Allemagne : aider encore un peu la Grèce

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Allemagne : aider encore un peu la Grèce
Apériodique – n°15/04 – 20 janvier 2015
Allemagne : aider encore un peu la Grèce ?
 Les fonds publics mis à disposition de la
Grèce par les pays de la zone euro sont
significativement
élevés.
La
position
allemande de premier garant auprès du
fonds de stabilité européen l’expose à des
appels au financement supplémentaires.
 Les marges de manœuvre du gouvernement
grec sont étroites et les créanciers peu
enclin à accorder davantage.
 L’éventualité d’une renégociation de la dette
grecque inquiète particulièrement outreRhin. Pour l’Allemagne, l’enjeu est triple :
éviter la remise en cause du modèle
d’austérité, empêcher la division politique
qui profiterait surtout à l’AFD (parti
eurosceptique), et enfin, nourrir le débat sur
la mise en place d’un QE souverain par la
BCE.
Une exposition à la dette grecque
élevée
La dette grecque s’élève à 321 Mds € (soit 175%
du PIB) dont la majeure partie est détenue par des
créanciers publics européens pour un montant de
194,7 Mds € (soit 60,5% de la dette globale). Ce
montant provient, d’une part, des prêts octroyés à
travers le programme EFSF pour 141,9 Mds € (soit
44% de la dette) et, d’autre part, de prêts
bilatéraux à hauteur de 52,9 Mds € (soit 16,5% de
la dette). Les autres principaux détenteurs de la
dette sont le FMI pour 32,1 Mds € et la BCE pour
25 Mds €. Au total, les sommes engagées par ces
créanciers englobent 80% de la dette grecque.
Études Économiques Groupe
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Structure de la dette grecque par détenteurs, en
Mds €
banques
grecques
10,9
FMI
32,1
BCE
25,0
bq. centrale
grecque
4,3
321,7
Mds €
créditeurs
publics
(EFSF)
141,8
autres
54,7
prêts
bilatéraux
52,9
Sources : BCE, EFSF, Crédit Agricole S.A.
Le financement du fonds européen de stabilité
étant assuré par les pays de la zone euro en
proportion de la taille de leur PIB, les pays les plus
importants se retrouvent, de facto, les plus
exposés à la dette grecque. L’Allemagne en
premier lieu, mais aussi la France, l’Italie et
l’Espagne ont, à ce titre, engagé des fonds
conséquents.
Sur les 194,7 Mds € d’argent public prêté à la
Grèce, l’Allemagne en concentre 56,5 Mds €,
soit 29% des aides avancées. La contribution
allemande se compose de 41 Mds € provenant
des fonds EFSF et de 15,2 Mds € de prêts
bilatéraux. En prenant en compte les différents
prêts accordés aux banques grecques (4,6 Mds €)
et aux entreprises ou individus privés (3,6 Mds €),
l’exposition globale de l’économie allemande à la
dette grecque atteint 64,7 Mds €, soit 2,4% du PIB
allemand.
Philippe VILAS-BOAS
[email protected]
Mds €
200
160
194,8 €
24,8
120
37,3
80
42,4
40
Aides publiques des pays de la zone euro
à la Grèce, en Mds €
Prêts des différents pays
de la zone euro à la Grèce
fonds du EFSF
141,9 €
18,1
27,3
31,0
56,5
41,3
0
total
Allemagne
Espagne
Autriche
fonds EFSF
France
Pays-Bas
Finlande
52,9 €
10,0
11,4
15,2
prêts bilatéraux
Italie
Belgique
autres
Sources : EFSF, Crédit Agricole S.A.
Un retour difficile à la table des
négociations
Dans la pratique, les marges de manœuvre du
futur gouvernement grec sont limitées. En effet,
une ligne de crédit contingente de 10 Mds €
(provenant de l’ESM) devrait prendre le relai de
l’actuel programme de soutien qui se termine fin
février. Or, sans ces fonds publics et le respect
des recommandations de Bruxelles qui leur
sont rattachées, la poursuite d’émissions
obligataires sur le marché ne pourrait être
reconduite. Cette situation remettrait en cause le
remboursement du nominal auprès des prêteurs
officiels et l’éligibilité du pays au système
d’emprunt de l’euro système.
La restructuration d’un tiers de la dette grecque,
comme proposée par le parti Syriza paraît peu
vraisemblable car elle obligerait les créanciers
publics à accuser des pertes certes soutenables,
mais délicates à justifier du point de vue politique.
Toutefois, sous cette hypothèse, l’Allemagne
pourrait ainsi faire une croix définitive sur plus
de 20 Mds €.
