Etude de la diffusion d`innovations en milieu rural à l`aide de
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Etude de la diffusion d`innovations en milieu rural à l`aide de
Etude de la diffusion d’innovations en milieu rural à l’aide de simulations multi-agents Khady Ba* , Annabelle Boutet** , Alex CORENTHIN* , Claude LISHOU *,*** * Laboratoire de Traitement de l’Information, LTI,ESP-UCAD ** Departement LUSSI - M@rsouin, Telecom Bretagne, *** UMI 209 UMMISCO IRD-UCAD Résumé. L’innovation est définie comme une “idée, une pratique ou un objet perçu comme étant nouveau par un individu ou une unité d’adoption”( [ROG03],p.12, traduit par nous). “La diffusion est le processus par lequel une innovation est communiquée à travers certains canaux, dans le temps et parmi les membres d’un système social donné ”( [ROG05], p.5, traduit par nous). Pour étudier le phénomène de diffusion de l’innovation, plusieurs modèles ont été développés dont les modèles logistiques, les modèles épidémiques et les réseaux d’influence sociale. Le modèle conçu dans cet article se base sur les modèles épidémiques (épidémie sur réseau) car l’approche épidémique est souvent utilisée pour décrire la transmission d’information à propos d’innovations qu’il s’agisse explicitement de bouche à oreille,de rumeurs ou de croyances. Pour prendre en compte l’hétérogénéité de la population qui est un fait réel, nous nous sommes inspirés des modèles à seuils de Granovetter. Nous avons simulé une diffusion d’innovation en milieu rural sénégalais en utilisant le logiciel de développement Netlogo. La modélisation s’est faite à l’aide des systèmes multi-agent (SMA). Le réseau surlequel s’est déroulée la diffusion a été généré à l’aide d’un générateur de réseaux d’interactions. Cette simulation a permis de tirer des conclusions intéressantes : d’une part, la distance géographique qui sépare les individus ne constitue pas à elle seule un frien à une large diffusion de l’information, d’autres part, un facteur important intervient dans la diffusion d’innovations : il s’agit de la structuration sociale du milieu. Studia Informatica Universalis., pages 129 à 154 130 Studia Informatica Universalis. Mots-Clés : Diffusion, Innovation, Système Multi-Agent (SMA),Milieu rural, Réseau social 1. Introduction Le phénomène de diffusion des innovations a et continue de soulever beaucoup d’interrogations. Déja en 1890, Gabriel Tarde écrivait dans Les lois de l’imitation : “ Pourquoi, parmi cent innovations diverses simultanément imaginées - qu’il s’agisse de formes verbales, d’idées mythologiques, ou de procédés industriels et autres - y en a-t-il dix qui se répandent dans le public à l’exemple de leurs auteurs, et quatre-vingtdix qui restent dans l’oubli ? Voilà le problème” [TAR95] Pour répondre à ces interrogations, plusieurs chercheurs ont tenté de modéliser ce processus avec des approches et des objectifs différents. Certains comme Franck M. Bass ont étudié le phénomène dans sa globalité : c’est l’approche holliste (exemple des modèles agrégatifs [BAS69]). D’autres comme Granovetter (avec ses modèles à seuil [GRA78]) soutiennent que les facteurs explicatifs du phénomène collectif résident au niveau individuel : c’est l’approche dite ”micromodelling” (modèles individu-centré). Les tenants de cette approche considèrent que les phénomènes que l’on observe à un niveau d’organisation sont le résultat des interactions qui se produisent entre les entités élémentaires qui composent ce niveau. Nous partons de cette approche pour concevoir le modèle qui sera à la base de nos simulations. Pour ce faire, nous utilisons les systèmes multi-agents pour les simulations car ils offrent la possibilité de dépasser les limites des modèles analytiques en permettant de représenter directement les comportements et les interactions entre individus pour expliquer et parfois prévoir l’évolution d’un phénomène. La prise en compte des interactions entre les individus est importante pour étudier le phénomène de diffusion de l’innovation ; elles “ sont le moteur principal de l’évolution