Corrigé francais 2007

Transcription

Corrigé francais 2007
Une visite au pénitencier
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Le visiteur pénitentiaire du centre de Cléricourt m'avait prévenu : « Ils ont tous fait de grosses
bêtises : terrorisme, prise d’otages, hold-up. Mais en dehors de leurs heures d’atelier de menuiserie, ils
ont lu certains de vos livres, et ils voudraient en parler avec vous. » J'avais donc rassemblé mon
courage et pris la route pour cette descente en enfer. Ce n'était pas la première fois que j’allai en
prison. Comme écrivain, s’entend, et pour m'entretenir avec ces lecteurs particulièrement attentifs, des
jeunes détenus. J’avais gardé de ces visites un arrière-goût d’une âpreté insupportable. Je me
souvenais notamment d’une splendide journée de juin. Après deux heures d’entretien avec des êtres
humains semblables à moi, j’avais repris ma voiture en me disant : « Et maintenant on les reconduit
dans leur cellule, et toi tu vas dîner dans ton jardin avec une amie. Pourquoi ? »
On me confisqua mes papiers, et j’eus droit en échange à un gros jeton numéroté. On promena
un détecteur de métaux sur mes vêtements. Puis des portes commandées électriquement s’ouvrirent et
se refermèrent derrière moi. Je franchis des sas. J’enfilai des couloirs qui sentaient l’encaustique. Je
montai des escaliers aux cages tendues de filets, « pour prévenir les tentatives de suicide », m’expliqua
le gardien.
Ils étaient réunis dans la chapelle, certains très jeunes en effet. Oui, ils avaient lu certains de
mes livres. Ils m’avaient entendu à la radio.
« Nous travaillons le bois, me dit l'un d'eux, et nous voudrions savoir comment se fait un livre. »
J'évoquai mes recherches préalables, mes voyages, puis les longs mois d'artisanat solitaire à ma table
(manuscrit = écrit à la main). Un livre, cela se fait comme un meuble, par ajustement patient de pièces
et de morceaux. Il y faut du temps et du soin.
- Oui, mais une table, une chaise, on sait à quoi ça sert. Un écrivain, c’est utile ?
II fallait bien que la question fût posée. Je leur dis que la société est menacée de mort par les
forces d'ordre et d'organisation qui pèsent sur elle. Tout pouvoir - politique, policier ou administratif est conservateur. Si rien ne l'équilibre, il engendrera une société bloquée, semblable à une ruche, à une
fourmilière, à une termitière. Il n’y aura plus rien d’humain, c'est-à-dire d’imprévu, de créatif parmi les
hommes. L'écrivain a pour fonction naturelle d’allumer par ses livres des foyers de réflexion, de
contestation, de remise en cause de l'ordre établi. Inlassablement il lance des appels à la révolte, des
rappels au désordre, parce qu'il n'y a rien d'humain sans création, mais toute création dérange. C'est
pourquoi il est si souvent poursuivi et persécuté. Et je citai François Villon, plus souvent en prison
qu'en relaxe, Germaine de Staël, défiant le pouvoir napoléonien et se refusant à écrire l'unique phrase
de soumission qui lui aurait valu la faveur du tyran, Victor Hugo, exilé vingt ans sur son îlot. Et Jules
Vallès, et Soljenitsyne et bien d'autres.
- Il faut écrire debout, jamais à genoux. La vie est un travail qu'il faut toujours faire debout, disje enfin.
L’un d’eux désigna d’un coup de menton le mince ruban rouge de ma boutonnière.
- Et ça ? C’est pas de la soumission ?
La Légion d’honneur ? Elle récompense, selon moi, un citoyen tranquille, qui paie ses impôts et
n’incommode pas ses voisins. Mais mes livres, eux, échappent à toute récompense, comme à toute loi.
Et je leur citai le mot d’Erik Satie. Ce musicien obscur et pauvre détestait le glorieux Maurice Ravel
qu’il accusait de lui avoir volé sa place au soleil. Un jour Satie apprend avec stupeur qu’on a offert la
croix de la Légion d’honneur à Ravel, lequel l’a refusée. « Il refuse la Légion d’honneur, dit-il, mais
toute son œuvre l’accepte. » Ce qui était très injuste. Je crois cependant qu’un artiste peut accepter
pour sa part tous les honneurs, à condition que son œuvre, elle, les refuse.
On se sépara. Ils promirent de m'écrire. Je n'en croyais rien. Je me trompais. Ils firent mieux.
Trois mois plus tard, une camionnette du pénitencier de Cléricourt s'arrêtait devant ma maison. On
ouvrit les portes arrière et on en sortit un lourd pupitre de chêne massif, l'un de ces hauts meubles sur
lesquels écrivaient jadis les clercs de notaires, mais aussi Balzac, Victor Hugo, Alexandre Dumas. Il
sortait tout frais de l'atelier et sentait bon encore les copeaux et la cire. Un bref message
l'accompagnait : « Pour écrire debout. De la part des détenus de Cléricourt ».
Michel Tournier, « Écrire debout » in Le Médianoche
amoureux, Gallimard, 1989.
FRANCAIS
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FRANCAIS
QUESTION N°1
Ce texte est extrait :
A
B
C
D
D’un roman historique
D’une étude sociologique
D’une autobiographie
D’un reportage
QUESTION N°2
Selon cet extrait, laquelle de ces affirmations est juste, ou lesquelles sont justes ?
