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Martine Jonckheere:
une pessimiste
devenue optimiste
Voici quelques années, l’actrice flamande Martine Jonckheere apprenait un verdict implacable : “cancer du sein”. “J’avais le choix :
ou je restais dans un coin à me plaindre, ou je me battais.” Elle a opté pour la deuxième possibilité en partageant ouvertement son
histoire avec d’autres personnes dans la même situation, en posant comme mannequin pour de la lingerie adaptée et en lançant sa
propre ligne de perruques. Aujourd’hui, la pessimiste née est devenue résolument optimiste et profite de chaque instant de la vie.
“Quand j’ai appris que j’avais un cancer du sein et que
j’allais perdre un sein, j’ai très vite pris une décision”,
raconte l’actrice Martine Jonckheere. “Je n’allais pas me
laisser abattre par cette vilaine maladie car cela m’aurait
été fatal. J’ai immédiatement senti une grande force
intérieure, une énorme envie de vivre et de survivre.
Pourtant, ce positivisme n’était pas vraiment dans ma
nature. J’étais même en réalité plutôt pessimiste.”
© Christelle Verstraete
Ça fait du bien de
pouvoir représenter
quelque chose de bon
dans un processus
négatif.
14 AHEAD/Magazine juin 2013
Sa force, Martine l’a puisée dans deux choses : son mari
et sa maman. “Mon mari était heureusement d’un naturel
très positif. Il m’a transmis cet état d’esprit et m’a
toujours soutenue. Devant ma maman, je faisais la forte.
J’étais parfois plus inquiète pour elle que pour moi. Je ne
voulais pas qu’elle revive avec moi le chagrin que lui avait
provoqué la perte de ma sœur. En plus, j’avais promis à
ma sœur de veiller sur elle. Et c’est ce que j’ai fait, même
si elle était dans un fauteuil roulant et que rien que cela
était déjà difficile pour moi. Maman n’a jamais su à quel
point j’allais mal à l’époque. Ou du moins je le pense.
Une mère reste bien évidemment une mère… À la
maison de repos où elle vivait, j’avais
demandé à tout le monde de ne rien dire. Et je
veillais scrupuleusement à ce qu’elle ne puisse
pas tomber sur un magazine parlant de moi. Et
s’il lui arrivait de soupçonner quelque chose
− elle a par exemple une fois jeté un œil sur
mon sein disparu − je minimisais. Ça me
faisait du bien de m’occuper de ma maman.”
Lacunes dans le suivi
Pendant ce temps-là, Martine Jonckheere
travaillait aussi à sa propre guérison. “Les
perspectives ne sont guère réjouissantes :
vous savez que votre vie et l’image que vous
avez de vous-même vont changer. Mais vous
n’en prenez vraiment conscience que lorsque
vous êtes déjà très loin.” Médicalement,
Martine a été bien encadrée. Mais en termes
d’aide psychologique et de suivi, elle est
clairement restée sur sa faim. “Je ne m’en
suis vraiment rendu compte que lorsque je
suis devenue la figure de proue d’Amoena
et ai parlé avec de nombreuses femmes dans
le même cas que moi. Amoena est une
marque allemande qui dessine de la lingerie
pour les femmes ayant eu un cancer du sein”.
“À l’hôpital, je n’ai eu la visite que d’une
bénévole. Elle avait coupé elle-même une
fausse poitrine remplie d’ouate et je devais
placer moi-même cette fausse poitrine dans
mon soutien-gorge alors que je ne pouvais
en réalité rien supporter sur la plaie. Je n’ai
reçu aucune information sur les prothèses
mammaires légères ou les centres d’accompagnement des femmes souffrant ou ayant
souffert d’un cancer du sein.” Son mari et son
entourage étaient tous impuissants. “Or, eux
aussi doivent subir des changements radicaux
dans l’ombre du patient tout en restant forts.
Ils doivent vivre avec une femme dont la
confiance en soi en a pris un sérieux coup.
Les récits de femmes dans le même cas
ayant reçu la bonne aide m’ont ouvert les
yeux. Comment pouvait-il y avoir de telles
lacunes au niveau de l’accompagnement
psychologique et du suivi alors que tant de
femmes doivent vivre avec un cancer du sein ?
