’étouffa avec son vin et se mit à tousser, les joues rouges. Il allongealebras,sepréparantàluitaperdansledosmaiselleluifitsignedenepass’approcheretse laissaallercontreledossierrembourrédelabanquettepourreprendresonsouffle. - Si vous me refaites une réflexion comme celle-là, je promets de glisser tous les jours de la marjolainedansvostisanesetjevousfaismangerdelalaitueàtouslesrepas! Cettefois,c’estluiquifronçalessourcils. -Qu’est-cequec’estqueça?Ilnesesouvenaitpasavoirjamaisgoûtédelamarjolaine,maisilavait mangé des kilos de laitue lorsqu’il était adolescent en pension. C’est un truc de sorcière que vous vouspartagezdemèreenfillepourrepousserlesprétendants? - Ce sont des anaphrodisiaques naturels, ça devrait vous aider à garder les idées claires. Elle rit malicieusementetilsedemandauninstantsiellen’enavaitpasdéjàutilisésurlui. -Pourtant,jepeuxvousdirequ’avecmescamaradesonamangéunpaquetdelaituequandonétaitau collège,maisçanecalmaitpasnosardeurs! - Ou alors ça vous a évité de trouer tous vos caleçons. Si vous étiez quand même excité régulièrement, imaginez ce que ça aurait été sans la salade ! Ils éclatèrent de rire. La serveuse s’approchapourdébarrasserleurtable.Ilsepenchaenbaissantlavoix. -Maisvouspensezqu’ilslefaisaientexprès?Jeveuxdire,l’intendantesavaitquelalaitueavaitce pouvoir? Elleluisourit. -Jenesaispas,jenesaismêmepasmoi-mêmesiçamarchevraiment,jen’aijamaiseubesoinde l’utiliserjusqu’àmaintenant. -Jesavaisbienquevousétiezunesorcière! -Etvousunvieuxpervers! Ilsefenditd’unlargesourireetlevasonverrepourl’inviteràtrinqueraveclui. Allongédanssonlit,Malcomessayadecompterlesjoursquis’étaientécoulésdepuisladernièrefois qu’ilavaitvusesenfants.Celafaisaitdéjàplusd’unmoisqu’ilétaitrentréd’Italie,ajoutéàcelaun moisdepuislesOscars,lespapiersdudivorcesavaientétésignésjusteavantsondépartpourVenise, mais Allegra était venue seule. Elle avait dit que les enfants se portaient bien mais qu’ils avaient besoind’unpeudetempspours’habitueràlanouvellesituation.Quelmeilleurmoyendes’habituerà vivresansleurpèrequedecouperlespontsaveclui,luiavait-ilditironiquement.Ceàquoiellelui avaitréponduqu’ilyavaitlongtempsqu’ilsavaientapprisàvivresanslui.Difficiled’argumentersur cesujet,ilavaitdonccoupécourt.Maislà,quandmême,deuxmoissansdonneruneseulenouvelle,Il commençaitàtrouverletempsunpeulong,surtoutsedit-il,depuisqu’ilétaitredevenusobre.Acette penséeilfitclaquersalanguepâteusecontresonpalaisetattrapaunebouteilled’eauminéraleaupied dulit.LaveilleilétaitallévoirlapiècedeGerry.C’étaitunepièceécriteparunjeuneauteuranglais, uneaudacieuseparodied’Untramwaynommédésir.Ilavaitététrèsagréablementsurprisdelaqualité desdialoguesetlajustessedujeudesonami.Gerryétaittellementdésinvoltedanslaviedetousles joursqu’iloubliaitparfoisdeleprendreausérieux.Pardéformationprofessionnelle,Malcolms’était demandésilapièceneferaitpasunebonneadaptationcinématographique.Ilpourraitlaproduireet lancer Gerry à Hollywood par la même occasion. Il nota mentalement d’en parler à son agent. Ce derniernel’avaitpasappelédepuistroisjours,Malcolmluiavaitdemandédefiltrerlesscénarii.Ilne voulaitplusdecomédiesromantiquesmaisdesrôlesd’hommesplusmûrs.Enréalitéiln’avaitenvie d’aucunrôle.Peut-êtrequefairedelaproductionluipermettraitdes’oxygénerunpeu…c’estlegenre deconversationqu’ilauraitaiméavoiravecAllegra.Ellesavaitl’écouteretleguiderdansseschoix sans donner l’impression de choisir à sa place. Elle lui manquait plus que jamais mais il réalisait aussiàquelpointilavaitétéégoïsteavecelle.Touteleurvien’avaitjamaistournéqu’autourdesa personne.Ilenétaitarrivélàdesonintrospectionquandlebruitdeladouchecessa.Unejeunefemme brunesortitdelasalledebain,uneservietteenrouléeautourdesoncorpsbienenchair. -Salut!luilança-t-elleenramassantsesvêtementssurlesol. - Salut. lui répondit Malcolm en cherchant à se rappeler son prénom. Il se leva à son tour et s’engouffradansladouchepourgagnerdutemps.Doreen?Maureen?Çafinissaiteneenilenétait sûr. Doreen ou Maureen le rejoignit dans la salle de bain. Elle avait enfilé dans la chambre les quelques centimètres de dentelle qui étaient censés lui servir de culotte mais elle semblait avoir changé d’avis. Elle les retira lentement, avec des airs d’apprentie stripteaseuse et à son grand désarroiilsemitàbander.Allegraavaitraison,àtropfréquenterGerryvoilàquemabiteestdevenue aussiconnequelasienne!Elleseglissasousladoucheaveclui.Sonsexeétaitpresqueentièrement épilé, ne laissant qu’un minuscule rectangle sur le sommet du pubis, de la taille d’un pansement. Seigneur ! Si cette femme est capable de faire subir un truc pareil à son propre sexe, imagine ce qu’ellevafairedutient!Lespérégrinationsdesaconscienceprirentfinquandellesepenchapour prendresaqueuedanslabouche.Ilsentitsonsangquittersoncerveaupourrejoindrejoyeusementses bourses, aussi rapidement que les gouttes d’eau qui ruisselaient sur ses épaules. Après quelques minutesXreenseredressaettenditlebraspourattraperunpréservatifqu’elleavaithabilementlaissé surleborddelabaignoire.C’étaitlapremièrefoisdepuissonmariagequ’ilpartageaituneintimité sexuelle avec une autre partenaire que sa femme, c’était étrange, mais pas désagréable. Pas désagréabledutout.Ilposasesgrandesmainssurleshanchesd’Xreenetl’invitaàsetournerversle mur.Docilement,lajeunefilleluioffritlacourbedesesfesses,ilenfitbonusage,s’abandonnantau plaisirbinairedelapénétration. EllecriasansretenuequandellejouîtettoutàcoupilsesurpritàpenseràAline.Est-cequ’elleles avait entendus ? Est-ce que lui aussi avait gémi un peu fort en venant ? C’était complètement idiot mais il se sentait gêné. Ce n’était pas comme s’il y avait quelque chose entre eux ou qu’il lui ait promisdel’attendre,elleavaitd’ailleursétéassezclairesurlefaitqu’ellen’étaitpasintéresséepar unenouvellerelation,maisilsesentaitunpeucoupable,commes’ill’avaittrahie. Iljetaunœilauréveilpendantqu’ilsserhabillaient.9h05.C’estsûrelleétaitauxpremièreslogesde sesébats! -Jemeursdefaim!ditallègrementXreen.Manifestementelleavaitaimélaprestation.Ellenedevait pasêtretrèsdifficilecarc’étaitloind’êtresameilleure.Ellenedevaitpasavoirplusde25anscarla première chose qu’elle lui avait dit quand Gerry lui avait présenté au restaurant c’était « ma mère vousadore,elleavutousvosfilms!».Gerryluiavaitalorstapédansledosetchuchotéàl’oreille « Le syndrome d’Oedipe, elle va vouloir se taper le mec qu’idolâtre sa mère, c’est bon pour tes affairesmonvieux!» Il essaya de gagner le plus de temps possible avant de descendre, dans l’espoir qu’Aline aurait regagné son bungalow. Peut-être même qu’elle aura fait exprès de s’éclipser, après tout, c’est une employée,c’estàelledemontrerunpeudediscrétion! C’étaitsanscomptersursongoûtnaturelpourlaraillerie.Lorsqu’ilsarrivèrentdanslacuisine,Attila lesattendaitdepiedferme,trônantroyalementdevantlatable,unecasseroleàlamain. SaprésencesurpritXreen,etMalcolmsesentitobligédegrommelerun«Aline,macuisinière».Puis lesdeuxfemmes,sanspitié,setournèrentverslui,attendantlasuitedesprésentations. -Etvoici…Maureen,uneamie. MaureensaluaAlined’unsignedelamainetajouta -Enfaitc’estChloé.Maureenc’étaitlablondeassiseàsagauche. Alinesemblaitsedélecterdelasituation. -Nevousinquiétezpas,iln’estplustrèsbienlatéralisépassé22heures!Elleséchangèrentunpetit rire complice typiquement féminin et il se contenta de présenter une chaise à sa jeune amie, en lui faisantunerévérencedansuneparodiedegalanterie. RaviedesadernièreboutadeAlineajouta -J’avaisprévuduporridge,maissivouspréférezjepeuxfairedestoasts. -Ohnon,surtoutpas,duporridge!J’adoreça!J’enmangedepuisquejesuistoutepetite! Cettefoisc’estàMalcolmqu’Alineadressaunsourireentendu.Ilcachalesiendanssonmugdethym etromarin. Chapitre5:Oùlelecteurcommenceà comprendreletitredulivre Remontépartoutecetteactivitésexuellequiàdéfautdel’avoircomblél’avaitrassurésursavirilité, Malcolmenchaînasajournéedetrèsbonnehumeur.AprèsavoirpousséChloé-Maureendansuntaxi, non sans lui avoir finalement dédicacé une photo pour sa mère, il s’était installé dans l’un des confortablescanapéschocolatdusalonpourlireunnouveauscénario.C’étaitunfilmd’aventuresen costume mais il ne tenait pas le rôle principal du jeune premier, seulement