Mésozoïque Park Bienvenue à l`âge suisse des dinosaures

Transcription

Mésozoïque Park Bienvenue à l`âge suisse des dinosaures
Mésozoïque Park
Bienvenue à l'âge suisse
des dinosaures
EDITO
Led pèred fetardd
C
> est un petit pas en
Démoralisant? Certaine­
direction de légalité
ment. Immuable? Nous le
hommes-femmes, mais un pas
vérifierons peut-être dans
symbolique, que nous ferons
deux autres décennies. Car la
le 17 juin prochain. Com­
situation semble moins figée
ment? Pas noté la date dans
que cette statistique cruelle ne
votre agenda? Et pourtant,
le laisse imaginer, comme le
Jocelyn Rochat
nous célébrerons ce jour-là
montre l'évolution spectacu­
Rédacteur en chef
la première «Fête des pères»
laire des «nouveaux grandssuisse. Du moins, la première manifes­
pères». Bon nombre de ces jeunes retrai­
tation officielle de ce genre, puisque
tés ont a u j o u r d ' h u i p o u r l e u r s
nombre d'entre nous ont déjà bénéficié,
petits-enfants des disponibilités qu'ils
ces dernières années, des retombées de
n'ont pas eues pour leurs propres enfants.
la Fête des pères, qui est célébrée en
Ces seniors qui réinventent le troisième
France voisine depuis 1952.
âge y expérimentent aussi des tâches
nouvelles: changer des couches, prépa­
Mais combien d'entre nous méritent
rer des minestrones, fredonner des ber­
vraiment cette attention, avec, on l'es­
ceuses
et jouer au train en bois. Quand
père, la promesse d'une grasse matinée
on
ne
les
croise pas, eux aussi, sur le che­
et d'un petit-déjeuner au lit apporté par
min
de
l'école.
des enfants souriants? Terriblement peu,
si l'on en croit les statistiques rapportées
par des experts de l'UNIL dans ce
numéro d'«Allez savoir!» (c'edtà lire en
page 16). A cette aune cruelle, les «nou­
veaux pères» suisses ne seraient que 2 %.
Un chiffre ridiculement bas, tant cette
figure du papa poule s'apparente depuis
longtemps à un cliché publicitaire.
Deux pour cent. Le chiffre est d'au­
tant plus difficile à croire quand on
accompagne ses enfants à l'école tous
les matins, et que l'on croise un bon
tiers de pères sur le trajet. Pourtant,
les chiffres sont têtus. Si quatre décen­
nies se sont écoulées depuis 1968, les
inégalités continuent à se creuser dans
les couples, même modernes, dès que
les enfants paraissent. S u r un mode
apparemment mécanique. Parce que la
répartition des tâches s'opère alors
après une analyse comparative des
salaires du mari et de son épouse.
Ces nouveaux grands-pères décou­
vrent un rôle qu'ils n'auraient jamais ima­
giné jouer, eu égard à l'éducation qu'ils
ont reçue. Ce nouveau statut, ils l'ont
investi progressivement, en regardant
leurs fils à l'œuvre. D'abord avec amu­
sement. Puis avec un zeste de regret.
Avant de découvrir que s'occuper des
enfants pouvait être un plaisir, et de s'ini­
tier avec enthousiasme.
La chance de cette génération de nou­
veaux grands-pères aura été de se voir
offrir une séance de rattrapage. Reste à
savoir si leur présence auprès des petitsenfants servira de modèle aux petits gar­
çons, pour nous permettre de franchir un
pas moins symbolique et plus significa­
tif vers un monde plus égalitaire. On doit
l'espérer, au moment de leur souhaiter,
à eux aussi, leur première véritable «Fête
des pères».
Jocelyn Rocbat
Magazine de l'Université
de Lausanne :
№ 3 8 , mai 2007
Collaborateurs: Sonia Arnal,
Pierre-Louis Chantre, Elisabeth Gilles,
Elisabeth Gordon, Muriel Ramoni
Correcteur: Albert Grun
Tirage 27'000 exemplaires
48'400 lecteurs
(Etude M.I.STrend 1998)
Photographies: Nicole Chuard,
Denis Balibouse
http://www.unil.ch/unicom/
page6524.html
Photos de couverture :
Allosaure: Muséum d'histoire naturelle,
Neuchâtel
Heroes : NBC
Médecine: www.photos.com
Société : www.photos.com
Publicité: EMENSI publicité,
Cp 132,1000 Lausanne 7
Tél. 078 661 33 99
E-mail: [email protected]
Rédaction :
Rédacteur en chef:
Jocelyn Rochat, journaliste
au Matin Dimanche
Infographie: Stéphanie Wauters
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
Concept graphique:
Richard Salvi, Chessel
Imprimerie IRL
1020 Renens
Editeur responsable :
Université de Lausanne
Marc de Perrot, secrétaire général
Jérôme Grosse, resp. Unicom
Axel A. Broquet, adjoint
Florence Klausfelder, assistante
Unicom, service de communication
et d'audiovisuel - Université de Lausanne
Amphimax -1015 Lausanne
tél. 021 692 22 80
[email protected]
2 0 0 7
1
s,onimaire.
•
Edito
Allez davoir
EN A PARLÉ !
Les dons, les poissons et
les évangélistes
page 1
L ' U N I L en livres
page 4
Courrier des lecteurs
page 7
MEDECINE
GEOSCIENCES
Le
37 degrés, c'est
une température que
l'on rencontre
fréquemment en été.
Et 37 degrés, c'est
aussi la température
à laquelle les scienti­
fiques font pousser les
germes qu'ils installent
dans leurs bouillons de
culture, dans les
laboratoires. Normal,
dès lors, que les micro­
organismes s'épanouis­
sent et prolifèrent
rapidement sur les
viandes que nous po­
sons sur nos barbecues
comme dans celles qui
donnent du goût aux
sandwiches de nos
pique-niques estivaux.
Voici pourquoi chaque
été nous apporte son
lot de gastro-entérites
d'origine alimentaire.
Dans ce numéro,
vous découvrirez les
principales sources
d'infections, et les
moyens de vous
prémunir des
infections dues au
campylobacter et aux
salmonelles, ainsi
que des troubles
intestinaux provoqués
par les shigelles et les
Escherichia coli.
Pour cela, foncez en
page 8, et surtout,
il 'oubliez pad de cuire
longuement led viande*)
que voud allez placer
dur vod barbecued.
2
suisse des dinosaures
Pique-niques, barbecues : gare aux
bactéries de l'été
page 8
ue pouvons-nous faire pour sauver des vies? Dans le
numéro 33 d'«AUez savoir!», en octobre 2005 ( 1 ) , nous
avons listé les réponses à cette question. Donner du sang, des
plaquettes, des cellules et des organes. A l'époque, nous
constations déjà que la Suisse figurait à la traîne des pays euro­
péens en la matière. La situation ne s'est malheureusement pas
arrangée en 2006. Les dons du sang ont encore baissé de 1%,
et le nombre de donneurs d'organes a également diminué l'an
dernier. Reste à espérer que la nouvelle Loi fédérale sur la trans­
plantation d'organes, qui entre en vigueur le 1 juillet pro­
chain, change la donne.
SCIENCES
Bienvenue au Mésozoïque, le parc
danger
O
Sommes-nous le stade ultime
de l'évolution?
page 24
N o t r e p a y s n'est p a s a u s s i c é l è b r e q u e l ' U t a h
( U S A ) , la M o n g o l i e ou la C h i n e . Et p o u r t a n t ,
il compte p l u s i e u r s sites d ' i m p o r t a n c e mondiale
qui n o u s r a c o n t e n t la vie d e s « t e r r i b l e s l é z a r d s »
et celle de l e u r s c o n t e m p o r a i n s , les g r a n d s r e p ­
RELIGION
tiles. P l o n g é e d a n s notre p r é h i s t o i r e .
Vive l'été, ses p i q u e - n i q u e s et b a r b e c u e s en
plein a i r ! Si elles p o u v a i e n t parler, c e r t a i n e s
b a c t é r i e s e n t o n n e r a i e n t , elles aussi, ce refrain.
C a m p y l o b a c t e r , s a l m o n e l l e s , s h i g e l l e s ou
E s c h e r i c h i a coli profitent de la c h a l e u r p o u r se
m u l t i p l i e r d a n s nos s a n d w i c h e s et nos g r i l l a d e s
mal cuites, p r o v o q u a n t des g a s t r o - e n t é r i t e s . Les
e x p l i c a t i o n s et les conseils de d e u x c h e r c h e u r s
de l ' U N I L p o u r s'en p r é m u n i r .
page 52
L a s é r i e T V « H e r o e s » d é b a r q u e à la mi-juin
s u r la T S R . Ce s u c c è s p r o g r a m m é nous montre
d e s ê t r e s h u m a i n s qui m u t e n t et se v o i e n t sou­
d a i n d o t é s de p o u v o i r s e x t r a o r d i n a i r e s . A
l ' i m a g e de ces h é r o s , s o r t i r o n s - n o u s un j o u r du
s t a d e homo s a p i e n s p o u r c h a n g e r d ' e s p è c e ?
L ' h y p o t h è s e n'est p a s s u r r é a l i s t e , ni l o i n t a i n e .
LA
VIE
À
Dans le dernier numéro d'«Allez savoir!» ( 2 ) , nous évoquions
les dégâts causés dans nos lacs p a r les lâchers clandestins
de g r a n d s p r é d a t e u r s comme les black-bass, les silures et les
sandres, qui viennent s'ajouter aux brochets pour nous dispu­
ter les filets de perches si appréciés durant tout l'été. Depuis,
des mesures ont été prises. Elles ont principalement visé les
brochets surabondants, dont la pêche a été autorisée ce prin­
temps, durant leur période de fraie. On ne saurait trop conseiller
aux amateurs de filets de perches de s'intéresser aux brochets,
une espèce malheureusement (pour les perches) et injustement
(ce sont de nombreux chefs qui nous le disent) sous-estimée
par les gastronomes.
L'UNIL
Formation continue
Abonnez-vous,
e r
page 61
c'est gratuit!
page 64
Près de 50'000. C'est le nombre de personnes qui ont signé une
pétition lancée l'hiver dernier par l'Union démocratique fédé­
rale contre la chanson de D J Bobo, «Les vampires sont vivants».
Parmi eux, bon nombre de chrétiens évangéliques. Qu'un si
petit parti ait pu réunir autant de signatures aussi vite a dû
surprendre plus d'un Suisse. Mais pas nos fidèles lecteurs du
numéro 31 d'«Allez savoir!», qui ont découvert l'extrême vita­
lité de ce courant religieux dans nos contrées. Cette interview
( 3 ) complétait d'ailleurs une enquête publiée dans le numéro
30 de ce magazine ( 4 ) , où nous évoquions le soutien des évan­
géliques à George W. Bush lors de sa deuxième campagne à
la présidence des Etats-Unis. Avant de rappeler que les évan­
géliques sont le courant religieux (islam compris) qui progresse
le plus depuis 1945. «L'affaire» D J Bobo, si bénigne et amu­
sante qu elle soit, vient de confirmer leur visibilité et leur mobi­
lisation croissantes.
SOCIETE
Pourquoi l'islam stimule notre
rapport à la religion
L'info
page 36
D é s o r m a i s i n s c r i t d a n s le p a y s a g e s u i s s e , l ' i s ­
l a m s u s c i t e r é g u l i è r e m e n t d e s r é a c t i o n s dont
la p r e s s e se fait l ' é c h o . M a i s a u fait, q u e l l e s
q u e s t i o n s ? S e p o u r r a i t - i l q u e l ' i s l a m revivifie
la foi c h r é t i e n n e ? L e s r é p o n s e s de trois s p é ­
c i a l i s t e s de l ' U N I L .
INTERVIEW
Quand la justice
était rendue par des gens qui se
méfiaient des juristes!
En 2007, les hommes au foyer ne sont plus déses­
pérés, m a i s ils restent r a r e s . C e s «exceptions
statistiques» seront n é a n m o i n s r é c o m p e n s é e s le
17 juin prochain, p u i s q u e la S u i s s e c é l é b r e r a la
p r e m i è r e Fête des pères. Q u a n t a u x femmes qui
dirigent des entreprises, une étude réalisée à
l ' U N I L montre qu'elles sont e x a g é r é m e n t féli­
citées q u a n d ça m a r c h e , et e x a g é r é m e n t criti­
q u é e s lorsque les objectifs ne sont p a s atteints...
A u M o y e n - A g e , ce n ' é t a i t p a s la loi, m a i s d e s
c o u t u m e s qui r é g i s s a i e n t la vie d e s R o m a n d s .
Elles é t a i e n t a p p l i q u é e s p a r d e s g e n s c o n s e r ­
v a t e u r s qui faisaient d a v a n t a g e a p p e l a u bon
s e n s . Le g r a n d s p é c i a l i s t e de ces p r a t i q u e s ,
J e a n - F r a n ç o i s Poudret, raconte.
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
comme
le en
découvrirez
page 16.
voiu»
Dans le couple, en famille,
au travail... voici ce qui a (un peu)
changé depuis les années 1960 ... page 16
ALLEZ
A priori, les nouveaux pères sont partout. Dans la pub, dans les feuilletons
TV et dans les cours d'école, le matin,
au moment d'y accompagner les
enfants. Partout? Sauf dans les statistiques, où ces
nouveaux pères
ne sont que 2 %,
page 44
Joceiyn Rachat
(1) «Tout ce que vous pouvez donner pour sauver des vies»,
«Allez savoir!», № 33, octobre 2005, sur Internet
à l'adresse:
www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as33/pages/5_organes. html
(2) «Ces lâchers clandestins de poissons qui malmènent nos
lacs», «Allez savoir!», № 37, février 2007, sur Internet
à l'adresse:
www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as37/pages/6.poissons.html
(3) «Les évangéliques sont en nette croissance par rapport aux
autres Eglises en Suisse», «Allez savoir!», № 31, février
2005, sur Internet à l'adresse:
www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as31/pages/interview.html
(4) «A quel Dieu George W. Bush se voue-t-il?»,
«Allez savoir» № 30, octobre 2004, sur Internet
à l'adresse:
www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as30/pages/religion. html
L'UN
Littérature et sciences
sociales
Ce numéro spécial de la revue «a
contrario» vise à encourager le
dialogue interdisciplinaire entre
deux champs d'étude qui se sont
souvent tourné le dos, les
sciences sociales et la littérature,
afin de réfléchir sur ses modalités dans l'espace romand et sur
les profits heuristiques que l'on
peut espérer en tirer.
Ce dialogue est loin d'être facile
à établir, car il se fonde sur un
arrière-plan souvent polémique.
D'un côté, c'est la littéralité
IL
même des œuvres qui semble
d'entrée les soustraire à l'investigation des sciences sociales.
Pour les littéraires, le texte
acquiert sa légitimité en tant
qu'objet d'étude par le biais d'un
primat donné à la visée esthétique, qui l'extrait du même coup
du champ des discours sociaux et
lui confère un caractère de singularité irréductible. D'un autre
côté, les chercheurs en sciences
sociales peuvent avoir tendance
à traiter l'objet littéraire comme
n'importe quel objet culturel,
sans saisir alors l'intérêt de ce
en
I
tiered..
champ d'étude particulier pour
leurs propres travaux, notamment
sous l'angle de la problématisation des questions concernant
l'écriture et la lecture des textes.
(Extrait
de
l'éditorial!
«Littérature et sciences sociales
pV
dans l'espace romand», sous la direction
de Raphaël Baroni, Jérôme Meizoz et
Giuseppe Merrone, Antipodes, vol.4, no 2,
163 pages, 2006.
L'UNIL
a contrario
ti d>Wti du J>i tclpp—m. urban <
Numéro spécial :
Littérature et «ciance* sociale«
dan* l'capace romand
Sam la d'i trrrimt
de Raphail Baroni, Jérôme Mtizoz
tt Giuseppe Mtmmt
Suspendus aux lèvres d'un conteur, incapables d'interrompre la
lecture d'un roman, captivés par
un film haletant, nous faisons
tous l'expérience quotidienne de
ce plaisir apparemment paradoxal que nous tirons de notre
insatisfaction provisoire face à un
récit inachevé. Bien qu'une mode
esthétique et théorique ait tenté
de nous convaincre que ce plaisir était honteux, on peut néanmoins avoir l'intuition que le cœur
vivant de la narratlvlté réside précisément dans ce nœud coulant,
toujours plus serré à mesure que
nous progressons dans l'histoire,
qui nous attache à l'intrigue et
creuse la temporalité par l'attente Impatiente d'un dénouement.
Cet ouvrage est issu de la thèse
de doctorat de Raphaël Baronl,
soutenue à l'UNIL en juin 2005.
Ed.
«La tension narrative» Suspense,
curiosité et surprise, Raphaël Baroni,
Collection poétique. Editions du Seuil,
438 pages. 2007.
Quêtes de santé.
Pour Mario Rossi, co-rédacteur de
cet ouvrage, la modernisation et
la globalisation de notre société
ont mené à «l'émergence d'un
pluralisme social et culturel, religieux et spirituel, soignant et
médical» dans lequel «la santé
n'est plus l'apanage exclusif de
la médecine».
Ce livre interroge les nouveaux
défis posés par cette pluralité. Il
analyse les discours et les pratiques des acteurs dans un
contexte d'offre et de demande
et étudie leurs jeux de concurrence et de complémentarité.
Cette publication est issue du colloque «Offres de guérison: concurrence ou complémentarité?»
tenu en février 2006, coorganisé
par l'Observatoire des religions
en Suisse, dont le siège est à
l'UNIL. Ed.
«Quêtes de santé. Entre soins
médicaux et guérisons spirituelles».
Nicole Durisch Gauthier, Mario Rossi,
Jôrg Stolz, Collection Religions et
modernités, Labor et Fides, 136 pages, 2007.
T
Raphaël Baroni
LA TENSION
NARRATIVE
tiit tilt tK.H.19 «
9 ifjJdHÉM •* ÉJwhppaJMPl
Qu'est
q u ' u n e
religion
Participation et
développement durable
d'un colloque en deux parties qui
s'est tenu à l'Université de Lausanne en novembre 2004 et à
Paris en juillet 2005. Ed.
«Le savoir des genres». Etudes réunies
et présentées par Raphaël Baroni et
Marielle Macé, 372 pages, PUR, 2007.
Dans le chapitre introductif de
son livre, Pierre Gisel interroge:
«Sait-on toujours ce qui fait la
frontière entre une religion, une
spiritualité, une sagesse ou une
recherche d'équilibre de vie, une
attitude réceptive à l'égard de ce
qui dépasse l'humain (le cosmos? des énergies? les astres?)?
ou le sujet que je suis, pris dans
des appartenances et des héritages (une généalogie? une tradition? une mémoire?)?
L'astrologie est-elle une religion?
une science? autre chose? et la
Scientologie? Dans la seconde
moitié du XX siècle, ¡1 y eut en
tous cas divers procès sur la
question de savoir si c'était une
Eglise (...).»
