Transfert de propriété des titres non cotés : la

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Transfert de propriété des titres non cotés : la
vauplane
23/05/07
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DROIT DES MARCHÉS FINANCIERS
Transfert de propriété des titres
non cotés: la réforme dévoyée
La réforme des valeurs mobilières de 2004 a généralisé le principe du transfert de propriété lors de l’inscription des titres au compte de l’acheteur.
Pour les titres cotés, le règlement général de l’AMF fixe le moment de cette
inscription. En revanche, pour les titres non cotés, un décret prévoit que l’inscription sera déterminée par l’accord des parties. Ce retour au consensualisme affaiblit considérablement la réforme engagée.
Hubert
de Vauplane
Calyon
Université
Paris II Panthéon-Assas
* Voir chronique Droit
des marchés financiers,
Revue Banque n°669,
mai 2005.
L
e droit français a perdu une
opportunité de modernisation et de clarté. Les vieux
réflexes de la tradition juridique consensualiste ont
été plus puissants que les incitations
à porter le regard vers l’innovation.
De quoi s’agit-il ? Tout simplement,
de la date de transfert de propriété
des titres non cotés. On se souvient
que par une ordonnance du 24 juin
2004* portant réforme des valeurs
mobilières, le législateur, saisi d’audace juridique, avait considéré opportun mais surtout réaliste, d’une part,
de modifier le moment de transfert
de propriété des instruments financiers inscrits en compte en faisant
de l’inscription en compte le fait créateur de droit, mais aussi – et peut être
surtout – d’harmoniser ce moment
du transfert de propriété et de ses
effets à l’ensemble des titres inscrits
en compte, qu’ils soient cotés ou
non. La réforme généralisa un principe simple, celui du transfert de propriété lors de l’inscription des titres
au compte de l’acheteur. La mise en
œuvre de la réforme intervint en deux
temps : en 2005, d’abord, pour les
titres cotés, puis en 2006 pour les
titres non cotés.
la société émettrice” (disposition codifiée à l’article R. 228-10 du Code de
commerce). Autrement dit, le transfert de propriété résulte de l’inscription au compte de l’acheteur,
laquelle inscription est déterminée
par l’accord des parties ! Au-delà de
l’inconsistance rationnelle de la solution, attardons-nous à examiner les
raisons qui ont conduit à une telle
solution.
LES RAISONS DU CAMOUFLET
UNE SURPRISE DE TAILLE!
Dans un premier temps, une ordonnance du 31 mars 2005 traita du cas
des titres cotés et permit de faire coïncider pour ces derniers le moment
effectif des opérations de règlementlivraison avec celui du transfert de
propriété du vendeur à l’acheteur,
renvoyant ensuite au règlement général de l’AMF le soin de déterminer le
moment où cette inscription au
compte de l’acheteur devait avoir
lieu. Restait à traiter le cas des titres
non cotés. Ce fut fait par le décret du
11 décembre 2006. Mais, la lecture
de ce texte révèle une surprise de
taille. Loin de s’inscrire dans la
logique de l’ordonnance de 2004 où
le transfert de propriété résulte de
l’inscription au compte de l’acheteur, le texte pose une solution diamétralement opposée ! En effet, il
prévoit que “pour l’application de la dernière phrase du 9e alinéa de l’article L.
228-1 du Code de commerce, l’inscription
en compte de l’acheteur est faite à la date
fixée par l’accord des parties et notifiée à
Tout d’abord, relevons qu’il a fallu
attendre plus de deux années et demie
pour que le texte d’application traitant des titres non cotés soit publié.
Ce délai fut mis à profit par ceux qui,
pour différentes raisons, ne voulaient
pas entendre parler de la réforme
opérée en 2004 et qui tirèrent parti de
ce délai pour convaincre le pouvoir
exécutif qu’il devait revenir dans son
décret d’application sur ce que le
législateur avait décidé quelques mois
plus tôt. Le plus cocasse – ou, au
contraire, affligeant – c’est que dans
la mesure où le Code de commerce
fut modifié par une ordonnance
(certes ratifiée par le Parlement), ce
sont les mêmes services du ministère de la Justice et du Trésor qui ont
accepté, plus de deux années après,
de défaire ce qu’ils avaient auparavant fait .
Mais revenons sur les raisons de fond
qui ont conduit à cette inconsistance,
là où la cohérence était recherchée.
Une lettre de l’Association nationale
des sociétés par actions (ANSA)
juin 2007 n° 692 Revue Banque
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