Adieu Pan
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Adieu Pan
Adieu Pan France Pierre Denoits fiction • 2015 • 16’ français Programme 2 “ Courts Métrages” – séances le samedi 9 avril à 19h30 et le lundi 11 avril à 12h. L’histoire C’est la saison du brame. Deux grimpeurs, Michel et Frédérique, ont pris le train qui va à la forêt. La forêt de Fontainebleau, ses rochers ronds et ses bruyères en fleur. Le réalisateur Pierre Denoits, 32 ans, a grandi en région parisienne. Il suit des études d’agronomie à Clermont-Ferrand avant de se tourner vers le cinéma après un passage à l’ESAV de Toulouse. Depuis 2008, il travaille au sein de la société d’édition et de distribution Potemkine films. Il finalise actuellement son troisième court métrage, Pastorale, après Robinson (2014) et Adieu Pan (2015). Le point de départ de chacun de ses films est un lieu – parc, forêt, montagne – où l’homme des villes se confronte à une nature belle et insoumise. Données artistiques Scénario : Pierre Denoits Image : Martin Rit Montage image : Pierre Denoits Son : Gaël Éléon Montage son : Gaël Éléon Mixage : Victor Praud Interprètes : Jean-Louis Coulloc’h, Noémie Rosset A propos du film Note d’intention du réalisateur « Les chênes murmuraient. Que murmuraient les chênes ? Les buissons chuchotaient comme d'anciens amis. » (A quoi songeaient les deux cavaliers, Victor Hugo) Apremont est une variation sur l’automne librement inspirée du mythe de Pan. La forêt luxuriante n’est pas sans rappeler l’Eden, le paradis perdu. Le vaste massif forestier qui tiendra lieu de décor sera Fontainebleau. Cette forêt multi-centenaire nichée aux portes de la mégalopole représente à mon sens une formidable échappatoire, la parenthèse délicieuse et ensauvagée d’une vie hors-sol, d’une vie coupée de la vie en tant qu’écosystème, en tant que grand tout. La forêt a une importance capitale. Elle participe à l’élaboration de l’atmosphère mélancolique du film tout en dessinant l’existence des personnages. La forêt est aussi le lieu idéal pour incarner l’automne et la vigueur de Michel qui l’abandonne. Car la mort me paraît infiniment moins dure, moins au pied d’un chêne auguste, d’un rocher érodé, d’un champ de fougères en bataille que dans une chambre d’hôpital ultra-médicalisée a priori plus rassurante, mais finalement détachée de la vie, du cycle des saisons. Il me semble important, pour éviter l’écueil de l’objet plombant et donner vie à cette ultime escapade, de déployer des situations cocasses, enjouées. Il faudra aussi de la vivacité dans les mouvements d’appareil. Courte focale pour avoir les personnages en pied dans leur substrat. Image granuleuse et flamboyante, il s’agit de rendre hommage aux couleurs de l’automne, mais aussi de distiller de la fébrilité, de la fragilité, de la vie : on marche, on cherche, on se perd dans les taillis, futaies, chaos rocheux. Michel existe, il s’appelle d’ailleurs Michel, en vrai. Je l’ai croisé quelques fois à rocher Canon. On a grimpé ensemble, il a des pertes d’équilibre, son corps se délite, mais il ne lâche rien, il continue d’aller en forêt, il a encore de beaux restes. Enfin… voilà deux ans que je ne l’ai pas vu. Pistes de réflexion et éléments d’analyse Inspirations La nature occupe une place prépondérante dans le film. Elle est omniprésente et apparaît comme un refuge, un lieu accueillant, où les deux protagonistes se retrouvent. Cela se traduit notamment par des plans d’ensembles avec les personnages centrés, entourés d’une verdure luxuriante. - Le romantisme Pierre Denoits cite Victor Hugo au début de sa note d’intention, et on retrouve bien un topos du romantisme dans le film : l’homme torturé face à la nature sublime. Les élèves pourront analyser le poème de Victor Hugo (cf. ressources) avant la séance pour être particulièrement attentifs à ces aspects, qui pourront être développés après la séance. - Le mythe de Pan Par le titre de son film, ainsi que dans sa note d’intention, Pierre Denoits invoque également la figure de Pan. Pan est le dieu protecteur des bergers dans la mythologie grecque. On lui donnait le surnom philocrotos (étymologiquement « l’ami du bruit ») car il effrayait les