Après avoir décrit le paysage religieux contemporain et l'avoir
placé dans sa perspective historique, il en présente le statut, la
fonction et les enjeux.
Pierre Gisel est professeur de
théologie systématique à l'UNIL.
Après deux numéros consacrés
aux problématiques de l'étalement urbain et aux politiques
d'insertion et de logement, le troisième numéro d'Urbia, publié par
l'Observatoire universitaire de la
ville et du développement durable
de l'UNIL, traite de la participation de la population dans les
démarches d'aménagement urbain. Quels sont les apports et les
limites des processus participatifs? Comment remettent-Ils en
cause les modalités traditionnelles d'exercice du pouvoir?
Bien que critiquée, l'approche
participative n'en est pas moins
incontournable, et cette publication veut éclairer les modalités
propres à en tirer le meilleur parti,
notamment à l'aide d'exemples
suisses.
Le prochain numéro, à paraître en
juin 2007, aura pour thème «Les
éco-quartiers et l'urbanisme
durable». Ed.
Ed.
«Urbia, les Cahiers du développement
durable», l'Observatoire universitaire
de la ville et du développement durable.
Institut de géographie, 141 pages.
e
•
• '
>
•
Le s a v o i r
des genres
m ^La-Licorne
ra
«Qu'est-ce qu'une religion?». Pierre Gisel,
Collection chemins philosophiques. Librairie
philosophique J. Vrin, Paris, 128 pages, 2007.
La conférence, outil de
communication
Nicolt Duriteli Gauthier
Ilario Roui
hit Sion
Quêtes de santé
Entre toi ni médicaux ri gueriioru • fri rituelle«
m
MU
ALLEZ
SAVOIR!
...L'intellectuel est vu comme un
«homme de lettres» dont l'arme
de prédilection par excellence
demeure la plume. Pourtant la
transmission des idées ne se
limite pas à l'écrit, et, à négliger
la transmission orale, on se prive
de tout un pas, important, de l'activité intellectuelle. Dans le
monde du savoir, le cours ou la
«dispute orale» constituent quelques-uns des fondements de la
/ № 3 8
MAI
2 0 0 7
transmission des connaissances
et de l'apprentissage académique. Les congrès et autres colloques scientifiques sont autant
de lieux d'échanges, de sociabilité mais aussi de légitimité.
Enfin, la conférence représente
une activité sociale ainsi qu'une
modalité essentielle de la conquête d'un capital tant symbolique qu'économique des intellectuels.
Ce volume est consacré à cet
objet historique aux contours à
priori indéterminés, à ce support
médiatique encore largement
méconnu.
François Vallotton enseigne l'histoire des médias à la Section
d'histoire de la Faculté des lettres
de l'UNIL. Ed.
«Devant le verre d'eau». Regards croisés
sur la conférence comme vecteur de vie
intellectuelle (1880-19501, sous la direction
d'Alain Clavien et de François Vallotton,
Antipodes, 139 pages, 2007.
^
SAVOIR!
/
«The So-Called Deuteronomistic History:
A Sociological, Historical and Literary
Introduction», par T. Römer. London - New
York: T & T Clark - Continuum, 2006.
«L'homosexualité dans le Proche-Orient
ancien et la Bible» (Essais bibliques 37),
par T. Römer et L. Bonjour, Genève: Labor et
Fides, 2005.
e
Thomas Römer ta Loyse Bonjour
Lhomosexualité dans
le Proche-Orient ancien
et la Bible
I.
L'objectif principal de cet ouvrage
est de retracer les rapports
conjonctifs et disjonctîfs entre les
auto-érotismes et les narcissismes au cours du développement du psyschisme en tenant
compte de la seconde théorie
freudienne des pulsions (opposition entre pusions erotiques et
pulsions de destruction). Cette
publication propose une vision
générale des pulsions du moi, à
savoir, des pulsions qui, sous
formes directes ou transformées,
sont à l'œuvre dans le moi.
Jean-Michel Porret est privatdocent et maître d'enseignement
et de recherche à la Faculté de
biologie et de médecine de
l'UNIL. Ed.
« DEVANT LE VERRE D'EAU »
ALLEZ
Les lecteurs d'«AIlez savoir!» se
souviennent des récentes interventions dans nos pages de Thomas Römer sur le déluge (AS 37)
ou sur les relectures possibles de
l'Ancien Testament après les dernières études archéologiques
(AS 32). Ce prolixe chercheur
vient encore de s'attaquer à un
sujet très discuté, puisqu'il nous
propose une enquête historique
sur l'homosexualité dans le
Proche-Orient ancien et dans la
Bible. Son livre cherche à décrire
comment on envisageait à
l'époque les relations sexuelles
entre deux hommes (et, plus rarement, deux femmes). L'ouvrage
veut également mettre en garde
contre l'utilisation anachronique
de la Bible dans le débat actuel
sur l'homosexualité.
Dans un autre registre, et cette
fois en anglais, Thomas Römer a
publié une introduction historique, sociologique et littéraire à
la première histoire d'Israël, qui
a été rédigée par des fonctionnaires de la cour de Jérusalem au
V I siècle avant notre ère. Ces
derniers cherchaient alors à
expliquer la destruction de Jérusalem par les Babyloniens. Cet
ouvrage montre comment cette
histoire s'inspire largement de la
production littéraire assyrienne et
babylonienne. J.H.
Pulsions narcissiques
T
fat
A
Le regard générique
A quoi reconnaître un genre et
sous quel angle le décrire?
Aujourd'hui, notre intérêt pour
ces questions est avant tout
d'ordre pragmatique: constamment sollicités, les genres servent à quelque chose et à quelqu'un; ils définissent un «voir
comme», et constituent une
médiation essentielle dans nos
pratiques de lecture, de classement, de valorisation ou d'interprétation. La question n'est plus,
par exemple : «A la recherche du
temps perdu» est-il un roman
policier, une comédie ou un traité
de morale? mais: que fait-on
quand on le lit ou quand on le
classe comme tel? Enchevêtrement complexe de connaissances
et de reconnaissances, d'appropriation, le regard générique
puise à un répertoire de formes
et d'idées qu'il nourrit en retour.
Publié dans la collection La
Licorne des Presses universitaires
de Rennes, ce livre est le fruit
tivred
Homosexualité et
histoire d'Israël
Urbia
Vers une définition de la
religion
L'art du suspense et la
tension narrative
en
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
UM R "•' B
«Auto-érotismes, narcissismes et
pulsions du moi». Jean-Michel Porret,
Collection psychanalyse et civilisations,
L'Harmattan, 183 pages, 2006.
r
AUTO-ÉROTISMES.
NARCISSISMES
ET PULSIONS DU MOI
I
Iff..
5
L'UNIL en L lv red
Un C D - R O M
pour découvrir les
chauves-souris
Si elles restent difficiles à observer dans la nature, les chauvessouris sont désormais très faciles
à découvrir avec son ordinateur.
Ces animaux nocturnes n'auront
plus de secret pour vous grâce à
un CD-ROM imaginé par le Musée
de zoologie, associé à l'Université
de Lausanne.
Destiné notamment aux enseignants et à leurs classes, ce cyberrobjet nous montre les différentes
espèces de chauves-souris, leur
anatomie et leur habitat, sans
oublier leur régime alimentaire.
On y trouve encore une galerie de
photos pour contempler à loisir
ces animaux discrets, des cartes
d'identité, un jeu de cartes à
fabriquer et un reportage sur le
travail des biologistes passionnés
par les chauves-souris, comme
Philippe Christe, un chercheur de
l'UNIL bien connu des lecteurs
d'«Allez savoir!» et coauteur de
ce CD-ROM.
«Ailes de nuit» peut s'utiliser en
individuel. Mais ce CD-ROM propose aussi des activités conçues
spécialement pour les enseignants, à faire en classe. C'est un
véritable cours clés en main. J.R.
«Ailes de nuit, les chauves-souris
se présentent», un CD-ROM MAC/PC
de Philippe Christe, Olivier Glaizot
et Alain Mabille, Musée de zoologie de
Lausanne, décembre 2006.
On peut notamment le commander à l'adresse
Internet: ¡[email protected]
Notre héritage celte
La recherche sur le monde celtique a progressé de manière
spectaculaire ces dernières
années. Restait à effectuer la
synthèse de ces découvertes qui
nous permettent de voir nos
ancêtres sous un jour plus favorable. Cela a été fait l'été dernier,
lors d'un grand colloque au Collège de France.
Ce rendez-vous avait été préparé
par des tables rondes tenues dans
les universités de Lausanne, Leipzig, Bologne, Budapest et Cambridge. La manifestation vaudoise
devait réévaluer les processus de
romanisation des populations
gauloises et réfléchir sur les
aspects de la civilisation et de la
culture celtiques encore perceptibles sous l'Empire de Rome.
Il a été tiré de ces discussions un
ouvrage intitulé «Celtes et Gaulois...» qui aborde les changements politiques, économiques et
sociaux entraînés par l'intégration du monde celtique à l'Empire.
On y décrit encore l'identité des
acteurs de la romanisation, le
degré d'originalité de la culture
provinciale dans les anciens territoires gaulois et l'importance
des survivances celtiques. J.R.
«Celtes et Gaulois:
l'Archéologie face à l'Histoire.
La romanisation et la question
de l'héritage celtique.
Actes de la table ronde de Lausanne,
17-18 juin 2005», sous la direction
de Daniel Paunier, Bibracte, 2006.
On peut notamment le commander à l'adresse
Internet: [email protected]
Celle* et Gaulois
l'Art h col ocie ûtc i I'HIM
La romanisation ce la question
de 1'hcrítagc celtique
1. Cyberjexe
«Révolutionnaire»
Votui ne jerez pas étonné que j'aie appré­
cié votre éditorial da.ru «Allez savoir!» de
février2007. Mon dernier «édita» daiu «24
Heures» aborde exactement la même ques­
tion, sous un angle très légèrement diffé­
rent. Je suis persuadé que ce que vous écri­
vez est exact et doit être répété (vous avez
eu l'élégance de le faire): «Il suffit qu'un
adulte manifeste... pourqu 'ilsoit entendu,
même par un adolescent un peu rebelle.»
C'est aussi mon expérience de médecin : on
s'attend à ce qu 'un jeune patient auquel on
se permet une «remarque» vous envoie paître
comme un vieux crabe tombé du siècle passé.
Eh bien, pas du tout : il paraît presque sou­
lagé d'avoir affaire à un adulte qui l'aide à
se repérer. Simplement, un «adulte» ! J'ose
vous dire que votre discours est «révolution­
naire», tout comme l'article qu 'il introduit.
(...) De plus, cette édition
d'«Allez
Savoir!» donne la parole à deux profes­
seurs qui mettent en doute bi cause unique,
et cela malgré la position de la cheffe du
DFJ. Cette marque d'indépendance mérite
d'être saluée. Voiu savez peut-être com­
bien j'ai été'effrayéparl'intervention
poli­
tique contre le Dr Alain Herzog qui s'était
permis de dire des choses jugées déplai­
santes par certains (tt surtout
certaines).
L'Université
doit jouir d'une
parfaite
liberté d'expression à l'égard du pouvoir
politique. Elle ne doit répondre qu 'à une
seule question : est-ce vrai?
L'opportunité
de ses affirmations n 'estpas une question
académique.
Jacqued-André
Haury,
député
Sensationnalisme*
2. Caidde unique
Pas objectif
Peuple et identité
pérenniser le nouvel Etat républicain, il leur faut assurer les fondements d'une cohésion cantonale qui dépasse l'esprit de
localité. Pour ce faire, plusieurs
mythes identitaires et symboles
politiques fédérateurs sont remis
au goût du jour, comme le major
Davel ou Guillaume Tell.
Mêlant histoire culturelle et politique, les deux études réunies
dans ce volume permettent
d'éclairer les fondements intellectuels qui président à la formation d'un régime républicain et
d'une identité commune dans le
Canton de Vaud au seuil du XIX
siècle.
Raphaël Rosa et Matthias Bolens
sont licenciés ès lettres de l'UNIL
Ed.
e
Le p e u p l e e t l ' i d e n t i t é
vaudoise
En 1798, les autorités révolutionnaires doivent rapidement intégrer au nouvel ordre politique une
population vaudoise attentiste,
voire hostile face au changement.
Elles gèrent la révolution en cherchant le juste milieu entre l'aristocratie renversée et la démocratie, qu'elles craignent de voir
dégénérer en démagogie. Afin de
Rembrandt et ses élèves
«Si les œuvres de Rembrandt ont
largement contribué à sa renommée, son atelier a joué un rôle
aussi essentiel dans le développement de sa carrière», raconte
Jan Blanc, maître-assistant à la
section d'histoire de l'art de
l'UNIL.
Avec son étude «Dans l'atelier de
Rembrandt», il nous entraîne
dans les coulisses de l'école
«Peuple et identité.
Représentations vaudoises après la
Révolution 1798-1814», Raphaël Rosa,
Matthias Bolens, Bibliothèque historique
vaudoise, no 129,320 pages, 2007.
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8 MAI
2 0 0 7
Rembrandt. «Ayant formé de
nombreux artistes, il s'est affirmé
comme l'un des plus grands
maîtres de son temps.»
Fondé sur de nombreux exemples
et témoignages, cet ouvrage se
veut une plongée dans l'atelier de
Rembrandt. On y découvre des
peintres méconnus, talentueux et
originaux. On apprend quelles
étaient leurs conditions de vie, de
travail, leurs relations, leurs discussions et l'on comprend mieux,
à travers l'examen des méthodes
et des exercices du maître, en
quoi Rembrandt a renouvelé l'art
d'enseigner la peinture au Siècle
d'or. AS
«Dans l'atelier de Rembrandt,
le maître et ses élèves». Jan Blanc,
Ed. de la Martinière, 2006.
Le bureau de la Fédération ded
associations
d'étudiantEd
Pas u n e i n c i t a t i o n a u vote
A mon avis, la société a besoin de l'avis de
ses chercheurs quels que soient les sujets
abordés. Ces derniers agissent comme des
repères utiles à l'heure où mass média et
politiques ne sont plus considérés par la
population comme des sources crédibUs
d'information
(...). L'article
incriminé,
bien qu 'un peu trop technique, ne m'a pas
semblé être une incitation au vote contre
la caisse unique.
Philippe
Guinand
Critiquable
Vion
~ La version compUte de cette réaction
se trouve dur le blog d'«Allez
savoir!»,
www2.un il. ch/a llezsa voir
Henchoz
Confusions
L'UNIL a raidon de solliciter ses cher­
cheurs sur des questions d'actualité : c'est
ALLEZ
SAVOIR!
même quelque chose qu 'elle devrait faire
plus souvent (....)• De surcroît, il est tout
à fait pertinent de discuter de l'actualité
politique. Maintenant,
concernant l'ar­
ticle sur la caisse unique, le moins que l'on
puisse dire с 'est qu 'ily a eu une confusion
entre une opinion d'expert (basée norma­
lement sur un travail scientifique) et une
opinion politique a proprement dite (basée
sur des valeurs). Or, un articles 'opposant
si clairement à la cause unique (...) fait
croire que notre vote doit se baser sur une
expertise таи pas du tout sur des valeurs,
que les experts (ceux qui savent) pensent
qu 'ilfaut, scientifiquement, voter non. Ces
deux propositions
sont
complètement
fausses.
Samuel
Que la publication s'intéresse aux sujets
politiques par le biais de chercheurs/cher­
cheuses est une bonne chose. Mais com­
ment est-il possible de réaliser un entre­
tien avec deux économistes dont le cœur
balance en faveur d un modèle d assurance
basé sur la concurrence et imaginer que
cela pu'use rester objectif? (...) Pourquoi
ne pas avoir interrogé une personne en
médecine ou en sciences sociales ? (...) Au
mieux cet article était maladroit, au pire
il était quelque peu orienté... (...)
Guillaume
Cette réaction nous a amenés à ouvrir
un blog pour débattre de l'opportunité,
pour «Allez savoir! », d'évoquer des
sujets politiques. Voici la synthèse des
Adrien
Que de sensationnalisme
et d'alarmùme
dans une revue que je croyais de niveau
universitaire
(...) Us déviances ont tou­
huit réactions enregistrées à l'adresse
www2.unil.ch/allezsavoir, où vous
pouvez lire l'intégrale de ces messages:
L'article intitulé «La caisse unique n 'estpas
la potion miracle pour notre système de
santé», paru dans le numéro de février
d'«Allez savoir!», a malheureusement rete­
nu notre attention (...) L'UNIL est (...)
une institution publique de laquelle on est
en droit d'attendre une objectivité aiiui
qu'une neutralité
de principe dans le
domaine politique. L'entrevue citée (...) con­
trevient ouvertement à (...) ce principe.
Quant à son orientation d'abord, puisque
son titre (notez l'absence de guillemets)
dévalue (...) la proposition soumise au vote.
Quant aux personnes interrogées ensuite,
puisque les deux professeurs (...) partagent
une opinion défavorable à ladite initiative.
Quant à ta méthode et au contenu enfin,
puisque les propos scientifiques et les argu­
ments politiques se trouvent
allègrement
mélangés (...) Nous nous élevons contre cet
abus (...) considérant que la présentation
équitable des points de vue constitue pour
l'UNIL le seul mode possible de communi­
cations sur un sujet politique (...)
jours existé defaçon marginale (...) L'im­
mense majorité des jeunes a une sexua­
lité tout àfaitsemblabU
à celU de ses géni­
teurs. Certes, l'utilisation des médias dans
la sexualité est plus grande qu 'autrefois,
et alors] C'est ainsi dans tous les domai­
nes. (...) Internet, c'est beau. Ça a changé
la vie de millions d'adolescents et d'adultes
seuls, déprimés, trop gros, mal dans leur
peau ou homosexuels, par exemple. (...)
Sincèrement, vous y croyez? Vous croyez
que noiu, Us adolescents
d'aujourd'hui,
noiu avons envie de décapiter nos cama­
rades et de devenir zoophiles? Parce que
ces images sont sur Internet? (...)
/
№ 3 8 MAI
2 0 0 7
lien Jaban, addidtant
diplômé НЕС
Plus scientifique
(...) S'agit-il ici d'un éclairage scienti­
fique sur la question ou d'une prise de posi­
tion politique? Le lecteur attentif se voit
forcé de répondre: les deux ! (...) Chaque
fou
qu'un raisonnement
scientifique
débouche sur un mot d'ordre politique,
alors il n 'est plus purement
scientifique.
(...) Et il est alors de mise, dans un maga­
zine d'information, de donner la parole à
ceux qui font une autre interprétation des
mêmes données, en l'occurrence en faveur
de la cause unique.
Benoît
Gaillard
7
Pique-niques,
barbecues : gare aux
bactéries de l'été
^\/ive L'été, ded pique-niqued et barbecued en
plein air! Si elled pouvaient parier, certained
bactéried entonneraient,
Campylobacter,
elled auddi, ce refrain.
dalmonelled, dhigelled ou
Edcherichia coli profitent
pour de multiplier
de la chaleur
dand nod dandwiched
et nod grilladed mal cuited, provoquant
ded gadtro-entérited.
