Diagnostic de sinusite aiguë bactérienne : savoir s`arrêter à la clinique

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Diagnostic de sinusite aiguë bactérienne : savoir s`arrêter à la clinique
Diagnostic de sinusite aiguë bactérienne : savoir s’arrêter à la clinique
G Le diagnostic clinique de sinusite
aiguë bactérienne est probabiliste,
fondé sur divers signes évocateurs,
dont aucun n’est discriminant. Chez
les patients en bonne santé par ailleurs et sans signe clinique de complication, l’imagerie n’apporte pas
grand-chose de plus que la clinique.
Une sinusite est une inflammation
d’une des cavités paranasales de la face
que sont les sinus maxillaires, frontaux,
ethmoïdes et sphénoïdes (a). Il est habituel de distinguer les sinusites aiguës,
lorsque les symptômes durent depuis
moins de 4 semaines, des sinusites
subaiguës ou chroniques (1).
Un faisceau d’arguments cliniques.
Bien souvent les symptômes de sinusite
se résument initialement à une congestion ou un écoulement nasal, une gêne
rhinopharyngée ou un écoulement dans
le pharynx, des troubles de l’odorat (1).
Ces symptômes orientent vers une affection de la sphère ORL, une rhinite, une
rhinopharyngite, une sinusite, ou vers
leur association en rhinosinusite. Fièvre
et fatigue évoquent une atteinte infectieuse, virale ou bactérienne.
L’association de ces symptômes à des
douleurs faciales ou dentaires oriente
vers le diagnostic de rhinosinusite maxillaire, mais ces signes sont peu spécifiques (1). Des céphalées sus-orbitaires
intenses évoquent une sinusite frontale (b).
Quelques signes cliniques renforcent
le diagnostic probabiliste de sinusite :
œdème périorbitaire, rougeur localisée
de la face, majoration des douleurs par
la pression ou la percussion (2). À l’examen de la cavité nasale, souvent difficile
en raison de la congestion, certains
signes sont en faveur d’une sinusite bactérienne : une muqueuse nasale inflammatoire ; un écoulement nasal purulent,
surtout si le pus est issu du méat du sinus
maxillaire ; des anomalies anatomiques
(déviation de la paroi nasale, polypes,
etc.) (2,3,4). La transillumination des
sinus maxillaires est peu utile (c).
Attention aux complications. Une
complication de la sinusite est à évoquer
et à rechercher par des examens spécialisés, lorsque les signes de sinusite
s’accompagnent d’une inflammation douloureuse de la face en regard d’un sinus,
d’une inflammation périorbitaire, de troubles oculaires (diplopie, tuméfaction de
l’orbite, déviation des globes oculaires),
ou de troubles neurologiques (5). Les
autres signes d’alerte ne sont pas bien
définis. Chez des patients qui ont des
signes de sinusite, une fièvre très élevée
et une douleur faciale intense sont aussi
mentionnées comme évocateurs de complications (6).
Parfois bactériennes, mais aussi
bien d’autres causes. Les sinusites
bactériennes sont souvent des surinfections à une infection virale.
Les autres causes de sinusite sont :
allergiques, vasomotrices, médicamenteuses (vasoconstricteurs nasaux, bêtabloquants, antihypertenseurs, contraceptifs estroprogestatifs), mécaniques
(corps étranger, polype, tumeur), hormonales (grossesse, hypothyroïdie),
inflammatoires (sarcoïdose, pathologie
auto-immune), toxique (inhalation de
cocaïne), etc. (1,7).
Une cause particulière de sinusite bactérienne est la sinusite maxillaire secondaire à une infection dentaire à proximité
du sinus (2).
Imagerie le plus souvent peu utile.