de leurs comportements, croyances ou représentations”[SZ04]. Ceci est encore plus vrai en milieu rural où la structuration sociale est à la fois très rigide, complexe et hiérarchisée. Cependant, les modèles existants de diffusion des innovations ne Etude de la diffusion d’innovations 131 prennent pas souvent en compte cette spécifité du milieu rural qui nécessite une étude particulière ; de ce fait, l’application de ces modèles ne permet pas de prévoir ou expliquer le processus de diffusion de l’innovation dans ces zones. Afin d’améliorer ces résultats, nous proposons dans ce papier, un modèle conçu sur la base des particularités du milieu rural au Sénégal. Ce modèle obéit à l’approche des modèles épidémiques et plus précisément les épidémies sur réseau et intègre aussi la notion de seuil développée par Granovetter. Après avoir décrit les structures sociales en milieu rural sénégalais, nous présenterons notre modèle de diffusion des innovations qui comprend une première phase de modélisation du réseau social et une deuxième phase de modélisation de la diffusion dans ce réseau généré. Les différentes simulations seront ensuites décrites avant de présenter les résultats obtenus. Ce papier se termine par une conclusion-perspective. 2. Structures sociales en milieu rural sénégalais “Les Courtiers1 jouent un rôle stratégique puisque à la fois ils facilitent et ils bloquent le flux de certains types d’informations”[BLU95]. Cette citation de Blundo résume à elle seule l’importance de la connaissance de la structuration sociale dans la diffusion des innovations car elle permet d’identifier les indivius qui assurent et régulent la communication entre les différents acteurs. D’une manière générale, “la société sénégalaise est à la fois complexe et hiérarchisée ” [AL08]. Dans l’organisation sociale du pays, “les traits caractéristiques qui restent à peu près stables dans l’espace et le temps sont d’abord une structure sociale très rigide”[DIO01]. Cette structure sociale est matérialisée par la communauté familiale qui est l’élément de base de la société et la communauté villageoise qui vient au second rang. La communauté familiale regroupe tous les membres du " lignage "[DIO01] et ceux-ci obéissent tous à une seule autorité : le chef de famille. " Elle est l’unité où se 1. les autorités religieuses et les chefs traditionnels que nous avons dans notre modèle comme des noeuds du réseau social, sont considérés comme des courtiers du développement par Monika Salzbrunn dans : Monika Salzbrunn, ń Leaders paysans et autorités religieuses comme courtiers du développement en milieu rural sénégalais ż, Bulletin de l’APAD [En ligne] , 11 | 1996 , mis en ligne le 03 juillet 2007, Consulté le 20 mars 2011. URL : http ://apad.revues.org/801 132 Studia Informatica Universalis. produisent et s’accumulent les biens et où s’effectue la répartition des biens de consommations entre les agents productifs, les vieux qui ont cessé de l’être et les jeunes qui ne le sont pas encore "[DIO01]. Les communautés familiales qui vivent ensemble et échangent des produits se regroupent et forment la communauté villageoise. Celle-ci joue un rôle essentiel dans la vie économique et sociale. Dans ces communautés villageoises, “ les décisions sont prises après une concertation (la palabre) au cours de laquelle la voix des Anciens est prépondérante et une fois la décision prise, l’individu ne peut qu’adhérer au groupe car il n’existe pas en dehors du groupe“[DIO01]. Il ressort de ces faits que le Chef de village, qui représente en même temps la voix des Anciens du village, est un élément important qui a une grande influence sur les décisions de toute une communauté. Il constitue ainsi un noeud non négligeable dans le réseau d’interactions et de diffusion des innovations. Après cette appartenance au groupe d’individus liés par le " lignage " (communauté familiale) ou par la proximité spatiale (communauté villageoise), " l’appartenance à une confession religieuse dicte l’identité d’une personne "[AL08]. Dans son ouvrage, HESSELING affirme que ”les