Led
explication
et led condeiU de deux chercheurd de
rUNIL pour
8
d'en prémunir.
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Pique-niques,
barbecues
: gare
aux
bactéries
de
l'été
MEDECINE
La «bactérie du
hamburger»
a provoqué plusieurs poussées épidémiques chez les
mangeurs
de viande hachée mal cuite
Y
I
nos défenses immunitaires sont intactes,
on ne risque rien.» Les problèmes vien­
nent de l'importance de l'inoculum, c'està-dire de la quantité de micro-organismes
ingérée. Pour être infecté par des salmo­
nelles, il faut en avaler plusieurs millions;
pour ce qui est des shigelles, quelques
dizaines suffisent.
Lorsque les germes arrivent en nom­
bre dans l'estomac, les sucs gastriques
sont débordés et ne peuvent plus détruire
les intrus. «Les salmonelles passent alors
dans l'intestin grêle. Là, elles peuvent
suivre deux chemins différents, selon leur
type. Celles qui causent des gastro-enté­
rites restent localisées dans la muqueuse
intestinale. En revanche, les « S . typhi»,
qui sont des agents de la typhoïde, pénè­
trent dans les cellules intestinales; elles
résistent au système immunitaire et pas­
sent dans la circulation sanguine, puis
nvariablement, chaque été apporte
son lot de gastro-entérites d'origine
alimentaire. Les courbes saisonnières des
infections dues au campylobacter et aux
salmonelles, dressées par l'Office fédé­
ral de la santé publique ( O F S P ) , en
témoignent: elles se caractérisent par des
pics importants en juillet et en août. On
pourrait en dire autant des troubles intes­
tinaux provoqués par les shigelles et les
Escherichia coli.
Aucun doute n'est possible. Ces bac­
téries et quelques autres profitent de la
saison chaude pour s'insinuer en nombre
dans notre système digestif, provoquant
des diarrhées qui peuvent s'accompagner
d'autres symptômes. Des troubles tou­
jours déplaisants et qui, parfois, peuvent
se révéler plus graves.
Chaîne du froid rompue
Mais pourquoi l'été? Question de cli­
mat, tout simplement. Lorsque la tem­
pérature atteint et dépasse 30 °C, ces
micro-organismes s'épanouissent et pro­
lifèrent rapidement. Pour eux, «c'est la
situation idéale, constate Thierry Calan­
dra, chef du Service des maladies infec­
tieuses du C H U V et professeur à la
Faculté de biologie et de médecine de
l'UNIL. La température ambiante est
alors proche de celle (37 °C) que l'on uti­
lise dans nos laboratoires pour faire pous­
ser ces germes.»
Nos habitudes estivales font le reste
pour favoriser les contaminations. Ces
micro-organismes sont véhiculés par les
animaux domestiques - volailles et
bovins notamment - et par l'eau. Ils se
retrouvent ensuite dans la viande et les
œufs crus ou insuffisamment cuits, ainsi
que dans le lait non pasteurisé. Autant
dire que si l'on rompt la chaîne du froid
- ce qui est fréquent en été lorsque les
sandwichs restent dans les sacs avant
d'être consommés au terme d'une
longue balade - ils ont tout le loisir de
se multiplier.
•
Thierry Calandra,
professeur
chef du Service des maladies
disséminent dans les différents organes
(foie, rate, etc.) », précise Thierry Calan­
dra. Fort heureusement, les cas de ty­
phoïdes restent rares en Suisse; la quasitotalité est acquise dans les pays en
développement.
Bactérie du hamburger
«Le tableau clinique est assez peu spé­
cifique», souligne pour sa part le micro­
biologiste du CHUV. Les salmonelles et
les shigelles provoquent des diarrhées dans lesquelles peuvent apparaître du
sang ou des glaires - et parfois de la fièvre
(lire en p. 14). Les campylobacter, qui
sont responsables, en Suisse, du plus
grand nombre d'infections alimentaires,
causent d'ailleurs les mêmes symptômes,
mais ceux-ci sont «plus marqués».
Quant à certains sérotypes d'Escherichia coli, ils induisent la fameuse turista
infectieuses du CHUV et
à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL
Les barbecues sont propices à l'apparition
d'infections alimentaires.
menacées sont les gens âgés et les enfants
Steak peu cuit, eau
non bouillie...
Les déjeuners sur l'herbe ne sont tou­
tefois pas les seuls en cause. Les barbe­
cues sont, eux aussi, propices à l'appa­
rition des infections alimentaires. Le feu
qui tarde à prendre, les invités qui s'im­
patientent et crient leur faim : il n'en faut
pas plus pour que l'assemblée se préci­
pite sur des steaks ou des morceaux de
poulet peu cuits et qui, de ce fait, peu­
vent être vecteurs d'infections.
Si, de surcroît, les convives veulent
profiter de l'eau d'une rivière pour pré­
parer leurs boissons, ils risquent gros. En
août2003, rapporte 1 OFSP, neufs jeunes
recrues ont été victimes d'une entérite à
campylobacter après avoir bu du thé
infusé dans de l'eau de ruisseau non
bouillie.
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Sans compter que la saison chaude est
par excellence celle de la convivialité.
Lors des fêtes et manifestations, de nom­
breuses personnes se trouvent réunies
autour d'une même table. En plein air de
surcroît, où il n'est pas toujours facile de
se laver les mains. Promiscuité, manque
d'hygiène : les facteurs sont réunis pour
favoriser la transmission des infections
de toutes sortes, d'origine alimentaire
notamment.
Tout est affaire de quantité
En fait, ces bactéries, en soi, ne sont
pas toutes pathogènes. «On mange des
salmonelles tous les jours, souligne
J a c q u e s Bille, directeur de l'Institut de
microbiologie médicale rattaché au
C H U V et professeur de microbiologie à
la Faculté de biologie et de médecine de
l'UNIL. Si l'on en consomme peu et que
Les personnes les plus
P iq ue - il iq ue d, barbecued:
gare
aux
bactéried
de
l'été
MÉDECINE
Le poulet cru e.it douvent porteur
de germed. Il doit être
bien cuit avant d'être consomme'
du voyageur. Mais d'autres, comme les
colibacilles entérohémorragiques, sécrè­
tent des toxines qui peuvent avoir des
conséquences beaucoup plus graves. De
tels cas sont très rares en Suisse. En
revanche, «ces bactéries du hamburger»
ont provoqué, aux Etats-Unis, plusieurs
poussées épidémiques chez des consom­
mateurs de viande hachée mal cuite, alors
qu'au Japon, c'est après avoir avalé des
radis contaminés que de nombreuses per­
sonnes sont tombées malades.
Listeria: redoutables
pathogènes
Un autre microorganisme mérite d'ê­
tre mentionné : la Listéria. Certes, celleci ne peut pas être considérée comme
une «bactérie de l'été», dans la mesure
où elle provoque des infections en toutes
saisons. Les cas de listérioses restent
d'ailleurs «peu fréquents en Suisse»,
précise le spécialiste Thierry Calandra.
C'est heureux car, lorsqu'ils se mani­
festent, ces germes se révèlent être de
«redoutables pathogènes alimentaires»,
comme le dit son collègue microbiolo­
giste. On se souvient des cas de listé­
rioses qui avaient été provoqués, il y a
une quinzaine d'années, par la consom­
mation de vacherins.
Les fromages à pâtes molles figurent
en effet parmi les principaux vecteurs de
ces bactéries, mais on les trouve aussi
dans les produits carnés, les salades et
les poissons - notamment iumés. Ubiquitaires, les Listeria résistent de surcroît
aux températures fraîches des réfrigéra­
teurs, aux fortes concentrations de sel et
même aux milieux acides. Elles provo­
quent des gastro-entérites assez sé­
rieuses, qui peuvent s'accompagner de
septicémies et de méningites chez les per­
sonnes les plus fragiles.
âgés, jeunes enfants et tous ceux qui sont
immunodéprimés. Mais aussi, précise le
médecin, «les personnes ayant une aci­
dité gastrique diminuée», car il est alors
plus facile aux bactéries de résister à l'at­
taque des sucs gastriques.
La cuisson, c'est l'arme fatale
Intoxications alimentaires
Comme si cela ne suffisait pas, il
faut e n c o r e a j o u t e r au t a b l e a u
q u e l q u e s bactéries responsables d'in­
toxications alimentaires, autrement dit
de gastro-entérites affectant le tractus
Jacqued Bille, directeur
de l'In.ititut
de microbiologie
de microbiologie
médicale rattaché
au CHUV et prof
éditeur
à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL
digestif supérieur et provoquant nau­
sées et vomissements.
Tel est le cas notamment du staphy­
locoque doré et du Bacillus cereus, qui
- tout comme la Listeria - peuvent sur­
venir tout au long de l'année et que l'on
retrouve dans des aliments comme le riz
frit et les desserts trop longtemps conser­
vés hors du réfrigérateur.
Tout rentre dans l'ordre
Si l'on rompt la chaîne du froid,
ce qui edtfréquent
en été lordane led
.iandwiche.1 rotent
dand led dacd avant
d'être condomméd au terme d'une
longue balade, led micro-organidmed
tout le loidir de de
multiplier
ont
Les intoxications alimentaires durent
de 24 à 48 heures. Quant aux gastro­
entérites provoquées par les bactéries de
l'été, elles durent un peu plus longtemps
mais, en général, «tout rentre dans l'ordre
au bout de quelques jours», comme le
souligne Thierry Calandra.
Les personnes qui ont le plus grand
risque d'être infectées sont, comme c'est
souvent le cas, les plus fragiles - gens
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Pour ces populations à risque, mais
aussi pour tout un chacun, un certain
nombre de précautions élémentaires
s'impose pour prévenir les infections.
Nos deux spécialistes recommandent
d'abord de «maintenir la nourriture au
réfrigérateur le plus longtemps possible
et d'éviter de rompre la chaîne du froid»,
en transportant par exemple le piquenique dans une glacière. Mais aussi de
«respecter les dates de péremption indi­
quées sur les aliments». Et surtout, de
bien cuire les viandes, œufs et autres pro­
duits susceptibles d'être contaminés : «La
cuisson est l'arme fatale contre les bac­
téries, car celles-ci ne résistent pas aux
températures dépassant 60 °C», précise
J a c q u e s Bille.
Contamination croisée
Il faut aussi éviter une autre source
importante d'infections, la contamination
croisée. Il suffit en effet de déballer et
de couper un poulet cru contaminé, puis
d'utiliser le même couteau pour prépa­
rer la laitue, pour retrouver des bacté­
ries sur les feuilles de salade. «Il est donc
très important de laver les couteaux et
autres ustensiles de cuisine avant de les
réemployer», souligne le microbiologiste.
Si, en outre, on veille à l'hygiène et
que l'on se lave régulièrement les mains,
on pourra profiter pleinement des joies
des pique-niques, barbecues et autres
plaisirs de l'été, sans risquer la gastro­
entérite.
Elidabetb Gordon
Pique-niques,
barbecues:
gare
aux
bactéries
de
l'été
MEDECINE
Ces bactéries qui peuvent gâcher notre été
Escherichia coli
C
ommunément nommée colibacille,
cette bactérie est l'une des mieux
connues des microbiologistes qui l'uti­
lisent couramment comme modèle
expérimental. Son génome a d'ailleurs
été décrypté en 1997. Escherichia coli
est naturellement présente dans la
microflore intestinale de tous les ani­
maux à sang chaud, et notamment de
l'être humain. Il en existe en fait quelque
2000 souches et, si la plupart d'entre
elles sont inoffensives, certaines sont
responsables de la turista, cette infec­
tion banale qui affecte de nombreux tou­
ristes dans les pays chauds et humides.
D'autres encore produisent des toxines
virulentes et se révèlent très pathogènes.
Tel est le cas notamment des «E. coli»
entérohémorragiques ( E H E C ) , qui
sont toutefois rares en Suisse où l'on ne
compte que quelques dizaines de
malades par an.
Où les trouve-t-on?
Les bactéries pathogènes - en parti­
culier les EHEC - se trouvent principa­
lement dans la viande de bœuf mal cuite
ou consommée crue. Les «E. coli» enté­
rohémorragiques ont d'ailleurs été appe­
lées «bactéries du hamburger», depuis
qu'elles ont provoqué plusieurs vagues
d'infections aux Etats-Unis chez des
consommateurs de viande hachée.
Shigelles
Symptômes
La bactérie du hamburger peut pro­
voquer un syndrome très particulier,
appelé hémolitique-urémique. Les pre­
miers symptômes sont ceux d'une
intoxication alimentaire - avec des diar­
rhées et de la fièvre - mais l'infection peut
aussi conduire à la destruction des glo­
bules rouges et à des lésions rénales qui
peuvent entraîner une insuffisance
rénale.
C
es bactéries en forme de bâtonnets
vivent dans les sols ou les eaux; elles
n'infectent que les êtres humains chez qui
elles se révèlent pathogènes. Quelque
400 à 500 cas de shigelloses sont notifiés
chaque année à l'OFSP.
Où les trouve-t-on?
Symptômes
Les shigelles n'infectant pas les ani­
maux, l'homme est leur réservoir natu­
rel. On ne les trouve donc pas dans les
aliments, sauf lorsque ces derniers ont
été contaminés par les bactéries présentes
dans les selles des malades. On peut aussi
être infecté après avoir bu de l'eau
souillée.
Localisées essentiellement dans le
gros intestin, les germes s'y multiplient
et provoquent une inflammation de la
muqueuse. Les shigelloses s'accompa­
gnent des mêmes symptômes que les sal­
monelloses.
Traitement
On traite habituellement les shigel­
loses avec des antibiotiques, car ces médi­
caments diminuent la sévérité de l'infec­
tion et la durée de la maladie. Il faut
cependant être attentif au développement
de résistances des bactéries aux antibio­
tiques dans les pays où les infections sont
endémiques.
Traitement
Lorsque des personnes sont infectées
par des «E. coli» entérohémorragiques,
«on hésite à leur donner des antibiotiques
car en éclatant, les bactéries libèrent des
toxines et il taut veiller à ne pas exacer­
ber ce mécanisme». Que faire alors? «On
soutient le patient en le réhydratant, en
lui faisant des transfusions sanguines et
l'on surveille sa fonction rénale», répond
J a c q u e s Bille.
W i k i p e d i a / C e n t e r s f o r D i s e a s e C o n t r o l a n d P r e v e n t i o n , U S D p t of H e a l t h a n d H u m a n S e r v i c e s
Campylobacter
C
ette bactérie est de loin la plus fré­
quente: elle provoque chaque
année en Suisse quelque 6000 infections
alimentaires. Et il ne s'agit là que du
nombre de cas notifiés à l'Office fédéral
de la santé publique ( O F S P ) , ce qui
signifie qu'elle touche certainement un
beaucoup plus grand nombre de per­
sonnes.
Les campylobacter, des bactéries
Gram négatives, ont une forme originale :
elles «ressemblent à des mouettes», com­
me le dit Jacques Bille, directeur de l'Ins­
titut de microbiologie médicale rattaché
au CHUV et professeur de microbiolo­
gie à la Faculté de biologie et de méde­
cine d e l ' U N I L .
Où les trouve-t-on?
Essentiellement dans
blanches et la volaille.
1 4
les
viandes
Salmonelles
C
es entérobactéries du genre Salmonella doivent leur nom au vétéri­
naire américain Daniel Elmer Salmon
qui, le premier, les a décrites à la fin du
X I X siècle. En Suisse, elles affectent
4000 à 5000 personnes par an, selon
l'OFSP.
e
Symptômes
Traitement
Les campylobactérioses, comme l'on
appelle les infections provoquées par
cette bactérie, provoquent des gastro­
entérites assez violentes. Celles-ci se
manifestent par des diarrhées dans les­
quelles on peut trouver du sang et des
glaires, mais aussi par des nausées, des
ballonnements et parfois de la fièvre.
«Lorsque l'on souffre d'une campylobactériose, on ne se sent vraiment pas bien
et l'on consulte souvent son médecin»,
précise le microbiologiste.
D'une manière générale, on traite sur­
tout les cas d'infections sévères; tout par­
ticulièrement s'il s'agit de jeunes enfants,
de personnes âgées ou de patients ayant
des défenses immunitaires diminuées. Le
traitement passe par l'abaissement de la
température, la réhydratation et l'admi­
nistration d'antibiotiques.
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
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Où les trouve-t-on?
Surtout dans les œufs - donc aussi
dans tous les aliments préparés à l'aide
de ces derniers, comme les desserts et les
pâtisseries - ainsi que dans les viandes,
en particulier les volailles.
Traitement
Faut-il ou non traiter les salmonel­
loses? «La décision est complexe, répond
J a c q u e s Bille. On a en effet constaté
qu'en administrant des antibiotiques aux
personnes infectées, on prolongeait leur
état de porteurs sains. Dans la mesure
où les salmonelles restent longtemps dans
les selles, on augmentait ainsi le risque
de réinfection.» Il est donc d'usage de
réserver la prescription d'antibiotiques
aux personnes particulièrement fragiles.
Elisabeth Gordon
Symptômes
Les salmonelloses se manifestent par
des symptômes analogues à ceux des
campylobactérioses, mais atténués.
ALLEZ
SAVOIR!
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1 5
Dans le couple,
en famille, au travail
voici ce qui a
( u n peu) changé depuis
les années 1960
f^jit 2007, les hommes au foyer ne sont
phié dédùpérêd, mais ils restent
Ces «exceptions statistiques»
rares.
seront néan
moins récompensées le 17 juin
prochain,
puLique la Suuse
première
célébrera
la
Fête des pères. Quant aux femmes
gent des entreprises,
quidiri
une étude réalisée à
l'UNIL montre qu 'elles sont
exagérément
félicitées quand ça marche, et exagérément
critiquées lorsque les objectifs ne sont pas
atteints...
-
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
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Dand
le couple,
en famille,
au travail...
voici
ce qui a (un peu)
changé
depuis
led année,!
1960
SOCIÉTÉ
En 2007, on ne dit plu.< «femmes au foyer»,
Entre
la série TV à succès du XXI
e
(ci-dessous),
P
apa est au travail, maman à la maison.
Elle élève ses deux enfants et s'occupe
de son ménage. Quand il rentre le soir, il
plonge sur son journal et dans ses charentaises. Il sirote son apéritif tandis que le
poulet rôtit gentiment dans le four. Les
enfants sont en robe de chambre, déjà bai­
gnés grâce à la diligence de leur mère.
Cette image de la famille traditionnelle
a été glorifiée aux Etats-Unis dans les
années 1950 et 60, puis importée chez
nous. Elle atteint son sommet dans les
publicités de l'époque pour les appareils
ménagers, ceux-là mêmes qui permet­
taient à Maman d'accomplir sa destinée
avec efficacité.
