"Situation financière : un endettement inquiétant" (été)

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"Situation financière : un endettement inquiétant" (été)
FOCUS AGRICOLE
ÉTÉ 2015
SITUATION FINANCIÈRE :
UN ENDETTEMENT INQUIÉTANT
Après deux années marquées par des résultats faibles, il est pertinent de faire un état des lieux des niveaux
d'endettement et d'investissement dans les exploitations agricoles de Meurthe-et-Moselle et de Meuse.
Quel a été l'impact des faibles résultats de ces dernières années sur la situation financière des
exploitations agricoles ?
ÉVOLUTION DES DETTES EN LORRAINE (en €/ha SAU)
1 800
1 691
521
569
1 440
1 436
1 467
440
431
455
490
115
108
105
121
153
161
885
897
907
914
961
961
2009
2010
2011
2012
2013
1 400
1 000
1 635
1 525
600
Source CERFRANCE ADHEO
UNE PROGRESSION RÉGULIÈRE DE L’ENDETTEMENT
200
0
Dettes - moyen à long termes (MLT)
Dettes - court terme bancaire (CT)
Fournisseurs
TENDANCES 2014
(base clôtures du 31/07/2014
au 30/04/2015)
L’endettement global des exploitations (hors compte courant d'associé) s’est accru de 17,5 % entre 2009 et 2014, soit 251 € en plus
par hectare. L’augmentation de la surface moyenne des exploitations durant la même période (+ 4,2 % en Meurthe-et-Moselle,
+ 6,5 % en Meuse) n’engendre donc pas d’économies d’échelle, qui auraient eu pour conséquence la dilution du montant des
dettes sur davantage d’hectares.
Les prêts bancaires moyen et long termes ont progressé de
UNE AUGMENTATION DE NATURE INQUIÉTANTE 76 €/ha, alors que l'actif immobilisé a, quant à lui, évolué de
138 €/ha. La différence a donc été financée par les reventes
d'immobilisations (cf. page 4).
ACCROISSEMENT DE L'ENDETTEMENT
70 % de l'augmentation de l'endettement (soit 175 €/ha) corresSUR LA PÉRIODE 2009-2014
pondent à des financements à court terme, habituellement
utilisés pour pallier le besoin en fonds de roulement. Les
"courts termes bancaires" ont ainsi progressé de 40 % entre
PRÊTS
PRÊTS
FOURNISSEURS
2009 et 2014, avec une très forte utilisation en 2012 et 2013.
BANCAIRES MLT BANCAIRES CT
Les dettes fournisseurs se sont également envolées de 29 %
129
€
(52
%)
76 € (30 %)
46 € (18 %)
sur la même période, avec un pic en 2014. Est-ce à dire que les
fournisseurs sont maintenant mis à contribution à défaut
251 €/ha de SAU (100 %)
des organismes bancaires ?
Si la faiblesse des revenus de certaines années, comme 2013 (cf. précédents "Focus agricoles"*), peut expliquer cette situation, le constat
sur 2012 doit trouver d’autres explications. En effet, l'année 2012, réputée comme étant "bonne", voit les dettes "courts termes bancaires"
et "fournisseurs" progresser de 23 % par rapport à l'année antérieure, soit 51 € en plus par hectare.
Une piste d'explication possible : la "cote d’espoir" des exploitants. Une ou plusieurs "bonnes années"
d’affilée feraient oublier les mauvaises, doperaient la cote de confiance des exploitants dans l’avenir et
laisseraient entrevoir des capacités de remboursement d’emprunt plus importantes...
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DES CONSÉQUENCES PESANTES POUR L'AVENIR
Face au constat d'un endettement
grandissant, il est nécessaire de se
pencher sur les capacités des exploitants agricoles à rembourser
ces dettes. Pour cela, nous avons
traduit ces dettes en nombre d'années de capacités à rembourser.
481 €
Moyenne EBE*/ha sur la période 2009-2014 (tous systèmes confondus)
Prélèvements privés/ha (estimés à 45 % de l'EBE)
Ce chiffre comporte également le remboursement des annuités des prêts
privés servant à financer l’acquisition du capital professionnel
217 €
24 €
Il apparaît que l'endettement 2014
représente 7 années de capacités de
remboursement, contre 6 années en
2010.