voyageurs dans les bois par de brusques apparitions et par ses cris. On s’interroger avec les élèves sur la signification du titre et revenir sur les différents « indices » qui nous renvoient dans le film au mythe de Pan : cris dans la forêt, couronne de fleurs fabriquée par Michel, passage de l’exhibitionniste… Le chassé-croisé de deux personnages solitaires Le film entier repose sur le chassé-croisé de Michel et Frédérique qui se rencontrent fortuitement à la descente du train. Tous deux sont des êtres solitaires : Michel ment en prétendant revenir d’Afrique alors qu’il s’est échappé de sa chambre d’hôpital, Frédérique vient seule en forêt car « entre ceux qui bossent, ceux qui ont des gamins… ». La solitude de ces deux personnages est soulignée par une nature omniprésente qui les fait se retrouver souvent seul(s) à l’écran, tandis que, au loin, de petits groupes de personnes évoluent ensemble parmi les rochers. Il peut être intéressant de chercher à caractériser plus précisément ces deux personnages, et de revenir sur leur relation et son évolution tout au long du film : - Rencontre des deux personnages, qui marchent ensemble vers Apremont. - Frédérique traverse la route tandis que Michel, prétextant avoir perdu quelque chose, reste seul. - Frédérique est découragée par ses tentatives ratées d’escalader un rocher ; Michel la retrouve. - Après lui avoir proposé amicalement de poursuivre ensemble, Michel la laisse seule à nouveau. - Lorsqu’il revient, Frédérique est endormie ; il la réveille en lui caressant la cheville ; elle se réveille brutalement et blesse Michel qui disparaît encore une fois. - Frédérique se retrouve à nouveau seule, dans le parking désert d’Apremont à la nuit tombante. Sur les seize minutes que dure le film, les deux personnages passent finalement très peu de temps ensemble à l’écran, principalement à cause de leur inaptitude à être avec l’autre : soit qu’ils n’ont pas envie, soit qu’ils n’ont pas envie aux mêmes moments. En repoussant Michel et le blessant à la tête alors qu’il éprouve du désir pour elle, Frédérique met involontairement fin à toute possibilité d’une rencontre. Et Michel disparaît, littéralement. Ressources • A voir également Le premier film de Pierre Denoits, Robinson (2014), où la nature est là aussi très présente : vimeo.com/151258905 Victor Hugo, Les Contemplations, A quoi songeaient les deux cavaliers dans la forêt La nuit était fort noire et la forêt très-sombre. Hermann à mes côtés me paraissait une ombre. Nos chevaux galopaient. A la garde de Dieu ! Les nuages du ciel ressemblaient à des marbres. Les étoiles volaient dans les branches des arbres Comme un essaim d'oiseaux de feu. Je suis plein de regrets. Brisé par la souffrance, L'esprit profond d'Hermann est vide d'espérance. Je suis plein de regrets. O mes amours, dormez ! Or, tout en traversant ces solitudes vertes, Hermann me dit : «Je songe aux tombes entr'ouvertes ;» Et je lui dis : «Je pense aux tombeaux refermés.» Lui regarde en avant : je regarde en arrière, Nos chevaux galopaient à travers la clairière ; Le vent nous apportait de lointains angelus; dit : «Je songe à ceux que l'existence afflige, A ceux qui sont, à ceux qui vivent. -- Moi, lui dis-je, Je pense à ceux qui ne sont plus !» Les fontaines chantaient. Que disaient les fontaines ? Les chênes murmuraient. Que murmuraient les chênes ? Les buissons chuchotaient comme d'anciens amis. Hermann me dit : «Jamais les vivants ne sommeillent. En ce moment, des yeux pleurent, d'autres yeux veillent.» Et je lui dis : «Hélas! d'autres sont endormis !» Hermann reprit alors : «Le malheur, c'est la vie. Les morts ne souffrent plus. Ils sont heureux ! j'envie Leur fosse où l'herbe pousse, où s'effeuillent les bois. Car la nuit les caresse avec ses douces flammes ; Car le ciel rayonnant calme toutes les âmes Dans tous les tombeaux à la fois !» Et je lui dis : «Tais-toi ! respect au noir mystère ! Les morts gisent couchés sous nos pieds dans la terre. Les morts, ce sont les cœurs qui t'aimaient autrefois C'est ton ange expiré ! c'est ton père et ta mère ! Ne les attristons point par l'ironie amère. Comme à travers un rêve ils entendent nos voix.»