Je trouvais ça déprimant.”
Les choses en main
Martine Jonckheere ne voulait pas que les
médias apprennent sa maladie. “Mais
quelqu’un a vendu la mèche. J’ai alors été
harcelée par la presse et je suis même partie
quelques jours à l’étranger. À un moment
donné, mon mari et moi avons pris conscience qu’il n’y avait plus d’autre solution que de
retourner sous les feux des projecteurs et de
parler de ma maladie. Nous avons alors
décidé d’aller à la confrontation, mais à notre
manière. Je voulais faire passer un message
positif et j’ai donc pris résolument les choses
en mains : nous avons exigé les meilleures
photos (ndlr. Martine a posé nue, avec un sein
amputé, sur la couverture du magazine “Dag
Allemaal”) et relu chaque mot. Je faisais très
attention à tout ce qui paraissait à mon sujet
parce que je voulais garder un bon sentiment.
Et ça a marché. Car même si certains ont
critiqué mon attitude, j’ai aussi reçu et je
reçois encore toujours beaucoup de réactions
positives. Des femmes dans la même
situation se reconnaissent en moi et puisent
de la force dans mon histoire. J’en suis très
heureuse. Ça fait du bien de pouvoir représenter quelque chose de bon dans un
processus négatif.”
finances fondent. Il faut alors s’accrocher
à ce qui reste et l’accentuer. Voilà pourquoi
il est important de prendre bien soin de soi et
de se faire plaisir, d’être même parfois très
égoïste et de ne pas faire attention au monde
qui vous entoure. Les moindres détails sont
dans ce cas importants : un petit bijou, un
nouveau rouge à lèvres, une écharpe, …
C’est pour ça que je suis contente que les
femmes, après une mastectomie, ne doivent
plus nécessairement porter de soutien
rembourré. De plus en plus de créateurs de
lingerie créent également de la lingerie et des
maillots de bain élégants, modernes et
sensuels pour elles. C’est la même chose
pour mes perruques : elles doivent être
modernes, légères et abordables.”
Finis les beaux décolletés
Un peu d’égoïsme ne fait pas du mal
Martine a malgré tout encore parfois
certaines difficultés avec son corps, d’autant
qu’elle sait qu’une reconstruction mammaire
n’est pas envisageable dans son cas. “C’est
surtout parfois pénible en été, quand les
petits tops et les bikinis sont de retour. J’ai
toujours aimé les décolletés et j’étais plutôt
fière de ma poitrine. Aujourd’hui, j’ai appris
à vivre avec ma prothèse mammaire, ma
lingerie adaptée et les limites que cela crée
au niveau de mes vêtements. ” Mais malgré
les limites, Martine Jonckheere ne se
décourage pas, comme en témoigne son rôle
de premier plan dans l’émission “Danse avec
les stars”. J’essaie de ne pas faire un drame
de ce que ma vie est devenue. Je relativise
tout. En fin de compte, j’ai dû choisir entre
ma poitrine et ma vie, le choix était vite
fait… Ma vie est bien plus précieuse.”
C’est ainsi qu’est aussi née l’idée de lancer
une ligne de perruques en collaboration avec
l’organisation “Toujours belle”, qui aide les
femmes à accentuer leur féminité, pendant
et après la maladie. “Quand vous êtes
malade, votre corps change énormément.
Votre poitrine est amputée, beaucoup de
femmes perdent leurs cheveux et grossissent
à cause des médicaments. L’image que vous
avez de vous en prend alors un coup. Toute
votre garde-robe change également et vos
Et elle en profite tous les jours. “Si je décide
de sortir, personne ne peut m’en empêcher.
Et si j’ai envie d’une bouteille de champagne
au beau milieu de la semaine, je l’ouvre,
c’est tout. Sans le moindre sentiment de
culpabilité ! Parce qu’il faut prendre du
temps pour soi-même, se faire plaisir et
vivre positivement. Se plaindre n’aide pas à
avancer. Le positivisme, par contre, vous le
rend au centuple.” ■
il faut se faire
plaisir et vivre
positivement.
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juin 2013 AHEAD/Magazine 15