Marge de sécurité (estimée à 5 % de l'EBE)
Solde disponible/ha pour rembourser les dettes
240 €
* EBE = Excédent Brut d'Exploitation = solde entre les recettes et les
dépenses courantes
L'ENDETTEMENT 2014 REPRÉSENTE
L'ENDETTEMENT 2010 REPRÉSENTE
ENDETTEMENT
LONG TERME
ENDETTEMENT
COURT TERME
TOTAL
ENDETTEMENT
LONG TERME
ENDETTEMENT
COURT TERME
TOTAL
ANNÉES
44 ANNÉES
ANNÉES
33 ANNÉES
ANNÉES
77 ANNÉES
3,7ANNÉES
ANNÉES
4
2,2ANNÉES
ANNÉES
3
ANNÉES
76 ANNÉES
DE CAPACITÉS DE REMBOURSEMENT
DE CAPACITÉS DE REMBOURSEMENT
Méthodologie : nombre d'années de capacités de remboursement = dette globale 2014 par hectare / capacité de remboursement
= 1 691 / 240
= 7 années
L'ENDETTEMENT PAR SYSTÈME DE PRODUCTION
ÉVOLUTION DES DETTES PAR SYSTÈME DE PRODUCTION À ÉCHANTILLON CONSTANT (en €/ha SAU)
- 2,6 %
1 500
1 000
500
+ 2,9 %
- 3,7 %
2 000
2 074
2 021
1 450
1 396
1 452
1 496
676
710
505
505
404
148
444
145
134
172
900
880
1 253
1 177
2013
TENDANCES 2014
2013
TENDANCES 2014
149
154
796
737
2013
TENDANCES 2014
0
CÉRÉALES PURES
CÉRÉALES - VIANDE
LAIT - CÉRÉALES
Surface de 164 ha de céréales
et d’oléo protéagineux
Surface agricole de 253 ha dont 159 ha en
cultures de vente, un atelier de 74 vaches
allaitantes naisseurs sans engraissement
Surface agricole de 163 ha dont 85 ha en
cultures de vente + 55 vaches laitières pour un
quota de 420 000 litres (pas d’engraissement)
Dettes - moyen à long termes (MLT)
Dettes - court terme bancaire (CT)
Fournisseurs
La comparaison de l’endettement total par hectare entre les systèmes doit être relativisée. En effet, les surfaces affectées à la production
laitière sont souvent réduites ; les investissements nécessaires à cet atelier, tout comme les revenus qu’il dégage, sont de ce fait plus
importants à l’hectare. Cependant, l’augmentation de l’endettement dans les systèmes laitiers peut engendrer un problème de garantie :
le foncier n’est parfois plus suffisant pour garantir les prêts.
Notons que l’endettement à long terme diminue dans les 3 systèmes représentés. Les fournisseurs sont en revanche davantage
mis à contribution : + 9,7 % en "Céréales viande" et + 5 % en système "Lait". La bonne année laitière 2014 explique sans doute la
diminution de 7,7 % des prêts à court terme.
Source CERFRANCE ADHEO
2 500
QUEL IMPACT SUR LES INVESTISSEMENTS RÉALISÉS ?
ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS EN LORRAINE (en €/ha SAU)
602
577
600
555
500
400
331
322
284
415
378
366
342
26
20
24
330
24
300
20
200
211
182
237
257
252
199
92
80
80
88
101
106
100
0
22
2009
2010
2011
Matériel
Bâtiments et installations
2012
Autres
407
2013
TENDANCES 2014
Investissements
EBE
Il existe un lien fort entre le niveau d’EBE dégagé et le montant des investissements :
- la mauvaise année 2009 se répercute en 2010 → les investissements chutent de 12 % entre les 2 campagnes ;
- les bonnes années 2010, 2011 et 2012 se répercutent respectivement en N+1 à hauteur de + 20 %, + 7 % et + 3 %, soit un accroissement des montants investis de 33 % entre 2010 et 2013 ;
- la décevante année 2013 impacte les investissements 2014 → les investissements baissent de 13 %.
La situation économique de l’année dicte donc les décisions d’investissements, au détriment d’une stratégie pluriannuelle
reposant sur un niveau de revenu moyen qui intègre les variations de revenus potentielles.
Pour autant, il n’est pas envisageable d'en déduire qu’une partie de ces investissements sont des "investissements plaisirs". Ils peuvent en
effet répondre à des objectifs variés :
- réduire les temps de travaux et, indirectement, le coût de la main-d’œuvre ;
- se préparer à produire des volumes plus importants ;
- etc.
Dans tous les cas, l’important est que ces investissements soient cohérents avec la stratégie des exploitants ET compatibles
avec leur situation financière. Malheureusement, il est pour le moment difficile d’intégrer ces objectifs dans des études macroéconomiques ; il faudrait préalablement que chaque exploitant soit en mesure de les identifier clairement.
1ER POSTE D'INVESTISSEMENT : LE MATÉRIEL
Le premier poste d'investissements reste le matériel. Le lien exposé précédemment entre le niveau d’EBE vaut également pour le
matériel : plus le niveau d’EBE dégagé est important, plus la part des investissements dans ce domaine est importante dans le montant
total des investissements.
