CimENTS HoLCim : CoNTRoVERSE à LA RoCHELLE TAbLE RoNdE

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CimENTS HoLCim : CoNTRoVERSE à LA RoCHELLE TAbLE RoNdE
N°111 VALEURS VERTES
Débat
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Ciments Holcim : controverse
à La Rochelle
La Rochelle est une ville chargée d’histoire qui a conservé
un extraordinaire ensemble de rues médiévales. Les deux
tours gardent toujours l’entrée du port peint par Vernet
mais, depuis deux siècles, c’est le port de La Pallice, au
bout de la zone industrielle à 3 ou 4 km du centre ville,
qui est devenu un centre actif d’échanges de marchandises, grumes des bois exotiques et céréales de la plaine
de Surgères. Ce port a même été la cause, pendant la
dernière guerre, de combats violents puisqu’il abritait
une base sous-marine allemande. Aujourd’hui, il élargit
son emprise et veut accueillir des établissements industriels ou commerciaux qui pourront à terme, revitaliser
le tissu d’emplois pérennes. En lisant un dossier récem-
ment paru dans Le Point (semaine du 14 avril 2011),
où étaient énumérés les « Dix sujets qui fâchent », nous
sommes tombés sur le projet du cimentier Holcim, une
usine de broyage de clinker (cf.p 43) sur le port autonome de La Pallice qui cristallise beaucoup de ressentiments. Nous avons organisé une table ronde réunissant
les initiateurs du projet, des membres d’associations
concernées, des élus locaux et des experts indépendants,
pour mieux comprendre les enjeux environnementaux,
sanitaires, économiques et paysagers du projet.
Danielle Nocher
Table ronde
Au Grand Port Maritime de La Rochelle, les premiers travaux ont commencé. L’usine
du cimentier suisse Holcim devrait être opérationnelle en 2013, mais certains riverains
et élus ne l’entendent pas de cette oreille.
Par Laure Verhaeghe - Photos Eric Nocher
A l’ouest de La Rochelle, dans ce quartier de La Pallice où
se concentrent des activités industrielles et portuaires, les
projets d’aménagement exaspèrent les riverains. Qu’ils
soient Rochelais ou Rétais, certains ne décolèrent pas :
après l’annonce de l’implantation de 4 nouvelles cuves de
stockage de pétrole, ils ont appris qu’une unité de broyage
de clinker* avait obtenu un permis de construire. Ils estiment avoir été mis à l’écart de projets opaques : l’enquête
publique concernant le projet d’Holcim est passée inaperçue, quelques jours après le passage de la tempête Xynthia.
« Les réunions d’information en amont de l’obtention du permis de construire n’ont pas été assez nombreuses », considère
l’écrivain Raymond Bozier, vice-président de l’association
Respire. Cette association s’est constituée en septembre
2009, suite à des mesures de qualité de l’air révélant une
pollution atmosphérique liée à l’importation et au stockage d’hydrocarbures.
4 sites SEVESO à La Rochelle
Le coupable présumé, c’est la société Picoty (stations service Avia) qui possède une capacité de stockage de
240 000 m3 de produit raffiné au port de La Pallice et a
obtenu l’implantation de nouvelles cuves. 40 000 m3 supplémentaires, ce fut la goutte de trop pour les riverains du
quartier de Chef de Baie : quatre sites SEVESO seuil haut
(Rhodia, Gratecap, SDLP et Picoty) existent déjà sur ce
territoire rochelais où résident 8 000 personnes. Au projet
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de Picoty s’ajoutent ceux d’un stockage d’engrais liquide,
d’un site pilote d’agrocarburant et de l’usine d’Holcim.
« Nous avons tiré le fil Picoty pour découvrir une pelote de
laine, constituée de tous ces projets dont nous n’avions pas eu
vent au préalable. Quelle est la place accordée aux citoyens
dans ces accords entre industriels et politiques ? » s’interroge,
indigné, Raymond Bozier. Il considère que jamais l’usine
d’Holcim n’aurait dû s’implanter sur le port de La Pallice,
pour des raisons de pollutions de l’eau, de l’air et du
paysage.