sénégalais se considèrent eux même comme un peuple profondément religieux”[HES85]. Cet héritage religieux comporte d’importantes implications pour le Sénégal moderne. La religion est présente dans toutes les activités de l’être humain et influence le comportement social, politique et économique des individus, des groupes et des institutions". A ce titre " les relations entre l’Etat et les communautés locales ont toujours été assurées par des groupes sociaux intermédiaires et le rôle joué par les confréries musulmanes et par les réseaux de patronage politique est assez bien connu" [BLU95]. Certains trouvent même que les confréries ont plus d’influence que les hommes politiques : “dans l’organisation des décideurs du pays, les confréries ont plus de pouvoir que la classe politique : les hommes politiques faisaient les yeux doux aux Cheikhs (puissance nationale) et aux Marabouts (puissance locale) qui appelaient à voter pour l’un ou l’autre des partis par des "‘ndiguel "‘ ..... . Ce rôle important que jouent ces chefs religieux s’explique par le fait que certains (les fidèles) les ont " habilités à décider du vrai et du faux, du juste et de l’injuste "[AL08]. Ces fidèles font preuve d’une confiance totale à leur marabout de telle sorte qu’ils " reçoivent consignes et ordres Etude de la diffusion d’innovations 133 du maître sans poser de question"[AL08]. Le marabout est donc une personne d’une influence non négligeable sur attitudes, les opinions et les décisions de ces fidèles. Il constitue ainsi une ressource importante pouvant influer sur la diffusion d’une innovation auprès de ses fidèles. Ce survol de la littérature montre que la société rurale sénégalaise est une société dans laquelle les croyances et attitudes sont guidées par l’influence non négligeable de certains Leaders d’opinion que sont le Chef de village, le Leader politique et le Chef religieux et par la mise en place d’un contrôle social structurant. c’est pourquoi nous retiendrons ces trois catégories d’acteurs comme principaux noeuds de notre réseau social. 3. Modèle de diffusion d’innovation en milieu rural sénégalais 3.1. Modèles existants Nous mettons en place un modèle permettant de simuler la diffusion d’une innovation dont le principal canal de communication est le bouche-à-oreille2 . L’approche la plus utilisée dans ce cas est l’approche épidémique. En effet, celle-ci est généralement utilisée pour décrire la transmission d’informations à propos des innovations [GER00], qu’il s’agisse explicitement de bouche à oreille[GM01], de rumeurs [NBM07] ou plus généralement de croyances [LYN96]. Cet approche part du principe selon lequelle une exposition à une information suffit pour devenir informée, et potentiellement transmettre l’information à quelqu’un d’autre. Cependant, on sait que tous les individus n’ont pas la même propension à adopter et transmettre l’information aussitôt après sa réception. “Quand un individu est environné par suffsamment d’adoptants, il finit lui-même par adopter. Toutefois, certains individus sont plus réticents que d’autres pour adopter” [THI09]. Pour prendre en compte cette hétérogénéité de la population, nous avons introuduit dans notre modèle, la notion de seuil développée par Grano2. Une étude diagnistique du milieu rural que nous avons effectuée en 2006 dans les départements de kaffrine et kébémer au sénégal a montré que le moyen de communication le plus utilisé dans ces zone est le bouche-à-oreille du fait de l’absence ou de la rareté des infrastructures ou moyens de communications modernes 134 Studia Informatica Universalis. vetter. Le principe des modèles à seuil est le suivant : un individu change d’état si une proportion de ses voisins suffisemment importante est dans cet état. Cette proportion d’agents constitue le seuil de l’individu. La diversité de ces seuils, ainsi que la position de l’individu sur le réseau social, créent une hétérogénéité dans la population. Nous nous inspirons donc de ces modèles à seuils pour définir la fonction d’adoption de notre modèle. L’approche épidémique suppose aussi que