Mésozoïque Park Bienvenue à l`âge suisse des dinosaures
Transcription
Mésozoïque Park Bienvenue à l`âge suisse des dinosaures
Mésozoïque Park Bienvenue à l'âge suisse des dinosaures EDITO Led pèred fetardd C > est un petit pas en Démoralisant? Certaine direction de légalité ment. Immuable? Nous le hommes-femmes, mais un pas vérifierons peut-être dans symbolique, que nous ferons deux autres décennies. Car la le 17 juin prochain. Com situation semble moins figée ment? Pas noté la date dans que cette statistique cruelle ne votre agenda? Et pourtant, le laisse imaginer, comme le Jocelyn Rochat nous célébrerons ce jour-là montre l'évolution spectacu Rédacteur en chef la première «Fête des pères» laire des «nouveaux grandssuisse. Du moins, la première manifes pères». Bon nombre de ces jeunes retrai tation officielle de ce genre, puisque tés ont a u j o u r d ' h u i p o u r l e u r s nombre d'entre nous ont déjà bénéficié, petits-enfants des disponibilités qu'ils ces dernières années, des retombées de n'ont pas eues pour leurs propres enfants. la Fête des pères, qui est célébrée en Ces seniors qui réinventent le troisième France voisine depuis 1952. âge y expérimentent aussi des tâches nouvelles: changer des couches, prépa Mais combien d'entre nous méritent rer des minestrones, fredonner des ber vraiment cette attention, avec, on l'es ceuses et jouer au train en bois. Quand père, la promesse d'une grasse matinée on ne les croise pas, eux aussi, sur le che et d'un petit-déjeuner au lit apporté par min de l'école. des enfants souriants? Terriblement peu, si l'on en croit les statistiques rapportées par des experts de l'UNIL dans ce numéro d'«Allez savoir!» (c'edtà lire en page 16). A cette aune cruelle, les «nou veaux pères» suisses ne seraient que 2 %. Un chiffre ridiculement bas, tant cette figure du papa poule s'apparente depuis longtemps à un cliché publicitaire. Deux pour cent. Le chiffre est d'au tant plus difficile à croire quand on accompagne ses enfants à l'école tous les matins, et que l'on croise un bon tiers de pères sur le trajet. Pourtant, les chiffres sont têtus. Si quatre décen nies se sont écoulées depuis 1968, les inégalités continuent à se creuser dans les couples, même modernes, dès que les enfants paraissent. S u r un mode apparemment mécanique. Parce que la répartition des tâches s'opère alors après une analyse comparative des salaires du mari et de son épouse. Ces nouveaux grands-pères décou vrent un rôle qu'ils n'auraient jamais ima giné jouer, eu égard à l'éducation qu'ils ont reçue. Ce nouveau statut, ils l'ont investi progressivement, en regardant leurs fils à l'œuvre. D'abord avec amu sement. Puis avec un zeste de regret. Avant de découvrir que s'occuper des enfants pouvait être un plaisir, et de s'ini tier avec enthousiasme. La chance de cette génération de nou veaux grands-pères aura été de se voir offrir une séance de rattrapage. Reste à savoir si leur présence auprès des petitsenfants servira de modèle aux petits gar çons, pour nous permettre de franchir un pas moins symbolique et plus significa tif vers un monde plus égalitaire. On doit l'espérer, au moment de leur souhaiter, à eux aussi, leur première véritable «Fête des pères». Jocelyn Rocbat Magazine de l'Université de Lausanne : № 3 8 , mai 2007 Collaborateurs: Sonia Arnal, Pierre-Louis Chantre, Elisabeth Gilles, Elisabeth Gordon, Muriel Ramoni Correcteur: Albert Grun Tirage 27'000 exemplaires 48'400 lecteurs (Etude M.I.STrend 1998) Photographies: Nicole Chuard, Denis Balibouse http://www.unil.ch/unicom/ page6524.html Photos de couverture : Allosaure: Muséum d'histoire naturelle, Neuchâtel Heroes : NBC Médecine: www.photos.com Société : www.photos.com Publicité: EMENSI publicité, Cp 132,1000 Lausanne 7 Tél. 078 661 33 99 E-mail: [email protected] Rédaction : Rédacteur en chef: Jocelyn Rochat, journaliste au Matin Dimanche Infographie: Stéphanie Wauters ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI Concept graphique: Richard Salvi, Chessel Imprimerie IRL 1020 Renens Editeur responsable : Université de Lausanne Marc de Perrot, secrétaire général Jérôme Grosse, resp. Unicom Axel A. Broquet, adjoint Florence Klausfelder, assistante Unicom, service de communication et d'audiovisuel - Université de Lausanne Amphimax -1015 Lausanne tél. 021 692 22 80 [email protected] 2 0 0 7 1 s,onimaire. • Edito Allez davoir EN A PARLÉ ! Les dons, les poissons et les évangélistes page 1 L ' U N I L en livres page 4 Courrier des lecteurs page 7 MEDECINE GEOSCIENCES Le 37 degrés, c'est une température que l'on rencontre fréquemment en été. Et 37 degrés, c'est aussi la température à laquelle les scienti fiques font pousser les germes qu'ils installent dans leurs bouillons de culture, dans les laboratoires. Normal, dès lors, que les micro organismes s'épanouis sent et prolifèrent rapidement sur les viandes que nous po sons sur nos barbecues comme dans celles qui donnent du goût aux sandwiches de nos pique-niques estivaux. Voici pourquoi chaque été nous apporte son lot de gastro-entérites d'origine alimentaire. Dans ce numéro, vous découvrirez les principales sources d'infections, et les moyens de vous prémunir des infections dues au campylobacter et aux salmonelles, ainsi que des troubles intestinaux provoqués par les shigelles et les Escherichia coli. Pour cela, foncez en page 8, et surtout, il 'oubliez pad de cuire longuement led viande*) que voud allez placer dur vod barbecued. 2 suisse des dinosaures Pique-niques, barbecues : gare aux bactéries de l'été page 8 ue pouvons-nous faire pour sauver des vies? Dans le numéro 33 d'«AUez savoir!», en octobre 2005 ( 1 ) , nous avons listé les réponses à cette question. Donner du sang, des plaquettes, des cellules et des organes. A l'époque, nous constations déjà que la Suisse figurait à la traîne des pays euro péens en la matière. La situation ne s'est malheureusement pas arrangée en 2006. Les dons du sang ont encore baissé de 1%, et le nombre de donneurs d'organes a également diminué l'an dernier. Reste à espérer que la nouvelle Loi fédérale sur la trans plantation d'organes, qui entre en vigueur le 1 juillet pro chain, change la donne. SCIENCES Bienvenue au Mésozoïque, le parc danger O Sommes-nous le stade ultime de l'évolution? page 24 N o t r e p a y s n'est p a s a u s s i c é l è b r e q u e l ' U t a h ( U S A ) , la M o n g o l i e ou la C h i n e . Et p o u r t a n t , il compte p l u s i e u r s sites d ' i m p o r t a n c e mondiale qui n o u s r a c o n t e n t la vie d e s « t e r r i b l e s l é z a r d s » et celle de l e u r s c o n t e m p o r a i n s , les g r a n d s r e p RELIGION tiles. P l o n g é e d a n s notre p r é h i s t o i r e . Vive l'été, ses p i q u e - n i q u e s et b a r b e c u e s en plein a i r ! Si elles p o u v a i e n t parler, c e r t a i n e s b a c t é r i e s e n t o n n e r a i e n t , elles aussi, ce refrain. C a m p y l o b a c t e r , s a l m o n e l l e s , s h i g e l l e s ou E s c h e r i c h i a coli profitent de la c h a l e u r p o u r se m u l t i p l i e r d a n s nos s a n d w i c h e s et nos g r i l l a d e s mal cuites, p r o v o q u a n t des g a s t r o - e n t é r i t e s . Les e x p l i c a t i o n s et les conseils de d e u x c h e r c h e u r s de l ' U N I L p o u r s'en p r é m u n i r . page 52 L a s é r i e T V « H e r o e s » d é b a r q u e à la mi-juin s u r la T S R . Ce s u c c è s p r o g r a m m é nous montre d e s ê t r e s h u m a i n s qui m u t e n t et se v o i e n t sou d a i n d o t é s de p o u v o i r s e x t r a o r d i n a i r e s . A l ' i m a g e de ces h é r o s , s o r t i r o n s - n o u s un j o u r du s t a d e homo s a p i e n s p o u r c h a n g e r d ' e s p è c e ? L ' h y p o t h è s e n'est p a s s u r r é a l i s t e , ni l o i n t a i n e . LA VIE À Dans le dernier numéro d'«Allez savoir!» ( 2 ) , nous évoquions les dégâts causés dans nos lacs p a r les lâchers clandestins de g r a n d s p r é d a t e u r s comme les black-bass, les silures et les sandres, qui viennent s'ajouter aux brochets pour nous dispu ter les filets de perches si appréciés durant tout l'été. Depuis, des mesures ont été prises. Elles ont principalement visé les brochets surabondants, dont la pêche a été autorisée ce prin temps, durant leur période de fraie. On ne saurait trop conseiller aux amateurs de filets de perches de s'intéresser aux brochets, une espèce malheureusement (pour les perches) et injustement (ce sont de nombreux chefs qui nous le disent) sous-estimée par les gastronomes. L'UNIL Formation continue Abonnez-vous, e r page 61 c'est gratuit! page 64 Près de 50'000. C'est le nombre de personnes qui ont signé une pétition lancée l'hiver dernier par l'Union démocratique fédé rale contre la chanson de D J Bobo, «Les vampires sont vivants». Parmi eux, bon nombre de chrétiens évangéliques. Qu'un si petit parti ait pu réunir autant de signatures aussi vite a dû surprendre plus d'un Suisse. Mais pas nos fidèles lecteurs du numéro 31 d'«Allez savoir!», qui ont découvert l'extrême vita lité de ce courant religieux dans nos contrées. Cette interview ( 3 ) complétait d'ailleurs une enquête publiée dans le numéro 30 de ce magazine ( 4 ) , où nous évoquions le soutien des évan géliques à George W. Bush lors de sa deuxième campagne à la présidence des Etats-Unis. Avant de rappeler que les évan géliques sont le courant religieux (islam compris) qui progresse le plus depuis 1945. «L'affaire» D J Bobo, si bénigne et amu sante qu elle soit, vient de confirmer leur visibilité et leur mobi lisation croissantes. SOCIETE Pourquoi l'islam stimule notre rapport à la religion L'info page 36 D é s o r m a i s i n s c r i t d a n s le p a y s a g e s u i s s e , l ' i s l a m s u s c i t e r é g u l i è r e m e n t d e s r é a c t i o n s dont la p r e s s e se fait l ' é c h o . M a i s a u fait, q u e l l e s q u e s t i o n s ? S e p o u r r a i t - i l q u e l ' i s l a m revivifie la foi c h r é t i e n n e ? L e s r é p o n s e s de trois s p é c i a l i s t e s de l ' U N I L . INTERVIEW Quand la justice était rendue par des gens qui se méfiaient des juristes! En 2007, les hommes au foyer ne sont plus déses pérés, m a i s ils restent r a r e s . C e s «exceptions statistiques» seront n é a n m o i n s r é c o m p e n s é e s le 17 juin prochain, p u i s q u e la S u i s s e c é l é b r e r a la p r e m i è r e Fête des pères. Q u a n t a u x femmes qui dirigent des entreprises, une étude réalisée à l ' U N I L montre qu'elles sont e x a g é r é m e n t féli citées q u a n d ça m a r c h e , et e x a g é r é m e n t criti q u é e s lorsque les objectifs ne sont p a s atteints... A u M o y e n - A g e , ce n ' é t a i t p a s la loi, m a i s d e s c o u t u m e s qui r é g i s s a i e n t la vie d e s R o m a n d s . Elles é t a i e n t a p p l i q u é e s p a r d e s g e n s c o n s e r v a t e u r s qui faisaient d a v a n t a g e a p p e l a u bon s e n s . Le g r a n d s p é c i a l i s t e de ces p r a t i q u e s , J e a n - F r a n ç o i s Poudret, raconte. SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 comme le en découvrirez page 16. voiu» Dans le couple, en famille, au travail... voici ce qui a (un peu) changé depuis les années 1960 ... page 16 ALLEZ A priori, les nouveaux pères sont partout. Dans la pub, dans les feuilletons TV et dans les cours d'école, le matin, au moment d'y accompagner les enfants. Partout? Sauf dans les statistiques, où ces nouveaux pères ne sont que 2 %, page 44 Joceiyn Rachat (1) «Tout ce que vous pouvez donner pour sauver des vies», «Allez savoir!», № 33, octobre 2005, sur Internet à l'adresse: www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as33/pages/5_organes. html (2) «Ces lâchers clandestins de poissons qui malmènent nos lacs», «Allez savoir!», № 37, février 2007, sur Internet à l'adresse: www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as37/pages/6.poissons.html (3) «Les évangéliques sont en nette croissance par rapport aux autres Eglises en Suisse», «Allez savoir!», № 31, février 2005, sur Internet à l'adresse: www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as31/pages/interview.html (4) «A quel Dieu George W. Bush se voue-t-il?», «Allez savoir» № 30, octobre 2004, sur Internet à l'adresse: www2.unil.ch/spul/allez_savoir/as30/pages/religion. html L'UN Littérature et sciences sociales Ce numéro spécial de la revue «a contrario» vise à encourager le dialogue interdisciplinaire entre deux champs d'étude qui se sont souvent tourné le dos, les sciences sociales et la littérature, afin de réfléchir sur ses modalités dans l'espace romand et sur les profits heuristiques que l'on peut espérer en tirer. Ce dialogue est loin d'être facile à établir, car il se fonde sur un arrière-plan souvent polémique. D'un côté, c'est la littéralité IL même des œuvres qui semble d'entrée les soustraire à l'investigation des sciences sociales. Pour les littéraires, le texte acquiert sa légitimité en tant qu'objet d'étude par le biais d'un primat donné à la visée esthétique, qui l'extrait du même coup du champ des discours sociaux et lui confère un caractère de singularité irréductible. D'un autre côté, les chercheurs en sciences sociales peuvent avoir tendance à traiter l'objet littéraire comme n'importe quel objet culturel, sans saisir alors l'intérêt de ce en I tiered.. champ d'étude particulier pour leurs propres travaux, notamment sous l'angle de la problématisation des questions concernant l'écriture et la lecture des textes. (Extrait de l'éditorial! «Littérature et sciences sociales pV dans l'espace romand», sous la direction de Raphaël Baroni, Jérôme Meizoz et Giuseppe Merrone, Antipodes, vol.4, no 2, 163 pages, 2006. L'UNIL a contrario ti d>Wti du J>i tclpp—m. urban < Numéro spécial : Littérature et «ciance* sociale« dan* l'capace romand Sam la d'i trrrimt de Raphail Baroni, Jérôme Mtizoz tt Giuseppe Mtmmt Suspendus aux lèvres d'un conteur, incapables d'interrompre la lecture d'un roman, captivés par un film haletant, nous faisons tous l'expérience quotidienne de ce plaisir apparemment paradoxal que nous tirons de notre insatisfaction provisoire face à un récit inachevé. Bien qu'une mode esthétique et théorique ait tenté de nous convaincre que ce plaisir était honteux, on peut néanmoins avoir l'intuition que le cœur vivant de la narratlvlté réside précisément dans ce nœud coulant, toujours plus serré à mesure que nous progressons dans l'histoire, qui nous attache à l'intrigue et creuse la temporalité par l'attente Impatiente d'un dénouement. Cet ouvrage est issu de la thèse de doctorat de Raphaël Baronl, soutenue à l'UNIL en juin 2005. Ed. «La tension narrative» Suspense, curiosité et surprise, Raphaël Baroni, Collection poétique. Editions du Seuil, 438 pages. 2007. Quêtes de santé. Pour Mario Rossi, co-rédacteur de cet ouvrage, la modernisation et la globalisation de notre société ont mené à «l'émergence d'un pluralisme social et culturel, religieux et spirituel, soignant et médical» dans lequel «la santé n'est plus l'apanage exclusif de la médecine». Ce livre interroge les nouveaux défis posés par cette pluralité. Il analyse les discours et les pratiques des acteurs dans un contexte d'offre et de demande et étudie leurs jeux de concurrence et de complémentarité. Cette publication est issue du colloque «Offres de guérison: concurrence ou complémentarité?» tenu en février 2006, coorganisé par l'Observatoire des religions en Suisse, dont le siège est à l'UNIL. Ed. «Quêtes de santé. Entre soins médicaux et guérisons spirituelles». Nicole Durisch Gauthier, Mario Rossi, Jôrg Stolz, Collection Religions et modernités, Labor et Fides, 136 pages, 2007. T Raphaël Baroni LA TENSION NARRATIVE tiit tilt tK.H.19 « 9 ifjJdHÉM •* ÉJwhppaJMPl Qu'est q u ' u n e religion Participation et développement durable d'un colloque en deux parties qui s'est tenu à l'Université de Lausanne en novembre 2004 et à Paris en juillet 2005. Ed. «Le savoir des genres». Etudes réunies et présentées par Raphaël Baroni et Marielle Macé, 372 pages, PUR, 2007. Dans le chapitre introductif de son livre, Pierre Gisel interroge: «Sait-on toujours ce qui fait la frontière entre une religion, une spiritualité, une sagesse ou une recherche d'équilibre de vie, une attitude réceptive à l'égard de ce qui dépasse l'humain (le cosmos? des énergies? les astres?)? ou le sujet que je suis, pris dans des appartenances et des héritages (une généalogie? une tradition? une mémoire?)? L'astrologie est-elle une religion? une science? autre chose? et la Scientologie? Dans la seconde moitié du XX siècle, ¡1 y eut en tous cas divers procès sur la question de savoir si c'était une Eglise (...).» Après avoir décrit le paysage religieux contemporain et l'avoir placé dans sa perspective historique, il en présente le statut, la fonction et les enjeux. Pierre Gisel est professeur de théologie systématique à l'UNIL. Après deux numéros consacrés aux problématiques de l'étalement urbain et aux politiques d'insertion et de logement, le troisième numéro d'Urbia, publié par l'Observatoire universitaire de la ville et du développement durable de l'UNIL, traite de la participation de la population dans les démarches d'aménagement urbain. Quels sont les apports et les limites des processus participatifs? Comment remettent-Ils en cause les modalités traditionnelles d'exercice du pouvoir? Bien que critiquée, l'approche participative n'en est pas moins incontournable, et cette publication veut éclairer les modalités propres à en tirer le meilleur parti, notamment à l'aide d'exemples suisses. Le prochain numéro, à paraître en juin 2007, aura pour thème «Les éco-quartiers et l'urbanisme durable». Ed. Ed. «Urbia, les Cahiers du développement durable», l'Observatoire universitaire de la ville et du développement durable. Institut de géographie, 141 pages. e • • ' > • Le s a v o i r des genres m ^La-Licorne ra «Qu'est-ce qu'une religion?». Pierre Gisel, Collection chemins philosophiques. Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 128 pages, 2007. La conférence, outil de communication Nicolt Duriteli Gauthier Ilario Roui hit Sion Quêtes de santé Entre toi ni médicaux ri gueriioru • fri rituelle« m MU ALLEZ SAVOIR! ...L'intellectuel est vu comme un «homme de lettres» dont l'arme de prédilection par excellence demeure la plume. Pourtant la transmission des idées ne se limite pas à l'écrit, et, à négliger la transmission orale, on se prive de tout un pas, important, de l'activité intellectuelle. Dans le monde du savoir, le cours ou la «dispute orale» constituent quelques-uns des fondements de la / № 3 8 MAI 2 0 0 7 transmission des connaissances et de l'apprentissage académique. Les congrès et autres colloques scientifiques sont autant de lieux d'échanges, de sociabilité mais aussi de légitimité. Enfin, la conférence représente une activité sociale ainsi qu'une modalité essentielle de la conquête d'un capital tant symbolique qu'économique des intellectuels. Ce volume est consacré à cet objet historique aux contours à priori indéterminés, à ce support médiatique encore largement méconnu. François Vallotton enseigne l'histoire des médias à la Section d'histoire de la Faculté des lettres de l'UNIL. Ed. «Devant le verre d'eau». Regards croisés sur la conférence comme vecteur de vie intellectuelle (1880-19501, sous la direction d'Alain Clavien et de François Vallotton, Antipodes, 139 pages, 2007. ^ SAVOIR! / «The So-Called Deuteronomistic History: A Sociological, Historical and Literary Introduction», par T. Römer. London - New York: T & T Clark - Continuum, 2006. «L'homosexualité dans le Proche-Orient ancien et la Bible» (Essais bibliques 37), par T. Römer et L. Bonjour, Genève: Labor et Fides, 2005. e Thomas Römer ta Loyse Bonjour Lhomosexualité dans le Proche-Orient ancien et la Bible I. L'objectif principal de cet ouvrage est de retracer les rapports conjonctifs et disjonctîfs entre les auto-érotismes et les narcissismes au cours du développement du psyschisme en tenant compte de la seconde théorie freudienne des pulsions (opposition entre pusions erotiques et pulsions de destruction). Cette publication propose une vision générale des pulsions du moi, à savoir, des pulsions qui, sous formes directes ou transformées, sont à l'œuvre dans le moi. Jean-Michel Porret est privatdocent et maître d'enseignement et de recherche à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL. Ed. « DEVANT LE VERRE D'EAU » ALLEZ Les lecteurs d'«AIlez savoir!» se souviennent des récentes interventions dans nos pages de Thomas Römer sur le déluge (AS 37) ou sur les relectures possibles de l'Ancien Testament après les dernières études archéologiques (AS 32). Ce prolixe chercheur vient encore de s'attaquer à un sujet très discuté, puisqu'il nous propose une enquête historique sur l'homosexualité dans le Proche-Orient ancien et dans la Bible. Son livre cherche à décrire comment on envisageait à l'époque les relations sexuelles entre deux hommes (et, plus rarement, deux femmes). L'ouvrage veut également mettre en garde contre l'utilisation anachronique de la Bible dans le débat actuel sur l'homosexualité. Dans un autre registre, et cette fois en anglais, Thomas Römer a publié une introduction historique, sociologique et littéraire à la première histoire d'Israël, qui a été rédigée par des fonctionnaires de la cour de Jérusalem au V I siècle avant notre ère. Ces derniers cherchaient alors à expliquer la destruction de Jérusalem par les Babyloniens. Cet ouvrage montre comment cette histoire s'inspire largement de la production littéraire assyrienne et babylonienne. J.H. Pulsions narcissiques T fat A Le regard générique A quoi reconnaître un genre et sous quel angle le décrire? Aujourd'hui, notre intérêt pour ces questions est avant tout d'ordre pragmatique: constamment sollicités, les genres servent à quelque chose et à quelqu'un; ils définissent un «voir comme», et constituent une médiation essentielle dans nos pratiques de lecture, de classement, de valorisation ou d'interprétation. La question n'est plus, par exemple : «A la recherche du temps perdu» est-il un roman policier, une comédie ou un traité de morale? mais: que fait-on quand on le lit ou quand on le classe comme tel? Enchevêtrement complexe de connaissances et de reconnaissances, d'appropriation, le regard générique puise à un répertoire de formes et d'idées qu'il nourrit en retour. Publié dans la collection La Licorne des Presses universitaires de Rennes, ce livre est le fruit tivred Homosexualité et histoire d'Israël Urbia Vers une définition de la religion L'art du suspense et la tension narrative en № 3 8 MAI 2 0 0 7 UM R "•' B «Auto-érotismes, narcissismes et pulsions du moi». Jean-Michel Porret, Collection psychanalyse et civilisations, L'Harmattan, 183 pages, 2006. r AUTO-ÉROTISMES. NARCISSISMES ET PULSIONS DU MOI I Iff.. 5 L'UNIL en L lv red Un C D - R O M pour découvrir les chauves-souris Si elles restent difficiles à observer dans la nature, les chauvessouris sont désormais très faciles à découvrir avec son ordinateur. Ces animaux nocturnes n'auront plus de secret pour vous grâce à un CD-ROM imaginé par le Musée de zoologie, associé à l'Université de Lausanne. Destiné notamment aux enseignants et à leurs classes, ce cyberrobjet nous montre les différentes espèces de chauves-souris, leur anatomie et leur habitat, sans oublier leur régime alimentaire. On y trouve encore une galerie de photos pour contempler à loisir ces animaux discrets, des cartes d'identité, un jeu de cartes à fabriquer et un reportage sur le travail des biologistes passionnés par les chauves-souris, comme Philippe Christe, un chercheur de l'UNIL bien connu des lecteurs d'«Allez savoir!» et coauteur de ce CD-ROM. «Ailes de nuit» peut s'utiliser en individuel. Mais ce CD-ROM propose aussi des activités conçues spécialement pour les enseignants, à faire en classe. C'est un véritable cours clés en main. J.R. «Ailes de nuit, les chauves-souris se présentent», un CD-ROM MAC/PC de Philippe Christe, Olivier Glaizot et Alain Mabille, Musée de zoologie de Lausanne, décembre 2006. On peut notamment le commander à l'adresse Internet: ¡[email protected] Notre héritage celte La recherche sur le monde celtique a progressé de manière spectaculaire ces dernières années. Restait à effectuer la synthèse de ces découvertes qui nous permettent de voir nos ancêtres sous un jour plus favorable. Cela a été fait l'été dernier, lors d'un grand colloque au Collège de France. Ce rendez-vous avait été préparé par des tables rondes tenues dans les universités de Lausanne, Leipzig, Bologne, Budapest et Cambridge. La manifestation vaudoise devait réévaluer les processus de romanisation des populations gauloises et réfléchir sur les aspects de la civilisation et de la culture celtiques encore perceptibles sous l'Empire de Rome. Il a été tiré de ces discussions un ouvrage intitulé «Celtes et Gaulois...» qui aborde les changements politiques, économiques et sociaux entraînés par l'intégration du monde celtique à l'Empire. On y décrit encore l'identité des acteurs de la romanisation, le degré d'originalité de la culture provinciale dans les anciens territoires gaulois et l'importance des survivances celtiques. J.R. «Celtes et Gaulois: l'Archéologie face à l'Histoire. La romanisation et la question de l'héritage celtique. Actes de la table ronde de Lausanne, 17-18 juin 2005», sous la direction de Daniel Paunier, Bibracte, 2006. On peut notamment le commander à l'adresse Internet: [email protected] Celle* et Gaulois l'Art h col ocie ûtc i I'HIM La romanisation ce la question de 1'hcrítagc celtique 1. Cyberjexe «Révolutionnaire» Votui ne jerez pas étonné que j'aie appré cié votre éditorial da.ru «Allez savoir!» de février2007. Mon dernier «édita» daiu «24 Heures» aborde exactement la même ques tion, sous un angle très légèrement diffé rent. Je suis persuadé que ce que vous écri vez est exact et doit être répété (vous avez eu l'élégance de le faire): «Il suffit qu'un adulte manifeste... pourqu 'ilsoit entendu, même par un adolescent un peu rebelle.» C'est aussi mon expérience de médecin : on s'attend à ce qu 'un jeune patient auquel on se permet une «remarque» vous envoie paître comme un vieux crabe tombé du siècle passé. Eh bien, pas du tout : il paraît presque sou lagé d'avoir affaire à un adulte qui l'aide à se repérer. Simplement, un «adulte» ! J'ose vous dire que votre discours est «révolution naire», tout comme l'article qu 'il introduit. (...) De plus, cette édition d'«Allez Savoir!» donne la parole à deux profes seurs qui mettent en doute bi cause unique, et cela malgré la position de la cheffe du DFJ. Cette marque d'indépendance mérite d'être saluée. Voiu savez peut-être com bien j'ai été'effrayéparl'intervention poli tique contre le Dr Alain Herzog qui s'était permis de dire des choses jugées déplai santes par certains (tt surtout certaines). L'Université doit jouir d'une parfaite liberté d'expression à l'égard du pouvoir politique. Elle ne doit répondre qu 'à une seule question : est-ce vrai? L'opportunité de ses affirmations n 'estpas une question académique. Jacqued-André Haury, député Sensationnalisme* 2. Caidde unique Pas objectif Peuple et identité pérenniser le nouvel Etat républicain, il leur faut assurer les fondements d'une cohésion cantonale qui dépasse l'esprit de localité. Pour ce faire, plusieurs mythes identitaires et symboles politiques fédérateurs sont remis au goût du jour, comme le major Davel ou Guillaume Tell. Mêlant histoire culturelle et politique, les deux études réunies dans ce volume permettent d'éclairer les fondements intellectuels qui président à la formation d'un régime républicain et d'une identité commune dans le Canton de Vaud au seuil du XIX siècle. Raphaël Rosa et Matthias Bolens sont licenciés ès lettres de l'UNIL Ed. e Le p e u p l e e t l ' i d e n t i t é vaudoise En 1798, les autorités révolutionnaires doivent rapidement intégrer au nouvel ordre politique une population vaudoise attentiste, voire hostile face au changement. Elles gèrent la révolution en cherchant le juste milieu entre l'aristocratie renversée et la démocratie, qu'elles craignent de voir dégénérer en démagogie. Afin de Rembrandt et ses élèves «Si les œuvres de Rembrandt ont largement contribué à sa renommée, son atelier a joué un rôle aussi essentiel dans le développement de sa carrière», raconte Jan Blanc, maître-assistant à la section d'histoire de l'art de l'UNIL. Avec son étude «Dans l'atelier de Rembrandt», il nous entraîne dans les coulisses de l'école «Peuple et identité. Représentations vaudoises après la Révolution 1798-1814», Raphaël Rosa, Matthias Bolens, Bibliothèque historique vaudoise, no 129,320 pages, 2007. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Rembrandt. «Ayant formé de nombreux artistes, il s'est affirmé comme l'un des plus grands maîtres de son temps.» Fondé sur de nombreux exemples et témoignages, cet ouvrage se veut une plongée dans l'atelier de Rembrandt. On y découvre des peintres méconnus, talentueux et originaux. On apprend quelles étaient leurs conditions de vie, de travail, leurs relations, leurs discussions et l'on comprend mieux, à travers l'examen des méthodes et des exercices du maître, en quoi Rembrandt a renouvelé l'art d'enseigner la peinture au Siècle d'or. AS «Dans l'atelier de Rembrandt, le maître et ses élèves». Jan Blanc, Ed. de la Martinière, 2006. Le bureau de la Fédération ded associations d'étudiantEd Pas u n e i n c i t a t i o n a u vote A mon avis, la société a besoin de l'avis de ses chercheurs quels que soient les sujets abordés. Ces derniers agissent comme des repères utiles à l'heure où mass média et politiques ne sont plus considérés par la population comme des sources crédibUs d'information (...). L'article incriminé, bien qu 'un peu trop technique, ne m'a pas semblé être une incitation au vote contre la caisse unique. Philippe Guinand Critiquable Vion ~ La version compUte de cette réaction se trouve dur le blog d'«Allez savoir!», www2.un il. ch/a llezsa voir Henchoz Confusions L'UNIL a raidon de solliciter ses cher cheurs sur des questions d'actualité : c'est ALLEZ SAVOIR! même quelque chose qu 'elle devrait faire plus souvent (....)• De surcroît, il est tout à fait pertinent de discuter de l'actualité politique. Maintenant, concernant l'ar ticle sur la caisse unique, le moins que l'on puisse dire с 'est qu 'ily a eu une confusion entre une opinion d'expert (basée norma lement sur un travail scientifique) et une opinion politique a proprement dite (basée sur des valeurs). Or, un articles 'opposant si clairement à la cause unique (...) fait croire que notre vote doit se baser sur une expertise таи pas du tout sur des valeurs, que les experts (ceux qui savent) pensent qu 'ilfaut, scientifiquement, voter non. Ces deux propositions sont complètement fausses. Samuel Que la publication s'intéresse aux sujets politiques par le biais de chercheurs/cher cheuses est une bonne chose. Mais com ment est-il possible de réaliser un entre tien avec deux économistes dont le cœur balance en faveur d un modèle d assurance basé sur la concurrence et imaginer que cela pu'use rester objectif? (...) Pourquoi ne pas avoir interrogé une personne en médecine ou en sciences sociales ? (...) Au mieux cet article était maladroit, au pire il était quelque peu orienté... (...) Guillaume Cette réaction nous a amenés à ouvrir un blog pour débattre de l'opportunité, pour «Allez savoir! », d'évoquer des sujets politiques. Voici la synthèse des Adrien Que de sensationnalisme et d'alarmùme dans une revue que je croyais de niveau universitaire (...) Us déviances ont tou huit réactions enregistrées à l'adresse www2.unil.ch/allezsavoir, où vous pouvez lire l'intégrale de ces messages: L'article intitulé «La caisse unique n 'estpas la potion miracle pour notre système de santé», paru dans le numéro de février d'«Allez savoir!», a malheureusement rete nu notre attention (...) L'UNIL est (...) une institution publique de laquelle on est en droit d'attendre une objectivité aiiui qu'une neutralité de principe dans le domaine politique. L'entrevue citée (...) con trevient ouvertement à (...) ce principe. Quant à son orientation d'abord, puisque son titre (notez l'absence de guillemets) dévalue (...) la proposition soumise au vote. Quant aux personnes interrogées ensuite, puisque les deux professeurs (...) partagent une opinion défavorable à ladite initiative. Quant à ta méthode et au contenu enfin, puisque les propos scientifiques et les argu ments politiques se trouvent allègrement mélangés (...) Nous nous élevons contre cet abus (...) considérant que la présentation équitable des points de vue constitue pour l'UNIL le seul mode possible de communi cations sur un sujet politique (...) jours existé defaçon marginale (...) L'im mense majorité des jeunes a une sexua lité tout àfaitsemblabU à celU de ses géni teurs. Certes, l'utilisation des médias dans la sexualité est plus grande qu 'autrefois, et alors] C'est ainsi dans tous les domai nes. (...) Internet, c'est beau. Ça a changé la vie de millions d'adolescents et d'adultes seuls, déprimés, trop gros, mal dans leur peau ou homosexuels, par exemple. (...) Sincèrement, vous y croyez? Vous croyez que noiu, Us adolescents d'aujourd'hui, noiu avons envie de décapiter nos cama rades et de devenir zoophiles? Parce que ces images sont sur Internet? (...) / № 3 8 MAI 2 0 0 7 lien Jaban, addidtant diplômé НЕС Plus scientifique (...) S'agit-il ici d'un éclairage scienti fique sur la question ou d'une prise de posi tion politique? Le lecteur attentif se voit forcé de répondre: les deux ! (...) Chaque fou qu'un raisonnement scientifique débouche sur un mot d'ordre politique, alors il n 'est plus purement scientifique. (...) Et il est alors de mise, dans un maga zine d'information, de donner la parole à ceux qui font une autre interprétation des mêmes données, en l'occurrence en faveur de la cause unique. Benoît Gaillard 7 Pique-niques, barbecues : gare aux bactéries de l'été ^\/ive L'été, ded pique-niqued et barbecued en plein air! Si elled pouvaient parier, certained bactéried entonneraient, Campylobacter, elled auddi, ce refrain. dalmonelled, dhigelled ou Edcherichia coli profitent pour de multiplier de la chaleur dand nod dandwiched et nod grilladed mal cuited, provoquant ded gadtro-entérited. Led explication et led condeiU de deux chercheurd de rUNIL pour 8 d'en prémunir. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Pique-niques, barbecues : gare aux bactéries de l'été MEDECINE La «bactérie du hamburger» a provoqué plusieurs poussées épidémiques chez les mangeurs de viande hachée mal cuite Y I nos défenses immunitaires sont intactes, on ne risque rien.» Les problèmes vien nent de l'importance de l'inoculum, c'està-dire de la quantité de micro-organismes ingérée. Pour être infecté par des salmo nelles, il faut en avaler plusieurs millions; pour ce qui est des shigelles, quelques dizaines suffisent. Lorsque les germes arrivent en nom bre dans l'estomac, les sucs gastriques sont débordés et ne peuvent plus détruire les intrus. «Les salmonelles passent alors dans l'intestin grêle. Là, elles peuvent suivre deux chemins différents, selon leur type. Celles qui causent des gastro-enté rites restent localisées dans la muqueuse intestinale. En revanche, les « S . typhi», qui sont des agents de la typhoïde, pénè trent dans les cellules intestinales; elles résistent au système immunitaire et pas sent dans la circulation sanguine, puis nvariablement, chaque été apporte son lot de gastro-entérites d'origine alimentaire. Les courbes saisonnières des infections dues au campylobacter et aux salmonelles, dressées par l'Office fédé ral de la santé publique ( O F S P ) , en témoignent: elles se caractérisent par des pics importants en juillet et en août. On pourrait en dire autant des troubles intes tinaux provoqués par les shigelles et les Escherichia coli. Aucun doute n'est possible. Ces bac téries et quelques autres profitent de la saison chaude pour s'insinuer en nombre dans notre système digestif, provoquant des diarrhées qui peuvent s'accompagner d'autres symptômes. Des troubles tou jours déplaisants et qui, parfois, peuvent se révéler plus graves. Chaîne du froid rompue Mais pourquoi l'été? Question de cli mat, tout simplement. Lorsque la tem pérature atteint et dépasse 30 °C, ces micro-organismes s'épanouissent et pro lifèrent rapidement. Pour eux, «c'est la situation idéale, constate Thierry Calan dra, chef du Service des maladies infec tieuses du C H U V et professeur à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL. La température ambiante est alors proche de celle (37 °C) que l'on uti lise dans nos laboratoires pour faire pous ser ces germes.» Nos habitudes estivales font le reste pour favoriser les contaminations. Ces micro-organismes sont véhiculés par les animaux domestiques - volailles et bovins notamment - et par l'eau. Ils se retrouvent ensuite dans la viande et les œufs crus ou insuffisamment cuits, ainsi que dans le lait non pasteurisé. Autant dire que si l'on rompt la chaîne du froid - ce qui est fréquent en été lorsque les sandwichs restent dans les sacs avant d'être consommés au terme d'une longue balade - ils ont tout le loisir de se multiplier. • Thierry Calandra, professeur chef du Service des maladies disséminent dans les différents organes (foie, rate, etc.) », précise Thierry Calan dra. Fort heureusement, les cas de ty phoïdes restent rares en Suisse; la quasitotalité est acquise dans les pays en développement. Bactérie du hamburger «Le tableau clinique est assez peu spé cifique», souligne pour sa part le micro biologiste du CHUV. Les salmonelles et les shigelles provoquent des diarrhées dans lesquelles peuvent apparaître du sang ou des glaires - et parfois de la fièvre (lire en p. 14). Les campylobacter, qui sont responsables, en Suisse, du plus grand nombre d'infections alimentaires, causent d'ailleurs les mêmes symptômes, mais ceux-ci sont «plus marqués». Quant à certains sérotypes d'Escherichia coli, ils induisent la fameuse turista infectieuses du CHUV et à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL Les barbecues sont propices à l'apparition d'infections alimentaires. menacées sont les gens âgés et les enfants Steak peu cuit, eau non bouillie... Les déjeuners sur l'herbe ne sont tou tefois pas les seuls en cause. Les barbe cues sont, eux aussi, propices à l'appa rition des infections alimentaires. Le feu qui tarde à prendre, les invités qui s'im patientent et crient leur faim : il n'en faut pas plus pour que l'assemblée se préci pite sur des steaks ou des morceaux de poulet peu cuits et qui, de ce fait, peu vent être vecteurs d'infections. Si, de surcroît, les convives veulent profiter de l'eau d'une rivière pour pré parer leurs boissons, ils risquent gros. En août2003, rapporte 1 OFSP, neufs jeunes recrues ont été victimes d'une entérite à campylobacter après avoir bu du thé infusé dans de l'eau de ruisseau non bouillie. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Sans compter que la saison chaude est par excellence celle de la convivialité. Lors des fêtes et manifestations, de nom breuses personnes se trouvent réunies autour d'une même table. En plein air de surcroît, où il n'est pas toujours facile de se laver les mains. Promiscuité, manque d'hygiène : les facteurs sont réunis pour favoriser la transmission des infections de toutes sortes, d'origine alimentaire notamment. Tout est affaire de quantité En fait, ces bactéries, en soi, ne sont pas toutes pathogènes. «On mange des salmonelles tous les jours, souligne J a c q u e s Bille, directeur de l'Institut de microbiologie médicale rattaché au C H U V et professeur de microbiologie à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL. Si l'on en consomme peu et que Les personnes les plus P iq ue - il iq ue d, barbecued: gare aux bactéried de l'été MÉDECINE Le poulet cru e.it douvent porteur de germed. Il doit être bien cuit avant d'être consomme' du voyageur. Mais d'autres, comme les colibacilles entérohémorragiques, sécrè tent des toxines qui peuvent avoir des conséquences beaucoup plus graves. De tels cas sont très rares en Suisse. En revanche, «ces bactéries du hamburger» ont provoqué, aux Etats-Unis, plusieurs poussées épidémiques chez des consom mateurs de viande hachée mal cuite, alors qu'au Japon, c'est après avoir avalé des radis contaminés que de nombreuses per sonnes sont tombées malades. Listeria: redoutables pathogènes Un autre microorganisme mérite d'ê tre mentionné : la Listéria. Certes, celleci ne peut pas être considérée comme une «bactérie de l'été», dans la mesure où elle provoque des infections en toutes saisons. Les cas de listérioses restent d'ailleurs «peu fréquents en Suisse», précise le spécialiste Thierry Calandra. C'est heureux car, lorsqu'ils se mani festent, ces germes se révèlent être de «redoutables pathogènes alimentaires», comme le dit son collègue microbiolo giste. On se souvient des cas de listé rioses qui avaient été provoqués, il y a une quinzaine d'années, par la consom mation de vacherins. Les fromages à pâtes molles figurent en effet parmi les principaux vecteurs de ces bactéries, mais on les trouve aussi dans les produits carnés, les salades et les poissons - notamment iumés. Ubiquitaires, les Listeria résistent de surcroît aux températures fraîches des réfrigéra teurs, aux fortes concentrations de sel et même aux milieux acides. Elles provo quent des gastro-entérites assez sé rieuses, qui peuvent s'accompagner de septicémies et de méningites chez les per sonnes les plus fragiles. âgés, jeunes enfants et tous ceux qui sont immunodéprimés. Mais aussi, précise le médecin, «les personnes ayant une aci dité gastrique diminuée», car il est alors plus facile aux bactéries de résister à l'at taque des sucs gastriques. La cuisson, c'est l'arme fatale Intoxications alimentaires Comme si cela ne suffisait pas, il faut e n c o r e a j o u t e r au t a b l e a u q u e l q u e s bactéries responsables d'in toxications alimentaires, autrement dit de gastro-entérites affectant le tractus Jacqued Bille, directeur de l'In.ititut de microbiologie de microbiologie médicale rattaché au CHUV et prof éditeur à la Faculté de biologie et de médecine de l'UNIL digestif supérieur et provoquant nau sées et vomissements. Tel est le cas notamment du staphy locoque doré et du Bacillus cereus, qui - tout comme la Listeria - peuvent sur venir tout au long de l'année et que l'on retrouve dans des aliments comme le riz frit et les desserts trop longtemps conser vés hors du réfrigérateur. Tout rentre dans l'ordre Si l'on rompt la chaîne du froid, ce qui edtfréquent en été lordane led .iandwiche.1 rotent dand led dacd avant d'être condomméd au terme d'une longue balade, led micro-organidmed tout le loidir de de multiplier ont Les intoxications alimentaires durent de 24 à 48 heures. Quant aux gastro entérites provoquées par les bactéries de l'été, elles durent un peu plus longtemps mais, en général, «tout rentre dans l'ordre au bout de quelques jours», comme le souligne Thierry Calandra. Les personnes qui ont le plus grand risque d'être infectées sont, comme c'est souvent le cas, les plus fragiles - gens ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Pour ces populations à risque, mais aussi pour tout un chacun, un certain nombre de précautions élémentaires s'impose pour prévenir les infections. Nos deux spécialistes recommandent d'abord de «maintenir la nourriture au réfrigérateur le plus longtemps possible et d'éviter de rompre la chaîne du froid», en transportant par exemple le piquenique dans une glacière. Mais aussi de «respecter les dates de péremption indi quées sur les aliments». Et surtout, de bien cuire les viandes, œufs et autres pro duits susceptibles d'être contaminés : «La cuisson est l'arme fatale contre les bac téries, car celles-ci ne résistent pas aux températures dépassant 60 °C», précise J a c q u e s Bille. Contamination croisée Il faut aussi éviter une autre source importante d'infections, la contamination croisée. Il suffit en effet de déballer et de couper un poulet cru contaminé, puis d'utiliser le même couteau pour prépa rer la laitue, pour retrouver des bacté ries sur les feuilles de salade. «Il est donc très important de laver les couteaux et autres ustensiles de cuisine avant de les réemployer», souligne le microbiologiste. Si, en outre, on veille à l'hygiène et que l'on se lave régulièrement les mains, on pourra profiter pleinement des joies des pique-niques, barbecues et autres plaisirs de l'été, sans risquer la gastro entérite. Elidabetb Gordon Pique-niques, barbecues: gare aux bactéries de l'été MEDECINE Ces bactéries qui peuvent gâcher notre été Escherichia coli C ommunément nommée colibacille, cette bactérie est l'une des mieux connues des microbiologistes qui l'uti lisent couramment comme modèle expérimental. Son génome a d'ailleurs été décrypté en 1997. Escherichia coli est naturellement présente dans la microflore intestinale de tous les ani maux à sang chaud, et notamment de l'être humain. Il en existe en fait quelque 2000 souches et, si la plupart d'entre elles sont inoffensives, certaines sont responsables de la turista, cette infec tion banale qui affecte de nombreux tou ristes dans les pays chauds et humides. D'autres encore produisent des toxines virulentes et se révèlent très pathogènes. Tel est le cas notamment des «E. coli» entérohémorragiques ( E H E C ) , qui sont toutefois rares en Suisse où l'on ne compte que quelques dizaines de malades par an. Où les trouve-t-on? Les bactéries pathogènes - en parti culier les EHEC - se trouvent principa lement dans la viande de bœuf mal cuite ou consommée crue. Les «E. coli» enté rohémorragiques ont d'ailleurs été appe lées «bactéries du hamburger», depuis qu'elles ont provoqué plusieurs vagues d'infections aux Etats-Unis chez des consommateurs de viande hachée. Shigelles Symptômes La bactérie du hamburger peut pro voquer un syndrome très particulier, appelé hémolitique-urémique. Les pre miers symptômes sont ceux d'une intoxication alimentaire - avec des diar rhées et de la fièvre - mais l'infection peut aussi conduire à la destruction des glo bules rouges et à des lésions rénales qui peuvent entraîner une insuffisance rénale. C es bactéries en forme de bâtonnets vivent dans les sols ou les eaux; elles n'infectent que les êtres humains chez qui elles se révèlent pathogènes. Quelque 400 à 500 cas de shigelloses sont notifiés chaque année à l'OFSP. Où les trouve-t-on? Symptômes Les shigelles n'infectant pas les ani maux, l'homme est leur réservoir natu rel. On ne les trouve donc pas dans les aliments, sauf lorsque ces derniers ont été contaminés par les bactéries présentes dans les selles des malades. On peut aussi être infecté après avoir bu de l'eau souillée. Localisées essentiellement dans le gros intestin, les germes s'y multiplient et provoquent une inflammation de la muqueuse. Les shigelloses s'accompa gnent des mêmes symptômes que les sal monelloses. Traitement On traite habituellement les shigel loses avec des antibiotiques, car ces médi caments diminuent la sévérité de l'infec tion et la durée de la maladie. Il faut cependant être attentif au développement de résistances des bactéries aux antibio tiques dans les pays où les infections sont endémiques. Traitement Lorsque des personnes sont infectées par des «E. coli» entérohémorragiques, «on hésite à leur donner des antibiotiques car en éclatant, les bactéries libèrent des toxines et il taut veiller à ne pas exacer ber ce mécanisme». Que faire alors? «On soutient le patient en le réhydratant, en lui faisant des transfusions sanguines et l'on surveille sa fonction rénale», répond J a c q u e s Bille. W i k i p e d i a / C e n t e r s f o r D i s e a s e C o n t r o l a n d P r e v e n t i o n , U S D p t of H e a l t h a n d H u m a n S e r v i c e s Campylobacter C ette bactérie est de loin la plus fré quente: elle provoque chaque année en Suisse quelque 6000 infections alimentaires. Et il ne s'agit là que du nombre de cas notifiés à l'Office fédéral de la santé publique ( O F S P ) , ce qui signifie qu'elle touche certainement un beaucoup plus grand nombre de per sonnes. Les campylobacter, des bactéries Gram négatives, ont une forme originale : elles «ressemblent à des mouettes», com me le dit Jacques Bille, directeur de l'Ins titut de microbiologie médicale rattaché au CHUV et professeur de microbiolo gie à la Faculté de biologie et de méde cine d e l ' U N I L . Où les trouve-t-on? Essentiellement dans blanches et la volaille. 1 4 les viandes Salmonelles C es entérobactéries du genre Salmonella doivent leur nom au vétéri naire américain Daniel Elmer Salmon qui, le premier, les a décrites à la fin du X I X siècle. En Suisse, elles affectent 4000 à 5000 personnes par an, selon l'OFSP. e Symptômes Traitement Les campylobactérioses, comme l'on appelle les infections provoquées par cette bactérie, provoquent des gastro entérites assez violentes. Celles-ci se manifestent par des diarrhées dans les quelles on peut trouver du sang et des glaires, mais aussi par des nausées, des ballonnements et parfois de la fièvre. «Lorsque l'on souffre d'une campylobactériose, on ne se sent vraiment pas bien et l'on consulte souvent son médecin», précise le microbiologiste. D'une manière générale, on traite sur tout les cas d'infections sévères; tout par ticulièrement s'il s'agit de jeunes enfants, de personnes âgées ou de patients ayant des défenses immunitaires diminuées. Le traitement passe par l'abaissement de la température, la réhydratation et l'admi nistration d'antibiotiques. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Où les trouve-t-on? Surtout dans les œufs - donc aussi dans tous les aliments préparés à l'aide de ces derniers, comme les desserts et les pâtisseries - ainsi que dans les viandes, en particulier les volailles. Traitement Faut-il ou non traiter les salmonel loses? «La décision est complexe, répond J a c q u e s Bille. On a en effet constaté qu'en administrant des antibiotiques aux personnes infectées, on prolongeait leur état de porteurs sains. Dans la mesure où les salmonelles restent longtemps dans les selles, on augmentait ainsi le risque de réinfection.» Il est donc d'usage de réserver la prescription d'antibiotiques aux personnes particulièrement fragiles. Elisabeth Gordon Symptômes Les salmonelloses se manifestent par des symptômes analogues à ceux des campylobactérioses, mais atténués. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 1 5 Dans le couple, en famille, au travail voici ce qui a ( u n peu) changé depuis les années 1960 f^jit 2007, les hommes au foyer ne sont phié dédùpérêd, mais ils restent Ces «exceptions statistiques» rares. seront néan moins récompensées le 17 juin prochain, puLique la Suuse première célébrera la Fête des pères. Quant aux femmes gent des entreprises, quidiri une étude réalisée à l'UNIL montre qu 'elles sont exagérément félicitées quand ça marche, et exagérément critiquées lorsque les objectifs ne sont pas atteints... - ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Dand le couple, en famille, au travail... voici ce qui a (un peu) changé depuis led année,! 1960 SOCIÉTÉ En 2007, on ne dit plu.< «femmes au foyer», Entre la série TV à succès du XXI e (ci-dessous), P apa est au travail, maman à la maison. Elle élève ses deux enfants et s'occupe de son ménage. Quand il rentre le soir, il plonge sur son journal et dans ses charentaises. Il sirote son apéritif tandis que le poulet rôtit gentiment dans le four. Les enfants sont en robe de chambre, déjà bai gnés grâce à la diligence de leur mère. Cette image de la famille traditionnelle a été glorifiée aux Etats-Unis dans les années 1950 et 60, puis importée chez nous. Elle atteint son sommet dans les publicités de l'époque pour les appareils ménagers, ceux-là mêmes qui permet taient à Maman d'accomplir sa destinée avec efficacité. Le quotidien des années 1960 A l'Université de Lausanne, l'édition 2007 des «Mystères de l'UNIL» (1) per mettra aux enfants - et à leurs parents de se plonger dans les années 1960, par le biais de divers stands et animations. Au pro gramme, on trouve notamment une expo sition, «Dans la peau de Jeanne... dans la peau de Jean», au gré de laquelle chacun pourra revisiter sa vie en prenant conscience de ce qui aurait été différent s'il, ou si elle, avait appartenu à l'autre genre. Des événements historiques, l'introduc tion du droit de vote pour les femmes par exemple, ou l'arrivée de la pilule sur le mar ché, rappelleront ce qu'était le quotidien du «sexe faible», comme on disait alors. On peut à l'occasion de ce retour dans le passé se pencher sur le chemin par couru. En un peu plus de 45 ans, tout n'at-il pas radicalement changé dans les rap ports hommes/femmes et dans la vie de ces dernières? Garçons et filles n'ont-ils Eric Widmer, sociologue à de l'Université Lausanne Il suffit pour s'en convaincre de lire dans les médias actuels les exploits de ces businesswomen qui dirigent d'une main leur entreprise et changent les couches du cadet de l'autre. Ou de ce père qui a réduit son temps de travail pour s'impliquer complètement dans l'éducation de ses enfants - pour lui rendre hommage, on a même créé la Fête des pères (le 17 juin cette année en Suisse). Abusé par ces exemples très médiati sés, le citoyen de l'an 2007 pourrait pen ser que les années 1960 sont bien loin et que les rôles respectifs de l'homme et de la femme ont fondamentalement évolué aussi bien au travail qu'à la maison. «Ce n'est de loin pas le cas pour la majorité des gens», nuance Eric Widmer, socio logue à l'Université de Lausanne. Le cher cheur rappelle en effet que dans 70% des familles avec enfant, c'est le modèle tra ditionnel qui prévaut: «La femme ne tra vaille pas (36%) ou très peu (33%), et c'est l'homme qui ramène l'essentiel du salaire.» L'égalité, c'est avant les enfants. Mais après... Eric Widmer explique le parcours clas sique : «Avant d'avoir des enfants, le couple est relativement égalitaire : la femme et l'homme travaillent tous deux, généralement à temps plein, et les tâches domestiques sont assez bien réparties. C'est clairement au moment où ils devien nent parents que le déséquilibre apparaît. Car, dès que l'enfant naît, la mère aban donne son emploi ou réduit drastiquement son taux d'occupation.» Ensuite, elle assume, forcément, l'es sentiel des soins aux enfants, surtout tout ce qui concerne les soins de type hygiène ou nourriture. Et elle se retrouve bien plus impliquée que son conjoint dans l'en tretien de l'appartement ou de la maison, la lessive, la préparation des repas, etc. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 la révolution pas aujourd'hui la même vie, les mêmes opportunités, les mêmes choix? Business women et nouveaux pères a. Beaucoup de mères de 2007 ressemblent à celles de 1960 Les chiffres de l'Office fédéral de la sta tistique parlent d'eux-mêmes: dans les familles avec enfant, les femmes consa crent en moyenne près de 60 heures par semaine aux tâches ménagères ou éduca tives, contre 33 heures pour les hommes. Lesquels se réservent d'ailleurs plus volon tiers la partie de foot au parc le samedi après-midi que les devoirs au quotidien... Bref, après quelques années d'indépen dance, la femme devient mère et fait... exactement comme dans les années 1960. «Pour ces mères qui ne sont pas engagées dans la vie professionnelle, ou très peu, il est difficile, même une fois les enfants grandis, de retrouver un emploi avec des responsabilités et de renouer avec une véritable carrière», poursuit Eric Widmer, avant de souligner que les femmes qui concilient emploi conséquent et maternité ne sont que 5 % environ. Les «nouveaux pères»? Ils sont moins de 2 % Peu de choses ont donc changé pour elles. Et pour les hommes? Les «nouveaux pères» ont-ils bouleversé le rôle tradition nellement dévolu au mari? Pas vraiment. Ils sont en réalité «si peu signifiants sta tistiquement», comme le dit Eric Widmer, que c'est comme si on les avait rêvés: ces ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI mai) «Desperate siècle (à gauche) 2 0 0 7 n'est pas et le quotidien spectaculaire housewives». des années 1960 Dans le couple, en famille, au travail... voici ce qui a (un peu) changé depuis les années 1960 SOCIETE «nouveaux pères» sont moins de 2% et appartiennent aux couches supérieures de la population, les plus éduquées. Autant dire qu'ils sont rares, tout comme sont singuliers les foyers dans les quels les rôles sont inversés - la mère au boulot, le père aux fourneaux. «Mais il serait abusif de dire, sous prétexte que la répartition des tâches est toujours très tra ditionnelle, que l'homme n'a pas du tout évolué depuis les années 1960, rectifie Eric Widmer. Sa relation affective avec l'enfant et son implication sont complè tement différentes. C'est dans ce registre que le changement est profond.» Ces pères qui restent au foyer Etudiante en sociologie à l'Université de Lausanne, Anne-Laure Georges a consacré son mémoire, réalisé sous la conduite d'Eric Widmer, à ces familles peu ordinaires dans lesquelles le père reste au foyer (2), histoire de voir si un change ment plus complet est à l'œuvre. Premier constat : ce n'est pas un souci d'égalité qui a conduit les couples à ce choix, mais un mélange de deux causes. La première est affective et découle de leur représentation de l'enfant. Pour tous les parents qui ont fait ce choix original, il était en effet exclu de confier la chair de leur chair à des mains étrangères. Maman de jour ou institu tion, rien ne leur semble adéquat. Leur priorité : que ce soit le père ou la mère qui s'occupe de l'enfant de façon exclu sive. Le choix du parent qui restera auprès des bambins est quant à lui dicté par la raison: «Le père est resté au foyer dans les familles interrogées par Anne-Laure Georges parce qu'il était dans une situa tion professionnelle instable, parce qu'il gagnait moins que sa femme, ou parce qu'il traversait une période de chômage, bref, parce que son revenu paraissait à ce moment précis moins intéressant que celui de la mère.» «On a quand même parcouru bien du chemin depuis 1960» Si elle reste souvent au foyer, comme dans les années 60, la femme doit pour tant, modernité oblige, combler d'autres attentes. Sociologue indépendante, Irène J o n a s s'intéresse depuis quelques années aux questions d'égalité. Elle a d'ailleurs donné une conférence à l'Université de Lausanne dans le cadre du colloque «Le travail, outil de libération de la femme?» organisé le 21 avril dernier par les Nou velles Questions Féministes (3). «On n'arrive plus à l'imaginer aujour d'hui, mais il faut tout de même se sou venir que dans les années 1960, la femme ne pouvait pas ouvrir son propre compte en banque ou avoir un chéquier à son nom, note en préambule la chercheuse. On a quand même parcouru bien du che min.» Ces progrès constatés, Irène J o n a s rejoint l'analyse d'Eric Widmer: fonda mentalement, les femmes assument l'es sentiel de la charge liée au quotidien des enfants et de la maisonnée. «On dit que les pères partagent aujourd'hui plus de tâches, et l'on cite l'exemple de la crèche, où ils déposent régulièrement leur progé niture. Certes. Mais le geste qui fait la dif férence, c'est d'aller rechercher l'enfant: c'est là qu'il faut courir, partir même si une réunion est en cours. C'est là que l'on manque ces moments informels entre col lègues si importants pour la carrière. Et, comme par hasard, qui fait les sorties de garderies? Les mères.» Les nouveaux pièges Mais, plus que sur les inégalités héri tées du passé, Irène J o n a s se penche sur 20 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Avant D'avoir des enfants, les couples de 2007 sont relativement égalitaires. Mais dès que les enfants arrivent, le déséquilibre se creuse. Les nouveaux pères ne sont ainsi que 2% «Ces livres sont très bien faits, souvent écrits par des couples, avec une forte dimension psychologique, analyse Irène J o n a s . Il y a des conseils aussi bien pour les hommes que pour les femmes, des expériences vécues, des petites études de cas dans lesquelles chacun ne peut que se reconnaître. Bref, on y adhère volontiers.» Problème : en plaçant la réussite de la famille sous la responsabilité des femmes, ils disent à mots couverts que la malheureuse qui voit son couple péri cliter, qui n'arrive pas à concilier vie pri vée et professionnelle, ou qui est exploi tée par son conjoint dans le partage des tâches ménagères, a un problème psy chologique, ou en tout cas manque de compétences relationnelles. «Or le pro blème de l'inégalité n'est pas individuel ou psychologique, il est social», s'insurge Irène J o n a s . Fausse ouverture les nouveaux pièges dans lesquels on veut enfermer les femmes, souvent sous cou vert de modernité et d'émancipation. Un exemple? «Toute la littérature de conseils plus ou moins psychologiques pour «réus sir son couple», littérature dont le succès est énorme, milite en fait pour le main tien de l'ordre traditionnel.» Le message de base: l'homme et la femme sont des êtres fondamentalement différents. Pour que leurs relations soient bonnes, il faut absolument en tenir compte. D'où une nouvelle fonction assi gnée à la femme, basée sur ses compé tences soi-disant naturelles: l'écoute, le dialogue. Les hommes de Mars Les relations humaines dans la famille sont désormais de son ressort exclusif l'homme n'a pas les bonnes cases pour ça, c'est bien connu. Et si tout ne se passe pas bien, à qui la faute? A Madame, parce que les hommes viennent de Mars et qu'il ne faut pas attendre d'eux qu'ils sortent de leur caverne pour dialoguer. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Comme il fallait s'y attendre, ce glis sement vers une distinction essentialiste entre hommes et femmes s'opère égale ment dans le monde professionnel. Djaouida Sehili, sociologue du travail, col labore avec Irène J o n a s sur différents plans. Les deux chercheuses ont d'ailleurs présenté une contribution commune lors du colloque organisé à l'UNIL. «Les responsables des ressources humaines ou les patrons de grandes entreprises tiennent tous le même dis cours, en apparence flatteur et favorable à une émancipation des femmes, note Djaouida Sehili. Mais quand on l'analyse de plus près, on se rend compte qu'il est aliénant.» Quel est donc ce discours dominant? En substance, il faut plus de femmes aux postes à responsabilité pour accroître les performances économiques des entre prises, car elles ont des compétences (rela tionnelles et organisationnelles, en géné ral) qui n'appartiennent qu'à elles, les mêmes compétences d'ailleurs que se plai sent à leur attribuer les livres de dévelop pement personnel si à la mode. Dans le couple, en famille, au travail... voici ce qui a (un peu) changé depuis les années www.ur\il.cl\/fT\ij/bere/ 1960 «Comme si les compétences des femmes étaient inattendues» Engagée en janvier, insuffisante en décembre? «C'est un vrai piège parce que ces com pétences sont très difficilement objectivables, donc difficiles à évaluer, note la sociologue. En outre, leur définition peut changer d'un trimestre à l'autre: qu'estce que cela signifie que d'avoir du «savoirêtre» ou de «grandes qualités interperson nelles»? Avec ce type de critère, une femme jugée compétente lors de son engagement en janvier peut facilement être évaluée insuffisante à la fin de l'année. «Mieux vaudrait donc, dans le monde du travail, s'en tenir aux qualifications mesurables par les diplômes et à l'expérience profes sionnelle», conclut la sociologue. Qui note que, malgré les compétences et mérites attribués aux femmes depuis peu, «on n'en voit pas franchement davan tage aux postes à responsabilité. Loin de les libérer ou au moins de leur rendre ser vice, ce discours les enferme dans des par ticularités que l'on naturalise. Elles n'ont ensuite plus de moyen d'en sortir pour être autre chose ou faire reconnaître d'autres atouts.» Pas franchement sur un pied d'égalité à la maison, les très rares femmes qui réus 2 2 sissent dans le monde du travail y sont donc aussi victimes de discrimination et de préjugés - et ce aussi bien de la part des hommes que de leurs semblables. Hommes et femmes ne sont pas évalués de la même manière Marika Angerfelt, psychologue du tra vail, prépare une thèse au Département de management de la Faculté des HEC de l'Université de Lausanne, où elle est pour l'heure assistante diplômée. Pour son travail de mémoire, elle a réalisé une enquête qui montre bien que les perfor mances des hommes et des femmes ne sont pas du tout évaluées de la même manière. Créant des curricula et des perfor mances complètement fictifs, elle a écrit des petits scénarios dans lesquels trois variables évoluaient : le genre du dirigeant de l'entreprise (homme ou femme), le domaine d'activité (finance ou mode), enfin les résultats de l'entreprise (bons et croissants ou mauvais et décroissants). Conclusion : les femmes leaders qui ont de bons résultats comme dirigeantes sont largement surévaluées par les jeunes spé cialistes en économie qui devaient les noter. Par contre, si elles obtiennent de mauvais chiffres, elles sont notées plus sévèrement que les messieurs. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 «On voit clairement se manifester les stéréotypes derrière ces résultats, analyse la chercheuse. C'est comme si les compé tences des femmes étaient tellement inat tendues que leur réussite entraîne un enthousiasme disproportionné : elle a bien réussi, vvouaou, elle doit être vraiment calée», analyse la chercheuse. La dimension culturelle joue un rôle évident dans ces appréciations: Marika Angerfelt a relevé des différences de juge ment entre les Etats-Unis et la Suisse. Outre-Atlantique, les hommes qui obtien nent exactement les mêmes résultats finan ciers que les femmes dans une banque sont considérés comme moins compétents et sont moins bien notés qu'elles. S'ils font aussi bien qu'elles à la tête d'une maison de mode, ils sont par contre à leur tour surévalués. En Suisse, la réussite d'une temme, quel que soit son domaine d'acti vité, est de toute façon surévaluée. Autre élément qui fait bien la preuve de la dimension culturelle de ces stéréo types: aux Etats-Unis, où l'on trouve davantage de lemmes leaders d'entreprise dans tous les domaines, les cobayes ont jugé les performances respectives des hommes et des femmes avec moins de dis torsion qu'en Suisse. Et Marika Anger felt de conclure: «Les choses évoluent donc, même si l'on est encore assez loin du compte. Mais soyons optimistes: gageons que, dans quarante ans, l'égalité sera réalisée.» Sonia Arnal (1) A visiter le week-end du 9 et 1 0 j u i n . d e lOhOOà 18h00. Animations sur tout le campus. Programme détaillé : www2.unil.ch/mysteres (2) Anne-Laure Georges, «Vers un renversement du statut-maître — Le cas des pères au foyer», mémoire soutenu en 2004. (3) www2.unil.ch/liege/nqf/ documents/NOFTravailEcran.pdf FONDAÎION LEENAARDS .,— NeStle h e u r e s HENNIEZ * RESTAURANT DE ~ I flll «flll III! ouest II! ROULQow «BCV otre pays n est pad aussi célèbre que LU ta (USA), la Mongolie ou la Chine. Et pourtant, compte plusieurs sites d'importance il mondiale qui nous racontent la vie des «terribles lézards» et celle de leurs contemporains, gée dans notre mm les grands reptiles. Pioni- préhistoire. Bienvenue au Mésozoïque, le parc suisse des dinosaures GEOSCIENCES Cette girafe ou Tanystropheus a nagé au il y a 240 marine, ^ Cet ichtyosaure longobardicus, millions cantonal est visible de géologie de au Musée Lausanne «Tessin», d'années « N a t u r l e h r p f a d a m M o n t e S. G i o r g i o » , p a r A . A n t o n i e t t i et al. E n t e T i c i n e s e p e r il T o u r i s m o , B e l l i n z o n a . 1 9 8 0 . dinosaures marins n'existent pas. On peut à la rigueur parler de dinosaures volants avec les ancêtres des oiseaux, comme l'«Archaeopteryx», mais c'est tout.» Une «Suisse» marine et morcelée Manque de chance pour les amateurs de dinosaures suisses, notre pays a passé l'essentiel de l'ère secondaire, ou Mésozoïque (de - 2 5 0 millions d'années à - 6 5 millions), sous une vaste mer. Autant dire que les chances de retrouver ici des Robin Marchant est conservateur fossiles de dinosaures sont sérieusement amoindries. A cette époque lointaine, la Suisse n'était pas seulement recouverte d'eau, «mais le sol avait encore un aspect géo logique différent. Les Alpes n'avaient pas émergé des océans, et le territoire actuel de notre pays était divisé en plusieurs morceaux, parfois distants de plusieurs milliers de kilomètres», complète Robin Marchant. Quelques terres apparaissaient par fois çà et là, pour former des plages ou du Musée cantonal de géologie et Dr ès sciences de l'UNIL des îles qui vont conserver les traces du passage des dinosaures. Et là, la Suisse est gâtée puisqu'elle compte plusieurs sites d'importance mondiale pour la connaissance de ce passé reculé. A San Giorgio, il y a 240 millions d'années Le plus ancien de ces hauts lieux de la préhistoire se trouve au Tessin. Il nous a permis de découvrir à quoi ressemblait la Suisse, juste avant que les dinosaures ne fassent leur apparition. Très riche en fossiles, la région de San Giorgio a été classée au Patrimoine mon dial de l'humanité par l ' U N E S C O en 2003. « Le site a livré des trouvailles fabu leuses, apprécie Robin Marchant. C'est le plus riche de Suisse.» Il y a 240 millions d'années, San Giorgio était une lagune pas très éloi gnée de terres émergées, ce qui explique que l'on y ait également retrouvé de rares reptiles terrestres, comme le Ticinosuchus, et surtout d'in nombrables reptiles marins. Parmi eux, il y a certains fossiles spectaculaires, telle cette «girafe marine» (Tanystro pheus longobardicus), une sorte de monstre du loch Ness préhistorique, avec un corps ovale, un très long cou et une petite tête, dont une seule vertèbre mesurait 25 centimètres! La «Suisse», paradis des requins, des crocodiles et des tortues Notre «girafe marine» n'est pas la seule à s'épanouir dans les mers et près des rares terres helvétiques momentané ment émergées. «Nous avons surtout 26 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 retrouvé des traces de tortues, de croco diles et de reptiles marins qu'on appelle les ichtyosaures», poursuit Robin Mar chant. Profitons de ces apparitions inatten dues pour dissiper une autre confusion très répandue: plusieurs animaux qui nous sont familiers au X X I siècle, comme les requins, les crocodiles et les tortues, sont apparus avant les dino saures et les ont côtoyés. Comme ils ont côtoyé certains reptiles marins, les plé siosaures et les ichtyosaures. e Cette peinture Les «dauphins» et les crocodiles de la préhistoire «L'un de ces ichtyosaures a été retrouvé à Corbeyrier (VD), précise le paléontologue de l'UNIL. Ces fossiles nous permettent d'imaginer que ces rep tiles marins nageaient dans nos eaux.» Morphologiquement proches des dauphins actuels, les ichtyosaures étaient des reptiles retournés vivre dans l'eau. «Ils s'étaient si bien réadaptés qu'ils ne pondaient plus d'œufs, précise Robin d'un Ticinosuchus fero.x est proposée comme repos d'écran par le National Il donne une idée de la terreur qu 'a pu inspirer ce carna.