villes et sociétés urbaines en amérique coloniale, [cahiers d`histoire

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villes et sociétés urbaines en amérique coloniale, [cahiers d`histoire
B. GRUNBERG [ED.], VILLES ET SOCIÉTÉS URBAINES EN AMÉRIQUE
COLONIALE, [CAHIERS D’HISTOIRE DE L’AMÉRIQUE COLONIALE, N°4].
PARIS, L’HARMATTAN, 2009.
Gestation mythologique et fondation de Mexico-Tenochtitlan (P. Johansson K.)
Convergence cruciale entre la cosmologie et la chronologie, entre le mythe et l’histoire, la fondation de MexicoTenochtitlan s’enracine dans les profondeurs boueuses du lac de Texcoco, où fut lancé le cœur de Copil, le fils de la
lune, ainsi que dans l’histoire toltèque. L’analyse des péripéties qui en constituent les étapes formatives pourraient
remettre en question la date généralement attribuée à cette fondation: 2-Maison (1325). Nous reconsidérons, dans cet
article, les sources documentaires qui retracent ce que nous avons convenu d’appeler la “gestation de MexicoTenochtitlan”, d’un point de vue historique et mythologique afin de déterminer en dernière instance, quelle pourrait être
la date la plus représentative de la naissance de la nation mexica.
Les premières villes espagnoles de Nouvelle-Espagne (B. Grunberg)
La fondation d’une ville constitue la première manifestation de la colonisation espagnole. C’est un acte juridique et
politique, qui consolide la prise de possession et garantit l’occupation du sol. La fondation répond à une quadruple
volonté : implantation du pouvoir politique espagnol, protection des conquistadores et des colons à l’abri d’un centre
défensif, contrôle de l’économie d’une région plus ou moins vaste, soumission puis intégration du monde indigène dans
la vie économique, sociale, culturelle et spirituelle de la nouvelle colonie. En une décennie, les Espagnols auront fondé
ainsi une douzaine de villes, qui leur permettront de surveiller le monde indigène et de se lancer dans une colonisation
de peuplement. L’analyse des fondations de ces villes, de leur plan, de la répartition des terrains et des premières
constructions permet de cerner certaines de leurs caractéristiques, dont la trace est toujours vivante de nos jours.
Juan de Salmerón et la fondation de Puebla de los Angeles, 1531-1534 (E. Echivard)
Quel fut le rôle exact de l’auditeur Juan de Salmerón à propos de la fondation de Puebla de los Angeles, au début
des années 1530 ? Une nouvelle approche des sources, réinsérant les faits dans leur contexte, et l’établissement d’une
chronologie à travers un cadre géographique strict, celui de la Nouvelle-Espagne, ont permis de faire ressortir
l’omniprésence de ce haut fonctionnaire dans l’aboutissement de ce projet – son projet, qu’il défendit ardemment face à
ses détracteurs, qui ne manquèrent point. Idée originale car multicritère, cette fondation caractérisait parfaitement les
idéaux de la Couronne : bon traitement des Indiens et colonisation de peuplement. Mais si malgré quelques
difficultés, la réussite fut au rendez-vous, ce concept ne fut pas pour autant généralisé au Mexique.
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Les marchands indiens de Mexico à la fin du XVIe siècle. Portrait d’une catégorie sociale urbaine à l’époque
coloniale d’après le testament d’Angelina Martina (E. Roulet)
Le testament d’Angélina Martina, en date de 1580, est un des rares documents permettant d’entrevoir la place des
marchands indiens dans la société coloniale. Elle possède de nombreux biens et des produits précieux (plumes de
quetzal) qui pourraient bien attester de la permanence des marchands aztèques, les fameux pochteca.
Villes et quartiers indiens dans le Mexique colonial (F. Castro Gutiérrez)
Il y a une vaste et très diverse historiographie sur les villes du Mexique colonial. Toutefois, peu d’études se sont
occupées de leurs habitants indiens, ou quand elles l’ont fait, cela a été de manière indirecte ou anecdotique. Cet article
s’occupe de leurs origines, des manières de gouvernement, autorités, institutions et des biens communautaires. Cela
montre que les Indiens ont eu une contribution d’importance dans le développement et la conformation des villes, à tel
point que dans plusieurs cas on peut parler de villes mixtes, espagnoles et indiennes, divisées par la politique coloniale
de ségrégation. Pour conclure, l’auteur indique que la migration, la dissolution des frontières ethniques et l’urbanisme
de l’époque bourbonienne ont gravement bouleversé ces anciens “quartiers d’Indiens”, qui sont petit à petit devenus les
faubourgs pauvres des villes modernes.
