rencontre avec l`astronaute Jean-François Clervoy
Transcription
rencontre avec l`astronaute Jean-François Clervoy
! ! - Jean-François Clervoy ! Avant de rencontrer Jean-François Clervoy, je lis son livre Histoire(s) d’espace. C’est un beau livre, parce qu’il ne présente pas seulement la phase active et triomphante des choses, mais aussi les attentes, les incertitudes, les déceptions. Il s’ouvre même là-dessus, sur un lancement qui n’a finalement pas lieu, à cause du vent et du givre. Sur ce récit-là où quelques astronautes, dont il fait partie, prennent place dans la navette, alors même qu’ils se doutent qu’il n’y a pratiquement aucune chance pour qu’il y ait une mise à feu. Et qui font les gestes, comme on le leur demande, scrupuleusement, attentivement, avec cette perspective pourtant de ce que l’on accomplit pour rien, cette menace de l’échec, du lancement qu’il faudra remettre à plus tard. C’est une scène nocturne, il y fait froid, il y a de la brume, et j’aurais aimé avoir écrit une scène comme celle-là, de lancement avorté sous les bourrasques, dans la nuit. ! Me voici donc de nouveau dans la salle d’attente du CNES, dont vous commencez à être familiers. Je vous en dis un peu plus. Sous vos pieds, court une photographie de Paris, vu d’avion. Vous reconnaissez bien l’arrondi de la Seine, qui coupe la ville en deux. Sur l’un des murs, un triptyque représente la Terre photographiée depuis l’espace. Sur un autre, un écran affiche des informations concernant des missions en cours. Je suis assise sur un fauteuil en skaï et chrome, face à un moteur, dressé là comme une statue. Arrive Jean-François Clervoy (Billy Bob, comme l’appellent ses collègues américains, qui trouvent son prénom d’une prononciation trop difficile, paraît-il). Rituel des badges et des portillons. Ascenseur (neutre, peut-être un miroir, je ne sais plus), bref couloir, bureau. Je m’installe à la petite table de réunion, sur laquelle je pose toujours ce même carnet entoilé marron qui me sert aux rencontres avec les astronautes. Sur le bureau, en bonne place, la maquette de l’Airbus A-300 Zéro-G, dans lequel ont lieu les vols paraboliques. Jean-François Clervoy tantôt reste debout, tantôt s’assied sur un coin de son bureau, tantôt se penche sur son ordinateur pour vérifier une information. Je lui pose des questions sur les éventuelles modifications de la navette Atlantis entre le moment où il a volé et la mission sur laquelle je suis en train d’écrire. Mais oui, elles sont de taille, marquées surtout par le passage d’instruments mécaniques à des instruments électroniques. L’indicateur d’altitude, tenez, par exemple, du temps où Jean-François Clervoy était sur la navette, se présentait sous la forme d’une bande physique qui défilait, eh oui, avec un pointeur. Jean-François Clervoy a longtemps vécu à Houston et travaillé dans les bureaux dans lesquels Sandra Magnus est arrivée en 1996. Elle faisait partie, à l’époque, de la promotion « sardines ». À ma demande, il me raconte la vie là-bas, le temps libre au centre sportif. Sur une feuille de papier, il me dessine les lieux, l’extension de Houston, la Gavelston Bay, la zone qui se nomme Clear Lake, le terrain d’aviation d’Ellington Field. Comme je lui dis que je dois rencontrer Sandra Magnus dans un mois à Reston, en Virginie, JeanFrançois Clervoy m’apprend qu’elle vient à Paris dans quelques jours. Il passe un coup de téléphone, me fait inviter à une conférence qu’elle s’apprête à donner à la 3AF, l’Association Aéronautique et Astronautique de France, une « société savante » qui a installé son « aéroclub » dans les beaux quartiers, du côté de l’avenue d’Iéna. Grâce à lui, je vais avoir cette occasion de voir Sandra Magnus pour la première fois. ! ! ! ! Christine Montalbetti