Bienvenue au pays de Mobility - ATE Association Transports et

Transcription

Bienvenue au pays de Mobility - ATE Association Transports et
D O S S I E R A U T O PA R TA G E
Bienvenue au pays de Mobility
12
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
DOSSIER
Autopartage
Texte et photos: Jérôme Faivre
«La Suisse, patrie de l’autopartage»,
«Les Suisses adeptes du carsharing».
A en croire les coupures de presse
étrangères, notre pays est la référence
en la matière. Qu’en est-il vraiment?
N
ous nous savions friands de chocolat, grands
voyageurs et même champions du recyclage.
De là à nous considérer comme inconditionnels du partage de voitures, il y a de la marge. Une
telle affirmation surprend d’autant plus quand on sait
qu’un helvète sur deux est propriétaire d’une automobile. Mais d’où provient cette réputation qui nous
colle à la peau ? Inutile de chercher bien loin, elle
porte un nom anglicisé et habille nos routes de rouge
depuis 1997 : Mobility.
Un modèle du genre
Car Mobility est à l’autopartage ce que Migros et Coop
sont – ou plutôt étaient – à la grande distribution. La
coopérative lucernoise porte à elle seule le marché du
carsharing en Suisse. Par conséquent, elle en est aussi
la figure de proue. Et ce n’est pas Viviana Buchmann,
directrice de Mobility, qui prétendra le contraire. Suite
à l’obtention en 2013 du Prix de marketing Gfm – qui,
soit dit en passant, récompense «une entreprise sachant comme nulle autre combiner succès durable,
esprit d’innovation et performances marketing exceptionnelles» – elle déclarait 1 : «Mobility a su grandir depuis un marché de niche. Elle a gagné en notoriété et est reconnue en tant que marque. Qui pense
aujourd’hui à la mobilité pense aussi à Mobility.» La
preuve par les chiffres. Un adulte suisse sur 60 est
client de Mobility. La flotte de véhicules sur le territoire s’élève à 2650, répartis pour la plupart dans les
villes et les agglomérations. A Zurich, par exemple,
une voiture est disponible tous les 250 mètres. De
plus, chaque localité d’au moins 5000 habitants abrite
un emplacement Mobility. «En termes de densité, la
Suisse est championne du monde!» affirme Viviana
Buchmann.
Seule en son royaume
Grâce à une coopération de longue date avec les CFF
et à la stratégie de la mobilité combinée, Mobility a su
Lire la suite en page 16
Omniprésente sur nos routes, la flotte de véhicules
rouges est l’emblème de l’autopartage en Suisse.
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
13
DOSSIER
Autopartage
Voiture privée ou Mobility?
Mobility annonce que la combinaison de ses services avec les transports publics permet
d’économiser en moyenne 4000 francs par an comparativement à l’utilisation
d’une voiture privée. Evaluez vous-aussi votre économie avec notre exemple à l’appui.
1. Calculez le coût annuel de votre voiture privée
Amortissement du véhicule
Divisez le prix d’achat par 10.
20 000 : 10
Dépréciation du véhicule
Divisez le prix d’achat par 50.
20 000 : 50
400
Impôts
Reportez votre taxe annuelle.
Service, antipollution, réparations
Selon votre kilométrage annuel, comptez
400 francs par tranche de 5000 km.
Pneus d’hiver et été
Selon votre kilométrage annuel, divisez le
prix d’achat des huit pneus par leur durée
de vie (environ 30000 km) en semestres.
Parking
Multipliez les frais mensuels de parking par 12.
400
1000
Assurance
Reportez votre prime annuelle.
Essence
Multipliez la consommation moyenne par
le prix de l’essence (1,78).
Divisez par 100.
Multipliez par votre kilométrage annuel.
2000
5,6 x 1,78 = 9,97
997
9,97 : 100 = 0,0997
0,0997 x 10 000
2 x 400
720 : 6
100 x 12
800
120
1200
Vignette autoroutière
40 francs
40
Divers (nettoyage, amendes)
Estimez le coût annuel.
160
7117 francs
TOTAL 1
2. Calculez le coût annuel de vos déplacements en transports publics
Prix de l’abonnement
Reportez le prix de votre abonnement
ou évaluez la somme de tous vos billets.
