Conférence au Musée Albert Kahn: Isabelle Oester
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Conférence au Musée Albert Kahn: Isabelle Oester
Conférence au Musée Albert Kahn: Isabelle Oester Présentation Le jardin est un « parc à scènes », émanation directe de la sensibilité et des idéaux de son auteur: créer un lieu symbolisant l'harmonie entre les peuples de la terre. Ce jardin-musée est une représentation symbolique de ce que pourrait être un monde en paix: des entités culturelles différentes et ouvertes aux autres, un « jardin mappemonde » dans lequel on peut voyager dans une promenade fluide. Aujourd'hui, il ne reste plus que trois parcs à scènes dans le monde dont celui-ci; seuls les anglais ont su conserver leur patrimoine en matière de jardins. A l'origine, il n'existe qu'une seule parcelle quand Albert Kahn devient propriétaire, le jardin à la française, puis petit à petit il va racheter maisons et jardins qui se trouvent autour. La propriété devient une entité à part entière au sein du quartier. A la mort d'Albert Kahn en 1940, la Kommandantur qui occupait la maison se sert des boîtes de plaques photographiques archivées pour caler les meubles. Kahn laisse une collection « muette » pour retracer sa vie, il ne restait pas grand-chose... Albert Kahn, son oeuvre Albert Kahn naît en 1860 en Alsace, dans une famille modeste. En 1870, l'Alsace est annexée à la Prusse et la famille émigre dans les Vosges. Pour le petit garçon, c'est un changement de langue, de culture, de territoire, qui le marquera pour sa vie. Il travaille pour financer lui-même ses études, place un peu d'argent à la bourse, devient riche, fonde sa banque et se retrouve quinzième fortune d'Europe. Homme d'affaires, il se rend au Japon, pays à l'origine de sa fortune (emprunts de guerre contre la Russie) et pays dont il se sent proche par affinité historique (annexions...). Entre 1908 et 1909 il effectue un tour du monde et passe par le Japon. Il y découvre une culture raffinée, des hommes blancs.... rapporte des images de ce pays et les montre à ses amis hommes de pouvoir. A l'époque, règne le colonialisme et l'idée que l'Europe apporte aux peuples LA civilisation. En échange d'un travail forcé gratuit et des matières premières, l'Europe offre la religion, la médecine, l'éducation... Le XIXéme siècle est le siècle de la connaissance du monde. C'est la naissance de l'encyclopédie, outil de connaissance et d'inventaire du monde, lié à la mutation des techniques. L'Europe amène sa culture dans un esprit d'universalisme et a totalement confiance en ses valeurs. En 1921, Roland Bonaparte réalise le premier catalogue ethnographique du monde, avec des photographies présentant « des groupes humains »; c'est une vision raciste des peuples au sens étymologique, dans un souci de classification (Darwin y mettra un bémol). Face à ces représentations arbitraires, Albert Kahn ressent fortement le besoin de changer les mentalités de l'époque et pour cela, il va se servir de la découverte de l'autochrome pour témoigner de la vie et de la culture des peuples du monde. Il veut pouvoir confronter une culture « théorique » à la réalité, par le moyen de la photographie. De plus les moyens de transports évoluent et deviennent plus rapides pour parcourir de longues distances et inventorier le monde. On cartographie les pays inconnus. Albert Kahn va créer des bourses d'études pour financer des voyages à des étudiants qui seront charger d'inventorier l'activité humaine sur terre. Il s'appuie sur l'émulation intellectuelle de la jeunesse qui a des idées neuves, pour faire passer sa vision pacifiste du monde, pris dans sa globalité. Entre 1909 et 1931 naissent « les archives de la planète » qui vont rassembler les témoignages de la diversité des peuples et des cultures, pour être montrées aux instances intellectuelles invitées chez lui. Regard amateur, regard scientifique Brève histoire de la photographie: 1827: Nicéphore Niepce obtient une « empreinte de la lumière » 1839: Daguerre invente le daguérréotype 1880: premières plaques de verre au bromure d'argent, « photos instantannées », plus de clientèle, plus de rapidité, et invention du cinéma, 1907: 1er brevet technique pour obtenir des photos en couleurs grâce à la fécile de pomme de terre. Mais ce procédé ralentit la prise de vue et les sujets doivent être immobiles. En 1908 , Albert Kahn envoie son chauffeur, Albert Dutertre se former à la photographie et à la chimie (à l'époque, les deux sont indissociables), en prévision d'une expédition autour du monde. Il complètera sa formation par un stage chez Pathé-cinéma. Le journal de bord d'Albert Dutertre, jeune homme de 25 ans ,voyageur novice montrera une multitude de prise de vues sans méthode d'investigation. Il prend tout en photo, car tout lui paraît exotique. En 1912, Kahn rencontre Léon Busy, militaire en poste en Chine et photographe. Ses plaques montrent un homme fasciné par ce pays, dont il apprendra la langue. C'est aussi le regard de quelqu'un qui s'est imprégné de l'amour des gens et des paysages. Il propose ses photos à Albert Kahn, mais n'a rien noté et n'a pas de carnet de voyage, ce qui rend l'identification des documents difficile. C'est un regard idéalisé en hommage à cette culture lointaine. A partir de 1912, Jean Bruhnes collabore avec Albert Kahn. Il est géographe et prend la Suisse comme sujet. Il s'intéresse au morcellement des identités culturelles, et aborde ce pays comme un laboratoire social. Il fait des campagnes photographiques pour illustrer ses cours au collège de France. A cette époque, la photo est une réalité découpée, et Kahn engage Bruhnes qui a une méthode de prise de vue. Il deviendra directeur scientifique des archives mondiales. « Jean Bruhnes ne connaît rien de la culture de l'autre ». Avec son regard de géographe, il va s'éloigner le plus possible des gens, faire des panoramiques et se rapprocher du sujet petit à petit. Au Maghreb, il part du littoral, entre dans les villes et approche les personnes. Il les prendra toujours de face, dans leurs activités quotidiennes, avec un souci d'authenticité. « L'autre est différent de moi; je m'en approche sans changer le contexte, pour sensibiliser les occidentaux à la proximité qui existe entre eux et nous... ». Bruhnes s'intéresse aux façons de se nourrir, se vêtir, se loger... au monde rural, aux ports, aux villages, à la maison, aux fêtes, cérémonies, etc... à tout ce qui crée du lien social. Il travaille à enrichir la géographie économique et sociale, politique et historique. Il ramènera aux archives de la planète 72000 images. Aujourd'hui, le musée fonctionne avec ce fond. Retranscription: Sylvie Girouard CPD arts visuels