celui du roi, son père. C’étaitunviragedifficileànégocierpourlui.Sonâgeneluipermettraitbientôtplusd’incarnerson créneauhabitueletilyavaitpeuderôlesprincipauxpourleshommesmûrs,sortisdespoliciersou des films de guerre. Malcolm avait souvent eu des propositions pour des rôles de flic et il aurait facilementpuprendrelarelèved’HarrisonFord,maisilavaittoujoursrefusédeporterdesarmes, celalimitaitfortementl’imaginationdesscénaristeshollywoodiens.Sondernierfilmluiavaitpermis d’incarnerlerôleintéressantd’uncinquantenaire,maisIldevaitfaireattentionànepasquittertrop vitelesrôlesromantiques,souspeinedenepluspouvoirrevenirenarrière.Cependant,misàpartles craintesliéesauvieillissement,ildevaitbienavouerqu’ilavaitprisénormémentdeplaisirpendantle tournagedecefilm,bienplusquedanslesfilmsdecesdernièresannées. Pris dans son travail et ses propres réflexions, il n’avait pas vu la journée passer. A 13h il avait regagné sa chambre pour terminer la lecture du scénario et à 16h Tom, son agent avait téléphoné pour lui annoncer que les droits d’adaptation de la pièce de Gerry n’avaient pas encore été achetés maisqu’unproducteuraméricainavaitdéjàfaituneoffre.L’excitationdelanouvelleluirappelaqu’il n’avait fait que grignoter à midi et il réalisa que l’odeur d’amande grillée qu’il sentait depuis un momentneprovenaitpasdesonimaginationmaisbiendurez-de-chaussée.Ilsepenchaàlafenêtre de sa chambre et entendit Aline dans la cuisine. Il se passa une main dans les cheveux et quitta sa chambre,dévalantjoyeusementlesescalierspourlarejoindre. Lajeunefemmesouritenlevoyantdébarqueravecsescheveuxenbatailleetsabarbefleurie. -VouspostulezpourlerôledeRobinsonCrusoé? Ilsouritmalicieusement. -EtvouspourVendredi?répliqua-t-ilenpointantdumentonleséternellesfrangesnégligéesdeson shortenjean. D’un même élan ils se retournèrent chacun de leur côté pour chercher leur reflet, lui dans le frigidaire, elle dans la porte du four. Elle remit maladroitement une mèche dans son espèce de chignonetenchaîna: -Vousn’aimezpasmesshorts?AngelinaJolieenportaitbiendansTombRaider! - Oui, mais ils étaient à sa taille. Enfin, à la taille qu’elle devait avoir quand elle avait 12 ans je présume! Elles’étaittournéeànouveauverslegazpourcachersonsourire.Ils’avançaversellepouressayer de voir par-dessus son épaule ce qu’elle fabriquait. Sur une grille posée sur le plan de travail, refroidissaientdeslanguettesdegâteau.Uneforteodeurd’amandes’endégageait. -Qu’est-cequec’est?demanda-t-ilfascinéparlarégularitédesbiscuits.C’estvousquiavezfaitça? -Evidement!répondit-elleenhaussantlesépaules.Jenesaispassivousavezremarquémaisjesuis cuisinière,c’estpourquoijenequittejamaiscettepièceetplusprécisémentcettepartiedelacuisine. Elledésignaitleslimitesdelapièceàlamanièred’unehôtessedel’air. -Hum,dit-ilenavançantundoigtverslesbiscuits,etunecuisinièrefrançaiseenplus! Elleluitapasurlamaind’uncoupsec. -Laflatterienemarchepasavecmoi.Ellelepoussadelahancheversleplandetravailetluimontra dumentonuneassietteavecdesmorceauxdebiscuitsirréguliers. -Goûtezplutôtceux-ci,ilssontcassés. Sanssefaireprierildéposaunebouchéesursalangueetcommençaàmastiquerlentement.C’étaità lafoisspongieuxetléger.Iln’avaitjamaisriengoûtédetel. -C’estdélicieux,qu’est-cequec’estexactement? - C’est une génoise à l’amande amère, ce sera le fond de mes mini cerisiers. Expliqua-t-elle en s’appuyantcontreleplandetravail,unespatuleàlamain. -Lenomestaussipoétiquequelegoût.C’estuntrucfrançais? - On peut le dire comme ça puisque c’est ma nationalité, mais ce n’est pas vraiment une spécialité, c’est une variation d’un gâteau qui s’appelle « fraisier » ou « framboisier » selon le fruit qu’on utilise. Elle attrapa dans un saladier des marrons émiettés et les versa dans un gros robot mixeur chromé.Elleajoutadusucreetunpetitboldefromageblanc. Ilfronçalessourcils: -Qu’est-cequ’ilyadanslepotdesucre?Ilavaitaperçuuneespècedebâtonderéglisse.Accoudéà l’îlotcentral,unpeuplushautquelesautresplansdetravail,ilobservaitchacundesesgestesavec curiosité. -C’estunegoussedevanille,c’estpourparfumerlesucre. -Ah!s’écria-t-iltriomphant,c’étaitçadansleporridgel’autrejour! -Oui,lajeunefemmesourit,sonvisageétaitdétenduetilsemblaitéclairédel’intérieur.Maisl’autre fois la gousse n’avait pas encore eu le temps de bien diffuser son parfum, le porridge de ce matin devaitêtrebienmeilleur,ajouta-t-ellemalicieusement. Elle sortit des bandes de plastique alimentaire rigide et commença à entourer les biscuits refroidis avec,pourformercommeunmouletransparent. -VousvousmoquezdeChloé-Maureen,maisvousn’êtespastellementplusâgéequ’elle!Etilavala unenouvellebouchéedegénoiseenlevantsonmenton,provocateur. -Laissez-enunpeu,jevoudraisfairedesessais.Etellesebaissadansunplacardpourrécupérerun pot de confiture de cerise. D’abord, je suis plus vieille qu’elle, reprit-elle, mais surtout, moi je ne couchepasavecdes… -Desvieux?conclut-ilsardonique,unelueuramuséedansleregard -Non,cen’estpascequejevoulaisdire! Ilhaussalesépaules,faussementindifférent.Aprèstout,ellen’avaitpastort. -Jevoulaisdireavecdeshommesquineserappellentpasdemonprénomlelendemainmatin. -Hummmarmonna-t-ilsongeur.Donc,sijecomprendsbien,vousmetraitezdevieuxETdesénile! Ellepouffa. - Bon et maintenant, au travail ! Vous allez vous rendre utile. Elle lui tendit le pot de confiture. Ouvrez-moiça!Etelledétachalebolmixeurdesonsocle.Tandisqu’iltentaitderéussirbrillamment letestdevirilitéquereprésentaitl’ouvertured’unpotdeconfiture,ils’exclama: -Mais,c’estdelavraieconfiture!Oùest-cequevousaveztrouvéça? - Evidemment, qu’est-ce que vous croyez ! La chose la plus importante en cuisine, peut-être même plus important que le cuisinier, c’est la qualité des produits. Celle-ci c’est ma mère qui me l’a envoyée,ellemefaitdescolisdeFrancedetempsentemps. - Et quand vous changez de client, vous emportez tout votre stock avec vous, dans une petite camionnetterempliedepotsdeconfitureetdesucrevanillé? -Cam’arrive!Ellesouritàcetteimage.Maispasbesoindecamionnette,engénéralj’aijustebesoin d’unemallettepourmescouteaux.Lerestejel’achètesurplaceselonlesbesoins,commecemixeur, quivousacoûté500Livres! Ses grands yeux bruns s’agrandirent un peu plus et il ouvrit la bouche pour protester mais avant qu’un son ne sorte de sa gorge elle déposa une bouchée de biscuit surmonté de deux très fines couchesdeconfitureetdecrèmedemarron. Cette fois il ferma les yeux de ravissement et les fit plisser pour mieux s’imprégner des arômes dégagés. -Incroyablementdivin! Elleattenditunmoment,puisluitenditunverred’eauetpréparaunenouvellebouchée.Cettefoiselle avaitinversélescouchesetlacrèmeétaitendessousdelaconfiture.Commeunenfantdechœuràla communion il tendit religieusement la langue pour qu’elle y dépose la pâtisserie. Elle lécha machinalementunpeudecrèmeaccrochéàsondoigt.Anouveauilfermalesyeuxpourseconcentrer sursessensations. Ilréfléchitunpeuavantderépondre. -Délicieux…maisj’aiunepréférencepourlapremièreversion. -Moiaussi!s’exclama-t-elle.Etcommesiellevenaitdechangerd’avis,elleseretournapourôter les moules qu’elle avait commencé à installer. Ensuite elle versa un peu de sucre glace et de l’eau dansunecoupepourfaireunepâtetranslucide. -Vousnegoûtezpasvousaussi? -Pasbesoin.Ellebadigeonnalesnavettesdelagrilleavecleglaçage.J’aiunemémoiregustative,je peux associer les goûts dans ma tête, en général je ne goûte que les nouvelles associations ou les parfumsquejenemaîtrisepas. -Etça,c’estpourquoi?dit-ilenregardantlesnavettesluisantesdusucrequ’ellevenaitd’enduire. -Jevaisleslaissersécher,c’estpouréviterquelaconfituredecerisen’imprègnelebiscuitetcouvre le parfum d’amande. Elle attrapa un vieux cahier sur l’îlot et commença à noter sa dernière remarque.Ellerelevalatête,leregarddanslevideetsemordillapensivementl’ongledupouce.