Nathalie Blanc

Transcription

Nathalie Blanc
Soxs
Nathalie Blanc
C’est au nom de l’individu, cet animal, que
j’ai réalisé ce texte…., pour montrer les facettes
du « ressentir », pour évoquer (ce qui ne doit pas
l’être, sinon sur le mode de l’historiette…) sa
formation. Autoformation ?
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La jeune fille appelée Lucy vivait dans le Minnesota.
Pourvue uniquement d'intériorité, elle comprit un jour que sa
vie ne se résumait en rien et commença à parler :
“J’aurai voulu faire un récit où tout se tienne, où comme
par magie lettres mots et contes prennent… J’aurai voulu faire
un récit sur la structure du monde, comme sur les arbres ou…
Je n’ai pas réussi. Tout ce que j’ai réussi, cependant, sur
ces chemins pavés d’ennui, tout ce que j’ai réussi, c’est à
séparer ce qui doit être de ce qui est ; c’est la réussite du
monde. Ce que j’ai réussi, c’est à propager l’idée, plus ou
moins juste, d’une gloire à venir, comme d’un arbre à
pousser…
Ce jeune homme, encore bien maigre, cette jeune femme,
aussi squelette, se promènent dans les couloirs du temps et
aspirent, de façon difforme, au devenir ! Cependant, malgré
tout (et les bécanes seront nombreuses comme internes,
rentrées, de vraies mandibules en progression), l’air sera de
nouveau comme frais… Un air venu du large, de la mer
inopérante, inefficace, mais ô combien grand ouverte…
Cet air venu de loin comblera le désir de mieux faire ; cet
air venu de loin obéira aux lois invisibles qui forcent un
individu à devenir ; un être à être ! Cet air venu de loin (de si
loin qu’on croirait un « prétérit ») forcera les portes du
temps ; engourdira le bébé dans mon ventre…
Quand le tocsin sonnera, les montres retentiront… Cet air
venu du large conduira bien loin, là où personne ne va (mais
aussi où personne ne veut aller…)”
*
Cette jeune fille n’était pas un homme et quand elle en prit
conscience, qu’elle se rendit compte qu’il n’y avait pas
d’homme qui tienne, elle commença à parler :
“Elle ne voit pas qu’elle n’a pas d’yeux et compte encore
dessus… Elle ne voit pas qu’elle n’a rien à la place du nez et
s’imagine encore compter dessus. Elle ne voit pas que son
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cerveau a disparu et s’imagine encore mettre la main
dessus…”
*
Et elle murmura à l'adresse du rabbin :
“Je ne voudrais pas vous engager dans une discussion
théologique, mais qu’est-ce que c’est le bien ?
Le bien, c’est le mal fait aux autres... L’exercice
rigoureux de ma liberté contre les autres…
Et le mal ? Mon silence. Ce que je subis en toute rigueur…
Et le rire ? Le rire, c’est quand je ris. Sinon je pleure !
Et l’amour ? C’est quand je me déchire volontiers. J’aime
me déchirer…
Cet exercice de tension subi me procure une certaine
volupté !
Et l’amour des autres ? C’est quand les autres me pénètrent
volontiers !
Qu’est-ce qu’il reste que nous n’avons pas discuté ?
La guerre, suggère t-il !
Anecdotique. Un missile contre l’autre… Quand la parole
se déchire… Mais vous n’avez pas évoqué le monde ?
Le monde, le monde, crie le rabbin, c’est quand on ne parle
plus qu’on en parle… Quand il s’agit de sapins dans la
plaine...
Non, pas des lapins ! Et, car le monde est un « rabbit
hole », le tout explose ! Après un temps de silence, retombée
des ‘cendres’, le rabbin parle…
Il dit : je n’avais pas vu le monde ainsi… Maintenant je
voudrais le voir autrement…
Comment, maintenant ? Comme le mal ? Comme le bien ?
Non, comme rien, dit le prêtre. Comme rien car, alors, je
peux le voir comme tout… Comme un de ceux qui n’ont pas
réussi leur trou. Alors, je le vois comme répondant de ce qui
n’a pas d’interstice ; le monde, le voile du mystère… Un
allume-cigarette, un organe de componction. En fait, je vois le
monde comme ce qui n’a pas de nom ailleurs et mériterait de
ne pas en avoir ici…
Ceci répond à cela et n’a pas de nom ailleurs ! ”
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*
Elle eut un effet d’annonce… Elle n’était capable de rien et
tout le monde le savait bien ! Pourtant, un jour où elle se
sentait vraiment en défaut, elle se fabriqua un espace rien
qu’à elle. Un espace jonché de feuilles à l'image de
l'automne…
Premièrement, le père ne s’y trouvait pas. Ni même son
corps qui flottait en vain…
“Les corps sont perdus… Comme des hosties flottantes !