POURCENTAGE D'INVESTISSEMENTS MATÉRIELS
DANS LE TOTAL DES INVESTISSEMENTS
COÛT D'ACHAT DU MATÉRIEL :
QUELLE ÉVOLUTION ?
ANNÉES QUI SUIVENT
UNE "MAUVAISE" ANNÉE
Indice mensuel brut des prix d'achat des moyens de
production agricole (IPAMPA) - matériels agricoles
120
+ 0,8 % + 1,7 %
+ 1,4 % + 0,8 %
+ 1 % + 2,4 %
100
80
60
40
20
0
Mai 2009
Mai 2010 Mai 2011 Mai 2012 Mai 2013
Mai 2014 Mai 2015
Source INSEE
+ 8,5 %
ANNÉES QUI SUIVENT
UNE "BONNE" ANNÉE
2010
2014
2011
2012
2013
64 %
60 %
69 %
70 %
67 %
Pour mieux juger les dépenses d’acquisition de matériel, il est
nécessaire de prendre en compte l’évolution du coût d’achat
des matériels (cf. encadré ci-contre). Il apparait une absence de
corrélation entre l'évolution des investissements matériels et
l’indice d’évolution de leur prix d’achat.
À noter : l’augmentation des prix s’accompagne généralement d’une évolution
technologique permettant des débits de
chantiers plus importants et/ou davantage
de confort au travail.
Source CERFRANCE ADHEO
700
INVESTISSEMENTS NETS DES REVENTES D'IMMOBILISATIONS
Il est important de prendre en compte les reventes d'immobilisations car elles
viennent financer une partie des nouveaux investissements.
NIVEAU D'INVESTISSEMENTS MATÉRIELS
PAR SYSTÈME DE PRODUCTION
PART DES REVENTES D'IMMOBILISATIONS DANS LES INVESTISSEMENTS
PAR SYSTÈME DE PRODUCTION EN 2013 (en €/ha)
400
429
392
287
300
100
378
354
272
200
72
75
85
CÉRÉALES VIANDE
LAIT CÉRÉALES
ENSEMBLE
0
CÉRÉALES
PURES
GRANDES
STRUCTURES
Solde à financer/ha
Reventes d'immobilisations
LAIT CÉRÉALES
261 €/ha
293
215
120
CÉRÉALES PURES
290 €/ha
Investissement/ha
Source CERFRANCE ADHEO
500
CÉRÉALES - VIANDE
GRANDES STRUCTURES
226 €/ha
Un produit d’environ 80 euros par hectare est ainsi
dégagé dans les systèmes "Céréales - viande" et
"Lait-céréales". Il est supérieur d’une quarantaine
d’euros dans les systèmes céréaliers, ce qui
est cohérent avec le niveau d’investissements
matériels par hectare de chacun de ces 3 systèmes
(voir encart ci-dessus).
ADÉQUATION ENTRE INVESTISSEMENTS ET RESSOURCES
500
322
300
200
67 %
342
366
378
71 %
76 %
78 %
2011
2012
2013
330
284
59 %
69 %
Source CERFRANCE ADHEO
400
481
100
0
2009
2010
Investissement/ha
2014
Moyenne EBE/ha 2009-2014
En moyenne, sur toute la période représentée, les investissements réalisés annuellement représentent 70 % des ressources dégagées.
Par conséquent, il reste 30 %, soit 144 € par hectare, pour couvrir les prélèvements privés et assurer une marge de sécurité permettant
d’amortir les variations annuelles de revenu.
En conclusion, les faibles revenus des deux dernières années impactent significativement la situation financière des exploitations
agricoles de Meurthe-et-Moselle et de Meuse : l'endettement, en nette progression, est essentiellement imputable à des
financements court terme, et notamment à des dettes fournisseurs, témoignant des difficultés de trésorerie de la profession.
L'avenir se trouve durablement impacté par les échéances de remboursement auxquelles il faudra faire face.
L'investissement, parfois nécessaire pour appuyer les stratégies mises en place, souffre des soubresauts de la conjoncture économique :
une approche pluriannuelle permettrait une vision plus long terme, gage de stabilité dans le pilotage de l'entreprise.
Sans préjuger des résultats 2015 - entre les bons rendements en céréales et l'impact de la
sécheresse -, plus que jamais, il sera nécessaire d'adopter un raisonnement pluriannuel pour
définir la bonne stratégie d'investissement et de financement.
CONSEIL - EXPERTISE COMPTABLE
www.cerfrance-adheo.fr
Service communication CERFRANCE ADHEO - Août 2015
INVESTISSEMENTS RÉALISÉS ANNUELLEMENT AU REGARD DE L'EBE PLURIANNUEL MOYEN
(tous systèmes confondus, données Meurthe-et-Moselle et Meuse)

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