AG pour le trajet domicile–travail
Neuchâtel–Berne
3550
Si s’applique, additionnez les abonnements de tous les membres de votre ménage.
TOTAL 2
14
3550 francs
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
DOSSIER
Autopartage
3. Evaluez le coût annuel de Mobility
Utilisation de Mobility
Evaluez vos besoins hebdomadaires en Mobility*.
Calculez les coûts de chaque trajet
(km × tarif kilométrique + heures × tarif horaire).
Multipliez le résultat par 52 semaines.
Tarifs Mobility
3827
Trajet de 20 km, réservation de 3 heures
Trajet de 60 km, réservation de 5 heures
(20 x 0,64) + (3 x 2,80) + (60 x 0,64) +
(5 x 2,80) = 73,60
73,60 x 52
190
Abonnement annuel Mobility
Reportez le prix de l’abo: 190 francs pour les membres de l’ATE au lieu de 290.
4017 francs
TOTAL 3
* L’utilisation de Mobility suppose de prendre les transports publics et de se déplacer à pied ou à
vélo aussi souvent que possible. La location d’un véhicule Mobility fait sens quand les TP ne peuvent
pas se substituer à une voiture, par exemple pour des raisons d’accessibilité ou de temps de trajet.
(pour un véhicule
Economy 5 places,
essence et assurance
incluses)
Tarif horaire de jour
(7h à 23h): 2,80
Tarif horaire de nuit
(23h à 7h): 0,80
Tarif kilométrique
(de 1 à 100 km): 0,64
Tarif kilométrique
(à partir de 101 km): 0,32
Tous les tarifs sur:
www.mobility.ch
4. Calculez à nouveau le coût annuel de vos déplacements en transports publics
Prix de l’abonnement
Reportez le prix de votre abonnement
ou évaluez la somme de tous vos billets.**
Pas de changement : AG pour le trajet
domicile–travail Neuchâtel–Berne
3550
Si s’applique, additionnez les abonnements de tous les membres de votre ménage.
3550 francs
TOTAL 4
** La renonciation à une voiture privée au profit de Mobility engendre-t-elle
pour vous des frais de transports publics supplémentaires?
5. Comparez les coûts annuels
Avec une voiture privée
Additionnez le TOTAL 1 et le TOTAL 2.
7117 + 3550
Avec Mobility
Additionnez le TOTAL 3 et le TOTAL 4.
4017 + 3550
DIFFÉRENCE
10667
7567
– 3100 francs
Conclusion
J’économise annuellement 3100 francs en optant pour Mobility au lieu d’une voiture privée,
sans contraintes supplémentaires dans ma vie quotidienne. Et vous?
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
15
DOSSIER
Autopartage
Une automobile, différents utilisateurs: le système Mobility suppose de prendre les transports publics
et de se déplacer à pied et à vélo autant que possible.
Suite de l’article en page 13
se hisser au rang de «ceux qui comptent»
dans le domaine des transports en Suisse.
L’entreprise peut aussi s’appuyer sur une
croissance régulière de sa clientèle, avec
28000 nouveaux membres sur les cinq
dernières années. Selon sa directrice, Mobility profite de nouvelles tendances de société: «Pour toujours plus de personnes,
il importe d’avoir une chaîne de mobilité sans maillon manquant, de pouvoir se
rendre facilement d’un point A à un point
B en combinant train, bus, vélo et même
voiture Mobility. Aujourd’hui, les nombreuses liaisons de transports publics et les
horaires cadencés permettent une mobilité combinée et rendent superflue la possession d’une voiture.»
Une situation de rêve pour l’autopartage, qui soulève cependant une interrogation : qu’attend la concurrence ?
L’emprise de Mobility empêche-t-elle la
cohabitation avec d’autres services semblables? Mobility étouffe-t-elle le marché? Un élément de réponse: avant d’atteindre le potentiel théorique qu’on lui
prête, à savoir un demi-million de clients,
16
Mobility, avec aujourd’hui quelque
112 000 membres et 52 000 sociétaires, a
encore un long chemin devant elle.
