Transfert de propriété des titres non cotés : la
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Transfert de propriété des titres non cotés : la
vauplane 23/05/07 12:48 Page 81 DROIT DES MARCHÉS FINANCIERS Transfert de propriété des titres non cotés: la réforme dévoyée La réforme des valeurs mobilières de 2004 a généralisé le principe du transfert de propriété lors de l’inscription des titres au compte de l’acheteur. Pour les titres cotés, le règlement général de l’AMF fixe le moment de cette inscription. En revanche, pour les titres non cotés, un décret prévoit que l’inscription sera déterminée par l’accord des parties. Ce retour au consensualisme affaiblit considérablement la réforme engagée. Hubert de Vauplane Calyon Université Paris II Panthéon-Assas * Voir chronique Droit des marchés financiers, Revue Banque n°669, mai 2005. L e droit français a perdu une opportunité de modernisation et de clarté. Les vieux réflexes de la tradition juridique consensualiste ont été plus puissants que les incitations à porter le regard vers l’innovation. De quoi s’agit-il ? Tout simplement, de la date de transfert de propriété des titres non cotés. On se souvient que par une ordonnance du 24 juin 2004* portant réforme des valeurs mobilières, le législateur, saisi d’audace juridique, avait considéré opportun mais surtout réaliste, d’une part, de modifier le moment de transfert de propriété des instruments financiers inscrits en compte en faisant de l’inscription en compte le fait créateur de droit, mais aussi – et peut être surtout – d’harmoniser ce moment du transfert de propriété et de ses effets à l’ensemble des titres inscrits en compte, qu’ils soient cotés ou non. La réforme généralisa un principe simple, celui du transfert de propriété lors de l’inscription des titres au compte de l’acheteur. La mise en œuvre de la réforme intervint en deux temps : en 2005, d’abord, pour les titres cotés, puis en 2006 pour les titres non cotés. la société émettrice” (disposition codifiée à l’article R. 228-10 du Code de commerce). Autrement dit, le transfert de propriété résulte de l’inscription au compte de l’acheteur, laquelle inscription est déterminée par l’accord des parties ! Au-delà de l’inconsistance rationnelle de la solution, attardons-nous à examiner les raisons qui ont conduit à une telle solution. LES RAISONS DU CAMOUFLET UNE SURPRISE DE TAILLE! Dans un premier temps, une ordonnance du 31 mars 2005 traita du cas des titres cotés et permit de faire coïncider pour ces derniers le moment effectif des opérations de règlementlivraison avec celui du transfert de propriété du vendeur à l’acheteur, renvoyant ensuite au règlement général de l’AMF le soin de déterminer le moment où cette inscription au compte de l’acheteur devait avoir lieu. Restait à traiter le cas des titres non cotés. Ce fut fait par le décret du 11 décembre 2006. Mais, la lecture de ce texte révèle une surprise de taille. Loin de s’inscrire dans la logique de l’ordonnance de 2004 où le transfert de propriété résulte de l’inscription au compte de l’acheteur, le texte pose une solution diamétralement opposée ! En effet, il prévoit que “pour l’application de la dernière phrase du 9e alinéa de l’article L. 228-1 du Code de commerce, l’inscription en compte de l’acheteur est faite à la date fixée par l’accord des parties et notifiée à Tout d’abord, relevons qu’il a fallu attendre plus de deux années et demie pour que le texte d’application traitant des titres non cotés soit publié. Ce délai fut mis à profit par ceux qui, pour différentes raisons, ne voulaient pas entendre parler de la réforme opérée en 2004 et qui tirèrent parti de ce délai pour convaincre le pouvoir exécutif qu’il devait revenir dans son décret d’application sur ce que le législateur avait décidé quelques mois plus tôt. Le plus cocasse – ou, au contraire, affligeant – c’est que dans la mesure où le Code de commerce fut modifié par une ordonnance (certes ratifiée par le Parlement), ce sont les mêmes services du ministère de la Justice et du Trésor qui ont accepté, plus de deux années après, de défaire ce qu’ils avaient auparavant fait . Mais revenons sur les raisons de fond qui ont conduit à cette inconsistance, là où la cohérence était recherchée. Une lettre de l’Association nationale des sociétés par actions (ANSA) juin 2007 n° 692 Revue Banque 81