La cerise sur le gâteau - e

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La cerise sur le gâteau - e
LaureElisac
Lacerisesurlegâteau
©2011LaureElisac.Tousdroitsréservés.
AutoeditionNovembre2011
Couverture:WilliamB
ISBN978-1-4709-1077-8
Résuméduroman:
DanslabanlieuenorddeLondres,MalcolmHurstestàl’apogéedesacarrière,maisiln’apersonne
avecquipartagersaréussite.Sonépousel’aquitté,sesenfantssepassenttrèsbiendeluietsesamis…
ena-t-iljamaiseu?Pourl’aideràsortirdecechaos,safemmeaengagéunecuisinière,unejeune
françaiseaucaractèrebientrempé,suffisammentpourluitenirtêteetluiredonnergoûtàlavie…
AChrystelle,pourtousnosfousrires…
Chapitre1:Naufrage
Ilouvritlesyeuxmalgrélui.Lalumièredujourfiltraitàtraverslesrideauxmaltirésdelachambre.
Unelumièredoréedemilieudematinée.Sespaupièressemblaientpeserunetonne,commelajournée
quis’annonçait.Depuisquesafemmel’avaitquitté,s’extirperdulitétaitunvéritablecalvaire.Ilse
sentait comme un escargot sans coquille. Toutes ces années il l’avait traitée comme un accessoire,
considérantsesretoursàlamaisoncommedespausesentredeuxtournages.Aujourd’huiilréalisait
qu’ilavaitsous-estimélaplacequ’elletenaitdanssavie.Elleétaitsonpilier,sonpublicassuré.Sans
elle,quiallaitluidonnerl’impressiond’êtreenvie?
Unbruitsourdattirasonattentionetluirappelalaraisondesonréveil.Quelqu’unouvraitetfermait
les portes des placards dans la cuisine. Ce n’était pas les sons habituels de Gloria, la femme de
ménage,etd’ailleurs,cen’étaitpassonjour,ellenetravaillaitpaslemercredi.
Ilétaitrentrédanslanuit,épuisé,aprèsunesemainedetravailétourdissanteenItalie.Ilavaitenchaîné
interview sur interview, faisant semblant de vivre une vie de rêve. Avait-il mal fermé la porte
d’entrée?Iln’étaitpasseulementrentréépuisé,ilavaitaussiunpeuforcésurleChampagneoffert
dansl’avion.Ilsoupira.Ilnemanquaitplusqueça!Etluiquipensaitquesavienepouvaitpasêtre
pire!Soninstinctdepropriétéeutraisondesonindolence.Ils’extirpadesonlitetattrapasonvieux
caleçonjetélaveilleaupieddulit.Ilcherchaquelquechosequipourraitfaireofficed’armes’ilavait
àsedéfendre.Ilavaithorreurdesarmesàfeu.C’estalorsqu’illevit,posé,surl’étagère,àcôtéde
l’écrandeTVgéant:sonOscar!Illuiavaitsansdoutecoûtésonmariage,ilpouvaitbienluirendre
ceservice,sedit-il,sarcastique.Ilsaisitlastatuetteétonnammentlourdeetsortitdesachambresans
fairedebruits.
Delamezzaninequicourraitlelongdeschambresilavaitunevueimprenablesurlesalon.Ilétait
vide.L’intrusétaitdoncbiendanslacuisine,situéejusteendessousdelui.Ilavançaitsilencieusement,
piedsnussurlamoquetteépaisse.Safemme,italienne,étaitfascinéeparlamoquetteanglaise,elleen
auraitmisjusquedanslacuisines’ill’avaitécoutée!Lesmarchesdel’escalierenboissemontrèrent
moins coopératives et commencèrent à craquer sous son poids. Il s’arrêta un instant puis reprit sa
descente.Lesalonétaitunegrandepiècequicommuniquaitenpartieaveclacuisine.Ilhésitaentre
contourner l’escalier pour faire irruption par la salle à manger, ou avancer jusqu’à la partie
communeetprendrel’intrusdeface.Ilsedécidapourlereversetpivotapourcontournerl’escalier.
C’estalorsqu’iltombanezànezavecunepetitebonnefemmeblondeéchevelée.Encoreplussurprise
queluiellepoussauncrietlaissatomberlevaseenverredeMuranoqu’elleportaitàdeuxmains.Il
eutjusteletempsdereculerenjurantpouréviterleséclatscoupantssursespieds.Unefanfétichiste,
ilnemanquaitplusqueça!Ilregardaautourdeluipourcomprendrecommentelleétaitentrée.
- Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous fabriquez chez moi bon sang ! lui dit-il agacé tandis qu’elle
reprenaitsarespiration,unemaincontresapoitrine.
Elle jeta un œil à son caleçon qui comme lui avait sans doute connu des jours meilleurs et il prit
soudain conscience qu’il était quasiment nu et qu'il offrait un piteux tableau. Il avait horreur d’être
prisparsurprise.Samauvaisehumeurredoubla.
-Désoléepourlevase,jenevousattendaisquedemain.Ellesebaissapourramasserlesmorceaux,
puisréalisantqu’elleavaitoubliéunepartiedesprésentationselleserelevaensouriant.Elleétaitplus
jeunequ’iln’avaitpensé.Elleluitenditlamainetajouta:
-Jem’appelleAlineRivière,j’aiétéengagéeparvotrefemmepourgérerl’intendancedelamaison
aprèsson…sondépart.
Ilsesentitridicule,etplusnuquejamais.Iltenditsamaindroite,maiselleétaitencoreserréeautour
desastatuette.Elleétouffaunriregêné.Ilhésita,changealastatuettedemainetfinalementtournales
talonssansprévenirpourremonterdanssachambre.
-Jesuisrentréplustôtqueprévu.Faites-moiuncafé.Noir!Maugréa-t-ilduhautdesescalierssansse
retourner.
Ellelaissaretombersamaindanslevideethaussalesépaules.
Il réapparut 15 minutes plus tard, douché et habillé. Ses cheveux châtains retombaient en mèches
humides sur son front haut. Il avait passé une chemise propre et repassée mais n’avait pas pris la
peinedeseraser.Ilétaitdrôlementblancpourquelqu’unquirentraitd’Italiemaisvul’accueilglacial
qu’illuiavaitréservéellen’osapasluiposerplusdequestions.
Elleavaitdressélatablepourlepetitdéjeunermaisilsemblahésiter.Finalementilpritlatasseàcafé
etrestadeboutpourenavalerunegorgée.Ilgrimaça.C’étaitlepirecaféjamaisbudesavie.Ilreposa
latasseets’approchadel’îlotprèsduquelelleétaitentraindetravailler.
Elleseretourna,unecasseroleàlamain.
-Jenesavaispascequevousvouliezmangeralorsj’aifaitduporridge.
Ilhaussalessourcils,surpris.
-Duporridge?Jen’enaipasmangédepuismes10ans.Oùest-cequevousavezapprisàcuisiner,
dansunromandeDickens?
-Etbien,répliqua-t-ellesèchement,jevousauraisbienfaitdestoastspourlesdurs,maisjen’aipas
encorefaittouteslescourses.
-Vousavezunaccentdit-ilpourchangerdesujet,d’oùest-cequeçavient?DeFrance?
- Gagné ! Et sans rien ajouter elle versa le porridge dans un bol. Il est déjà sucré mais si vous en
voulezplus…ellefitmined’allerchercherlasucrièresurlatablederrièrelui.Ill’arrêtad’ungestede
lamain.
- Laissez, je vais me débrouiller. Et il se décida à aller s’asseoir à la table à manger. De mauvaise
humeur,ilavaitdécidéqu’uncafé,mêmeimbuvablesuffiraitàsasurviemaisleporridgedégageait
uneirrésistibleodeurdecannelleetdevanille.
Lajeunefemme,penchéesurl’évier,lavaitméticuleusementlacasserole.Elleportaitundébardeur
blanc et un vieux short en jean, dans lequel ses jambes semblaient flotter comme celles d’un
adolescentprépubère.Sescheveuxblondsétaientattachésdansunsemblantdechignonquisemblait
teniravec…nonilnerêvait,avecunstyloàbille!
Contrariéparcetteintrusiondanssaviedenaufragéilplantaunecuillèredanslegruauetouvritle
journal qu’elle avait aimablement posé à côté de sa tasse. Il cherchait avant tout à se donner une
contenanceletempsdes’éclaircirlesidées.
Il ne supportait pas la solitude de la maison sans sa femme, mais il supportait encore moins la
présencedecetteétrangèrequiavaitl’airdemieuxconnaîtreleslieuxquelui.Ilreposalejournal,
agacé, et avala une cuillère de porridge. La vanille se révéla suavement dans sa bouche comme un
nuagefondant,suiviparl’arômesubtildelacannelle.Elleavaitégalementajoutéquelquesgrainsde
raisindeSmyrnedontlapointeaciduléeempêchaitlesucred’envahirtoutlepalais.Unefractionde
secondeiloubliaqu’ilétaitmaltourné.Aumoins,toutcebazaravaitréussiàlefairesortirdulitet
prendreunedouche.Leproblème,c’estqu’iln’avaitrienàfairedesajournée.Ilnedevaitrentrerque
demain du festival et son agent était resté sur place. Cela faisait plus d’un mois qu’il tournait en
Europepourlapromotiondesonfilmetcommed’habitude,ils’étaitunpeucoupédesesamis.C’est
Allegra qui était censée faire le lien, entretenir les relations humaines. Sans elle il était comme un
bateau sans amarres. Il sourit intérieurement de cet élan lyrique. Au moins il n’avait pas perdu son
sensdel’autodérision.
-Est-cequejedoispréparerquelquechosepourmidi?luidemanda-elleens’essuyantlesmains.
Ilrepritsonjournalpournepasavoiràcroisersonregardetbougonnaunnonirrité.
Ilregrettaitdéjàcemouvementd’humeurmaisenmêmetempsilnesupportaitpascerappeldelavie
quotidienne.Iln’étaitdéjàpascapabled’envisagerles5minutessuivantesalorscequ’ilallaitfaire
dansdeuxheures!Detoutesfaçonsiln’avaitpasenviedesenourrir,iln’avaitpasenviedesefaire
plaisiraveccetincroyableporridge,ilavaitjusteenviedepassersamauvaisehumeursurquelqu’un.
- Est-ce que vous avez d’autres fonctions à part me nourrir de bouillie pour bébé ? ajouta-t-il en
pliantlentementsonjournal.
Excédée,elleposalesmainsàplatsurl’îlotetletoisaduregard.
Lagarce,sedit-il,elleprofitedufaitquejesuisassis,sij’étaisdeboutellenem’arriveraitpasplus
hautquelapoitrine.
- Votre petit déjeuner sera prêt tous les matins à 9 heures, si vous vous levez plus tard il faudra le
réchauffer,pareilpourledéjeunerà13h.Repasfroidlesoir.Jem’occupedegérerGloriaetMrSari
pour la piscine et le jardin. Je ramasse le journal le matin et je fais également les courses. Je vais
d’ailleursmanquerdeliquide,j’aidépensétoutcequem’avaitlaissévotrefemme.
Ilouvritlabouchepourprotestermaiselleenchaîna.
-Meshorairessont8h30-14h.Endehorsdecelajenesuispasdisponibleetjen’aipasdecomptesà
vousrendre.
-Etsi…
-Jelogedanslebungalowdesinvitésetj’ailajouissancedelapiscine.
-Maisqui…
- C’est votre femme qui paie mon salaire depuis mon arrivée la semaine dernière et jusque dans 6
mois.Après,nousrediscuteronsdemoncontrat.
-Monex-femme.
-Votreex-femme.
Ilsseregardèrentenchiendefaïence.
-Etjenefaispasdecafé.
Ilhaussalessourcilsetgrimaçaunsourireironiqueenmontrantlatassesurlatable:
-J’avaisremarqué!
Ildépliasonmètre90etcommençaàtâterlespochesdesonpantalon.
-Combienvousfaut-il?
-200Livres.répondit-elleenluitendantleportefeuillequ’ilcherchait.
-Ilétaitparterredanslesalon.ajouta-t-elleenréponseàsonfroncementdesourcil.
Malcolmpassaunegrandepartiedelajournéeàl’extérieur.Enfin,àl’extérieur,façondeparler.En
routepourLondresils’arrêtadevantlepremiercinémaqu’ilcroisaàCamdenetenchaînadeuxfilms
d’affilée.D’abordunecomédie,plutôtréussie.Entouslescas,lesautresspectateursavaientbeaucoup
ri.Etunfilmtotalementnavrantsurlesaffresd’unfuturmariéquinesaitpascequ’ilveutetquifinit
pascoucheraveclademoiselled’honneur,anciennemaîtresselesbiennedesafuturefemme!C’était
toujours agréable pour lui de voir un mauvais film. « Encore un auquel j’aurai échappé ! » se
félicitait-il.Maiscettefoislavictoireétaitamère,commetoussesplaisirsdepuisledépartd’Allegra.
En milieu d’après-midi, poussé par la faim il quitta la salle obscure et traîna dans le quartier à la
recherche d’un Fish and chips. Il ne voulait pas se retrouver sur les artères principales trop
fréquentéescequilelimitaitfortement.Ilerraitdanslapartierésidentielleavecseslonguesbarres
d’appartementsenbriquerouge.Beaucoupdevoituresmaispeudepassantsàcetteheuredel’aprèsmidi.Ilavaitmisseslunettesdesoleiletsondébutdebarbesuffisaitengénéralàlerendrepresque
invisible.IlrestaitsatailleetsonaccentdesCornouaillesmaisilavaitapprisàmodulercedernierau
gré de ses films et s’il était grand, beaucoup d’anglais l’étaient aussi. Il poussa la porte d’un pub.
Plutôtdangereuxvusonétatd’humeur.Lacélébritél’avaitrenduméfiantdeslieuxalcoolisés.Surtout
cesdernièresannéesavectouscestéléphoneséquipésd’appareilsphotooudecaméra.Unfauxpas
pouvait le conduire directement sur les premières pages des tabloïds et il avait développé une
méfianceprochedelaparanoïapourtoutcequiconcernaitleslieuxpublics.
C’étaitdonciciquesecachaitlerestedelapopulation!sedit-ilsarcastiqueenbalayantlasalledu
regard. Trois hommes bedonnants accrochés au bar, un couple de jeunes lycéens en uniformes
bordeaux sur la banquette à droite de la porte, et deux autres hommes d’un âge mûr, les joues
couperoséesàgauche.Ilcommandaunebièreetunpaquetdechipsauvinaigrepuiss’installaprèsde
ces derniers mais en prenant soin de tourner le dos à la salle. Une petite astuce pour éviter d’être
reconnu.
Illevalesyeuxverslescarreauxopaquesdelavitre,degroscarreauxjaunesetépais,commedans
lesusinesdeManchester.Laisserfiltrerlalumière,maissansêtrevudel’extérieur,toutel’histoirede
savie.Passersontempsàjouerdesrôles,puisunefoisrevenuàlavienormalecontinueràposer.Ne
jamaisrienmontrer.C’esttoutesaviequiétaituneimposture.Quandiln’étaitpasdevantlescaméras
ilendossaittoutsimplementunautrerôle,uneimagedemarque,unproduitdeconsommation.Mais
quiétait-ilvraiment?Quesavait-ildesesdésirsetdesesaspirationsprofondes?Ilavalalepaquetde
chipsenquelquesminutes,sansmêmelesgoûter.Ilessayaitdeserappelerlejeunehommequ’ilavait
été,quandilavaitl’âgedesonfils,Ben.Avantlesuccèsetlacélébrité.Acetteépoquedéjàilaimait
jouerlacomédie,fairesemblant.Fairesemblant!Ilétouffaunricanement.Maisilaimaitaussiécrire.
Dessketchscomiques.Ilétaitplutôtbond’ailleurs.AuDramaCenterentredeuxpiècesclassiquesil
lesmettaitdéjàenscèneavecGerry.Maissonphysiquearistocratiqueetsonairnaturellementguindé,
satailleetsestraitsréguliersl’avaientamenéàincarnerdesrôlessérieuxouromantiques.Gerrys’en
étaitmieuxsortiqueluidecepointdevue-là.Finalementilétaitmoinsbeauqueluimaissoncharme
etsagouailleluipermettaientd’incarnerencoreaujourd’huidesrôlescomiques.Acetteépoqueilsse
voyaienttouslesdeuxcommelesdignessuccesseursdesMonthyPython.Ilréalisasoudainqueses
doigtsneramassaientplusquedesmiettesdanssonpaquetdechips.Ilterminasabièred’unetraite,se
levaetquittaleslieuxsansseretourner.Ileutsoudainenviederentreràlamaison.
Bienentendu,elleétaitvide.Ilavaitl’impressiond’entrerdansunappartementtémoin.Contrelemur,
prèsdel’entrée,lepianodesafillelaisséàl’abandon.Adroitedeuxgrandesfenêtresencadraientla
cheminée. En face d’elle et sur les côtés trois immenses canapés en cuir brun. Vides. A gauche, la
cuisine un peu plus vivante avec ses grandes baies vitrées orientées Sud-Ouest. Il s’approcha de la
cloisonquiséparaitlesalondurestedelacuisine.Troisétagèrescouvertesdelivres,etsurlemur,
des photos. Toute sa vie étalée sous ses yeux comme des antisèches familiales. Les plus récentes
avaientétéprisesparAllegra,elleadoraitlaphoto.Ilregardacesmomentsdeviedontilsesentait
absent. Ce gâteau d’anniversaire pour les 12 ans de Stella, qui l’avait choisi ? Ce pyjama sur son
cadet,d’oùsortait-il?Undétaillefrappasoudain.Surlaplupartdesphotossesenfantsousafemme
se tenaient souvent par le bras, le cou ou la taille. Mais pas lui. Il se tenait toujours posté plus ou
moinsaumilieud’eux,épaulescontreépaules,maissesbrasn’entouraientpersonne.Sesyeux,son
sourireavaientl’airjoyeuxmaisenfaitilétaitposélà,commeunjolibarildelessive.Est-cequ’il
avaittoujoursétécommeça?Absentàsaproprevie?
Laportedelabuanderiequidonnaitsurlacourclaqua.L’intendanteapparutànouveauderrièreles
escaliersmaissanscriercettefois.Elleportaitlesmêmesvêtementsnégligésmaisonpouvaitvoir
les lanières d’un maillot de bain vert pomme dépasser du col de son débardeur. Ses tongs lui
donnaientunedémarchenonchalantequinecorrespondaitpasàsontonénergique.
- J’ai affiché les menus de la semaine sur le frigidaire. Vous pouvez ajouter ce qui vous plaît ou
corrigeràvotreconvenance.J’aijustebesoind’êtreprévenuesuffisammentàl’avancepourfaireles
coursesenconséquence.
-Etsijeveuxducafé?railla-t-il
- Vous pouvez vous le faire, ou aller dans un bar. Je ne suis pas payée pour vous empoisonner. La
caféineestmauvaisepourlecœuretlecafédonnemauvaisehaleine.
Aussitôtilfermalaboucheetcontinuaàrespirerparlenez.
- Ah, et j’oubliais, ajouta-t-elle, si vous souhaitez recevoir des amis c’est possible, mais je vous
demandedemeprévenir48hàl’avance,pourquejem’organise.
Ellesemblaattendreunsignedesapart,etilréalisaqu’ilétaitcensédirequelquechose,maiscomme
cematinilsesentaitdésarmé.
Il marmonna une espèce de oui qui faisait office de validation et fit mine de monter les premières
marchesdel’escalierpourqu’elles’enaille.Ellecompritlemessageettournaledossansunmot.
Ilredescenditlesdeuxmarchesetattenditleclaquementdelaporte,puisilsedirigeaverslebardu
salon. Il trouva immédiatement ce qu’il cherchait. Vodka ! Il prit une bouteille et un verre pour la
formeetmontarejoindresachambrependantqu’iltenaitencoresursesjambes.
Chapitre2:Tempête
Quelqu’unjouaitauping-pongdanssatête.Cen’étaitpasdésagréable,commesilaballerebondissait
enrythmecontrelesparoisdesoncrâne.Maislejoueurinsistaitetfrappaitdeplusenplusfort.Il
voulut ouvrir les yeux mais la lumière lui brûla la cornée. Le ping-pong avait cessé, c’était
maintenantuntrainquiroulaitàtraverssoncerveau.Unevoixassourdiearrivadifficilementjusqu’à
sesoreillestandisquel’intendanteouvraitledeuxièmepandurideau.Onauraitditqu’elleparlaità
traversunmurd’eau.Cettepenséelefitrireeteutpoureffetdesecouertoutsoncorpsdespasmes.
Cen’étaitpasunebonneidée.Ileutjusteletempsdesauterdulitjusqu’auxtoilettesavantdevomir
deslitresd’alcool.Cettefoiscen’étaitpasseulementdanssatêtequeletrainétaitpassé,maissurtout
soncorps.Ilseredressadouloureusementetsetraînamisérablementjusqu’àlasalledebainattenante.