«Et jevaisteinterlagénoiseenvert,çaferaressortirlerougedescerises.»Sonregardcroisaceluide Malcolmetellesourit,réalisantqu’elleavaitoubliésaprésence.Ellesepenchaànouveaupournoter cetteprécision. Toutàcoupileutuneenvieirrépressibledel’embrasser.Iltenditunemainpoursaisirsanuque.Elle seredressabrusquement,sabouches’entrouvrit… -Lescerises!EtsansvoirlamaindeMalcolmquiretombaitenarrièreellesepenchasurlatablede cuissonpoursouleverlecouvercled’unecasserole,libérantuneirrésistibleodeurdeceriseconfite. Desonautremainelleéteignitlefeu. -J’aifaillilesoublier.Maintenantilvafalloirattendrequ’ellesrefroidissent.Ellesortitd’unplacard une nouvelle grille circulaire, et avec une pince en bois elle installa minutieusement chaque cerise dessuspourleségoutter. Malcolm se demanda depuis quand ces ustensiles étaient chez lui, il ne soupçonnait pas que ses placards puissent regorger de tant de trésors. A moins que ça ne lui ait coûté la moitié de ses économies! -Etmaintenantilfautattendrequ’ellesrefroidissentpourlasuitedel’expérience,ditlajeunefemme enposantunfilmsurlacrèmedemarronetenrefermantlecouvercledupotdeconfiture. -Quediriez-vousd’unthé?dit-ilsoudain.Enfin,jeveuxdire,uneinfusionouquelquesoitlenom quevousdonnezàcesherbesquevousmefaitesboiredepuisdessemaines!Ils’étaitlevépoursaisir labouilloireetlaremplissaitd’eau.Elleleregarda,surprise. -C’estlapremièrefoisencinqsemainesquejevousvoistoucheràunustensiledanscettecuisine! -C’estquenousautres,lesacteurs,nousavonsl’habituded’êtrecomplètementinfantilisés,dit-ilsur untonsarcastique.Ils’arrêta,interdit.«Bonsang,jenesaismêmepasoùsontrangéslesmugs!»Ils éclatèrent de rire. Aline en attrapa deux qui séchaient sur l’égouttoir et commença à remplir une bouleàthédefeuillesdementhefraîche. -Quandonestsuruntournage,pendantdesmoisonvousditcequevousdevezdire,cequevous devezfaire,ilyamêmedescroixausolpourvousdireoùvousdevezvousplacer!Onapporteles vêtements que vous devez mettre. Souvent même on met les vêtements sur vous ! Il écarta les bras comme un épouvantail pour mimer la scène. C’est très difficile après ça de réaliser que si vous voulezunjusd’orange,c’estvousquiallezdevoirlepresser! Il retira la bouilloire de son socle et versa l’eau brûlante dans une théière. Aline s’adossa à l’évier pourleregarderfaire. -Çafaitlongtempsquevousfaitescemétier.Vousn’avezpasenviedefaireautrechose? -Entouslescas,mafemme,elle,aeuenviedefaireautrechose! Ilremplitlesmugsetluientenditun. - Mais au fait, dit-il pour changer de sujet, qu’est-ce que VOUS, vous faites dans la cuisine à cette heure-ci?Jecroyaisquevousdésertiezleslieuxà14heuresprécises! -Jefaisdesrecherchespourlerepasdelasemaineprochaine. -Lasemaineprochaine?Ilfronçalessourcils -Oui,jeudiprochain,ledîneravecvosamis…vousavezoublié? Ilcouvritsabouchedesamain. -Complètement!Ilcommençaàjouerpensivementaveclespoilsdesabarbe.Ellefaisaitbientrois centimètres de longueur et commençait à friser, des poils gris et blancs parsemaient la zone du menton. -Vouspensezquejedevraismeraser? Elleposasesyeuxcaramelsurluietledétaillaattentivement. - Non. La tailler peut-être, mais ce serait dommage de la raser. Elle réfléchit. C’est comme une chrysalide,onnesaitpastropquelpapillonsecachelà-dessous…maisquelqu’ilsoit,jecroisqu’ila besoind’encoreunpeudetemps… Ellelaissasaphraseensuspensetpritunegorgéedementhe. - Et vous, reprit-il, vous n’avez pas envie de changer de travail ? Ou de travailler dans un grand restaurant? Ellefitunepetitemoue. -C’étaitmonprojetquandjesuisarrivéeàLondresmaisj’aid’abordtrouvéunpostedeserveuseau barduClaridge’s. - Ah oui ? J’y vais parfois, j’adore le décor art déco. On s’y est peut-être croisés. Il sourit malicieusement.Jesupposequec’étaitavantlapériodedesshorts! -Nem’enparlezpas!J’aitoujourseudumalaveclesuniformes!Trèsvitej’aisympathiséavecun habituédel’hôtel.Ilvenaitdes’installeràLondresetcherchaitunecuisinière,jemesuislancée.Ila étémonpremierpatron,jesuisrestéeàsonservicequatreans,maisquandilestrepartipourlesEU jen’aipasvoululesuivre.J’aiprisunautrecontrat,etpuisunautre,etpuismevoilà! -Caal’airplutôtcoolcommevie.Peudecontraintes,pasd’attaches… -Unnouveaumixeurdanschaquemaison! -Ohoui,jel’avaisoubliécelui-là!Laprochainefoisquejenesauraipasoùplacermeséconomies rappelez-moidevousdemanderconseil! -Nevousplaignezpas,j’aifaitacheteràmadernièreclienteunpianogastronomique! Ilouvritdesyeuxronds. - C’est la Rolls Royce des cuisinières, expliqua-t-elle. D’ailleurs, avec son prix on peut presque rouleravec! Ilpouffa. -J’aimebiencettefaçondetravailler,continua-t-elle.J’aipeud’obligations,jepeuxcréerautantque jeveux.Ellefitunepause,hésitante.Lavérité,reprit-elleengrimaçantunsourire,c’estquejen’ai paslesdiplômesqu’ilfaudraitpourtravaillerdansunrestaurantétoilé.Ellehaussalesépaules.Jen’ai jamaisbienaccrochéàl’école.Jemesuisdépêchéedepassermondiplômedepâtisserieetpuisj’ai commencéàtravaillericietlà.Laplupartdeschosesquejesaisjelesaiapprisessurletas,lereste, je l’invente. En même temps, je ne le regrette pas, je n’aurais sans doute jamais pu me plier aux exigencesd’unétablissementcommeleClaridge’s.Ellefinitladernièregorgéedesonmug,leposa dansl’évieretpritlagrillesurlaquelleégouttaientlescerisespourlaplaceraufrigidaire. - Et maintenant, la suite ! Elle ouvrit le congélateur et en sortit un saladier rempli de crème. C’est pour la chantilly, ajouta-t-elle, devant son regard interrogateur. Il se resservit un mug et s’appuya confortablementcontrel’évierpourobserverlasuitedesréjouissances. Lejeudisuivant,MalcolmétaitassisdanslebureaudesonagentquandsasecrétaireannonçaqueM. GerryPenhollétaitarrivé.Ilspartageaientlemêmeagentetcen’étaitpasunhasard.Ilsavaientdébuté en même temps dans la profession et lorsque Tom avait commencé à s’occuper de la carrière de Malcolm, ce dernier avait un peu imposé son ami à son agent. Ce dernier n’avait jamais eu à s’en plaindrepuisqueGerryfaisaitunebellecarrièredanslethéâtre.IlavaitmêmeremportéunLaurence Olivier à 40 ans pour son rôle dans « la maison de poupée » d’Ibsen, se prouvant ainsi qu’il était capabled’élargirsonrépertoire,bienqu’ilcontinueàexcellerdanslescomédiesetvaudevilles.Sam Zeilmer,l’agentaméricaindeMalcométaitarrivélaveille,spécialementpourlaréunionetrepartait lesoirmême.Ilavaitl’habitudedetravaillerencollaborationavecTom,maisilrestaitcirconspect concernantleprojetactueldeMalcolm.Samétaitunhommed’unesoixantained’années,chauveetle teinthâlé.Pastrèsgrandetbienenchair,ilétaitd’unnaturelréservéetavaitlaréputationd’êtredur en affaire. C’était quelqu’un d'ambitieux et Malcolm aimait s’entourer de gens capables de prendre desrisques.Enplusilavaittouteconfianceensoninstinct. LesdeuxhommesselevèrentpouraccueillirGerrytandisqueZeilmersecontentaitdetournerson visageendirectiondunouvelarrivant.Gerryétaitunpeutendu,Malcolmn’avaitpasl’habitudedele voiraussimalàl’aise. -Gerry,dit-ilchaleureusementenluitenantlebraspendantqu’ilséchangeaientunepoignéedemain amicale.Onsevoittoujourscesoirchezmoi? -Jenerisquepasd’oublier,j’aipassélajournéed’hierenshoppingavecCarolynpourtrouverune robeconvenable.IlserralamaindeTom.Ilparaîtqu’ellen’avaitrienàsemettre!Ilséchangèrentun rirecomplice.Tomfitrapidementlesprésentationspuislesinvitaàrejoindrelasallederéunion.Il avait souhaité discuter un peu avec Sam du contrat actuel de Gerry avant l’arrivée des avocats s’occupantdesdroitsdelapièce«Unticketpourdeux». Arrivédanslagrandesalle,Zeilmers’arrêtauninstantdevantlabaievitréequilongeaittoutelapièce etpourlapremièrefoisdepuissonarrivéesonvisageimpassiblemontrauncertainétonnement. -Qu’est-cequec’estquecetruc?demanda-t-il,lesyeuxposésurungratte-cielovoïdejaillissantde derrièrelesbâtimentsenpierredelabourse. - C’est ce putain de Gherking ! marmonna Tom. Tom adorait l’architecture et il avait projeté d’installersesbureauxdanslaSwissRetourqu’ilavaitvueconstruire,maislapolitiqueécologique du gratte-ciel n’avait prévu qu’un minuscule parking pour l’ensemble du bâtiment, obligeant les salariésàutiliserlestransportsencommunoulevélo.Furieuxdevantcequ’ilconsidéraitcommede l’éco-despotisme, il avait renoncé à s’installer dans le gratte-ciel prestigieux mais pestait plein d’amertume à chaque fois qu’à travers les baies vitrées de ses locaux, il apercevait le manteau d’arlequindubâtiment.Sansaccorderplusd’attentionaugratte-ciel,ils’installaenboutdetableet actionnalatélécommandepourpréparerlavisio-conférence.Ilétait16hàLondres,soit7hdansles bureaux de la Westcoast Union, la maison de production avec laquelle Zeilmer avait l’habitude de