<sier «tessinois» Marchant. Les petits ichtyosaures étaient capables de se développer dans le ventre de leur mère.» Outre ces ichtyosaures, on trouvait aussi des plésiosaures, des reptiles marins qui, eux, continuaient à pondre leurs œufs sur le sol. Il faut encore imaginer que les eaux suisses étaient parcourues par des tortues et des sténéosaures, de terribles crocodiles marins. Les plus gros d'entre eux pouvaient mesurer jusqu'à 15 mètres de long. On en a retrouvé des fossiles dans le J u r a vaudois (Risoux). Géographie de son sur son site vivant Internet. Bienvenue au Mésozoïque, le parc suisse des dinosaures GEOSCIENCES Enfin, on a découvert un ou deux ossements de ptérosaures, des reptiles volants qui devaient donc survoler le ter ritoire de la Suisse actuelle. Les premiers dinosaures suisses Pour découvrir nos premiers dino saures, il faut quitter le Tessin et mettre le cap sur le canton d'Argovie, où les mers ont laissé apparaître quelques plages, il y a 220 millions d'années. Durant les vingt millions d'années qui séparent le site de San Giorgio de celui de Frick (AG), les grands sauriens sont apparus. «Et ces derniers ont foulé les plages «argoviennes». A tel point que ce site est devenu l'un des plus gros gise ments de dinosaures d'Europe. On y a déjà retrouvé 19 à 20 individus diffé rents. Il s'agit la plupart du temps de squelettes partiels. Un seul est pratique ment entier: il s'agit d'un platéosaure, dont une copie est exposée au Musée cantonal de géologie de Lausanne», explique Robin Marchant. Le plus vaudois des dinosaures Les dinosaures «argoviens» sont quasi exclusivement des platéosaures. Ces animaux herbivores étaient des prosauropodes, des ancêtres des sauropodes, ces géants de la préhistoire qui vont atteindre 40 mètres de long, quelques millions d'années plus tard. Plus modeste, le platéosaure de Frick ne mesurait que 5,50 mètres de long, mais on en a retrouvé qui atteignaient les 10 mètres. On pense que les dinosaures «argoviens» transitaient par nos contrées pour se rendre en Allemagne, où se trou vaient davantage de terres émergées, et donc de nourriture. Découvert à de très nombreux exem plaires dans notre pays, le platéosaure est le plus «suisse» des dinosaures. Il est également le plus vaudois, puisque des paléontologues ont exhumé une dent appartenant à l'un de ces herbivores, sur les hauts de Corbeyrier. Une digestion difficile N'imaginez pas que notre herbivore était une sorte de vache préhistorique, qui passait sa vie à ruminer son foin ou brouter des champs d'edelweiss mésozoïques. «Là encore, attention aux idées reçues, prévient Robin Marchant: quoiqu'herbivores, les platéosaures ne man geaient pas d'herbe. A cette époque, les graminées n'existaient pas. Elles ne sont apparues que 70 millions d'années plus tard. Il se nourrissait donc de plantes gymnospermes comme les cycas et les araucarias, qui avaient la forme de petits arbustes, ou même d'arbres.» Le platéosaure n'ayant que des dents pointues, il avait de la peine à mâcher les plantes robustes. Heureusement pour lui, le saurien avait trouvé le moyen de doper son système digestif. «On a retrouvé des cailloux dans son estomac, raconte Robin Marchant. Ces pierres l'aidaient à broyer les végétaux dans son ventre et à les digé rer. La technique n'a pas disparu, puis qu'elle est encore utilisée par certains ani maux actuels, comme les cachalots et les poules.» Cœlophysis, le prédateur suisse Il a fallu attendre l'été dernier pour que la Suisse découvre enfin «son» pre mier dinosaure C a r n i v o r e . Le prédateur qui chassait nos platéosaures s'appelait Cœlophysis. La présence de ce C a r n i v o r e est tout aussi logique que celle des pla téosaures. Ce dinosaure était également très répandu à l'époque. On en a ainsi retrouvé de nombreux fossiles en Alle magne, mais encore en Amérique du Nord, où ils atteignaient les 3 mètres, et en Chine, où leur peau était recouverte de plumes rudimentaires. Ces deux platéosaures représentés à ce que devait être Frick il y a 220 trois doigts crochus, et il disposait de dents acérées. Cela dit, Coelophysis n'était peutêtre pas le seul carnassier qui chassait à Frick. Les paléontologues ont en effet retrouvé une petite dent, de la taille d'une pièce de cinq centimes, à côté des squelettes de platéosaures. Elle a pro bablement appartenu à un charognard venu «voler» quelques bouchées de viande. Peut-être un de ces spectacu laires Liliensternus, avancent les spécia listes argoviens. Dans le J u r a , il y a 150 millions d'années Alors que le site de Frick nous montre les premiers dinosaures, un voyage dans le temps et l'espace nous permet de découvrir comment ces géants ont évolué. Pour cela, il faut se rendre dans la région de Lommiswil ( S O ) , de Moutier et surtout dans le J u r a , sur l'itinéraire de la future auto route Transjurane, où a été découvert un autre site d'importance mondiale. «C'était le prédateur de l'époque, et, comme tous les carnivores, il était plus petit que les herbivores», précise Robin M a r c h a n t . Profilé pour la vitesse et la chasse, le Cœlophysis était léger (une cinquantaine de kilos) et bien armé. Ses pattes antérieures étaient pourvues de Cette copie du squelette de platéosaure retrouvé à Frick (AG) est exposée au Musée cantonal de géologie, à 28 Lausanne ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 ont été dans un décor ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 millions similaire (Argovie), d'années Si les terres jurassiennes n'ont livré que très peu de fossiles, elles sont en revanche très riches en pistes de dino saures. «On y a mis à jour plus de 4000 traces, et il y en a certainement davan tage», estime Robin Marchant. Ces vestiges nous ramènent 150 mil lions d'années en arrière, à une époque où le J u r a actuel n'est pas encore formé. «C'est un fond marin qui émerge par moments des eaux peu profondes qui le recouvrent la plupart du temps», précise le chercheur de l'UNIL. Bienvenue au Mésozoïque, le parc suisse ded din.odau.red GEOSCIENCES A l'occasion d'une variation du niveau marin, les abords actuels de Porrentruy et de Delémont se transforment en une plage ou un îlot foulé par d'innombrables lézards géants. «Il y a toujours les ani maux marins dont nous avons parlé, les crocodiles, les ichtyosaures, les tortues et les plésiosaures. Il y a certainement des reptiles volants qui survolent ce décor. Et en plus, il y a des dinosaures», raconte Robin Marchant. Des herbivores et des carnassiers Entre les dinosaures de Frick, qui ont chassé il y a 220 millions d'années, et leurs lointains descendants qui se sont promenés dans le J u r a , 70 millions d'an nées se sont écoulées. De sorte que, il y a 150 millions d'années, quand des terres émergent, elles sont fréquentées par une faune assez différente. Beaucoup de sauropodes, des dino saures quadrupèdes et herbivores comme Cette peinture noiui les Diplodocus, sont passés par là. Ils nous ont laissé des traces de pattes de 20 centimètres à 1 mètre de diamètre, ce qui nous laisse imaginer des dinosaures de 3,5 mètres à 20 mètres de long. Pour des tailles au garrot de 1 à 4 mètres, et un poids allant jusqu'à 20 tonnes. «L'ana lyse de ces traces a encore montré que ces géants marchaient à la vitesse modeste de 2 à 3,8 km/heure», détaille Robin Marchant. Les paléontologues ont encore découvert dans le J u r a des traces de petits carnivores bipèdes à trois doigts, peut-être laissées par des cœlurosaures de type Compsognathus. Et de plus grandes (30 centimètres) qui font pen ser à un prédateur de 6 mètres de long, proches des allosaures qui comptent parmi les carnassiers les plus terribles du J u r a s s i q u e . «Le problème des traces, c'est qu'on ne peut pas les attribuer avec certitude à des espèces précises. M a i s cela ne permet d'imaginer les paysages de nombreux dinosaures, herbivores du Jura suisse, il y a 150 et carnivores, nous empêche pas de faire des rappro chements», ajoute le chercheur de l'UNIL. Et les T. rex? Et les raptors? Reste cette question que tous les enfants, grands et petits, se posent: trou verons-nous un jour la trace de tyrannosaures et de vélociraptors en Suisse? « J e crains que non», répond le paléontologue de l'UNIL. Ces animaux ont vécu au Crétacé, non au Jurassique, comme on le croit après avoir lu le livre de M. Crichton ou vu le film de S. Spielberg. «Or la Suisse de cette époque n'a livré que très peu de vestiges d'origine ter restre. Pour nous Suisses, c'est la période la plus pauvre en dinosaures, car certains de nos territoires actuels, comme les Préalpes, étaient alors situés dans des endroits vraiment profonds, sous deux mille mètres d'eau.» Ce constat ne signifie pas pour autant que nous n'en apprendrons pas davan- millions ainsi que des reptiles d'années, où passaient géants A Un de ces terribles allosaures a peut-être mais pas celui-là, qui nous est venu des Etats-Unis (photo ci-dessous) n'a jamais arpenté les terres jurassiennes il y a 150 millions d'années, pour être exposé à Neucbâtel. En revanche, le très médiatique foulé le sol suisse (ici une réplique du T. rex Dino-Zoo) tage sur les dinosaures de Suisse. Au contraire. Il faut savoir que de nom breuses traces préhistoriques ont été dé couvertes par les paléontologues en mon tagne, ces dernières années, quand les neiges se retiraient durant un été particu lièrement chaud. C'est notamment le cas des pistes d'Emosson, en Valais, en 1976. De ce point de vue, l'actuel réchauf fement de la planète et le recul des neiges qui l'accompagne offrent de formidables perspectives aux chasseurs de dinosaures qui arpentent nos montagnes. Et ils sont nombreux. Jocelyn Rachat 30 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 3 1 Bienvenue au Mésozoïque, le parc suisse des dinosaures GEOSCIENCES Découvrez les dinosaures de Suisse Le célèbre Tyrannosaure rex n'a jamais chassé sous nos latitudes. Et pour cause: durant la plus grande partie du Mésozoïque, l'âge des dinosaures, la Suisse actuelle était recouverte par une mer plus ou moins profonde. Cela explique que nos paléontologues n'ont retrouvé que peu de restes de dinosaures, animaux exclusivement terrestres. A ce stade de la recherche, on peut affirmer que des platéosaures (herbivores) et un Cœlophysis Carnivore ont visité l'actuelle région de Frick, en Argovie, il y a 220 millions d'années. J 10. Gloveller (JU) H.Soleure(SO) 12. Lommiswil (SO) 13. Reconvillier (BE) 14. Granges (SO) 15. La Heutte(BE) 16. Pierre Pertuis (BE) 17. Frinvillier (BE) 18. Twannberg (BE) 19. Salève (GE) 20. Corbeyrier (VD) 21.Beckenried (OW) 22. Piz dal Diavel (GR) LHallau (SH) 2. Frick (AG) 3. Hauenstein (SO) 4. Niederschònthal (BL) 5. Oberbuchsiten (SO) 6. Ròschenz (BL) 7. Raimeux (BE) 8. Moutier (BE) 9. Courtedoux (JU) Une dent de platéosaure, retrouvée à Corbeyrier, nous dit encore que cet herbivore a également foulé l'actuel sol vaudois. Des empreintes de pas témoignent que des dinosaures proches des diplodocus (herbivores géants), des cœlurosaures (petits carnivores) et des allosaures (grands carnivores) ont vécu dans l'actuelle région de Porrentruy-Délémont. On a enfin découvert des traces qui font penser à un iguanodon, près du lac de Lucerne, et des vestiges de stégosaure, à Oberbuchisten (SO). Ossements de platéosaure Ossements de stégosaure Ossements d'autres herbivores Ossements de Carnivore Empreintes de platéosaure Empreintes d'iguanodontidé 1.1 Empreintes d'autres herbivores ^ I Empreintes de carnivore CARBONIFÈRE PERMIEN TRIAS PALÉOZOÏQUE 400 mio d'années, apparition des reptiles 32 MÉSOZOÏQUE jfcj I 220 mio d'années, dinosaures de Frick CENOZOIQUE 150 mio d'années, pistes de dinosaures dans le Jura 240 mio d'années, reptiles de San Giorgio ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 NÉOGÈNE PALÉOGÈNE CRÉTACÉ JURASSIQUE M.. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 '..ii.i T.ti ili' lì-.iii.un,- [Jaláis do Itumimi, i •»• ••••• 33 Bienvenue au Médozo'ique, le parc suisse des dinosaures GEOSCIENCES ^ Le c h e r c h e u r q u i f a i t p a r l e r les dents Cette dent de requin fossile appartenu l'ancêtre grand et les os fossiles à un terrible géant requin chimique de notre blanc. Sa nous indique ce que mangeait millions a Megalodon, actuel composition notamment cet animal, il y a des d'années Torsten Vennemann est professeur de géosciences à l'UNIL. Il fait partie de ces scientifiques qui dévoilent le passé des dinosaures et des requins fossiles en traquant l'oxygène et le carbone que contiennent leurs vestiges. T orsten Vennemann peut se vanter de taire parler des dents de requins fossiles. «J'en ai déjà analysé entre deux et trois mille», sourit-il. Dans un article qu'il cosigne ces jours-ci dans la presti gieuse revue «Geology», le chercheur de l'UNIL révèle que certains requins nageant il y a vingt millions d'années étaient déjà capables de survivre dans des lacs ou des rivières d'eau douce, comme le font des squales aujourd'hui au Nica ragua et en Afrique du Sud. Torsten est professeur Vennemann à la Faculté des géosciences et de l'environnement Il y dirige l'Institut de minéralogie de l'UNIL. et de géochimie «Vous n'imaginez pas ce qu'une dent fossile peut nous apprendre, poursuit le professeur de géosciences à l'UNIL. En analysant les variations cycliques de l'oxygène qui s'y trouve encore, nous pouvons déterminer l'amplitude des changements auxquels l'animal a été confronté de son vivant. Nous pouvons notamment calculer la température de l'eau dans laquelle il nageait. Et nous pouvons même reconstituer le décor dans lequel évoluait le requin fossile. Le squale dont nous parlons dans Geology nageait dans une mer d'eau douce située près de montagnes très élevées, un peu comme nos Andes d'aujourd'hui.» Des requins aux dinosaures Quand il n'analyse pas des vestiges de requins, Torsten Vennemann fait parler des dents et des os de dinosaures. Grâce à diverses analyses du même genre, les chercheurs peuvent découvrir ce que mangeaient les «terribles lézards», à quelle vitesse ils grandissaient, et décrire l'environnement dans lequel ont évolué les animaux fossiles. La vitesse de croissance des géants de la préhistoire, notamment, fait débat parmi la communauté scientifique. Les œufs fossiles de dinosaures mesurent des tailles qui vont de la balle de ping-pong à celle du ballon de football. Des plus gros de ces œufs sortaient des animaux grands comme un poulet, mais qui étaient capables de devenir des brachiosaures adultes mesurant 12 mètres de haut et 23 mètres de long! «A ce stade de la recherche, il y a deux scénarios, résume Torsten Vennemann. 34 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Soit les dinosaures grandissaient lente ment durant une existence très longue, comme certaines espèces de tortues des îles Galapagos qui vivent plusieurs cen taines d'années sans jamais cesser de croî tre en taille; soit ils grandissaient très vite. » Grâce à des analyses effectuées sur un os de dinosaure retrouvé en Chine, Tors ten Vennemann s'est forgé une convic tion. «Nous avons travaillé sur un os de sauropode (les plus grands des dino saures, ndlr.). Nos examens permettent de reconstituer trois années de la vie de ce dinosaure. Elles montrent des variantes de croissance très étonnantes. Cet os a grandi de 5 centimètres en trois ans, ce qui est énorme. Nous avons encore découvert que, à certaines périodes, cet animal a arrêté sa crois sance, puis elle a repris. Nous pensons que cela correspond à une période de sécheresse qui interrompt la croissance. Et celle-ci reprend lorsque le climat change. L'analyse de ce fossile, qui est encore en cours, nous laisse penser que les dinosaures grandissaient vite.» Ce qu'ils mangeaient Les scientifiques qui cherchent à per cer les secrets des dinosaures tentent encore de déterminer le menu des «ter ribles lézards». «La composition isoto pique du carbone retrouvé sur les fos siles de dinosaures peut nous en dire long ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 sur leur régime alimentaire, poursuit Torsten Vennemann. Car le carbone, c'est le repas. Et cette signature au car bone est différente pour chaque plante, chaque algue et chaque animal.» En l'analysant, il est possible de découvrir ce que mangeaient ces animaux dispa rus il y a des millions d'années. «Ici, à Lausanne, nous avons fait ce genre d'études sur des mammouths et des rhinocéros laineux, poursuit Torsten Vennemann. D'autres chercheurs en ont fait de même sur des hominidés, et bien sûr sur des dinosaures.» Là encore, l'étude de la composition isotopique des fossiles retrouvés peut nous aider à raconter l'histoire de ces géants disparus, puisqu'elle nous dira peut-être un jour si les dinosaures par venaient à contrôler leur température ou pas. «Les mammifères et les oiseaux peu vent le faire, les reptiles partiellement», explique le professeur de l'UNIL. Dans le cas des dinosaures, on ne le sait pas encore. Mais il y a bon espoir d'avoir bientôt une réponse à cette autre ques tion controversée. J.R. A lire : «Migration of sharks into freshwater systems during the Miocene and implications for Alpine paleoevaluation», par L. Kocsis, T. Vennemann et D. Fontigine, dans la revue «Geology» de mai 2007. 