Le futur gouvernement de coalition grec perd peu
à demander une renégociation de sa dette vis-àvis des créanciers publics. Différentes pistes pour
alléger le fardeau grec peuvent être exploitées.
Tout d’abord, la réduction du spread sur Euribor
appliquée sur les prêts bilatéraux, permettrait de
réduire le taux d’intérêt pratiqué et le coût global
de l’emprunt. Ensuite l’allongement de dix ans des
maturités sur les prêts bilatéraux et EFSF,
allégerait les remboursements annuels.
Un processus de négociations long et complexe
devra donc être entamé, afin de trouver une
solution pérenne à la soutenabilité à long terme de
la dette grecque.
N°15/04 – 20 janvier 2015
Allemagne
France
Italie
Espagne
Pays-Bas
Belgique
Autriche
Finlande
Slovaquie
Slovénie
Estonie
Luxembourg
Malte
Chypre
Grèce
Irlande
Portugal
Total en Mds €
41,3
31,0
27,3
18,1
8,7
5,3
4,2
2,7
1,5
0,7
0,4
0,4
0,1
0,0
0,0
0,0
0,0
141,9
prêts bilatéraux
15,2
11,4
10,0
6,7
3,2
1,9
1,6
1,0
0,0
0,2
0,0
0,1
0,1
0,1
0,0
0,3
1,1
52,9
total
56,5
42,4
37,3
24,8
11,9
7,2
5,8
3,7
1,5
1,0
0,4
0,5
0,2
0,1
0,0
0,3
1,1
194,8
Sources : EFSF, Crédit Agricole S.A.
Un compromis
équilibre
plutôt
qu’un
L’Allemagne doit faire face à plusieurs enjeux de
taille.
Fédérer sur le cap à maintenir en matière de
finances publiques
Accepter une renégociation de la dette grecque
pourrait pousser d’autres pays en difficulté dans la
zone euro, à réclamer, eux aussi, une
renégociation de leur dette. Le Portugal dont la
dette atteint 129% du PIB en 2014, pourrait ainsi
demander de meilleures conditions d’emprunts et
des taux d’intérêt plus favorables. Egalement, le
dérapage des déficits publics en France, en
Espagne et au Portugal confirme que le modèle
d’austérité préconisé n’obtient pas l’adhésion
unanime des membres de l’Union.
Risques de dispersion politique
Sur le plan de la politique intérieure, les tensions
commencent à s’accentuer parmi l’aile droite de la
coalition (CDU-CSU) qui reproche à la chancelière
Merkel de mener une politique trop centriste au
détriment de son propre électorat. Le sentiment
d’avoir largement contribué au sauvetage des pays
« périphériques » et d’être soumis à un chantage
politique nourrit avant tout la montée des
extrêmes. La progression du parti eurosceptique
AFD, qui prône la dissolution de la zone euro, car
celle-ci est jugée responsable de l’explosion de la
dette allemande, est inquiétante. En effet, le parti
« alternative pour l’Allemagne », créé seulement
en 2013, obtient des sièges dans trois des seize
parlements régionaux (Brandebourg, Thuringe et
Saxe) et est représenté par sept députés au
Parlement européen. Egalement, le cas grec vient
raviver l’élan patriotique et anti-immigration porté
par le mouvement d’extrême droite Pegida.
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Philippe VILAS-BOAS
[email protected]
Garder un droit de regard sur la politique
monétaire européenne
Le risque politique grec alimente la réticence
allemande à l’égard de l’introduction d’un nouveau
programme de rachats d’actifs par la BCE ; celui-ci
étant considéré comme une mutualisation du
risque souverain. Or, le gouvernement estime que
les contribuables allemands ont assez fait les frais
de la mauvaise gestion des gouvernements des
pays du Sud en matière budgétaire. A cet égard,
les multiples interventions du président de la
Bundesbank, Jens Weidmann, et du ministre des
Finances, Wolfgang Schäuble, confirment la
volonté de poursuivre les réformes structurelles et
l’austérité budgétaire pour les pays non vertueux.
Les achats massifs de dettes souveraines
préconisés par la BCE pour relancer la croissance
en zone euro, pourraient voir ainsi leurs modalités
modifiées. Alors que l’on envisageait auparavant
des rachats indifférenciés de dette souveraine en
proportion du capital apporté à la BCE, les rachats
pourraient dorénavant ne porter que sur des
papiers à notation AAA, ou bien même,
abandonner le principe de partage des risques en
faisant porter le risque de défaut directement par
les banques centrales nationales. Cet ajustement
serait plus à même de lever les objections
allemandes sur l’introduction du QE. Et l’adhésion
de l’Allemagne à ce tournant de politique
monétaire proposé par la BCE est également
indispensable. 
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N°15/04 – 20 janvier 2015
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