Ilposalespaumesdesesmainsbienàplatdechaquecôtédelavasquepouressayerdesestabiliser.Il
sentituneprésencedanssondosetavantd’avoirletempsdecomprendrecequisepassaitilreçutun
jet d’eau glacé sur le crâne, la nuque et pire que tout, le dos ! Ça c’était du sadisme pur. Dans un
instinctdesurvieiltenditlesbrasenavantpourseprotégeretfinitpararracherl’armedesmainsde
son agresseur. Le pommeau de douche continuait à cracher son liquide glacé, la salle de bain était
entièrementinondéeetàboutdesouffleilbaissalesyeuxsurlajeunefemme.Ilsétaienttouslesdeux
trempés,maisilréalisaqueluiétaitàpoil.Ilposalesyeuxsursonsexerecroquevilléparlefroid
comme un escargot cherchant désespérément à rentrer dans une coquille trop petite pour lui. Cela
coupacourtauxgrossièretésquiétaientmontéesdanssagorge.Elleluijetauneservietteauvisageet
luiditd’untonsec:
- Habillez-vous et descendez. Gloria attend pour faire votre chambre, il est temps de la laisser
travailler.
Ellesortitdelasalledebainetinclinalatêteendirectiondestoilettes
-Etpensezàtirerlachassed’eau,«çapuelamortici».Elleavaitprononcécesderniersmotsen
françaismaisilavaitbiencomprisquecen’étaitpasuncompliment.
-Connasse!marmonna-t-ilentresesdents.
Il résista à l’envie de retrouver la position horizontale et se traîna malgré lui jusqu’aux toilettes.
Aprèsavoirfaitdisparaîtrelestracesdesadéchéanceildécidadeterminersadouchepuisqu’ilétait
déjààmoitiétrempé.
Lorsqu’il sortit de la pièce, une serviette propre enroulée autour de la taille, il avait retrouvé son
assurancedebipède.L’eaubrûlanteluiavaitfaitdubien.Gloria,safemmedeménageétaitentrainde
passerl’aspirateurautourdulit.Elleavaitretirélesdrapsetrassemblélesbouteillesprèsdelaporte.
Ilgrimaçaunsourirecontrit.Lebruitdel’enginluirappelaitlafraisedudentistemaisonauraitdit
qu’onlaluipassaitsurletympan.Ellel’arrêtapourluiparler.
-JesuisdésoléeMonsieur,maiscelafaisaithuitjoursquevousn’étiezpassorti,ilfallaitquejefasse
leménagequandmême…
-VousavezbienfaitGloria,larassura-t-iletilsedépêchad’attraperunpantalonetunechemiseavant
qu’ellenerallumesoninstrumentdetorture.
Danslamezzanineilenfilasonpantalon,tantpispourlecaleçon,ilreprendraitleshabitudesdela
civilisationplustard.Etapeparétape!D’abordréglersoncompteàcettegarcebarbare!Ilfinissait
de boutonner sa chemise dans les escaliers quand une odeur de bacon grillé arriva jusqu’à ses
narines.C’étaitlepremiermessageagréablequesessensapportaientjusqu’àsoncerveaudepuisdes
lustres.Ilsesentittoutàcoupaffamécommeunloup!
Ilaperçutsonrefletdanslabaievitréetandisqu’iltournaitdanslacuisineetréalisaqu’iln’enétait
passiloinavecsabarbesombreetsescheveuxemmêlés.Celafaisaitplusdedeuxmoisqu’ilneles
avait pas coupés et ses boucles châtain foncé commençaient à retrouver leur goût naturel pour
l’anarchie. Ses yeux étaient enfoncés dans leur orbite et ses joues s’étaient creusées à force de se
nourrirdecrackersetdefromage,luidonnantl’aird’êtreauxabois.Detoutelasemaineilavaitmis
un point d’honneur à n’avaler aucun de ses plats. C’était totalement puéril puisque de toute façon
c’étaitellequiremplissaitaussileplacardaufuretàmesurequ’illevidait.Maisilavaitbesoind’être
désagréableavecquelqu’und’autrequelui-mêmeetelleétaitseuleàpartagersacompagnie.Est-ce
qu’il faisait ça aussi avec Allegra ? Depuis quand avait-il développé cette capacité à se conduire
commeunsalecon?
Néanmoins il était décidé à régler ses comptes avec cette petite mégère. Comment s’appelait-elle
déjà?Lisa?Alice?IlyavaitunAquelquepart.Sesyeuxseposèrentsurlatablerondeettoutesa
hargne se dissipa. La table était dressée pour lui d’une façon accueillante. Une tasse trônait à côté
d’unethéièreenporcelaine.Destoastschaudsl’attendaientainsique…desscones!
-OnsecroiraitdansunsalondethéàMissMarpleTown!Lesondesavoixlesurpris,ilnepensait
pasavoirparléàvoixhaute.
Elles’approchadelatableuneassiettedansunemain,unepoêledansl’autre.
- J’ai fait aussi des pancakes, elle inclina la tête en direction du plan de travail. Ce que vous ne
mangerezpasferaaumoinsplaisirauxenfantsdeGloria.Etelleposal’assiettesurlatableavantd’y
verser le contenu de la poêle. Des œufs brouillés avec des lamelles de bacon grillé et des oignons
confits.
Ilnerelevapascettedernièreremarque,décidéfinalementàsemontrerunpeupluscivilisé.Ils’assit
devantsonassietteetellesaisitlathéièrepourverserunbreuvagebrûlantdanssatasse.
-Qu’est-cequec’est?demanda-t-ilméfiant.
-Uneinfusiondethymetderomarin,çavaaiderànettoyervotrefoie.
Ilallaitriposteretenbonanglais,réclamerduvraithéàdéfautdecafémaissoudainilcroisason
regardetilréalisaqu’ellen’avaitpasoubliélascènedecematin.Ilpritconscienceavecconfusion
qu’iln’étaitpasseulementàpoilquandellel’avaitarrosé,maisqu’ill’étaitégalementquandilavait
pitoyablementrampéhorsdulitpourfinirlatêtedanslacuvette.Ilsentitmonterjusqu’àsoncrâne
une vague de chaleur qui le fit sans doute rougir, ce qui ne lui était pas arrivé depuis le collège. Il
pinçaleslèvres,avançasonmentondansunsemblantdedignitépuisfinalementplongealenezdans
sesœufs.
C’étaitdivinementbon,l’espaced’uninstantilperditlanotiondutemps.ilavaitl’impressionqu’il
pourraitmangercommeçaencorependantdesheures.
De son côté la jeune femme s’occupait de la vaisselle silencieusement. Quand elle eut terminé elle
revintversluiunmugàlamain.Ellepritunechaise,s’assitetseservitdel’infusion.
-Qu’est-cequevousvoulezexactement?commença-t-elle.
Ilhaussalessourcilsetengouffraunenouvellebouchéedesconesaulieuderépondre.
-Jeveuxdire,celafaitquasiment10joursquejecuisinepourunfantôme.Jejetteoujedonnetoutce
quejeprépare,vousnem’avezadresséentoutetpourtoutquetroisphrasesetdeuxonomatopéeset
vous mettez un point d’honneur à ne sortir de votre tanière que quand j’ai terminé mon service. Si
vousvoulezmonavis,votrefemmemepayebeaucouptroppourremplirleplacarddecrackersetde
fromage.
-Monex-femme.
-Votreex-femme.
Ilcontinuaàmastiquersilencieusement.Cen’étaitpastoutàfaitdelaprovocation,iln’avaitjamais
étébavarddenature.Enfinsienfait,ildevaitsel’avouer,c’étaitunbavardetc’étaitplusfortquelui,
ilavaitirrésistiblementenviedelaprovoquer.
-Est-cequevouscomptezauditionnerpourlerôled’unhommedescavernes?dit-elleenpointantdu
mentonsabarbepleinedemiettes.
-Non,pourunremakedeHair.répondit-ilengrimaçant
- Ambitieux, mais il va falloir étoffer un peu votre vocabulaire : vous savez qu’on est passé au
cinémaparlant?
Cettefoiselleluiarrachaunsourire.
-Jesuisdésolémaisjen’arrivepasmerappelerdevotrenom,dit-ilpenaud.
Ellesoupira.
-AlineRivière.Elleluitenditlamainetcettefoisillasaisit.
-MalcolmHurst,dit-ilensecouantsamainlentement.
-Noussommeslesamedi10juillet2010etilest10hdumatin,ajouta-t-elleavecunevoixd’hôtesse
del’air.
-Oùestlasortiedesecours?
-Pasdansvotrechambreentouslescas!
-Vousavezunaccent,vousêtesfrançaise?dit-ilmi-figuemi-raisin.
Sesyeuxs’agrandirentetelleallaitl’envoyerpromenerquandilluisouritmalicieusement.
- Je plaisante ! Il me reste encore quelques neurones…que je n'ai pas noyés dans le chagrin ou
l'alcool,chuchota-t-ilcommesurletondelaconfidence.
-Danscecas,vousferiezbiend’allervérifiers’ilsnesontpassolublesdanslapiscineparcequ’un
peudesoleilnevousferaitpasdemal…ellesepenchapourchuchoteràsontour,ilm’asemblétoutà
l’heurequevotrevisageétaitplusblancquevotrecul!
Ilavaitdécidéqu’elleétaitdebonconseiletaprèsquelqueslongueursdansl’eaupourdégourdirson
corpscourbaturéparlesexcèsils’installasuruntransatpoursomnolerunpeuausoleil,bercépar
lesbruitsdecuisinedelajeunefemmeetlesvaetvientdeGloriadanslabuanderie.Lamaisonnelui
avaitpassembléaussivivantedepuisdeslustres.Luinonplusnes’étaitpassentiaussivivantdepuis
longtemps.Toutàcoupilrelevalatête.Unevoixmasculinevenaitd’interromprelafélicitévestalede
lamaison.Gerrypassalatêteparlabaievitréedelacuisine.Gerrysonvieilami!Undesraresqu’il
avaitgardédel’écoledethéâtre.Leseulaussiquin’étaitpasunamiducouple,d’ailleursAllegrane
l’appréciaitguère,danslamesureoùilnes’étaitjamaismarié,n’avaitpasd’enfantets’obstinaitàse
pointeraurepasdeNoëlavecdesstarlettestoutdroitsortiesd’unconcoursdeteeshirtmouillé.En
résumé,Gerryétaitunsnob,machoetégocentrique,maisMalcolmétaitincroyablementheureuxde
levoir.
-Etmoiquitecroyaisaufonddulit,tunerépondaisplusautéléphone!luidit-ilensaisissantlamain
queluitendaitMalcolm.
-J’aiessayéd’yresterlepluslongtempspossiblemaisjem’ensuisfaitdélogerparlesdeuxharpies
quimeserventdefemmedeménageetdecuisinière.Gerryrit,croyantàuneblague.
-Quiestcettenanaquim’aouvert?C’estvraimentunecuisinière?
Malcolmtournalatêteverslacuisinecommes’ilavaitpeurd’êtresurveilléparleKGBetsepencha
verssonamienbaissantleton:
-Sesparentsl’ontbaptiséeAline,maisenfait,sonvrainomc’estAttila,etcrois-moi,ilvautmieux
êtreavecelle,quecontreelle.
-SesmessieurslesWisigothsaccepteront-ilscesjusdefruitsengagedepactedenon-agression?ditelled’unairentendu,posantdeuxverresdejusd’orangefraissurunetabletteentrelesdeuxtransats.
-Avecgrandplaisir!réponditMalcolmenexagérantsonaccentsnobinard.
Le regard de Gerry alla de son ami à la jeune femme qui avait tourné les talons pour regagner la
cuisine.
-Qu’est-cequisepasseici?Tubaisesavecelleouquoi?souffla-t-il
-Cavapaslatête!ElleestàpeineplusvieillequeBen!
-Hum,dit-ilenseretournantànouveauverslamaison.Jenesaispasquelâgeellea,maisjesais
qu’il ne faut pas négliger l’effet d’une belle paire de jambes pour lutter contre la déprime. Elle est
fagotéecommeunsac,maisilfaudraitlavoiràpoilpoursefaireuneidée.
C’étaittoutGerry.Bientôtilallaitluirappelersathéoriedusinge:l’hommenedoitjamaislâcherune
brancheavantd’enavoirattrapéunenouvelle.Jamaisunefemmenes’étaitinstalléedanssavieplus
de 6 mois. Il les consommait joyeusement et superficiellement et au final il ne semblait pas s’en
porterplusmal.Etentouslescasmoinsmalqueluiaujourd’hui!
-Commentvaleboulot?luidemandaMalcolmpourchangerdesujet.
-Assezbien,jeterminedans15joursla100èmeetdernièrereprésentationd’Unticketpourdeux.
Gerry avait fait jusque-là une belle carrière dans le théâtre et la télévision. C’était une star en
Angleterre,spécialisédanslesrôlesdeséducteurscomiques.ContrairementàMalcolm,ilavaitréussi
àimposersapersonnalitédésinvolteetsonhumour.Ilexcellaitdanslesvauxdevilleetlescomédies
demœursàlaNoëlCowarddontleslondoniensétaientfriands.
-Bravo!sifflaMalcolmsuruntonadmiratif.Commentças’estpassé?
Iln’avaitpasprislapeined’allervoirlapièce,bientropoccupéparsaproprecarrière.
Gerryétaitétonnédecetintérêtsoudainpoursontravail,maisilréponditdeboncœur.
-JesuissurtoutsoulagéqueçasetermineàcausedeCarolyn.
-CarolynKean?L’actricequivientderecevoirleBAFTApourlemeilleursecondrôle
féminin?C’esttapartenairesurscène?
-Oui,etpasquesurscènefigure-toi.J’aifaitl’erreurdecéderàsesavancesmaismaintenantjesuis
coincé,jesuisobligéd’attendrelafindesreprésentationspourrompreavecellesinonelleestfichue
demefaireunescènesurscène!
Malcolmneputs’empêcherderiredevantleguêpierdanslequelils’étaitfourré.Ilavaitlesensdu
comiquemêmedanslafaçondontilmenaitsavie.
-Commentunegaminede25ansa-t-elleputeroulerdanslafarineaussifacilement?Toilevieux
loupdemer!
-Moque-toi!J’ail’impressionqueplusjevieillis,plusmabiteperdlatête!Làenl’occurrence,je
mesuisfaitavoirparl’auradesaréussitecinématographique.Ellen’arrêtaitpasdemedemanderde
l’accompagneràtoutescessoiréesdegalapourlapromodesonfilm.Elleétaittellementsexy,etje
devaisl’attendreenretraitpendantqu’ellefaisaitsonshowdevantlesjournalistes,c’étaitgrisant.
-T’esentraindemedirequ’àpresque50ans,ellet’aséduitcommeunestarlettesurlesmarchesde
Cannes!
Gerrynebougeapasmaisunsouriresedessinasurseslèvrescharnues.
-Tuastouchédanslemille!Ellem’achopécommeunevulgairemidinettefascinéeparlestrasset
les paillettes ! Je n’arrive pas à le croire ! Et moi qui me prenais pour un macho ! Un sac à main
auraitplusdecaractère!
Ilséclatèrentderire.
-Entouslescas,dèsquelesprojecteurssesontéteints,mesfantasmesaussi!Etdepuisjerameavec
elleenattendantpatiemmentdelalaisserretourneràsonTwiteretsonshopping.
-Elledoitbiensentirquetunet’intéressesplusàelle,non?
-Jenesaispas,tusaisbienquesuisunacteurné!Etpuis,iln’yapasplusaveuglequeceluiquine
veutpasvoir.
Les épaules de Malcolm s’affaissèrent légèrement tandis qu’il prenait conscience que toute cette
conversations’appliquaitparfaitementàsaproprevie.
-Désolé,bafouillaGerry,jenevoulaispastefairepenseràtondivorce.
- Au contraire, dit-il pensivement, tu m’ouvres les yeux. Je me demande juste combien de temps
Allegraafaitsemblantavantdetrouverlebonmomentpourmequitter.Ilfronçalessourcils.Ellea
demandéledivorcepeuaprèslesOscars,jesupposequecommetoielleavaitdûfixerunmomentqui
nenuiraitpasàmacarrière.
-Hum,marmonnaGerry,circonspect.Tusaismonpote,Allegraetmoionn’ajamaisétédegrands
fans l’un de l’autre, mais quand même on peut dire qu’elle aura vraiment pris soin de toi jusqu’au
bout.
-Etmoijepeuxdirequej’aivraimentmerdécecouplà.dit-il,unpliameraucoindeslèvres.
Chapitre3:Lesprémicesdelacivilisation
Allongé sur la moquette épaisse de la chambre de son fils Elliot, Malcolm écartait légèrement le
borddurideaud’unemaintandisqu’ilplongeaitsonregardàtraverslabaievitrée.Delà,ilavaitune
vueimprenablesurlapiscineetsesentaitl’âmed’unejeunecanaillelubrique.Celaluirappelaitses
12 ans quand il se cachait avec son ami Kenny dans les buissons du jardin pour regarder sa sœur
Kathleensedéshabilleravantd’allerprendresadouche.Ellen’avaitque4ansdeplusqu’euxmaisses
seinsétaientformésetiln’enfallaitpaspluspourlesmettreenébullition.Lascèneneduraitjamais
très longtemps, elle n’en était que meilleure. L’attente les plongeait déjà dans un état d’exaltation
prochedelajouissance.Kathleen,régléecommeunemontresuissesuivaittoujourslemêmerituel.
Dansl’angledelafenêtreilslavoyaientpénétrerdanssachambre,etseplacerdevantsaglacepour
s’observer. D’abord de profil, ses mains plaquant sa blouse contre sa taille pour faire ressortir sa
poitrine,puisellesecontorsionnaitpourregardersesfesses.Sansdoutesatisfaitedurésultat,entous
les cas les deux jeunes garçons, eux, l’étaient, elle retirait ses vêtements en sortant du champ de
vision,probablementpourserapprocherdelapanièreàlingesaledesasalledebain.Acemoment,
l’excitation des garçons était à son comble, ils cessaient de respirer. Comme par magie, elle
réapparaissait entièrement nue, et recommençait ses poses devant le miroir. Puis elle disparaissait
pourdebon.Lesgarçonss’enfonçaientalorsjoyeusementdanslepetitboisderrièrelamaisonetse
calaient dans les branches d’un arbre pour se secouer vigoureusement la nouille comme deux
ouistitislubriques.
Malcolm sourit à ce souvenir. Paradoxalement, la jeune femme qu’il s’amusait à épier aujourd’hui
étaitplusâgéequesasœuràl’époque,maissesseinsétaientplusmenus.Sonattentionavaitétéattirée
parunemusiqueunpeudésuètediffuséeparlesbaffesprèsdelapiscine.Deuxansplustôt,ilavait
fait installer autour du bassin tout un système audio pour les 16 ans de son fils Ben. Tellement
sophistiquéetclinquantqu’ilauraitpuservirautournaged’unclipderap.Tellementsophistiquéet
compliqué que Malcolm ne l’avait jamais utilisé. Il y avait longtemps qu’il avait perdu l’habitude
d’écoutervraimentdelamusique.Peut-êtredepuislafindesvinyles…Enjetantunœilparlafenêtre
de sa chambre il avait aperçu Aline, emmitouflée dans un peignoir qui trempait un pied dans l’eau
turquoise de la piscine. C’est à ce moment que se réveillèrent ses vieux instincts de voyeur et avec
délectationilavaitrejointlachambredesonplusjeunefilspours’installerconfortablementaubord
de la baie vitrée. Allongé de tout son long, en appui sur les coudes, il avait l’impression d’être un
chasseurauxaguets.Letempsqu’ils’installe,lajeunefemmeétaitdéjàentréedansl’eauetcomme
lui-mêmetroisjoursplustôt,elleenchaînaitleslongueurs.Ilrepérasurleborddubassinunpetittas
vertpommequiconfirmaitcequiluisemblaitêtreundosentièrementnu.Secroyantseuledansla
maisonelleavaitretirélehautdesonmaillot.Ilricanabêtement.Lasituationl’amusaitautantqu’elle
l’échauffait.Arrivéeàunboutdubassinoùelleavaitpied,lajeunefemmeseremitsursespieds,lui
laissant le temps d’apprécier la courbe de ses seins, et avant qu’il ait le temps de comprendre ce
qu’ellefabriquait,elleavaitôtélebasdesonmaillotdebainetl’avaitsavammentenrouléautourde
sescheveuxpourlesfairetenirenchignon.Ilréalisaquecomme40ansplustôt,souslesfenêtresde
Kathleen, il avait retenu sa respiration. Aline se retourna, lui offrant cette fois la cambrure de ses
reins,etrepritseslongueurs.Sesmouvementsétaientlangoureux,elledépliaitlentementsesjambes
etsesbras,semblantgoûteravecfélicitéchaquevibrationdel’eau.Seslèvresbougeaientcommesi
elle fredonnait les paroles de la chanson. La position allongée commença à devenir inconfortable
pour Malcolm. Il bandait dur mais n’avait pas vraiment envie de se masturber. Obéissant à une
impulsionilselevapourallerlarejoindre.