L’organisation interne des palenques de Noirs dans la région de Carthagène des Indes au XVIIe siècle :
conditions de vie, structures sociales, réseaux et défense (H. Vignaux)
Dès le début de la colonisation, les esclaves noirs ont tenté de fuir leur condition et se sont rapidement organisés en
communautés autonomes également appelées palenques. Celles-ci étaient particulièrement nombreuses dans la région
de Carthagène des Indes tout au long du XVIIe siècle, en raison de la condition de grand port négrier de cette ville.
Quelques documents d’archives permettent de connaître les détails de leur organisation interne tant d’un point de vue
matériel que social. On constate, dans ces communautés, une structure très hiérarchisée avec notamment la présence de
chefs politiques et religieux mais également de Noirs employés comme esclaves. La force des palenques reposait en
partie sur les réseaux clandestins d’alliances et d’échanges matériels et économiques que les membres établissaient
généralement avec les esclaves des fermes alentour ainsi qu’avec certains maîtres qui allaient parfois jusqu’à leur
fournir des armes pour prouver leur loyauté. Toutefois, tout mouvement offensif de la part des autorités et/ou de
trahisons de ceux qui se disaient leurs alliés donnait lieu à des actes de résistance qui montrent une véritable
organisation militaire de la part des palenqueros. Avant d’engager une campagne militaire contre les “rebelles”, les
autorités essayaient de les convaincre de retourner auprès de leur maître qui leur pardonnerait. De leur côté, les
palenqueros tentaient souvent d’obtenir, par l’intermédiaire d’un prêtre, des capitulaciones qui feraient d’eux des êtres
libres. Toutes les négociations se soldaient néanmoins généralement par l’attaque des palenques, la capture de leurs
membres, la condamnation à mort de leurs chefs et le retour des autres à leur condition antérieure d’esclaves.
Propriété, conflit ecclésiastique, conflit social : les possessions des couvents et monastères à Lima, seconde moitié
du XVIIIe siècle. Le cas de la Buenamuerte (P. F. Luna)
Après avoir discuté les enjeux de la possession des biens fonds urbains et ruraux par le clergé régulier de Lima, tout
en situant la problématique générale dans le cadre de l’Ancien régime hispanique, l’auteur examine un ordre religieux
en particulier, celui des pères agonisants, et son implantation liménienne. Si l’analyse permet d’éclairer certains aspects
de l’activité économique et patrimoniale d’un ordre devenu sucrier et commerçant dans la capitale de la vice-royauté du
Pérou, elle donne aussi un coup de projecteur aux conflits internes entre les religieux. Elle permet également de faire le
lien entre ces conflits et le traitement par l’ordre de la rebellion et des revendications des esclaves, afin d’en enrichir la
compréhension.
VARIA
L’apport des procès des Indiens idolâtres à la connaissance de la religion du Mexique préhispanique : le procès de
Tacatetl et Tanixtetl (J. Contel).
L’objectif de cet article est de montrer comment à travers l’étude du procès pour idolâtrie des Otomis Tacatetl et
Tanixtetl (26 juin - 23 octobre 1536), l’on peut parvenir à recueillir des données originales, ayant subi peu
d’interpolations européennes, sur la religion des anciens Mexicains. Pour mener à bien ce travail il a fallu aborder ce
procès comme s’il s’agissait d’une “enquête ethnographique”. Les délateurs et les témoins deviennent alors des
informateurs, les actes et les comportements délictueux l’expression d’une religion, certes clandestine mais toujours en
vigueur, vingt-cinq ans après la fin de la conquête de Mexico-Tenochtitlan par Cortés.
