Nouveau Corriculum - Eglise Catholique Rwanda

Transcription

Nouveau Corriculum - Eglise Catholique Rwanda
1
SNEC : JOURNEE DE REFLEXION SUR LE NOUVEAU PROGRAMME D’ENSEIGNEMENT AU
RWANDA
Cette année 2015 le Gouvernement Rwandais, à travers son Ministère de l’Education, s’est engagé
dans un mouvement de reforme pédagogique qui prône une nouvelle approche d’enseignement,
appelé « approche par compétence » et sera en vigueur dès Janvier 2016. Son application, dit-on,
sera progressive: 1ère Maternelle, 1ère et 4è primaire et secondaire (2016), 1e, 2e, 4e et 5e (2017)
pour terminer avec le cycle complet en 2018.
Pour comprendre les enjeux de ce nouveau programme sur l’éducation au Rwanda, sous la
présidence de Mgr Philippe RUKAMBA, Evêque du Diocèse de Butare et Président de la
Commission Episcopale pour l’Education, le Secrétariat National de l’Enseignement Catholique a
organisé en date du 28/08/2015, une journée de réflexion avec tous les représentants de
l’Enseignement Catholique au niveau des diocèses du Rwanda. Le présent article passe en revue
quelques réflexions relatives à ce programme.
Pourquoi un nouveau programme et ce que ça change…
L’élaboration de ce nouveau programme a été essentiellement motivée par le souci de mettre en
place un programme d’études basé sur les compétences (competence-based curriculum), plutôt
que de s’arrêter sur la simple acquisition du savoir et du savoir-faire. Par compétences, il faudra
entendre une combinaison du savoir, du savoir-faire, des attitudes et des valeurs positives,
nécessaires pour accomplir une tâche avec succès.
Par ailleurs, les tenants de cette « approche par compétence », contrairement à l’habituelle
« approche par objectif », affirment qu’elle permet d’ amener tous les élèves à s’approprier des
savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre à apprendre toute leur
vie et à prendre une place dans la vie économique, sociale et culturelle.
Ce qui caractérise l’approche par compétences, c’est que les objectifs d’enseignement n’y sont
plus de l’ordre de contenus à transférer mais plutôt d’une capacité d’action à atteindre par
l’apprenant. Une compétence ne se réduit ni à des savoirs, ni à des savoir-faire ou des
comportements. Ceux-ci ne sont que des «ressources » que l’élève ne doit d’ailleurs pas
forcément «posséder», mais qu’il doit être capable de «mobiliser» d’une façon ou d’une autre, en
vue de la réalisation d’une tâche particulière. Cela oblige l’enseignant à utiliser les méthodes
actives « centrées sur l’apprenant » pour guider l’élève à développer les compétences attendues.
Plusieurs critiques…
Pour certains critiques, ce mouvement, « sous le couvert d’un discours parfois généreux et
moderniste pourrait bien se cacher une opération de mise au pas de l’enseignement : sa
soumission aux besoins d’une économie capitaliste en crise. »1 Ainsi donc, l’éducation serait
1
NICO, H., L’Approche par compétences : une mystification pédagogique, pdf,p.1, document accessible sur
www.skolo.org.
2
entièrement vouée à faire de l’école un instrument docile au service de la rentabilité économique
et du profit.
Pour ceux-ci, l’Afrique continue de devenir un véritable
laboratoire
d’expérimentation.
L’autre reproche que l’on formule à cette approche est qu’elle relègue au second plan et néglige
les contenus propres aux disciplines enseignées : le savoir et le savoir-faire. De plus, l'allégement
des contenus fait explicitement partie des recommandations centrales des promoteurs de l’APC.
Ainsi, dira Nico Hirtt, que « Si les programmes issus de la réforme par compétences sont
caractérisés par leur lourdeur bureaucratique en matière de procédures et de méthodologie, en
revanche il faut reconnaître qu’ils sont d’une légèreté extrême pour ce qui est de la précision des
contenus cognitifs. Ceci ouvre la porte à des interprétations extrêmement divergentes et
constitue ainsi un facteur générateur d’inégalité ».2
Pour essayer de comprendre tous ces enjeux du nouveau curriculum, la Commission Episcopale
pour l’Education a organisé une réunion en date du 28/08/2015 regroupant les représentants
diocésains de l’Education et les Inspecteurs confessionnels. Cette réunion s’est misée surtout sur
deux éléments : L’enseignement de la religion : contenu et méthodes prévues et l’expérience que
sont entrain de vivre les enseignants en vue de se préparer à la mise en pratique de ce nouveau
programmes.