les rencontres entre individus peuvent apparaître aléatoirement dans la population. Mais on sait que dans une communauté bien définie, les rencontres se produisent généralement entre les mêmes individus, selon des structures données [WF4a]. Ce qui veut dire que les individus ne se rencontrent que s’il existe un lien entre eux. Cette dernière conception est à la base des modèles d’épidémie sur réseau surlesquels nous nous basons pour construire notre modèle. Avec cette approche, la transmission de messages se fait à travers un réseau. Différents modèles ont été construits pour analyser ces effets de réseau, d’abord en distinguant plusieurs groupes d’individus, puis en utilisant des générateurs reproduisants des propriétés statistiques observées sur des réseaux sociaux [THI09]. Parmi ces générateurs de réseaux, nous pouvons citer celui développé par THIRIOT dans sa thèse que nous allons adapter et utiliser pour reproduire le réseau social sur lequels seront effectées les simulations. 3.2. Notre modèle D’une manière générale, nous nous inspirons de l’approche épidémique (sur réseau) pour modéliser la trajectoire de la diffusion et des modèles à seuils pour prendre en compte l’hétérogénéité de la population en matière de croyances et attitudes. Cependant, il est important de pouvoir intégrer dans le modèle l’influence des Leaders sur les décisions de la population. En effet, nous avons pu constater que les facteurs qui forment l’opinions et expliquent les attitudes de la population étudiée sont de trois ordres : l’appartenance religieuse, politique et la coutume. Toutes les interac- Etude de la diffusion d’innovations 135 tions entre ces individus seront basées sur ces facteurs. Pour prendre en compte ces facteurs, nous supposons que chaque individu appartient au moins à un groupe (suivant la tendance religieuse,politique, ou traditionnaliste (coutume) )3 et de ce fait subit une certaine influence de la part du leader du groupe. Cette influence sera matérialisée par un coefficient Pxi qui représente l’influence qu’a le leader du groupe x sur l’individu i. Ce paramètre, ajouté aux modèles existants précédemment cités, formera notre modèle de diffusion des innovations. La modélisation passera par deux phase : la première consiste à reproduire le réseau social et les interactions qui en découlent en utilisant le modèle de génération de réseaux d’interactions proposé par THIRIOT. La seconde phase consiste à la mise en place du modèle de diffusion d’innovation à travers le réseau généré. 3.2.1. Modélisatoin du réseau social d’interactions Pour la modélisation, les systèmes multi-agents ([DLC89], [DUP82], [CDJM],[FER95]) sont utilisés car “ils offrent la possibilité de dépasser les limites des modèles analytiques” en permettant de représenter directement les comportements et les interactions entre individus[DAU09]. Dans le cas des SMA, l’accent est mis sur la modélisation des agents (entités physiques ou virtuelles) et sur les relations qu’ils entretiennent entre eux et avec l’environnement dans lequel ils évoluent. Nous utilisons ces SMA pour la modélisation du réseau social. Avant tout, il est important de rappeler la définition de “réseau social“. Un réseau social peut être défini comme ”toute interaction entre individus ou organisations“[THI09]. Ces interactions sont représentées dans le réseau par des liens sociaux. Un lien de ce réseau représente ”’toute relation sociale durable entre deux individus“ (approche de Social Networks Analysis). Cette relation peut être basée sur la confiance, le support affectif, les services échangés, l’aide financière ou matérielle ; elle peut aussi être basée sur la connaissance tout simplement(Ex. les réseaux small-word [MIL67]. Dans cet article, un lien du réseau représentera toute relation de confiance (entre le Chef Religieux et ses disciples, entre le Leader politique et ses Partisans, entre le Chef de village 3. les groupes ne sont pas disjoints 136 Studia Informatica Universalis. et sa communauté) ou d’amitié (entre les Fidèles, les Voisins (membres d’une même