A la recherche des prototypes perdus : pour une remise en contexte des catéchismes testériens (B. Gaillemin)
Les catéchismes pictographiques, traditionnellement nommés “testériens” en référence au franciscain fray Jacobo
de Testera, renferment des suites d’images qui permettaient aux catéchumènes et néophytes de Nouvelle Espagne de se
remémorer les prières et formulaires catholiques essentiels. Or, ces petits carnets ont souvent été isolés de leur contexte
lors de leur collecte. Cet article se propose en conséquence de faire le point sur les datations des différents éléments du
corpus tout en questionnant les indices mobilisés jusqu’à aujourd’hui pour insérer ces manuscrits dans une chronologie
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historique.
Le salut dans la mission : laïcs et évangélisation dans les Andes au XVIIe siècle (A. Maldavsky)
Cet article analyse et interprète le legs pieux d’un marchand des Andes aux jésuites dans la première moitié du
XVIIe siècle. Les 50.000 pesos de Juan Clemente de Fuentes ont une destination strictement missionnaire auprès des
Indiens des villes, ceux des campagnes, mais aussi ceux des frontières, au contact de la forêt amazonienne. Pour un
riche marchand du XVIIe siècle, célibataire et sans enfants, la charité envers les Indiens est bien sûr un moyen de faire
son salut. C’est aussi une manière de perpétuer sa mémoire en finançant l’évangélisation à l’instar du Roi, dont c’est le
devoir, mais aussi des encomenderos, descendants des conquistadors et véritable aristocratie dans la société hispanoaméricaine en formation, à laquelle le marchand aspire à ressembler. Les Indiens sont tous considérés comme des
chrétiens imparfaits. Les élites coloniales ont intériorisé une frontière religieuse qui contribue à renforcer leur statut
d’éternels néophytes, même un siècle après la conquête, justifiant ainsi leur infériorité sociale.
Religion et société dans les zones rurales de Buenos Aires vers la fin de la période coloniale (M. E. Barral)
Ce travail analyse le rôle de l’église catholique en tant que médiatrice dans les zones rurales de Buenos Aires vers
la fin de la période coloniale. Ainsi on parlera des modalités selon lesquelles elle a organisé ses différentes interventions
et de quelques-uns des outils, des pratiques et des institutions qu’elle a utilisés. En même temps on voudrait s’approcher
d’un problème majeur pour l’histoire sociale. Il s’agit des réponses – adaptées ou résistantes – élaborées par des
hommes et des femmes qui habitaient la région face à ces formes d’action ecclésiastique. Autrement dit, la
resignification des stratégies confessionnelles et l’intervention de la population rurale dans la formation d’une
religiosité locale. On parle, comme l’a dit William Christian, de religiosité en tant que produit de la négociation entre la
religion prescrite et la religion pratiquée.
“Por descargo de mi conciencia”. Dans la vie l’amour et au-delà la liberté (N. Beligand)
Cet article observe les parcours croisés de l’illégitimité et de l’esclavage dans la ville de Toluca au XVIIe siècle. Il
repose sur un corpus de testaments issus des Archives Notariales de l’Etat de Mexico, avec un centrage chronologique
sur les années 1650-1670. L’auteur observe les rapports entre ego et les êtres aimés de son entourage dans une sorte de
no man’s land, à la frontière entre parenté biologique et amours secrètes. Au seuil de la mort, les masques tombent, les
métissages du comportement amoureux sont dévoilés au grand jour.
Cultes publics et privés dans la religion des Indiens en Nouvelle-Espagne (D. Dehouve)
Cet article questionne la nature privée ou publique des cultes indiens en Nouvelle-Espagne. On y discute la théorie
de certains historiens de la période coloniale qui posent que les survivances de la religion précolombienne ne se sont
maintenues que dans le domaine privé et familial, tandis que les cérémonies publiques s’alignaient sur le catholicisme et
adoptaient le culte des saints. A l’inverse de ce point de vue, est développée une analyse de la persistance de la “royauté
sacrée” dans les “gouvernements de républiques indiennes” de la période coloniale et, en conséquence, du maintien,
sous la férule espagnole, de cultes publics marqués par des principes précolombiens. Finalement, certaines sources
capables de renseigner les historiens sur ces survivances dans les sociétés indiennes de Nouvelle-Espagne sont
présentées.
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