Le quotidien des années 1960
A l'Université de Lausanne, l'édition
2007 des «Mystères de l'UNIL» (1) per­
mettra aux enfants - et à leurs parents de se plonger dans les années 1960, par le
biais de divers stands et animations. Au pro­
gramme, on trouve notamment une expo­
sition, «Dans la peau de Jeanne... dans la
peau de Jean», au gré de laquelle chacun
pourra revisiter sa vie en prenant
conscience de ce qui aurait été différent s'il,
ou si elle, avait appartenu à l'autre genre.
Des événements historiques, l'introduc­
tion du droit de vote pour les femmes par
exemple, ou l'arrivée de la pilule sur le mar­
ché, rappelleront ce qu'était le quotidien
du «sexe faible», comme on disait alors.
On peut à l'occasion de ce retour dans
le passé se pencher sur le chemin par­
couru. En un peu plus de 45 ans, tout n'at-il pas radicalement changé dans les rap­
ports hommes/femmes et dans la vie de
ces dernières? Garçons et filles n'ont-ils
Eric Widmer, sociologue à
de
l'Université
Lausanne
Il suffit pour s'en convaincre de lire
dans les médias actuels les exploits de ces
businesswomen qui dirigent d'une main
leur entreprise et changent les couches du
cadet de l'autre. Ou de ce père qui a réduit
son temps de travail pour s'impliquer
complètement dans l'éducation de ses
enfants - pour lui rendre hommage, on a
même créé la Fête des pères (le 17 juin
cette année en Suisse).
Abusé par ces exemples très médiati­
sés, le citoyen de l'an 2007 pourrait pen­
ser que les années 1960 sont bien loin et
que les rôles respectifs de l'homme et de
la femme ont fondamentalement évolué
aussi bien au travail qu'à la maison. «Ce
n'est de loin pas le cas pour la majorité
des gens», nuance Eric Widmer, socio­
logue à l'Université de Lausanne. Le cher­
cheur rappelle en effet que dans 70% des
familles avec enfant, c'est le modèle tra­
ditionnel qui prévaut: «La femme ne tra­
vaille pas (36%) ou très peu (33%), et c'est
l'homme qui ramène l'essentiel du salaire.»
L'égalité, c'est avant les enfants.
Mais après...
Eric Widmer explique le parcours clas­
sique : «Avant d'avoir des enfants, le
couple est relativement égalitaire : la
femme et l'homme travaillent tous deux,
généralement à temps plein, et les tâches
domestiques sont assez bien réparties.
C'est clairement au moment où ils devien­
nent parents que le déséquilibre apparaît.
Car, dès que l'enfant naît, la mère aban­
donne son emploi ou réduit drastiquement
son taux d'occupation.»
Ensuite, elle assume, forcément, l'es­
sentiel des soins aux enfants, surtout tout
ce qui concerne les soins de type hygiène
ou nourriture. Et elle se retrouve bien plus
impliquée que son conjoint dans l'en­
tretien de l'appartement ou de la maison,
la lessive, la préparation des repas, etc.
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8 MAI
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la révolution
pas aujourd'hui la même vie, les mêmes
opportunités, les mêmes choix?
Business women et
nouveaux pères
a.
Beaucoup de mères de 2007
ressemblent à celles de 1960
Les chiffres de l'Office fédéral de la sta­
tistique parlent d'eux-mêmes: dans les
familles avec enfant, les femmes consa­
crent en moyenne près de 60 heures par
semaine aux tâches ménagères ou éduca­
tives, contre 33 heures pour les hommes.
Lesquels se réservent d'ailleurs plus volon­
tiers la partie de foot au parc le samedi
après-midi que les devoirs au quotidien...
Bref, après quelques années d'indépen­
dance, la femme devient mère et fait...
exactement comme dans les années 1960.
«Pour ces mères qui ne sont pas engagées
dans la vie professionnelle, ou très peu,
il est difficile, même une fois les enfants
grandis, de retrouver un emploi avec des
responsabilités et de renouer avec une
véritable carrière», poursuit Eric Widmer,
avant de souligner que les femmes qui
concilient emploi conséquent et maternité
ne sont que 5 % environ.
Les «nouveaux pères»? Ils sont
moins de 2 %
Peu de choses ont donc changé pour
elles. Et pour les hommes? Les «nouveaux
pères» ont-ils bouleversé le rôle tradition­
nellement dévolu au mari? Pas vraiment.
Ils sont en réalité «si peu signifiants sta­
tistiquement», comme le dit Eric Widmer,
que c'est comme si on les avait rêvés: ces
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8 MAI
mai) «Desperate
siècle (à gauche)
2 0 0 7
n'est pas
et le quotidien
spectaculaire
housewives».
des années
1960
Dans
le couple,
en famille,
au travail...
voici
ce qui a (un peu)
changé
depuis
les années
1960
SOCIETE
«nouveaux pères» sont moins de 2% et
appartiennent aux couches supérieures de
la population, les plus éduquées.
Autant dire qu'ils sont rares, tout
comme sont singuliers les foyers dans les­
quels les rôles sont inversés - la mère au
boulot, le père aux fourneaux. «Mais il
serait abusif de dire, sous prétexte que la
répartition des tâches est toujours très tra­
ditionnelle, que l'homme n'a pas du tout
évolué depuis les années 1960, rectifie
Eric Widmer. Sa relation affective avec
l'enfant et son implication sont complè­
tement différentes. C'est dans ce registre
que le changement est profond.»
Ces pères qui restent au foyer
Etudiante en sociologie à l'Université
de Lausanne, Anne-Laure Georges a
consacré son mémoire, réalisé sous la
conduite d'Eric Widmer, à ces familles peu
ordinaires dans lesquelles le père reste au
foyer (2), histoire de voir si un change­
ment plus complet est à l'œuvre.
Premier constat : ce n'est pas un souci
d'égalité qui a conduit les couples à ce
choix, mais un mélange de deux causes.
La première est affective et découle de
leur représentation de l'enfant.
Pour tous les parents qui ont fait ce
choix original, il était en effet exclu de
confier la chair de leur chair à des mains
étrangères. Maman de jour ou institu­
tion, rien ne leur semble adéquat. Leur
priorité : que ce soit le père ou la mère
qui s'occupe de l'enfant de façon exclu­
sive.
Le choix du parent qui restera auprès
des bambins est quant à lui dicté par la
raison: «Le père est resté au foyer dans
les familles interrogées par Anne-Laure
Georges parce qu'il était dans une situa­
tion professionnelle instable, parce qu'il
gagnait moins que sa femme, ou parce
qu'il traversait une période de chômage,
bref, parce que son revenu paraissait à ce
moment précis moins intéressant que celui
de la mère.»
«On a quand même parcouru
bien du chemin depuis 1960»
Si elle reste souvent au foyer, comme
dans les années 60, la femme doit pour­
tant, modernité oblige, combler d'autres
attentes. Sociologue indépendante, Irène
J o n a s s'intéresse depuis quelques années
aux questions d'égalité. Elle a d'ailleurs
donné une conférence à l'Université de
Lausanne dans le cadre du colloque «Le
travail, outil de libération de la femme?»
organisé le 21 avril dernier par les Nou­
velles Questions Féministes (3).
«On n'arrive plus à l'imaginer aujour­
d'hui, mais il faut tout de même se sou­
venir que dans les années 1960, la femme
ne pouvait pas ouvrir son propre compte
en banque ou avoir un chéquier à son
nom, note en préambule la chercheuse.
On a quand même parcouru bien du che­
min.»
Ces progrès constatés, Irène J o n a s
rejoint l'analyse d'Eric Widmer: fonda­
mentalement, les femmes assument l'es­
sentiel de la charge liée au quotidien des
enfants et de la maisonnée. «On dit que
les pères partagent aujourd'hui plus de
tâches, et l'on cite l'exemple de la crèche,
où ils déposent régulièrement leur progé­
niture. Certes. Mais le geste qui fait la dif­
férence, c'est d'aller rechercher l'enfant:
c'est là qu'il faut courir, partir même si
une réunion est en cours. C'est là que l'on
manque ces moments informels entre col­
lègues si importants pour la carrière. Et,
comme par hasard, qui fait les sorties de
garderies? Les mères.»
Les nouveaux pièges
Mais, plus que sur les inégalités héri­
tées du passé, Irène J o n a s se penche sur
20
ALLEZ
SAVOIR!
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Avant D'avoir des enfants, les couples de 2007
sont relativement
égalitaires.
Mais dès que les enfants arrivent,
le déséquilibre se creuse.
Les nouveaux pères ne sont ainsi que 2%
«Ces livres sont très bien faits, souvent
écrits par des couples, avec une forte
dimension psychologique, analyse Irène
J o n a s . Il y a des conseils aussi bien pour
les hommes que pour les femmes, des
expériences vécues, des petites études de
cas dans lesquelles chacun ne peut que se
reconnaître. Bref, on y adhère volontiers.»
Problème : en plaçant la réussite de
la famille sous la responsabilité des
femmes, ils disent à mots couverts que
la malheureuse qui voit son couple péri­
cliter, qui n'arrive pas à concilier vie pri­
vée et professionnelle, ou qui est exploi­
tée par son conjoint dans le partage des
tâches ménagères, a un problème psy­
chologique, ou en tout cas manque de
compétences relationnelles. «Or le pro­
blème de l'inégalité n'est pas individuel
ou psychologique, il est social», s'insurge
Irène J o n a s .
Fausse ouverture
les nouveaux pièges dans lesquels on veut
enfermer les femmes, souvent sous cou­
vert de modernité et d'émancipation. Un
exemple? «Toute la littérature de conseils
plus ou moins psychologiques pour «réus­
sir son couple», littérature dont le succès
est énorme, milite en fait pour le main­
tien de l'ordre traditionnel.»
Le message de base: l'homme et la
femme sont des êtres fondamentalement
différents. Pour que leurs relations soient
bonnes, il faut absolument en tenir
compte. D'où une nouvelle fonction assi­
gnée à la femme, basée sur ses compé­
tences soi-disant naturelles: l'écoute, le
dialogue.
Les hommes de Mars
Les relations humaines dans la famille
sont désormais de son ressort exclusif l'homme n'a pas les bonnes cases pour ça,
c'est bien connu. Et si tout ne se passe
pas bien, à qui la faute? A Madame, parce
que les hommes viennent de Mars et qu'il
ne faut pas attendre d'eux qu'ils sortent
de leur caverne pour dialoguer.
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
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Comme il fallait s'y attendre, ce glis­
sement vers une distinction essentialiste
entre hommes et femmes s'opère égale­
ment dans le monde professionnel.
Djaouida Sehili, sociologue du travail, col­
labore avec Irène J o n a s sur différents
plans. Les deux chercheuses ont d'ailleurs
présenté une contribution commune lors
du colloque organisé à l'UNIL.
«Les responsables des ressources
humaines ou les patrons de grandes
entreprises tiennent tous le même dis­
cours, en apparence flatteur et favorable
à une émancipation des femmes, note
Djaouida Sehili. Mais quand on l'analyse
de plus près, on se rend compte qu'il est
aliénant.»
Quel est donc ce discours dominant?
En substance, il faut plus de femmes aux
postes à responsabilité pour accroître les
performances économiques des entre­
prises, car elles ont des compétences (rela­
tionnelles et organisationnelles, en géné­
ral) qui n'appartiennent qu'à elles, les
mêmes compétences d'ailleurs que se plai­
sent à leur attribuer les livres de dévelop­
pement personnel si à la mode.
Dans
le couple,
en famille,
au travail...
voici
ce qui a (un peu)
changé
depuis
les années
www.ur\il.cl\/fT\ij/bere/
1960
«Comme si les compétences des
femmes étaient inattendues»
Engagée en janvier, insuffisante
en décembre?
«C'est un vrai piège parce que ces com­
pétences sont très difficilement objectivables, donc difficiles à évaluer, note la
sociologue. En outre, leur définition peut
changer d'un trimestre à l'autre: qu'estce que cela signifie que d'avoir du «savoirêtre» ou de «grandes qualités interperson­
nelles»?
Avec ce type de critère, une femme
jugée compétente lors de son engagement
en janvier peut facilement être évaluée
insuffisante à la fin de l'année. «Mieux
vaudrait donc, dans le monde du travail,
s'en tenir aux qualifications mesurables
par les diplômes et à l'expérience profes­
sionnelle», conclut la sociologue.
Qui note que, malgré les compétences
et mérites attribués aux femmes depuis
peu, «on n'en voit pas franchement davan­
tage aux postes à responsabilité. Loin de
les libérer ou au moins de leur rendre ser­
vice, ce discours les enferme dans des par­
ticularités que l'on naturalise. Elles n'ont
ensuite plus de moyen d'en sortir pour être
autre chose ou faire reconnaître d'autres
atouts.»
Pas franchement sur un pied d'égalité
à la maison, les très rares femmes qui réus­
2 2
sissent dans le monde du travail y sont
donc aussi victimes de discrimination et
de préjugés - et ce aussi bien de la part
des hommes que de leurs semblables.
Hommes et femmes ne sont pas
évalués de la même manière
Marika Angerfelt, psychologue du tra­
vail, prépare une thèse au Département
de management de la Faculté des HEC
de l'Université de Lausanne, où elle est
pour l'heure assistante diplômée. Pour son
travail de mémoire, elle a réalisé une
enquête qui montre bien que les perfor­
mances des hommes et des femmes ne sont
pas du tout évaluées de la même manière.
Créant des curricula et des perfor­
mances complètement fictifs, elle a écrit
des petits scénarios dans lesquels trois
variables évoluaient : le genre du dirigeant
de l'entreprise (homme ou femme), le
domaine d'activité (finance ou mode),
enfin les résultats de l'entreprise (bons et
croissants ou mauvais et décroissants).
Conclusion : les femmes leaders qui ont
de bons résultats comme dirigeantes sont
largement surévaluées par les jeunes spé­
cialistes en économie qui devaient les
noter. Par contre, si elles obtiennent de
mauvais chiffres, elles sont notées plus
sévèrement que les messieurs.
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
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«On voit clairement se manifester les
stéréotypes derrière ces résultats, analyse
la chercheuse. C'est comme si les compé­
tences des femmes étaient tellement inat­
tendues que leur réussite entraîne un
enthousiasme disproportionné : elle a bien
réussi, vvouaou, elle doit être vraiment
calée», analyse la chercheuse.
La dimension culturelle joue un rôle
évident dans ces appréciations: Marika
Angerfelt a relevé des différences de juge­
ment entre les Etats-Unis et la Suisse.
Outre-Atlantique, les hommes qui obtien­
nent exactement les mêmes résultats finan­
ciers que les femmes dans une banque sont
considérés comme moins compétents et
sont moins bien notés qu'elles. S'ils font
aussi bien qu'elles à la tête d'une maison
de mode, ils sont par contre à leur tour
surévalués. En Suisse, la réussite d'une
temme, quel que soit son domaine d'acti­
vité, est de toute façon surévaluée.
Autre élément qui fait bien la preuve
de la dimension culturelle de ces stéréo­
types: aux Etats-Unis, où l'on trouve
davantage de lemmes leaders d'entreprise
dans tous les domaines, les cobayes ont
jugé les performances respectives des
hommes et des femmes avec moins de dis­
torsion qu'en Suisse. Et Marika Anger­
felt de conclure: «Les choses évoluent
donc, même si l'on est encore assez loin
du compte. Mais soyons optimistes:
gageons que, dans quarante ans, l'égalité
sera réalisée.»
Sonia Arnal
(1) A visiter le week-end du
9 et 1 0 j u i n . d e lOhOOà 18h00.
Animations sur tout le campus.
Programme détaillé :
www2.unil.ch/mysteres
(2) Anne-Laure Georges, «Vers un
renversement du statut-maître —
Le cas des pères au foyer»,
mémoire soutenu en 2004.
(3) www2.unil.ch/liege/nqf/
documents/NOFTravailEcran.pdf
FONDAÎION
LEENAARDS
.,—
NeStle
h e u r e s
HENNIEZ
*
RESTAURANT DE ~
I flll «flll III! ouest
II! ROULQow
«BCV
otre pays n est pad aussi célèbre que LU ta
(USA),
la Mongolie ou la Chine. Et pourtant,
compte plusieurs
sites d'importance
il
mondiale qui
nous racontent la vie des «terribles lézards» et celle
de leurs contemporains,
gée dans notre
mm
les grands reptiles. Pioni-
préhistoire.
Bienvenue
au Mésozoïque,
le parc
suisse
des
dinosaures
GEOSCIENCES
Cette girafe
ou Tanystropheus
a nagé au
il y a 240
marine,
^
Cet ichtyosaure
longobardicus,
millions
cantonal
est visible
de géologie
de
au
Musée
Lausanne
«Tessin»,
d'années
« N a t u r l e h r p f a d a m M o n t e S. G i o r g i o » , p a r A . A n t o n i e t t i et al. E n t e T i c i n e s e p e r il T o u r i s m o , B e l l i n z o n a . 1 9 8 0 .
dinosaures marins n'existent pas. On peut
à la rigueur parler de dinosaures volants
avec les ancêtres des oiseaux, comme
l'«Archaeopteryx», mais c'est tout.»
Une «Suisse» marine et
morcelée
Manque de chance pour les amateurs
de dinosaures suisses, notre pays a passé
l'essentiel de l'ère secondaire, ou Mésozoïque (de - 2 5 0 millions d'années à
- 6 5 millions), sous une vaste mer. Autant
dire que les chances de retrouver ici des
Robin Marchant
est conservateur
fossiles de dinosaures sont sérieusement
amoindries.
A cette époque lointaine, la Suisse
n'était pas seulement recouverte d'eau,
«mais le sol avait encore un aspect géo­
logique différent. Les Alpes n'avaient pas
émergé des océans, et le territoire actuel
de notre pays était divisé en plusieurs
morceaux, parfois distants de plusieurs
milliers de kilomètres», complète Robin
Marchant.
Quelques terres apparaissaient par­
fois çà et là, pour former des plages ou
du Musée cantonal
de géologie
et Dr ès sciences de l'UNIL
des îles qui vont conserver les traces du
passage des dinosaures. Et là, la Suisse
est gâtée puisqu'elle compte plusieurs
sites d'importance mondiale pour la
connaissance de ce passé reculé.
A San Giorgio,
il y a 240 millions d'années
Le plus ancien de ces hauts lieux de
la préhistoire se trouve au Tessin. Il nous
a permis de découvrir à quoi ressemblait
la Suisse, juste avant que les dinosaures
ne fassent leur apparition.
Très riche en fossiles, la région de San
Giorgio a été classée au Patrimoine mon­
dial de l'humanité par l ' U N E S C O en
2003. « Le site a livré des trouvailles fabu­
leuses, apprécie Robin Marchant. C'est
le plus riche de Suisse.»
Il y a 240 millions d'années, San
Giorgio était une lagune pas très éloi­
gnée de terres émergées, ce qui
explique que l'on y ait également
retrouvé de rares reptiles terrestres,
comme le Ticinosuchus, et surtout d'in­
nombrables reptiles marins. Parmi eux,
il y a certains fossiles spectaculaires,
telle cette «girafe marine» (Tanystro­
pheus longobardicus), une sorte de
monstre du loch Ness préhistorique,
avec un corps ovale, un très long cou et
une petite tête, dont une seule vertèbre
mesurait 25 centimètres!