communauté villageaoise), les partisans (ayant une même conviction politique)). Notre réseau social est constitué de 4 catégories d’agents : le Chef Religieux, le Leader politique, le chef de Village (Chef coutumier) et le Citoyen simple. (cf. fig. : 1 Chaque agent a des attributs propres : – Chef-Religieux : Confrerie, Disciples, Innovant – Leader-Politique : Parti, Partisans, Innovant – Chef-Village : Village, Communuate, Innovant – Citoyen : Chef-Village, Chef-Religieux, Leader-Politique, SeuilA, Pr, Pp, Pc avec : Innovant = {-1,0,1} (Innovant = -1 si l’individu est contre l’innovation, 0 s’il est neutre, 1 s’il est pour l’innovation ) ; SeuilA : nombre de messages nécessaire à l’adoption ; SeuilR ( SeuilA) : nombre de messages nécessaire au rejet ; Pr : poids accordé à la religion ; Pp : poids accordé à la politique ; Pc : poids accordé aux coutumes (traditions, valeurs). Ces agents entretiennent des relations qui sont représentées par des liens (cf. fig. Relations sociales). Ces liens sont classés en 4 classes [THI09] les liens dirigés (Ldir), non dirigés (Lndir), générés sur la base des attributs (Latt), générés par transition (Ltrans). Cette dernière classe est absente dans notre système. – Ldir = {Maître, Disciple, Leader politique, Partisan, Chef coutumier, subordonné} – Lndir = {Ami religieux, Ami politique, voisin} – Latt = {Ami religieux, Ami politique, voisin} Notons que les Amis religieux sont les individus qui partagent un même Chef religieux, les Amis politiques ont un même Leader politique et les Voisins habitent le même village. Etude de la diffusion d’innovations Figure 1 – Diagramme de classe UML du système 137 138 Studia Informatica Universalis. Figure 2 – Relations sociales Etude de la diffusion d’innovations 139 3.2.2. Modélisation de la diffusion à travers le réseau généré ”L’étude du processus de diffusion d’innovation se fait dans une perspective temporelle, spatiale ou les deux à la fois.”[DAU09]. Notre modèle s’inscrit dans une perspective temporelle. Rogers explique la différence du moment d’adoption d’une innovation par le fait qu’il existe 5 types d’adoptants[ROG03]. Pour se conformer à cette catégorisation, un seuil d’adoption est défini pour chaque individu ; ce seuil varie de 0 à 5. Les différents seuils marquent l’hétérogénéité de la population. Pour une population subissant une influence totale des leaders d’opinion (Chef Religieux, Leader Politique et Chef de Village), la seule réception de messages informant que le leader a adopté l’innovation suffit pour que le subordonné lui aussi adopte. Dans ce cas, on mettrait tous les seuils à 1. Le nombre de messages nécessaires pour modifier l’état de l’individu varie donc en fonction du seuil d’adoption de l’individu. Par ailleurs, chaque individu subit une influence différente selon qu’il a un penchant plus ou moins élevé pour la religion, pour la politique ou pour la coutume. Cette hétérogénéité de l’influence est représentée dans la fonction d’adoption par des coefficients indiquant le poids accordé à chaque facteur (Religion, Politique, Coutume). Nous allons définir une fonction d’adoption F a qui évalue l’état (adopte, rejette, situation intermédiaire) de l’individu à tout instant. Ainsi appelons par : SeuilAi , le seuil d’adoption de l’individu i ; par SeuilRi , le seuil de rejet de l’individu i ; P ri : le poids accordé à la Religion par l’individu i ; P pi : le poids accordé à la Politique par l’individu i ; P ci : le poids accordé à la coutume par l’individu i ; M ri : le nombre de messages reçus d’un Ami-religieux ; M pi : le nombre de messages reçus d’un Ami-politique ; M vi : le nombre de messages reçus d’un Voisin ; F ai : la fonction d’adoption de l’individu i ; on a : F ai = P ri ∗ M ri + P pi ∗ mM pi + P ci ∗ M vi avec P ri + P pi + P ci = SeuilAi . 