La voiture «spontanée»
Bâle, le 23 juin 2014. Des journalistes de
tout le pays et une poignée de badauds
sont venus assister au lancement de
«Catch a car», premier service de Suisse
en « free-float », c’est-à-dire où les voitures
sont disséminées aléatoirement dans un
espace. Un nouveau coup de Mobility
qui, pour l’occasion, s’est entourée de solides partenaires : un assureur et un importateur d’envergure nationale, ainsi
que Suisse Energie et les CFF.
«Catch a car» est un projet pilote d’une
durée de deux ans, encadré par l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich et appelé à
s’étendre à de nouvelles villes – à condition
que le succès bâlois soit au rendez-vous.
Il se distingue du système Mobility par le
fait que les voitures répondent à un besoin
« spontané » et pour un « aller simple ».
Concrètement, Mobility requiert une réservation préalable et contraint de remettre
le véhicule à son emplacement initial après
utilisation. «Catch a car» met l’accent sur
plus de souplesse. Il permet de localiser les
voitures en temps réel, par smartphone ou
site web, d’en prendre le volant sans réservation et de les abandonner sur des places
de parc publiques au centre-ville. Pour
cette solution de stationnement, «Catch a
car» paie un forfait à la ville.
Interrogée sur sa vision à long terme,
Viviana Buchmann ne cache pas ses
projets: «Notre objectif est de faire de
«Catch a car» un élément à part entière
de la mobilité urbaine.» Alors que Mobility se destine aux trajets plus ou moins
longs, «Catch a car» s’attaque aux petites
distances, à l’intérieur des villes et agglomérations. Plutôt que d’entrer en concurrence, les deux systèmes se complètent.
Aujourd’hui encore, près de la moitié des
citadins suisses utilisent leur propre voiture pour des distances inférieures à cinq
kilomètres. Dans cette optique, «Catch a
car» répond à une demande, et assène un
nouveau coup à la possession d’une voiture privée.
Avec les villes pour cible, où la moitié des ménages vivent déjà sans voiture
privée, il reste néanmoins à déterminer
si le concept n’empiétera pas sur d’autres
formes de mobilité, moins nuisibles que
l’automobile. En effet, le milieu urbain
constitue un espace privilégié pour les
transports publics et les déplacements à
pied et à vélo. En misant sur des voitures
peu polluantes et relativement adaptées à
la ville – en l’occurrence les petites cylindrées VW Up – «Catch a car» revêt certes
un côté écolo. Mais il serait regrettable
que le dernier né des systèmes d’autopartage finisse par subtiliser au bus, au tram
et à la mobilité douce une partie de leurs
utilisateurs.
Produits de niche
Dans nos pays voisins, les acteurs de l’autopartage poussent comme des champignons. A leur tête, des entreprises de transports publics, mais aussi des constructeurs
automobiles. En Allemagne, par exemple,
les trois «magnats» du carsharing se nomment Flinkster, Drivenow et Car2go. Le
premier cité est détenu par les chemins de
fer allemands. Les deux autres systèmes
sont des initiatives de l’industrie automobile, respectivement BMW et Daimler.
L’intérêt marqué des constructeurs pour
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
DOSSIER
Autopartage
Matthias Ackeret, « Mobility auf der Überholspur », persönlich,
11 novembre 2013
1
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
Ma voiture,
notre voiture
En parallèle à Mobility, l’autopartage entre particuliers se
développe en Suisse. Les voitures se louent par internet ou dans
une communauté. Mais quelles sont les chances de succès?
A
la question « Les Suisses sont-ils prêts
à partager leur voiture ? », la réponse
est: plus ou moins. C’est ce qui ressort de
l’étude «Sharity », réalisée en 2012 par
l’institut GDI. Ainsi, nous serions plus
disposés à prêter nos livres, nos outils ou
un logement de vacances que notre « bolide». Néanmoins, une automobile se
partagerait plus volontiers qu’un ordinateur et, fort heureusement, qu’une brosse
à dents ou des sous-vêtements (cf. graphique). Ces résultats viennent nuancer
les propos de ceux qui annoncent l’avènement d’un nouveau modèle économique,
celui de la consommation collaborative.