Ellesursautalorsqu’elleaperçutsasilhouettefranchirlaportefenêtredelacuisine.Ilétaitarrivésans
bruitpouravoirleplaisirdelasurprendreetilnepouvaitretenirlelargesouriremalicieuxquise
dessinait sur ses lèvres. Aline s’était arrêtée de nager, et sans montrer sa gêne, elle se contenta de
retirerfurtivementl’étoffedesescheveuxpourl’enfilerpromptement.
-Elleal’airbonne!dit-ilenguised’introduction.Surprisparledoublesensqueprenaitcettephrase,
sachantcequ’ilavaitdanslatête,ilneremarquapasqu’ilavaitposélepiedsurlehautdesonmaillot
debain.Cen’étaitpasprévu,entouslescas,pasconsciemment,maisAlineleregardaavecsuspicion
tandis qu’elle tendait la main dans sa direction, se couvrant la poitrine de son autre bras. Il
s’accroupit et lui lança son bien, puis s’assit en remontant le bas de son pantalon pour tremper ses
jambesdansl’eau.
-Vousn’étiezpascensépasserlajournéeàLondres?Elles’étaitretournéepourremettresonhautet
illaregardaitattacherlesliensdanssondos.Sesbrasétaientsouplesetnerveuxetilpouvaitvoirses
omoplatessaillirpendantqu’elleterminaitlenœud.
-Tomaannulél’interview.
Elletournalatêteetleregarda,étonnée.
-Ilfaitçasouvent?
- Parfois. Il fit la moue. Quand il n’arrive pas à se mettre d’accord sur le prix, ou le droit à la
relecturedel’article.
Il allongea ses jambes dans un clapotis. L’eau était délicieuse mais le soleil, haut dans le ciel,
l’obligeaitàplisserlesyeux,accentuantsesridesaucoindesyeux.Danssonenthousiasmeilavait
oubliédeprendreseslunettesdesoleil.
-Est-cequevousvoulezquejevouslaisselapiscine?luidemanda-t-ellesansfaireminedebouger.
Enmusiquedefondunenouvellechansonenfrançaisavaitsuccédéàlaprécédente.Delavariétélui
sembla-t-il,avecdesaccentsunpeujazzy.Ilsecoualatête.
-Nonnon,c’estmoiquidébarquesansprévenir!
Ellesegrattaleboutdunezenl’observant,pensive.
-J’aijusteentendulamusique,çam’adonnéenvie…ilnesavaitquoiajouter.Deprofiterunpeudu
soleil.conclut-ilmaladroitement.C’estpeut-êtremoiquivousdérange?
Ellehaussalesépaules,levisageimpassible.
-Vousêteschezvous,non?Etsansplusleregarderellerepritseslongueurs.
Il posa les paumes de ses mains en arrière et se laissa aller, fermant les yeux pour mieux sentir la
caressedusoleilsursonvisage.Distraitementilécoutaitlesparolesdelachanson,certainsmotsne
luiétaientpasinconnus.Auboutd’unmoment,unephrasedurefrainpiquasacuriosité.
-Qu’est-cequ’ilditexactement?Jecomprendsquesafemmel’aquitté,maisjenecomprendspas
pourquoi.
Elle s’approcha du rebord et calla son menton sur ses bras repliés. Elle était très près de lui et il
remarqualesgouttelettesprisonnièresduduvetblondsursesavant-bras.Lesyeuxdanslevagueelle
écoutaitattentivementlesparoles,unlégersouriresurleslèvres.
-Ilditqu’ilpréfèrel’idéequesafemmel’aitquittépourunautrehommeplutôtquedepenserqu’elle
l’aquittéàcausedelui-même.
Lechanteurreprenaitlerefrainetellelechantaaveclui
«Dites-moi,dites-moimais,qu’elleestpartiepourunautrequemoi,maispasàcausedemoi,ditesmoâça,dites-moâââçaaaaaa…»Lamusiqueavaituncharmedésuetdesannées80etilséclatèrentde
rire.
Puisilajoutapensivement.
-C’estdrôle,jenem’étaisjamaisposélaquestion!Est-cequec’estvraimentplusfaciled’êtrequitté
pouruneautrepersonne?
Asontourelledevintsongeuse,mordillantl’ongledesonpouce.
-Franchement,jemesuislongtempsposélaquestionetpersonnellementjenecroispasqu’ilyenait
une plus facile que l’autre, c’est juste que la douleur n’est pas la même. Mais cette chanson m’a
interpelléependantlongtemps!
-Entouslescasçaal’aird’êtreunevieillechanson!Ilsourit,narquois
Elleritjoyeusement.
-C’estlecas!Mamèreécoutaitçatoutletempsquandj’étaispetite.Ilyenauneoudeuxautresdelui
quej’aimebien,maiscelle-cim’impressionnaittoujours,àcausedesparoles!Jenecomprenaispas
ce que ça pouvait vouloir dire « être quitté à cause de soi-même », mais surtout…ses yeux étaient
fixés sur un point imaginaire, bien plus lointain que le jardin et la façade de la maison. J’étais
fascinée à l’idée qu’il puisse étaler sa douleur comme ça, devant tout le monde ! Je trouvais ça
tellementimpudique!
Malcolmpouffatandisquelevisaged’Alines’animaitàl’évocationdecesouvenir.Ellecroisason
regard,plissantlesyeuxensouriant.
- A cette époque je croyais que tout ce que chantaient les artistes était la vérité, qu’ils parlaient
forcémentdeleurvie!
Ilritfranchement.
-Ducoupj’étaisàlafoishorrifiéeetattendriedevantsapeine!Ellejoignitsonrireausien.Etjeme
disais«maisest-cequequelqu’unvaenfinsedécideràaidercepauvrehomme?!!!»
- Moi, quand j’étais enfant, enchaîna Malcolm, j’étais persuadé que dans les Westerns, quand un
cowboy mourrait, c’était en fait un condamné à mort qui jouait le rôle et qui acceptait de mourir
devantlescaméras.
Alinebaissalatête,secouéeparunfourire.
-Etquanddansunduel,ajoutaMalcolm,ilyenavaitunquiéchappaitàlamort,j’imaginaisqu’il
étaitgraciéetqu’onlelibéraitàlafindufilm!
-Cadevaitêtresacrémenteffrayantàregarder!articula-t-elledansentredeuxhoquets
- Oui, parfois j’ouvrais des yeux grands comme des soucoupes et ma mâchoire manquait de se
décrocher!
-Camefaitpenseràmonpère,ajoutaAlineenreprenantsonsouffle.
Malcolmhaussalessourcils.Fatiguédusoleililallongeaunbraspoursaisirduboutdesdoigtsles
lunettesdesoleildelajeunefemme,négligemmentposéessurlebordd’untransat.
-Achaquefoisquedansunfilmilyaunpersonnagesecondairequifaitpartied’uncorpsdemétier
unpeutraditionnel,commeunrestaurateur,ouunmédecin,ilestpersuadéquec’estunvraimédecin
ouunvraicuisinier!
Iléclataderireàsontour.
-EtjesupposequedansTitanic,ilapenséquelesmusiciensfaisaientpartied’unvraiorchestre?
-Parcequecen’estpaslecas?dit-elleagrandissantlesyeuxd’unefaçonthéâtrale.Ilsrirenttousles
deuxdeboncœur,puisunsilencepaisibles’installa.Ilsnes’étaientpasrenducomptequelachaîne
s’était tue et ils savouraient le son de la légère brise dans les feuilles du grand chêne brun, trônant
commeungardienàcôtédubungalow.Lesbrastoujoursaccoudésàlabordure,Alinelaissalereste
desoncorpsflotteràlasurface.Sesfessesarrondies,àmoitiécoupéesparl’élastiquedesonmaillot
sortantdel’eauparintermittence,commelebouchond’unecanneàpêche.Malcolmsentitlatrique
reveniretilrepritlaparolepourfairediversion.
-Commentmevontleslunettes?demanda-t-il,unsourireencoin
-Pasmal,sivouspostulezpourunrôledansTootsie!
Levantlesbrasauciel,ilselaissaglisserdansl’eautouthabilléetellerécupéraseslunettesenriant.
Les deux semaines suivantes, Malcolm commença à retrouver des réflexes de sociabilité. Il avait
remplacélavodkaparlevinetavaitréintroduitl’usageduverreparlamêmeoccasion.Iltâchaitde
descendrepourlepetitdéjeuner,mêmesiAlines’obstinaitàluiremplirlathéièred’herbesétranges
et odorantes. Malgré lui, il mangeait de bon cœur ce qu’elle lui préparait et il avait renoncé à
s’apitoyersursonsort,dumoinsauxheuresderepas.Cematin-là,lenezdanssatasse,ilessayait,
consterné,dedevinerquellesherbespouvaientbiendonnercettecouleurbleutéeaubreuvage.
-Cesontdesfleursdebleuet,luidit-ellesansleverlesyeuxdesonplandetravail.Ilétait9heureset
elles’étaitatteléeàlapréparationdurepasdusoir.Aumenu,terrinedelégumeetblancdepouletaux
amandes.D’ungestevifetpréciselleépluchaittroisgrossescourgettes.L’amertumevavousfaire
dubien.
Ilpritunegorgéeetgrimaça.
-Pasdanslaboucheentouslescas!
Elleritdoucementtoutencontinuantsontravail.
-Cetrucestfadasseet…ilrepritunegorgée,commes’illamâchait.Ecœurante!
-Sivousbuviezmoinsdevinvousseriezenmeilleurétatlematinetjeneseraispasconstamment
obligée de soigner votre foie. Elle se tourna vers l’évier pour rincer les courgettes dénudées, puis
commença à les débiter en grosses rondelles. Le bleuet est très bon au goût, c’est juste que votre
palaisestcomplètementencrassé.Etjeneparlepasdecesœufsquevousvousobstinezàavalertous
lesjours!
-Ah,çayest!dit-ilsuruntonemphatique,parcequelesœufsc’estmauvaisàlasantémaintenant!
Vousm’avezdéjàsucrélecafé,vousvoulezenplusmepriverdel’undespiliersdupetitdéjeuner
anglais?Jecomprendsmieuxpourquoimonex-femmevousaengagée.Alinearrêtalemouvement
de son couteau et le regarda mi-amusée, mi-interrogative. Content de son effet, il enfourna une
grossebouchéed’œufetdebacongrilléetprittoutsontempspourmastiqueravantderépondre,une
tranche de toast à moitié grignotée en suspens dans la main. Je pensais qu’elle l’avait fait pour me
faire plaisir, mais maintenant je réalise qu’elle l’a fait pour me torturer ! C’est sa vengeance,
typiquementféminin!
Alineavaitl’habitudedesesbravades,audébutilarrivaitassezrapidementàlafairerager,maisà
force d’écouter ses babillages tout en préparant le repas, elle avait fini par percevoir la sensibilité
cachée sous les piques et elle s’était habituée à son humour pince sans rire. Finalement, elle devait
s’avouerquecontretouteattente,elleappréciaitsacompagnie.
-Parcequevoustrouvezqu’ingurgiteràjeundubaconfritetdesœufs,cen’estpasunetorturepour
votreestomacpeut-être?
Ilfitdescendreladernièrebouchéeavecdesharicotsàlatomateétaléssurlerestedesontoast.Cette
fois,c’estellequigrimaçaetsonventresecontractaàlavuedesharicotsblancsbaignantdansleur
saucetomate.
-Parcequevous,lesfrançais,avecvotrecaféaulaitetvoscroissants,vouscroyezquevousfaites
mieux?Nousaumoins,onattaquelajournéeavecunvrairepas.Ilagitasafourchettesurlaquelleun
haricot gisait empalé. Comment croyez-vous que s’est organisé le débarquement ? Vous croyez
vraimentqu’onauraitsurvécuàlatraverséedelamancheavecunpetitdéjeunerfrançais?Ilsourità
l’imagedessoldatsarrivantsurlesplagesdeNormandiepourvomirpiteusementleursviennoiseries.
Commesilamêmeimageluiavaittraversél’espritAlinepouffa.
- C’est un cliché, tout le monde ne déjeune pas avec des croissants tous les jours, heureusement
d’ailleurs,sinononauraitdesérieuxproblèmesdepoids.Laminuteriedufourtintaetellesetourna
poursortirunplatdepoivronsfumants.Maisc’estvraiquemêmelepainbeurreetconfiture,cen’est
pastrèsdiététiquenonplus,finit-elleparadmettre.Avecunefourchetteellepiqualachairrougedes
poivronsetlesfourradansunsacplastique.Malcolmarquâtunsourcil.
- Qu’est-ce que vous fabriquez ? Il se leva pour débarrasser son assiette dans l’évier et en profita
pours’approcherdel’îlotcentralsurlequelelletravaillait.
-Jeleslaisserefroidirdanslesacpourpouvoirleséplucher,lavapeurvafairedécollerlapeau.
Il n’avait pas l’air très convaincu mais elle continua comme s’il n’était pas là. Nonchalamment il
appuyasesfessescontrel’évierpourlaregarderfaire.Ils’attardaitdeplusenplussouventaprèsson
petitdéjeunerpourl’observerdanssontravail.Ilaimaitregardersesgestesprécisetméthodiques,et
surtoutilavaitdécouvertqu’ilaimaitlacuisine.C’étaitincroyabletoutcequ’ilavaitapprisavecelle
cesdernièressemaines.Ellefinitdecouperlescourgettesetlesversadansunecocoteminutepour
lesfairecuireàlavapeur,puiselleattrapaunverred’eaudanslequelelleavaitplantédesbranchesde
menthefraîchecommeunbouquetdefleurs.
-Nemeditespasquevousaveztrouvédelamenthefraîcheici?Elleritensemoquantdelui.Ilétait
chezluiaussidémuniqu’untouriste.
- Non, c’est votre voisine qui me l’a donnée. Est-ce que vous pouvez m’en laver quatre ou cinq
feuilles?Jevaislesmixeravecdespignonsdepinpourparfumerlaterrine.Ilcueillitlesfeuilles,
dégageantleurparfumfraisetpiquantdanslapièce,etlespassasousl’eau.
-Commentest-cequevousavezfaitpourlarencontrer?Ilcherchaàcachersasurprise.Savoisine
étaitunancienmannequinreconvertitdanslafemmeaufoyerdeluxe.Lui-mêmeavaitdûluiadresser
àpeine5phrasescomplètesdepuissixansqu’elleavaitemménagé,elleetsonindustrieldemari.Ils
semblaientencoreplusjalouxqueluideleurintimité.
Alinehaussalesépaulesavecévidence.
- J’ai sonné et je lui ai demandé si je pouvais en cueillir. Elle lui raconta que le buisson était situé
contre le mur mitoyen près du bungalow, elle avait senti son parfum dès qu’elle s’était installée et
naturellement elle était allée lui en emprunter. Vous n’avez jamais remarqué comme en général les
gens qui aiment faire pousser des trucs, aiment bien les partager ? Il n’osa pas lui dire que les
personnesquiaimentfairepousserdestrucsdanssonmilieuétaientengénéralpeurecommandables
et que la seule herbe qu’ils aimaient bien partager étaient au mieux issue du cannabis, au pire des
grainesdepavot.C’estunefemmecurieuse,continua-t-elle.Unpeuhautaineaupremierabordmais
trèsgentilledèsqu’ondiscuteunpeu.Illuipassalesfeuillespourqu’elleleségouttedansunefeuille
de papier absorbant. Elle les ajouta aux pignons de pin dans le mixeur. Il la regarda verser un peu
d’huiledenoisettesurlemélangeetpresserlecouverclepourdéclencherlemoteurduhachoir.Ses
yeux glissèrent discrètement sur ses fesses flottant négligemment dans le tissu du jean détendu. Les
franges de coton, irrégulières comme des branches de saule pleureur effleuraient le haut de ses
cuisses.Ilavaitremarquéqu’elleavaitplusieursshortsdanssagarde-robe,ilreconnaissaitsurtoutla
formedespochesquichangeaitparfois,maisilsavaienttouscetaspectrescapé,commesilerestedu
vêtementavaitétédévoréparuntigreaffamé.Lui-mêmeauraitbienretirécequirestaitdetissus.
La soupape de la cocotte s’ébroua en sifflant sa vapeur. Elle attendit quelques minutes, le temps de
plaquerunpapiersulfurisédansunmoulerectangulaire,puiselleéteignitlefeuetfinitdelibérerla
pression.Ellen’avaitpasregardélapenduleaccrochéeau-dessusdelaportedeservicequidonnait
surlecellier.
-Commentest-cequevoussavezquec’estcuit?luidemanda-t-ilenpromenantsesdoigtssousson
nez.Ilsétaientencoreimprégnésdel’odeurdementhe.Elleposalamainsurlasiennepourlaretirer
etattendit.
-Voussentez?
Ilcherchaunpeuetfinitpardécouvrirunsubtilparfumdecourgettecuiteémanentdel’autocuiseur.
-C’estcuitquandleparfumcommenceàsortirdelacocotte,plusçasentfortetpluslelégumeest
cuit.Là,j’aibesoinqu’ilsrestentcroquantspourlaterrine,c’estpourçaquejelessorstoutdesuite.
Elleavaitgardésamainsurlasiennependantqu’elleparlait.Elleétaitdouceetfraiche.Ellelaretira
pour sortir les courgettes du fait-tout. Avec elle, cuisiner semblait tellement simple. Il sourit
béatement. Stimulant des sens dont il avait oublié l’existence, elle lui avait ouvert un monde de
parfums, de goûts et de couleurs. Une vague de gratitude monta en lui, il chercha comment la
remercier.
-Etsijevousemmenaisaurestaurant?fit-ilbrusquement.Elleleregardaétonnée.
-Quoi,là?Maintenant?Jevoussignalequevousmepayezjustementpournepasavoiràallerau
restaurant…
-Justement,j’aimeraisvousremercier.
Ellesetournapourcachersasurpriseetseconcentrasurlespoivronsqu’ellesortaitdusacplastique.
Ellelesavaitlaisséssuffisammentlongtempspourqueleurpeaufassedescloquesetellen’avaitplus
qu’àtirerlapeauaveclapointed’uncouteaupourmettreleurchairànu.
-Jevousaimenélavieduredepuisvotrearrivéealorsquevousn’avezfaitqueprendresoindemoi.
J’aimeraispouvoirvousremercieretvousfaireplaisiràmontour.
Ellesedemandasiellenepréféraitpassespiques,aumoins,ellesavaitàquois’entenir.Ellefinitpar
luijeterunœilméfiant.
-Vousn’êtespasentraindemedraguerouuntrucdugenre,j’espère.
Illevalesmainsensigned’innocence.
- Je vous assure, je voudrais juste vous rendre un peu du bien être que vous m’avez apporté ces
dernières semaines. Si je savais cuisiner, je le ferais moi-même, mais j’aurais trop peur de vous
empoisonner.
Ellesemitàfrotterpensivementledosdesonpiedcontresonmollet,ungestequ’ill’avaitdéjàvu
fairequandellehésitaitsurlesproportionsd’unerecetteoulechoixd’uningrédient.
-D’accordfinit-ellepardireensoupirant.Maisceseraunjouràmidi,etsanstenuedesoirée.Justele
repas.
-D’accord!Ilsourit,triomphant.
-Etpasdeconversationpersonnelle.
-Quelacuissondeslégumes,promis.
-JeneplaisantepasmonsieurHurst.
-Appelez-moiMalcolm.
Elleposalepoivronqu’elleétaitentraindepeler.
-Sûrementpas,c’estexactementcequejeveuxdirequandjeparledeconversationpersonnelle.Je
n’aipasl’habitudedesortiravecmesemployeurs,quecesoitbienclair.
- Ca tombe bien, c’est ma femme qui vous emploie. Elle ouvrit la bouche pour protester mais il
enchaîna
-Jeplaisante!Vousêtesincroyablementsérieuse,toutàcoup.Jevousemmèneaurestaurant,jen’ai
pasparlédevousépouser.Aujourd’huimiditrente?
Cettefoisc’estlesyeuxqu’elleouvritengrand.
-Quoi?Vousn’aurezpasdecollationàpréparer,çavouslaisselargementletempsdenepasmettre
de tenue de soirée, railla-t-il. Il se sentait en pleine forme et l’idée de sortir avec elle le mettait
d’excellentehumeur.
-D’accord,laissez-moiterminerça,ellemontralemouleàterrinedumenton,etjevousretrouveà
midietdemidanslesalon.Oùest-cequevousm’emmenez?
Ilsourit,faisantnaîtredesridesenrayondesoleilaucoindesesyeux.
-C’estunesurprise.
Chapitre4:Terreenvue!