140 Studia Informatica Universalis. L’individu i adoptera l’innovation si et seulement si F ai >= SeuilAi ; il le rejettera si et seulement si F ai <= SeuilRi ; 3.2.2.1. Dynamique des interactions entre agents Description textuelle : Un leader d’opinion L reçoit le message sur l’innovation. S’il n’est pas innovant, donc neutre par rapport à l’innovation, il ne transmet pas l’information ; s’il est contre ou favorable à l’innovation, il choisi son plus proche subordonné/fidèle/partisan (c’est à dire celui qui est le plus influencé par le leader, qui accorde le poids le plus élevé au message du leader) et lui transmet un message positif s’il est favorable (négatif sinon). Ce dernier se charge de le transmettre au citoyen le plus proche (en terme de distance géographique). Si le message reçu est négatif alors il décrémente le nombre de messages reçus du chefcoutumier/Maître/Leader-politique, si le message est positif alors il l’incrémente. Ce citoyen évalue sa fontion d’adoption, si elle est supérieure ou égale à son seuil d’adoption, alors il adopte l’innovation et la diffuse, si elle est inférieure ou égale à son seuil de rejet, alors il rejette et diffuse un message négatif. Représentation schématique : (cf. fig. : 3) Notation Posons : C l’ensemble de Citoyens, C = (Ci ), i ∈ N L l’ensemble des Leaders d’opinion, L = (Li ), i ∈ N V l’ensemble des Villages, V = (Vi ), i ∈ N Cr l’ensemble des croyances religieuses, Cr = (Cri ), i ∈ N Cp l’ensemble des croyances politiques,Cp = (Cpi ), i ∈ N Si on appelle par : Pkm : le poids accordé à un message reçu d’un Leader k par un individu m d(Lk , Cj ) : la distance entre le Leader Lk et le Citoyen Cj Nkm : le nombre de message reçu d’un citoyen m ayant comme référence le Leader Lk SeuilRm : le seuil de rejet du citoyen Cm et Etude de la diffusion d’innovations 141 Figure 3 – Représentation schématique dynamique d’interaction SeuilAm : le seuil d’adoption du citoyen Cm , on a la représentation schématique suivante (Représentation schématique dynamique d’interaction) : 3.3. Simulations Les simulations ont été faites avec le logiciel NetLogo dont l’environnement est présentée par la figure ci-dessous (cf. Fig. : 4). Nous considèrons les paramètres suivants fixes tout au long des simulations (cf. fig. : 5 et fig. : 6) : 3.3.0.2. Caractéristique des Leaders d’opinion Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques des différents Leaders d’opinion et la répartition de la population autour d’eux. Nous 142 Studia Informatica Universalis. Figure 4 – Environnement de simulation avons délibérément choisi de faire une répartition interne égale ; au sein d’un même groupe (religieux, politique ou traditionnel -coutume- ), tous les leaders ont le même nombre de suiveurs. Ceci peut être différent de la réalité mais c’est pour donner un sens aux nombres (coefficients) utilisés dans la deuxième série de simulation. 4 3.3.0.3. Environnement silmulé Nous considérons que notre communauté rurale5 a une taille totale de 500 individus. La première série de simulations consiste à faire varier le rayon d’action (distance maximale qu’une personne peut parcourir6 pour transmettre un message) pour voir l’effet que celui-ci peut avoir sur la diffusion de l’innovation. Le plan de simulation qui a été adopté est résumé dans les tableaux ci-dessous (cf. fig. : fig. : 7 et fig. : 9 (cf section résultats)). La deuxième série de simulation consiste à faire varier le nombre de 4. Par exemple, si nous disons 2 chefs de villages adoptants, le 2 est proportionnel au nombre d’habitants de ces villages susceptibles d’adopter. 5. La Communauté Rurale La Communauté rurale, personne morale de droit public, dotée de l’autonomie financière, est constituée par ń un certain nombre de villages appartenant au même terroir, unis par une solidarité résultant du voisinage, possédant des intérêts communs et capables ensembles de trouver les ressources nécessaires à un développement ż (article 192 de Loi portant Code des Collectivités Locales du sénégal) 6. on suppose que les communications se font par voie de bouche-à-oreille et de façon directe Etude de la diffusion d’innovations Figure 5 – caractéristique des Leaders d’opinion Figure 6 – Environnement silmulé Figure 7 – Caractères innovants des Leaders 143 144 Studia Informatica Universalis. leaders adoptants et