A
B
C
D
L’écrivain doit s’engager dans son œuvre
L’écrivain doit s’opposer systématiquement au pouvoir en place
Le travail de l’écrivain s’apparente à celui d’un artisan
L’écrivain doit contribuer à la stabilité sociale
QUESTION N°3
Dans le texte, les détenus :
A
B
C
D
Ont compris l’essentiel du message de Michel Tournier
Ont compris que Michel Tournier avait besoin d’un meuble
Ont montré qu’ils avaient de l’humour
Ont su exprimer leur complicité avec Michel Tournier
QUESTION N°4
A propos de la Légion d’honneur, Michel Tournier pense :
A
B
C
D
Qu’elle doit récompenser les écrivains
Qu’elle peut récompenser les hommes que sont les écrivains
Qu’elle ne peut pas récompenser des œuvres
Que les écrivains se doivent de la refuser
FRANCAIS
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QUESTION N°5
L’auteur affirme qu’« il faut écrire debout » (l. 33) :
A
B
C
D
Parce que c’est une tradition issue des plus grands auteurs
Parce que c’est plus confortable d’utiliser un meuble adapté
Parce que c’est le seul moyen d’écrire des textes de qualité
Parce que l’écrivain ne doit se soumettre ni à l’ordre établi ni à l’opinion
QUESTION N°6
Selon l’auteur, sans la réflexion suscitée par les écrivains :
A
B
C
D
La société sombrerait dans le désordre
La société deviendrait inhumaine
Les inégalités s’aggraveraient
Les hommes se comporteraient avec bestialité
QUESTION N°7
A la ligne 12, l’auteur enfile «des couloirs qui sentaient l’encaustique », à la ligne 48, il reçoit un pupitre
qui « sentait bon encore les copeaux et la cire » :
A
B
C
A travers ces deux expressions, l’auteur compare les couloirs et le pupitre
La deuxième expression comporte une connotation moins positive que la première
Le rapprochement de ces deux expressions montre une évolution des sentiments de l’auteur
entre le début et la fin de l’histoire
QUESTION N°8
A la ligne 13, « pour prévenir les tentatives de suicide » est entre guillemets :
A
B
C
D
Parce que l’auteur veut rapporter les propos du gardien avec exactitude
Parce que l’auteur veut marquer son désaccord avec le gardien
Parce qu’il s’agit d’une citation
Parce que les propos appartiennent au passé
QUESTION N°9
Les deux phrases «Oui, ils avaient lu certains de mes livres. Ils m’avaient entendu à la radio.» (l. 15-16) :
A
B
C
D
Sont au discours direct
Sont au discours indirect
Sont au discours indirect libre
Sont du discours narrativisé
FRANCAIS
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QUESTION N°10
Dans la parenthèse de la ligne 19 :
A
B
C
D
L’auteur fait un aparté
L’auteur donne l’étymologie d’un mot
L’auteur évoque le travail de l’écrivain
L’auteur explique l’emploi du mot « table »
QUESTION N°11
La phrase « Et maintenant on les reconduit dans leur cellule, et toi tu vas dîner dans ton jardin avec une
amie. Pourquoi ? » (l. 8-9) :
A
B
C
D
Marque une opposition entre le sort des détenus et celui de l’auteur
Montre que Michel Tournier se réjouit d’être libre
Est un monologue intérieur
Pose une question rhétorique
QUESTION N°12
Dans l’expression «avec des êtres humains semblables à moi» (l. 7-8), l’auteur :
A
B
C
D
Signifie que lui aussi pourrait devenir un criminel comme eux
Admet que les détenus sont des êtres humains, certes, mais pas des hommes, à cause de leurs crimes
Prend conscience que les détenus et lui-même sont fondamentalement semblables
Regrette que les détenus soient en prison alors que ce sont des êtres humains
QUESTION N°13
L’expression « me dit l’un d’eux » (l. 17) est :
A
B
C
D
Une proposition subordonnée
Une proposition incise
Une proposition relative
Une proposition complétive
QUESTION N°14
Dans la phrase, « Je leur dis que la société est menacée » (l. 22), leur est :
A
B
C
D
Un pronom personnel
Un pronom possessif
Un adjectif possessif
Un pronom réfléchi
FRANCAIS
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QUESTION N°15
Dans l’expression « la question fût posée » (l. 22), le verbe est conjugué au :
A
B
C
D
Subjonctif imparfait voix passive
Subjonctif imparfait voix active
Subjonctif plus-que-parfait voix active
Subjonctif plus-que-parfait voix passive
QUESTION N°16
Dans la tournure « Je n’en croyais rien. Je me trompais. » (l. 44), le rapport logique est :
A
B
C
D
La cause
La conséquence
La concession
L’opposition
QUESTION N°17
A la ligne 29, « persécuté »
A
B
C
D
Est synonyme de « poursuivi »
Appartient à une tournure passive
Appartient à la même famille que le mot « percussion »
A la même étymologie latine que « poursuivi »
QUESTION N°18
François VILLON (l. 29) est :
A
B
C
D
Un dramaturge du XVe siècle
Un dramaturge du XIXe siècle
Un poète français du XVe siècle
Un poète français du XIXe siècle
QUESTION N°19
La figure de style « allumer par ses livres des foyers de réflexion » (l. 26) est :
A
B
C
D
Une image
Une anaphore
Une métaphore
Une anacoluthe
FRANCAIS
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QUESTION N°20
A la ligne 40, « qu’ » :
A
B
C
D
Est une conjonction de subordination et introduit une subordonnée complétive
Est un pronom relatif qui a pour antécédent « musicien »
Est un pronom relatif complément d’objet direct du verbe « accusait »
Est une conjonction de subordination qui a pour antécédent le nom « Maurice Ravel »
QUESTION SUPPRIMEE
FRANCAIS
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