Enfaitiln’avaitabsolumentaucuneidéedel’endroitoùilallaitl’emmener.IltéléphonaàGerrypour
lui demander conseil, mais tomba sur son répondeur. 9h45 au réveil de sa chambre, il devait
probablementdormirencore.Gerryquittaitrarementlethéâtreavant23hetilavaitl’habituded’aller
mangeraveclatroupeaprèslareprésentationaveclatroupe.IltentalenumérodeTom,sonagent,
avecplusdesuccès.Cedernier,rassuréderetrouverunMalcolmsobreetenjouéluiindiquauntrois
étoilesdégotéparsasecrétaire,maislechefétaitfrançais,c’étaitexactementcequeMalcolmvoulait
éviter. Tom ne montra pas d’étonnement devant cette nouvelle lubie, Malcolm n’avait jamais paru
s’intéresser de loin ou de près à ce genre de détails mais il avait l’habitude de travailler avec des
clients autrement plus capricieux et excentriques que l’acteur. Malcolm entendit un bruit de voix
étouffées,TomdevaitfairepartdesesexigencesàTrudy,sasecrétaire.Ellefinitparluitrouverun
restaurantThaïlandaistrèsenvogueactuellementetquivenaitderecevoirsadeuxièmeétoile,cequi
étaittrèsrarepourunrestaurantasiatiqueinstalléenEurope.Ilsesouvenaitvaguementavoirluun
articleélogieuxàsonsujetdansleSundayTimes.IlnesavaitpassiAlineaimaitlacuisineasiatique,
ill’avaitbienvuutiliserduTamarietduTofuuneoudeuxfoismaisilnepouvaitguèreendireplus
sur ses goûts culinaires. Il chercha dans sa mémoire et finit par se rappeler l’avoir entendu parler
d’un voyage au Japon prévu pour le printemps prochain, pendant la semaine d’or, quand tous les
cerisiersseraientenfleurs.LeJaponn’étaitpaslaThaïlande,maisildécidadecourirlerisque.Tom,
auxpetitssoinspoursonclientetamiluiproposades’occuperdesréservations.Celaluipermettrait
demesurerlacôtedepopularitédesonpoulainluidit-ilenplaisantantàmoitié.Ilyavaitsansdoute
une liste d’attente d’au moins un mois pour le Sai Gnam mais le nom de Hurst était un sésame
puissant,ilnedevraitpasavoirdemalàluitrouverunetablepourlejourmême.
Contentdelui,Malcolmraccrochaetréalisaqu’iln’avaitpaspenséàsafemmeetsesenfantsdepuis
laveille.IlsedemandaquelrôlepouvaitbienjouerAlinedanscettebonnehumeuretsicettehistoire
derestaurantétaitbiensansarrièrespenséesdesapart.Ilrepensaàlaproximitédeleurscorpsdans
lapiscine,auplidel’élastiquedesonmaillotdebainsurl’arrondidesesfesses.Elles’étaitmontrée
clairesurlefaitqu’ellen’étaitpasintéresséeetquelquepart,celalesoulageait.Iln’avaitjamaisvécu
en moine, mais en vingt ans de mariage, malgré les sollicitations, il avait rarement eu envie de
trompersafemme.Maintenantqu’ilseretrouvaitcélibataireàquaranteansbienpassés,iln’étaitpas
sûr d’être capable d’appréhender les us et coutumes d’une femme qui était née dans un monde où
l’hommeavaitdéjàmarchésurlalune.
Installédanslesalon,MalcolmfeuilletaitlesSundayTimesdecesdernièressemainesàlarecherche
del’articlesurlechefduSaiGnam.Letaxiqu’ilavaitcommandéétaitarrivédepuiscinqminuteset
attendait,patiemmentgarédevantl’entréedelamaison.Ilentenditlaportedederrièreclaquer,ilétait
miditrenteàsamontre,ilappréciasaponctualité.Alinepointalatêtederrièrel’escalier,elleportait
undébardeurrosevifavecunarcencielsurlapoitrineetunshortaussigrandquelesautresmaisen
cotonkakietsansfranges,lesbordsayantétésoigneusementremontésenunlargerevers.Malcolm
ouvritlabouchemaisaucunsonn’ensortit.Ilsedemandasisacélébritéseraitsuffisantepourfaire
accepter cette tenue au restaurant. Ce serait peut-être la première fois qu’il se ferait refouler, il se
demandaqueleffetcelafaisait.Elleleregardaitensouriant,l'airingénu.Sic’étaitcelasanotionde
tenuedeville…bonsangsedit-il,cettefilleestcomplètementfolle.Ilréalisaqu’ilnelaconnaissait
absolumentpas.Ilnesavaitquasimentriend’elle.
Ellelelaissamarinerquelquesminutes,puisn’ytenantplus,elleéclataderire.
-Jeplaisante!dit-elle,hilare,etelletournalestalonssansajouterunmot.Iléclataderireàsontour,
autantdesoulagementquedutourqu’elleluiavaitjoué.Elleréapparutmoinsdecinqminutesplus
tard,vêtued’unerobedosnueencotonnadejaunepoussinbordéed’ungalonroselelongdelajupe,
dudécolletéetdesdeuxbridesnouéessursanuque.Larobeétaitdelongueurraisonnableetelleavait
troquésestongscontredessandalesàbridesencuirdoré.Elleneportaitnibijoux,nimaquillage,sa
jeunesseetsonairenjouéétaientsesplusbellesparures.
-Vousavezvraimentcruquemagarde-robenecontenaitquedesshorts,hein?luidit-elle,espiègle,
enluiemboitantlepasverslaported’entrée.Qu’est-cequevousauriezfaitsiçaavaitétélecas?
-JevousauraistrainéesurKnightsbridgeetjevousauraisvêtuedespiedsàlatêteenagitantmacarte
goldaunezduvendeur.
-Zutalors,sij’avaissu!Est-cequejepeuxretournermechanger?
- Trop tard dit-il en saisissant les lunettes de soleil qu’elle avait perchées sur sa tête pour les lui
glissersurlenez.Ilfitdemêmeaveclessiennesetouvritlaporteenpassantdevant.
-Pourquoiuntaxi?l’interrogea-t-elleenapercevantlevéhicule.Ilmarchaittournéverselleettirait
surunpandesavestecommepourfaireunparavent.Lechauffeursetenaitdevantlaportièreouverte
etill’invitaàseglisseràl’intérieurrapidement.
-Rusedeprofessionnel,répondit-ilenclaquantlaportière.Lechauffeurfitletourdelavoitureet
s’installa derrière son volant pour démarrer la voiture. Il était habitué à conduire l’acteur qui
l’appelait sur son téléphone portable lorsqu’il avait besoin de ses services. Malcolm avait toute
confiance en sa discrétion. Les tabloïds ne perdaient jamais une occasion de graisser la patte des
chauffeurs,maîtresd’hôtelsoufemmesdeménagepourobtenirlamoindreinformationàsonsujet.
C’estpourquoiaufildesannéesils’étaitentouréd’unepoignéedepersonnesfidèlessurlesquellesil
étaitsûrdepouvoircompter.IlmontraàAlineuneVolkswagenblancheàtraverslavitrearrière.
-UnjournalisteduSunnyday.Ilmesuitenpermanencedepuisplusdedeuxsemaines.Elleleregarda
intriguée.Ellesavaitquelapresseanglaisemenaitlaviedureauxstars,maisellen’enavaitencore
jamaisfaitlesfrais.
-Vousêtesdrôlementcalme,çanevousdérangepas?
-Questiond’habitude!L’avantagedutaxi,c’estqu’unefoisenvillec’esttrèsdifficileàsuivre.Mr
Webster n’a pas son pareil pour se fondre dans le paysage, n’est-ce pas Thomas ? Le chauffeur
échangeaunregardcompliceavecluidanslerétroviseur.
-Onadelachancequ’ilsoitenvoiture,quandilssontenmotoc’estplusdifficile,dit-ilavecunfort
accentdel’estLondonien.
-Maispourquoidepuisdeuxsemaines?demanda-t-elle
Il lui expliqua que cela correspondait avec l’annonce officielle de son divorce par son agent. Cela
faisait vingt ans que la presse devait se contenter de photos d’une banalité repoussante, lui avec sa
femmeetsesenfantsauparc,safemmepoussantsoncharriotdecourse,luietsafemmeauxsoirées
deremisedeprix.Ilsespéraientsansdoutelesurprendreentraindenoyersonchagrindansl’alcool,
ouavecunestripteaseuse.
-Vouscroyezqu’onpeutmeprendrepourunestripteaseuse?Jenesaispassijedoisêtrevexéeou
flattée!
Iléclataderire.
- Ils risquent surtout de croire que je me console dans les bras de la petite amie de mon fils !
Remarquez,çaferaitvendre!Ils’enfonçadanslabanquettedutaxi,d’excellentehumeur.Ilsavaient
quittélecoconarborédeMilfieldlaneetlongeaientHampsteadHeathparkendirectiondeCamden.
Alineregardaitlepaysagechangeretsentaitleflotdesvoituresaugmenterautourd’eux.Lechauffeur
lançauncoupd’œilàMalcolmdanslerétroviseuravantdetournerdansCamdenroad.Sansprévenir,
MalcolmattiraAlinecontresesjambesetallongeasonbustesurelle.Elleétouffauncri,essayantde
sedégagermaisilétaittroplourd.
- On en a pour une minute, souffla-t-il comme si leur poursuivant pouvait les entendre. Tant qu’il
chercheuntaxiavecdeuxpersonnesàbord,lenôtreestinvisible.Rapidementeneffet,lechauffeur
annonça qu’ils pouvaient se redresser, le taxi s’était fondu dans l’anonymat de la circulation. Il
relâchasonétreinteetseredressalentementtandisqu’elleleregardaitavecsuspicion.Entresabarbe
etseslunettesopaqueselleavaitdumalàlirel’expressionsursonvisage.
-Quandj’avaisditpasdeconversationpersonnelle,j’auraisdûajouterpasdetripotagedansletaxi
non plus ! dit-elle en vérifiant les brides de sa robe. Elle se cala contre la portière, le plus loin
possibledelui.
- Désolé, j’avais oublié de vous prévenir. Un large sourire illumina sa barbe. Aventure et mains
baladeuses,maintenantvousconnaissezlequotidienpalpitantdelaviedesstars!
Danslerestaurant,unemagnifiquehôtesseàlapeauambréelesinvitaàlasuivrejusqu’àleurtable.
Ils traversèrent une grande salle agencée comme une maison traditionnelle Thaïlandaise, avec des
meublesenboissombre,desparaventsdebambousetdespalmiersnains.L’utilisationdematériaux
naturels donnait une touche authentique au lieu et dès le seuil d’entrée, on était catapulté dans un
quartier résidentiel de Bangkok. La salle était pleine. Le Sai Gnan s’était donné pour mission de
défendreleslettresdenoblessedelagastronomieasiatiqueetdepuissonouvertureunanplustôt,il
avait été pris d’assaut par la clientèle branchée du tout Londres. Ils traversèrent la salle sous les
regards blasés, mais Aline sentit à la façon dont les clients du restaurant baissaient le ton sur leur
passage,unecuriositéteintéed’excitation.Malcolmn’étaitpasseulementconnuentantqu’acteur,sa
carrièreinternationaleetlastabilitédesavieprivéeenavaitfaitl’unedespersonnalitéspréféréedes
britanniques. Il était considéré comme une gloire nationale, l’enfant, le mari et le père idéal.
L’annonce de son divorce avait fait l’effet d’une bombe dans le milieu et le voir traverser la salle
accompagnédecettepetiteblondeinconnueallaitalimenterlesconversationsbienaprèsleurdépart.
L’hôtesse les installa dans une salle secondaire, plus intime, composée de trois tables espacées et
séparées les unes des autres par des paravents en bois ajouré. Aline se glissa sur un canapé blanc
bordédetecketMalcolmfidèleàseshabitudeschoisitlefauteuilquitournaitledosàlapièce.Ellese
penchaversluietluiditsurletondelaconfidence:
-Jesuissoulagée,j’avaispeurquevousn’ayezréservédansuntroisétoilesavecvisiteguidéedes
cuisinesparlechefenpersonne.
Ilpritlemenuqueluiprésentaitlaserveuse,véritablepoupéeasiatique,avecdeslongscheveuxde
soie noire et une bouche comme un bouton de rose. Aline la regardait en coin, fascinée par la
perfectiondesonvisageimpassible.
-J’avouequecelam’avaiteffleurél’esprit,maisj’avaispeurquevousnetombieztropvitedansmes
brasetcommevousaviezditquevousnevouliezpasdedrague…
- Vous avez bien fait, passé deux étoiles j’ai beaucoup de mal à me contrôler ! Elle réalisa qu’ils
n’avaientmêmepasencorecommandéetqu’ilsétaientdéjàentraindeflirter.Ellereprituntonplus
sérieux.
-Sincèrement,jesuisraviedevotrechoix,maiscommentavez-vousfaitpourdécrochercettetable?
Depuisqu’ilsontgagnéleurdeuxièmeétoileilssontpleinsaumoinssixsemainesàl’avance!Ilétait
surprisqu’ellesoitsibiendocumentée.
-Nemeditespasquevousêtesdéjàvenue?luidemanda-t-il,méfiant.
Ellecachasonsouriredanssonmenu.
- Vous êtes déjà venue ! C’était stupide, mais il était un peu déçu. Il avait espéré la surprendre et
l’ébahirparl’originalitédulieu,àlaplace,c’estluiquipassaitpourunidiot.
-Voussavez,celafaitbientôtsixansquejevisàLondres,j’aiessayétouslesrestaurantsétoilésdela
ville,dit-ellecommeuneévidence.Celui-ci,c’estuncoupdechance,unamiphotographemedevait
unservice.Ilavaituneréservationpourlasemainedernièrequ’ilnepouvaithonorer.Ilm’aoffertsa
réservation plutôt que d’annuler. Je venais de lire un article dans le Sunday Times, j’ai sauté sur
l’occasion!
-Etvousyêtesalléeseule?Ilcherchaàserappelercequ’ilfaisaitdixjoursplustôt.Décidément,il
allaitdesurpriseensurpriseavecelle.Habituéàlavoirderrièresesfourneaux,iln’avaitpasréalisé
qu’elle avait une vie en dehors de son métier. Avec des amis, des activités…autant de choses qu’il
ignoraitsursoncompte.
-Onavaitditpasdequestionspersonnelles!protesta–t-elleavecvéhémence.Puiselleseradoucit.En
l’occurrence,oui,j’ysuisalléeseule,c’estquelquechosequejefaissouvent.J’aimebienêtreseule
quandjedécouvreunrestaurant,jepeuxmeconcentrertotalementsurlanourriture,sansêtredistraite
par la conversation. La serveuse s’approcha pour prendre leur commande. Malcolm la regarda
énoncerseschoixavecdéterminationetrapidité,commelorsqu’ellecuisinait.Illuilaissalacartedes
vins,ellecommandapresquesanshésiterunpinotgris.Ildécouvraitleplaisird’êtreguidéetnese
lassait pas de la regarder. Ses yeux étaient brillants, comme ceux d’un enfant dans un magasin de
jouet.
-Vousnem’aveztoujourspasditcequiavaitmotivévotrechoix.
-Jenevoulaispasunchefeuropéen,jetrouvaisqueçamanquaitd’originalité.J’aidemandéconseilà
monagentquim’aparléduSaiGnamquiavaitunebonnecôte,voilà.Enplus,jemesouvenaisque
vousm’aviezparléd’unvoyageauJaponquevousvouliezfaireauprintempsprochain,mêmesila
culturen’estpaslamêmej’aisupposéquevousaimiezlacuisineasiatique.
Aline était surprise qu’il se souvienne de ses projets de voyage, ils n’en avaient parlé qu’une fois,
pendantqu’ilterminaitsonpetitdéjeuner.Iln’avaitpassembléporterplusd’attentionquecelaàla
conversation.
-Mais,etvous?Vousaimezlacuisineasiatiqueaumoins?
-Cen’estpascequejepréfèreenfait.Ilritunpeubêtement.Maisjesuiscontentdedécouvrirceque
lacuisineThaïpeutfairequandc’estdansunrestaurantgastronomique.
-Pourtant,avecvosfilmsvousavezpassédutempsenThaïlande,non?
Saquestionlesurprit,maisilneréagitpastoutdesuite.Lesommeliers’étaitapprochédeleurtable.
Ilattenditqu’Alineaitgoûtélevinpourlesservirtouslesdeuxpuiss’éclipsadiscrètement.
- Vous avez-vous ces films ? Il faisait référence à trois films qu’il avait tourné à la frontière du
Vietnametquiavaitlargementcontribuéàasseoirsonsuccèsinternational,luiouvrantlesportesde
l’Asie.Maiscesfilmsontplusde10ans,vousdeviezêtreunegamine!Amoinsque…pitié,neme
ditespasquejesuisl’acteurpréférédevotremère!
Ellelerassuraensouriant.
-D’abord,j’étaisjeune,maisdéjàmajeure,ensuite,j’aimebiencesfilms,surtoutlepremier,c’estun
de mes préférés. Il jouait un pilote d’avion qui avait la fâcheuse habitude de se retrouver dans des
endroits exotiques, découvrant malencontreusement un trésor faramineux ou un temple sacré. Une
espèced’IndianaJonesàlasaucebritish.
-Etvousenavezvud’autres?D’habitudeiln’aimaitpasparticulièrementparlerdesafilmographie.
Lesgensaimaientoun’aimaientpassesfilms,ilnevoyaitpasl’intérêtd’endébattreàmoinsquece
nesoitdescritiquesconstructives,cequ’ilfaisaitdéjàabondammentavecsonentourage.Maisilétait
touchéetsurprisqu’elles’intéresseàsontravail,ellen’enavaitjamaisfaitcasauparavant.Ellenele
regardaitpasnonpluscommesielleétaitsanscesseentraindelecompareràsespersonnages.Illui
semblaqu’ellerougissaitunpeuavantderépondre.
-Tous,jecrois.Elleenchaînaavantqu’iln’aitletempsderéagir.C’estuncasunpeuparticulier.Vous
nelesavezpas,maismamèreconnaitvotreépouse.Quandelleétaitadolescente,elleapasséunanà
Milancommefilleaupairdanslafamilled’Allegra.Quandellevousaépousé,mamèreasuivitoute
votre carrière en nous racontant à chaque fois à moi et mon père, comment elle avait rencontré
Allegra,etc,etc…etbienentendu,ellemetrainaitavecellevoirtousvosfilms.
-EtAllegrasaitquivousêtes?
-Oui,c’estparmamèrequ’elleestpasséepourm’embaucher.
Décidément,àchaquefoisqu’ilcroyaitmaîtriserunpeulasituation,ildécouvraitd’autressources
d’étonnement.
-Etgénéralement,j’aimebienlesfilmsdanslesquelsvousaveztourné.Ellefitunepause.Jetrouve
que vous êtes un bon acteur, mais je crois que les scénaristes n’exploitent pas assez votre potentiel
comique.
L’arrivée des plats mit fin à leur conversation. Aline s’absorba dans la découverte de ses crevettes
fourréesetenveloppéesdansunvoilederiztandisqueMalcolmgoûtaitsesbrochettesdevolailles
marinées puis grillées, accompagnées d’une sauce piquante à la citronnelle. Aline parlait peu en
mangeant. Elle fermait parfois les yeux, mastiquait lentement, prenait une gorgée de vin. Elle était
comme dans une bulle. Il comprenait mieux son goût pour les restaurants en solitaire. La serveuse
avaitapportédeuxbolsdesoupepiquanteàlacoriandrequifaisaitressortirlesarômesdeleursplats.
C’était délicieux et raffiné, le restaurant n’avait pas volé sa réputation. Alors qu’elle passait
discrètementundoigtgourmanddanssonassiettepourramasserunpeudesauce,sonvisagesefigea.
Malcolmsentituneprésencederrièrelui.Ilseretournapourdécouvrirlasilhouettebruneetmassive
de John Barreta, producteur de musique, connu comme le pygmalion et l’époux depuis plus de dix
ansdeMissy,chanteuseaméricainedeRn’B.JohnetMalcolmsecroisaientparfoisdanslessoirées
mondainesauseindesquelleslesgensduspectacleaimaientfrayer.
-Malcolm!s’exclama-t-ilendécouvrantsonvisage.Ilmesemblaitbient’avoirreconnu!Cedernier,
agacé de voir leur dîner interrompu se leva en cachant son impatience et lui serra la main. Il allait
fairelesprésentationsquandJohnsetournadelui-mêmeversAline.
-Aline,jesuiscontentdetevoir.Ellenefitpasungesteversluietsecontentadesourired’unair
pincé.Ilajoutaun«tuasl’airenforme»quitombatoutautantàplat,puissonregardnaviguadela
jeunefemmeàMalcolmmaiscommeaucundesdeuxnecherchaitàengagerlaconversation,ilfinit
par prendre congé d’un air faussement détaché. Il lança un dernier « je ne voudrais pas déranger
votretêteàtête»etMalcolmmitdéfinitivementfinàleurconversationavecun«passelebonjourde
ma part à Missy ». Aline marmonna quelque chose en français qui n’avait pas l’air d’être un
complimentetsonvisagenerepritsescouleursquelorsqu’ileutrejointlatableoùl’attendaientdeux
hommesqueMalcolmsaluad’unmouvementdetête.Ilsrestèrentunmomentsilencieuxpuis,jouant
aveclepieddesonverrevideellecommença
-JetravaillaispourMissyjusqu’àtrèsrécemment.Laserveusesemépritsursongesteets’approcha
delatablepourremplirsonverre.Elleattenditpatiemmentqu’ellesesoitretiréepourreprendre,les
yeuxperdusdanslescontoursunepetitetâchedesoupeàcôtédesonverre.