travailler.Malcolmavaitannoncésondésirdecoproduirel'adaptationaveceuxetpourl'instantilsne s'y étaient pas opposés. Sam commença à leur expliquer que la West était partante pour acheter les droitsd’auteurdelapièce,maisquepourl’instantsesdirigeantsn’étaientpaschaudspourassocierle nomdeGerryauprojet.Ilcroisalesdoigts,impassible. - Leur problème, continua-t-il, c’est que non seulement son nom est totalement inconnu aux Etats Unis,maisilestétiquetéthéâtre.Lesseulesimagesquej’aipuleurmontrersontcellesqueTomm’a envoyées,tiréesdecetéléfilmqu’ilatournéilyaplusde20ans.IlparlaitdeGerryàlatroisième personne,commes’iln’étaitpasdanslapièce.Malcolmsentitsonamiseraidir.Iln’étaitpashabitué aux méthodes de travail américaines. Les acteurs étaient considérés comme des produits et donc traités en conséquence. Malcolm s’était accoutumé à cette situation, il s’avait que Sam, malgré sa froideur servait au mieux ses intérêts. En plus, ajouta ce dernier, pour couronner le tout, il est anglais. -Ilyapourtantpasmald’acteursanglaisquiontpercécesdernièresannées,protestaMalcolm. -Principalementdansdesséries.Toi,tut’étaisdéjàfaitunnomdanslecinémaeuropéenquandtuas débarqué,ettuétaisplusjeune,tunepeuxpascomparer. -Bonalors,concrètement,intervintGerry,oùest-cequ’onenest? Tomsoupira,impuissant.Samreprit. -Lamaisondeproductionestennuyéeparcequ’ellenepourrapasavoirdetêted’affichefémininesi l’acteurprincipalestuninconnu.Enfait,ilpesasesmots,conscientqu’ildevaitsemontrertactique s’ilvoulaitarriveràsesfins.Ilspensentquel’acteurlemieuxplacépourcetteadaptation,c’esttoi, Malcolm. Cederniersecouavigoureusementlatête. -Horsdequestion.Jet’aiditquejecomptaiscoproduirelefilm. -Justement,tuvaspouvoirserviraumieuxtesintérêts,tuneseraspaspiedsetpoingsliésparton contratettupourrasdonnertonavissurladirectionàdonneraufilm.Ilssontmêmeprêtsàtelaisser proposerquelquesnomspourchoisirlemetteurenscène. - Sam, tu te trompes si tu crois que tu es venu me convaincre de tourner dans ce film. Si Tom a organisécetteréunionc’estparcequejecroisenGerryetquejesaisqu’ilseraparfaitdanscerôle. -OuvrelesyeuxMalcolm!Cescénario,c’estexactementcequetucherchesdepuisdesannées,ce filmpeutdonnerunenouvelleorientationàtacarrièreett’ouvrirlaportedespurescomédies.Faire du comique, est-ce que ce n’est pas ce que tu me réclames depuis que tu as rejoint mon écurie ? Produireetjouercen’estpasopposé,aucontraire.LaWestcoastUnionestprêteàtefaireunpont d’orsurceprojet. MachinalementMalcolmregardasamontre.16h20,lesbureauxdelaWestallaientbientôtouvriret lesavocatsdel’auteurn’allaientpastarderàarriver.Ilsavaitqu’imposersonamiallaitêtredifficile, mais il ne pensait pas qu’il deviendrait lui-même son propre obstacle. Il regarda son ami dont le visages’étaitassombridepuisledébutdelaconversation,puischerchaunappuiducôtédesonagent londonien. Après tout, c’était à Tom de défendre les droits de Gerry. Tom et Gerry, s’il n’était pas aussitenduilauraittrouvélasituationcomique.SoudainilcompritcequeGerry,moinsaguerrique luiavaitsansdoutecomprisdepuislongtemps.SiTomavaitorganisécettepré-réunion,siSamavait faitl’alleretretour,c’étaitpourleconvaincrederesterdevantlacaméra.NiSam,nilaWestn’avaità aucun moment envisagé d’inclure Gerry dans le projet. Abattu, il croisa le regard de son ami. Ce dernierluisourit,sonvisages’étaitdétendud’uncoupetilsemblaitavoircommeparmagieretrouvé sabonhomienaturelle.Ilselevaetajustasavested’ungestedécidé. -Messieurs,vousm’avezassezfaitperdredetemps.Malcolmselevapouressayerdeleretenir,mais illerepoussad’unemain,autantpourlerassurerquepourl’empêcherdeluibarrerlecheminversla sortie. -Gerry…commençaTom,suruntonnavré. -AcesoirTom,jesaisquetuasfaitcequetupouvais.Ilsepenchapourluiserrerlamainethocha sèchementlatêteendirectiondeSamZeilmerpuisilsortit,Malcolmsursestalons. Unefoisdanslecouloirilseretournaverssonamipourlerassurer. -T’inquiète,monpote,pourrienaumondejenetraiteraiavecdestêtesdenœudpareils. -Tunecomprendspas,ilyadesmillionsdedollarsenjeu. - Et puis quoi ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse de tout cet argent ? Emmener Carolyn faire du shopping sur Rodéo drive ? Même dans cette situation il réussit à arracher un sourire à son ami. Oublietoutça,tut’esjustetrompédepersonne,Malcolm.Jenesuispascommetoi,jen’aipaston ambition.Jem’enfoudefairecarrièreaucinémaouàl’étranger.Lehasarddescontratsafaitquej’ai percé dans le théâtre et toi dans le cinéma. Ça me va, ça me ravi, j’ai la vie que j’aime. Malcolm l’écoutaitsilencieusement.Ilss’étaientremisàmarcheretsedirigeaientversl’ascenseur.Enpassant devantlebureaudelastandardiste,Gerryluifitunsignedelamainetlançaun«salutDéb!». - Tu connais le prénom de la standardiste ? s'étonna Malcolm. Bien entendu qu’il connaissait le prénomdelastandardiste,etl'acteurétaitprêtàparierqu’ilavaitfaitlabiseàTrudy,lasecrétairede Tom en arrivant. C’était comme cela qu’il aimait travailler. Gerry avait raison, il avait été complètementfoud’avoirseulementsongéàl’envoyerbosseràHollywood. -Toutestditalors? Gerrydonnaunetapeamicalesurl’épauledel’acteur. - N’ai pas de regrets, vieux, j’étais venu pour te faire plaisir et pour voir s’il était possible qu’on travailleensemble.Maisj’aimetropmavietellequ’elleestpourenchanger.MonDieu,j’aimetrop Londrespourallerchoperuncancerdelapeausouslesoleilcalifornien! -Désolépourtoutecettehistoire,Gerry,jemerendscomptecommej’aiéténaïf.Ilsepassalamain danslescheveuxdansungestedelassitude.Bonsang,j’aiétécomplètementàcôtédelaplaque. - Est-ce que tu vas accepter leur offre ? Je veux dire, incarner le personnage ? Parce que Tom a raison,ceseraituneputaind’occasionpourtoidefaireenfinducomique.Etjesuissûrquetuserais bonlà-dedans! Lesportesdel’ascenseurs’ouvrirent,unhomme,lesbraschargésdedossiersetuncoursiercasqué ensortirent.Gerryleslaissapasserpuiss’engouffraàleurplace.Ilpassaunemainsursonmenton. - Et tu devrais faire quelque chose pour ta barbe, un coup de ciseau ne lui ferait pas de mal ! Les portesserefermèrentsurun«àcesoir»etMalcolmrestauninstantàobserversonrefletdansles porteschromées.Quandilsedécidaàrejoindresesagents,sadécisionétaitprise. Comme convenu, Aline avait réglé tous les détails du repas, mais elle n’assurait pas le service. Malcolmavaitengagésursesconseilstroisextrasavecquielleavaitl’habitudedetravailler:deux serveursetunsommelier.Ilavaitespérélavoiravantl’arrivéedesesinvités,maisquandilrentradu barbierelles’étaitévanouiedanslanature. Latableétaitdresséesurlaterrasse,prèsdelapiscine.Iln’avaitreçupersonnedepuisl’annoncedu divorceetcommec’estAllegraquiorganisaittoujourstout,ilavaitunpeul’impressionderecevoir pourlapremièrefoisdesavie.Gerryarrivalepremier,accompagnédeCarolynKean,radieuse.La jeune actrice avait les cheveux lissés dans une queue de cheval impeccable. Elle arborait une peau bronzéeetsatinée,miseenvaleurparlablancheurdesanouvellerobeensoie.C’étaitunetrèsbelle femme,ilsedemandasiellesedoutaitdusortqueluiréservaitGerry.Cedernierjouaitsonrôleà merveille:braspossessifautourdelataille,sourireUltraBright.Ilnefitpasd’allusionàlaréunion del’après-midi. - Tu as enfermé Attila à la cave ? demanda-t-il, alors qu’ils traversaient la cuisine pour gagner la terrasse. -Ellen’aimepasassisterauxrepasqu’elleprépare.Coquetteried’artiste!ajouta-t-ildevantlamoue intriguéedesonami. UnserveurleurprésentadescoupesdeChampagne. -EtcommentvaChloé?s’enquitCarolynenprenantunverred’unemaindélicate.Tuasbienterminé lasoiréeavecellel’autrejour,non? -Ellevabien,entouslescas,elleallaitbienladernièrefoisquejel’aivue. C’est le moment que choisit Tom, leur impresario pour les rejoindre, accompagné de sa femme Angelicaetd’unjeuneacteurdontils’occupaitdepuispeuetqu’iltraînaitdanstouteslessoiréespour lefaireconnaîtreàlaprofession. -Lesamis,dit-il,jevousprésenteSteveMacGuireenlepoussantenavant. -Mondieu!s’exclamaGerrypendantquelejeuneacteurserraitlesmainsdel’assistance,Jenesais paspourquoi,j’aicruuninstantquetuallaisdireSteveMacQueen! Malcolmseretintd’éclaterderire.Ilavaiteulamêmeimpression,saufquel’acteurauvisagepoupin était loin de ressembler à ce Steve-là. Il répondit chaleureusement à sa poignée de main afin de lui