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Gérard Letellier, président d’Holcim France
Le Grand Ouest, un marché porteur
Gérard Letellier, président d’Holcim France depuis plus
d’un an, revient de 15 années en Asie quand il prend
connaissance du dossier. Comme l’avait fait son prédécesseur, il se rend alors à Rivedoux-Plage, commune de l’île
de Ré dont la plage sud fait face au Grand Port Maritime
de La Rochelle, pour se faire une idée de l’impact paysager
du projet. Il y est accueilli par une banderole « Non à Holcim ». « Notre groupe étant reconnu comme particulièrement
précautionneux en matière de développement durable, je voulais me rendre compte sur place des impacts environnementaux et paysagers de la future usine », souligne-t-il. Holcim,
présent en France depuis 85 ans, possède près de 200 sites
industriels dans l’Hexagone. Investissement de 70 millions
d’€, l’unité en construction à La Rochelle doit broyer du
clinker, composant du ciment, en provenance des usines
européennes d’Holcim. Un centre de broyage s’apparente
à un moulin qui broie et mélange des matières minérales.
C’est l’étape ultime du processus de production : il n’y
aura donc pas de phase de cuisson sur ce site. « Le broyage
doit se situer à proximité des marchés pour réduire les coûts et
Holcim
Holcim France fait partie du groupe suisse Holcim Ltd, acteur majeur dans la production de ciment,
granulats, béton prêt à l’emploi et des services associés. Dans le monde, Holcim emploie 80 000 personnes
dans 70 pays. Holcim France compte 1 800 collaborateurs et :
• 5 cimenteries à Altkirch, Dannes, Lumbres, Héming, et Rochefort-sur-Nenon
• 3 centres de broyage à Grand Couronne, Ebange et Dunkerque
• 1 terminal d’importation à Montoir de Bretagne
• 2 terminaux d’exportation à Dunkerque et à Boulogne-sur-Mer
• 2 plates-formes de traitement des déchets (Geocycle Saint-Etienne du Vauvray, Héming)
• 137 centrales à béton
• 46 sites de granulats.
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LHOUMEAU
LAGORD
Aéroport
Rivedoux
Plage
Futur centre
de broyage Holcim
Port de La Rochelle
Île de Ré
Vieux port
Zone industrielle
Chef de Baie
Raymond Bozier, écrivain, vice-président
de l’association Respire
LA ROCHELLE
les impacts du transport », rappelle Gérard Letellier. Holcim
a identifié le Grand Ouest comme un marché porteur, la
vitesse des constructions y étant inférieure aux besoins liés
à la croissance démographique. Les capacités de production locales, pour l’instant partagées entre trois cimenteries, ne seront pas suffisantes pour répondre à la demande,
estime Holcim. L’implantation de cette nouvelle unité, qui
emploiera une vingtaine de personnes, ne diminuerait
donc pas l’activité des cimenteries existantes. « Suite à une
étude de marché examinant les possibilités d’implantation entre Bordeaux et Lorient, nous avons opté pour le Grand Port
Maritime de La Rochelle, l’un des rares de la côte Atlantique
Le ciment en chiffres
Produire une tonne de ciment nécessite 105 kWh
d’électricité et 60 à 130 kg de pétrole, selon la
variété du ciment produit et le processus utilisé.
Les coûts liés au transport terrestre rendent non
rentables les trajets supérieurs à 300 km.
Transporter 35 000 t de ciment d’une côte à
l’autre de l’océan Atlantique en bateau revient
moins cher que de leur faire parcourir 300 km en
camion.
Depuis plusieurs années, l’industrie cimentière
valorise en énergie les déchets ménagers et
industriels.
Source : Cembureau (European Cement Association)
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Patrice Raffarin, maire de Rivedoux-Plage
en eau profonde, permettant d’assurer un transport de masse
par bateau et par train, rappelle Gérard Letellier. Les relations avec le port et la ville de La Rochelle ont tout de suite été
bonnes. » Le port a inauguré en mars 2011 le nouveau terminal de l’Anse Saint-Marc, 11,5 ha de terres gagnés sur la
mer, où un quai de 160 m permettra l’accueil de navires à
fort tirant d’eau. Ce terminal, dédié au transport de vrac,
sera desservi à terme par une voie ferrée en construction.