La «Suisse», paradis
des requins, des crocodiles
et des tortues
Notre «girafe marine» n'est pas la
seule à s'épanouir dans les mers et près
des rares terres helvétiques momentané­
ment émergées. «Nous avons surtout
26
ALLEZ
SAVOIR!
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retrouvé des traces de tortues, de croco­
diles et de reptiles marins qu'on appelle
les ichtyosaures», poursuit Robin Mar­
chant.
Profitons de ces apparitions inatten­
dues pour dissiper une autre confusion
très répandue: plusieurs animaux qui
nous sont familiers au X X I siècle,
comme les requins, les crocodiles et les
tortues, sont apparus avant les dino­
saures et les ont côtoyés. Comme ils ont
côtoyé certains reptiles marins, les plé­
siosaures et les ichtyosaures.
e
Cette peinture
Les «dauphins» et les crocodiles
de la préhistoire
«L'un de ces ichtyosaures a été
retrouvé à Corbeyrier (VD), précise le
paléontologue de l'UNIL. Ces fossiles
nous permettent d'imaginer que ces rep­
tiles marins nageaient dans nos eaux.»
Morphologiquement proches des
dauphins actuels, les ichtyosaures étaient
des reptiles retournés vivre dans l'eau.
«Ils s'étaient si bien réadaptés qu'ils ne
pondaient plus d'œufs, précise Robin
d'un Ticinosuchus fero.x est proposée comme repos d'écran par le National
Il donne une idée de la terreur
qu 'a pu inspirer
ce carna.<sier
«tessinois»
Marchant. Les petits ichtyosaures étaient
capables de se développer dans le ventre
de leur mère.»
Outre ces ichtyosaures, on trouvait
aussi des plésiosaures, des reptiles marins
qui, eux, continuaient à pondre leurs
œufs sur le sol. Il faut encore imaginer
que les eaux suisses étaient parcourues
par des tortues et des sténéosaures, de
terribles crocodiles marins. Les plus gros
d'entre eux pouvaient mesurer jusqu'à
15 mètres de long. On en a retrouvé des
fossiles dans le J u r a vaudois (Risoux).
Géographie
de son
sur son site
vivant
Internet.
Bienvenue
au Mésozoïque,
le parc
suisse
des
dinosaures
GEOSCIENCES
Enfin, on a découvert un ou deux
ossements de ptérosaures, des reptiles
volants qui devaient donc survoler le ter­
ritoire de la Suisse actuelle.
Les premiers dinosaures
suisses
Pour découvrir nos premiers dino­
saures, il faut quitter le Tessin et mettre
le cap sur le canton d'Argovie, où les
mers ont laissé apparaître quelques
plages, il y a 220 millions d'années.
Durant les vingt millions d'années qui
séparent le site de San Giorgio de celui
de Frick (AG), les grands sauriens sont
apparus. «Et ces derniers ont foulé les
plages «argoviennes». A tel point que ce
site est devenu l'un des plus gros gise­
ments de dinosaures d'Europe. On y a
déjà retrouvé 19 à 20 individus diffé­
rents. Il s'agit la plupart du temps de
squelettes partiels. Un seul est pratique­
ment entier: il s'agit d'un platéosaure,
dont une copie est exposée au Musée
cantonal de géologie de Lausanne»,
explique Robin Marchant.
Le plus vaudois des dinosaures
Les dinosaures «argoviens» sont
quasi exclusivement des platéosaures.
Ces animaux herbivores étaient des prosauropodes, des ancêtres des sauropodes,
ces géants de la préhistoire qui vont
atteindre 40 mètres de long, quelques
millions d'années plus tard.
Plus modeste, le platéosaure de Frick
ne mesurait que 5,50 mètres de long, mais
on en a retrouvé qui atteignaient les
10 mètres. On pense que les dinosaures
«argoviens» transitaient par nos contrées
pour se rendre en Allemagne, où se trou­
vaient davantage de terres émergées, et
donc de nourriture.
Découvert à de très nombreux exem­
plaires dans notre pays, le platéosaure
est le plus «suisse» des dinosaures. Il est
également le plus vaudois, puisque des
paléontologues ont exhumé une dent
appartenant à l'un de ces herbivores, sur
les hauts de Corbeyrier.
Une digestion difficile
N'imaginez pas que notre herbivore
était une sorte de vache préhistorique,
qui passait sa vie à ruminer son foin ou
brouter des champs d'edelweiss mésozoïques. «Là encore, attention aux idées
reçues, prévient Robin Marchant: quoiqu'herbivores, les platéosaures ne man­
geaient pas d'herbe. A cette époque, les
graminées n'existaient pas. Elles ne sont
apparues que 70 millions d'années plus
tard. Il se nourrissait donc de plantes
gymnospermes comme les cycas et les
araucarias, qui avaient la forme de petits
arbustes, ou même d'arbres.»
Le platéosaure n'ayant que des dents
pointues, il avait de la peine à mâcher les
plantes robustes. Heureusement pour lui,
le saurien avait trouvé le moyen de doper
son système digestif. «On a retrouvé des
cailloux dans son estomac, raconte Robin
Marchant. Ces pierres l'aidaient à broyer
les végétaux dans son ventre et à les digé­
rer. La technique n'a pas disparu, puis­
qu'elle est encore utilisée par certains ani­
maux actuels, comme les cachalots et les
poules.»
Cœlophysis,
le prédateur suisse
Il a fallu attendre l'été dernier pour
que la Suisse découvre enfin «son» pre­
mier dinosaure C a r n i v o r e . Le prédateur
qui chassait nos platéosaures s'appelait
Cœlophysis. La présence de ce C a r n i v o r e
est tout aussi logique que celle des pla­
téosaures. Ce dinosaure était également
très répandu à l'époque. On en a ainsi
retrouvé de nombreux fossiles en Alle­
magne, mais encore en Amérique du
Nord, où ils atteignaient les 3 mètres, et
en Chine, où leur peau était recouverte
de plumes rudimentaires.
Ces deux platéosaures
représentés
à ce que devait être Frick
il y a 220
trois doigts crochus, et il disposait de
dents acérées.
Cela dit, Coelophysis n'était peutêtre pas le seul carnassier qui chassait
à Frick. Les paléontologues ont en effet
retrouvé une petite dent, de la taille
d'une pièce de cinq centimes, à côté des
squelettes de platéosaures. Elle a pro­
bablement appartenu à un charognard
venu «voler» quelques bouchées de
viande. Peut-être un de ces spectacu­
laires Liliensternus, avancent les spécia­
listes argoviens.
Dans le J u r a , il y a 150 millions
d'années
Alors que le site de Frick nous
montre les premiers dinosaures, un
voyage dans le temps et l'espace nous
permet de découvrir comment ces
géants ont évolué. Pour cela, il faut se
rendre dans la région de Lommiswil
( S O ) , de Moutier et surtout dans le
J u r a , sur l'itinéraire de la future auto­
route Transjurane, où a été découvert
un autre site d'importance mondiale.
«C'était le prédateur de l'époque, et,
comme tous les carnivores, il était plus
petit que les herbivores», précise Robin
M a r c h a n t . Profilé pour la vitesse et la
chasse, le Cœlophysis était léger (une
cinquantaine de kilos) et bien armé. Ses
pattes antérieures étaient pourvues de
Cette copie du
squelette de platéosaure
retrouvé
à Frick (AG) est exposée
au Musée cantonal de géologie,
à
28
Lausanne
ALLEZ
SAVOIR!
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MAI
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ont été
dans un décor
ALLEZ
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MAI
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millions
similaire
(Argovie),
d'années
Si les terres jurassiennes n'ont livré
que très peu de fossiles, elles sont en
revanche très riches en pistes de dino­
saures. «On y a mis à jour plus de 4000
traces, et il y en a certainement davan­
tage», estime Robin Marchant.
Ces vestiges nous ramènent 150 mil­
lions d'années en arrière, à une époque
où le J u r a actuel n'est pas encore formé.
«C'est un fond marin qui émerge par
moments des eaux peu profondes qui le
recouvrent la plupart du temps», précise
le chercheur de l'UNIL.
Bienvenue
au Mésozoïque,
le parc
suisse
ded
din.odau.red
GEOSCIENCES
A l'occasion d'une variation du niveau
marin, les abords actuels de Porrentruy
et de Delémont se transforment en une
plage ou un îlot foulé par d'innombrables
lézards géants. «Il y a toujours les ani­
maux marins dont nous avons parlé, les
crocodiles, les ichtyosaures, les tortues
et les plésiosaures. Il y a certainement
des reptiles volants qui survolent ce
décor. Et en plus, il y a des dinosaures»,
raconte Robin Marchant.
Des herbivores et des
carnassiers
Entre les dinosaures de Frick, qui ont
chassé il y a 220 millions d'années, et
leurs lointains descendants qui se sont
promenés dans le J u r a , 70 millions d'an­
nées se sont écoulées. De sorte que, il y
a 150 millions d'années, quand des terres
émergent, elles sont fréquentées par une
faune assez différente.
Beaucoup de sauropodes, des dino­
saures quadrupèdes et herbivores comme
Cette peinture
noiui
les Diplodocus, sont passés par là. Ils
nous ont laissé des traces de pattes de
20 centimètres à 1 mètre de diamètre, ce
qui nous laisse imaginer des dinosaures
de 3,5 mètres à 20 mètres de long. Pour
des tailles au garrot de 1 à 4 mètres, et
un poids allant jusqu'à 20 tonnes. «L'ana­
lyse de ces traces a encore montré que
ces géants marchaient à la vitesse
modeste de 2 à 3,8 km/heure», détaille
Robin Marchant.
Les paléontologues ont encore
découvert dans le J u r a des traces de
petits carnivores bipèdes à trois doigts,
peut-être laissées par des cœlurosaures
de type Compsognathus. Et de plus
grandes (30 centimètres) qui font pen­
ser à un prédateur de 6 mètres de long,
proches des allosaures qui comptent
parmi les carnassiers les plus terribles
du J u r a s s i q u e .
«Le problème des traces, c'est qu'on
ne peut pas les attribuer avec certitude
à des espèces précises. M a i s cela ne
permet d'imaginer les paysages
de nombreux
dinosaures,
herbivores
du Jura
suisse, il y a 150
et carnivores,
nous empêche pas de faire des rappro­
chements», ajoute le chercheur de
l'UNIL.
Et les T. rex? Et les raptors?
Reste cette question que tous les
enfants, grands et petits, se posent: trou­
verons-nous un jour la trace de tyrannosaures et de vélociraptors en Suisse? « J e
crains que non», répond le paléontologue
de l'UNIL. Ces animaux ont vécu au
Crétacé, non au Jurassique, comme on
le croit après avoir lu le livre de M. Crichton ou vu le film de S. Spielberg.
«Or la Suisse de cette époque n'a livré
que très peu de vestiges d'origine ter­
restre. Pour nous Suisses, c'est la période
la plus pauvre en dinosaures, car certains
de nos territoires actuels, comme les Préalpes, étaient alors situés dans des
endroits vraiment profonds, sous deux
mille mètres d'eau.»
Ce constat ne signifie pas pour autant
que nous n'en apprendrons pas davan-
millions
ainsi que des reptiles
d'années, où
passaient
géants
A
Un de ces terribles
allosaures
a peut-être
mais pas celui-là, qui nous est venu des Etats-Unis
(photo ci-dessous)
n'a jamais
arpenté
les terres jurassiennes
il y a 150
millions
d'années,
pour être exposé à Neucbâtel. En revanche, le très médiatique
foulé le sol suisse (ici une réplique du
T. rex
Dino-Zoo)
tage sur les dinosaures de Suisse. Au
contraire. Il faut savoir que de nom­
breuses traces préhistoriques ont été dé­
couvertes par les paléontologues en mon­
tagne, ces dernières années, quand les
neiges se retiraient durant un été particu­
lièrement chaud. C'est notamment le cas
des pistes d'Emosson, en Valais, en 1976.
De ce point de vue, l'actuel réchauf­
fement de la planète et le recul des neiges
qui l'accompagne offrent de formidables
perspectives aux chasseurs de dinosaures
qui arpentent nos montagnes. Et ils sont
nombreux.
Jocelyn Rachat
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ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
MAI
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ALLEZ
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3 1
Bienvenue
au Mésozoïque,
le parc
suisse
des
dinosaures
GEOSCIENCES
Découvrez les dinosaures de Suisse
Le célèbre Tyrannosaure rex n'a jamais chassé sous
nos latitudes. Et pour cause: durant la plus grande
partie du Mésozoïque, l'âge des dinosaures,
la Suisse actuelle était recouverte par une mer plus
ou moins profonde. Cela explique que nos paléontologues n'ont retrouvé que peu de restes de
dinosaures, animaux exclusivement terrestres.
A ce stade de la recherche, on peut affirmer que
des platéosaures (herbivores) et un Cœlophysis
Carnivore ont visité l'actuelle région de Frick,
en Argovie, il y a 220 millions d'années.
J
10. Gloveller (JU)
H.Soleure(SO)
12. Lommiswil (SO)
13. Reconvillier (BE)
14. Granges (SO)
15. La Heutte(BE)
16. Pierre Pertuis (BE)
17. Frinvillier (BE)
18. Twannberg (BE)
19. Salève (GE)
20. Corbeyrier (VD)
21.Beckenried (OW)
22. Piz dal Diavel (GR)
LHallau (SH)
2. Frick (AG)
3. Hauenstein (SO)
4. Niederschònthal (BL)
5. Oberbuchsiten (SO)
6. Ròschenz (BL)
7. Raimeux (BE)
8. Moutier (BE)
9. Courtedoux (JU)
Une dent de platéosaure, retrouvée à Corbeyrier,
nous dit encore que cet herbivore a également
foulé l'actuel sol vaudois.
Des empreintes de pas témoignent que des
dinosaures proches des diplodocus (herbivores
géants), des cœlurosaures (petits carnivores)
et des allosaures (grands carnivores) ont vécu
dans l'actuelle région de Porrentruy-Délémont.
On a enfin découvert des traces qui font penser
à un iguanodon, près du lac de Lucerne, et des
vestiges de stégosaure, à Oberbuchisten (SO).
Ossements
de platéosaure
Ossements
de stégosaure
Ossements
d'autres herbivores
Ossements
de Carnivore
Empreintes
de platéosaure
Empreintes
d'iguanodontidé
1.1
Empreintes
d'autres herbivores
^ I
Empreintes
de carnivore
CARBONIFÈRE
PERMIEN
TRIAS
PALÉOZOÏQUE
400 mio d'années,
apparition des reptiles
32
MÉSOZOÏQUE
jfcj
I 220 mio d'années, dinosaures de Frick
CENOZOIQUE
150 mio d'années, pistes de dinosaures dans le Jura
240 mio d'années, reptiles de San Giorgio
ALLEZ
SAVOIR!
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NÉOGÈNE
PALÉOGÈNE
CRÉTACÉ
JURASSIQUE
M..
ALLEZ
SAVOIR!
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'..ii.i T.ti ili' lì-.iii.un,- [Jaláis do Itumimi, i •»• •••••
33
Bienvenue
au Médozo'ique,
le parc
suisse
des
dinosaures
GEOSCIENCES
^
Le c h e r c h e u r q u i f a i t p a r l e r les dents
Cette dent de requin fossile
appartenu
l'ancêtre
grand
et les os fossiles
à un terrible
géant
requin
chimique
de notre
blanc. Sa
nous indique
ce que mangeait
millions
a
Megalodon,
actuel
composition
notamment
cet animal,
il y a des
d'années
Torsten Vennemann est professeur de géosciences à l'UNIL. Il fait partie
de ces scientifiques qui dévoilent le passé des dinosaures et des requins
fossiles en traquant l'oxygène et le carbone que contiennent leurs vestiges.
T
orsten Vennemann peut se vanter
de taire parler des dents de requins
fossiles. «J'en ai déjà analysé entre deux
et trois mille», sourit-il. Dans un article
qu'il cosigne ces jours-ci dans la presti­
gieuse revue «Geology», le chercheur de
l'UNIL révèle que certains requins
nageant il y a vingt millions d'années
étaient déjà capables de survivre dans des
lacs ou des rivières d'eau douce, comme
le font des squales aujourd'hui au Nica­
ragua et en Afrique du Sud.
Torsten
est professeur
Vennemann
à la Faculté des géosciences et de l'environnement
Il y dirige l'Institut de minéralogie
de l'UNIL.
et de géochimie
«Vous n'imaginez pas ce qu'une dent
fossile peut nous apprendre, poursuit le
professeur de géosciences à l'UNIL. En
analysant les variations cycliques de
l'oxygène qui s'y trouve encore, nous
pouvons déterminer l'amplitude des
changements auxquels l'animal a été
confronté de son vivant. Nous pouvons
notamment calculer la température de
l'eau dans laquelle il nageait. Et nous
pouvons même reconstituer le décor dans
lequel évoluait le requin fossile. Le squale
dont nous parlons dans Geology nageait
dans une mer d'eau douce située près de
montagnes très élevées, un peu comme
nos Andes d'aujourd'hui.»
Des requins aux dinosaures
Quand il n'analyse pas des vestiges de
requins, Torsten Vennemann fait parler
des dents et des os de dinosaures. Grâce
à diverses analyses du même genre, les
chercheurs peuvent découvrir ce que
mangeaient les «terribles lézards», à
quelle vitesse ils grandissaient, et décrire
l'environnement dans lequel ont évolué
les animaux fossiles.
La vitesse de croissance des géants de
la préhistoire, notamment, fait débat
parmi la communauté scientifique. Les
œufs fossiles de dinosaures mesurent des
tailles qui vont de la balle de ping-pong
à celle du ballon de football. Des plus
gros de ces œufs sortaient des animaux
grands comme un poulet, mais qui étaient
capables de devenir des brachiosaures
adultes mesurant 12 mètres de haut et
23 mètres de long!
«A ce stade de la recherche, il y a deux
scénarios, résume Torsten Vennemann.
34
ALLEZ
SAVOIR!
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MAI
2 0 0 7
Soit les dinosaures grandissaient lente­
ment durant une existence très longue,
comme certaines espèces de tortues des
îles Galapagos qui vivent plusieurs cen­
taines d'années sans jamais cesser de croî­
tre en taille; soit ils grandissaient très vite. »
Grâce à des analyses effectuées sur un
os de dinosaure retrouvé en Chine, Tors­
ten Vennemann s'est forgé une convic­
tion. «Nous avons travaillé sur un os de
sauropode (les plus grands des dino­
saures, ndlr.). Nos examens permettent
de reconstituer trois années de la vie de
ce dinosaure. Elles montrent des
variantes de croissance très étonnantes.
Cet os a grandi de 5 centimètres en trois
ans, ce qui est énorme. Nous avons
encore découvert que, à certaines
périodes, cet animal a arrêté sa crois­
sance, puis elle a repris. Nous pensons
que cela correspond à une période de
sécheresse qui interrompt la croissance.