non adoptants et de voir son effet sur la diffusion d’innovation. Pour éviter l’influence du nombre, on répartit la population de la manière suivante : 1) Tous les villages ont le même nombre d’Habitants, 2) Tous les Chefs Religieux ont le même nombre de fidèles, 3) tous les Leaders Politiques ont le même nombre de Partisans, 4) Tous les leaders sont sensibilisés. le rayon d’interaction est fixé à 4 (rayon à partir duquel le nombre maximum d’adoptants ne varie plus7 ) et on fait varier les Leaders suivant le type d’innovateur (Adoptant (innovateur = 1) ou rejetant (Innovateur = -1) pour évaluer la vitesse et l’ampleur de la diffusion. On s’intéresse ici au nombre d’individus adoptants. Au total 7 plans de simulations ont été exécutés, pour chaque plan, 30 simulations ont été lancées ; le tableau suivant donne les résultats (cf fig. :8) . 4. Résultats et Discussion Première série de simulations La première simulation donne le résultat suivant (cf.fig : 9). On suppose que tous les Leaders sont innovants ; le seul obstacle qui pourrait freinner la diffusion serait l’absence de communication. Les résultats montrent effectivement que le nombre d’adoptants augmente en fonction du rayon d’action. Il est enregistré un maximum de 46 adoptants pour un rayon de 1 unité (1 patch), 226 pour un rayon de 2 et 414 pour un rayon de 3. Le plafond est atteint avec 421 Adoptants pour un rayon de 4. Donc si la population était dotée d’outils de communication de telle sorte que les communications puissent se faire sur un rayon de 4 unités de mesure de distance, la diffusion serait complète et couvrirait l’ensemble du territoire qui s’étend ici sur un rayon de 16 unité de mesure de distance (16 patch ici). 7. Résultat de la première série de simulations Etude de la diffusion d’innovations Figure 8 – Plan de simulation 2 Figure 9 – Nombre maximum d’adoptants par rayon 145 146 Studia Informatica Universalis. Figure 10 – Nombres d’Adoptants par plan de simulation Regardons maintenant l’effet de la position des Leaders d’opinion face à l’innovation. Deuxième série de simulations La deuxième série de simulations donne les résultats des 7 plans de simulations qui sont consignés dans la figure suivante (cf. fig. : 10) Pour chaque plan, nous lancons 30 fois la simulation8 . Pour chaque simulation, nous récupèrons le nombre maximum d’adoptants qu’on a lorsque le processus de diffusion prend fin. Le graphe représentatif donne les maximum, minimum et le mode par plan de simulation. 8. ici, la simulation correspond à un processus de diffusion complet ; c’est à dire nous lancons plusieurs fois la diffusion jusqu’à ce que le nombre d’adoptants enregistrés dans le temps soit maximal Etude de la diffusion d’innovations 147 Figure 11 – Nombres d’Adoptants pour le plan1 4.0.0.4. Détail des plans Pour le premier plan, tous les leaders sont innovants et nous avons un résultat unique de 418 Adoptants. Pour le second plan, 3 Leaders sont des Rejetants (1 Chef de village, 1 Leader politique, 1 Chef religieux). La tendance globale est celle du maximum avec 417 Adoptants. Le troisième plan (5 Adoptans, 5 Rejetants) donne des résultats semblables au second avec un peu moins d’Adoptants (391). Le quatrième plan (4 Adoptants, 6 Rejetants) inverse la tendance avec plus de résultats d’échecs de diffusion. On enregistre plus de résultats de diffusions ayants un maximum de 74 Adoptants sur un total de 500 Individus. Ce qui n’est pas surprenant car la majorité des Leaders d’opinion rejette l’innovation. Néanmoins ce qui est très surprenant ici est le fait que le cinquième plan donne plus de résultats en faveur d’une réussite de diffusion (tendance pour un maximum de 395 adoptants) alors qu’il réunit plus de Leaders Rejetants (7) que le quatrième plan. En regardant de plus près, 148 Studia Informatica Universalis. Figure 12 – Nombres d’Adoptants pour le plan2 Figure 13 – Nombres d’Adoptants pour le plan3 Etude de la diffusion d’innovations 149 Figure 14 – Nombres d’Adoptants pour le plan4 la seule différence est que le plan 5 a 1 chef de village non-adoptant de plus que le plan 4 et 2 chefs de village non-adoptants de plus que le plan 3. L’explication de ce fait autorise plusieurs hypothèses : H1 : le nombre d’individus qui sont sous la tutelle d’un chef de village n’est pas très représentatif, comparé à celui des autres leaders pris individuellement ; H29 : la relation de voisinage à elle seule n’impacte pas la diffusion de l’innovation car elle limite la diffusion à un cercle restreint, limité géographiquement. Les résultats du sixième plan donnent une tendance semblable au quatrième plan avec un plus grand nombre de Leaders Rejetants (8). 