L’usine d’Holcim représente une emprise de 4 ha sur ce
polder, le reste n’ayant pas encore été attribué. Objectif
premier du port : passer de 8,5 à 10 millions de tonnes de
trafic par an à l’horizon 2015. La présence du centre de
broyage y contribuera à hauteur de 580 000 tonnes annuelles.
Un mois après la tempête Xynthia
« Ce n’est pas Holcim qui me pose problème, l’unité de broyage ne m’effraie pas. Mais ce développement global du port,
aggravant la situation existante, m’inquiète, souligne Patrice
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Raffarin, maire de Rivedoux-Plage. L’hostilité de la population tient au déficit de communication et d’information. Les
réunions organisées aujourd’hui arrivent trop tard… » Scientifique de formation, il « dévore » les dossiers envoyés par
la préfecture présentant le projet d’Holcim, début 2010,
en amont de l’enquête publique. Cette dernière se déroule
du 22 mars au 22 avril 2010, soit un mois après le passage
de Xynthia. « Rivedoux comptait 76 maisons inondées. Si
nous n’étions pas les plus sinistrés, cette tempête a malgré tout
traumatisé les citoyens, monopolisant les esprits à l’époque.
J’étais sur le terrain, tous les jours, au plus fort de la tourmente. L’enquête publique relative à Holcim a échappé à l’attention des Rivedousais, laissant aujourd’hui une impression
de passage en catimini », précise le maire. Fin avril 2010, la
majorité du conseil municipal se prononce contre le projet, dans le cadre d’une motion qui reste consultative. Patrice Raffarin, approché alors par l’association Respire,
souhaite informer et sensibiliser les Rivedousais : fin novembre 2010, il organise une réunion publique avec des
représentants d’Holcim, du port autonome et de l’association. Une semaine plus tard, il apprend que la préfecture a
accordé au cimentier l’autorisation d’exploiter. « Pourquoi
aussi rapidement ? Après la douleur liée à Xynthia, un sentiment d’accumulation et de malaise a gagné les Rivedousais,
même si les explications d’Holcim sur sa technologie sont
convaincantes à 90%», rappelle l’élu, qui a déposé un recours gracieux contre le projet.
Quelles conséquences écologiques
et sanitaires ?
Les 10 % restants concernent les émissions éventuelles de
polluants dans l’eau et dans l’air, ainsi que les impacts
sonores et paysagers sur cet environnement qu’un parc naturel marin pourrait protéger. Il est déjà classé Natura
2000, à 1 km à l’ouest du futur site. Le « Pertuis Charentais -Rochebonne », zone de protection spéciale pour les
oiseaux sur près de 820 000 ha, et le « Pertuis Charentais »,
site d’intérêt communautaire sur 456 000 ha de
« milieu marin de qualité remarquable », détenant une
« responsabilité mondiale majeure » au titre de la préservation de l’esturgeon, soulignent l’intérêt écologique de ces
domaines maritimes. Selon Raymond Bozier, « les courants
marins dans les pertuis, entre l’île et le continent, ne sont pas
suffisamment puissants pour en chasser les pollutions marines.
Les boues et, dans leurs nurseries, les moules et les huîtres accumuleront les éléments chimiques. Les conséquences écologiques se révèleront sur le long terme. Les décisions politiques
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Jean-Paul Escande, professeur de médecine,
santé-environnement
nes, notamment celles visant à limiter les émissions de CO2.
Nous nous tirerions une balle dans le pied en délocalisant notre production », martèle Gérard Letellier.