faireoublierlaréactionspontanéedeGerryetl’invitaàprendreunecoupedeChampagne. -SteveMacQueen,leStyliste?demandaCarolynenhaussantlessourcils. Cette fois c’est Angelica, la femme de Tom qui pouffa nerveusement. Agée d’une quarantaine d’années, elle portait des cheveux courts, gominés en arrière, mettant en valeur de somptueuses boucles d’oreilles en diamants et or blanc. Son visage était un peu masculin, avec des mâchoires volontaires,maisiln’étaitpasdénuédecharme. - Il ne manque plus que Peter et Alec et nous serons au complet ! annonça Malcolm, essayant de coupercourtàlaconversationavantqu’elleneprenneunetournuretropsarcastique. -PeteretAlec?Est-cequeçanefaitpasunpeubeaucoupdetestostéronetoutça?continuaAngelica. EllesaisitlebrasdeCarolynavecunclind’œilcomplice.Machère,serrons-nouslescoudes,nous sommesenminoritécesoir! - Tu devrais te réjouir chérie, ironisa son mari, nous n’aurons d’yeux que pour vous deux, pas de rivalesenvue! - Un peu d’indulgence pour votre maître de maison, s’excusa Malcolm avec emphase, je fais avec vousmespremièresarmesetcettequestionnem’avaitpaseffleurél’esprit! Ce n’était pas le genre d’impair qui aurait pu arriver avec Allegra, elle pensait toujours à tout. Pourtantcesoir,étrangement,cen’estpasellequiluimanquait.Iljetaunœilàlacuisinequiluiparut désertemalgrélesserveursquiavaientprispossessiondeslieux. Assisàtable,PeterpritunegorgéedeCôteRôtieetregardafixementMalcolmassisenfacedelui. -C’estdrôle,j’ail’impressionqu’ilyaquelquechosedechangécheztoi. PeteretMalcolmseconnaissaientdepuisdesannées,ilss’étaientrencontréslorsd’untournage.Peter étaitcostumieràl’époqueetMalcolmtournaitl’undesespremiersfilms.Depuis,lesexagénaireavait réussiunebellecarrièredanslamodemaisiln’avaitpasoubliélejeunegarçonaucaractèreentier qui avait coutume de débarquer dans l’atelier pour lui demander comment il était censé porter des pantalonscintrésETmonteràcheval! - La barbe sans doute, répondit Malcolm en avalant la dernière bouchée de caviar d’aubergine. QuelquesheuresplustôtilavaitannoncéàTometSam,sesagentsqu’ilprenaituneannéesabbatique cequirevenaitàjoueràlarouletterussedanscemétieroùonprenaittrèsvitelerisqued’êtreoublié. Maisiln’avaitpasl’intentiond’aborderlesujetcesoir. -Non,c’estplutôtdanstonattitude.Ilplissasesyeuxgris.Jetetrouveplusdétendu… Alec,soncompagnon,posaunemainsurlebrasdeMalcolm. -Attentionmongrand,ilestentraindetomberamoureux!Ilgloussaetplongealenezdanssonvin. -Toi,tuboistrop,ditPeterentendantlebraspouressayerdeluiretirersonverredesmains.Levin c’estfaitpourêtredégusté.Ettoi,dit-ilenpointantundoigtverssonhôte,tusaistrèsbienquejesuis amoureuxdetoidepuisnotrepremièrerencontre.Cecidit,c’estvraiquejetrouvequetuasembelli. TomjetaunregardfurtifàMalcolm,luinonplusnepouvaits’empêcherdepenseràlaréunionde l’après-midi. La décision de son ami allait avoir de graves conséquences sur ses propres affaires. Malcolmavaitparlééventuellementdesemettreàl’écriture.Celapouvaitmarcher,maisjamaisils n’amasseraientlessommesqu’ilsavaientamasséesavecsacarrièred’acteur.Secrètementilespérait quecettelubieseraitpassagèreetquetrèsviteilallaitreveniràlaraison. -Etbiendanscecas,j’ailarecettemagiqueréponditMalcolm.Illevasonverre:Riendetelqu’un bondivorcepourfairepeauneuve! Gerryenchaînaenlevantsonverreàsontour: -Riendetelqu’unbondivorceETunecuisinièrefrançaise! - C’est vrai, ajouta Carolyn en regardant les serveurs débarrasser les assiettes vides, que tu es particulièrementbientombé!Combienest-cequetulapayes? - Je ne peux même pas te le dire, c’est Allegra qui l’a engagée pour les six mois à venir. Je me contente de payer les frais courants et tout ce que je peux vous dire, c’est qu’une française, ça consommeénormément! Ilséclatèrentderire. -Elleestvraimentfrançaiseouest-cequec’estjustepourletitre? -Machérie,luiréponditGerryensetournantverssacompagne,siunjourtul’entendsparleravec sonaccentàcouperaucouteau,tun’aurasplusaucundoute! -S’ilteplaît,surenchéritPeter,donne-noussonnomquejepuisseladébaucher! - J’ai entendu parler d’une jeune française qui commence à faire son nom dans la profession, intervintAngelica,unnomcommeRibeire,Rivers,çanevousditrien? -Rivière!AliceRivière!s’écriaPeterentapantsurlatable.Jesuissûrequec’estelle!Jereconnais sonstyle!Souviens-toiAlec,cethiverchezMissy.Onavaitmangéunchaponàlacrèmeetauvin jaune,c’étaitàtomberparterre! - Ah oui, tu as raison, c’était incroyable. Mais la Diva des fourneaux avait refusé de venir nous saluer!PourtantMissyenpersonneestalléelachercher,maiselleluiavaitréponduquelquechose comme«c’estmacuisinequiestimportante,pasmoi»Iléclataderireàcesouvenir. -LatêtedeMissy!ajoutaPeter.Quelfichucaractèrecesfrançais,quandmême!Ilfauttoujoursqu'ils sefassentremarquer. -Humm,intervintGerry,jenemesouviensplusdesonnomdefamillemaiscettedescriptioncolle assezbienàtonAttila,Malcolm! -Attila?renchéritCarolyn Ilfitunemouehésitante. -C’estunsurnomquejeluiaidonnéenhommageà…lafermetédesoncaractère.Ilétaitmalàl’aise derévélercepointàsesamis,commes’ildévoilaitunepartiedesonintimité.Maissonvraiprénom c’estAlineetpasAlice,conclut-ilpourmettrefinàlaconversation. Acemomentlesserveursapportèrentlesassiettesàdessert.Chacuneétaitdresséeavectroisnavettes, délicatement posées sur un coulis rouge représentant des fleurs de Cerisier à la manière d’une estampejaponaise.Commeprévu,levertdelagénoisefaisaitressortirlerougeprofonddescerises, qui trônaient, brillantes comme des rubis dans leur écrin de crème fouettée. C’était une véritable œuvred'art.Lesconvivesrestèrentsansvoix. -Quellechanceincroyabletuas!articulaPeter,sansquitterdesyeuxlespectacledesonassiette.Estce que tu sais qu’en plus, il y a une liste d’attente pour l’embaucher ? Il releva la tête quelques secondes puis prit lentement sa fourchette à dessert. Personne n’osait rompre l’harmonie des miniatures. - Ca ne m’étonne pas d’Allegra, dit Angelica pensivement, elle a finalement trouvé un moyen de prendresoindetoi,mêmequandellen’estpaslà.Cen’étaitpasdansl’habitudedecettedernièrede fairedescompliments. Malcolmneréponditpas,maislecœurléger,ilplongeasafourchettedansl’unedespâtisseries. Chapitre6:Lachasseautrésor A7heuresdumatin,autantdireàl’aubepoursonhorlogeinterne,lasonneriedesonréveilletirade sonsommeil,etilsautadesonlitjoyeusement.Ilenprofitapoursauterégalementdanssonpantalon et attrapa un tee-shirt au passage. Il descendit les escaliers sur la pointe des pieds, ce qui était parfaitement inutile étant donné qu’ils avaient convenu la veille que suite à la soirée, Aline ne préparerait pas de petit déjeuner mais un brunch en fin de matinée. Prudent, il ne voulait prendre aucunrisquequiauraitpugâcherlasurprise. Troisquartd’heuresplustard,fierdelui,ildéposaitundélicatbouquetderosesTrémièresbienen évidencesurl’îlotcentraldelacuisine.Lesfleursdégageaientunparfumsubtil,mélangedethéetde citron qui embaumait déjà la pièce. Il repartit à reculons pour admirer son travail, et réalisa qu’il avait oublié d’acheter une carte. Il ouvrit quelques tiroirs avant de trouver un bloc de Post It et un vieux stylo bille sans capuchon. « Merci pour votre travail… » Commença-t-il à écrire. Non, trop sérieux. « Votre travail a fait de la soirée un moment magique » Quel vilain mot ce « travail », ce n’était pas du travail, c’était de l’art, de l’humanité, de la délicatesse. Mais comment le dire sur un PostIt?