-C’étaitjusteavantd’accepterlecontratchezvous.
Ilavaitremarquéqu’elleavaitprissoindenepasprononcerlenomdeBarreta.
-Can’apasl’aird’êtrelafrancheententeentrevous.Ilsonteudumalàsupportervostisanes?Illui
arrachaundébutdesourire.Oualorsc’estvotreporridgepourlesbébésqu’ilsn’ontpassupporté?
- Disons plutôt que John aimait un peu trop mon porridge justement. Elle crut nécessaire de se
justifier.Jesais,j’aiditquejenesortaispasavecmespatrons,maisjustement,là,j’aipuvoiràquel
pointc’étaitdelafolie.
IljetaunœilàBarretaàtraverslatrémieduparaventetcherchaàlesimaginerensemble.Avecun
pincementdejalousieildevaitbienadmettrequel’hommeétaitunpeuplusjeunequelui.Iln’étaitpas
particulièrement beau mais son caractère énergique et déterminé lui donnait un certain charme. Il
étaitd’ailleursconnupoursesaventures.Malcolmétaitsurprisdecechoixdelapartd’unefemme
quiavaituncaractèreaussifarouche.
-Qu’est-cequis’estpasséàlafin?
-Rien.Missyestpartiesixsemainesentournée,puiselleestrevenueetj’aicomprisquej’étaisjuste
unextrapourlui.Ellepritunegorgéedevinqu’ellelaissareposeruninstantsursalangueavantde
l’avaler.Jemanqueunpeudevolontéquandils’agitdeshormones,j’aitendanceàm’attachertrès
vite,mêmequandlapersonnen’envautpaslapeine.C’estpénible,alorsdisonsquemaintenantj’ai
décidéderalentirunpeulacadenceetd’êtreplussélectiveavecleshommesquejerencontre.
L’appeldeshormones,songeaMalcolm.Lui-mêmeavaitl’habituded’êtresollicitépardesfemmesde
tous âges, que ce soit pour son physique ou pour son métier. Mais l’avantage d’avoir connu la
célébrité très tôt, c’est qu’il avait rapidement fait le tour de ces aventures purement sexuelles qui
défoulentlecorpsmaislaissentunvidedifficileàignorer.QuandilavaitrencontréAllegra,ilavait
trouvé une personne avec qui il se sentait comblé pas seulement physiquement, mais également
intellectuellement et émotionnellement. En tous les cas, les premières années. La naissance des
enfants,l’envoldesacarrière,ilavaitdumalàpercevoirl’endroitoùilss’étaientperdus.
Il posa son menton sur ses doigts croisés et la regarda pensivement. Il hésitait entre l’envie de la
conseillercommeunpèreetledésirdelaséduire,cequin’étaitmanifestementpascompatible.
Elleportasonverreàseslèvresetfronçalessourcils.
-Aquoiest-cequevouspensez?
-Jemedemandaiscommentj’allaisfairepourvousmettredansmonlitmaintenantquecetidiotde
John avait salopé le travail ! Elle s’étouffa avec son vin et se mit à tousser, les joues rouges. Il
allongealebras,sepréparantàluitaperdansledosmaiselleluifitsignedenepass’approcheretse
laissaallercontreledossierrembourrédelabanquettepourreprendresonsouffle.
- Si vous me refaites une réflexion comme celle-là, je promets de glisser tous les jours de la
marjolainedansvostisanesetjevousfaismangerdelalaitueàtouslesrepas!
Cettefois,c’estluiquifronçalessourcils.
-Qu’est-cequec’estqueça?Ilnesesouvenaitpasavoirjamaisgoûtédelamarjolaine,maisilavait
mangé des kilos de laitue lorsqu’il était adolescent en pension. C’est un truc de sorcière que vous
vouspartagezdemèreenfillepourrepousserlesprétendants?
- Ce sont des anaphrodisiaques naturels, ça devrait vous aider à garder les idées claires. Elle rit
malicieusementetilsedemandauninstantsiellen’enavaitpasdéjàutilisésurlui.
-Pourtant,jepeuxvousdirequ’avecmescamaradesonamangéunpaquetdelaituequandonétaitau
collège,maisçanecalmaitpasnosardeurs!
- Ou alors ça vous a évité de trouer tous vos caleçons. Si vous étiez quand même excité
régulièrement, imaginez ce que ça aurait été sans la salade ! Ils éclatèrent de rire. La serveuse
s’approchapourdébarrasserleurtable.Ilsepenchaenbaissantlavoix.
-Maisvouspensezqu’ilslefaisaientexprès?Jeveuxdire,l’intendantesavaitquelalaitueavaitce
pouvoir?
Elleluisourit.
-Jenesaispas,jenesaismêmepasmoi-mêmesiçamarchevraiment,jen’aijamaiseubesoinde
l’utiliserjusqu’àmaintenant.
-Jesavaisbienquevousétiezunesorcière!
-Etvousunvieuxpervers!
Ilsefenditd’unlargesourireetlevasonverrepourl’inviteràtrinqueraveclui.
Allongédanssonlit,Malcomessayadecompterlesjoursquis’étaientécoulésdepuisladernièrefois
qu’ilavaitvusesenfants.Celafaisaitdéjàplusd’unmoisqu’ilétaitrentréd’Italie,ajoutéàcelaun
moisdepuislesOscars,lespapiersdudivorcesavaientétésignésjusteavantsondépartpourVenise,
mais Allegra était venue seule. Elle avait dit que les enfants se portaient bien mais qu’ils avaient
besoind’unpeudetempspours’habitueràlanouvellesituation.Quelmeilleurmoyendes’habituerà
vivresansleurpèrequedecouperlespontsaveclui,luiavait-ilditironiquement.Ceàquoiellelui
avaitréponduqu’ilyavaitlongtempsqu’ilsavaientapprisàvivresanslui.Difficiled’argumentersur
cesujet,ilavaitdonccoupécourt.Maislà,quandmême,deuxmoissansdonneruneseulenouvelle,Il
commençaitàtrouverletempsunpeulong,surtoutsedit-il,depuisqu’ilétaitredevenusobre.Acette
penséeilfitclaquersalanguepâteusecontresonpalaisetattrapaunebouteilled’eauminéraleaupied
dulit.LaveilleilétaitallévoirlapiècedeGerry.C’étaitunepièceécriteparunjeuneauteuranglais,
uneaudacieuseparodied’Untramwaynommédésir.Ilavaitététrèsagréablementsurprisdelaqualité
desdialoguesetlajustessedujeudesonami.Gerryétaittellementdésinvoltedanslaviedetousles
joursqu’iloubliaitparfoisdeleprendreausérieux.Pardéformationprofessionnelle,Malcolms’était
demandésilapièceneferaitpasunebonneadaptationcinématographique.Ilpourraitlaproduireet
lancer Gerry à Hollywood par la même occasion. Il nota mentalement d’en parler à son agent. Ce
derniernel’avaitpasappelédepuistroisjours,Malcolmluiavaitdemandédefiltrerlesscénarii.Ilne
voulaitplusdecomédiesromantiquesmaisdesrôlesd’hommesplusmûrs.Enréalitéiln’avaitenvie
d’aucunrôle.Peut-êtrequefairedelaproductionluipermettraitdes’oxygénerunpeu…c’estlegenre
deconversationqu’ilauraitaiméavoiravecAllegra.Ellesavaitl’écouteretleguiderdansseschoix
sans donner l’impression de choisir à sa place. Elle lui manquait plus que jamais mais il réalisait
aussiàquelpointilavaitétéégoïsteavecelle.Touteleurvien’avaitjamaistournéqu’autourdesa
personne.Ilenétaitarrivélàdesonintrospectionquandlebruitdeladouchecessa.Unejeunefemme
brunesortitdelasalledebain,uneservietteenrouléeautourdesoncorpsbienenchair.
-Salut!luilança-t-elleenramassantsesvêtementssurlesol.
- Salut. lui répondit Malcolm en cherchant à se rappeler son prénom. Il se leva à son tour et
s’engouffradansladouchepourgagnerdutemps.Doreen?Maureen?Çafinissaiteneenilenétait
sûr. Doreen ou Maureen le rejoignit dans la salle de bain. Elle avait enfilé dans la chambre les
quelques centimètres de dentelle qui étaient censés lui servir de culotte mais elle semblait avoir
changé d’avis. Elle les retira lentement, avec des airs d’apprentie stripteaseuse et à son grand
désarroiilsemitàbander.Allegraavaitraison,àtropfréquenterGerryvoilàquemabiteestdevenue
aussiconnequelasienne!Elleseglissasousladoucheaveclui.Sonsexeétaitpresqueentièrement
épilé, ne laissant qu’un minuscule rectangle sur le sommet du pubis, de la taille d’un pansement.
Seigneur ! Si cette femme est capable de faire subir un truc pareil à son propre sexe, imagine ce
qu’ellevafairedutient!Lespérégrinationsdesaconscienceprirentfinquandellesepenchapour
prendresaqueuedanslabouche.Ilsentitsonsangquittersoncerveaupourrejoindrejoyeusementses
bourses, aussi rapidement que les gouttes d’eau qui ruisselaient sur ses épaules. Après quelques
minutesXreenseredressaettenditlebraspourattraperunpréservatifqu’elleavaithabilementlaissé
surleborddelabaignoire.C’étaitlapremièrefoisdepuissonmariagequ’ilpartageaituneintimité
sexuelle avec une autre partenaire que sa femme, c’était étrange, mais pas désagréable. Pas
désagréabledutout.Ilposasesgrandesmainssurleshanchesd’Xreenetl’invitaàsetournerversle
mur.Docilement,lajeunefilleluioffritlacourbedesesfesses,ilenfitbonusage,s’abandonnantau
plaisirbinairedelapénétration.
EllecriasansretenuequandellejouîtettoutàcoupilsesurpritàpenseràAline.Est-cequ’elleles
avait entendus ? Est-ce que lui aussi avait gémi un peu fort en venant ? C’était complètement idiot
mais il se sentait gêné. Ce n’était pas comme s’il y avait quelque chose entre eux ou qu’il lui ait
promisdel’attendre,elleavaitd’ailleursétéassezclairesurlefaitqu’ellen’étaitpasintéresséepar
unenouvellerelation,maisilsesentaitunpeucoupable,commes’ill’avaittrahie.
Iljetaunœilauréveilpendantqu’ilsserhabillaient.9h05.C’estsûrelleétaitauxpremièreslogesde
sesébats!
-Jemeursdefaim!ditallègrementXreen.Manifestementelleavaitaimélaprestation.Ellenedevait
pasêtretrèsdifficilecarc’étaitloind’êtresameilleure.Ellenedevaitpasavoirplusde25anscarla
première chose qu’elle lui avait dit quand Gerry lui avait présenté au restaurant c’était « ma mère
vousadore,elleavutousvosfilms!».Gerryluiavaitalorstapédansledosetchuchotéàl’oreille
« Le syndrome d’Oedipe, elle va vouloir se taper le mec qu’idolâtre sa mère, c’est bon pour tes
affairesmonvieux!»
Il essaya de gagner le plus de temps possible avant de descendre, dans l’espoir qu’Aline aurait
regagné son bungalow. Peut-être même qu’elle aura fait exprès de s’éclipser, après tout, c’est une
employée,c’estàelledemontrerunpeudediscrétion!
C’étaitsanscomptersursongoûtnaturelpourlaraillerie.Lorsqu’ilsarrivèrentdanslacuisine,Attila
lesattendaitdepiedferme,trônantroyalementdevantlatable,unecasseroleàlamain.
SaprésencesurpritXreen,etMalcolmsesentitobligédegrommelerun«Aline,macuisinière».Puis
lesdeuxfemmes,sanspitié,setournèrentverslui,attendantlasuitedesprésentations.
-Etvoici…Maureen,uneamie.
MaureensaluaAlined’unsignedelamainetajouta
-Enfaitc’estChloé.Maureenc’étaitlablondeassiseàsagauche.
Alinesemblaitsedélecterdelasituation.
-Nevousinquiétezpas,iln’estplustrèsbienlatéralisépassé22heures!Elleséchangèrentunpetit
rire complice typiquement féminin et il se contenta de présenter une chaise à sa jeune amie, en lui
faisantunerévérencedansuneparodiedegalanterie.
RaviedesadernièreboutadeAlineajouta
-J’avaisprévuduporridge,maissivouspréférezjepeuxfairedestoasts.
-Ohnon,surtoutpas,duporridge!J’adoreça!J’enmangedepuisquejesuistoutepetite!
Cettefoisc’estàMalcolmqu’Alineadressaunsourireentendu.Ilcachalesiendanssonmugdethym
etromarin.
Chapitre5:Oùlelecteurcommenceà
comprendreletitredulivre
Remontépartoutecetteactivitésexuellequiàdéfautdel’avoircomblél’avaitrassurésursavirilité,
Malcolmenchaînasajournéedetrèsbonnehumeur.AprèsavoirpousséChloé-Maureendansuntaxi,
non sans lui avoir finalement dédicacé une photo pour sa mère, il s’était installé dans l’un des
confortablescanapéschocolatdusalonpourlireunnouveauscénario.C’étaitunfilmd’aventuresen
costume mais il ne tenait pas le rôle principal du jeune premier, seulement celui du roi, son père.
C’étaitunviragedifficileànégocierpourlui.Sonâgeneluipermettraitbientôtplusd’incarnerson
créneauhabitueletilyavaitpeuderôlesprincipauxpourleshommesmûrs,sortisdespoliciersou
des films de guerre. Malcolm avait souvent eu des propositions pour des rôles de flic et il aurait
facilementpuprendrelarelèved’HarrisonFord,maisilavaittoujoursrefusédeporterdesarmes,
celalimitaitfortementl’imaginationdesscénaristeshollywoodiens.Sondernierfilmluiavaitpermis
d’incarnerlerôleintéressantd’uncinquantenaire,maisIldevaitfaireattentionànepasquittertrop
vitelesrôlesromantiques,souspeinedenepluspouvoirrevenirenarrière.Cependant,misàpartles
craintesliéesauvieillissement,ildevaitbienavouerqu’ilavaitprisénormémentdeplaisirpendantle
tournagedecefilm,bienplusquedanslesfilmsdecesdernièresannées.
Pris dans son travail et ses propres réflexions, il n’avait pas vu la journée passer. A 13h il avait
regagné sa chambre pour terminer la lecture du scénario et à 16h Tom, son agent avait téléphoné
pour lui annoncer que les droits d’adaptation de la pièce de Gerry n’avaient pas encore été achetés
maisqu’unproducteuraméricainavaitdéjàfaituneoffre.L’excitationdelanouvelleluirappelaqu’il
n’avait fait que grignoter à midi et il réalisa que l’odeur d’amande grillée qu’il sentait depuis un
momentneprovenaitpasdesonimaginationmaisbiendurez-de-chaussée.Ilsepenchaàlafenêtre
de sa chambre et entendit Aline dans la cuisine. Il se passa une main dans les cheveux et quitta sa
chambre,dévalantjoyeusementlesescalierspourlarejoindre.
Lajeunefemmesouritenlevoyantdébarqueravecsescheveuxenbatailleetsabarbefleurie.
-VouspostulezpourlerôledeRobinsonCrusoé?
Ilsouritmalicieusement.
-EtvouspourVendredi?répliqua-t-ilenpointantdumentonleséternellesfrangesnégligéesdeson
shortenjean.
D’un même élan ils se retournèrent chacun de leur côté pour chercher leur reflet, lui dans le
frigidaire, elle dans la porte du four. Elle remit maladroitement une mèche dans son espèce de
chignonetenchaîna:
-Vousn’aimezpasmesshorts?AngelinaJolieenportaitbiendansTombRaider!
- Oui, mais ils étaient à sa taille. Enfin, à la taille qu’elle devait avoir quand elle avait 12 ans je
présume!
Elles’étaittournéeànouveauverslegazpourcachersonsourire.Ils’avançaversellepouressayer
de voir par-dessus son épaule ce qu’elle fabriquait. Sur une grille posée sur le plan de travail,
refroidissaientdeslanguettesdegâteau.Uneforteodeurd’amandes’endégageait.
-Qu’est-cequec’est?demanda-t-ilfascinéparlarégularitédesbiscuits.C’estvousquiavezfaitça?
-Evidement!répondit-elleenhaussantlesépaules.Jenesaispassivousavezremarquémaisjesuis
cuisinière,c’estpourquoijenequittejamaiscettepièceetplusprécisémentcettepartiedelacuisine.
Elledésignaitleslimitesdelapièceàlamanièred’unehôtessedel’air.
-Hum,dit-ilenavançantundoigtverslesbiscuits,etunecuisinièrefrançaiseenplus!
Elleluitapasurlamaind’uncoupsec.
-Laflatterienemarchepasavecmoi.Ellelepoussadelahancheversleplandetravailetluimontra
dumentonuneassietteavecdesmorceauxdebiscuitsirréguliers.
-Goûtezplutôtceux-ci,ilssontcassés.
Sanssefaireprierildéposaunebouchéesursalangueetcommençaàmastiquerlentement.C’étaità
lafoisspongieuxetléger.Iln’avaitjamaisriengoûtédetel.
-C’estdélicieux,qu’est-cequec’estexactement?
- C’est une génoise à l’amande amère, ce sera le fond de mes mini cerisiers. Expliqua-t-elle en
s’appuyantcontreleplandetravail,unespatuleàlamain.
-Lenomestaussipoétiquequelegoût.C’estuntrucfrançais?
- On peut le dire comme ça puisque c’est ma nationalité, mais ce n’est pas vraiment une spécialité,
c’est une variation d’un gâteau qui s’appelle « fraisier » ou « framboisier » selon le fruit qu’on
utilise. Elle attrapa dans un saladier des marrons émiettés et les versa dans un gros robot mixeur
chromé.Elleajoutadusucreetunpetitboldefromageblanc.
Ilfronçalessourcils:
-Qu’est-cequ’ilyadanslepotdesucre?Ilavaitaperçuuneespècedebâtonderéglisse.Accoudéà
l’îlotcentral,unpeuplushautquelesautresplansdetravail,ilobservaitchacundesesgestesavec
curiosité.
-C’estunegoussedevanille,c’estpourparfumerlesucre.
-Ah!s’écria-t-iltriomphant,c’étaitçadansleporridgel’autrejour!
-Oui,lajeunefemmesourit,sonvisageétaitdétenduetilsemblaitéclairédel’intérieur.Maisl’autre
fois la gousse n’avait pas encore eu le temps de bien diffuser son parfum, le porridge de ce matin
devaitêtrebienmeilleur,ajouta-t-ellemalicieusement.
Elle sortit des bandes de plastique alimentaire rigide et commença à entourer les biscuits refroidis
avec,pourformercommeunmouletransparent.
-VousvousmoquezdeChloé-Maureen,maisvousn’êtespastellementplusâgéequ’elle!Etilavala
unenouvellebouchéedegénoiseenlevantsonmenton,provocateur.
-Laissez-enunpeu,jevoudraisfairedesessais.Etellesebaissadansunplacardpourrécupérerun
pot de confiture de cerise. D’abord, je suis plus vieille qu’elle, reprit-elle, mais surtout, moi je ne
couchepasavecdes…
-Desvieux?conclut-ilsardonique,unelueuramuséedansleregard
-Non,cen’estpascequejevoulaisdire!
Ilhaussalesépaules,faussementindifférent.Aprèstout,ellen’avaitpastort.
-Jevoulaisdireavecdeshommesquineserappellentpasdemonprénomlelendemainmatin.
-Hummmarmonna-t-ilsongeur.Donc,sijecomprendsbien,vousmetraitezdevieuxETdesénile!
Ellepouffa.
- Bon et maintenant, au travail ! Vous allez vous rendre utile. Elle lui tendit le pot de confiture.
Ouvrez-moiça!Etelledétachalebolmixeurdesonsocle.Tandisqu’iltentaitderéussirbrillamment
letestdevirilitéquereprésentaitl’ouvertured’unpotdeconfiture,ils’exclama:
-Mais,c’estdelavraieconfiture!Oùest-cequevousaveztrouvéça?
- Evidemment, qu’est-ce que vous croyez ! La chose la plus importante en cuisine, peut-être même
plus important que le cuisinier, c’est la qualité des produits. Celle-ci c’est ma mère qui me l’a
envoyée,ellemefaitdescolisdeFrancedetempsentemps.
- Et quand vous changez de client, vous emportez tout votre stock avec vous, dans une petite
camionnetterempliedepotsdeconfitureetdesucrevanillé?
-Cam’arrive!Ellesouritàcetteimage.Maispasbesoindecamionnette,engénéralj’aijustebesoin
d’unemallettepourmescouteaux.Lerestejel’achètesurplaceselonlesbesoins,commecemixeur,
quivousacoûté500Livres!
Ses grands yeux bruns s’agrandirent un peu plus et il ouvrit la bouche pour protester mais avant
qu’un son ne sorte de sa gorge elle déposa une bouchée de biscuit surmonté de deux très fines
couchesdeconfitureetdecrèmedemarron.