Aucune pathologie liée à l’industrie
du ciment
devraient pourtant penser le futur. » A Rivedoux-Plage, le
parc ostréicole souffre déjà, et le maire met en garde : si
l’état sanitaire des mollusques marins empire, nul doute
que les ostréiculteurs feront de l’usine leur bouc émissaire,
oubliant la situation antérieure à l’arrivée d’Holcim. « Les
coquillages, les huîtres et les moules sont de bons bioaccumulateurs. Ces sentinelles très efficaces peuvent être utilisées pour
mesurer l’évolution écologique d’un site, à partir d’un état
zéro, suggère Michel Hignette, directeur de l’Aquarium de
la Porte Dorée, à Paris. Si leurs reins concentrent davantage
de polluants après quelques années d’exploitation, il faudra en
trouver l’origine. La tentation de la tiers-mondialisation ne
doit pas gagner Holcim en matière d’approvisionnements : le
groupe doit s’engager à long terme sur la provenance de son
clinker, afin d’en assurer la composition chimique et la qualité. » La traçabilité du clinker, selon Holcim, est transparente. « Il n’y aura donc aucun problème pour en connaître la
provenance. Le clinker broyé répondra aux normes européen-
La présence de polluants dans les vapeurs d’eau dégagées
par la cheminée soulève aussi les craintes de l’association
Respire et de Raymond Bozier, dont la maison se situe à
600 m de la future usine à vol d’oiseau. Une étude épidémiologique, rassemblant les cimentiers de France, pourrait
le rassurer : menée par des scientifiques indépendants, parmi lesquels figurait le professeur Jean-Paul Escande, et sous
la direction des professeurs Lucien Abenhaim et William
Dab, anciens directeurs généraux de la Santé en France, elle
a suivi une cohorte de plus de 9 000 personnes ayant travaillé au moins un an dans une cimenterie entre 1990 et
2005. Des syndicats et des associations de protection de
l’environnement y ont contribué. « L’étude n’a pas montré
de pathologie directement associée au ciment chez ces travailleurs, assure Jean-Paul Escande. Mais communiquer un
bon résultat s’avère très compliqué, et le réflexe actuel tend à
prendre des conclusions positives pour le marqueur d’études
mal faites ! De quoi avons-nous le droit de nous réjouir aujourd’hui ? » L’usine en chantier sera dotée d’un filtre à manche
pour les poussières, « technologie la plus efficace du marché »,
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Vue de l’implantation (architecte)
qui permet d’émettre « quatre fois moins de poussières » que
le seuil maximal d’émission de la réglementation nationale.
La cheminée sera équipée d’un capteur qui en contrôlera
les émissions, et dont les données seront régulièrement
communiquées à la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement).
En-deçà des seuils réglementaires
meilleures technologies disponibles en matière de production
durable. » Le cimentier se félicite d’avoir mis au point le
ciment le moins émetteur de CO2 du marché, en y intégrant un co-produit de la production de l’acier, le laitier,
dont les aciéristes ne savaient que faire. Broyé avec le clinker, le laitier est désormais valorisé dans les cimenteries
pour produire le ciment labellisé CimCO2OL, assurant
une réduction de 30 à 40 % de l’empreinte carbone par
rapport au ciment traditionnel. Le laitier utilisé par Holcim provient principalement des aciéries de Dunkerque.
Autre avancée pionnière, le broyeur vertical de l’usine permettra, lui, de réduire de 30 % les consommations électri-
Gérard Letellier l’assure : « Les futures émissions de poussières, de bruit et de polluants respectent et seront bien en-deçà
des seuils fixés par la réglementation, je peux en mettre ma
main au feu. » Sur ce point, l’association Respire accorde du crédit à la Le cimentier se félicite d’avoir mis au point le ciment
bonne foi d’Holcim, qui installe des le moins émetteur de CO2 du marché en y intégrant un
capteurs pour évaluer la teneur en co-produit de la production de l’acier - le laitier - dont
poussières et le volume de bruit avant les aciéristes ne savaient que faire
la mise en production de l’usine, afin
de mesurer les impacts de l’exploitation, à partir de 2013. ques du processus. Conséquence paysagère : la cheminée
Sur le site Internet d’information concernant la future s’élève à 71 m de haut. Les exigences environnementales et
usine, les riverains peuvent lire que « la concentration en paysagères peuvent ne pas être compatibles, les arbitrages
poussière constatée aujourd’hui au quartier de La Pallice sera se révéler complexes.
impactée à hauteur de moins de 1% », et que « l’émergence
L’impact paysager au cœur de
en terme d’émission sonore restera de l’ordre de 1dB ».