35 RELIGION Samedi contre la publication 11 février 2006, un manifestant de caricatures musulman proteste dans la presse occidentale. Il brandit devant le Palais fédéral le Coran stî :juoi l'islam notre rapport la religion ~J^)édormaid inscrit datw Le paysage éuidée, L'u- Lam dudelte réguLièrenient ded réactions dont La prêtée ée fait L'écho. Maid au fait, queLLed quedtiond? Se pourrait-dque L'uLam revivifie La foi chrétienne? Leo répondes de troid dpéciaLuted de L'UNIL. L a foi est de retour» : c'est le titre d'un article paru en mars der nier dans «Un quart d'heure pour J é sus», le journal gratuit des Evangéliques suisses. A l'appui de cette «révélation», un sondage. Cette étude indiquait notamment qu'un pourcentage impor tant des Suisses interrogés (36 %) évo quait «la confrontation avec l'islam» parmi les raisons de leur supposé regain d'intérêt pour la spiritualité et le religieux. Quel rapport entretenons-nous avec la religion? Une lecture attentive des infogra phies montre que le chiffre est bien inférieur à ce qui apparaît de prime abord dans l'article (en réalité, seuls huit Helvètes sur cent ont été stimulés par la confrontation). Une anomalie intéressante en elle-même. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Quoi qu'il en soit, confrontation ou pas, l'islam nous renvoie effectivement au rapport que nous entretenons avec la religion. Va-t-il rapprocher les chré tiens de leur foi? Pourquoi et comment nous interroge-t-il? Pour Olivier Favre, chercheur à l'Observatoire des religions de l'UNIL, «deux phénomènes nous poussent au questionnement sur le reli gieux: le fait de l'islamisme dans son expression radicale et la rencontre avec l'islam à travers l'immigration (essentiel lement balkanique en Suisse). Mais de là à conclure à une augmentation de la pratique parmi les chrétiens, c'est très discutable.» Le chercheur lausannois distingue trois types de réactions, dont deux minoritaires mais qui font le plus de bruit, en l'occur rence autour de la question emblématique des minarets. Premièrement, la position 37 Pourquoi l'islam stimule notre rapport à la religion RELIGION La grande mosquée de Genève et son Une rareté aujourd'hui pas que franchissent, par réaction, des personnes qui ne se définiraient pas comme chrétiennes dans d'autres cir constances. «La majorité chrétienne ne ressent pas l'agnosticisme ou l'athéisme comme de véritables défis, poursuit-il, mais, face à une affirmation tranchée, l'obligation d'en revenir à ce que l'on croit ou pas se fait sentir.» Impossible, par ailleurs, de passer sous silence les violences exercées au nom de l'islam. Shafique Keshavjee rap pelle que Mohamed a été aussi un chef guerrier. «Les musulmans les plus littéralistes peuvent se référer à lui en tant que chef religieux, politique, juridique et militaire. La violence n'a certes pas épar gné le christianisme, qui a sans doute tué davantage que l'islam. Mais son rejet a suscité un développement de l'athéisme et de l'humanisme agnostique à l'époque des Lumières.» Olivier Favre, chercheur à l'Observatoire à l'Université de Lausanne la plus ouverte qu'incarne l'évêque de Zurich Kurt Koch qui ne voit aucune objection à ce qu'on en construise. Pour lui, le problème n'est pas l'islam mais la tiédeur de notre foi chrétienne. A l'opposé, des protestants conserva teurs développent un argumentaire reli gieux et agissent au niveau politique contre ces constructions, comme cela s'est produit l'année passée à Langenthal (BE) ou à Wangen ( S O ) , entre autres. La troisième position, majoritaire, est celle du gros de la population qui exprime un malaise de manière diffuse. Mais, au fond, quelles sont les questions que nous pose la présence de l'islam? L'islam attire Il nous met en présence de croyants très affirmés car «il est souvent pratiqué par des personnes zélées, dont toute la vie est impliquée dans un religieux qui 38 L'islam questionne nos valeurs des religions (UNIL) lui donne son sens. Ces croyants sont par ailleurs animés d'une volonté de ne pas privatiser Dieu», analyse Shafique Keshavjee. Et le professeur de théologie des religions a u x universités de Lausanne et Genève de citer ces jeunes femmes occidentales converties à l'islam, qui disent avoir trouvé dans la pratique de cette religion un cadre sécurisant et une nouvelle force intérieure, après avoir vécu une vie sexuelle libre mais pas très heureuse. Il fait peur Pour Jean-Claude Basset, enseignant en islamologie à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l'UNIL, «la conjonction d'un sentiment d'enva hissement et d'une société très séculari sée amène certains à se sentir démunis». De là à éprouver de la peur, il n'y a qu'un ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 L'islam nous conduit encore à nous interroger sur nos propres valeurs et leurs fondements. Parmi les sujets incon tournables, i l y a celui de l'égalité hommefemme. «Une majorité de musulmans souhaite adopter les valeurs occidentales d'égalité, estime Shafique Keshavjee. Mais pour les littéralistes, la différencia tion des rôles masculin et féminin vou lue par Mohamed est cruciale et ne pas la maintenir, c'est perdre son âme.» Sur ce point, J e a n - C l a u d e Basset fait toutefois remarquer que «nous sommes tous ici pour l'égalité. La preuve c'est que nous dénonçons l'inégalité chez les autres ! Mais nous ne sommes pas encore parvenus à un salaire égal pour un tra vail égal.» Quant aux valeurs non négociables, Shafique Keshavjee les définit très clai rement: «La liberté de croire ou pas, le fait de pouvoir entrer dans une religion et la quitter, l'égalité homme-femme, le respect des minorités, un pluralisme réel - c'est-à-dire pas celui qu'un groupe minoritaire utilise pour se faire entendre tout en le refusant à autrui.» Nos valeurs ont aussi une source religieuse Et le chercheur de l'UNIL de rappe ler que «nos valeurs sont fondées sur la Bible et la philosophie. Elles ont donc aussi une source religieuse. Certaines de nos lois sont nées dans les démocraties anglaise et américaine, très fortement marquées par diverses formes de protes tantisme, plus démocratique que le catholicisme. D'où l'existence en Occi dent d'une liberté de croyance valorisant cette histoire et une séparation du reli gieux et du politique.» Ce qui n'empêche pas la religion d'oc cuper une place très importante dans un pays comme les Etats-Unis où chaque réunion de cabinet à la Maison-Blanche commence actuellement par une prière et où 6 5 % des personnes se disent croyantes (un chiffre cité dans le hors série de «Courrier international» de mars dernier intitulé Au nom de Dieu). Il remet la question de la religion sur la place publique «La religion ayant été longtemps relé guée dans la sphère privée et chacun fai sant ce que bon lui semble, le besoin de prendre position n'existait pas. Du fait de sa différence, l'islam remet en cause un accord qui n'était que superficiel», fait remarquer J e a n - C l a u d e Basset. Or l'islam conteste le caractère privé de la religion - comme le fait quiconque a quelques connaissances en sciences des religions. Car il existe bel et bien une manifestation publique de la religion, et les discussions autour de la Charia posent d'ailleurs cette question.» Preuve de l'importance du thème, le Fonds national de la recherche scientifique ( F N R S ) a débloqué 10 millions sur trois ans pour des recherches, avec un intérêt particulier pour les questions légales. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 minaret. en Suisse Pourquoi I'id lam dtimule notre rapport à la religion Samedi de inanifedtantd II février inudiilmaiid devant « A l'occasion de la rencontre avec l'is lam, les Européens voient le religieux réapparaître sur la place publique, constate lui aussi Shafique Keshavjee. En même temps, nombreux sont ceux qui prennent conscience qu'à côté du pro cessus de laïcisation, une autre réalité existe au niveau mondial. A savoir que politique et religion sont imbriquées dans de nombreux pays comme l'Iran, l'Inde, Israël ou la Russie, pour ne citer que ceux-là.» musulmans ne sont pas si différentes de celles des juifs. Pour ces derniers, la situation s'est résolue à Lausanne avec le cimetière de Cery. A Genève, un cime tière a été ouvert... sur territoire français, avec un accès situé à Veyrier, en terri toire suisse ! Les questions soulevées par les musulmans mettent ainsi à jour cer taines entourloupettes.» L'islam nous interroge sur le fonctionnement du rapport entre religieux et politique Rappelons encore que sur Vaud, les pasteurs réformés sont payés par l'Etat ainsi que les prêtres catholiques et, depuis peu, le rabbin. Au niveau de l'école, l'enseignement biblique vaudois se trouve questionné par la présence de l'islam, qui, s'il n'est pas seul en cause, focalise l'attention et impose une approche qui oblige à élargir cet ensei gnement. «Sommes-nous aussi clairs que nous le pensons sur la manière dont fonctionne notre rapport entre politique et religion? s'interroge Jean-Claude Basset. La pro blématique des cimetières est, à cet égard, intéressante et les demandes des 40 Il met à jour une forme d'autocensure ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 En mars dernier, la Fédération évangélique vaudoise (FEV, 5000 fidèles) a déposé une demande de reconnaissance d'intérêt public auprès des autorités can tonales. Les lois votées en janvier par le Grand Conseil attribuent un statut de droit public (avec subventions) aux Eglises protestante et catholique et accordent un statut plus limité d'intérêt public à la communauté israélite. Mais Olivier Favre explique que «les exigences à l'égard des pasteurs sont très strictes et toutes sortes d'assurances concernant les droits de l'homme sont requises. On sent une certaine crainte à faire avancer les dossiers. Derrière ces réticences, se profile la peur de l'islam.» Selon lui, une forme d'autocensure à la fois à propos des musulmans et à pro pos de nos racines judéo-chrétiennes est perceptible. «Dans une tentative de maintenir l'équilibre entre les acteurs religieux, ces racines doivent rester des références à un humanisme permettant la pluralité et le respect mais ne sont pas assumées comme une pensée à imposer. La question de l'islam fait ici office d'ex cuses.» 2006, un millier prient le Palaid à ^ Berne, fédéral les diflérences», note pour sa part J e a n Claude Basset. Dès lors, il s'agit de ne pas tomber dans le piège de la confrontation, «de ne pas mettre tout le monde dans le même sac et de ne pas se précipiter sur le pre mier non-événement venu pour l'ampli fier démesurément». Allusion à l'épisode neuchâtelois de décembre 2006, «qui avait fourni l'occasion de faire de belles Unes de journaux» avant de se dégon fler complètement. Eviter le piège de la confrontation A l'époque, des parents musulmans auraient demandé que la fête de Noël cesse d'être célébrée dans les écoles, ce qui s'est avéré faux. Noël étant pour la majorité d'entre nous affaire de sapin et de cadeaux plus que de messe de minuit, A Genève, au siège de la Croix-Rouge, croissant musulman la cohabitation de la croix chrétienne et du est entrée dans les mœurs depuis bien longtemps l'épisode illustre à quel point tout peut être bon pour susciter la confrontation. Une tentation qui existe de part et d'autre. «Côté musulman, en vertu de valeurs différentes, certains peuvent éprouver le besoin de ne pas se faire complètement assimiler. Le problème étant pour eux de savoir comment poser leur identité dans un contexte relativiste dans lequel ils ne se retrouvent pas.» Et cela alors qu'au sein de nombreux pays musulmans, «l'is lam se vit aussi dans un contexte de consensus mou, sauf en cas de crises comme celle qui oppose Bush et Ben Laden», remarque Jean-Claude Basset. L'islam conduit à en finir avec le consensus mou Une chose est sûre, l'attitude relativiste n'est plus dans l'air du temps. «De nombreux Occidentaux ont longtemps vécu avec l'idée plus ou moins explicite que toutes les religions se valent, constate Shafique Keshavjee. Mais la confronta tion entre certains musulmans religieux, mais inconsciemment irrespectueux et peu pluralistes, et une société peu reli gieuse et inconsciemment assez relativiste change la donne. Cette conjonction d'absence de pluralisme chez les uns et de relativisme chez les autres provoque un réveil chez certains.» Qui revendique ouvertement un islam libéral ? «La fin du consensus mou entre reli gion et société nous confronte à la ques tion de savoir quelle place accorder à la diversité religieuse, et jusqu'où accepter Pour Shafique Keshavjee, «si le choc peut parfois être frontal, c'est que reli gion et politique s'articulent chez les ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Pourquoi l'islam stimule notre rapport à la religion RELIGION Œ personnalités fortes défendant un islam libéral», regrette Shafique Keshavjee. Il appelle donc de ses vœux un réel pluralisme qui permette un vrai dialogue, tout en précisant que si le respect de l'autre est indispensable, il faut aussi savoir résister à l'irrespect et le recon naître en soi et chez autrui. «Le respect de la différence n'est pas une valeur en soi», estime Shafique Keshavjee. A propos de rapport de force, des questions géopolitiques entrent aussi en j e u : ainsi la longue alliance des EtatsUnis avec l'Arabie Saoudite, forgée autour du pétrole et doublée d'un silence total sur les droits de l'homme, n'a pas été sans conséquence. «Les milliards du pétrole ont permis au wahhabisme d'es saimer par l'intermédiaire d'imams qui transmettent à l'étranger l'islam le moins éclairé. Nous en subissons le contrecoup Jean-Claude Basset, enseignant en islamologie de sciences des religions musulmans, d'où la plus grande visibi lité de ceux qui ont un discours sans ambiguïtés dans lequel la religion occupe clairement sa place dans la vie sociale et politique. Il faut toutefois pré ciser qu'il existe une importante diver sité de courants et que les plus médiati sés sont les 10 à 1 5 % les plus traditionalistes ayant en tête un islam très affirmé.» «Le respect de la différence n'est pas une valeur en soi» Le goût des médias pour la polarisa tion est ainsi pain bénit pour les tradi tionalistes, qui ont tout loisir de se faire entendre. «Le problème actuel est celui du rapport de force entre ce courant mi noritaire et les nombreux musulmans appréciant les valeurs démocratiques occidentales, qui ne prennent pas la pa role. En Suisse romande, il n'y a pas de 42 £ n septembre 2006, les propos du pape Benoît à la Faculté de théologie et SU SISE Q Musulmans bien intégres LE MATIN E T U D E REGARD SUR LES 3 1 0 OOOÉTRANQERS DE CONFESSION ISIAMIQUEVIVANTEN SUISSE • Octobre 2005: une étude menée par Groupe de sur l'islam conclusion personnes I r r «MU oaîB* des ÏL^.,,,. DU IBRXTC* d'origine musulmane vivent leur foi façon «de »^fM^c^ A A ÊTRE VÉCUE DEFACON PRIVÉE & JWMWRAFLFABLUE I B ETAPOLRTIONE» apolitique». Bref, sans \nwràpt\ IN PCJMRFFC _ - problème avec les us et coutumes «RESTONS locaux VIGILANTS» 11 J -, pu j M CY PTN»:UN »].WN-.L B M«, RUOC J • RTMTRITIIN LA QRILT TN BNCTLSFLDI .LIOÀIBUB.ANNRAJ. I TTQLDDF MLRTFULUAOTUIRIENMRI fcfc in N Utomjmrn • DI LIVTLQURTFLLOMQALALRFRMIT UR '. NUL» ML UR CRAQUT TQNR. «AQI - CCIO[HIT FI CFLNQ-LF ca-it or 3 >3 : SÎOLU IFLLON IMM JHRTjKU IAR OÍ DFCO « Üm ALLEZ • • ERKE LA CWHIBIÍCO LÉ (MM MI ÍTRATIFLÍN A CRWRCNF À IAVO:R COMNWNT THAFTNT FT S'INTIGRAIMT RI MUSUIMANI at SUSST DIT PRÉMLAT NIER DU RÉSULTAT! QUI MNTTNTI MAL R: LIÉ*! RTÇOT! Suisse que 80% et • le recherche en à la privée XVI, lors d'une conférence en Allemagne, Le chef de l'Eglise catholique de l'UNIL arrive • SAVOIR! / № 3 8 MAI nk* I. «•'KLF^III. 2 0 0 7 5 8 3 9 1 2 3 2 5 4 7 9 2 1 1 3 7 8 5 7 en Occident, mais ce sont d'abord les pays musulmans qui en pâtissent.» L'islam va-t-il nous rapprocher de la foi chrétienne? Pour Olivier Favre, «le mouvement vers la sécularisation est certain et ce n'est pas l'islam qui va inverser la ten dance. Si davantage de personnes se met taient à pratiquer, ce serait pour des rai sons plus profondes. On constate actuellement une augmentation de la prière et de la pratique individuelle et une attente de spiritualité. Si développement de la religion il y a, il ne se traduira pas forcément par une augmentation des pra tiques traditionnelles.» romaine va rapidement suscitent l'indignation du monde musulman. dissiper ces tensions tion de la religion, opérée au début du X X siècle, qui a lieu selon lui. Enfin, si aucun vrai dialogue ne par venait à s'établir, Shafique Keshavjee envisage quant à lui «l'émergence de positions plus exclusivistes chez les musulmans comme chez les chrétiens, dans une spirale d'attitudes agressives. A moins que ce soient les attitudes athées qui prédominent, si les violences devaient se développer.» A lire : e En attendant d'être fixé, on pourra bientôt lire le prochain best-seller. C'est une nouvelle traduction Coran. Comme elle sera bientôt livrée par une femme irano-américaine, elle promet encore de faire des vagues. Plus qu'un regain de foi, c'est une remise en question de la remise en ques Shafique Keshavjee, «Le roi, le sage et le bouffon», Seuil, 2000. «La princesse et le prophète. La mondialisation en roman», Seuil, 2004. Jean-Claude Basset, «Le dialogue interreligieux. Histoire et avenir», Editions du Cerf, 1996. Olivier Favre, «Les Eglises évangéliques en Suisse, origines et identités», Labor et Fides, 2006. Elisabeth Gilles 4 1 2 8 3 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 43 Moyen-Age, ded contained ce n'était pad la loi, niait qui régiddaient la vie ded Romandd. Elled étaient appliquéed par ded gend condervateurd qui faidaient davantage appel au bon dend. Le grand dpéciaIidle de ced pratiquée, Jean-Françoid Poudret, raconte. - Quand la justice était renuue par des gens qui se méfiaient des juristes! J 44 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 D Q 7 Quand la justice était rendue • H S ix volumes totalisant près de 4000 pages, voilà la somme que le profes seur honoraire de l'UNIL Jean-François Poudret a