Et celle-ci reprend lorsque le climat
change. L'analyse de ce fossile, qui est
encore en cours, nous laisse penser que
les dinosaures grandissaient vite.»
Ce qu'ils mangeaient
Les scientifiques qui cherchent à per­
cer les secrets des dinosaures tentent
encore de déterminer le menu des «ter­
ribles lézards». «La composition isoto­
pique du carbone retrouvé sur les fos­
siles de dinosaures peut nous en dire long
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
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2 0 0 7
sur leur régime alimentaire, poursuit
Torsten Vennemann. Car le carbone,
c'est le repas. Et cette signature au car­
bone est différente pour chaque plante,
chaque algue et chaque animal.» En
l'analysant, il est possible de découvrir
ce que mangeaient ces animaux dispa­
rus il y a des millions d'années.
«Ici, à Lausanne, nous avons fait ce
genre d'études sur des mammouths et des
rhinocéros laineux, poursuit Torsten
Vennemann. D'autres chercheurs en ont
fait de même sur des hominidés, et bien
sûr sur des dinosaures.»
Là encore, l'étude de la composition
isotopique des fossiles retrouvés peut
nous aider à raconter l'histoire de ces
géants disparus, puisqu'elle nous dira
peut-être un jour si les dinosaures par­
venaient à contrôler leur température ou
pas. «Les mammifères et les oiseaux peu­
vent le faire, les reptiles partiellement»,
explique le professeur de l'UNIL. Dans
le cas des dinosaures, on ne le sait pas
encore. Mais il y a bon espoir d'avoir
bientôt une réponse à cette autre ques­
tion controversée.
J.R.
A lire :
«Migration of sharks
into freshwater systems during
the Miocene and implications
for Alpine paleoevaluation»,
par L. Kocsis, T. Vennemann
et D. Fontigine, dans la revue
«Geology» de mai 2007.
35
RELIGION
Samedi
contre la publication
11 février
2006, un manifestant
de caricatures
musulman
proteste
dans la presse occidentale. Il brandit
devant le Palais
fédéral
le Coran
stî
:juoi l'islam
notre rapport
la religion
~J^)édormaid
inscrit datw Le paysage éuidée, L'u-
Lam dudelte réguLièrenient
ded réactions
dont La
prêtée ée fait L'écho. Maid au fait, queLLed quedtiond?
Se pourrait-dque
L'uLam revivifie La foi chrétienne?
Leo répondes de troid dpéciaLuted de L'UNIL.
L
a foi est de retour» : c'est le titre
d'un article paru en mars der­
nier dans «Un quart d'heure pour J é ­
sus», le journal gratuit des Evangéliques
suisses. A l'appui de cette «révélation»,
un sondage. Cette étude indiquait
notamment qu'un pourcentage impor­
tant des Suisses interrogés (36 %) évo­
quait «la confrontation avec l'islam»
parmi les raisons de leur supposé regain
d'intérêt pour la spiritualité et le religieux.
Quel rapport entretenons-nous
avec la religion?
Une lecture attentive des infogra­
phies montre que le chiffre est bien
inférieur à ce qui apparaît de prime
abord dans l'article (en réalité, seuls
huit Helvètes sur cent ont été stimulés
par la confrontation). Une anomalie
intéressante en elle-même.
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Quoi qu'il en soit, confrontation ou
pas, l'islam nous renvoie effectivement
au rapport que nous entretenons avec
la religion. Va-t-il rapprocher les chré­
tiens de leur foi? Pourquoi et comment
nous interroge-t-il? Pour Olivier Favre,
chercheur à l'Observatoire des religions
de l'UNIL, «deux phénomènes nous
poussent au questionnement sur le reli­
gieux: le fait de l'islamisme dans son
expression radicale et la rencontre avec
l'islam à travers l'immigration (essentiel­
lement balkanique en Suisse). Mais de
là à conclure à une augmentation de la
pratique parmi les chrétiens, c'est très
discutable.»
Le chercheur lausannois distingue trois
types de réactions, dont deux minoritaires
mais qui font le plus de bruit, en l'occur­
rence autour de la question emblématique
des minarets. Premièrement, la position
37
Pourquoi
l'islam
stimule
notre
rapport
à la
religion
RELIGION
La grande mosquée de Genève et son
Une rareté aujourd'hui
pas que franchissent, par réaction, des
personnes qui ne se définiraient pas
comme chrétiennes dans d'autres cir­
constances. «La majorité chrétienne ne
ressent pas l'agnosticisme ou l'athéisme
comme de véritables défis, poursuit-il,
mais, face à une affirmation tranchée,
l'obligation d'en revenir à ce que l'on
croit ou pas se fait sentir.»
Impossible, par ailleurs, de passer
sous silence les violences exercées au
nom de l'islam. Shafique Keshavjee rap­
pelle que Mohamed a été aussi un chef
guerrier. «Les musulmans les plus littéralistes peuvent se référer à lui en tant
que chef religieux, politique, juridique et
militaire. La violence n'a certes pas épar­
gné le christianisme, qui a sans doute tué
davantage que l'islam. Mais son rejet a
suscité un développement de l'athéisme
et de l'humanisme agnostique à l'époque
des Lumières.»
Olivier Favre, chercheur à l'Observatoire
à l'Université
de Lausanne
la plus ouverte qu'incarne l'évêque de
Zurich Kurt Koch qui ne voit aucune
objection à ce qu'on en construise. Pour
lui, le problème n'est pas l'islam mais la
tiédeur de notre foi chrétienne.
A l'opposé, des protestants conserva­
teurs développent un argumentaire reli­
gieux et agissent au niveau politique
contre ces constructions, comme cela
s'est produit l'année passée à Langenthal
(BE) ou à Wangen ( S O ) , entre autres.
La troisième position, majoritaire, est
celle du gros de la population qui exprime
un malaise de manière diffuse. Mais, au
fond, quelles sont les questions que nous
pose la présence de l'islam?
L'islam attire
Il nous met en présence de croyants
très affirmés car «il est souvent pratiqué
par des personnes zélées, dont toute la
vie est impliquée dans un religieux qui
38
L'islam questionne
nos valeurs
des religions
(UNIL)
lui donne son sens. Ces croyants sont par
ailleurs animés d'une volonté de ne pas
privatiser Dieu», analyse Shafique
Keshavjee.
Et le professeur de théologie des
religions a u x universités de Lausanne
et Genève de citer ces jeunes femmes
occidentales converties à l'islam, qui
disent avoir trouvé dans la pratique de
cette religion un cadre sécurisant et
une nouvelle force intérieure, après
avoir vécu une vie sexuelle libre mais
pas très heureuse.
Il fait peur
Pour Jean-Claude Basset, enseignant
en islamologie à la Faculté de théologie
et de sciences des religions de l'UNIL,
«la conjonction d'un sentiment d'enva­
hissement et d'une société très séculari­
sée amène certains à se sentir démunis».
De là à éprouver de la peur, il n'y a qu'un
ALLEZ
SAVOIR!
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L'islam nous conduit encore à nous
interroger sur nos propres valeurs et
leurs fondements. Parmi les sujets incon­
tournables, i l y a celui de l'égalité hommefemme. «Une majorité de musulmans
souhaite adopter les valeurs occidentales
d'égalité, estime Shafique Keshavjee.
Mais pour les littéralistes, la différencia­
tion des rôles masculin et féminin vou­
lue par Mohamed est cruciale et ne pas
la maintenir, c'est perdre son âme.»
Sur ce point, J e a n - C l a u d e Basset fait
toutefois remarquer que «nous sommes
tous ici pour l'égalité. La preuve c'est que
nous dénonçons l'inégalité chez les
autres ! Mais nous ne sommes pas encore
parvenus à un salaire égal pour un tra­
vail égal.»
Quant aux valeurs non négociables,
Shafique Keshavjee les définit très clai­
rement: «La liberté de croire ou pas, le
fait de pouvoir entrer dans une religion
et la quitter, l'égalité homme-femme, le
respect des minorités, un pluralisme réel
- c'est-à-dire pas celui qu'un groupe
minoritaire utilise pour se faire entendre
tout en le refusant à autrui.»
Nos valeurs ont aussi une
source religieuse
Et le chercheur de l'UNIL de rappe­
ler que «nos valeurs sont fondées sur la
Bible et la philosophie. Elles ont donc
aussi une source religieuse. Certaines de
nos lois sont nées dans les démocraties
anglaise et américaine, très fortement
marquées par diverses formes de protes­
tantisme, plus démocratique que le
catholicisme. D'où l'existence en Occi­
dent d'une liberté de croyance valorisant
cette histoire et une séparation du reli­
gieux et du politique.»
Ce qui n'empêche pas la religion d'oc­
cuper une place très importante dans un
pays comme les Etats-Unis où chaque
réunion de cabinet à la Maison-Blanche
commence actuellement par une prière
et où 6 5 % des personnes se disent
croyantes (un chiffre cité dans le hors
série de «Courrier international» de mars
dernier intitulé Au nom de Dieu).
Il remet la question de la
religion sur la place publique
«La religion ayant été longtemps relé­
guée dans la sphère privée et chacun fai­
sant ce que bon lui semble, le besoin de
prendre position n'existait pas. Du fait
de sa différence, l'islam remet en cause
un accord qui n'était que superficiel», fait
remarquer J e a n - C l a u d e Basset.
Or l'islam conteste le caractère privé
de la religion - comme le fait quiconque
a quelques connaissances en sciences des
religions. Car il existe bel et bien une
manifestation publique de la religion, et
les discussions autour de la Charia posent
d'ailleurs cette question.»
Preuve de l'importance du thème, le
Fonds national de la recherche scientifique
( F N R S ) a débloqué 10 millions sur trois
ans pour des recherches, avec un intérêt
particulier pour les questions légales.
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
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2 0 0 7
minaret.
en Suisse
Pourquoi
I'id lam
dtimule
notre
rapport
à la
religion
Samedi
de inanifedtantd
II février
inudiilmaiid
devant
« A l'occasion de la rencontre avec l'is­
lam, les Européens voient le religieux
réapparaître sur la place publique,
constate lui aussi Shafique Keshavjee. En
même temps, nombreux sont ceux qui
prennent conscience qu'à côté du pro­
cessus de laïcisation, une autre réalité
existe au niveau mondial. A savoir que
politique et religion sont imbriquées dans
de nombreux pays comme l'Iran, l'Inde,
Israël ou la Russie, pour ne citer que
ceux-là.»
musulmans ne sont pas si différentes de
celles des juifs. Pour ces derniers, la
situation s'est résolue à Lausanne avec
le cimetière de Cery. A Genève, un cime­
tière a été ouvert... sur territoire français,
avec un accès situé à Veyrier, en terri­
toire suisse ! Les questions soulevées par
les musulmans mettent ainsi à jour cer­
taines entourloupettes.»
L'islam nous interroge sur
le fonctionnement du rapport
entre religieux et politique
Rappelons encore que sur Vaud, les
pasteurs réformés sont payés par l'Etat
ainsi que les prêtres catholiques et,
depuis peu, le rabbin. Au niveau de
l'école, l'enseignement biblique vaudois
se trouve questionné par la présence de
l'islam, qui, s'il n'est pas seul en cause,
focalise l'attention et impose une
approche qui oblige à élargir cet ensei­
gnement.
«Sommes-nous aussi clairs que nous
le pensons sur la manière dont fonctionne
notre rapport entre politique et religion?
s'interroge Jean-Claude Basset. La pro­
blématique des cimetières est, à cet
égard, intéressante et les demandes des
40
Il met à jour une forme
d'autocensure
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
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2 0 0 7
En mars dernier, la Fédération évangélique vaudoise (FEV, 5000 fidèles) a
déposé une demande de reconnaissance
d'intérêt public auprès des autorités can­
tonales. Les lois votées en janvier par le
Grand Conseil attribuent un statut de
droit public (avec subventions) aux
Eglises protestante et catholique et
accordent un statut plus limité d'intérêt
public à la communauté israélite.
Mais Olivier Favre explique que «les
exigences à l'égard des pasteurs sont très
strictes et toutes sortes d'assurances
concernant les droits de l'homme sont
requises. On sent une certaine crainte à
faire avancer les dossiers. Derrière ces
réticences, se profile la peur de l'islam.»
Selon lui, une forme d'autocensure à
la fois à propos des musulmans et à pro­
pos de nos racines judéo-chrétiennes est
perceptible. «Dans une tentative de
maintenir l'équilibre entre les acteurs
religieux, ces racines doivent rester des
références à un humanisme permettant
la pluralité et le respect mais ne sont pas
assumées comme une pensée à imposer.
La question de l'islam fait ici office d'ex­
cuses.»
2006,
un millier
prient
le Palaid
à
^
Berne,
fédéral
les diflérences», note pour sa part J e a n Claude Basset.
Dès lors, il s'agit de ne pas tomber
dans le piège de la confrontation, «de ne
pas mettre tout le monde dans le même
sac et de ne pas se précipiter sur le pre­
mier non-événement venu pour l'ampli­
fier démesurément». Allusion à l'épisode
neuchâtelois de décembre 2006, «qui
avait fourni l'occasion de faire de belles
Unes de journaux» avant de se dégon­
fler complètement.
Eviter le piège de la
confrontation
A l'époque, des parents musulmans
auraient demandé que la fête de Noël
cesse d'être célébrée dans les écoles, ce
qui s'est avéré faux. Noël étant pour la
majorité d'entre nous affaire de sapin et
de cadeaux plus que de messe de minuit,
A Genève, au siège de la Croix-Rouge,
croissant
musulman
la cohabitation
de la croix chrétienne et du
est entrée dans les mœurs depuis bien longtemps
l'épisode illustre à quel point tout peut
être bon pour susciter la confrontation.
Une tentation qui existe de part et
d'autre.
«Côté musulman, en vertu de valeurs
différentes, certains peuvent éprouver le
besoin de ne pas se faire complètement
assimiler. Le problème étant pour eux de
savoir comment poser leur identité dans
un contexte relativiste dans lequel ils ne
se retrouvent pas.» Et cela alors qu'au
sein de nombreux pays musulmans, «l'is­
lam se vit aussi dans un contexte de
consensus mou, sauf en cas de crises
comme celle qui oppose Bush et Ben
Laden», remarque Jean-Claude Basset.
L'islam conduit à en finir avec le
consensus mou
Une chose est sûre, l'attitude relativiste n'est plus dans l'air du temps. «De
nombreux Occidentaux ont longtemps
vécu avec l'idée plus ou moins explicite
que toutes les religions se valent, constate
Shafique Keshavjee. Mais la confronta­
tion entre certains musulmans religieux,
mais inconsciemment irrespectueux et
peu pluralistes, et une société peu reli­
gieuse et inconsciemment assez relativiste change la donne. Cette conjonction
d'absence de pluralisme chez les uns et
de relativisme chez les autres provoque
un réveil chez certains.»
Qui revendique ouvertement
un islam libéral ?
«La fin du consensus mou entre reli­
gion et société nous confronte à la ques­
tion de savoir quelle place accorder à la
diversité religieuse, et jusqu'où accepter
Pour Shafique Keshavjee, «si le choc
peut parfois être frontal, c'est que reli­
gion et politique s'articulent chez les
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Pourquoi
l'islam
stimule
notre
rapport
à la
religion
RELIGION
Œ
personnalités fortes défendant un islam
libéral», regrette Shafique Keshavjee.
Il appelle donc de ses vœux un réel
pluralisme qui permette un vrai dialogue,
tout en précisant que si le respect de
l'autre est indispensable, il faut aussi
savoir résister à l'irrespect et le recon­
naître en soi et chez autrui. «Le respect
de la différence n'est pas une valeur en
soi», estime Shafique Keshavjee.
A propos de rapport de force, des
questions géopolitiques entrent aussi en
j e u : ainsi la longue alliance des EtatsUnis avec l'Arabie Saoudite, forgée
autour du pétrole et doublée d'un silence
total sur les droits de l'homme, n'a pas
été sans conséquence. «Les milliards du
pétrole ont permis au wahhabisme d'es­
saimer par l'intermédiaire d'imams qui
transmettent à l'étranger l'islam le moins
éclairé. Nous en subissons le contrecoup
Jean-Claude
Basset, enseignant
en islamologie
de sciences des religions
musulmans, d'où la plus grande visibi­
lité de ceux qui ont un discours sans
ambiguïtés dans lequel la religion
occupe clairement sa place dans la vie
sociale et politique. Il faut toutefois pré­
ciser qu'il existe une importante diver­
sité de courants et que les plus médiati­
sés sont les 10 à 1 5 % les plus
traditionalistes ayant en tête un islam très
affirmé.»
«Le respect de la différence
n'est pas une valeur en soi»
Le goût des médias pour la polarisa­
tion est ainsi pain bénit pour les tradi­
tionalistes, qui ont tout loisir de se faire
entendre. «Le problème actuel est celui
du rapport de force entre ce courant mi­
noritaire et les nombreux musulmans
appréciant les valeurs démocratiques
occidentales, qui ne prennent pas la pa­
role. En Suisse romande, il n'y a pas de
42
£ n septembre 2006, les propos du pape Benoît
à la Faculté de théologie et
SU
SISE Q
Musulmans bien intégres
LE MATIN
E T U D E REGARD SUR LES 3 1 0 OOOÉTRANQERS DE CONFESSION ISIAMIQUEVIVANTEN SUISSE
•
Octobre 2005:
une
étude menée par
Groupe
de
sur l'islam
conclusion
personnes
I
r
r
«MU oaîB*
des
ÏL^.,,,. DU IBRXTC*
d'origine
musulmane
vivent
leur foi
façon
«de
»^fM^c^
A A ÊTRE VÉCUE
DEFACON PRIVÉE &
JWMWRAFLFABLUE
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apolitique».
Bref, sans
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problème
avec les us et
coutumes
«RESTONS
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11 J -,
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privée
XVI, lors d'une conférence en Allemagne,
Le chef de l'Eglise catholique
de l'UNIL
arrive
•
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
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2 0 0 7
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2
3
2
5
4 7 9
2
1
1
3
7
8 5
7
en Occident, mais ce sont d'abord les
pays musulmans qui en pâtissent.»
L'islam va-t-il nous rapprocher
de la foi chrétienne?
Pour Olivier Favre, «le mouvement
vers la sécularisation est certain et ce
n'est pas l'islam qui va inverser la ten­
dance. Si davantage de personnes se met­
taient à pratiquer, ce serait pour des rai­
sons plus profondes. On constate
actuellement une augmentation de la
prière et de la pratique individuelle et une
attente de spiritualité. Si développement
de la religion il y a, il ne se traduira pas
forcément par une augmentation des pra­
tiques traditionnelles.»
romaine
va rapidement
suscitent l'indignation
du monde
musulman.
dissiper ces tensions
tion de la religion, opérée au début du
X X siècle, qui a lieu selon lui.