Le groupe suisse tiendra ses résultats à disposition de rive- la polémique
rains. « Nous ne souhaitons pas cacher quoi que soit, maintient le président d’Holcim France. Près de 15% de l’inves- La plage sud de Rivedoux, « familiale et populaire », est
tissement global a été consacré à la mise en œuvre des l’une des plus « cotées » de l’île, assure son maire. Les silos
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à grains, de l’autre côté du pont, sur le continent, appartiennent désormais au paysage. « Nous ne souhaitons pas la
disparition de ce port, dont nous nous sommes appropriés la
présence et auquel nous attribuons une esthétique familière.
Seul son développement, à coups d’hectares gagnés sur la mer,
de cheminées et de silos supplémentaires, inquiète », rappelle
Patrice Raffarin. Certaines de ses questions restent sans réponse : quelles conséquences auront ces avancées terrestres
sur les courants marins ? Sur l’érosion des plages de l’île de
Ré, contre laquelle il se trouve démuni ? Raymond Bozier
se montre bien plus radical : « Holcim commet une erreur
grave en s’installant à l’avant du port, au plus proche de l’ île
de Ré. Ses quatre silos de 66 m et sa cheminée de 71 m, plus
hauts que les silos à grains existants, apparaîtront au premier
plan et dénatureront le littoral. Depuis la mer, le premier bâtiment signalant La Rochelle sera ce chancre, dommage considérable pour cette région touristique et pour la valeur du patrimoine immobilier. » Les acquéreurs se montreraient plus
frileux depuis la médiatisation locale du projet d’Holcim.
L’impact paysager semble finalement au cœur des préoccupations : « L’esthétique nous tiens à cœur, soutient Gérard
Letellier. Nous avons fait appel à un architecte spécialisé dans
les réalisations industrielles, Thierry Bogaert. Dans le cadre de
la construction de la centrale à béton à Tolbiac, sur les bords
de la Seine dans 13 ème arrondissement à Paris, nous avons
collaboré avec les Bâtiments de France, le Port autonome et la
Ville de Paris qui exigeait que le site reste accessible au public
le week-end. Le dialogue a permis de tisser des liens de compréhension mutuelle, les riverains viennent se balader sur les
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Michel Hignette, président de l’Union des
Conservateurs d’Aquariums de France, directeur
du Musée des Arts Africains et Océaniens et de
l’Aquarium de la Porte Dorée à Paris
Le Grand Port Maritime de La Rochelle
Sur une surface totale de 543 ha (233 ha terrestres et 310 ha maritimes), le Port Atlantique La
Rochelle est le 7ème port français en tonnage de
marchandises. Avec un trafic de 8,43 millions de
tonnes en 2010, c’est le 1er port français importateur de produits forestiers (grumes), et le 2ème
exportateur de céréales. Inauguré en août 1890,
le port maritime de La Rochelle devient le 7ème
port autonome français en 1er janvier 2006,
après Bordeaux, Le Havre (1920), Marseille, Nantes-Saint Nazaire, Dunkerque et Rouen (1965). Il
devient alors un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), bénéficiant
d’une large autonomie de gestion. En octobre
2008, il reçoit, comme les six autres ports auto-
nomes cités ci-dessus, le statut de grand port
maritime, ce qui induit la privatisation et l’ouverture à la concurrence des équipements de
manutention. Les ports maritimes sont propriétaires des terrains qu’ils occupent et sont gérés
par un directoire sous le contrôle d’un conseil
de surveillance, dissociant ainsi les missions de
contrôle et de gestion. Le président du directoire et directeur général du grand port maritime
de La Rochelle est Nicolas Gauthier, le président
du Conseil de surveillance est Xavier Beulin
(également à la tête de Sofiprotéol, établissement financier pour la filière des huiles et protéines végétales).
