Lectures analytiques La question de l`homme dans les genres de l

Transcription

Lectures analytiques La question de l`homme dans les genres de l
Problématique
Comment ces poèmes nous sensibilisent-ils aux faits
d’actualité ? Quel nouveau regard proposent-ils ?
La question de l’homme dans les genres de l’argumentation du
XVIème s. à nos jours
& La poésie – quête du sens
Documents complémentaires
Pourquoi écrire de la poésie engagée ?
La Poésie et la Guerre
DOC C : Apollinaire « La colombe poignardée et le jet d’eau »,
Calligrammes (1918)
DOC D : Desnos, « ce cœur qui haïssait la guerre » (1943)
Lectures analytiques
1. extrait du chant I de La quête infinie de l’autre rive, Sylvie
Kandé (2011)
2. extrait du chapitre 30 de la description de l’omme, Jacques
Rebotier (2011)
Activités complémentaires
Recherche d’une forme poétique qui conviendrait à un fait
d’actualité que l’élève aurait envie de développer.
Séquence 6 – Une bouteille à la mer
DOC A : Hugo, Lettre à Hetzel
DOC B : Hugo, extrait de « Fonction du Poète », Les Rayons et
les ombres (1840)
Séquence 6 – Une bouteille à la mer
LECTURE ANALYTIQUE 1
Sylvie Kandé, la quête infinie de l’autre rive
5
Ils rament désormais sans chanson ni ahan1
Depuis combien de temps… savoir… combien de saisons…
depuis combien d’îles-mirages apportées par les vents
ramaient-ils repus2 de roulis3 et gavés d’embruns4…
Mémoire brouillée de ce-que-c’est-que-d’avoir-les-pieds-sur-terre
et paupières en chamade5
ils ne se soucient plus à présent que de la vague qui va
se dérobe
et revient
10 Paysans qui sur le tard s’étaient faits marins
ils cadencent6 leurs corps
pour fendre de la pointe gâtée de l’aviron
les mottes violettes de la grande savane salée
que nul sillon ne marque
15 où nulle semence ne lève
(Mais à dire la mer
peu siéraient7 les mots de la terre)
Au point de ce rêve
ils étaient une myriade8
20 ni plus ni moins
qui passèrent en riant la barre de corail et ses fleurs vermeilles :
n’en restent que trois barques en dérade9
pleines mais pleines à chavirer
À pagayer leurs bras se sont faits pagaies
25 rivées dru à leurs torses noueux et bruns
et leurs pieds mangés de sel ne sont plus que moignons
qui ventousent au creux de la coque par le vif des sept plaies10
Du vertige de leurs douleurs ils puisent encore la force de ramer :
oh le zèle hautain de ceux qui connaissent leur mort
30 approcher et préfèrent regarder au-delà du certain
Sylvie Kandé, chant I, La quête infinie de l’autre rive (2011)
1. Ahan : cri poussé pendant un effort physique
2. Repus : rassasiés
3. roulis : mouvement des vagues
4. Embruns : gouttelettes portées par le vent lorsque les vagues se brisent
5. Paupières en chamade : paupières qui battent à un rythme accéléré
6. Cadencent : rythment
7. Siéraient : conviendraient
8. Une myriade : un nombre immense
9. En dérade : à la dérive
10. Référence aux sept plaies du christ (aux mains, aux pieds par les clous de la croix lors de sa crucifixion s’ajoutent les plaies causées par la
couronne d’épines, les coups de fouet et la lance qui transperça son flanc gauche.)
Séquence 6 – Une bouteille à la mer
LECTURE ANALYTIQUE 2
J. Rebotier, description de l’omme
[Selon la présentation de l’auteur description de l'omme est une encyclopédie médiévale écrite au vingt-deuxième siècle, par un papillon, ou une
grenouille.]
30. ETATS DU MONDE, ETATS DU MONDE.
[…]
30.3
Lorsqu’un pays est trop immergé, il se noie. C’est-à-dire qu’il ne peut plus rien (nous) acheter.
30.4
Quand on a bien noyé un état, ses habitants essaient de flotter sur des bouées, s’accrochent à des espoirs, ou radeaux,
tentent de s’enfuir en bateau de fortune pour la trouver ailleurs.
30.5
Pour émerger : émigrer.
30.6
Choix : immergé ou immigré. Vous choisissez ?
30.7
Timing.
Lorsque le pays d’accueil n’a plus besoin de main-d’œuvre à bas prix, ou si le marché noir de ressources humaines
parallèles est provisoirement engorgé, on procède à des expulsions.
30.8
Les politiques d’expulsion seront volontiers impulsées par des habitants de souche, lesquels sont des immigrés moins
récents, j’étais là avant.