La nouvelle devise « rien ne se perd, rien
ne se crée, tout se partage » ne semble pas
être tout-à-fait entrée dans les mœurs.
Une heure par jour
Co-auteure de l’étude, l’économiste Karin
Frick explique 2 : «En Suisse, beaucoup de
gens participent à ces systèmes de partage
parce qu’ils désirent faire des rencontres
et pour une question de style de vie.» La
pression économique n’est pas assez élevée
pour que de nouvelles tendances naissent.
«Cela se passe plutôt parce que c’est bon
pour l’environnement ou parce qu’on préfère faire des choses ensemble plutôt que
seuls. On a plaisir à participer à l’autopartage, même si on a les moyens de s’offrir sa
propre voiture.»
Ces derniers mois, plusieurs plateformes d’autopartage entre particuliers
ont vu le jour. Avec un argument fort :
en moyenne, une voiture est inutilisée 23
heures sur 24. En d’autres termes, l’automobile ne remplit sa fonction de moyen
de transport qu’une heure par jour. Le
reste du temps, elle représente un encombrement qui occupe de l’espace et enlaidit nos quartiers résidentiels. Dans cette
perspective, partager une voiture signifie rationnaliser son utilité et, à grande
échelle, désencombrer l’espace public.
→
Ce que nous (ne) partageons (pas)...
2,9
3,9
1,4
2,7
4,2
3,1
1,4
2,6
Sans problème
5
C’est ok
4
S’il le faut bien
3
A contrecœur
2
1
1= je ne partage avec personne, 5 = je partage avec tous
© Source: GDI / Link Institut 2012.
cette nouvelle forme de mobilité n’a rien
de surprenant. Car, en fin de compte, si
l’autopartage doit conduire à une baisse
des ventes de véhicules – ce qui est à prévoir – le milieu automobile sera le premier
à en subir les conséquences.
En Suisse, rien de tel pour l’instant.
Les constructeurs ne semblent pas prêts à
venir défier Mobility sur ses terres. Pour
retrouver un deuxième service de carsharing, c’est d’une loupe dont il faut se munir. Plus précisément, il faut se rendre à
Delémont, auprès de Pascal Bourquard Jr.,
fondateur d’Electriceasy. Pour lui, l’avenir
de l’autopartage réside dans l’électromobilité : «Notre flotte de voitures est
entièrement électrique. L’autonomie de
ces véhicules zéro émission est largement
suffisante pour les déplacements entre
deux communes ou à l’intérieur d’une
agglomération » explique-t-il. « Notre
système d’autopartage est technologiquement très avancé, tant du point de vue de
la chaîne énergétique que des systèmes
d’information. Il est possible de s’inscrire
et d’utiliser un véhicule en cinq minutes,
soit sur la borne de réservation, soit par
internet, avec la certitude d’avoir toujours
une voiture à pleine charge en début de
location. » Après avoir séduit les villes du
Jura et du Jura bernois, Electriceasy est
disponible, depuis 2013, sur les campus
de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et de l’Ecole hôtelière Lausanne.
Ces institutions se sont en effet laissées
convaincre par le système. Philippe Vollichard, responsable et coordinateur du développement durable à l’EPFL, témoigne:
« Notre école, très engagée dans les questions de durabilité, multiplie les actions
de promotion des mobilités alternatives
envers ses étudiants et ses collaborateurs.
L’implantation de six stations de deux
voitures électriques sur le campus répondait à cette stratégie, avec un système
innovant mais robuste, qui fonctionne
à satisfaction depuis plus d’un an. Nous
avons, par exemple, décidé d’implanter
cet automne une nouvelle station de deux
voitures électriques sur notre campus
Microcity à Neuchâtel.» Prochaine étape
pour Electriceasy: d’autres régions de
Suisse romande et Bâle.
17
DOSSIER
Autopartage
Qui partage sa voiture?
Le réseau 2em est un des pionniers en
Suisse de l’autopartage entre particuliers. La communauté met en contact
les propriétaires de voitures et les locataires. Pour son fondateur, Youness Felouati, le service s’adresse aujourd’hui à
un public sensible aux projets collaboratifs et adepte de solutions de consommation alternative : « Il s’agit de personnes
mobiles et sensibilisées à la problématique du développement durable. » 2em
annonce 10 % d’utilisateurs prestataires
et 90 % de demandeurs.