Cette fois il ferma les yeux de ravissement et les fit plisser pour mieux s’imprégner des arômes
dégagés.
-Incroyablementdivin!
Elleattenditunmoment,puisluitenditunverred’eauetpréparaunenouvellebouchée.Cettefoiselle
avaitinversélescouchesetlacrèmeétaitendessousdelaconfiture.Commeunenfantdechœuràla
communion il tendit religieusement la langue pour qu’elle y dépose la pâtisserie. Elle lécha
machinalementunpeudecrèmeaccrochéàsondoigt.Anouveauilfermalesyeuxpourseconcentrer
sursessensations.
Ilréfléchitunpeuavantderépondre.
-Délicieux…maisj’aiunepréférencepourlapremièreversion.
-Moiaussi!s’exclama-t-elle.Etcommesiellevenaitdechangerd’avis,elleseretournapourôter
les moules qu’elle avait commencé à installer. Ensuite elle versa un peu de sucre glace et de l’eau
dansunecoupepourfaireunepâtetranslucide.
-Vousnegoûtezpasvousaussi?
-Pasbesoin.Ellebadigeonnalesnavettesdelagrilleavecleglaçage.J’aiunemémoiregustative,je
peux associer les goûts dans ma tête, en général je ne goûte que les nouvelles associations ou les
parfumsquejenemaîtrisepas.
-Etça,c’estpourquoi?dit-ilenregardantlesnavettesluisantesdusucrequ’ellevenaitd’enduire.
-Jevaisleslaissersécher,c’estpouréviterquelaconfituredecerisen’imprègnelebiscuitetcouvre
le parfum d’amande. Elle attrapa un vieux cahier sur l’îlot et commença à noter sa dernière
remarque.Ellerelevalatête,leregarddanslevideetsemordillapensivementl’ongledupouce.«Et
jevaisteinterlagénoiseenvert,çaferaressortirlerougedescerises.»Sonregardcroisaceluide
Malcolmetellesourit,réalisantqu’elleavaitoubliésaprésence.Ellesepenchaànouveaupournoter
cetteprécision.
Toutàcoupileutuneenvieirrépressibledel’embrasser.Iltenditunemainpoursaisirsanuque.Elle
seredressabrusquement,sabouches’entrouvrit…
-Lescerises!EtsansvoirlamaindeMalcolmquiretombaitenarrièreellesepenchasurlatablede
cuissonpoursouleverlecouvercled’unecasserole,libérantuneirrésistibleodeurdeceriseconfite.
Desonautremainelleéteignitlefeu.
-J’aifaillilesoublier.Maintenantilvafalloirattendrequ’ellesrefroidissent.Ellesortitd’unplacard
une nouvelle grille circulaire, et avec une pince en bois elle installa minutieusement chaque cerise
dessuspourleségoutter.
Malcolm se demanda depuis quand ces ustensiles étaient chez lui, il ne soupçonnait pas que ses
placards puissent regorger de tant de trésors. A moins que ça ne lui ait coûté la moitié de ses
économies!
-Etmaintenantilfautattendrequ’ellesrefroidissentpourlasuitedel’expérience,ditlajeunefemme
enposantunfilmsurlacrèmedemarronetenrefermantlecouvercledupotdeconfiture.
-Quediriez-vousd’unthé?dit-ilsoudain.Enfin,jeveuxdire,uneinfusionouquelquesoitlenom
quevousdonnezàcesherbesquevousmefaitesboiredepuisdessemaines!Ils’étaitlevépoursaisir
labouilloireetlaremplissaitd’eau.Elleleregarda,surprise.
-C’estlapremièrefoisencinqsemainesquejevousvoistoucheràunustensiledanscettecuisine!
-C’estquenousautres,lesacteurs,nousavonsl’habituded’êtrecomplètementinfantilisés,dit-ilsur
untonsarcastique.Ils’arrêta,interdit.«Bonsang,jenesaismêmepasoùsontrangéslesmugs!»Ils
éclatèrent de rire. Aline en attrapa deux qui séchaient sur l’égouttoir et commença à remplir une
bouleàthédefeuillesdementhefraîche.
-Quandonestsuruntournage,pendantdesmoisonvousditcequevousdevezdire,cequevous
devezfaire,ilyamêmedescroixausolpourvousdireoùvousdevezvousplacer!Onapporteles
vêtements que vous devez mettre. Souvent même on met les vêtements sur vous ! Il écarta les bras
comme un épouvantail pour mimer la scène. C’est très difficile après ça de réaliser que si vous
voulezunjusd’orange,c’estvousquiallezdevoirlepresser!
Il retira la bouilloire de son socle et versa l’eau brûlante dans une théière. Aline s’adossa à l’évier
pourleregarderfaire.
-Çafaitlongtempsquevousfaitescemétier.Vousn’avezpasenviedefaireautrechose?
-Entouslescas,mafemme,elle,aeuenviedefaireautrechose!
Ilremplitlesmugsetluientenditun.
- Mais au fait, dit-il pour changer de sujet, qu’est-ce que VOUS, vous faites dans la cuisine à cette
heure-ci?Jecroyaisquevousdésertiezleslieuxà14heuresprécises!
-Jefaisdesrecherchespourlerepasdelasemaineprochaine.
-Lasemaineprochaine?Ilfronçalessourcils
-Oui,jeudiprochain,ledîneravecvosamis…vousavezoublié?
Ilcouvritsabouchedesamain.
-Complètement!Ilcommençaàjouerpensivementaveclespoilsdesabarbe.Ellefaisaitbientrois
centimètres de longueur et commençait à friser, des poils gris et blancs parsemaient la zone du
menton.
-Vouspensezquejedevraismeraser?
Elleposasesyeuxcaramelsurluietledétaillaattentivement.
- Non. La tailler peut-être, mais ce serait dommage de la raser. Elle réfléchit. C’est comme une
chrysalide,onnesaitpastropquelpapillonsecachelà-dessous…maisquelqu’ilsoit,jecroisqu’ila
besoind’encoreunpeudetemps…
Ellelaissasaphraseensuspensetpritunegorgéedementhe.
- Et vous, reprit-il, vous n’avez pas envie de changer de travail ? Ou de travailler dans un grand
restaurant?
Ellefitunepetitemoue.
-C’étaitmonprojetquandjesuisarrivéeàLondresmaisj’aid’abordtrouvéunpostedeserveuseau
barduClaridge’s.
- Ah oui ? J’y vais parfois, j’adore le décor art déco. On s’y est peut-être croisés. Il sourit
malicieusement.Jesupposequec’étaitavantlapériodedesshorts!
-Nem’enparlezpas!J’aitoujourseudumalaveclesuniformes!Trèsvitej’aisympathiséavecun
habituédel’hôtel.Ilvenaitdes’installeràLondresetcherchaitunecuisinière,jemesuislancée.Ila
étémonpremierpatron,jesuisrestéeàsonservicequatreans,maisquandilestrepartipourlesEU
jen’aipasvoululesuivre.J’aiprisunautrecontrat,etpuisunautre,etpuismevoilà!
-Caal’airplutôtcoolcommevie.Peudecontraintes,pasd’attaches…
-Unnouveaumixeurdanschaquemaison!
-Ohoui,jel’avaisoubliécelui-là!Laprochainefoisquejenesauraipasoùplacermeséconomies
rappelez-moidevousdemanderconseil!
-Nevousplaignezpas,j’aifaitacheteràmadernièreclienteunpianogastronomique!
Ilouvritdesyeuxronds.
- C’est la Rolls Royce des cuisinières, expliqua-t-elle. D’ailleurs, avec son prix on peut presque
rouleravec!
Ilpouffa.
-J’aimebiencettefaçondetravailler,continua-t-elle.J’aipeud’obligations,jepeuxcréerautantque
jeveux.Ellefitunepause,hésitante.Lavérité,reprit-elleengrimaçantunsourire,c’estquejen’ai
paslesdiplômesqu’ilfaudraitpourtravaillerdansunrestaurantétoilé.Ellehaussalesépaules.Jen’ai
jamaisbienaccrochéàl’école.Jemesuisdépêchéedepassermondiplômedepâtisserieetpuisj’ai
commencéàtravaillericietlà.Laplupartdeschosesquejesaisjelesaiapprisessurletas,lereste,
je l’invente. En même temps, je ne le regrette pas, je n’aurais sans doute jamais pu me plier aux
exigencesd’unétablissementcommeleClaridge’s.Ellefinitladernièregorgéedesonmug,leposa
dansl’évieretpritlagrillesurlaquelleégouttaientlescerisespourlaplaceraufrigidaire.
- Et maintenant, la suite ! Elle ouvrit le congélateur et en sortit un saladier rempli de crème. C’est
pour la chantilly, ajouta-t-elle, devant son regard interrogateur. Il se resservit un mug et s’appuya
confortablementcontrel’évierpourobserverlasuitedesréjouissances.
Lejeudisuivant,MalcolmétaitassisdanslebureaudesonagentquandsasecrétaireannonçaqueM.
GerryPenhollétaitarrivé.Ilspartageaientlemêmeagentetcen’étaitpasunhasard.Ilsavaientdébuté
en même temps dans la profession et lorsque Tom avait commencé à s’occuper de la carrière de
Malcolm, ce dernier avait un peu imposé son ami à son agent. Ce dernier n’avait jamais eu à s’en
plaindrepuisqueGerryfaisaitunebellecarrièredanslethéâtre.IlavaitmêmeremportéunLaurence
Olivier à 40 ans pour son rôle dans « la maison de poupée » d’Ibsen, se prouvant ainsi qu’il était
capabled’élargirsonrépertoire,bienqu’ilcontinueàexcellerdanslescomédiesetvaudevilles.Sam
Zeilmer,l’agentaméricaindeMalcométaitarrivélaveille,spécialementpourlaréunionetrepartait
lesoirmême.Ilavaitl’habitudedetravaillerencollaborationavecTom,maisilrestaitcirconspect
concernantleprojetactueldeMalcolm.Samétaitunhommed’unesoixantained’années,chauveetle
teinthâlé.Pastrèsgrandetbienenchair,ilétaitd’unnaturelréservéetavaitlaréputationd’êtredur
en affaire. C’était quelqu’un d'ambitieux et Malcolm aimait s’entourer de gens capables de prendre
desrisques.Enplusilavaittouteconfianceensoninstinct.
LesdeuxhommesselevèrentpouraccueillirGerrytandisqueZeilmersecontentaitdetournerson
visageendirectiondunouvelarrivant.Gerryétaitunpeutendu,Malcolmn’avaitpasl’habitudedele
voiraussimalàl’aise.
-Gerry,dit-ilchaleureusementenluitenantlebraspendantqu’ilséchangeaientunepoignéedemain
amicale.Onsevoittoujourscesoirchezmoi?
-Jenerisquepasd’oublier,j’aipassélajournéed’hierenshoppingavecCarolynpourtrouverune
robeconvenable.IlserralamaindeTom.Ilparaîtqu’ellen’avaitrienàsemettre!Ilséchangèrentun
rirecomplice.Tomfitrapidementlesprésentationspuislesinvitaàrejoindrelasallederéunion.Il
avait souhaité discuter un peu avec Sam du contrat actuel de Gerry avant l’arrivée des avocats
s’occupantdesdroitsdelapièce«Unticketpourdeux».
Arrivédanslagrandesalle,Zeilmers’arrêtauninstantdevantlabaievitréequilongeaittoutelapièce
etpourlapremièrefoisdepuissonarrivéesonvisageimpassiblemontrauncertainétonnement.
-Qu’est-cequec’estquecetruc?demanda-t-il,lesyeuxposésurungratte-cielovoïdejaillissantde
derrièrelesbâtimentsenpierredelabourse.
- C’est ce putain de Gherking ! marmonna Tom. Tom adorait l’architecture et il avait projeté
d’installersesbureauxdanslaSwissRetourqu’ilavaitvueconstruire,maislapolitiqueécologique
du gratte-ciel n’avait prévu qu’un minuscule parking pour l’ensemble du bâtiment, obligeant les
salariésàutiliserlestransportsencommunoulevélo.Furieuxdevantcequ’ilconsidéraitcommede
l’éco-despotisme, il avait renoncé à s’installer dans le gratte-ciel prestigieux mais pestait plein
d’amertume à chaque fois qu’à travers les baies vitrées de ses locaux, il apercevait le manteau
d’arlequindubâtiment.Sansaccorderplusd’attentionaugratte-ciel,ils’installaenboutdetableet
actionnalatélécommandepourpréparerlavisio-conférence.Ilétait16hàLondres,soit7hdansles
bureaux de la Westcoast Union, la maison de production avec laquelle Zeilmer avait l’habitude de
travailler.Malcolmavaitannoncésondésirdecoproduirel'adaptationaveceuxetpourl'instantilsne
s'y étaient pas opposés. Sam commença à leur expliquer que la West était partante pour acheter les
droitsd’auteurdelapièce,maisquepourl’instantsesdirigeantsn’étaientpaschaudspourassocierle
nomdeGerryauprojet.Ilcroisalesdoigts,impassible.
- Leur problème, continua-t-il, c’est que non seulement son nom est totalement inconnu aux Etats
Unis,maisilestétiquetéthéâtre.Lesseulesimagesquej’aipuleurmontrersontcellesqueTomm’a
envoyées,tiréesdecetéléfilmqu’ilatournéilyaplusde20ans.IlparlaitdeGerryàlatroisième
personne,commes’iln’étaitpasdanslapièce.Malcolmsentitsonamiseraidir.Iln’étaitpashabitué
aux méthodes de travail américaines. Les acteurs étaient considérés comme des produits et donc
traités en conséquence. Malcolm s’était accoutumé à cette situation, il s’avait que Sam, malgré sa
froideur servait au mieux ses intérêts. En plus, ajouta ce dernier, pour couronner le tout, il est
anglais.
-Ilyapourtantpasmald’acteursanglaisquiontpercécesdernièresannées,protestaMalcolm.
-Principalementdansdesséries.Toi,tut’étaisdéjàfaitunnomdanslecinémaeuropéenquandtuas
débarqué,ettuétaisplusjeune,tunepeuxpascomparer.
-Bonalors,concrètement,intervintGerry,oùest-cequ’onenest?
Tomsoupira,impuissant.Samreprit.
-Lamaisondeproductionestennuyéeparcequ’ellenepourrapasavoirdetêted’affichefémininesi
l’acteurprincipalestuninconnu.Enfait,ilpesasesmots,conscientqu’ildevaitsemontrertactique
s’ilvoulaitarriveràsesfins.Ilspensentquel’acteurlemieuxplacépourcetteadaptation,c’esttoi,
Malcolm.
Cederniersecouavigoureusementlatête.
-Horsdequestion.Jet’aiditquejecomptaiscoproduirelefilm.
-Justement,tuvaspouvoirserviraumieuxtesintérêts,tuneseraspaspiedsetpoingsliésparton
contratettupourrasdonnertonavissurladirectionàdonneraufilm.Ilssontmêmeprêtsàtelaisser
proposerquelquesnomspourchoisirlemetteurenscène.
- Sam, tu te trompes si tu crois que tu es venu me convaincre de tourner dans ce film. Si Tom a
organisécetteréunionc’estparcequejecroisenGerryetquejesaisqu’ilseraparfaitdanscerôle.
-OuvrelesyeuxMalcolm!Cescénario,c’estexactementcequetucherchesdepuisdesannées,ce
filmpeutdonnerunenouvelleorientationàtacarrièreett’ouvrirlaportedespurescomédies.Faire
du comique, est-ce que ce n’est pas ce que tu me réclames depuis que tu as rejoint mon écurie ?
Produireetjouercen’estpasopposé,aucontraire.LaWestcoastUnionestprêteàtefaireunpont
d’orsurceprojet.
MachinalementMalcolmregardasamontre.16h20,lesbureauxdelaWestallaientbientôtouvriret
lesavocatsdel’auteurn’allaientpastarderàarriver.Ilsavaitqu’imposersonamiallaitêtredifficile,
mais il ne pensait pas qu’il deviendrait lui-même son propre obstacle. Il regarda son ami dont le
visages’étaitassombridepuisledébutdelaconversation,puischerchaunappuiducôtédesonagent
londonien. Après tout, c’était à Tom de défendre les droits de Gerry. Tom et Gerry, s’il n’était pas
aussitenduilauraittrouvélasituationcomique.SoudainilcompritcequeGerry,moinsaguerrique
luiavaitsansdoutecomprisdepuislongtemps.SiTomavaitorganisécettepré-réunion,siSamavait
faitl’alleretretour,c’étaitpourleconvaincrederesterdevantlacaméra.NiSam,nilaWestn’avaità
aucun moment envisagé d’inclure Gerry dans le projet. Abattu, il croisa le regard de son ami. Ce
dernierluisourit,sonvisages’étaitdétendud’uncoupetilsemblaitavoircommeparmagieretrouvé
sabonhomienaturelle.Ilselevaetajustasavested’ungestedécidé.
-Messieurs,vousm’avezassezfaitperdredetemps.Malcolmselevapouressayerdeleretenir,mais
illerepoussad’unemain,autantpourlerassurerquepourl’empêcherdeluibarrerlecheminversla
sortie.
-Gerry…commençaTom,suruntonnavré.
-AcesoirTom,jesaisquetuasfaitcequetupouvais.Ilsepenchapourluiserrerlamainethocha
sèchementlatêteendirectiondeSamZeilmerpuisilsortit,Malcolmsursestalons.
Unefoisdanslecouloirilseretournaverssonamipourlerassurer.
-T’inquiète,monpote,pourrienaumondejenetraiteraiavecdestêtesdenœudpareils.
-Tunecomprendspas,ilyadesmillionsdedollarsenjeu.
- Et puis quoi ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse de tout cet argent ? Emmener Carolyn faire du
shopping sur Rodéo drive ? Même dans cette situation il réussit à arracher un sourire à son ami.
Oublietoutça,tut’esjustetrompédepersonne,Malcolm.Jenesuispascommetoi,jen’aipaston
ambition.Jem’enfoudefairecarrièreaucinémaouàl’étranger.Lehasarddescontratsafaitquej’ai
percé dans le théâtre et toi dans le cinéma. Ça me va, ça me ravi, j’ai la vie que j’aime. Malcolm
l’écoutaitsilencieusement.Ilss’étaientremisàmarcheretsedirigeaientversl’ascenseur.Enpassant
devantlebureaudelastandardiste,Gerryluifitunsignedelamainetlançaun«salutDéb!».
- Tu connais le prénom de la standardiste ? s'étonna Malcolm. Bien entendu qu’il connaissait le
prénomdelastandardiste,etl'acteurétaitprêtàparierqu’ilavaitfaitlabiseàTrudy,lasecrétairede
Tom en arrivant. C’était comme cela qu’il aimait travailler. Gerry avait raison, il avait été
complètementfoud’avoirseulementsongéàl’envoyerbosseràHollywood.
-Toutestditalors?
Gerrydonnaunetapeamicalesurl’épauledel’acteur.
- N’ai pas de regrets, vieux, j’étais venu pour te faire plaisir et pour voir s’il était possible qu’on
travailleensemble.Maisj’aimetropmavietellequ’elleestpourenchanger.MonDieu,j’aimetrop
Londrespourallerchoperuncancerdelapeausouslesoleilcalifornien!
-Désolépourtoutecettehistoire,Gerry,jemerendscomptecommej’aiéténaïf.Ilsepassalamain
danslescheveuxdansungestedelassitude.Bonsang,j’aiétécomplètementàcôtédelaplaque.
- Est-ce que tu vas accepter leur offre ? Je veux dire, incarner le personnage ? Parce que Tom a
raison,ceseraituneputaind’occasionpourtoidefaireenfinducomique.Etjesuissûrquetuserais
bonlà-dedans!
Lesportesdel’ascenseurs’ouvrirent,unhomme,lesbraschargésdedossiersetuncoursiercasqué
ensortirent.Gerryleslaissapasserpuiss’engouffraàleurplace.Ilpassaunemainsursonmenton.
- Et tu devrais faire quelque chose pour ta barbe, un coup de ciseau ne lui ferait pas de mal ! Les
portesserefermèrentsurun«àcesoir»etMalcolmrestauninstantàobserversonrefletdansles
porteschromées.Quandilsedécidaàrejoindresesagents,sadécisionétaitprise.
Comme convenu, Aline avait réglé tous les détails du repas, mais elle n’assurait pas le service.
Malcolmavaitengagésursesconseilstroisextrasavecquielleavaitl’habitudedetravailler:deux
serveursetunsommelier.Ilavaitespérélavoiravantl’arrivéedesesinvités,maisquandilrentradu
barbierelles’étaitévanouiedanslanature.