«Recevezcesquelquesrosesenremerciementd’unesoiréeenchantée»Est-cequecen’est pastroppompeux?Illuisemblavoirunmouvementdanslebungalow.IlpritunnouveauPostItet écrivitàlahâte«Cesrosessontpourvous.Mercipourlasoirée.Malcolm»puislecollasansfaçon surlebouquet,ramassalestracesdeseshésitationsetregagnasonlitaussirapidementqu’ill’avait quitté. Quelquesheuresplustard,unelégèreodeurdesucrefondumontajusqu’àlafenêtredesachambreet un sourire béat se dessina sur ses lèvres avant même qu’il n’ouvre les yeux. Il commençait à s’habitueràcettemaniequ’elleavaitdecommencerlajournéeparunrepassucré.Malcolmseleva,et cettefois-ciilpritsoindesedoucheravantd’enfilerunpantalonenlingrischinéetderamasserle tee-shirtbleucielutilisélematinmême. - « Bonjour !» lança-t-il en français tandis qu’il passait l’arcade séparant le salon de la cuisine. La jeune femme lui tournait le dos et s’affairait devant la gazinière. Ses cheveux étaient remontés en queuedecheval,uneficelleàrôtitenantlieuderuban. -«Bonjour»,luirépondit-elleàsontourenfrançais.Elletournalatêtedanssadirectionetcontinua danssalanguenatale: -«Mercipourlesfleurs,ellessontmagnifiques!» -J’aicompristoutcequevousavezdit!Est-cequeçaveutdirequ’àforcedemangerfrançaisjesuis devenuparfaitementbilingue? Elle rit doucement et sans prévenir, lança le contenu de sa poêle en l’air. Une galette fine et molle s’élevadepresqueunmètre,vrillasurelle-mêmeetretombadanslapoêledansunpetitbruitsec. -Diable!Qu’est-cequec’estqueça? Elle fit glisser la galette sur une assiette, formant une pile avec ses consœurs qui rappelait dangereusementlaTourdePise,puiselleversaunenouvellerationdepâteliquidedanslapoêle. -Cesontdescrêpes. -Descreepes?répéta-t-ilmaladroitement.Ellepouffaderiredevantsonaccent. - Ce sont un peu comme des pancakes, mais en meilleur, puisque c’est français ! ajouta-t-elle, espiègle,toutenfaisantvirevolterlasuivanteavecdextérité.Laprochaineestpourvous! -Ahnon,impossible,voussavezbienquejenesaisrienfairedemesmains!protestaMalcolmen reculant. -Vousn’avezqu’àimaginerquevousinterprétezlerôled’uncuisinierfrançaisquifaitdescrêpes! Regardez-moi et essayez d’imiter mon mouvement. Elle fit tournoyer la crêpe à nouveau, le plus lentementpossible,puisladéposasurlapileetversaunenouvellequantitédepâteavantdeluiglisser lemanchedelapoêledanslesmains. -Etsijelarate?s’inquiéta-t-il -C’estvousquiferezlavaisselle.Etleménage! -OK,c’estparti,dit-ilenparodiantl’accentfrançais.Ilécartalesjambescommepourjoueraugolf, pendantquelacrêpecommençaitàprendreformesurlefeu,ilprituneprofondeinspiration,etlança la crêpe d’un mouvement raide. Cette dernière oublia de tourner et retomba piteusement dans la poêle,pliéeendeux. -Alors,dit-il,toujoursavecunaccentfrançais,qu’est-cequeçafait? -Cafaitquevousferezlamoitiédelavaisselle!Ilsrirentdeboncœur.Ilfautgarderlepoignetplus souple, vous allez recommencer. Le deuxième essai fut parfaitement exécuté ce qui lui arracha un sourire de satisfaction tellement large qu’Aline pouvait voir les fossettes sur ses joues malgré la barbe. -Eh!l’interpella-t-elle,voilàcequiachangé! Illaregardadéconcerté. -Depuistoutàl’heurejemedemandecequiachangéchezvous!C’estlabarbe!Vousl’aveztaillée! Ilsourit. -Jevoulaisvouslamontrerhiersoir,maisvousaviezdéjàfiléquandjesuisrentrédubarbier. -C’estjoli,luidit-elleenledétaillantattentivement.Cafaitressortirvosyeux. Ils se regardèrent en silence. Ils étaient si proches qu’ils pouvaient sentir la chaleur du corps de l’autre.Ouétait-celachaleurdeleurcorpsquiavaitaugmentéeaupointdelapercevoirdelàoùilsse tenaient?Oubliantlescrêpes,ilsepenchaverslajeunefemmesanslaquitterdesyeux.Parreflexe, ellereculad’unpas.Ill'attrapaparlatailleetlaramenadoucementmaisrésolumentcontrelui,bien décidéànepaslalaisserfiler.Atâtons,ildéposagauchementlapoêlesurleplandetravaildansun grésillementdemétalchaudsurlemarbrefroid,etpuisilsepenchapourdéposerseslèvressurles siennes. Elles étaient minces et douces. Elles s’entrouvrirent à son contact. Il glissa gentiment sa languedanssaboucheetgoûtalasaveurdesasalive,sonhaleinetièdedeconfituredecerise.Ilsourit toutencontinuantsonexploration.Salanguerépondaitàsescaressestandisquesoncorpsnerveuxse collaitausien.Latêteluitournait,lesangaffluaitdanssonventre,chatouillaitsesreins.Ilsedélectait de sentir sa poitrine menue se plaquer contre son sternum pendant qu’elle frottait lascivement son sexe durci d’un léger mouvement de hanche. Il passa une main derrière sa nuque pour l’approcher encore plus près et de sa main gauche commença l’exploration de son dos. Elle ne portait pas de soutien-gorge.Ilfaillitjouirdanssonpantalon,commeunadolescent.Elleaccentuasubtilementson mouvementdebassin,commepourenroulersonventreautourdesonmembre.Ils’arrêtauninstant del’embrasserpourluidemanderduregardl’autorisationdepousserplusloinsonexploration.En réponse elle glissa ses mains sous son tee-shirt et caressa les poils de son torse. A son tour il engageasesdoigtsjusqu’àsesseins,remontasontee-shirtjusqu’àsagorgeetsepenchapoursaisir un téton entre ses lèvres. Ses seins étaient petits et ronds, il avait l’impression qu’il pouvait les prendreenentierdanssabouche.Unclaquementdeportedanslavérandadel’entréelesfitsursauter. Ilrelâchasonétreinte,d’ungestevifellerabaissalepandesontee-shirtpuispassasesdoigtsdansses cheveuxpoursedonnerunecontenance,maisneréussitqu’àsedécoifferunpeuplus.Elleécarquilla les sourcils en regardant Malcolm qui ouvrit les paumes des mains dans un geste d’ignorance, les yeuxencorebrillantsdeconvoitise. -Papa! StellaetBensesdeuxaînéspointèrentleboutdeleurnezcommeparenchantement.Unefractionde secondelecœurdeMalcolms’arrêtadebattreenimaginantqu’Allegraallaitpasserlaporteàleur suite. Il se sentit terriblement coupable, le retour imprévu de ses enfants avait allumé en lui des réflexesd’hommemarié.Ilseressaisitetsouritleplusjoyeusementpossibleàsafillequis’avançait verslui.IljetaunregardàAlinequiavaitreculéjusqu’àl’évieretsetenaitlesmainscommesielle venaitdesebrûler.L’adolescentequisemblaseulementàcetinstantremarquerlaprésencedelajeune femmeralentitsonélan. - Hey ! Les enfants ! Enfin vous voilà ! Il prit sa fille dans ses bras puis il tendit une main pour attraperBenparlecouetposaunbaisersursajoue.Lejeunegarçonvenaitdefêterses18ans,Il avait les cheveux noirs d’Allegra et ressemblait peu à Malcolm, mis à part le menton légèrement saillant.Parcontre,Stellaavaithéritédesesyeuxnoisetteetdesesboucleschâtains.Cettedernièrene quittaitpasdesyeuxAline.A15ans,ellesemblaitavoirdéjàtoutcompris.Sonfrèredesoncôtéavait desaspirationsbienplusprosaïques.Ilfitunsignedetêteàl’inconnueenguisedebonjour,puisétira soncoupourregarderpar-dessusl’épauledesonpère. -Qu’est-cequisentsibon? -CesontdesCreepes!UnerecettefrançaisecuisinéeparAline. Ilsecrutobligéd’ajouteràl’attentiondeStella: -Alineestlacuisinièreengagéeparvotremèrepours’occuperdelamaison.Déjàilregrettaitses parolescarilsentaitdanssondosAlineseraidir.Néanmoins,àl’évocationdesamèreStellaparut rassuréeetellesedétendit. D’ungestesecAlineéteignitlefeuquiétaitrestéalluméetannonçad’unevoixatone: -J’aiterminé,jevaisvouslaissermangerenfamille.Malcolml’attrapaparlebras. -Aline,s’ilteplaît,resteavecnous. Ellechuchota -Tunelesaspasvusdepuisdeuxmois,ilsontbesoindeteretrouver. -Maisonnesaitmêmepascommentmangercesmachins!dit-ilendésignantlapiledecrêpesque Ben,indifférent,emmenaitdéjàverslatableronde. Ellesouritmalgréelleetselaissaentraînerjusqu’àunechaise,prèsdujeunegarçon.Malcolmlança un regard appuyé à son fils et fronça les sourcils. Celui d’abord étonné sembla tout à coup comprendre.IlselevaàmoitiédesachaiseettenditunemainmoiteàAline. -JesuisBen,commentallez-vous? Elleréponditàsapoignéedemain. -Raviedevousrencontrer. Stellaquinevoulaitpasêtreenrestepenchasonbraspar-dessuslatableetserraàsontourlamainde la cuisinière. L’atmosphère s’était sensiblement allégée et Malcolm commençait à retrouver ses marques. Aline roula les premières crêpes pour eux puis les laissa faire les suivantes tout en leur expliquantl’histoiredecettepâtisserie. -Etlepotdepâteplusfoncée,là-bas,remarqual’adolescentequin’avaitpaslesyeuxdanssapoche, c’estpourquoi? -C’étaitpourfairedescrêpessalées,danscecasonutilisedelafarinedeSarazin. -Etpourquoitunelesaspasfaites?continuaStella,enfournantunenouvellebouchéedecrêpeàla confiture. Alinehésita. - En fait, je n’aime pas cuisiner quand on me regarde. Vous êtes arrivés au moment où j’allais les faire. Elle sentit le regard intense de Malcolm posé sur elle, consciente de toutes les fois où elle avait cuisinédevantlui.Ellerougitcarcetteremarqueétaitunaveubienplusintimeencorequelebaiser qu’ilsvenaientd’échanger. Malcolm passa la journée sur les charbons ardents. La visite de ses enfants depuis si longtemps attendue était enfin arrivée mais il n’avait qu’une envie, se retrouver seul avec Aline. Paradoxalement,celanel’empêchaitpasdepasserunmomentdélicieuxaveceux.Ils’étaitrarement sentiaussivivant,BensemontraitétonnammentloquaceetStellaredoublaitd’effortspourluiplaire. Aprèslebrunchilsdécidèrentd’allerfaireunbowlingmaiscettefois,àsongrandregretilneréussit