Anneau de Gygès de Platon
Transcription
Anneau de Gygès de Platon
AQφE La pratique de la philosophie en communauté de recherche au secondaire ____________________________________________________________________________________ L’anneau de Gygès de Platon «Pour prouver que nous ne pratiquons pas la justice volontairement mais parce que nous ne pouvons pas commettre l’injustice, nous ne pourrions faire mieux qu’en imaginant le cas suivant. Donnons à l’homme qui agit bien et au méchant le pouvoir de faire ce qui leur plaira : suivonsles ensuite et regardons à quel endroit les conduira la passion; nous surprendrons l’homme qui agit habituellement bien dans la même route que le méchant, entraîné par le désir d’avoir sans cesse davantage, désir que toute personne poursuit, mais que la loi encadre de manière à réspecter l’égalité de chacun. Le meilleur moyen de leur donner le pouvoir dont je vous parle est de leur prêter le pouvoir qu’eut autre fois Gygès. Gygès était un berger au service d’un roi. À la suite d’un grand orage et d’un tremblement de terre, le sol s’était fendu et une ouverture béante s’était formée à l’endroit pù passait son troupeau. Étonné, il descendit dans ce trou, et on raconte qu’il y vit [un homme mort]. Cet homme était nu; il avait seulement un anneau d’or à la main. Gygès le prit et sortit. À ce moment, les bergers se réunissaient autour du roi. Gygès alla à l’assemblée, l’anneau à la main. Ayant pris place parmi les bergers, il tourna par hasard sa bague vers lui, en dedans de sa main, et aussitôt il devint invisible à ses voisins. Il entendit les autres parler de lui, comme s’il était parti, ce qui le remplit d’étonnement. En tournant de nouveau sa bague, vers l’extérieur de sa main, il redevint visible. Frappé de cet effet, il refit l’expérience pour voir si l’anneau avait bel et bien ce pouvoir. Il constata qu’en tournant sa bague, il pouvait devenir soit visible, soit invisible. Sûr de sa découverte, il se rendit au palais et tua le roi, puis s’empara du trône. Supposons maintenant deux anneaux comme celui-là. Mettons l’un au doigt du juste, l’autre au doigt de l’injuste. Selon tout vraisemblance, nous ne trouverons aucun homme assez fort pour rester fidèle à la justice et résister à la tentation de s’emparer de ce qui appartient aux autres, alors qu’il pourrait prendre ce qu’il veut, ou, en un mot, qu’il serait maître de tout de tout faire comme un dieu parmi les hommes. En cela, rien ne le distinguerait le juste du méchant, et ils tendraient tous les deux au même but. On pourrait voir là une grande preuve que nous ne sommes pas justes par choix, mais par obligation (ou contrainte). […] Tous les hommes croient en effet que l’injustice leur est beaucoup plus avantageuse individuellement que la justice. Et ils ont raison de le croire, si on s’en tient à l’histoire que je viens de raconter. […] Si en effet une personne, possédant un tel pouvoir, ne commettais jamais une injustice ou ne touchait jamais à ce qui appartient aux autres, ils serait regardé par les autres comme insensé. Ils n’en diraient Document préparé par Mathieu Gagnon, en collaboration avec Élisabeth Couture AQφE La pratique de la philosophie en communauté de recherche au secondaire ____________________________________________________________________________________ pas moins de bons mots devant les autres, mais seulement par crainte de vivre eux-mêmes l’injustice qu’il pourrait commettre. Voilà ce que j’avais à dire sur ce point.» Questions : 1. Selon vous, quelles sont les idées que l’auteur cherche à défendre et quels sont les arguments qu’il utilise? 2. Êtes-vous d’accord (ou en désaccord) avec une (ou plusieurs) idée(s) de l’auteur? Expliquez. Document préparé par Mathieu Gagnon, en collaboration avec Élisabeth Couture