Les âmes, elles aussi, voguent ; on les voit flotter… Pastilles
rondes ou pain béni !
En vérité, tout flotte, même ce qui ne doit pas !”
*
Un tel constat triste, voire affligeant, l’obligea à
abandonner son moi, son soi et son ça. C’est de cette façon là
qu’elle se résigna à ne plus être… Tout ça pour dire que
nombreux les animaux aussi consistants soient-ils qui
erraient :
“Voiles flottants sans réserve... Puisqu’on ne sait pas aller
ensemble, on ira séparés…
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Premier jour
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Dès l'enfance, Lucy était paumée...
“C’est l’enquête qui produit ce monde. Une grande,
inquiétante, enquête ! Le procédé est le suivant : on s’inquiète
et puis on oublie… C’est son gros nez qui en dit long : dans
cette procédure généralisée, il produit des effets désastreux !
On croie en lui, puis on l’oublie. C’est comme ça le matin,
puis ailleurs…”
*
Elle tenait juste à ses livres…
“Il est difficile de penser. De joindre les deux bouts. Ce
sont des adversaires conjurés… Pourtant, on essaie... La
pensée prolifère comme pour dépasser ses limites. Elle tente
d’outrepasser ses droits. Elle tente d’aller au-delà… Au-delà,
c’est dans le monde esthétique des beaux-arts. Où l’œil
s’arrête pour contempler cette belle peinture, où le pas ralentit
devant un bel arrangement, de méli-mélo fait…”
*
Alors comment prendre la bonne direction ?
“Alors, il se lève. Le cul en feu. On n’en a pas vu beaucoup
des comme ça… C’est pas à souhaiter ! Leur exactitude leur
force à percer l’araignée, le con d’Irène et à laper à la grotte.
À quatre pattes... Ce sont des bêtes, des minouches, des
sirènes chantantes… On peut qualifier de tel tout ce qui a un
sexe et chante… Brame, mugit !
Dans l’espace de vente réservé aux araignées, il n’y aura
pas d’air… Les pluies seront tombées, ô combien silencieuses
et se répandront sur le tissu coloré de vie ! Alors, les
éteignoirs s’étoufferont et on ne verra plus rien. C’est ça, le
creux de l’araignée, le cœur splendide de la toile…”
*
Certains jours, elle se voyait perchée en haut d’un arbre :
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“En silence, le faucon ! Sirènes, dormez ! Vous n’irez
pas bien, sinon ! La théorie s’achève et meurt avec le lever du
jour…”
*
D'autres, elle oubliait qu’elle existait… Le poids des
années le lui rappelait. Elle rêvait, était assise au coin du
bois :
“Le paysage, reflet de mon désir,
image de mon impatience, brille au soleil…
Tous les immeubles sont jaunes…
Et je ne sais penser
quoi de moi,
femme en noir, sur le divan.
La femme terroriste
ne dit rien du bleu du ciel.
N’y en aurait-il pas besoin, pourtant ?
Si personne, je dis bien personne,
ne chante le ciel et ses ramages,
le ciel, ses plumages,
on va au désespoir.
La voix surine dans l’air achevé ;
le ciel est bleu, sans douceur
et nous remercions l’horizon.”
*
Certains jours, elle se croyait belle...
“C’est dans le corps qu’on le sent le mieux, les yeux
fermés. On marche, on marche, regard baissé vers les pieds
en chaussettes et en sandales, on se figure la perte de son
corps comme ce qui n’avait pas eu de sens jusqu’ici… On
touche son bras : il n’y a rien. On touche son pied, seul
l’invisible résonne… On se doute alors qu’on a disparu. Il
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aurait mieux valu avant. Mais on n’en a pas été capable ! La
perte du corps ne peut être minorée ! ”
*
Certains jours, elle se pensait laide !
“Un jour, Razerka, toute de noir vêtue à un bal où elle se
sentait apprêtée ayant l’habitude d’aller à des soirées sans
flons-flons, ni apprêt, l’attendait avec anxiété… Elle l’a vue
rentrer ; elle s’est ruée vers lui. Ses jambes se sont dérobées…
Jamais elle n’a pu l’atteindre : elle est restée immobilisée,
toute tendue au même endroit sans pouvoir bouger !