Aujourd’hui, un obstacle au développement de l’autopartage privé est la question de l’assurance. Le détenteur et non le
conducteur d’un véhicule doit en assumer
l’entière responsabilité. Youness Felouati,
qui recherche activement une solution à ce
problème, se veut optimiste: «Avec la multiplication des initiatives de l’économie
collaborative, il est certain que le législateur finira par prendre des mesures afin de
mieux encadrer les solutions existantes.»
Trop de pouvoir d’achat
En 2012, la société Mobilidée lançait la
plateforme Cartribe. Contrairement à
2em, Cartribe ne met pas en relation
offre et demande, mais facilite la planification et le partage d’un véhicule, par
exemple au sein d’une famille ou d’un
cercle d’amis. Ainsi, cet outil gratuit rend
simple ce qui peut devenir un casse-tête :
la gestion des plages de disponibilité, la
réservation de la voiture, le lieu de parking ou encore la disponibilité des clés.
Aujourd’hui, Cartribe compte un peu
plus de 1000 utilisateurs réguliers. Pour
le directeur de Mobilidée, Giorgio Giovannini, le pouvoir d’achat constitue un
frein au développement de l’autopartage,
« car il permet à une grande majorité de
personnes de s’équiper en véhicules individuels motorisés. » A ses yeux, un travail
de communication est nécessaire, afin de
montrer les gains potentiels de l’autopartage pour un ménage : « Il faut insister sur
le fait que la somme économisée pourrait
servir à d’autres besoins, comme la formation, le logement ou la culture. »
L’entrée d’un «grand»
La sensibilisation à l’autopartage pourrait
connaître cet élan nécessaire avec la plateforme Sharoo, lancée début mai. Derrière
le slogan « Ma voiture est ta voiture », on
Qui a les clefs de la voiture? Où est-elle garée? Depuis quelle heure est-elle disponible ?
Grâce à de nouveaux outils, l’autopartage «prise de tête» semble appartenir au passé.
retrouve un réseau de partenaires emmené par la Migros et sa filiale pour la mobilité électrique M-way, un assureur ainsi que Mobility. A l’image de 2em, Sharoo
relie les propriétaires de véhicules avec les
personnes qui aimeraient en louer. L’originalité du système est que le partage se
fait sans remise des clés. Un « kit d’accès », qui repose sur une application pour
smartphones, permet à lui seul de réserver la voiture, de la localiser et même
d’ouvrir ses portes. De plus, Sharoo a
réussi à résoudre le problème de l’assurance en proposant, avec son partenaire
assureur, une protection tous risques.
Pour un développement étape par
étape, Eva Lüthi, directrice de Sharoo,
indique travailler par régions : « Depuis
mai, nous avons reçu quelque 3000 inscriptions. Nous avons débuté avec les
villes de Zurich, Berne et Lucerne, suivies
de Bâle, Winterthour et Saint-Gall en
juillet. Actuellement, nous faisons notre
entrée autour de Coire, Olten-Aarau-Baden ainsi que de Bienne-Soleure-Langenthal. Dans ces régions, nous recrutons
des propriétaires de voitures ‹ pionniers›,
qui reçoivent le kit d’accès Sharoo gratuitement (au lieu de 399 francs). »
Pour Eva Lüthi, l’autopartage en
Suisse a beaucoup de potentiel, même si
on reste encore prudent quand il s’agit de
prêter son automobile : « Nous sommes
convaincus que notre service n’entre pas
en concurrence avec Mobility. Il y a de
la place pour les deux modèles. Afin que
les Suisses puissent proposer leur voiture
en toute sécurité sur la plate-forme, nous
avons investi beaucoup de temps dans le
but de réduire les barrières à l’entrée et
de maximiser la confiance. Au final, c’est
toujours le propriétaire de la voiture qui
garde le contrôle. Il décide quand, comment et avec qui il souhaite partager son
véhicule.»