Latableétaitdresséesurlaterrasse,prèsdelapiscine.Iln’avaitreçupersonnedepuisl’annoncedu
divorceetcommec’estAllegraquiorganisaittoujourstout,ilavaitunpeul’impressionderecevoir
pourlapremièrefoisdesavie.Gerryarrivalepremier,accompagnédeCarolynKean,radieuse.La
jeune actrice avait les cheveux lissés dans une queue de cheval impeccable. Elle arborait une peau
bronzéeetsatinée,miseenvaleurparlablancheurdesanouvellerobeensoie.C’étaitunetrèsbelle
femme,ilsedemandasiellesedoutaitdusortqueluiréservaitGerry.Cedernierjouaitsonrôleà
merveille:braspossessifautourdelataille,sourireUltraBright.Ilnefitpasd’allusionàlaréunion
del’après-midi.
- Tu as enfermé Attila à la cave ? demanda-t-il, alors qu’ils traversaient la cuisine pour gagner la
terrasse.
-Ellen’aimepasassisterauxrepasqu’elleprépare.Coquetteried’artiste!ajouta-t-ildevantlamoue
intriguéedesonami.
UnserveurleurprésentadescoupesdeChampagne.
-EtcommentvaChloé?s’enquitCarolynenprenantunverred’unemaindélicate.Tuasbienterminé
lasoiréeavecellel’autrejour,non?
-Ellevabien,entouslescas,elleallaitbienladernièrefoisquejel’aivue.
C’est le moment que choisit Tom, leur impresario pour les rejoindre, accompagné de sa femme
Angelicaetd’unjeuneacteurdontils’occupaitdepuispeuetqu’iltraînaitdanstouteslessoiréespour
lefaireconnaîtreàlaprofession.
-Lesamis,dit-il,jevousprésenteSteveMacGuireenlepoussantenavant.
-Mondieu!s’exclamaGerrypendantquelejeuneacteurserraitlesmainsdel’assistance,Jenesais
paspourquoi,j’aicruuninstantquetuallaisdireSteveMacQueen!
Malcolmseretintd’éclaterderire.Ilavaiteulamêmeimpression,saufquel’acteurauvisagepoupin
était loin de ressembler à ce Steve-là. Il répondit chaleureusement à sa poignée de main afin de lui
faireoublierlaréactionspontanéedeGerryetl’invitaàprendreunecoupedeChampagne.
-SteveMacQueen,leStyliste?demandaCarolynenhaussantlessourcils.
Cette fois c’est Angelica, la femme de Tom qui pouffa nerveusement. Agée d’une quarantaine
d’années, elle portait des cheveux courts, gominés en arrière, mettant en valeur de somptueuses
boucles d’oreilles en diamants et or blanc. Son visage était un peu masculin, avec des mâchoires
volontaires,maisiln’étaitpasdénuédecharme.
- Il ne manque plus que Peter et Alec et nous serons au complet ! annonça Malcolm, essayant de
coupercourtàlaconversationavantqu’elleneprenneunetournuretropsarcastique.
-PeteretAlec?Est-cequeçanefaitpasunpeubeaucoupdetestostéronetoutça?continuaAngelica.
EllesaisitlebrasdeCarolynavecunclind’œilcomplice.Machère,serrons-nouslescoudes,nous
sommesenminoritécesoir!
- Tu devrais te réjouir chérie, ironisa son mari, nous n’aurons d’yeux que pour vous deux, pas de
rivalesenvue!
- Un peu d’indulgence pour votre maître de maison, s’excusa Malcolm avec emphase, je fais avec
vousmespremièresarmesetcettequestionnem’avaitpaseffleurél’esprit!
Ce n’était pas le genre d’impair qui aurait pu arriver avec Allegra, elle pensait toujours à tout.
Pourtantcesoir,étrangement,cen’estpasellequiluimanquait.Iljetaunœilàlacuisinequiluiparut
désertemalgrélesserveursquiavaientprispossessiondeslieux.
Assisàtable,PeterpritunegorgéedeCôteRôtieetregardafixementMalcolmassisenfacedelui.
-C’estdrôle,j’ail’impressionqu’ilyaquelquechosedechangécheztoi.
PeteretMalcolmseconnaissaientdepuisdesannées,ilss’étaientrencontréslorsd’untournage.Peter
étaitcostumieràl’époqueetMalcolmtournaitl’undesespremiersfilms.Depuis,lesexagénaireavait
réussiunebellecarrièredanslamodemaisiln’avaitpasoubliélejeunegarçonaucaractèreentier
qui avait coutume de débarquer dans l’atelier pour lui demander comment il était censé porter des
pantalonscintrésETmonteràcheval!
- La barbe sans doute, répondit Malcolm en avalant la dernière bouchée de caviar d’aubergine.
QuelquesheuresplustôtilavaitannoncéàTometSam,sesagentsqu’ilprenaituneannéesabbatique
cequirevenaitàjoueràlarouletterussedanscemétieroùonprenaittrèsvitelerisqued’êtreoublié.
Maisiln’avaitpasl’intentiond’aborderlesujetcesoir.
-Non,c’estplutôtdanstonattitude.Ilplissasesyeuxgris.Jetetrouveplusdétendu…
Alec,soncompagnon,posaunemainsurlebrasdeMalcolm.
-Attentionmongrand,ilestentraindetomberamoureux!Ilgloussaetplongealenezdanssonvin.
-Toi,tuboistrop,ditPeterentendantlebraspouressayerdeluiretirersonverredesmains.Levin
c’estfaitpourêtredégusté.Ettoi,dit-ilenpointantundoigtverssonhôte,tusaistrèsbienquejesuis
amoureuxdetoidepuisnotrepremièrerencontre.Cecidit,c’estvraiquejetrouvequetuasembelli.
TomjetaunregardfurtifàMalcolm,luinonplusnepouvaits’empêcherdepenseràlaréunionde
l’après-midi. La décision de son ami allait avoir de graves conséquences sur ses propres affaires.
Malcolmavaitparlééventuellementdesemettreàl’écriture.Celapouvaitmarcher,maisjamaisils
n’amasseraientlessommesqu’ilsavaientamasséesavecsacarrièred’acteur.Secrètementilespérait
quecettelubieseraitpassagèreetquetrèsviteilallaitreveniràlaraison.
-Etbiendanscecas,j’ailarecettemagiqueréponditMalcolm.Illevasonverre:Riendetelqu’un
bondivorcepourfairepeauneuve!
Gerryenchaînaenlevantsonverreàsontour:
-Riendetelqu’unbondivorceETunecuisinièrefrançaise!
- C’est vrai, ajouta Carolyn en regardant les serveurs débarrasser les assiettes vides, que tu es
particulièrementbientombé!Combienest-cequetulapayes?
- Je ne peux même pas te le dire, c’est Allegra qui l’a engagée pour les six mois à venir. Je me
contente de payer les frais courants et tout ce que je peux vous dire, c’est qu’une française, ça
consommeénormément!
Ilséclatèrentderire.
-Elleestvraimentfrançaiseouest-cequec’estjustepourletitre?
-Machérie,luiréponditGerryensetournantverssacompagne,siunjourtul’entendsparleravec
sonaccentàcouperaucouteau,tun’aurasplusaucundoute!
-S’ilteplaît,surenchéritPeter,donne-noussonnomquejepuisseladébaucher!
- J’ai entendu parler d’une jeune française qui commence à faire son nom dans la profession,
intervintAngelica,unnomcommeRibeire,Rivers,çanevousditrien?
-Rivière!AliceRivière!s’écriaPeterentapantsurlatable.Jesuissûrequec’estelle!Jereconnais
sonstyle!Souviens-toiAlec,cethiverchezMissy.Onavaitmangéunchaponàlacrèmeetauvin
jaune,c’étaitàtomberparterre!
- Ah oui, tu as raison, c’était incroyable. Mais la Diva des fourneaux avait refusé de venir nous
saluer!PourtantMissyenpersonneestalléelachercher,maiselleluiavaitréponduquelquechose
comme«c’estmacuisinequiestimportante,pasmoi»Iléclataderireàcesouvenir.
-LatêtedeMissy!ajoutaPeter.Quelfichucaractèrecesfrançais,quandmême!Ilfauttoujoursqu'ils
sefassentremarquer.
-Humm,intervintGerry,jenemesouviensplusdesonnomdefamillemaiscettedescriptioncolle
assezbienàtonAttila,Malcolm!
-Attila?renchéritCarolyn
Ilfitunemouehésitante.
-C’estunsurnomquejeluiaidonnéenhommageà…lafermetédesoncaractère.Ilétaitmalàl’aise
derévélercepointàsesamis,commes’ildévoilaitunepartiedesonintimité.Maissonvraiprénom
c’estAlineetpasAlice,conclut-ilpourmettrefinàlaconversation.
Acemomentlesserveursapportèrentlesassiettesàdessert.Chacuneétaitdresséeavectroisnavettes,
délicatement posées sur un coulis rouge représentant des fleurs de Cerisier à la manière d’une
estampejaponaise.Commeprévu,levertdelagénoisefaisaitressortirlerougeprofonddescerises,
qui trônaient, brillantes comme des rubis dans leur écrin de crème fouettée. C’était une véritable
œuvred'art.Lesconvivesrestèrentsansvoix.
-Quellechanceincroyabletuas!articulaPeter,sansquitterdesyeuxlespectacledesonassiette.Estce que tu sais qu’en plus, il y a une liste d’attente pour l’embaucher ? Il releva la tête quelques
secondes puis prit lentement sa fourchette à dessert. Personne n’osait rompre l’harmonie des
miniatures.
- Ca ne m’étonne pas d’Allegra, dit Angelica pensivement, elle a finalement trouvé un moyen de
prendresoindetoi,mêmequandellen’estpaslà.Cen’étaitpasdansl’habitudedecettedernièrede
fairedescompliments.
Malcolmneréponditpas,maislecœurléger,ilplongeasafourchettedansl’unedespâtisseries.
Chapitre6:Lachasseautrésor
A7heuresdumatin,autantdireàl’aubepoursonhorlogeinterne,lasonneriedesonréveilletirade
sonsommeil,etilsautadesonlitjoyeusement.Ilenprofitapoursauterégalementdanssonpantalon
et attrapa un tee-shirt au passage. Il descendit les escaliers sur la pointe des pieds, ce qui était
parfaitement inutile étant donné qu’ils avaient convenu la veille que suite à la soirée, Aline ne
préparerait pas de petit déjeuner mais un brunch en fin de matinée. Prudent, il ne voulait prendre
aucunrisquequiauraitpugâcherlasurprise.
Troisquartd’heuresplustard,fierdelui,ildéposaitundélicatbouquetderosesTrémièresbienen
évidencesurl’îlotcentraldelacuisine.Lesfleursdégageaientunparfumsubtil,mélangedethéetde
citron qui embaumait déjà la pièce. Il repartit à reculons pour admirer son travail, et réalisa qu’il
avait oublié d’acheter une carte. Il ouvrit quelques tiroirs avant de trouver un bloc de Post It et un
vieux stylo bille sans capuchon. « Merci pour votre travail… » Commença-t-il à écrire. Non, trop
sérieux. « Votre travail a fait de la soirée un moment magique » Quel vilain mot ce « travail », ce
n’était pas du travail, c’était de l’art, de l’humanité, de la délicatesse. Mais comment le dire sur un
PostIt?«Recevezcesquelquesrosesenremerciementd’unesoiréeenchantée»Est-cequecen’est
pastroppompeux?Illuisemblavoirunmouvementdanslebungalow.IlpritunnouveauPostItet
écrivitàlahâte«Cesrosessontpourvous.Mercipourlasoirée.Malcolm»puislecollasansfaçon
surlebouquet,ramassalestracesdeseshésitationsetregagnasonlitaussirapidementqu’ill’avait
quitté.
Quelquesheuresplustard,unelégèreodeurdesucrefondumontajusqu’àlafenêtredesachambreet
un sourire béat se dessina sur ses lèvres avant même qu’il n’ouvre les yeux. Il commençait à
s’habitueràcettemaniequ’elleavaitdecommencerlajournéeparunrepassucré.Malcolmseleva,et
cettefois-ciilpritsoindesedoucheravantd’enfilerunpantalonenlingrischinéetderamasserle
tee-shirtbleucielutilisélematinmême.
- « Bonjour !» lança-t-il en français tandis qu’il passait l’arcade séparant le salon de la cuisine. La
jeune femme lui tournait le dos et s’affairait devant la gazinière. Ses cheveux étaient remontés en
queuedecheval,uneficelleàrôtitenantlieuderuban.
-«Bonjour»,luirépondit-elleàsontourenfrançais.Elletournalatêtedanssadirectionetcontinua
danssalanguenatale:
-«Mercipourlesfleurs,ellessontmagnifiques!»
-J’aicompristoutcequevousavezdit!Est-cequeçaveutdirequ’àforcedemangerfrançaisjesuis
devenuparfaitementbilingue?
Elle rit doucement et sans prévenir, lança le contenu de sa poêle en l’air. Une galette fine et molle
s’élevadepresqueunmètre,vrillasurelle-mêmeetretombadanslapoêledansunpetitbruitsec.
-Diable!Qu’est-cequec’estqueça?
Elle fit glisser la galette sur une assiette, formant une pile avec ses consœurs qui rappelait
dangereusementlaTourdePise,puiselleversaunenouvellerationdepâteliquidedanslapoêle.
-Cesontdescrêpes.
-Descreepes?répéta-t-ilmaladroitement.Ellepouffaderiredevantsonaccent.
- Ce sont un peu comme des pancakes, mais en meilleur, puisque c’est français ! ajouta-t-elle,
espiègle,toutenfaisantvirevolterlasuivanteavecdextérité.Laprochaineestpourvous!
-Ahnon,impossible,voussavezbienquejenesaisrienfairedemesmains!protestaMalcolmen
reculant.
-Vousn’avezqu’àimaginerquevousinterprétezlerôled’uncuisinierfrançaisquifaitdescrêpes!
Regardez-moi et essayez d’imiter mon mouvement. Elle fit tournoyer la crêpe à nouveau, le plus
lentementpossible,puisladéposasurlapileetversaunenouvellequantitédepâteavantdeluiglisser
lemanchedelapoêledanslesmains.
-Etsijelarate?s’inquiéta-t-il
-C’estvousquiferezlavaisselle.Etleménage!
-OK,c’estparti,dit-ilenparodiantl’accentfrançais.Ilécartalesjambescommepourjoueraugolf,
pendantquelacrêpecommençaitàprendreformesurlefeu,ilprituneprofondeinspiration,etlança
la crêpe d’un mouvement raide. Cette dernière oublia de tourner et retomba piteusement dans la
poêle,pliéeendeux.
-Alors,dit-il,toujoursavecunaccentfrançais,qu’est-cequeçafait?
-Cafaitquevousferezlamoitiédelavaisselle!Ilsrirentdeboncœur.Ilfautgarderlepoignetplus
souple, vous allez recommencer. Le deuxième essai fut parfaitement exécuté ce qui lui arracha un
sourire de satisfaction tellement large qu’Aline pouvait voir les fossettes sur ses joues malgré la
barbe.
-Eh!l’interpella-t-elle,voilàcequiachangé!
Illaregardadéconcerté.
-Depuistoutàl’heurejemedemandecequiachangéchezvous!C’estlabarbe!Vousl’aveztaillée!
Ilsourit.
-Jevoulaisvouslamontrerhiersoir,maisvousaviezdéjàfiléquandjesuisrentrédubarbier.
-C’estjoli,luidit-elleenledétaillantattentivement.Cafaitressortirvosyeux.
Ils se regardèrent en silence. Ils étaient si proches qu’ils pouvaient sentir la chaleur du corps de
l’autre.Ouétait-celachaleurdeleurcorpsquiavaitaugmentéeaupointdelapercevoirdelàoùilsse
tenaient?Oubliantlescrêpes,ilsepenchaverslajeunefemmesanslaquitterdesyeux.Parreflexe,
ellereculad’unpas.Ill'attrapaparlatailleetlaramenadoucementmaisrésolumentcontrelui,bien
décidéànepaslalaisserfiler.Atâtons,ildéposagauchementlapoêlesurleplandetravaildansun
grésillementdemétalchaudsurlemarbrefroid,etpuisilsepenchapourdéposerseslèvressurles
siennes. Elles étaient minces et douces. Elles s’entrouvrirent à son contact. Il glissa gentiment sa
languedanssaboucheetgoûtalasaveurdesasalive,sonhaleinetièdedeconfituredecerise.Ilsourit
toutencontinuantsonexploration.Salanguerépondaitàsescaressestandisquesoncorpsnerveuxse
collaitausien.Latêteluitournait,lesangaffluaitdanssonventre,chatouillaitsesreins.Ilsedélectait
de sentir sa poitrine menue se plaquer contre son sternum pendant qu’elle frottait lascivement son
sexe durci d’un léger mouvement de hanche. Il passa une main derrière sa nuque pour l’approcher
encore plus près et de sa main gauche commença l’exploration de son dos. Elle ne portait pas de
soutien-gorge.Ilfaillitjouirdanssonpantalon,commeunadolescent.Elleaccentuasubtilementson
mouvementdebassin,commepourenroulersonventreautourdesonmembre.Ils’arrêtauninstant
del’embrasserpourluidemanderduregardl’autorisationdepousserplusloinsonexploration.En
réponse elle glissa ses mains sous son tee-shirt et caressa les poils de son torse. A son tour il
engageasesdoigtsjusqu’àsesseins,remontasontee-shirtjusqu’àsagorgeetsepenchapoursaisir
un téton entre ses lèvres. Ses seins étaient petits et ronds, il avait l’impression qu’il pouvait les
prendreenentierdanssabouche.Unclaquementdeportedanslavérandadel’entréelesfitsursauter.
Ilrelâchasonétreinte,d’ungestevifellerabaissalepandesontee-shirtpuispassasesdoigtsdansses
cheveuxpoursedonnerunecontenance,maisneréussitqu’àsedécoifferunpeuplus.Elleécarquilla
les sourcils en regardant Malcolm qui ouvrit les paumes des mains dans un geste d’ignorance, les
yeuxencorebrillantsdeconvoitise.
-Papa!
StellaetBensesdeuxaînéspointèrentleboutdeleurnezcommeparenchantement.Unefractionde
secondelecœurdeMalcolms’arrêtadebattreenimaginantqu’Allegraallaitpasserlaporteàleur
suite. Il se sentit terriblement coupable, le retour imprévu de ses enfants avait allumé en lui des
réflexesd’hommemarié.Ilseressaisitetsouritleplusjoyeusementpossibleàsafillequis’avançait
verslui.IljetaunregardàAlinequiavaitreculéjusqu’àl’évieretsetenaitlesmainscommesielle
venaitdesebrûler.L’adolescentequisemblaseulementàcetinstantremarquerlaprésencedelajeune
femmeralentitsonélan.
- Hey ! Les enfants ! Enfin vous voilà ! Il prit sa fille dans ses bras puis il tendit une main pour
attraperBenparlecouetposaunbaisersursajoue.Lejeunegarçonvenaitdefêterses18ans,Il
avait les cheveux noirs d’Allegra et ressemblait peu à Malcolm, mis à part le menton légèrement
saillant.Parcontre,Stellaavaithéritédesesyeuxnoisetteetdesesboucleschâtains.Cettedernièrene
quittaitpasdesyeuxAline.A15ans,ellesemblaitavoirdéjàtoutcompris.Sonfrèredesoncôtéavait
desaspirationsbienplusprosaïques.Ilfitunsignedetêteàl’inconnueenguisedebonjour,puisétira
soncoupourregarderpar-dessusl’épauledesonpère.
-Qu’est-cequisentsibon?
-CesontdesCreepes!UnerecettefrançaisecuisinéeparAline.
Ilsecrutobligéd’ajouteràl’attentiondeStella:
-Alineestlacuisinièreengagéeparvotremèrepours’occuperdelamaison.Déjàilregrettaitses
parolescarilsentaitdanssondosAlineseraidir.Néanmoins,àl’évocationdesamèreStellaparut
rassuréeetellesedétendit.
D’ungestesecAlineéteignitlefeuquiétaitrestéalluméetannonçad’unevoixatone:
-J’aiterminé,jevaisvouslaissermangerenfamille.Malcolml’attrapaparlebras.
-Aline,s’ilteplaît,resteavecnous.
Ellechuchota
-Tunelesaspasvusdepuisdeuxmois,ilsontbesoindeteretrouver.
-Maisonnesaitmêmepascommentmangercesmachins!dit-ilendésignantlapiledecrêpesque
Ben,indifférent,emmenaitdéjàverslatableronde.
Ellesouritmalgréelleetselaissaentraînerjusqu’àunechaise,prèsdujeunegarçon.Malcolmlança
un regard appuyé à son fils et fronça les sourcils. Celui d’abord étonné sembla tout à coup
comprendre.IlselevaàmoitiédesachaiseettenditunemainmoiteàAline.
-JesuisBen,commentallez-vous?
Elleréponditàsapoignéedemain.
-Raviedevousrencontrer.
Stellaquinevoulaitpasêtreenrestepenchasonbraspar-dessuslatableetserraàsontourlamainde
la cuisinière. L’atmosphère s’était sensiblement allégée et Malcolm commençait à retrouver ses
marques. Aline roula les premières crêpes pour eux puis les laissa faire les suivantes tout en leur
expliquantl’histoiredecettepâtisserie.