Pour ce faire deux présentations ont été préparées dont nous voulons vous partager les contenus.
Contenu du nouveau programme de religion à l’école primaire et secondaire
Le nouveau programme de Religion à l’école primaire et secondaire, de même que tous les autres
programmes d’enseignement à ces deux niveaux, a été préparé par REB (Rwanda Education
Board) mais le personnel du SNEC à été associé à sa préparation.
Ce programme de Religion présente les caractéristiques suivantes:
1) À l’école primaire:
Le cours de Religion a été combiné avec celui d’Études sociales (Social studies): il s’agit
d’un même cours qui comprend deux parties distinctes mais complémentaires. Il s’intitule
“Social and Religious studies”. C’est donc un cours très vaste, si l’on considère que le seul
cours de “Social studies” combine les matières suivantes: géographie, histoire, éducation
civique, hygiène, etc. Il aura 4 séances par semaine, de la 1ère à la 6è. Il convient de
souligner qu’une séance (period) comporte désormais 40 minutes plutôt que 50, de l’école
primaire à l’école secondaire.
La langue d’enseignement de ce cours est le Kinyarwanda de la 1ère à la 3è années,
l’anglais de la 4è à la 6è années.
Etant donné que le cours de “Social studies” faisait ordinairement partie des 5 matières
objet d’examen national à l’école primaire, il faut logiquement s’attendre à ce que des
contenus du nouveau programme de religion apparaissent aussi dans le questionnaire de
l’examen national en anglais. Il faut donc prendre des dispositions pour cela.
2
Idem, p.29
3
Concernant le contenu du cours de religion, celui-ci est divisé en deux parties: Religion
chrétienne et Religion musulmane. Cette dernière ne concerne que les écoles de
confession musulmane. La “Religion chrétienne” est censée combiner les confessions
catholiques, protestantes et adventistes, avec parfois des particularités relatives aux
adeptes de telle ou telle autre confession. Mais dans l’ensemble, le contenu de ce
programme de “Religion chrétienne” (Christian religion) est essentiellement catholique: on
reconnaît facilement la structure de nos anciens cours de catéchèse et de morale
chrétienne à l’école primaire. Très peu sont les contenus proprement de confession
protestante ou adventiste et, là où ils sont, ils ne concernent que les membres de ces
confessions respectivement.
2) À l’école secondaire:
Le cours de Religion-Morale est autonome, mais il fait partie des 5 cours proposés au
programme d’enseignement secondaire où il faut choisir un seul (elective subjects). Cela
veut dire qu’il n’est pas obligatoire en tant que tel, mais il peut l’être dans nos écoles
catholiques si on le décide ainsi. Il aura 2 périodes par semaine. Et si ce cours est choisi il
fera parti des cours examinables à la fin du cycle (O Level or A Level)
Comme à l’école primaire, le cours est subdivisé en deux parties: religion chrétienne et
religion musulmane, cette dernière ne concernant que les écoles de confession
musulmane.
Le contenu de ce cours (Religion chrétienne) est, comme à l’école primaire,
essentiellement catholique, ce qui constitue un acquis.
La langue d’enseignement est l’anglais de la 1ère à la 6è (S1-S6), ce qui constitue un défi,
car tous nos manuels étaient jusqu’à présent en kinyarwanda3 jusqu’au Tronc commun: un
grand besoin d’adaptation se fait donc sentir, encore qu’il faut aussi former les enseignants
appelés à dispenser ce cours dans une langue différente de celle à laquelle ils étaient
habitués.
Au second cycle (S4-S6), il y a deux programmes de ce cours de Religion: le premier
concerne les sections (Combinations) basées sur les études religieuses (2 nouvelles
sections ont été créées pour cela), le second concerne les autres sections. Pour ces
dernières, il n’y a aucune difficulté: leur programme de religion chrétienne a un contenu
essentiellement catholique, les thèmes ont été repris de nos anciens manuels de religion.