Liens utiles
www.2em.ch
www.cartribe.ch
www.sharoo.com
2
Veronica DeVore, «Chambre, voiture, parking: tout se partage sur le web»,
swissinfo.ch, 12 février 2014.
18
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
DOSSIER
Autopartage
Perspectives réjouissantes : Ruedi Ursenbacher
de l’association d’autopartage entre particuliers
« Regenbogen» (arc-en-ciel).
La voiture du quartier
Depuis plus de 20 ans, à Mühlethurnen dans le canton de
Berne, une vingtaine d’habitants se partagent une seule et même
voiture. Une initiative économique qui a valeur d’exemple.
Texte et photo: Stefanie Stäuble
E
n 1993, cinq habitants de Mühlethurnen se sont décidés à partager une
seule et même voiture. A cette époque,
Mobility en était à ses balbutiements et
ne proposait pas ses prestations dans ce
village à mi-distance entre Thoune et
Berne. Aujourd’hui la situation est différente, puisque la place de la gare abrite
désormais un emplacement Mobility. Dès
lors, pourquoi la coopérative d’habitation
«Regenbogen » (arc-en-ciel) maintientelle son système privé d’autopartage?
« C’est bien plus commode quand la
voiture est stationnée devant la porte»,
explique Ruedi Ursenbacher, co-instigateur de l’autopartage. Mais pour lui, la
principale motivation de l’autopartage
entre particuliers était et reste l’approche
communautaire. «La vie anonyme ne
m’intéresse pas. Je préfère au contraire
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014
vivre dans une communauté où on partage les biens et les aventures. Il n’est pas
nécessaire qu’une voiture m’appartienne
à moi tout seul. » Dans la coopérative
d’habitation, l’autopartage fonctionne
impeccablement. Comme le lotissement
se trouve tout près de la gare, le véhicule
n’est pas sollicité à outrance et personne
n’exagère. Ceci est dû, notamment, à la
forme de l’association. « Nous avons fixé
des règles claires dans les statuts. Ainsi,
chaque mois, un tirage au sort désigne
la personne chargée des nettoyages et un
membre du comité a la responsabilité de
conduire la voiture au garage pour les
services, etc.»
Une solution économique
Ruedi Ursenbacher, en sa qualité de professionnel des assurances – il est souvent
l’invité de l’émission Kassensturz (« A
bon entendeur » de la TV alémanique)
et conseille l’ATE dans le domaine – n’a
eu aucune peine à choisir la bonne couverture d’assurance. « Bien évidemment
nous avons besoin d’une casco complète.
De même, nous avons opté pour une protection bonus supplémentaire. Cependant, les sinistres sont rares et il s’agit
généralement de petits dégâts de parcage.
Mais comme les finances de l’association sont bonnes, nous pouvons même les
payer avec notre propre caisse.»
Qu’en est-il des coûts, comparés à ceux
d’une voiture particulière et de Mobility ?
« Ils sont avantageux », constate Ruedi
Ursenbacher. « Nous payons 60 cts/km,
essence comprise. En cas de solde positif en fin d’année, nous le restituons à
nos membres. L’année dernière, le tarif
était, en fin de compte, de 50 cts/km. »
Ce remarquable rapport prix/prestation
est, notamment, dû au fait qu’il n’y a ni
frais administratifs ni frais de nettoyage.
« Nous en sommes à notre troisième voiture d’occasion et nous comptons sur une
durée d’utilisation moyenne de sept à
huit ans.»
Compte tenu de ce bilan positif, on
peut regretter qu’il n’y ait pas davantage d’autopartage entre particuliers.
« Je ne connais pas d’autres associations
comparables à la nôtre » s’étonne Ruedi
Ursenbacher. « Pour les consommateurs,
Mobility est la solution idéale. Mais aujourd’hui cette entreprise d’autopartage
est en situation de monopole. Elle a absorbé bon nombre de petites entreprises
de la branche qui, malgré de bonnes
idées, ne sont pas parvenues à se maintenir sur le marché suisse. »
Fondez votre autopartage privé
« Un système d’autopartage entre particuliers n’est ni
compliqué, ni source de conflits », affirme Ruedi Ursenbacher
après 21 ans d’expérience. « Il faut simplement des règles
claires et un effectif de membres suffisant. Et, au départ,
il s’agit de définir les besoins effectifs. »
Envisagez-vous de créer un système d’autopartage entre
particuliers ? Sur son site www.autopartage.ch, l’ATE vous
propose un contrat type, ainsi que des modèles de calcul des
coûts d’exploitation et des conseils en matière d’assurances.