-Etlepotdepâteplusfoncée,là-bas,remarqual’adolescentequin’avaitpaslesyeuxdanssapoche,
c’estpourquoi?
-C’étaitpourfairedescrêpessalées,danscecasonutilisedelafarinedeSarazin.
-Etpourquoitunelesaspasfaites?continuaStella,enfournantunenouvellebouchéedecrêpeàla
confiture.
Alinehésita.
- En fait, je n’aime pas cuisiner quand on me regarde. Vous êtes arrivés au moment où j’allais les
faire.
Elle sentit le regard intense de Malcolm posé sur elle, consciente de toutes les fois où elle avait
cuisinédevantlui.Ellerougitcarcetteremarqueétaitunaveubienplusintimeencorequelebaiser
qu’ilsvenaientd’échanger.
Malcolm passa la journée sur les charbons ardents. La visite de ses enfants depuis si longtemps
attendue était enfin arrivée mais il n’avait qu’une envie, se retrouver seul avec Aline.
Paradoxalement,celanel’empêchaitpasdepasserunmomentdélicieuxaveceux.Ils’étaitrarement
sentiaussivivant,BensemontraitétonnammentloquaceetStellaredoublaitd’effortspourluiplaire.
Aprèslebrunchilsdécidèrentd’allerfaireunbowlingmaiscettefois,àsongrandregretilneréussit
pasàconvaincreAlinedelesaccompagner.Ilavaitpeurqu’àsonretourellenesesoitévaporéeet
cettepenséepourtantirrationnelle,créaitchezluiunetensiondanslesépaulesquelescâlineriesdesa
filleneparvenaientpasàapaiser.Elleavaitréponduàsonbaisermaiscelanevoulaitpasdirequ’elle
était disponible, par cela il entendait disponible de corps ET d’esprit. Elle était tellement jeune. Il
regarda sa fille penchée sur l’épaule de son frère, absorbée par le comptage des points. Mon dieu,
qu’était-ilentraindefaire?Ellenedevaitpasavoirplusde10ansd’écartavecBen.Etait-ildevenu
complètementfou?Oucomplètementpathétique!L’acteurauxtempesgrisonnantesquiessayedese
rassurerdanslesmini-jupesdelajeunesse…
Stellavintsecolleràlui.
-Papa,c’estàtoidejouer!
Il se leva et choisit précautionneusement une boule à sa taille. Il n’aimait pas particulièrement ce
sport, mais c’était une des rares activités qu’ils pouvaient pratiquer en famille, ses trois enfants y
trouvant chacun leur compte : Ben pouvait montrer sa force et asseoir son autorité d’aîné devant
StellaetElliotquiluiobéissaientavecdévotion.Stella,selonlesannées,étaitpasséeduravissement
devantleseffetsdelalumièresurlesboulesvernies,auravissementdeseffetsdesapoitrinenaissante
surlesjoueursvoisins.QuantàElliot,à7ansiljubilaitsansdistinctiondevantlesStrikesdeson
Dieu de frère comme devant les éternelles gouttières de son manchot de père. Il glissa ses doigts
dans les trous de la boule choisie pour constater trop tard qu’ils étaient encore humides de leur
dernierclient.Ilfrissonna,écœuré,etessayadepenseràautrechose,seretenantdelaissertomberle
boulet à ses pieds. Au lieu de cela il se dirigea vers la piste sous le regard réconfortant mais sans
illusiondesesenfantsetsedépêchadejeterl’objetdesarépulsionleplusloinpossibledelui,c'est-àdiresurlesdeuxpremiersmètresdelapiste,puisdanslagouttièrededroite,sapréférée.Lesriresde
soncadetluimanquèrent.
-VousembrasserezElliotpourmoicesoir?Jesuisdésoléqu’ilsoitmalade.J’auraisaiméqu’ilsoit
avecnous.
- Pourquoi tu ne viendrais pas à la maison ? lui répondit Stella. Maman a dit que tu devais nous
raccompagneravant18h.StellaetBenleregardaient,lesyeuxbrillants.
Ilavaitl’impressionquec’étaitAllegraquileregardaitàtraverslesyeuxdesonfils.Pourquoipas?
Après tout, il était temps d’aller de l’avant. La visite de ses enfants était peut-être arrivée au bon
momentfinalement.
Chapitre7:Oùl’onneregrettepasd’avoirlu
jusqu’aubout
Ilsarrivèrentsurleparkingdel’immeublerésidentieldeHampsteadenfind’après-midi.Ilavaithâte
devoirsonplusjeunefilsetilétaitpartagéentrel’angoissederetrouversafemmeetlacuriositéde
découvrirsonnouveaulieudevie.Ilpénétradansl’immeuble,précédédeBenetStellaquiévoluaient
familièrement dans ce lieu, comme s’ils avaient toujours vécu là. Avant qu’il n’ait le temps de le
réaliser il se tenait dans un salon à la moquette blanche et épaisse. Les meubles, blancs, pour la
plupart étaient modernes, lisses et vernis. Une multitude de plantes vertes foisonnantes cassait la
sensation d’hôpital de la blancheur ambiante. Allegra avait la main verte, c’était elle qui avait
aménagéeavecraffinementtoutlepatioetlejardindelamaison.Pasdetraced’hommeremarqua-t-il
avec soulagement. Elle se tenait devant lui, très belle dans un ensemble pantalon chemisier crème.
Décidément,sedit-il,c’estl’immaculéeconceptionici!Elleluisemblaitàlafoissifamilièreetsi
distante.C’étaitcommes’iln’avaitjamaisétéamoureuxdecettepersonne.Etenfait,ilréalisaquede
fait,iln’avaitjamaisétéamoureuxdeCETTEpersonne-là!Parlamêmeoccasion,ilpritconscience
des changements profonds qui s’étaient opérés en lui. Lui non plus n’était plus l’homme qui était
tombéamoureuxdelajeunejournalisteitalienne,unjourd’automne,àMilan.Seulesonodeurquand
ill’avaitembrasséesurlajoueenarrivantavaitravivélessouvenirs.Maisc’étaitdessouvenirs.Acet
instantileutphysiquementl’impressionqueleurviecommuneappartenaitaupassé,sesentantlibéré
dupoidsdel’obligationd’êtrecethommequ’ilavaitété.Quandilsortitdel’immeuble,sensibleàla
brise tiède qui effleurait ses joues et ses bras nus, c’était comme si tout autour de lui avait plus de
couleur.Cesdernièresemainesilavaitétérongéparunesourdeangoisse:sonfuturs’offraitàlui
commeungouffreincertain,ilneseraitplusjamaisprogramméparsonpassé.Acemoment,alors
qu’il posait la main sur la poignée de sa voiture il sentit que ce gouffre inconnu était en fait une
libération,lapossibilitéd’êtredifférentàchaqueseconde.Abandonnantlecostumedumari,dupère,
de l’acteur ou de ce petit Malcolm, poli et obéissant que sa mère avait consciencieusement éduqué,
uneénergienouvellemontadanssoncorps,commeunepousséedesèvedanslespremiersjoursde
printemps.Ilsemitàbander.Passeulementavecsonsexe,ilavaitl’impressionquec’étaittoutson
corpsquibandaitdansuneexultationdevie.
Alors que sa voiture s’engageait dans le quartier résidentiel de Highgate où 15 ans plus tôt il avait
posélespremièrespierresdesaprison,ilrepensaauxdernièresparoleséchangéesavecAllegra.Au
momentdepartir,elleavaitattrapésamaindroiteetl’avaitserréechaleureusementdanslessiennes.
- Je suis contente que tu ais décidé de garder Aline Rivière à ton service. Elle est très difficile à
débaucheretj’étaissûrequesaprésenceteferaitdubien.Ilréalisaàquelpointilavaitpuêtreingrat
avecelle.Iln’avaitmêmepaspenséàlaremercierpourcettedernièreattentionqu’elleavaiteuepour
lui.Ill’avaitprisedanssesbrasetl’avaitserréetendrement.
- Merci pour tout Allegra, tu as été une épouse exceptionnelle. Sa voix s’était mise à trembler, son
souffleétaitcourt.Jetedemandepardondenepasavoirsuprendresoindetoicommetuleméritais.
Acesmots,ilavaitsentileursdeuxcorpssedétendre.Lorsqu’ilavaitdesserrésonétreinte,elleavait
essuyéfurtivementunelarme.
La voiture du journaliste n’était plus devant la maison, les photos de l’acteur chargeant ses enfants
danssavoituredevaientdéjàêtresoumiseaurédacteurenchef,ilvoyaitd'avancelestitres«première
sortieenpèredivorcé».Çaluiétaitégal.Ilpoussalaported’entréeettrouvalamaisonvide.Ilalla
vérifierlebungalow,aucunsignedeviemaissesaffairesétaienttoujourslà,c’étaitbonsignesedit-il
soulagé.Ils’installasuruntransat,prèsdelapiscinepourregarderdisparaîtrelesderniersrayons
du soleil derrière le coin de la maison. Son ventre lui rappela qu’il n’avait avalé qu’un hamburger
depuis les crêpes de ce matin et il se dirigea hardiment vers la cuisine, fier et hésitant comme un
enfant à qui on vient d’ôter les roulettes de son vélo. Voyons voir si le temps qu’il avait passé à
regarder Aline cuisiner avait porté ses fruits ! Il ouvrit les placards, sortit des tagliatelles, puis se
pencha dans le frigo et en ressortit trois tomates bien mûres et deux courgettes. Ah oui ! se dit-il,
n’oublionspaslesoignons!
Commeill’avaitsisouventvufaireilcommençaparlaverleplandetravaildel’îlot.Puisilsortitun
couteaublancdesonétui,c’étaituncouteaujaponaisencéramique,trèsfragileettrèstranchant.
-Hummsedemanda-t-ilensecaressantlementondesamainlibre.Parquoicommencer?
-Toujoursparl’oignon.
Ilrelevalatêteausondesavoix.Ellesetenaitdansl’embrassuredel’arcade,lesbrascroiséssurla
poitrine.Elleavaittroquésonvieuxshortenjeanpourunerobechemisierenpopelinevertamandeet
pourunefoissescheveuxn’étaientretenusparaucuncrayonouimprobablelien.Elleétaitravissante.
-Maissitunemetspasl’eaudespâtesàbouillirmaintenantilsneserontjamaisprêtsenmêmetemps.
Ilremarquaavecunpincementdeplaisiraucœurqu’elleavaitgardéletutoiement.Docile,ilremplit
lacasseroled’eauetallumalegazendessous.
-Situmetsuncouvercle,l’eaubouilleraplusrapidement.Elles’étaitinstalléedel’autrecôtédel’îlot
etl’observait,commelui-mêmel’avaitobservéecesdernièressemaines.
Anouveauils’exécutaensilence,combléparsaprésence.Ilentrepritdecouperl’oignonetlasentit
seraidiràlavuedesonprécieuxcouteaumalmené,maisellenefitpasderemarqueàcesujet.
-Peut-êtrequejedevraisattendrequetuenaisfiniaveccecouteauavantdeparler,commença-t-elle.
Ils’arrêta,seméfiantdecequiallaitsuivre.
-Cequis’estpassétoutàl’heure…
Ilsecoualatêtepourl’empêcherderomprelabulledanslaquelleils’étaitinstallédepuiscematin.
-Non,nefaispasçaAlie…
-C’étaituneerreur,dit-elleprécipitammentcommesielleavaitpeurdenepasavoirlecouragede
finirlaphrase.Onétaittouslesdeuxdansunétat…
Ildécidadel’ignoreretluitournaledospourgraisserunepoêleetlamettreàchauffer.
-Ilfautbienquel’undenousdeuxsoitraisonnable,Malcolm!
C’étaitlapremièrefoisqu’elleutilisaitsonprénom.Ilsentitsespoilssedressersursesavantsbras.
Ilramassalesoignonsetluitournaànouveauledospourlesjeterenpluiedanslapoêle.
- Tu te sentais seul, continua-t-elle. J’ai amené un peu de vie et de stabilité dans la maison. Il ne se
retournapas,remuantmécaniquementlesoignonsenréfléchissant.Ilpritlaparoled’unevoixdouce.
-Tuconfondslagratitudeetledésir,dit-ilenattrapantleslégumespourallerleslaverau-dessusde
l’évier.Quandunhommeafaim,mieuxvautluiapprendreàpêcherquedeluidonnerunpoisson.Tu
connaiscettecitationdeConfucius?
Elleacquiesçalentement.
-Cequejeveuxdirec’estquetucroisquetum’asnourrietquec’estpourçaquetoutàcoupj’ai
besoindetoi…Ilcommençaàcouperlescourgettesendés,songesteétaitplusassuré,ilcommençait
às’habitueraucouteau.Maiscen’estpasça,tum’asapportébienplus!Ilsourit,commepourluimême.D’ailleurs,jenesaispassitum’asapprisàpêchermaistuvoisbienquejesuismaintenant
capabledecouperdesoignonsETdescourgettessansmecouperlesdoigts!
Elleneputs’empêcherdesourireencoin.
Ilversaleslégumesdanslapoêleaveclesoignonsets’attaquarésolumentauxtomates.
-Jenesaispassij’aibesoind’êtreprèsdetoi.Maisjesaisquej’enaienvie.
Elleneréponditpas.
-Ettoi?continua-t-il,tumeparlesdemoi,maisjenesuispasseuldanscettepièceetjen’étaispas
seul ce matin ! Il posa ses yeux sombres sur elle et la transperça du regard. Elle rougit et pour se
donner une contenance elle contourna l’îlot pour aller plonger les pâtes dans l’eau bouillante. Il
l’attrapaparlebrasmaiselleréussitàsedégagerpourretournerensécuritédel’autrecôtéduplan
de travail. Au lieu de s’y accouder elle choisit de s’éloigner encore un peu plus et posa ses fesses
contre la table ronde du déjeuner ce qui eut pour effet de dévoiler le début de ses cuisses juste en
dessousdudernierboutondesarobe.
Ilcontinuasesquestions:
-Pourquoias-tuacceptécetravail?Pourquoiest-cequetum’aslaisséteregardercuisinertoutesces
semaines?
Elleluiréponditd’unevoixtendue.
- Je te l’ai dit, j’ai accepté ce travail pour rendre service à une veille amie de ma mère. Allegra a
demandé à ma mère de me convaincre de lui rendre service. Voilà, c’est tout, je l’ai fait pour ma
mère.ajouta-t-ellehardiment.Ilreposaladernièretomateetlecouteauetpritappuidechaquecôtéde
laplancheàdécouper.Ilfitlamoueavecsabouchependantqu’ilréfléchissait,puislaregardaavec
insistance.
-Pourquoiest-cequetumens?demanda-t-il.Qu’est-cequetuveuxcacher?Ellenebougeapasmais
ilvitsesdoigtsblanchirlàoùelleprenaitappuisurlatable.Lentement,sanslaquitterduregard,il
contournal’îlotcentraletseretrouvadesoncôté.
-Allegram’aditqu’ellenet’avaitpayéequepourlepremiermois,pourfairelatransitionavecson
départ.Celafaitdessemainesquetuvisicisansêtretenueparaucuncontrat.
L’énoncédecettevéritésemblalalibérer,sesépaules,soulagéess’arrondirent.Ilsrestèrentunlong
momentsilencieux,sanssequitterdesyeux.
-Caatoujoursétéledeal,dit-elle,résignée.Jenedevaistravaillericiqu’unmois,pourdépannerta
femme.Lepremierjourjet’aiditquej’étaisembauchéepour6moissansréfléchir,pourquetume
ficheslapaixetquetumelaissestravailler.Detoutesfaçonsjen’avaisqu’unehâtec’étaitpartir.
Ilfitunemouecontrite
-C’estvraiquejen’étaispasaumieuxdemaforme…
-Ohoui,tupeux,ledire!dit-elleenriantnerveusement.
- J’ai été très con avec toi…et avec tout le monde d’ailleurs. Mais ça ne datait pas du divorce si tu
veux tout savoir. Il sourit tristement. Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi es-tu restée ?
murmura-t-ilens’approchantd’elle.
Il avança sa main droite et effleura sa joue. Elle ferma les yeux, soupira et comme par reflexe
embrassaleboutdesesdoigts.Enhardi,ilsaisitsonvisageàdeuxmains,etsansluidonnerleloisir
de protester, il glissa sa langue vigoureuse dans sa bouche. Ses mouvements étaient lents mais très
appuyés, elle répondait à chacun d’eux d’une petite langue fraîche et douce comme une feuille de
menthe. Il s’arrêta un instant pour garder son contrôle et lutter contre l’envie impérieuse de la
prendreàlasecondecontrelatable.Leursouffleétaitcourt.Ilsn’avaientplusbesoindemotspour
communiquer.Ilplongeaunregardfiévreuxdanssesyeuxdemiel,sanslâchersonvisagedesmains,
puis reprit son exploration, tantôt impétueux, tantôt langoureux. Il sentit ses dernières résistances
céderetremontantsajupeelleécartasesjambespourlaisserseshanchessecollerauxsiennes.D’une
mainildégrafalesboutonsdubasdesarobepourlibérertoutàfaitsescuissesetsentirlemontenflé
desonpubissouslafinecotonnadedesaculotte.Dansungrognementetsanscesserdel’embrasseril
plongea une main chaude et virile à l’intérieur de l’étoffe. Sa paume se referma sur son buisson
humide et il enfila un doigt brûlant dans sa fente avide. Elle gémit sous sa caresse et agrippa ses
fessesdesesmainspourlecollerunpeuplusfortcontreelle.S’ensuivitunenchevêtrementdebraset
de langues, chacun voulant tout à la fois se pénétrer, s’agripper, se dévêtir. Il finit par arracher les
derniersboutonsdesarobependantqu’elledégrafaitsonpantalondesesmainsfébrilesetquandils
furent enfin nu, ils s’arrêtèrent un instant, essoufflés, pour le plaisir de se dévorer des yeux. Son
corpsétaitfinetbienproportionné,avecdespetitsseinsrondsetdestétonsclairs.Sesjouesétaient
rougesetsescheveuxébouriffésformaientunhaloautourdesonvisage.Ellepromenasonregardle
longdesesépauleslarges,lespupillesdilatéesparledésir.Ellesemblaitsedélecteràlavuedeses
longues jambes et de son sexe dressé et impérieux. Elle effleura ses pectoraux de ses mains et se
penchapourprendreuntétondanssabouchequ’ellesuçacommeunbonbon.Ilglissasesmainssous
sesfessesetlasoulevapuissamment.Elleentourasesjambesautourdesatailleetillaportajusqu’au
canapédusalon.Illadéposasurlescoussinssansretirersesmainsdesesfesses,ets’allongeasur
elle en la pénétrant dans le même mouvement. Ils restèrent immobiles un instant, écoutant les
battements de leur cœur qui résonnaient dans chaque parcelle de leur corps comme dans une
cathédrale, puis son sexe, exigeant, commença à explorer son vagin comme sa langue explorait sa
bouchetoutàl’heure,sefrottantàlasoiehumidedesonintimité,appuyant,pressant,cajolant.Chaque
assaut arrachait des soupirs lascifs à la jeune femme, leurs corps impudiques pressés l’un contre
l’autre.Ilaccéléralacadencedansunvaetvientlancinantjusqu’àcequ’ellejouisse,soncorpstout
entier secoué de spasmes, puis il vint à son tour, serrant son corps rompu dans un dernier assaut,
écrasantsonvisagecontresapoitrine,commepourlapénétrerencoreplusprofondément,appuyant
son bassin de tout son poids, sa queue insatiable et autoritaire cherchant à se perdre en elle.
L’orgasmeirradiasacolonneetexplosadanssoncerveaudansunelumièreblanche.Alinejouîtune
secondefoisensentantmonterdanssonventrelessoubresautsdesavergelorsqu’iléjacula.
Ilselaissaretombersurelle,repuetsentituneodeurdebrûlé.Unefractiondesecondeilcrutque
celavenaitdeleurscorpscarAlines’agitasoudainsoussonpoidspoursedégager.
-Lefeusouslapoêle!articula-t-elledansunsursaut.
Ilsselevèrentd’unbon,lesjambesencoretremblantes,etMalcolmseprécipitadanslacuisinepour
éteindrelegaz,tandisqu’Alineremplissaitl’évierd’eaupouryplongerlesdeuxustensiles.Lapoêle
de légumes, comme la casserole des pâtes étaient carbonisées et dégageaient une odeur âcre et
envahissante.
Ilsseregardèrentetéclatèrentderire.
- En français on appelle ça « mettre le feu » dit-elle, espiègle en s’approchant de lui, les jambes
encoretremblantesdeleurluttevoluptueuse.
Illapritdanssesbrasetlasoulevadusolcommeunbutin.
-Comeonbabylightmyfire…chantonna-t-ild’unevoixrauquecontresonoreille,etilsedirigeaà
nouveauverslecanapédusalon…
Remerciements
MerciàClaireetChrystelle,lesdeuxangesgardiensdeceroman.
Merciàmafamille,aimanteetenthousiaste.
MerciàWilliamquimesupporte.
MerciauMaitrayaRaëlquim’aguidéejusque-là…
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