Mais pour les deux sections ci-haut mentionnées, il s’agit d’un programme tout-à-fait
spécial: le contenu concerne l’étude de différentes religions (judaïsme, christianisme,
islam, hinduisme, confucianisme, religions traditionnelles, etc.) placées sur le même pied
d’égalité. Cette étude vise beaucoup plus des acquis théoriques et pratiques sur ces
religions qu’une attitude religieuse quelconque. On peut se demander ce que deviendront
les élèves de confession catholique qui se feront inscrire dans ces sections, car ils auront
reçu toute une macédoine de conceptions religieuses.
3
Selon la décision des Evêques du Rwanda, le cours de religion devrait normalement être dispensé en Kinyarwanda
depuis le primaire jusqu’au Tronc Commun.
4
Eléments pour comprendre le nouveau Curriculum
Comme ci-haut mentionné, le changement du programme d’enseignement au Rwanda est motivé
par le souci de vouloir privilégier une éducation centrée sur la promotion des compétences
capables de répondre aux attentes de notre société tant au niveau économique que social. Selon
ses promoteurs, ce programme sera une solution valable pour permettre aux futurs diplômés
d’avoir un profil qui remplit les conditions requises au marché du travail en matière de capacité.
Différentes catégories des compétences mises en relief par le Nouveau Programme
Six compétences dites de base ou élémentaires ont été mises en exergue par le nouveaux
programme à savoir : L’alphabétisation (Literacy), Le calcul (Numeracy), ICT et manipulation du
digital (ICT and digital), Civisme et identité nationale (Citizenship and national identity),
entreprenariat et développement de l’esprit commercial(Entrepreneurship and business
development ) ainsi que la science et la technologie(Science and technology).
On aussi six compétences génériques que sont : l’esprit critique (Critical thinking ), la créativité et
l’innovation (Creativity and innovation), l’esprit de recherche et de résolution des
problèmes(Research and problem solving ), la communication(Communication) la gestion
interpersonnelle et le savoir faire (Cooperation, interpersonal management, life skills) ainsi que et
l’apprentissage continu (Lifelong learning).
Quelques traits caractéristiques du Nouveau programme basé sur les compétences
L’une des caractéristiques de ce nouveau programme est les principes qui le guident énoncés
comme suit :
•
•
•
•
•
•
•
Il est centré sur celui qui apprend (l’apprenant)
Il se base sur les compétences
Il est inclusif (il n’exclut personne) et donne à chacun sa valeur
Il crée un lien d’interconnexion avec d’autres sujets surtout avec des thèmes transversaux
Il est flexible, ce qui permet l’épanouissement de chacun
Il favorise l’esprit de transparence et de responsabilité
Utilise des moyens fiables, cohérents et objectifs d’évaluation à base des mesures
standards sur tous les niveaux.
Aspect du contenu des matières à étudier pour chaque niveau
Depuis le maternelle au secondaire, le contenu des matières à étudier peut se résumer
schématiquement comme suit :
•
Maternelle : activités permettant à l’enfant de découvrir le monde, le calcul élémentaire à
son niveau, exercices visant le développement physique et la bonne santé, arts créatifs et
5
•
•
•
culture, langues et alphabétisation (Kinyarwanda et anglais), développement social et
affectif.
Ecole primaire : Kinyarwanda, Anglais, Mathématique, Etudes sociales et religieuses,
Science et technologie élémentaires, Musique, Beaux-arts et artisanat, Français, Education
physique
Tronc-commun
- Cours principaux : Anglais, Kinyarwanda, Math, Physique, Chimie, Biologie et science de
la santé, ICT, Histoire et civisme, Géographie et environnement, Entreprenariat,
Français, Kiswahili, Littérature anglaise.