9. cette hypothèse viendrait confirmer la théorie de Granovetter sur la force des liens faibles. Si on considère la relation de voisinage comme un lien fort , il est normale que les interactions qui reposent seulement sur ce lien ne projettent pas la diffusion à une grande distance du nIJud. Dès lors, la combinaison des autres interactions (les autres sources d’influence) déterminent plus fortement l’issu de la diffusion. 150 Studia Informatica Universalis. Figure 15 – Nombres d’Adoptants pour le plan5 Figure 16 – Nombres d’Adoptants pour le plan6 Etude de la diffusion d’innovations 151 Figure 17 – Nombres d’Adoptants pour le plan7 Dans le dernier plan (plan 7), il n’y a aucun Adoptant, ce qui est très normal car tous les Leaders (qui doivent transmettre en premier l’information) sont rejetants. De façon globale, les simulations montrent que le nombre initial de Leaders Adoptants influe bel et bien sur les résultats de la diffusion. Cependant, il n’existe pas de relation linéaire entre le nombre de leaders Adoptants initial et le nombre d’Individus adoptants à la fin de la diffusion. Etant donné que les individus reçoivent en même temps des messages favorables et défavorables, l’ordre d’arrivée de ces messages influence également le résultat de la diffusion car il joue automatiquement sur la décision de l’individu. Un individus peut être largement influencé par un chef religieux Adoptant et n’être entouré que de voisins rejetants, dans ce cas, il y a une forte problabilité pour qu’il rejette l’innovation alors que sa principale référence est adoptante. On pourrait peut être avoir des résultats différents si les simulations étaient faites sur la base d’une population qui est totalement soumise au Leaders d’opinion, c’est a dire si les seuils d’adoptions étaient de 1 et si le poids du message du Leader de référence était de 1. Cette hypothèse pourrait 152 Studia Informatica Universalis. être éprouvée dans le cas des communautés religieuses mourides où le leader religieux dispose d’une grande force d’influence auprès de ses fidèles10 . 5. Conclusion et perspectives La prise en compte de l’influence des Leaders d’opinion dans des sociétées dont l’organisation est structurée comme en milieu rural sénégalais montre à quel point la question de la diffusion est un phénomène complexe dont l’issue est incertaine. La plupart des modèles prévisionnels n’intègre pas les effets relatifs à la structure des organisations. Certes certains modèles prennent en compte et donnent de l”importance aux réseaux sociaux mais n’intègrent pas des facteurs comme l’influence des leaders d’opinion qui joue un rôle très déterminant dans le processus de diffusion des innovations. Comme nous l’avons souligné, la position géographique des Leaders d’opinion, leur caractère innovant ou conservateur, leur jujement favorable ou défavorable par rapport à l’innovation déterminent les résultats de la diffusion. Pour améliorer les résultats de la recherche, nous comptons concevoir un modèle plus globale qui prend en compte les réalités du milieu rural (structuration sociale,relations d’influence ou de subordination) et qui pourrait s’appliquer à d’autres organisations ayant des structurations semblables. Références [AL08] Dominique ANZIAS and Jean-Paul LABOURETTE. Le Sénégal. Paris : Nouvelles éditions de lŠuniversité, 2008. [BAS69] F. M. BASS. A new product growth for model consumer durables. Number 15(5). 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