consacrée à nos coutumes ! Cela représente seize ans d'un travail minu tieux accompli avec l'aide du Fonds natio nal suisse de la recherche scientifique. En tout, ce sont plus de 30'000 docu ments, dont une large partie d'inédits, qui ont été dépouillés. L'ouvrage dépasse la simple histoire du droit, que Jean-Fran çois Poudret a enseignée pendant trentesix ans, et nous introduit dans l'univers des mentalités médiévales, celle des coutumiers en particulier. Allez savoir!: Daiui les cantons romands, la coutume fait office de loi au Moyen-Age. Qu'est-ce que ce droit coutumier? M l par des gens qui I II un I se méfiaient Jean-François Poudret: La coutume est un ensemble de règles de comporte ments dans la société qui tirent leur force d'un long usage et du consentement au moins tacite des justiciables. C'est-à-dire qu'à la différence d'une loi qui est impo sée par un pouvoir législatif ou par un prince, la coutume est le résultat de l'ac quiescement des justiciables eux-mêmes. C'est donc un droit oral? Au départ, la coutume repose sur une tradition orale, oui. Le coutumier, au sens d'assesseur de justice, transmettait et réci tait la coutume dans les tribunaux. Mais à la fin du Moyen-Age, il y a des rédac tions partielles de la coutume... Attention : ce n est pas parce qu'une coutume a été consignée par écrit qu elle perd son carac tère coutumier. Elle reste toujours dis des juristes! tincte d'une part du droit statutaire, donc un droit édité par un pouvoir sous forme de statuts; et d'autre part du droit écrit, c'est-à-dire du droit romain tel que le com prenaient les romanistes médiévaux. Enfin, elle se différencie du droit canon qui émane de la papauté (les fameuses decrétales, ou décisions rendues par les pontifes qui ont, elles aussi, force de loi). Quel est le rôle respectif de ces différentes sources du droit dans les pays romands? Genève est coutumière jusqu'au X V siècle. Ensuite, elle subit une forte in fluence du droit écrit pratiqué en Savoie aussi bien que dans la région de la Versoix. Neuchâtel et le J u r a sont résolument coutumiers. Le Valais episcopal égale ment; cette région a un droit très origi e nal, mais adopte des règles statutaires dès le X V I siècle. Le Chablais, de Villeneuve aux portes de Sion, est la seule région de droit écrit. Et Fribourg a un droit statu taire depuis le X I I I siècle, assez diffé rent du plat pays qui l'entoure, et est régi par la coutume. e e Et dans le canton de Vaud? Les Vaudois bénéficient d'un régime juridique particulier au sein des Etats savoyards, lis pratiquent le droit coutu mier qu'ils considèrent comme le symbole de leur autonomie face à la Savoie, pays de droit écrit. Le pouvoir savoyard a été très respectueux du droit des Vaudois, des règles, de la procédure comme de l'organi sation judiciaire. J e dirais que la Savoie l'a fait d'autant plus facilement qu'elle n'avait plus tellement les moyens de s'imposer. ...^.I. , î. ¿I" R R , f • • ,% IL *.— ' —J »R • R |_7^~ .-R ^-R-"-*- • F / — les - ~ : ri— >T3Í —F>FF-"-R *—f •«* Ce document recueilli 1,- VIJW.WF»*—-fc-L ^^^.^^T^^^^^^^--TW^^^_.^^.V.^^_^™.^.^^ £ .7"" * ^ T~ ""J^r^ ^ £7 r+*- a coutumes lausannoises, telles qu 'elles ont été reconnues par l'assemblée du plaid général en 1368. Ce texte très assure le de l'oral du droit complet passage à l'écrit coutumier dans la -*-• T—•—T R T , J T R ~ ; ~ R R R ~ ~ ^ " T T ' F •*• T R F ,, région - ^ ^ R ^ ^ ^ S ^ T S S ^ S È - ^ 3RT—. il ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 47 Quand la justice était rendue par des gens qui de méfiaient des juridtes! INTERVIEW Etait-on jugé de la même manière, partout en terred vaudoided? Pas tout à fait. Le Pays de Vaud ne forme pas une unité, tout comme les pays romands n'en forment pas une. Il est en effet régi principalement par la coutume de Moudon, et par celles de Lausanne, Payerne et Estavayer qui diffèrent par certains points. Ce qu'il faut retenir, c'est qu'il n'y a pas de vrai droit commun. Au Moyen-Age, la Romandie n'existe pas... Et elle exidterait aujourd'hui? On dent encore de granded differenced entre led cantond romandd... Vous ne me le ferez pas dire! L'adop tion d'un droit commun à tous les cantons romands n'apparaît qu'avec le Code civil suisse (1907), mais, si vous ouvrez les codes civils cantonaux, vous verrez qu'ils ont conservé bien des différences. Daiid votre livre, voud parlez tout de même de parenté entre led différented coutumed roinanded... Effectivement. Si les pays romands conservent des usages propres, ceux-ci restent assez proches. Leur parenté ne tient cependant ni à la géographie, ni à une source commune, ni à une coutume qui aurait étouffe les autres. C'est surtout dans la mentalité des coutumiers que l'on constate les plus grandes similitudes. Dans tous les tribunaux, ce sont les coutumiers qui opinent, disent la coutume et dictent la solution à l'officier de justice. Ce dernier ne fait que la proclamer; il ne prend pas sa propre décision. Dans le Pays de Vaud, même le duc de Savoie doit se plier à l'avis des coutumiers s'ils arri vent à se mettre d'accord entre eux. Led juridted n 'ont pad leur mot à dire?! Les juristes, donc par définition les gens qui ont étudié le droit écrit, on n'en voulait pas! Car ils pouvaient altérer la coutume. Les coutumiers se méfiaient donc de ces gens subtils susceptibles de les «entourlouper», qui usent d'une langue savante et citent des textes qu'on ne peut pas contrôler... C'est un peu la même méfiance qu'un laïc ressentirait aujour d'hui dans un tribunal face à un juriste: il dirait que la partie n'est pas égale. J ' a i été frappé par cette parenté de caractère, cette façon de réagir pour ne pas se faire envahir par des institutions étrangères. IL N'Y A PLUS GUÈRE DE VRAIE MENTALITÉ VAUDOISE. BIEN SÛR, IL Y A ENCORE QUELQUES SPÉCIMENS, MAIS C'EST EN PASSE DE DEVENIR C O M M E LES PATOISANTS, HÉLAS! Qui dont led coutumierd? Qu'edtce qui led caractéride? Les coutumiers sont le plus souvent des notaires, des petits nobles ou des artisans. Très conservateurs, ils sont peu enclins aux changements, ce qui explique l'ex trême stabilité de la coutume sur plusieurs siècles et sa lente évolution. Ce sont des gens qui font appel à la bonne foi, au bon sens. En fait, ils sont très proches de ce qu'étaient les Vaudois quand il y en avait encore... Quand j'étais jeune avocat, dans les tribunaux de campagne, à Cossonay par exemple, je trouvais des juges qui avaient tout à fait la même mentalité. Mais c'est en train de disparaître. Il n'y a plus guère de vraie mentalité vaudoise. Bien sûr, il y a encore quelques spécimens, mais c'est en passe de devenir comme les patoi sants, hélas! Ily a un tel brassage de popu lation! A l'heure actuelle, cette forme de droit a-t-elle totalement d'uiparu en Suidde? ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Théoriquement, non. L'article 1, alinéa 2 du Code civil suisse, dit ceci : «A défaut d'une disposition légale applicable, le juge prononce selon le droit coutumier. » Mais dans la pratique, nous sommes envahis de lois fédérales et cantonales qui ne laissent plus guère place pour la coutume. Voud le regrettez? mieux avant? C'était Personnellement, je préfère un régime où on laisse de la place pour le consente ment des justiciables. J e suis effrayé par l'abondance des lois fédérales qui veulent absolument tout régler dans les moindres détails. Le Code civil français, lui, laisse beaucoup plus de place à la jurisprudence, avec pour conséquence une plus grande liberté et une plus grande souplesse pour régler les cas. Propos recueillis par Muriel Ranioni Photos : Nicole Chuard 49 Quand La justice était rendue par des gens qui se méfiaient des juristes! La coutume dans le quotidien des Romands du Moyen-Age Plonger dans le droit coutumier, c'est aussi aborder aux rivages des mentalités médiévales et goûter à l'histoire sociale, en particulier celle des familles. N ombre de coutumes nous rensei gnent ainsi sur le pouvoir marital, les droits des enfants illégitimes ou encore la condition de la femme. Autant de chapitres qui en disent long sur la vie intime de nos ancêtres. Voici comment les Romands se mariaient J u s q u ' à la Réforme, c'est en principe le droit canon qui régissait l'institution du mariage. Mais les pays romands ne l'ont pas suivi très fidèlement. La pra tique s'est distancée de l'enseignement de l'Eglise sur plusieurs points, notamment sur le rôle prédominant du consentement parental. En droit canon, le mariage se concluait par le seul échange des consentements des époux, sans qu'aucune solennité ou témoins ne soient requis. Dans la pra tique, le consentement de la jeune fille était souvent relégué au second plan et supplanté par le consentement parental. A Genève par exemple, on connaît un cas qui dénonce la séquestration d'une jeune femme par ses parents en vue de la marier contre son gré. Nul doute que les familles devaient souvent imposer leur choix et contraindre leurs enfants au mariage, d'où le foisonnement de mariages clandestins, en Valais notam ment, pour poursuivre les inclinaisons du cœur! Ces mariages illicites étaient toutefois reconnus valides par l'Eglise. Par con tre, les sources nous montrent l'effort de la laïcité pour briser ces unions non auto risées par les familles qui faisaient sou vent pression sur la jeune fille pour qu'elle nie avoir consenti au mariage. L'union dissoute, on pouvait alors obte nir un meilleur parti. 5Ü L'adultère était sévèrement puni Les cas d'adultères dépendaient des compétences de l'Eglise et étaient jugés selon la procédure canonique, mais seu lement s'ils étaient invoqués comme cause de séparation de corps. Sinon c'était un juge séculier qui prenait les choses en mains. Parmi les sanctions mentionnées dans les textes, on rencontre l'amende et la peine de la course, qui consiste à fouet ter les coupables et à les faire courir nus dans la rue. Cette dernière peine est notamment attestée à La Tour-de-Peilz à la fin du X I I I siècle; elle pouvait néan moins être rachetée, moyennant le paie ment de 60 sous pour l'homme et 30 pour la femme. Si le Valais episcopal ne prévoyait pas la peine de la course, une coutume pré voyait la confiscation de tous les biens de la femme adultère au profit du mari. Une autre règle, attestée en Valais au X V I siècle, exemptait l'époux cocufié de toute peine s'il tuait l'amant surpris en plein adultère avec sa femme. Le droit réformé sera encore plus sévère à l'encontre de l'adultère en pré voyant même l'emprisonnement ou le bannissement. e comme un grand seigneur», rappelle Jean-François Poudret. Une étude approfondie de la condi tion juridique et sociale des bâtards au Moyen-Age montrerait sans doute un décalage important entre le droit et les mœurs. Le droit refusait d'intégrer les bâtards dans leur famille paternelle. Ils n'avaient donc pas de droits successo raux envers leurs ascendants. Par contre, de nombreuses sources montrent qu'ils pouvaient être institués héritiers. Les enfants illégitimes étaient également souvent «affraréchés» par leur père, c'est-à-dire constitués frères au plein sens du terme dans la succession paternelle, ce qui leur donnait les mêmes droits successoraux que les enfants légi times. Pour Jean-François Poudret, cette pratique «montre bien qu'on n'avait au cun préjugé envers les bâtards». M.R. e Les bâtards n'étaient pas tous défavorisés SAVOIR! / № 3 8 MAI «Coutumes et coutumiers. Histoire comparative des droits des pays romands du X I I I à la fin du X V I siècle», de Jean-François Poudret, Editions Stampfli, 1998, 2002, 2006. e Vol. Les enfants illégitimes n'étaient, apparemment, pas toujours aussi défa vorisés que les couples adultères. Dans les faits, certains ont même été bien trai t é s : «Pensez à Humbert le Bâtard de Savoie, demi-frère d'Amédée VIII, sei gneur d'Estavayer! Il était non seulement considéré comme noble, mais aussi ALLEZ A lire : 2 0 0 7 Vol. Vol. Vol. Vol. Vol. I: Les sources et les artisans du droit. II: Les personnes. III: Le mariage et la famille. IV: Successions et testaments. V: Les biens. VI: Les obligations. Conclusion générale. e SCIENCES Sommes-nous le stade ultime de l'évolution? '¿7 t t é r a 7V «Heroes» débarque à La mi-juin dur la TSR. Ce duccèd pro grammé no LU montre ded êtres humains qui mutent et de voient soudain dotéd de pouvoirs extraordinaires. A l'image de ced héros, dortirond-noud un homo dapiend pour changer L'hypothèse lointaine. jourdudtade d'espèce? n'est pad durréalidte, ni v Sommes-nous le stade ultime de l'évolution? SCIENCES D iriger un ordinateur par la pensée, ressentir les émotions d'une autre personne par télépathie, transporter ses impulsions cérébrales par Internet: ces trois opérations ne sont pas tirées d'un roman de science-fiction. M i e u x : elles n'appartiennent déjà plus au domaine des hypothèses ou des projets scientifiques. La communication télépathique avec l'homme et la machine fait aujourd'hui partie de l'histoire des sciences. Des scientifiques en chair et en os l'ont bel et bien réalisée, observée, puis consignée dans des publications très sérieuses. De nouveaux «Heroes» sur la TSR Programmée cet été sur les TV suisse et française, la série américaine «Heroes» Daniela machine obéit à cet ordre. Et pour don ner la pleine mesure de ce résultat révo lutionnaire, le savant effectue la même opération, mais en mettant une grande distance entre la main mécanique et lui : alors qu'il se trouve aux Etats-Unis, sa pensée transmise par Internet parvient à contrôler la main artificielle restée en Grande-Bretagne. «Avec cette expérience, dit Daniela Cerqui, c'est la première fois que l'hom me a réellement fusionné avec Internet.» postule que certains homo sapiens vont bientôt évoluer. Dans ce feuilleton, pré senté par les critiques comme le nouveau «Lost», et qui sera programmé à la mijuin sur la TSR, on verra plusieurs indi vidus ordinaires acquérir des capacités hors du commun sous l'influence d'une mutation génétique soudaine. Certaines de ces transformations pro longent avant tout la tradition narrative des superhéros et des médiums: con naître l'avenir, voler comme Superman, voyager dans le temps, déplacer des objets par la pensée. D'autres évolutions mises en scène par la série font encore écho à un futur pos sible de l'humanité. La résistance à la douleur, l'extension de la mémoire, la régénération cellulaire - et donc, la trans- Cerqui, docteur en Améliorer l'être humain anthropologie A de l'UNIL «Sauvez la cheerleader (photo), et vous sauverez le monde». Voilà la mission qui est donnée aux personnages cette jeune femme est moins fragile immédiatement de la série TV «Heroes». Reste que qu 'elle n 'en a l'air. Son corps répare toute blessure qui lui a été infligée: chutes, brûlures et autres sont sans effet sur Claire mission de la pensée par télépathie paraissent en effet envisageables dans un avenir proche. J e suis un cyborg «Nous sommes déjà en train de tra vailler à notre disparition»: docteur en anthropologie de l'UNIL, Daniela Cer qui pose ce diagnostic sans hésiter. Spé cialiste des effets de la technologie sur la société humaine, voilà plusieurs années que la chercheuse lausannoise se tient aux avant-postes de l'évolution humaine. Ou du moins, de l'une des voies qu'elle s'apprête à suivre : celle d'une fusion de l'organisme humain et de l'électronique. La figure du cyborg, chez qui biolo gie et machine se mêlent étroitement, fait l'objet de recherches très poussées. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 coupures Bennet Daniela Cerqui a notamment suivi les tra vaux d'un cybernéticien d'avant-garde, Kevin Warwick, chercheur à l'Université de Reading en Grande-Bretagne. En 1998, le savant britannique ins talle une puce électronique sous sa propre peau. Limité à une fonction de carte d'accès, l'implant ne permet encore que d'actionner des portes électro niques. Mais en 2002, le chercheur réus sit une expérience spectaculaire. Grâce à une électrode implantée dans son bras, il identifie l'impulsion neuronale qui ouvre ou ferme l'une de ses mains. Transmis à une machine, ce même signal cérébral parvient ensuite à actionner une main robotique. En d'autres termes, lorsque Kevin Warwick pense «ouvrir la main», la ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Soucieuse «du projet de société» qui se trouve derrière ce type de travaux, Daniela Cerqui analyse l'idéologie qui habite le professeur anglais : « Implanter du matériel artificiel dans le corps hu main n'est pas une réalisation récente. Les pacemakers, par exemple, existent depuis plusieurs dizaines d'années, et les médecins pourront bientôt aussi les régu ler par Internet. La différence avec Kevin Warwick, c'est que ses travaux ne visent pas des objectifs thérapeutiques. Il cher che explicitement à améliorer l'homme pour le transporter dans un autre âge. Il ne cache pas son ambition de nous sor tir de l'espèce humaine pour nous emme ner vers les cyborgs.» Réalisée à coup d'expériences radi cales, cette ambition poursuit un véri table «projet d'espèce». L'homme du futur selon Warwick sera perpétuelle ment connecté aux machines ou à ses semblables par la pensée. En 2004, le Britannique a implanté une électrode dans le bras de sa femme, qu'il a ensuite reliée au sien. Les deux époux parviennent alors à ressentir la pensée de l'autre au moment de sa vibra tion cérébrale. Peut-être un jour n'au ront-ils plus besoin de leur bouche et de leurs y e u x pour communiquer. Peut-être qu'un jour, l'homme pourra commander sa voiture, son frigo, sa TV, son téléphone et son ordinateur sans avoir besoin ni du toucher, ni du parler, ni de la vue... «Le projet de Warwick sur valorise l'immatériel et l'esprit au détri- 55 So mined-noué le stade ultime de l'évolution? SCIENCES ment du corps, relève Daniela Cerqui. C'est d'ailleurs un point de vue dominant parmi les hommes de science qui tra vaillent dans la même direction. Pour eux, le siège de l'humain se trouve clai rement dans le cerveau.» Une mutation de l'homme Le cybernéticien britannique n'est en effet pas le seul à travailler activement à une mutation de l'homme sous la hou lette de la machine. En collaboration avec l'industrie et l'armée, la National Science Foundation américaine réfléchit à la manière de faire converger diverses tech nologies pour améliorer l'humain. Parmi les idées à l'étude: pousser la vue des pilotes de chasse à une capacité de 120%. En 2003, un colloque soutenu Henrik Kae.i.iniann, par l'Union européenne et intitulé « Human augmentation» a réuni plus de 30 labos de recherche. Certains tra vaillent dans un esprit thérapeutique, mais d'autres cherchent d'abord à modi fier l'espèce humaine. L'idéal du cyborg n'est donc pas le fait de savant isolés. C'est une idée officiel lement soutenue par les grandes puis sances politiques: «Au niveau de la réa lisation concrète, la transformation de l'homme par la machine appartient encore à la science-fiction, dit Daniela Cerqui, mais au niveau des labos, c'est bien une réalité.» met alors d'augmenter la quantité d'en zymes produits par le gène dupliqué. Ou alors, le duplicata évolue vers une nou velle fonction. Mais un gène ancien peut aussi changer de productivité ou de fonc tion sans duplication.» La différence entre l'homme et les grands singes tient essentiellement à des gènes identiques dont la productivité est plus importante chez l'homme. «Nous avons pu voir, par exemple, qu'un cer tain gène nommé A S P M joue un rôle dans la taille du cerveau chez les mam mifères. S'il est déficient chez un être humain, son cerveau s'arrête à la même taille que celui du chimpanzé.» Les voies de la génétique Le hasard et la nécessité Professeur au Centre intégratif de génomique de l'UNIL, Henrik Kaess- professeur au Centre intégratif de génomique de l'UNIL Le Japonai.i une BD fabriquée Hiro Nakamura a la surprise de découvrir à Neiv York. Celle-ci raconte qu 'il serait capable de se téléporter d'un pays à l'autre, alors que ce protagoniste de «Heroes» n 'a pas encore pris conscience de ses nouveaux mann ne travaille pas dans le même esprit que W a r w i c k et c o n s o r t s : «Réfléchir à l'amélioration de l'homme par la génétique reviendrait à pratiquer de l'eugénisme», dit d'emblée ce doc teur en génétique. Ses t r a v a u x récents permettent cependant de comprendre comment une mutation génétique peut soudainement changer la nature d'un mammifère au point de le faire changer d'espèce. En véritable archéologue du génome humain, Henrik Kaessmann a observé les mutations qui ont permis de trans former les singes en une catégorie de pri mates si différents qu'ils méritaient désormais le nom d'humain. L'homme et le singe possèdent 9 9 % de gènes en commun. Etudier le 1% res ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 pouvoirs tant permet donc de cerner ce qui diffé rencie l'un de l'autre. Henrik Kaessmann et son équipe ont notamment isolé un nouveau gène, récemment apparu sur la lignée des primates, qui a contribué à net toyer les conduits cérébraux d'une façon plus efficace. Spécifique à l'homme et aux grands singes comme l'orang-outan et le chim panzé, sa présence nous a probablement permis de penser plus rapidement: «Ce gène est apparu au début de la croissance du cerveau de l'homme et l'a probable ment soutenue», dit le chercheur. La mutation génétique prend deux voies pour provoquer des changements. «Un nouveau gène peut apparaître par duplication d'un gène ancien, dit Hen rik Kaessmann. La nouvelle copie per ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Une mutation génétique subite et fon damentale chez l'être humain ne paraît cependant pas à l'ordre du jour. Notre patrimoine de gènes change à chaque génération, et les ADN de deux êtres humains contemporains sont loin d'être identiques. Mais l'évolution génétique est bien moins rapide que les expériences de Kevin Warwick. Quand on lui demande dans quelles circonstances apparaît un duplicata de gène déterminant pour une espèce, Hen rik Kaessmann s'en remet au vieux prin cipe de Darwin : «Les mutations ne sont pas dirigées. Elles surviennent par hasard et la plupart sont neutres. Une mutation ne se fixe dans notre génome que si elle présente un réel avantage», dit le chercheur. «Mais nous savons que la lignée humaine a commencé il y a 5 mil lions d'années, et que l'homme moderne est apparu il y a environ 100 000 ans.» Et les recherches génétiques à visées thérapeutiques? Ne peuvent-elles pas un jour, même involontairement, provoquer un changement génétique déterminant? Henrik Kaessmann désamorce rapide ment cette perspective: «Nous sommes capables aujourd'hui de synthétiser un ADN artificiel qui peut ensuite se repro duire au sein d'une cellule en laboratoire. Nous pouvons aussi changer la séquence codée d'un gène dans un tube, pour voir 57 «Heroes démocratise les superpouvoirs» Professeur de cinéma et de sociologie des communications de masse, spécialiste de l'histoire des superhéros, Gianni Haver analyse l'imparable succès télévisuel de l'été 2007. Allez savoir!: Voyez-vous de.) nouveautés marquantes dans «Heroes» par rapport aux histoires de superhéros antérieures? Gianni Haver: Il n'y a rien de révo lutionnaire, comme le fut la création de Superman en 1938, mais le mélange d'in grédients qu'utilise la série est tout de même inédit. J y vois un croisement entre la tradition du fantastique de séries TV qui exploitent le paranormal et le mys tère, comme «La quatrième dimension» ou «X-Files», avec la tradition des super héros des comic books américains. La référence à ces derniers est d'ailleurs explicite dès le premier épisode, avec des personnages qui se déclarent fans de ce genre de fiction. On peuty ajouter le gore comme troisième ingrédient, avec la pré sence d'un sériai killer qui vole le cerveau de ses victimes. Les histoires de super héros sont généralement très proprettes. On y voit peu de blessures et très peu de sang. Certaines scènes de «Heroes» vont assez loin dans le sanguinolent. La série réinvente-t-elle la figure du personnage doté de pouvoirs extraordinaires ? Le fait que les héros ne soient pas tous américains est intéressant. J e vois aussi un souci d'inventer certains pouvoirs ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 inédits. L'homme radioactif et l'artiste doué de prescience me semblent inédits. Par ailleurs, du point de vue des codes qui régissent l'univers des superhéros, la série débarrasse les personnages de cer tains attributs typiques. Le super-héros classique se définit par son costume, ses superpouvoirs et sa double identité. Le costume et la double identité marquent le partage entre le caractère humain et l'aspect hors norme du personnage. Le superpouvoir est ce qui fonde son iden tité. Les personnages de «Heroes» ne se définissent plus que par leurs pouvoirs spéciaux. La série opère une fusion entre l'ordinaire et l'extraordinaire, que le héros ne maîtrise d'ailleurs pas bien. 59 Somma-notiJ le stade ultime de Formation continue l'évolution? SCIENCES Nos prochaines formations en 2 0 0 7 - 2 0 0 8 humaine, comme on est en train d'accé lérer l'évolution du maïs en le modifiant génétiquement. C'est sans doute carac téristique de notre époque. Superman est naturellement doté de pouvoirs horsnorme. C'est un extraterrestre qui se camoufle en humain. Batman est un homme très riche qui peut se payer des gadgets extraordinaires et travaille beaucoup sa forme physique. Captain America est transformé par une mixture qu 'il a ingérée pour des expériences mili taires. Dans les années soixante, les superpouvoirs naissent souvent d'une exposition accidentelle aux radiations atomiques, mais on trouve déjà l'idée d'expériences biologiques avec les XMen, qui sont des mutants, de même que le concept d'une fusion entre l'homme et la machine avec le personnage de Wolverine, à qui l'on implante des mains de métal rétractiles. Wolverine est l'une des stars des X-Men, une BD qui raconte les de mutants devenus des surhommes. Leurs histoires ont clairement qui leur fait plusieurs Des indices montrent cependant que certains personnages vont bientôt por ter un costume et maîtriseront mieux leurs pouvoirs. Beaucoup de ces héros vivent très mal l'apparition soudaine de leurs nouvelles capacités... La dimension du doute existe déjà chez des personnages anciens. Les pre miers superhéros, datant du «golden âge» des années 1930-40, sont invincibles et assument parfaitement bien leur rôle. Superman, Batman ou Captain America ne doutent jamais de leur mission. Mais la génération suivante, qui apparaît dans les années 60, commence à réfléchir sur des pouvoirs parfois vécus comme une tare. Le Silver Surfer s'arrête régulière ment sur une double page de BD pour s'attarder sur les actes qu'il vient de com 60 aventures inspiré la série «Heroes», clins d'œil appuyés mettre. Spiderman connaît des pannes de pouvoir et des moments d'épuisement. Certains personnages de «Heroes» deviennent suicidaires... Cet aspect est plus surprenant. De toutes les figures de superhéros que je connais, je n'en vois pas qui en viennent à ce genre d'extrémité. Mais ce n'est qu'une manière de pousser le caractère angoissé que l'on connaît déjà. Il y a aussi la question de l'origine des pouvoirs. Les personnages de «Heroes» se réveillent un jour avec de nouveaux talents, dont on se doute qu'ils ont une origine génétique. Oui, il y a cette idée qu'on peut bri coler l'ADN pour accélérer l'évolution ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Après la série de.) «4400», «Heroes» poursuit cette idée de superpouvoirs qui s'étendent à un groupe important de gens ordinaires. C'est comme si ces nouvelles capacités pouvaient se disséminer ainsi que des OGM... Pas tout à fait, puisque la transmis sion des nouveaux pouvoirs paraît liée à un personnage mystérieux. Cela dit, on perçoit effectivement cette idée que les superpouvoirs pourraient se démocrati ser pour atteindre toute l'humanité, et qu'un jour, ceux qui n'ont pas de pou voirs spéciaux seront minoritaires... J e ne voudrais cependant pas donner trop d'interprétations sociologiques à cette série. Un modèle de fiction change aussi simplement parce qu'on l'explore et qu'on le fait évoluer. Propos recueillis par Pour plus d'informations sur l'ensemble de notre offre, visitez le site www.unil.ch/formcont Management - Marketing Humanités - Communication > MASTER OF ADVANCED STUDIES (MAS) Executive MBA Management and finance septembre 2007 à novembre 2008 > COURS NON-CERTIFIANT Conduire une équipe partenaire septembre 2007 à novembre 2008 Entraînement aux médias : automne 2007 à été 2009 Economie et politique du médicament automne 2007 à été 2009 Pierre-Louis Chantre Marketing Management décembre 2007 à iuin 2008 automne 2008 à été 2010 Convaincre en publicité 26 octobre 2007 Economie et management de la santé Archivistique et sciences de l'information 27, 28 septembre et 26 octobre 2007 Executive MBA Management of technology > CERTIFICAT > MASTER OF ADVANCED STUDIES (MAS) > DIPLOME Gestion culturelle septembre 2008 à avril 2010 I : Presse et radio 3 octobre 2007 II: Radio et TV 4 octobre 2007 Patrimoine et tourisme dans le Pays de Vaud La théorie du cinéma au service de l'enseignement Les 7, 13 et 20 septembre 2007 Dramaturgie et performance du texte avril à octobre 2007 20 modules d'un jour automne 2007 à automne 2008 Marketing non-marchand : comment promouvoir des causes Droit > COURS NON-CERTIFIANT printemps 2008 Sémiotique publicitaire European Contract Law juin 2007 9 novembre 2007 SAVOIR! Ecologie industrielle > CERTIFICAT Psychologie du Management ALLEZ > COURS NON-CERTIFIANT / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Fo r mat io n continue Santé -Social Gérer la violence > MASTER OF ADVANCED STUDIES (MAS) D personnelle, la place des représentations, des é m o tions et ressentis dans la c o m m u n i cation. e plus en plus de personnes sont confrontées à la violence. Qu'elles le veuillent ou non! Même sans rechercher «la baston» dans des sorties nocturnes ou des manifestations de masse! Les journaux sont remplis de faits d i vers et de mésaventures où le passage à l'acte violent transforme un simple incident en tragédie. La police et le service des urgences ne sont plus les seuls services touchés par l'accroissement et la banalisation des actes violents. L'agressivité se généralise et les voies de fait se multiplient dans tous les secteurs, même parfois pour une place de stationnement ou un sourire mal interprété. Le cours proposé apporte à ses participants les connaissances théoriques et pratiques nécessaires pour évaluer et gérer les situations de violence. Il est organisé par des praticiens du Service de Médecine et de Psychiatrie Pénitentiaires et de l'Unité d'expertise du CHUV qui tirent de leur longue expérience de la prise en charge des patients violents un 62 certain nombre de points de repères permettant de mieux affronter ces situations difficiles. La formation est principalement donnée par des enseignants d u Département de psychiatrie. Elle débute par un jour complet d'introduction qui aborde les principaux mécanismes de la relation violente et se poursuit par deux modules de journées consécutives, l'un de 3, le second de 2. Jouées par des acteurs de la troupe Caméléon, des saynètes interactives centrées sur des interactions violentes ou potentiellement violentes rencontrées dans la pratique professionnelle c o m plètent la journée d'introduction. Le premier module aborde la violence sous un angle psychosocial et amène des éléments théoriques sur la communication inter- ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Mises en situation et jeux de rôle mettront en évidence les réactions et les comportements à corriger ou à développer ainsi que les moyens de c o m munication à mettre en œuvre pour prévenir d'éventuels «débordements». La violence physique est abordée dans un second module. Des spécialistes y décrivent la biologie des comportements, l'apport des neurosciences dans la compréhension de leurs mécanismes et la répercussion psychologique des actes de violence. Le cours présentera également les réseaux d'aide et les voies juridiques à disposition des victimes. Ce module se termine exercices physiques de des mouvements, et apprentissage progressif niques d'autodéfense. Bioéthique automne 2007 à automne 2009 > CERTIFICAT Migrations : relations interculturelles et pratiques professionnelles Comprendre et gérer les situations de violence Statistical course : Introduction to GLLAMM septembre 2007 25, 2 6 et 2 7 juin 2007 Crise suicidaire : formation à l'intervention printemps 2008 Economie et management de la santé Nutrition humaine fin 2 0 0 7 à juin 2 0 0 8 automne 2007 à été 2 0 0 9 novembre 2007 à mars 2 0 0 8 Economie et politique du médicament Psychothérapie systémique (méthodes d'intervention) Cycle de conférences pour pharmaciens d'officine juin à décembre 2007, en soirée automne 2007 L'enfant anxieux automne 2007 à été 2 0 0 9 > DIPLOME Santé sexuelle et reproductive septembre 2008 à iuln 2 0 1 1 Troubles du comportement alimentaire février 2 0 0 8 Troubles neurodéveloppementaux chez l'enfant janvier 2 0 0 8 4, 5 et 6 o c t o b r e 2007 > COURS NON-CERTIFIANT L'enfant violent Adolescence et psychopathologie 6, 7 et 8 d é c e m b r e 2007 juin 2 0 0 8 Mieux comprendre les médicaments 28 juin et 25 o c t o b r e 2 0 0 7 par des contrôle par un de tech- Psychopathologie et enjeux de formation à l'adolescence mai 2 0 0 9 A.B. Cours «Comprendre et gérer les situations de violence», septembre 2007. ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Centre de formation continue Université de Lausanne Unithèque 1015 Lausanne www.unil.ch/formcont téléphone : +41 (0)21 692 22 90 fax: +41 (0)21 692 22 95 [email protected] Le bulletin d'inscription peut être téléchargé sur le site Internet. 63 A b o n n e z - v o u s , c'est gratuit Allez savoir! et Unidcope sont deux publications éditées et diffusées par Unicom, service de com munication et d'audiovisuel de l'UNIL. Allez savoir! paraît quatre fois par an. Allez savoir! est le magazine grand public de l'Uni versité de Lausanne. Un'ucope est le journal interne de l'UNIL. C'est un mensuel composé de cahiers thé matiques, reflets de la vie et de l'activité scientifique et culturelle de l'institution. Il peut être téléchargé au format P D F à partir du site internet de l ' U N I L . Il en est de même pour Allez savoir! Depuis la page d'accueil (www.unil.ch), choisir «L'organisation» puis «Les médias». Pour vous abonner à la version papier de Allez savoir/, il vous suffit de remplir le coupon ci-contre et de l'envoyer par fax au 021 692 20 75, ou par c o u r r i e r : U n i v e r s i t é de L a u s a n n e , U n i c o m , Amphimax, 1015 L a u s a n n e , ou de mani fester cet intérêt par courrier électro nique à [email protected] J e m'abonne à Allez savoir! Nom: Prénom : Adresse : Numéro postal / localité : Téléphone : Date et signature : 64 ALLEZ SAVOIR! / № 3 8 MAI 2 0 0 7 Vous pensez diplôme. Nous pensons aussi opportuni tés de carrière. Investment Banking • Private Banking • Asset Management Nous nous entourons de jeunes talents qui ont le goût du défi et le sens des responsabilités. Vous avez obtenu d'excellents résultats à votre diplôme de fin d'études et disposez de compétences sociales incontestées? Vous remplissez ainsi les conditions pour réussir chez nous. Découvrez les opportunités de carrière qui vous sont offertes. www.credit-suisse.com/careerstart De nouvelles perspectives. Pour v o u s . C R E D I T SUISSE