L’imagerie radiologique est rarement justifiée chez les patients en bonne santé
par ailleurs et sans signe clinique de
complication. Les résultats sont à peine
plus contributifs au diagnostic que l’examen clinique (2,8,9). La radiographie et
le scanner des sinus mettent en évidence des anomalies des sinus, telles
qu’un épaississement muqueux, un
niveau hydroaérique ou l’opacification
complète d’une cavité. Mais ces signes
ne sont pas spécifiques et ne permettent
pas de confirmer l’origine bactérienne (7).
Endoscopie et prélèvements quand
les enjeux sont importants. L’endoscopie nasale, voire des sinus, à l’aide
d’un endoscope souple, est un moyen de
mieux visualiser les muqueuses, de repérer d’éventuelles anomalies telles qu’un
polype, et d’effectuer des prélèvements
bactériologiques (1). C’est un examen
relativement invasif. Il est justifié en cas
de problème thérapeutique particulier.
Ne pas trop en faire en l’absence de
conséquences thérapeutiques. En pratique, ni la clinique ni l’imagerie ne sont
performantes pour le diagnostic d’une
sinusite aiguë bactérienne. Lorsque les
enjeux thérapeutiques ne justifient pas
d’examen invasif ou coûteux, mieux vaut
savoir se contenter de l’examen clinique,
gérer l’incertitude, et réviser la stratégie
en cas d’évolution défavorable.
©Prescrire
a- Les sinus de la face sont des cavités qui se drainent dans
les fosses nasales. On distingue les sinus maxillaires, dans
le maxillaire supérieur entre la mâchoire supérieure et le
plancher des orbites oculaires ; les sinus frontaux, dans l’os
frontal, au-dessus du plafond des orbites. Les sinus sphénoïdes sont situés derrière les orbites, et les sinus ethmoïdes
contre leur paroi interne (réf. 3).
b- Les céphalées dues aux inflammations des sinus sphénoïdes et ethmoïdes n’ont pas de caractère spécifique (réf. 2).
c- La transillumination consiste à rechercher l’opacité des
sinus maxillaires, par l’application d’une source lumineuse sur la pommette du patient et à vérifier si le palais
est illuminé. Ses performances sont variables selon les opérateurs et le contexte d’examen. Elle ne renseigne pas sur
la cause de l’opacité du sinus (réf. 3,4).
1- Slavin RG et coll. “The diagnosis and management of sinusitis : a practice parameter update” J
Allergy Clin Immunol 2005 ; 116 (6 suppl.) : 13-47.
2- Alberta clinical practice guideline working group
“Guideline for the diagnosis and management of
acute bacterial sinusitis” January 2008 : 20 pages.
3- Williams JW et Siwel DL “Does this patient have
sinusitis ? Diagnosing acute sinusitis by history and
physical examination” et “Update : sinusitis”. In :
“The rational clinical examination. Evidence-based
diagnosis” McGraw Hill Medical, New York 2009 :
593-603.
4- Lindbæck M et Hjortdahl P “The clinical diagnosis
of acute purulent sinusitis in general practice. A
review” Br J Gen Pract 2002 ; 52 : 491-495.
5- Wagenmann M et Naclerio RM “Complications
of sinusitis” J Allergy Clin Immunol 1992 ; 90 (3, part
2) : 552-554.
6- “Sinusitis“. In : “Martindale The complete drug
reference” The Pharmaceutical Press, London. Site
www.medicinescomplete.com consulté le 31 décembre 2009 : 2 pages.
7- Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé “Antibiothérapie par voie générale
en pratique courante dans les infections respiratoires hautes de l’adulte et de l’enfant. Argumentaire et Recommandations : octobre 2005 : 2 pages
+ 20 pages.
8- Bhattacharyya T et coll. “Relationship between
patient-based descriptions of sinusitis and paranasal
sinus computed tomographic findings” Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1997 ; 123 (11) : 11891192.
9- Engels EA et coll. “Meta-analysis of diagnostic
tests for acute sinusitis” J Clin Epidemiol 2000 ; 53
(8) : 852-862.
LA REVUE PRESCRIRE MARS 2010/TOME 30 N° 317 • PAGE 205
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