pasàconvaincreAlinedelesaccompagner.Ilavaitpeurqu’àsonretourellenesesoitévaporéeet cettepenséepourtantirrationnelle,créaitchezluiunetensiondanslesépaulesquelescâlineriesdesa filleneparvenaientpasàapaiser.Elleavaitréponduàsonbaisermaiscelanevoulaitpasdirequ’elle était disponible, par cela il entendait disponible de corps ET d’esprit. Elle était tellement jeune. Il regarda sa fille penchée sur l’épaule de son frère, absorbée par le comptage des points. Mon dieu, qu’était-ilentraindefaire?Ellenedevaitpasavoirplusde10ansd’écartavecBen.Etait-ildevenu complètementfou?Oucomplètementpathétique!L’acteurauxtempesgrisonnantesquiessayedese rassurerdanslesmini-jupesdelajeunesse… Stellavintsecolleràlui. -Papa,c’estàtoidejouer! Il se leva et choisit précautionneusement une boule à sa taille. Il n’aimait pas particulièrement ce sport, mais c’était une des rares activités qu’ils pouvaient pratiquer en famille, ses trois enfants y trouvant chacun leur compte : Ben pouvait montrer sa force et asseoir son autorité d’aîné devant StellaetElliotquiluiobéissaientavecdévotion.Stella,selonlesannées,étaitpasséeduravissement devantleseffetsdelalumièresurlesboulesvernies,auravissementdeseffetsdesapoitrinenaissante surlesjoueursvoisins.QuantàElliot,à7ansiljubilaitsansdistinctiondevantlesStrikesdeson Dieu de frère comme devant les éternelles gouttières de son manchot de père. Il glissa ses doigts dans les trous de la boule choisie pour constater trop tard qu’ils étaient encore humides de leur dernierclient.Ilfrissonna,écœuré,etessayadepenseràautrechose,seretenantdelaissertomberle boulet à ses pieds. Au lieu de cela il se dirigea vers la piste sous le regard réconfortant mais sans illusiondesesenfantsetsedépêchadejeterl’objetdesarépulsionleplusloinpossibledelui,c'est-àdiresurlesdeuxpremiersmètresdelapiste,puisdanslagouttièrededroite,sapréférée.Lesriresde soncadetluimanquèrent. -VousembrasserezElliotpourmoicesoir?Jesuisdésoléqu’ilsoitmalade.J’auraisaiméqu’ilsoit avecnous. - Pourquoi tu ne viendrais pas à la maison ? lui répondit Stella. Maman a dit que tu devais nous raccompagneravant18h.StellaetBenleregardaient,lesyeuxbrillants. Ilavaitl’impressionquec’étaitAllegraquileregardaitàtraverslesyeuxdesonfils.Pourquoipas? Après tout, il était temps d’aller de l’avant. La visite de ses enfants était peut-être arrivée au bon momentfinalement. Chapitre7:Oùl’onneregrettepasd’avoirlu jusqu’aubout Ilsarrivèrentsurleparkingdel’immeublerésidentieldeHampsteadenfind’après-midi.Ilavaithâte devoirsonplusjeunefilsetilétaitpartagéentrel’angoissederetrouversafemmeetlacuriositéde découvrirsonnouveaulieudevie.Ilpénétradansl’immeuble,précédédeBenetStellaquiévoluaient familièrement dans ce lieu, comme s’ils avaient toujours vécu là. Avant qu’il n’ait le temps de le réaliser il se tenait dans un salon à la moquette blanche et épaisse. Les meubles, blancs, pour la plupart étaient modernes, lisses et vernis. Une multitude de plantes vertes foisonnantes cassait la sensation d’hôpital de la blancheur ambiante. Allegra avait la main verte, c’était elle qui avait aménagéeavecraffinementtoutlepatioetlejardindelamaison.Pasdetraced’hommeremarqua-t-il avec soulagement. Elle se tenait devant lui, très belle dans un ensemble pantalon chemisier crème. Décidément,sedit-il,c’estl’immaculéeconceptionici!Elleluisemblaitàlafoissifamilièreetsi distante.C’étaitcommes’iln’avaitjamaisétéamoureuxdecettepersonne.Etenfait,ilréalisaquede fait,iln’avaitjamaisétéamoureuxdeCETTEpersonne-là!Parlamêmeoccasion,ilpritconscience des changements profonds qui s’étaient opérés en lui. Lui non plus n’était plus l’homme qui était tombéamoureuxdelajeunejournalisteitalienne,unjourd’automne,àMilan.Seulesonodeurquand ill’avaitembrasséesurlajoueenarrivantavaitravivélessouvenirs.Maisc’étaitdessouvenirs.Acet instantileutphysiquementl’impressionqueleurviecommuneappartenaitaupassé,sesentantlibéré dupoidsdel’obligationd’êtrecethommequ’ilavaitété.Quandilsortitdel’immeuble,sensibleàla brise tiède qui effleurait ses joues et ses bras nus, c’était comme si tout autour de lui avait plus de couleur.Cesdernièresemainesilavaitétérongéparunesourdeangoisse:sonfuturs’offraitàlui commeungouffreincertain,ilneseraitplusjamaisprogramméparsonpassé.Acemoment,alors qu’il posait la main sur la poignée de sa voiture il sentit que ce gouffre inconnu était en fait une libération,lapossibilitéd’êtredifférentàchaqueseconde.Abandonnantlecostumedumari,dupère, de l’acteur ou de ce petit Malcolm, poli et obéissant que sa mère avait consciencieusement éduqué, uneénergienouvellemontadanssoncorps,commeunepousséedesèvedanslespremiersjoursde printemps.Ilsemitàbander.Passeulementavecsonsexe,ilavaitl’impressionquec’étaittoutson corpsquibandaitdansuneexultationdevie. Alors que sa voiture s’engageait dans le quartier résidentiel de Highgate où 15 ans plus tôt il avait posélespremièrespierresdesaprison,ilrepensaauxdernièresparoleséchangéesavecAllegra.Au momentdepartir,elleavaitattrapésamaindroiteetl’avaitserréechaleureusementdanslessiennes. - Je suis contente que tu ais décidé de garder Aline Rivière à ton service. Elle est très difficile à débaucheretj’étaissûrequesaprésenceteferaitdubien.Ilréalisaàquelpointilavaitpuêtreingrat avecelle.Iln’avaitmêmepaspenséàlaremercierpourcettedernièreattentionqu’elleavaiteuepour lui.Ill’avaitprisedanssesbrasetl’avaitserréetendrement. - Merci pour tout Allegra, tu as été une épouse exceptionnelle. Sa voix s’était mise à trembler, son souffleétaitcourt.Jetedemandepardondenepasavoirsuprendresoindetoicommetuleméritais. Acesmots,ilavaitsentileursdeuxcorpssedétendre.Lorsqu’ilavaitdesserrésonétreinte,elleavait essuyéfurtivementunelarme. La voiture du journaliste n’était plus devant la maison, les photos de l’acteur chargeant ses enfants danssavoituredevaientdéjàêtresoumiseaurédacteurenchef,ilvoyaitd'avancelestitres«première sortieenpèredivorcé».Çaluiétaitégal.Ilpoussalaported’entréeettrouvalamaisonvide.Ilalla vérifierlebungalow,aucunsignedeviemaissesaffairesétaienttoujourslà,c’étaitbonsignesedit-il soulagé.Ils’installasuruntransat,prèsdelapiscinepourregarderdisparaîtrelesderniersrayons du soleil derrière le coin de la maison. Son ventre lui rappela qu’il n’avait avalé qu’un hamburger depuis les crêpes de ce matin et il se dirigea hardiment vers la cuisine, fier et hésitant comme un enfant à qui on vient d’ôter les roulettes de son vélo. Voyons voir si le temps qu’il avait passé à regarder Aline cuisiner avait porté ses fruits ! Il ouvrit les placards, sortit des tagliatelles, puis se pencha dans le frigo et en ressortit trois tomates bien mûres et deux courgettes. Ah oui ! se dit-il, n’oublionspaslesoignons! Commeill’avaitsisouventvufaireilcommençaparlaverleplandetravaildel’îlot.Puisilsortitun couteaublancdesonétui,c’étaituncouteaujaponaisencéramique,trèsfragileettrèstranchant. -Hummsedemanda-t-ilensecaressantlementondesamainlibre.Parquoicommencer? -Toujoursparl’oignon. Ilrelevalatêteausondesavoix.Ellesetenaitdansl’embrassuredel’arcade,lesbrascroiséssurla poitrine.Elleavaittroquésonvieuxshortenjeanpourunerobechemisierenpopelinevertamandeet pourunefoissescheveuxn’étaientretenusparaucuncrayonouimprobablelien.Elleétaitravissante. -Maissitunemetspasl’eaudespâtesàbouillirmaintenantilsneserontjamaisprêtsenmêmetemps. Ilremarquaavecunpincementdeplaisiraucœurqu’elleavaitgardéletutoiement.Docile,ilremplit lacasseroled’eauetallumalegazendessous. -Situmetsuncouvercle,l’eaubouilleraplusrapidement.Elles’étaitinstalléedel’autrecôtédel’îlot etl’observait,commelui-mêmel’avaitobservéecesdernièressemaines. Anouveauils’exécutaensilence,combléparsaprésence.Ilentrepritdecouperl’oignonetlasentit seraidiràlavuedesonprécieuxcouteaumalmené,maisellenefitpasderemarqueàcesujet. -Peut-êtrequejedevraisattendrequetuenaisfiniaveccecouteauavantdeparler,commença-t-elle. Ils’arrêta,seméfiantdecequiallaitsuivre. -Cequis’estpassétoutàl’heure… Ilsecoualatêtepourl’empêcherderomprelabulledanslaquelleils’étaitinstallédepuiscematin. -Non,nefaispasçaAlie… -C’étaituneerreur,dit-elleprécipitammentcommesielleavaitpeurdenepasavoirlecouragede