Enfin, si aucun vrai dialogue ne par­
venait à s'établir, Shafique Keshavjee
envisage quant à lui «l'émergence de
positions plus exclusivistes chez les
musulmans comme chez les chrétiens,
dans une spirale d'attitudes agressives.
A moins que ce soient les attitudes athées
qui prédominent, si les violences devaient
se développer.»
A lire :
e
En attendant d'être fixé, on pourra
bientôt lire le prochain best-seller. C'est
une nouvelle traduction Coran. Comme
elle sera bientôt livrée par une femme
irano-américaine, elle promet encore de
faire des vagues.
Plus qu'un regain de foi, c'est une
remise en question de la remise en ques­
Shafique Keshavjee, «Le roi, le
sage et le bouffon», Seuil, 2000.
«La princesse et le prophète.
La mondialisation en roman»,
Seuil, 2004.
Jean-Claude Basset, «Le dialogue
interreligieux. Histoire et avenir»,
Editions du Cerf, 1996.
Olivier Favre, «Les Eglises
évangéliques en Suisse, origines et
identités», Labor et Fides, 2006.
Elisabeth Gilles
4
1
2
8
3
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SAVOIR!
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43
Moyen-Age,
ded contained
ce n'était pad la loi, niait
qui régiddaient
la
vie ded
Romandd. Elled étaient appliquéed par ded
gend condervateurd qui faidaient
davantage
appel au bon dend. Le grand dpéciaIidle de ced
pratiquée,
Jean-Françoid
Poudret, raconte.
-
Quand
la justice était renuue
par des gens
qui se méfiaient
des juristes!
J
44
ALLEZ
SAVOIR!
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MAI
2 D Q 7
Quand
la justice
était
rendue
• H
S
ix volumes totalisant près de 4000
pages, voilà la somme que le profes­
seur honoraire de l'UNIL Jean-François
Poudret a consacrée à nos coutumes ! Cela
représente seize ans d'un travail minu­
tieux accompli avec l'aide du Fonds natio­
nal suisse de la recherche scientifique.
En tout, ce sont plus de 30'000 docu­
ments, dont une large partie d'inédits, qui
ont été dépouillés. L'ouvrage dépasse la
simple histoire du droit, que Jean-Fran­
çois Poudret a enseignée pendant trentesix ans, et nous introduit dans l'univers
des mentalités médiévales, celle des coutumiers en particulier.
Allez savoir!: Daiui les cantons
romands, la coutume fait office
de loi au Moyen-Age. Qu'est-ce
que ce droit coutumier?
M l
par
des gens
qui
I II un I
se méfiaient
Jean-François Poudret: La coutume
est un ensemble de règles de comporte­
ments dans la société qui tirent leur force
d'un long usage et du consentement au
moins tacite des justiciables. C'est-à-dire
qu'à la différence d'une loi qui est impo­
sée par un pouvoir législatif ou par un
prince, la coutume est le résultat de l'ac­
quiescement des justiciables eux-mêmes.
C'est donc un droit
oral?
Au départ, la coutume repose sur une
tradition orale, oui. Le coutumier, au sens
d'assesseur de justice, transmettait et réci­
tait la coutume dans les tribunaux. Mais
à la fin du Moyen-Age, il y a des rédac­
tions partielles de la coutume... Attention :
ce n est pas parce qu'une coutume a été
consignée par écrit qu elle perd son carac­
tère coutumier. Elle reste toujours dis­
des
juristes!
tincte d'une part du droit statutaire, donc
un droit édité par un pouvoir sous forme
de statuts; et d'autre part du droit écrit,
c'est-à-dire du droit romain tel que le com­
prenaient les romanistes médiévaux.
Enfin, elle se différencie du droit canon
qui émane de la papauté (les fameuses
decrétales, ou décisions rendues par les
pontifes qui ont, elles aussi, force de loi).
Quel est le rôle respectif de ces
différentes sources du droit dans
les pays
romands?
Genève est coutumière jusqu'au X V
siècle. Ensuite, elle subit une forte in­
fluence du droit écrit pratiqué en Savoie
aussi bien que dans la région de la Versoix. Neuchâtel et le J u r a sont résolument
coutumiers. Le Valais episcopal égale­
ment; cette région a un droit très origi­
e
nal, mais adopte des règles statutaires dès
le X V I siècle. Le Chablais, de Villeneuve
aux portes de Sion, est la seule région de
droit écrit. Et Fribourg a un droit statu­
taire depuis le X I I I siècle, assez diffé­
rent du plat pays qui l'entoure, et est régi
par la coutume.
e
e
Et dans le canton de Vaud?
Les Vaudois bénéficient d'un régime
juridique particulier au sein des Etats
savoyards, lis pratiquent le droit coutu­
mier qu'ils considèrent comme le symbole
de leur autonomie face à la Savoie, pays
de droit écrit. Le pouvoir savoyard a été
très respectueux du droit des Vaudois, des
règles, de la procédure comme de l'organi­
sation judiciaire. J e dirais que la Savoie l'a
fait d'autant plus facilement qu'elle n'avait
plus tellement les moyens de s'imposer.
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SAVOIR!
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№ 3 8
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2 0 0 7
47
Quand
la justice
était
rendue
par
des gens
qui de méfiaient
des
juridtes!
INTERVIEW
Etait-on jugé de la même
manière, partout en terred
vaudoided?
Pas tout à fait. Le Pays de Vaud ne
forme pas une unité, tout comme les pays
romands n'en forment pas une. Il est en
effet régi principalement par la coutume
de Moudon, et par celles de Lausanne,
Payerne et Estavayer qui diffèrent par
certains points. Ce qu'il faut retenir, c'est
qu'il n'y a pas de vrai droit commun. Au
Moyen-Age, la Romandie n'existe pas...
Et elle exidterait
aujourd'hui?
On dent encore de granded
differenced entre led cantond
romandd...
Vous ne me le ferez pas dire! L'adop­
tion d'un droit commun à tous les cantons
romands n'apparaît qu'avec le Code civil
suisse (1907), mais, si vous ouvrez les
codes civils cantonaux, vous verrez qu'ils
ont conservé bien des différences.
Daiid votre livre, voud parlez tout
de même de parenté entre led
différented coutumed roinanded...
Effectivement. Si les pays romands
conservent des usages propres, ceux-ci
restent assez proches. Leur parenté ne
tient cependant ni à la géographie, ni à
une source commune, ni à une coutume
qui aurait étouffe les autres. C'est surtout
dans la mentalité des coutumiers que l'on
constate les plus grandes similitudes.
Dans tous les tribunaux, ce sont les
coutumiers qui opinent, disent la coutume
et dictent la solution à l'officier de justice.
Ce dernier ne fait que la proclamer; il ne
prend pas sa propre décision. Dans le
Pays de Vaud, même le duc de Savoie doit
se plier à l'avis des coutumiers s'ils arri­
vent à se mettre d'accord entre eux.
Led juridted n 'ont pad leur
mot à dire?!
Les juristes, donc par définition les
gens qui ont étudié le droit écrit, on n'en
voulait pas! Car ils pouvaient altérer la
coutume. Les coutumiers se méfiaient
donc de ces gens subtils susceptibles de
les «entourlouper», qui usent d'une langue
savante et citent des textes qu'on ne peut
pas contrôler... C'est un peu la même
méfiance qu'un laïc ressentirait aujour­
d'hui dans un tribunal face à un juriste:
il dirait que la partie n'est pas égale. J ' a i
été frappé par cette parenté de caractère,
cette façon de réagir pour ne pas se faire
envahir par des institutions étrangères.
IL N'Y A PLUS GUÈRE DE VRAIE MENTALITÉ VAUDOISE.
BIEN SÛR, IL Y A ENCORE QUELQUES SPÉCIMENS, MAIS C'EST EN
PASSE DE DEVENIR C O M M E LES PATOISANTS, HÉLAS!
Qui dont led coutumierd? Qu'edtce qui led caractéride?
Les coutumiers sont le plus souvent des
notaires, des petits nobles ou des artisans.
Très conservateurs, ils sont peu enclins
aux changements, ce qui explique l'ex­
trême stabilité de la coutume sur plusieurs
siècles et sa lente évolution. Ce sont des
gens qui font appel à la bonne foi, au bon
sens. En fait, ils sont très proches de ce
qu'étaient les Vaudois quand il y en avait
encore... Quand j'étais jeune avocat, dans
les tribunaux de campagne, à Cossonay
par exemple, je trouvais des juges qui
avaient tout à fait la même mentalité. Mais
c'est en train de disparaître. Il n'y a plus
guère de vraie mentalité vaudoise. Bien
sûr, il y a encore quelques spécimens, mais
c'est en passe de devenir comme les patoi­
sants, hélas! Ily a un tel brassage de popu­
lation!
A l'heure actuelle, cette forme de
droit a-t-elle totalement d'uiparu
en Suidde?
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Théoriquement, non. L'article 1, alinéa
2 du Code civil suisse, dit ceci : «A défaut
d'une disposition légale applicable, le juge
prononce selon le droit coutumier. » Mais
dans la pratique, nous sommes envahis de
lois fédérales et cantonales qui ne laissent
plus guère place pour la coutume.
Voud le regrettez?
mieux avant?
C'était
Personnellement, je préfère un régime
où on laisse de la place pour le consente­
ment des justiciables. J e suis effrayé par
l'abondance des lois fédérales qui veulent
absolument tout régler dans les moindres
détails. Le Code civil français, lui, laisse
beaucoup plus de place à la jurisprudence,
avec pour conséquence une plus grande
liberté et une plus grande souplesse pour
régler les cas.
Propos recueillis par
Muriel Ranioni
Photos : Nicole Chuard
49
Quand
La justice
était
rendue
par
des gens
qui
se méfiaient
des
juristes!
La coutume dans le quotidien des
Romands du Moyen-Age
Plonger dans le droit coutumier, c'est aussi aborder aux
rivages des mentalités médiévales et goûter à l'histoire sociale,
en particulier celle des familles.
N
ombre de coutumes nous rensei­
gnent ainsi sur le pouvoir marital,
les droits des enfants illégitimes ou
encore la condition de la femme. Autant
de chapitres qui en disent long sur la vie
intime de nos ancêtres.
Voici comment les Romands
se mariaient
J u s q u ' à la Réforme, c'est en principe
le droit canon qui régissait l'institution
du mariage. Mais les pays romands ne
l'ont pas suivi très fidèlement. La pra­
tique s'est distancée de l'enseignement de
l'Eglise sur plusieurs points, notamment
sur le rôle prédominant du consentement
parental.
En droit canon, le mariage se concluait
par le seul échange des consentements
des époux, sans qu'aucune solennité ou
témoins ne soient requis. Dans la pra­
tique, le consentement de la jeune fille
était souvent relégué au second plan et
supplanté par le consentement parental.
A Genève par exemple, on connaît un
cas qui dénonce la séquestration d'une
jeune femme par ses parents en vue de
la marier contre son gré. Nul doute que
les familles devaient souvent imposer leur
choix et contraindre leurs enfants au
mariage, d'où le foisonnement de
mariages clandestins, en Valais notam­
ment, pour poursuivre les inclinaisons du
cœur!
Ces mariages illicites étaient toutefois
reconnus valides par l'Eglise. Par con­
tre, les sources nous montrent l'effort de
la laïcité pour briser ces unions non auto­
risées par les familles qui faisaient sou­
vent pression sur la jeune fille pour
qu'elle nie avoir consenti au mariage.
L'union dissoute, on pouvait alors obte­
nir un meilleur parti.
5Ü
L'adultère
était sévèrement puni
Les cas d'adultères dépendaient des
compétences de l'Eglise et étaient jugés
selon la procédure canonique, mais seu­
lement s'ils étaient invoqués comme
cause de séparation de corps. Sinon
c'était un juge séculier qui prenait les
choses en mains.
Parmi les sanctions mentionnées dans
les textes, on rencontre l'amende et la
peine de la course, qui consiste à fouet­
ter les coupables et à les faire courir nus
dans la rue. Cette dernière peine est
notamment attestée à La Tour-de-Peilz
à la fin du X I I I siècle; elle pouvait néan­
moins être rachetée, moyennant le paie­
ment de 60 sous pour l'homme et 30 pour
la femme.
Si le Valais episcopal ne prévoyait pas
la peine de la course, une coutume pré­
voyait la confiscation de tous les biens
de la femme adultère au profit du mari.
Une autre règle, attestée en Valais au
X V I siècle, exemptait l'époux cocufié de
toute peine s'il tuait l'amant surpris en
plein adultère avec sa femme.
Le droit réformé sera encore plus
sévère à l'encontre de l'adultère en pré­
voyant même l'emprisonnement ou le
bannissement.
e
comme un grand seigneur», rappelle
Jean-François Poudret.
Une étude approfondie de la condi­
tion juridique et sociale des bâtards au
Moyen-Age montrerait sans doute un
décalage important entre le droit et les
mœurs. Le droit refusait d'intégrer les
bâtards dans leur famille paternelle. Ils
n'avaient donc pas de droits successo­
raux envers leurs ascendants.
Par contre, de nombreuses sources
montrent qu'ils pouvaient être institués
héritiers. Les enfants illégitimes étaient
également souvent «affraréchés» par leur
père, c'est-à-dire constitués frères au
plein sens du terme dans la succession
paternelle, ce qui leur donnait les mêmes
droits successoraux que les enfants légi­
times.
Pour Jean-François Poudret, cette
pratique «montre bien qu'on n'avait au­
cun préjugé envers les bâtards».
M.R.
e
Les bâtards n'étaient pas
tous défavorisés
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
«Coutumes et coutumiers. Histoire
comparative des droits des pays
romands du X I I I à la fin du X V I
siècle», de Jean-François Poudret,
Editions Stampfli, 1998, 2002, 2006.
e
Vol.
Les enfants illégitimes n'étaient,
apparemment, pas toujours aussi défa­
vorisés que les couples adultères. Dans
les faits, certains ont même été bien trai­
t é s : «Pensez à Humbert le Bâtard de
Savoie, demi-frère d'Amédée VIII, sei­
gneur d'Estavayer! Il était non seulement
considéré comme noble, mais aussi
ALLEZ
A lire :
2 0 0 7
Vol.
Vol.
Vol.
Vol.
Vol.
I: Les sources
et les artisans du droit.
II: Les personnes.
III: Le mariage et la famille.
IV: Successions
et testaments.
V: Les biens.
VI: Les obligations.
Conclusion générale.
e
SCIENCES
Sommes-nous
le stade ultime de
l'évolution?
'¿7 t t é r a 7V «Heroes» débarque à La
mi-juin
dur la TSR.
Ce duccèd pro­
grammé no LU montre ded êtres
humains
qui mutent et de voient soudain dotéd de
pouvoirs extraordinaires.
A l'image de
ced héros, dortirond-noud un
homo dapiend pour changer
L'hypothèse
lointaine.
jourdudtade
d'espèce?
n'est pad durréalidte,
ni
v
Sommes-nous
le stade
ultime
de
l'évolution?
SCIENCES
D
iriger un ordinateur par la pensée,
ressentir les émotions d'une autre
personne par télépathie, transporter ses
impulsions cérébrales par Internet: ces
trois opérations ne sont pas tirées d'un
roman de science-fiction. M i e u x : elles
n'appartiennent déjà plus au domaine des
hypothèses ou des projets scientifiques.
La communication télépathique avec
l'homme et la machine fait aujourd'hui
partie de l'histoire des sciences. Des
scientifiques en chair et en os l'ont bel
et bien réalisée, observée, puis consignée
dans des publications très sérieuses.
De nouveaux «Heroes»
sur la TSR
Programmée cet été sur les TV suisse
et française, la série américaine «Heroes»
Daniela
machine obéit à cet ordre. Et pour don­
ner la pleine mesure de ce résultat révo­
lutionnaire, le savant effectue la même
opération, mais en mettant une grande
distance entre la main mécanique et lui :
alors qu'il se trouve aux Etats-Unis, sa
pensée transmise par Internet parvient
à contrôler la main artificielle restée en
Grande-Bretagne.
«Avec cette expérience, dit Daniela
Cerqui, c'est la première fois que l'hom­
me a réellement fusionné avec Internet.»
postule que certains homo sapiens vont
bientôt évoluer. Dans ce feuilleton, pré­
senté par les critiques comme le nouveau
«Lost», et qui sera programmé à la mijuin sur la TSR, on verra plusieurs indi­
vidus ordinaires acquérir des capacités
hors du commun sous l'influence d'une
mutation génétique soudaine.
Certaines de ces transformations pro­
longent avant tout la tradition narrative
des superhéros et des médiums: con­
naître l'avenir, voler comme Superman,
voyager dans le temps, déplacer des
objets par la pensée.
D'autres évolutions mises en scène par
la série font encore écho à un futur pos­
sible de l'humanité. La résistance à la
douleur, l'extension de la mémoire, la
régénération cellulaire - et donc, la trans-
Cerqui, docteur en
Améliorer l'être humain
anthropologie
A
de l'UNIL
«Sauvez la cheerleader
(photo), et vous sauverez le monde».
Voilà la mission qui est donnée aux personnages
cette jeune femme est moins fragile
immédiatement
de la série TV «Heroes». Reste que
qu 'elle n 'en a l'air. Son corps répare
toute blessure qui lui a été infligée: chutes, brûlures et autres
sont sans effet sur Claire
mission de la pensée par télépathie paraissent en effet envisageables dans un
avenir proche.
J e suis un cyborg
«Nous sommes déjà en train de tra­
vailler à notre disparition»: docteur en
anthropologie de l'UNIL, Daniela Cer­
qui pose ce diagnostic sans hésiter. Spé­
cialiste des effets de la technologie sur
la société humaine, voilà plusieurs années
que la chercheuse lausannoise se tient
aux avant-postes de l'évolution humaine.
Ou du moins, de l'une des voies qu'elle
s'apprête à suivre : celle d'une fusion de
l'organisme humain et de l'électronique.
La figure du cyborg, chez qui biolo­
gie et machine se mêlent étroitement, fait
l'objet de recherches très poussées.
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
MAI
2 0 0 7
coupures
Bennet
Daniela Cerqui a notamment suivi les tra­
vaux d'un cybernéticien d'avant-garde,
Kevin Warwick, chercheur à l'Université
de Reading en Grande-Bretagne.
En 1998, le savant britannique ins­
talle une puce électronique sous sa
propre peau. Limité à une fonction de
carte d'accès, l'implant ne permet encore
que d'actionner des portes électro­
niques. Mais en 2002, le chercheur réus­
sit une expérience spectaculaire. Grâce
à une électrode implantée dans son bras,
il identifie l'impulsion neuronale qui
ouvre ou ferme l'une de ses mains.
Transmis à une machine, ce même signal
cérébral parvient ensuite à actionner
une main robotique.
En d'autres termes, lorsque Kevin
Warwick pense «ouvrir la main», la
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Soucieuse «du projet de société» qui
se trouve derrière ce type de travaux,
Daniela Cerqui analyse l'idéologie qui
habite le professeur anglais : « Implanter
du matériel artificiel dans le corps hu­
main n'est pas une réalisation récente.