19
DOSSIER
Autopartage
En route pour le covoiturage 2.0
Autre forme de mobilité collaborative, le covoiturage reste marginal en Suisse.
Mais il pourrait prendre un virage à 180 degrés grâce à de nouveaux outils, reposant
sur les technologies mobiles.
tooxme.com
Cette application pour smartphones relie en temps réel passagers et conducteurs dans le but de partager un trajet.
Tooxme se distingue du covoiturage par
le fait qu’il répond à un besoin immédiat,
non-planifié et sur de courtes distances
(7 km en moyenne). Les frais de trajet à la
charge du passager s’élèvent à 1 franc par
km. Entre 50 et 70% de cette somme sont
octroyés au conducteur, le solde est prélevé par Tooxme. Olivier Perrotey, directeur: «Notre service redéfinit la manière
de nous déplacer en utilisant la capacité
excédentaire que représentent les sièges
à vide dans chaque voiture. Tooxme vise
à optimiser l’utilisation du parc automobile pour des gains écologiques et économiques ainsi que pour une réduction du
trafic. » Tooxme compte 21 000 utilisateurs en Suisse romande, principalement
à Lausanne et Genève. Objectif à terme :
l’ensemble de la Suisse.
e-covoiturage.ch
La plate-forme gratuite de covoiturage
venue de Suisse romande se destine aux
personnes recherchant ou proposant des
trajets réguliers, tels que les pendulaires.
Elle est aussi très prisée lors de manifestations, comme les festivals, grâce à
son système de remplissage automatisé
des voitures. Président de l’association,
Jean-François Wahlen annonce 19 000
membres en Suisse, dont plus de 3000
utilisateurs réguliers. A ses yeux, en matière de covoiturage, « la Suisse compte
dix ans de retard par rapport à un pays
Alors que l’autopartage consiste à se prêter une voiture, le covoiturage est l’utilisation
simultanée d’un véhicule par plusieurs personnes qui effectuent ensemble le même trajet.
comme la France, parce que les pouvoirs
publics ne s’impliquent pas suffisamment
à en faire la promotion. »
carpooling.com
Basé à Munich, voici le premier portail
de covoiturage en Europe, avec six millions de membres annoncés et 900 000
trajets quotidiens. En Suisse, il est principalement utilisé outre-Sarine. Simon
Baumann, responsable presse, estime
que le covoiturage dans notre pays devrait connaître une forte croissance : « La
plupart des Suisses ont un smartphone et
je suis sûr qu’ils sont aussi prêts à ouvrir
les portes de leur voiture et à partager un
bout de trajet. » A l’image des autres plateformes, carpooling.com s’investit dans le
développement d’applications mobiles:
« C’est simplement très pratique de pouvoir offrir ou réserver un trajet quand on
est en déplacement. »
© Jérôme Faivre
karzoo.ch
20
Karzoo est une plateforme de covoiturage gratuite, développée au Luxembourg
et visant toute l’Europe, dont la Suisse.
Elle s’adresse aux particuliers pour leurs
déplacements domicile-travail et de loisirs, et aux entreprises souhaitant intégrer le covoiturage à leur plan de mobilité. Baptiste Hugon, directeur associé, est
persuadé que la Suisse est propice au covoiturage : « A l’instar du Luxembourg,
c’est un pays attirant de nombreux travailleurs frontaliers. D’où l’existence de
problématiques de mobilité similaires,
comme l’engorgement des axes routiers.
Il est donc important d’offrir une solution de covoiturage aux automobilistes,
afin qu’ils profitent d’un mode de transport plus économique, convivial et écologique. » Karzoo annonce 50 000 utilisateurs en Europe.
ATE MAGAZINE / SEPTEMBRE 2014