- Cours au choix : Sciences domestiques, Agriculture, Beaux-arts et Artisanat, Musique,
Danse et art dramatique, Religion et éthique. (Chaque école en choisira un cours et ses
élèves passeront son examen au terme du Tronc-commun)
En cycle supérieur : On a trois catégories
Les sciences avec 8 combinaisons: Mathematics –Physics- Geography (MPG), Physics – Chemistry-Mathematics
(PCM), Physics-Chemistry-Biology (PCB), Biology – Chemistry- Geography (BCG), Mathematics – Economics-Geography
(MEG), Mathematics-Computer Science -Economics (MCE), Mathematics-Physics-Computer Science (MPC),
Mathematics- Chemistry- Biology (MCB),
Les Sciences humaines avec 6 combinaisons: History – Economics- Geography (HEG), History – GeographyLiterature in English (HGL), History - Economics- Literature in English (HEL), Literature in English –EconomicsGeography (LEG), Religious Education -History –Literature in English (RHL), Religious Education - History - Geography
(RHG)
Les Langues avec 3 combinaisons: Literature in English –French –Kinyarwanda (LFK), Literature in English –
Kiswahili –Kinyarwanda (LKK), Literature in English – Kiswahili –French (LKF)
Il est prevu aussi des thèmes transversaux : Il s’agit des thèmes qu’on va traiter à tous les niveaux
de scolarisation et sur lesquels on va revenir dans tous cours, suite à leur importance et impact
dans l’histoire du pays, et de leur utilité pour son orientation économique, politique et sociale. Il
s’agira : de l’Education à la culture de la paix et des valeurs positives, des études sur le Génocide,
du Genre (Gender), de l’éducation inclusive, de la vie sexuelle et reproductive, de l’Esprit
commercial, de l’environnement et sa protection ainsi que la culture de normalisation.
Que sera la relation enseignant – élèves ?
L’enseignant ou le professeur aura un rôle de facilitateur ou de guide. Pour cela, il aura à stimuler
la participation de tous ses élèves dans son cours pour développer leurs compétences. Il doit tout
faire afin de leur permettre de mettre au grand jour leurs prérequis et les guider vers les nouvelles
découvertes, en favorisant les travaux en groupes, des mise-en-scène et des jeux éducatifs et les
inciter à répondre grâce à de nombreuses questions qu’il leur posera.
6
Et les notes de cours ?
Les notes de cours sont à concevoir comme un résumé d’information venant de plusieurs sources.
Elles reflètent les idées apportées par les élèves lors de leurs échanges et travaux en groupes avec
les éclaircissements et le complément du professeur.
Autres changements apportés par le Nouveau programme (Competence-Based Curriculum)
Comme ci-haut mentionné la période ou l’heure de cours est de 40 minutes au lieu de 50 minutes
habituelles, ce qui fera une semaine de 45 périodes au lieu de 39 ou 40 périodes par semaine. De
plus on passera de 36 semaines du calendrier scolaire habituel par année aux 39 semaines par
année.
Certaines interrogations :
•
•
•
•
Il est bien que le Nouveau programme accorde une place de choix aux élèves, mais la
surpopulation de nos locaux et les réalités du terrain ne permettront pas aux professeurs
de suivre chaque élève.
Ce programme s’insère dans un vaste champ de changement survenu ces derniers temps
dans le système éducatif rwandais ce qui ne permet pas aux parent de suivre ce
qu’apprennent leurs enfant et ipso facto incapable d’être intégrés dans le processus de
leur formation. De même ces changements risquent de marginaliser les enseignants car, en
janvier 2016, ils n’auront pas bénéficié des formations nécessaires qui leurs permettront
d’appliquer convenablement les visées de ce programme.
Bien que ce programme est idéologiquement à la mode, il faut signaler qu’il est toujours à
son stade d’expérimentation ce qui pourrait affecter négativement la qualité de
l’éducation qui, elle-même, laissait à désirer.
L’insuffisance du matériel didactique requis (les laboratoires, des livres adaptés, et autres)
pourra rendre les succès brandis de ce programme un corps de rêve.
La réunion a, pour cela, recommandé qu’il faut continuer la réflexion sur ce thème. Il faut aussi
organiser plusieurs formations relatives à l’Approche de pédagogie par compétences en faveur des
responsables de l’Education catholique en vue de les permettre d’accompagner la mise en
application de ce nouveau programme, de prendre certaines stratégies nécessaires à la
sauvegarde de l’identité catholique dans les écoles, et même, par nécessité, de faire la plaidoirie
pour certains ajustements.
SECRETARIAT DU SNEC