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débat
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Raymond Bozier. Il fait référence à l’intention de l’association de porter sa lutte devant le tribunal administratif. Patrice Raffarin s’inquiète plutôt de l’absence d’analyses liées
aux risques inondations et séismes :
l’étude d’impacts, datée de fin 2009,
Objectif premier du port : passer de 8,5 à 10 millions
fut réalisée avant la tempête Xynthia.
de tonnes de trafic par an à l’horizon 2015. La présence
d’Holcim y contribuera à hauteur de 580 000 tonnes
« L’occurrence et la violence de telles caannuelles
tastrophes naturelles pourraient s’intensifier avec les dérèglements climatiques.
associatifs et des élus et à faire évoluer le projet rochelais en Quelles en seraient les conséquences sur l’usine, ainsi que sur
leur sens. Raymond Bozier a déjà appris que, contraire- l’ensemble du port ? Comment évaluer l’effet domino concerment aux idées reçues, la cheminée ne fumera pas en nant toutes les installations industrielles de cette zone ? »
continu mais seulement quand les conditions de tempéraFaire œuvre de pédagogie
ture laisseront apparaître le panache de vapeur d’eau.
quais laissés ouverts au niveau de l’usine. L’esthétique reste
tributaire de considérations subjectives… » Le président
France d’Holcim se dit prêt à écouter les doléances des
Reconquérir la confiance
«Nous avons le souci d’expliquer… Que nous le fassions trop
modestement, c’est autre chose, admet Gérard Letellier. Nous
avons nommé Frédéric Amoroso, directeur des Ciments de La
Rochelle, pour expliquer le projet aux populations riveraines.
Devant leur méconnaissance de notre métier, leurs craintes
nous paraissent légitimes. » Après ce démarrage quelque peu
chaotique, le plus difficile est de reconquérir la confiance.
Outre l’instauration de réunions de dialogue régulières et
la tenue de 65 rencontres depuis janvier 2008, Holcim a
organisé à deux reprises une visite à Grand Couronne
(Seine-Maritime), où son unité de broyage de clinker sert
de modèle à celle qui sera implantée à La Pallice. Deux
membres de Respire s’y sont rendus. « Holcim nous a invités une fois que nous nous sommes manifestés. Tout projet de
cette envergure doit faire l’objet d’un débat démocratique
ouvert, puisque les populations locales le subiront. L’usine
nous a été imposée, mais je crains le pire pour elle », affirme
L’unité de broyage devrait être opérationnelle en 2013.
D’ici là, il reste nécessaire de faire œuvre de pédagogie.
« Faire de la ‘com’ ne sert à rien, les citoyens ne sont pas dupes
et ce langage conventionnel ne passe plus, assure Jean-Paul
Escande. Mais informer dès le départ, en expliquant les mots
et les projets, en rendant compréhensibles les processus industriels et leurs impacts, est un devoir qui permet d’installer ou,
parfois, de restaurer la confiance. » Il cite les cinq « E » de
René Dubos – écologie, économie, énergie, éthique et esthétique – à la lumière desquels tout projet doit être expliqué pour prémunir les populations riveraines d’un sentiment de prise d’otage. A La Rochelle, elles pourront visiter
le chantier en cours dès septembre 2011.
* Clinker : Constituant du ciment obtenu par calcination
d’un mélange d’argile et de calcaire. Moulu puis
additivé avec des laitiers de hauts-fourneaux par
exemple, le clinker sert à fabriquer le ciment, entrant
lui-même dans la liste des constituants du béton.
(Définition Actu-environnement)
En savoir plus
• L’association Respire (Rassemblement éco-citoyen pour sensibiliser, protéger et inciter au respect de l’environnement)
est située à La Rochelle. Raymond Bozier en est le vice- président. Ecrivain, poète, ses œuvres sont éditées notamment
chez Fayard et Flammarion.
• Patrice Raffarin, professeur agrégé en sciences physiques à l’IUFM de Poitiers, maire de Rivedoux-Plage, est aussi
premier vice-président de la Communauté de communes de l’Île de Ré.
• D’autres associations sont aussi opposées au projet. Toutes sont très inquiètes par la volonté d’expansion du Grand Port
Maritime, en particulier par l’extension des cuves de la société Picoty.
Les liens : http://cimentsdelarochelle.fr
: le site d’informations d’Holcim sur la future usine
www.holcim.com : Holcim dans le monde
http://association-respire-la-rochelle.org : le site de l’association RESPIRE
www.larochelle.port.fr : le site du Port Atlantique La Rochelle