finirlaphrase.Onétaittouslesdeuxdansunétat… Ildécidadel’ignoreretluitournaledospourgraisserunepoêleetlamettreàchauffer. -Ilfautbienquel’undenousdeuxsoitraisonnable,Malcolm! C’étaitlapremièrefoisqu’elleutilisaitsonprénom.Ilsentitsespoilssedressersursesavantsbras. Ilramassalesoignonsetluitournaànouveauledospourlesjeterenpluiedanslapoêle. - Tu te sentais seul, continua-t-elle. J’ai amené un peu de vie et de stabilité dans la maison. Il ne se retournapas,remuantmécaniquementlesoignonsenréfléchissant.Ilpritlaparoled’unevoixdouce. -Tuconfondslagratitudeetledésir,dit-ilenattrapantleslégumespourallerleslaverau-dessusde l’évier.Quandunhommeafaim,mieuxvautluiapprendreàpêcherquedeluidonnerunpoisson.Tu connaiscettecitationdeConfucius? Elleacquiesçalentement. -Cequejeveuxdirec’estquetucroisquetum’asnourrietquec’estpourçaquetoutàcoupj’ai besoindetoi…Ilcommençaàcouperlescourgettesendés,songesteétaitplusassuré,ilcommençait às’habitueraucouteau.Maiscen’estpasça,tum’asapportébienplus!Ilsourit,commepourluimême.D’ailleurs,jenesaispassitum’asapprisàpêchermaistuvoisbienquejesuismaintenant capabledecouperdesoignonsETdescourgettessansmecouperlesdoigts! Elleneputs’empêcherdesourireencoin. Ilversaleslégumesdanslapoêleaveclesoignonsets’attaquarésolumentauxtomates. -Jenesaispassij’aibesoind’êtreprèsdetoi.Maisjesaisquej’enaienvie. Elleneréponditpas. -Ettoi?continua-t-il,tumeparlesdemoi,maisjenesuispasseuldanscettepièceetjen’étaispas seul ce matin ! Il posa ses yeux sombres sur elle et la transperça du regard. Elle rougit et pour se donner une contenance elle contourna l’îlot pour aller plonger les pâtes dans l’eau bouillante. Il l’attrapaparlebrasmaiselleréussitàsedégagerpourretournerensécuritédel’autrecôtéduplan de travail. Au lieu de s’y accouder elle choisit de s’éloigner encore un peu plus et posa ses fesses contre la table ronde du déjeuner ce qui eut pour effet de dévoiler le début de ses cuisses juste en dessousdudernierboutondesarobe. Ilcontinuasesquestions: -Pourquoias-tuacceptécetravail?Pourquoiest-cequetum’aslaisséteregardercuisinertoutesces semaines? Elleluiréponditd’unevoixtendue. - Je te l’ai dit, j’ai accepté ce travail pour rendre service à une veille amie de ma mère. Allegra a demandé à ma mère de me convaincre de lui rendre service. Voilà, c’est tout, je l’ai fait pour ma mère.ajouta-t-ellehardiment.Ilreposaladernièretomateetlecouteauetpritappuidechaquecôtéde laplancheàdécouper.Ilfitlamoueavecsabouchependantqu’ilréfléchissait,puislaregardaavec insistance. -Pourquoiest-cequetumens?demanda-t-il.Qu’est-cequetuveuxcacher?Ellenebougeapasmais ilvitsesdoigtsblanchirlàoùelleprenaitappuisurlatable.Lentement,sanslaquitterduregard,il contournal’îlotcentraletseretrouvadesoncôté. -Allegram’aditqu’ellenet’avaitpayéequepourlepremiermois,pourfairelatransitionavecson départ.Celafaitdessemainesquetuvisicisansêtretenueparaucuncontrat. L’énoncédecettevéritésemblalalibérer,sesépaules,soulagéess’arrondirent.Ilsrestèrentunlong momentsilencieux,sanssequitterdesyeux. -Caatoujoursétéledeal,dit-elle,résignée.Jenedevaistravaillericiqu’unmois,pourdépannerta femme.Lepremierjourjet’aiditquej’étaisembauchéepour6moissansréfléchir,pourquetume ficheslapaixetquetumelaissestravailler.Detoutesfaçonsjen’avaisqu’unehâtec’étaitpartir. Ilfitunemouecontrite -C’estvraiquejen’étaispasaumieuxdemaforme… -Ohoui,tupeux,ledire!dit-elleenriantnerveusement. - J’ai été très con avec toi…et avec tout le monde d’ailleurs. Mais ça ne datait pas du divorce si tu veux tout savoir. Il sourit tristement. Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi es-tu restée ? murmura-t-ilens’approchantd’elle. Il avança sa main droite et effleura sa joue. Elle ferma les yeux, soupira et comme par reflexe embrassaleboutdesesdoigts.Enhardi,ilsaisitsonvisageàdeuxmains,etsansluidonnerleloisir de protester, il glissa sa langue vigoureuse dans sa bouche. Ses mouvements étaient lents mais très appuyés, elle répondait à chacun d’eux d’une petite langue fraîche et douce comme une feuille de menthe. Il s’arrêta un instant pour garder son contrôle et lutter contre l’envie impérieuse de la prendreàlasecondecontrelatable.Leursouffleétaitcourt.Ilsn’avaientplusbesoindemotspour communiquer.Ilplongeaunregardfiévreuxdanssesyeuxdemiel,sanslâchersonvisagedesmains, puis reprit son exploration, tantôt impétueux, tantôt langoureux. Il sentit ses dernières résistances céderetremontantsajupeelleécartasesjambespourlaisserseshanchessecollerauxsiennes.D’une mainildégrafalesboutonsdubasdesarobepourlibérertoutàfaitsescuissesetsentirlemontenflé desonpubissouslafinecotonnadedesaculotte.Dansungrognementetsanscesserdel’embrasseril plongea une main chaude et virile à l’intérieur de l’étoffe. Sa paume se referma sur son buisson humide et il enfila un doigt brûlant dans sa fente avide. Elle gémit sous sa caresse et agrippa ses fessesdesesmainspourlecollerunpeuplusfortcontreelle.S’ensuivitunenchevêtrementdebraset de langues, chacun voulant tout à la fois se pénétrer, s’agripper, se dévêtir. Il finit par arracher les derniersboutonsdesarobependantqu’elledégrafaitsonpantalondesesmainsfébrilesetquandils furent enfin nu, ils s’arrêtèrent un instant, essoufflés, pour le plaisir de se dévorer des yeux. Son corpsétaitfinetbienproportionné,avecdespetitsseinsrondsetdestétonsclairs.Sesjouesétaient rougesetsescheveuxébouriffésformaientunhaloautourdesonvisage.Ellepromenasonregardle longdesesépauleslarges,lespupillesdilatéesparledésir.Ellesemblaitsedélecteràlavuedeses longues jambes et de son sexe dressé et impérieux. Elle effleura ses pectoraux de ses mains et se penchapourprendreuntétondanssabouchequ’ellesuçacommeunbonbon.Ilglissasesmainssous sesfessesetlasoulevapuissamment.Elleentourasesjambesautourdesatailleetillaportajusqu’au canapédusalon.Illadéposasurlescoussinssansretirersesmainsdesesfesses,ets’allongeasur elle en la pénétrant dans le même mouvement. Ils restèrent immobiles un instant, écoutant les battements de leur cœur qui résonnaient dans chaque parcelle de leur corps comme dans une cathédrale, puis son sexe, exigeant, commença à explorer son vagin comme sa langue explorait sa bouchetoutàl’heure,sefrottantàlasoiehumidedesonintimité,appuyant,pressant,cajolant.Chaque assaut arrachait des soupirs lascifs à la jeune femme, leurs corps impudiques pressés l’un contre l’autre.Ilaccéléralacadencedansunvaetvientlancinantjusqu’àcequ’ellejouisse,soncorpstout entier secoué de spasmes, puis il vint à son tour, serrant son corps rompu dans un dernier assaut, écrasantsonvisagecontresapoitrine,commepourlapénétrerencoreplusprofondément,appuyant son bassin de tout son poids, sa queue insatiable et autoritaire cherchant à se perdre en elle. L’orgasmeirradiasacolonneetexplosadanssoncerveaudansunelumièreblanche.Alinejouîtune secondefoisensentantmonterdanssonventrelessoubresautsdesavergelorsqu’iléjacula. Ilselaissaretombersurelle,repuetsentituneodeurdebrûlé.Unefractiondesecondeilcrutque celavenaitdeleurscorpscarAlines’agitasoudainsoussonpoidspoursedégager. -Lefeusouslapoêle!articula-t-elledansunsursaut. Ilsselevèrentd’unbon,lesjambesencoretremblantes,etMalcolmseprécipitadanslacuisinepour éteindrelegaz,tandisqu’Alineremplissaitl’évierd’eaupouryplongerlesdeuxustensiles.Lapoêle de légumes, comme la casserole des pâtes étaient carbonisées et dégageaient une odeur âcre et envahissante. Ilsseregardèrentetéclatèrentderire. - En français on appelle ça « mettre le feu » dit-elle, espiègle en s’approchant de lui, les jambes encoretremblantesdeleurluttevoluptueuse. Illapritdanssesbrasetlasoulevadusolcommeunbutin. -Comeonbabylightmyfire…chantonna-t-ild’unevoixrauquecontresonoreille,etilsedirigeaà nouveauverslecanapédusalon… Remerciements MerciàClaireetChrystelle,lesdeuxangesgardiensdeceroman. Merciàmafamille,aimanteetenthousiaste. MerciàWilliamquimesupporte. MerciauMaitrayaRaëlquim’aguidéejusque-là… Aproposde"Lacerisesurlegâteau" Retrouvezleroman"Lacerisesurlegâteau"enformatpapier: http://www.lulu.com/shop/laure-elisac/la-cerise-sur-le-g%C3%A2teau/paperback/product21134016.html RetrouveztouslesromansdeLaureElisac: http://laureelisac.blogspot.fr/