30.8.1
Mer-air : charter
Sol-sol : reconduction à la frontière (moins efficace)
Sol-mer : bouteilles humaines à la déchetterie océan (attend l’aval du parlement)
Sol-air : expulsion par fusée (trop onéreux)
Air-air : désintégration (in flight)
30.8.1.1
Droit du sol : Terre !
Droit du sang : Feu !
30.9
Les capitaux ne connaissent de frontières
Les bas-de-casse : cassos.
(CHANSON DE CAPITALES.)
30.10
Non, non, toute la richesse du monde n’a pas vocation à recueillir toute la misère du monde.
30.11
Charte du charter.
Les habitants de souche sont des habitués.
Les habitants de souche sont des carnets à souche.
30.12
Les marchands de sommeil ne seront pas inquiétés.
Les marchands de sable ne seront pas réveillés.
30.13
Les marchands de vent seront reconduits. (À la frontière.)
Les marchands de sang seront reconduits. (Par élection, voir 31.)
30.14
Les politiques d’accueil seront remplacés par une politique de cercueil, plus parallélépipédiques.
[Voir Planches.]
Jacques Rebotier extrait du chapitre 30 de description de l’omme (2011)
Séquence 6 – Une bouteille à la mer
DOCUMENTS COMPLEMENTAIRES
DOC A : Victor Hugo, Lettre à Hetzel
[Dans cet extrait d’une lettre qu’il écrit en réponse à son éditeur Hetzel -exilé en Belgique -, Victor Hugo – exilé à Jersey
- précise le rôle que doit jouer, dans Les Châtiments,l’écriture poétique.]
Ce livre-ci sera violent. Ma poésie est honnête mais pas modérée.
J’ajoute que ce n’est pas avec de petits coups qu’on agit sur les masses. J’effaroucherai le bourgeois peutêtre, qu’est-ce que cela me fait si je réveille le peuple ? Enfin n’oubliez pas ceci : je veux avoir un jour le
droit d’arrêter les représailles, de me mettre en travers des vengeances, d’empêcher, s’il se peut, le sang de
couler, et de sauver toutes les têtes, même celle de Louis Bonaparte. Or, ce serait un pauvre titre que des
rimes modérées. Dès à présent, comme homme politique, je veux semer dans les cœurs, au milieu de mes
paroles indignées, l’idée d’un châtiment autre que le carnage. Ayez mon but présent à l’esprit : clémence
implacable.
DOC B : Victor Hugo, extrait de « Fonction du poète », Les Rayons et les ombres, 1840
[…]
Peuples ! écoutez le poète !
Ecoutez le rêveur sacré !
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé.
5 Des temps futurs perçant les ombres,
Lui seul distingue en leurs flancs sombres
Le germe qui n'est pas éclos.
Homme, il est doux comme une femme.
Dieu parle à voix basse à son âme
10 Comme aux forêts et comme aux flots.
C'est lui qui, malgré les épines,
L'envie et la dérision,
Marche, courbé dans vos ruines,
Ramassant la tradition.
15 De la tradition féconde
Sort tout ce qui couvre le monde,
Tout ce que le ciel peut bénir.
Toute idée, humaine ou divine,
Qui prend le passé pour racine,
20 A pour feuillage l'avenir.
Il rayonne! il jette sa flamme
Sur l'éternelle vérité !
Il la fait resplendir pour l'âme
D'une merveilleuse clarté.
25 Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre11 et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs ;
A tous d'en haut il la dévoile;
Car la poésie est l'étoile
30 Qui mène à Dieu rois et pasteurs !
11. Louvre : palais des rois de France à Paris.
DOC C : Apollinaire « colombe poignardée et jet d'eau », Calligrammes (1918)
En novembre 1914, Apollinaire (Wilhelm de Kostrowitzky) s’engage dans la Grande Guerre. Blessé, il meurt
en 1918, après avoir publié ses Calligrammes, emporté par une grippe infectieuse. Vous pouvez lire ci-contre
l’un de ces calligrammes.
DOC D : Robert Desnos, « Ce cœur qui haïssait la guerre » (1943)
[Le poème, signé sous le pseudonyme de Pierre Audier, paraît la première fois le 14 juillet 1943 dans la revue
clandestine L’honneur des poètes. Poursuivi pour ses activités de résistant, Robert Desnos est arrêté à son
domicile le 22 février 1944 par la Gestapo et envoyé au camp de Terezin en Tchecoslovaquie où il meurt en
juin 1945. le poème sera publié sous le véritable nom du poète dans le recueil posthume Destinée arbitraire
en 1975.]
Séquence 6 – Une bouteille à la mer
Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu'il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du
jour et de la nuit,
Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine
Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent
Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne
Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat.
Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c'est le bruit d'autres cœurs, de millions d'autres cœurs battant comme le mien à
travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d'ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l'ombre à la besogne que l'aube proche leur
imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons
et des marées, du jour et de la nuit.