Culte du dimanche 20 juillet 2014 - Pasteur Marc Balz

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Culte du dimanche 20 juillet 2014 - Pasteur Marc Balz
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Dimanche 20 juillet 2014 10h Eglise française Prédication « aimer ou haïr ses parents ? »
Lecture : Job 1,1‐5 et Luc 14,25‐35
"Si quelqu’un vient à moi (sans me préférer) sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. Les traducteurs, choqués, préfèrent mettre dans nos bibles « préférer » plutôt que « haïr ». Mais quelle mouche a bien pu piquer notre Seigneur au moment d'évoquer les relations familiales ? Commençons par le début : Décalogue : honore ton père et ta mère. (non pas aime, mais honore, littéralement “donne‐leur leur place)” Jésus : tu aimeras ton prochain comme toi‐même. Voilà qui sonne juste ! Pour beaucoup de chrétiens, et même de non chrétiens, un des buts de la vie, c’est d’aimer ses proches, sa famille, ses enfants, sa vie, bref, d’aimer ce qu’on a de plus précieux. Ou bien ? Il n’y a qu’à voir les attentes des jeunes couples qui se marient, l’énergie qu’ils mettent au départ de leur couple pour que ça marche, pour que l’amour soit toujours présent. Et, à l’inverse, les souffrances que traversent certains couples lorsqu’ils découvrent que leur amour a disparu, que leur chemin se sépare. Il n’y a qu’à voir la culpabilité qu’ont ceux qui doivent placer leurs parents dans des homes : ils ont l’impression de ne plus les aimer, d’être indignes, de ne pas assumer ce qu’on attend d’eux. Donc, comme bons chrétiens que nous sommes, et comme bons catéchumènes que nous avons été, nous mettons tout en haut de notre hiérarchie l’amour du prochain, des proches, et de nous‐mêmes. Et ce faisant, nous obéissons à Dieu et nous lui montrons que nous l’aimons. Mais est‐ce si simple ? Guardini, un écrivain allemand comme son nom ne l’indique pas,écrivait : Il y a en toute chose un ennemi. Pas seulement dans les choses interdites, ou basses, ou mauvaises, mais aussi dans les bonnes choses, dans celles qui sont grandes et belles : tout contient en soi‐même un ennemi. » Job semble tant aimer ses enfants. S'ils commettent d'éventuels péchés (faire la fête, boire), alors Job veut tout réparer à leur place. Il fait ainsi peser sur eux un poids énorme, avec sa manière de les surveiller, ses sacrifices qu'il offre pour eux. Comment ses enfants vivent‐ils l'attitude de leur père apparemment si exemplaire. Sous une grosse couche d'amour et de sollicitude, Job se comporte en tyran... et il ne le sait pas Plus près de nous maintenant. Nos parents : souvent, on les aime, on les respecte, mais lorsqu’on évoque son enfance, on se souvient qu’ils n’étaient pas disponibles pour nous, que les autres passaient parfois/toujours avant nous, que peut‐être nous n’étions pas respectés, qu'il y avait des préférences, peut‐être même de la violence, et que la vie 2
d’enfance belle et insouciante que l'on évoque en réalité nous a marqué, meurtri, blessé, et qu’on en souffre encore aujourd'hui. Pas en surface, mais par derrière les apparences. Et en allant plus loin, bien des personnes se surprennent à ressentir de la haine pour leurs parents. Une haine qui se cache derrière une grosse couche d’amour, mais qui est là, pourtant, bien réelle. Et nos propres enfants : nous les aimons, évidemment. Mais parfois sous conditions : lorsqu’ils sont sages, adaptés, gentils, exemplaires, appliqués à l’école, lorsqu’ils ramènent des bonnes notes, lorsqu’ils sont polis avec leurs parents et leur entourage, lorsqu'ils rendent visite spontanément à leurs grand parents... Sans le vouloir, sans le savoir peut‐être, il nous arrive de les manipuler. Parfois, il y a des cris, des regards ou des paroles qui font mal. Parfois, on se désintéresse d’eux, de ce qu'ils vivent, de leurs relations, de comment ils vont. Parfois, ils nous énervent, nous mettent hors de nous, il peut même y avoir du chantage, de la violence. Et tout ça sous une grosse couche d’amour. Il y a aussi une part de nous qui ne les aime pas autant qu'on le dit ou qu'on l'aimerait. Alors lorsque Jésus nous dit : "Si quelqu’un vient à moi sans haïr son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs, et même à sa propre vie, il ne peut être mon disciple. », ne sommes‐nous pas malgré nous en train de lui obéir ? Et vous sentez que mes propos grincent... Alors quoi ? Comment comprendre ? Comment sortir de cette impasse ? Jésus je crois veut nous dire ceci : quand la famille passe avant tout le reste, elle devient idolâtre, donc ennemie de Dieu. Cette famille‐là, ce petit cocon intime et étouffant, qui ne fait plus de place aux autres, n’est pas acceptée par le Christ. C’est le verset 33 qui nous met sur la piste : "De la même façon, quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple. Frères et soeurs : nos parents, notre conjoint, nos enfants, notre famille... ne nous appartiennent pas ! Il faut haïr cette croyance horrible selon laquelle nos proches nous appartiendraient. En fait, pour Jésus, il y a une forme de mort à nos proches et à nous‐même qui constitue un passage obligé, comme un vendredi saint des relations fausses qu'il faut crucifier, avant d'arriver à une Pâque familiale. Haïr ce qui nous appartient, c’est lâcher prise, c'est un acte par lequel nos proches, notre famille nos enfants, notre conjoint redevient libres. Non plus notre possession, mais libre. Il y a donc une mort par laquelle nous devons passer, une croix: lâcher nos proches, et mettre au premier plan de notre vie Dieu lui‐même, celui qui est tout amour et qui donne la vie. Et en traversant cette mort, une mort à un amour qui étouffe et casse l’autre, nous parviendrons, dans nos relations, dans nos familles, à Pâques, où la vie ressurgira, avec des relations vrais, libres, souples, où l’autre peut vivre, et Dieu avoir sa place au centre. Quiconque parmi vous ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut être mon disciple. Voilà F&S la bonne nouvelle d'aujourd'hui ! Amen Marc Balz