Les pacemakers, par exemple, existent
depuis plusieurs dizaines d'années, et les
médecins pourront bientôt aussi les régu­
ler par Internet. La différence avec Kevin
Warwick, c'est que ses travaux ne visent
pas des objectifs thérapeutiques. Il cher­
che explicitement à améliorer l'homme
pour le transporter dans un autre âge. Il
ne cache pas son ambition de nous sor­
tir de l'espèce humaine pour nous emme­
ner vers les cyborgs.»
Réalisée à coup d'expériences radi­
cales, cette ambition poursuit un véri­
table «projet d'espèce». L'homme du
futur selon Warwick sera perpétuelle­
ment connecté aux machines ou à ses
semblables par la pensée.
En 2004, le Britannique a implanté
une électrode dans le bras de sa femme,
qu'il a ensuite reliée au sien. Les deux
époux parviennent alors à ressentir la
pensée de l'autre au moment de sa vibra­
tion cérébrale. Peut-être un jour n'au­
ront-ils plus besoin de leur bouche et de
leurs y e u x pour communiquer.
Peut-être qu'un jour, l'homme pourra
commander sa voiture, son frigo, sa TV,
son téléphone et son ordinateur sans
avoir besoin ni du toucher, ni du parler,
ni de la vue... «Le projet de Warwick sur­
valorise l'immatériel et l'esprit au détri-
55
So mined-noué
le stade
ultime
de
l'évolution?
SCIENCES
ment du corps, relève Daniela Cerqui.
C'est d'ailleurs un point de vue dominant
parmi les hommes de science qui tra­
vaillent dans la même direction. Pour
eux, le siège de l'humain se trouve clai­
rement dans le cerveau.»
Une mutation de l'homme
Le cybernéticien britannique n'est en
effet pas le seul à travailler activement à
une mutation de l'homme sous la hou­
lette de la machine. En collaboration avec
l'industrie et l'armée, la National Science
Foundation américaine réfléchit à la
manière de faire converger diverses tech­
nologies pour améliorer l'humain.
Parmi les idées à l'étude: pousser la
vue des pilotes de chasse à une capacité
de 120%. En 2003, un colloque soutenu
Henrik Kae.i.iniann,
par l'Union européenne et intitulé
« Human augmentation» a réuni plus de
30 labos de recherche. Certains tra­
vaillent dans un esprit thérapeutique,
mais d'autres cherchent d'abord à modi­
fier l'espèce humaine.
L'idéal du cyborg n'est donc pas le fait
de savant isolés. C'est une idée officiel­
lement soutenue par les grandes puis­
sances politiques: «Au niveau de la réa­
lisation concrète, la transformation de
l'homme par la machine appartient
encore à la science-fiction, dit Daniela
Cerqui, mais au niveau des labos, c'est
bien une réalité.»
met alors d'augmenter la quantité d'en­
zymes produits par le gène dupliqué. Ou
alors, le duplicata évolue vers une nou­
velle fonction. Mais un gène ancien peut
aussi changer de productivité ou de fonc­
tion sans duplication.»
La différence entre l'homme et les
grands singes tient essentiellement à des
gènes identiques dont la productivité est
plus importante chez l'homme. «Nous
avons pu voir, par exemple, qu'un cer­
tain gène nommé A S P M joue un rôle
dans la taille du cerveau chez les mam­
mifères. S'il est déficient chez un être
humain, son cerveau s'arrête à la même
taille que celui du chimpanzé.»
Les voies de la génétique
Le hasard et la nécessité
Professeur au Centre intégratif de
génomique de l'UNIL, Henrik Kaess-
professeur
au Centre
intégratif
de génomique de l'UNIL
Le Japonai.i
une BD fabriquée
Hiro Nakamura
a la surprise de découvrir
à Neiv York. Celle-ci raconte qu 'il serait capable de se téléporter
d'un pays à l'autre, alors que ce protagoniste
de «Heroes» n 'a pas encore pris
conscience de ses nouveaux
mann ne travaille pas dans le même
esprit que W a r w i c k et c o n s o r t s :
«Réfléchir à l'amélioration de l'homme
par la génétique reviendrait à pratiquer
de l'eugénisme», dit d'emblée ce doc­
teur en génétique.
Ses t r a v a u x récents permettent
cependant de comprendre comment une
mutation génétique peut soudainement
changer la nature d'un mammifère au
point de le faire changer d'espèce. En
véritable archéologue du génome
humain, Henrik Kaessmann a observé
les mutations qui ont permis de trans­
former les singes en une catégorie de pri­
mates si différents qu'ils méritaient
désormais le nom d'humain.
L'homme et le singe possèdent 9 9 %
de gènes en commun. Etudier le 1% res­
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
pouvoirs
tant permet donc de cerner ce qui diffé­
rencie l'un de l'autre. Henrik Kaessmann
et son équipe ont notamment isolé un
nouveau gène, récemment apparu sur la
lignée des primates, qui a contribué à net­
toyer les conduits cérébraux d'une façon
plus efficace.
Spécifique à l'homme et aux grands
singes comme l'orang-outan et le chim­
panzé, sa présence nous a probablement
permis de penser plus rapidement: «Ce
gène est apparu au début de la croissance
du cerveau de l'homme et l'a probable­
ment soutenue», dit le chercheur.
La mutation génétique prend deux
voies pour provoquer des changements.
«Un nouveau gène peut apparaître par
duplication d'un gène ancien, dit Hen­
rik Kaessmann. La nouvelle copie per­
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Une mutation génétique subite et fon­
damentale chez l'être humain ne paraît
cependant pas à l'ordre du jour. Notre
patrimoine de gènes change à chaque
génération, et les ADN de deux êtres
humains contemporains sont loin d'être
identiques. Mais l'évolution génétique est
bien moins rapide que les expériences de
Kevin Warwick.
Quand on lui demande dans quelles
circonstances apparaît un duplicata de
gène déterminant pour une espèce, Hen­
rik Kaessmann s'en remet au vieux prin­
cipe de Darwin : «Les mutations ne sont
pas dirigées. Elles surviennent par
hasard et la plupart sont neutres. Une
mutation ne se fixe dans notre génome
que si elle présente un réel avantage», dit
le chercheur. «Mais nous savons que la
lignée humaine a commencé il y a 5 mil­
lions d'années, et que l'homme moderne
est apparu il y a environ 100 000 ans.»
Et les recherches génétiques à visées
thérapeutiques? Ne peuvent-elles pas un
jour, même involontairement, provoquer
un changement génétique déterminant?
Henrik Kaessmann désamorce rapide­
ment cette perspective: «Nous sommes
capables aujourd'hui de synthétiser un
ADN artificiel qui peut ensuite se repro­
duire au sein d'une cellule en laboratoire.
Nous pouvons aussi changer la séquence
codée d'un gène dans un tube, pour voir
57
«Heroes démocratise les
superpouvoirs»
Professeur de cinéma et de sociologie des communications
de masse, spécialiste de l'histoire des superhéros, Gianni
Haver analyse l'imparable succès télévisuel de l'été 2007.
Allez savoir!: Voyez-vous
de.) nouveautés
marquantes
dans «Heroes» par rapport aux
histoires de superhéros
antérieures?
Gianni Haver: Il n'y a rien de révo­
lutionnaire, comme le fut la création de
Superman en 1938, mais le mélange d'in­
grédients qu'utilise la série est tout de
même inédit. J y vois un croisement entre
la tradition du fantastique de séries TV
qui exploitent le paranormal et le mys­
tère, comme «La quatrième dimension»
ou «X-Files», avec la tradition des super­
héros des comic books américains. La
référence à ces derniers est d'ailleurs
explicite dès le premier épisode, avec des
personnages qui se déclarent fans de ce
genre de fiction. On peuty ajouter le gore
comme troisième ingrédient, avec la pré­
sence d'un sériai killer qui vole le cerveau
de ses victimes. Les histoires de super­
héros sont généralement très proprettes.
On y voit peu de blessures et très peu de
sang. Certaines scènes de «Heroes» vont
assez loin dans le sanguinolent.
La série réinvente-t-elle la figure
du personnage doté de pouvoirs
extraordinaires
?
Le fait que les héros ne soient pas tous
américains est intéressant. J e vois aussi
un souci d'inventer certains pouvoirs
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
inédits. L'homme radioactif et l'artiste
doué de prescience me semblent inédits.
Par ailleurs, du point de vue des codes
qui régissent l'univers des superhéros, la
série débarrasse les personnages de cer­
tains attributs typiques. Le super-héros
classique se définit par son costume, ses
superpouvoirs et sa double identité. Le
costume et la double identité marquent
le partage entre le caractère humain et
l'aspect hors norme du personnage. Le
superpouvoir est ce qui fonde son iden­
tité. Les personnages de «Heroes» ne se
définissent plus que par leurs pouvoirs
spéciaux. La série opère une fusion entre
l'ordinaire et l'extraordinaire, que le
héros ne maîtrise d'ailleurs pas bien.
59
Somma-notiJ
le stade ultime de
Formation continue
l'évolution?
SCIENCES
Nos prochaines formations en 2 0 0 7 - 2 0 0 8
humaine, comme on est en train d'accé­
lérer l'évolution du maïs en le modifiant
génétiquement. C'est sans doute carac­
téristique de notre époque. Superman est
naturellement doté de pouvoirs horsnorme. C'est un extraterrestre qui se
camoufle en humain. Batman est un
homme très riche qui peut se payer des
gadgets extraordinaires et travaille
beaucoup sa forme physique. Captain
America est transformé par une mixture
qu 'il a ingérée pour des expériences mili­
taires. Dans les années soixante, les
superpouvoirs naissent souvent d'une
exposition accidentelle aux radiations
atomiques, mais on trouve déjà l'idée
d'expériences biologiques avec les XMen, qui sont des mutants, de même que
le concept d'une fusion entre l'homme et
la machine avec le personnage de Wolverine, à qui l'on implante des mains de
métal rétractiles.
Wolverine est l'une des stars des X-Men, une BD qui raconte les
de mutants devenus des surhommes. Leurs histoires ont clairement
qui leur fait plusieurs
Des indices montrent cependant que
certains personnages vont bientôt por­
ter un costume et maîtriseront mieux
leurs pouvoirs.
Beaucoup de ces héros vivent très
mal l'apparition soudaine de
leurs nouvelles capacités...
La dimension du doute existe déjà
chez des personnages anciens. Les pre­
miers superhéros, datant du «golden âge»
des années 1930-40, sont invincibles et
assument parfaitement bien leur rôle.
Superman, Batman ou Captain America
ne doutent jamais de leur mission. Mais
la génération suivante, qui apparaît dans
les années 60, commence à réfléchir sur
des pouvoirs parfois vécus comme une
tare. Le Silver Surfer s'arrête régulière­
ment sur une double page de BD pour
s'attarder sur les actes qu'il vient de com­
60
aventures
inspiré la série «Heroes»,
clins d'œil appuyés
mettre. Spiderman connaît des pannes de
pouvoir et des moments d'épuisement.
Certains
personnages
de «Heroes» deviennent
suicidaires...
Cet aspect est plus surprenant. De
toutes les figures de superhéros que je
connais, je n'en vois pas qui en viennent
à ce genre d'extrémité. Mais ce n'est
qu'une manière de pousser le caractère
angoissé que l'on connaît déjà.
Il y a aussi la question de
l'origine des pouvoirs.
Les personnages de «Heroes»
se réveillent un jour avec
de nouveaux talents, dont on
se doute qu'ils ont une origine
génétique.
Oui, il y a cette idée qu'on peut bri­
coler l'ADN pour accélérer l'évolution
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Après la série de.) «4400»,
«Heroes» poursuit cette idée de
superpouvoirs qui s'étendent à un
groupe important de gens
ordinaires. C'est comme si ces
nouvelles capacités pouvaient se
disséminer ainsi que des OGM...
Pas tout à fait, puisque la transmis­
sion des nouveaux pouvoirs paraît liée à
un personnage mystérieux. Cela dit, on
perçoit effectivement cette idée que les
superpouvoirs pourraient se démocrati­
ser pour atteindre toute l'humanité, et
qu'un jour, ceux qui n'ont pas de pou­
voirs spéciaux seront minoritaires... J e
ne voudrais cependant pas donner trop
d'interprétations sociologiques à cette
série. Un modèle de fiction change aussi
simplement parce qu'on l'explore et
qu'on le fait évoluer.
Propos recueillis par
Pour plus d'informations sur l'ensemble de notre offre,
visitez le site www.unil.ch/formcont
Management - Marketing Humanités
- Communication
> MASTER OF
ADVANCED
STUDIES (MAS)
Executive MBA Management and
finance
septembre 2007 à
novembre 2008
> COURS
NON-CERTIFIANT
Conduire une
équipe partenaire
septembre 2007 à
novembre 2008
Entraînement
aux médias :
automne 2007 à
été 2009
Economie
et politique du
médicament
automne 2007 à
été 2009
Pierre-Louis Chantre
Marketing
Management
décembre 2007 à
iuin 2008
automne 2008 à
été 2010
Convaincre en
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26 octobre 2007
Economie et
management de
la santé
Archivistique
et sciences de
l'information
27, 28 septembre et
26 octobre 2007
Executive MBA Management of
technology
> CERTIFICAT
> MASTER OF
ADVANCED
STUDIES (MAS)
> DIPLOME
Gestion
culturelle
septembre 2008
à avril 2010
I : Presse et radio
3 octobre 2007
II: Radio et TV
4 octobre 2007
Patrimoine et
tourisme dans le
Pays de Vaud
La théorie
du cinéma au
service de
l'enseignement
Les 7, 13 et 20
septembre 2007
Dramaturgie
et performance
du texte
avril à octobre 2007
20 modules d'un jour
automne 2007 à
automne 2008
Marketing
non-marchand :
comment
promouvoir des
causes
Droit
> COURS
NON-CERTIFIANT
printemps 2008
Sémiotique
publicitaire
European
Contract Law
juin 2007
9 novembre 2007
SAVOIR!
Ecologie
industrielle
> CERTIFICAT
Psychologie du
Management
ALLEZ
> COURS
NON-CERTIFIANT
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Fo r mat io n continue
Santé -Social
Gérer la violence
> MASTER OF
ADVANCED
STUDIES (MAS)
D
personnelle, la place des représentations, des é m o tions et ressentis
dans la c o m m u n i cation.
e plus en
plus
de
personnes
sont confrontées à
la violence. Qu'elles le veuillent ou
non! Même sans
rechercher «la baston» dans des sorties nocturnes ou
des manifestations
de masse!
Les journaux sont
remplis de faits d i vers et de mésaventures où le passage à l'acte violent transforme un simple incident
en tragédie.
La police et le service des
urgences ne sont plus les seuls
services touchés par l'accroissement et la banalisation des actes
violents. L'agressivité se généralise et les voies de fait se multiplient dans tous les secteurs,
même parfois pour une place de
stationnement ou un sourire mal
interprété.
Le cours proposé apporte à ses
participants les connaissances
théoriques et pratiques nécessaires pour évaluer et gérer les
situations de violence. Il est organisé par des praticiens du Service
de Médecine et de Psychiatrie
Pénitentiaires et de l'Unité d'expertise du CHUV qui tirent de leur
longue expérience de la prise en
charge des patients violents un
62
certain nombre de points de
repères permettant de mieux affronter ces situations difficiles.
La formation est principalement
donnée par des enseignants d u
Département de psychiatrie.
Elle débute par un jour complet
d'introduction qui aborde les principaux mécanismes de la relation
violente et se poursuit par deux
modules de journées consécutives, l'un de 3, le second de 2.
Jouées par des acteurs de la
troupe Caméléon, des saynètes
interactives centrées sur des interactions violentes ou potentiellement violentes rencontrées dans
la pratique professionnelle c o m plètent la journée d'introduction.
Le premier module aborde la
violence sous un angle psychosocial et amène des éléments théoriques sur la communication inter-
ALLEZ
SAVOIR!
/
№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Mises en situation
et jeux de rôle mettront en évidence
les réactions et les
comportements à
corriger ou à développer ainsi que les
moyens de c o m munication à mettre en œuvre pour prévenir d'éventuels «débordements».
La violence physique est abordée
dans un second module. Des spécialistes y décrivent la biologie des
comportements, l'apport des neurosciences dans la compréhension
de leurs mécanismes et la répercussion psychologique des actes
de violence. Le cours présentera
également les réseaux d'aide et les
voies juridiques à disposition des
victimes.
Ce module se termine
exercices physiques de
des mouvements, et
apprentissage progressif
niques d'autodéfense.
Bioéthique
automne 2007 à
automne 2009
> CERTIFICAT
Migrations :
relations
interculturelles
et pratiques
professionnelles
Comprendre et
gérer les
situations de
violence
Statistical
course :
Introduction to
GLLAMM
septembre 2007
25, 2 6 et 2 7 juin
2007
Crise suicidaire :
formation à
l'intervention
printemps 2008
Economie
et management
de la santé
Nutrition
humaine
fin 2 0 0 7 à juin 2 0 0 8
automne 2007 à
été 2 0 0 9
novembre 2007 à
mars 2 0 0 8
Economie
et politique du
médicament
Psychothérapie
systémique
(méthodes
d'intervention)
Cycle de
conférences pour
pharmaciens
d'officine
juin à décembre 2007,
en soirée
automne 2007
L'enfant anxieux
automne 2007 à
été 2 0 0 9
> DIPLOME
Santé sexuelle et
reproductive
septembre 2008 à
iuln 2 0 1 1
Troubles du
comportement
alimentaire
février 2 0 0 8
Troubles
neurodéveloppementaux chez
l'enfant
janvier 2 0 0 8
4, 5 et 6 o c t o b r e
2007
> COURS
NON-CERTIFIANT
L'enfant violent
Adolescence et
psychopathologie
6, 7 et 8 d é c e m b r e
2007
juin 2 0 0 8
Mieux
comprendre les
médicaments
28 juin et
25 o c t o b r e 2 0 0 7
par des
contrôle
par un
de tech-
Psychopathologie
et enjeux de
formation à
l'adolescence
mai 2 0 0 9
A.B.
Cours «Comprendre et gérer
les situations de violence»,
septembre 2007.
ALLEZ
SAVOIR!
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№ 3 8
MAI
2 0 0 7
Centre
de formation
continue
Université
de Lausanne
Unithèque
1015 Lausanne
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peut être téléchargé
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63
A b o n n e z - v o u s , c'est
gratuit
Allez savoir! et Unidcope sont deux publications
éditées et diffusées par Unicom, service de com­
munication et d'audiovisuel de l'UNIL.
Allez savoir! paraît quatre fois par an. Allez
savoir! est le magazine grand public de l'Uni­
versité de Lausanne.
Un'ucope est le journal interne de l'UNIL.
C'est un mensuel composé de cahiers thé­
matiques, reflets de la vie et de l'activité
scientifique et culturelle de l'institution.
Il peut être téléchargé au format P D F
à partir du site internet
de l ' U N I L . Il en est
de même pour Allez savoir!
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2 0 0 7
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