Car les êtres humains sont comme ça : prêts à tout pour
accomplir leurs désirs et incapables de les réaliser ; ce qui fait
leur force, leur faiblesse aussi et qui laisse à désirer comme
fonctionnement global !”
*
À l’époque, elle habitait le rebord d'une cheminée... Là où
la suie réjouit les visages, être laid n’est pas un problème !
“C’est la ritarure dans la tête qui empêche ce texte fameux
d’advenir…
Où s’oriente… À l’est… Pourquoi
ça me gratte,
ça me fait si mal ? C’est sans doute : je n’ai qu’un cerveau
et je désire en changer !
En ceci, l’orient m’est refusé…”
*
Elle savait qu'elle vivait en marge du ciel... Comme on sait
enfant que, si l'on enfreint une règle, l'on est puni, banni du
paradis…
“ On lui a retiré les yeux ! Les lunettes aussi. Son cul, par
dessus tout son cul, a été mangé... Il n’en est resté que
l’orifice plein… Puis, tout de go, émergeant comme du
silence de la nuit, du règne de l’araignée verte, on entendit un
secret rayon. Un rayon rayonnant.
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Un rayon sans espoir ! C’était la belle Lady de T, sans
cœur comme chacun sait, mais sans vermeille aussi… C’était
la belle lady de T. qui mâchait du chewing-gum vert. On ne
peut espérer mieux d’une femme, sans doute avec des
roulettes. Elle s’oriente à l’est comme on dirait d’un soleil
vert !”
*
“ou roir
si Allé
chant :
c’est l’Pakistan
et l’onomatopée serrée !”
*
Mais les ciels étaient pleins comme des outres...
“On invente rien, on projette, on efface, on recommence...
Bien sûr, il faut dire ! Mais ne pas croire qu’on a dit. Sinon à
se perdre dans le dédale d’une réalité de substitution…
Substitut... Un bâton de glace dans sa bouche entre ses
tétons niche !”
Malgré ce qu’on aime à croire…
*
Ce n’était pas la plénitude…
“Un autre jour, je choisis trois jolis citrons sur la table dont
je ne savais que faire… Il n’y eut bientôt plus personne : je les
menaçais avec mon citron, parait-il, les obligeant à ne rien
dire ! Seulement, l’un des policiers s’est levé et a prié les
autres de partir. Sinon, il allait m’égorger…”
C’était une époque heureuse ; de celles-ci, d’habitude, l'on
ne dit pas grand chose… Elle allait en dire beaucoup, que
derrière son allure insipide, celle-ci avait parié sur le malêtre !
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C’était une époque heureuse… Elle s’en était persuadée !
“Je suis bouleversée…, traumatisée ! Comment faire pour
que ce qui n’a pas de raison d’être ne soit plus, soit
abandonné ? Quel espoir puis-je mettre en ceux qui gisent…
Ils ne m’ont fait aucun mal. Les poursuivre n’a pas de sens ;
ni de queue, ni de tête. Comment faire ? Il faut attendre qu’il
pleuve pour que les feuilles tombent des arbres et
abandonnent leur fier panache !
Quelle pluie est-ce ? Quelle pluie brutale, insignifiante,
viendra bercer mes rêves ? Elle est sans doute cette pluie qui
rêve. Cette pluie sans sens et sans brutalité… Cette pluie que
personne ne désire, mais que d’aucuns obtiennent ! Cette
pluie qui signifie la mort du rêve et la gratitude renouvelée…
Ou le lever de petites plantes !”
*
Quand elle descendait la rue, elle réalisait qu’elle ne s’en
tirerait pas facilement... Et elle criait, oh combien !
“Quand on dit se régler mieux, on veut dire abaisser la
règle d’induction… Faire en sorte que l’énergie qui parcourt
le corps soit moins forte, moins désordonnée !
Il ne faut pas oublier le ciel puis aller par les routes, son
fouet en main, pour maîtriser les chevaux… Bref, ne pas
s’oublier ! Croire que le ciel, celui qui une fois vous a bercé
de ses rayons, ne vous oubliera pas… Même s’il vous a déjà
oublié et que, déjà, vous le savez…”
*
Un jour, elle serait triste...
“Aussi quand il en sort, il raconte : il neigeait ce jour-là et
l’on n’entendait aucun pas… Le jour était tombé depuis
longtemps et on ne le désirait pas… Un homme descendait la
rue, sa carrure athlétique, ses épaules fermées. On aurait pu
craindre qu’il tue quelqu’un, mais il ne le faisait pas. Juste, il
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s’est arrêté en chemin pour boire. Mais maintenant, la neige
lui tombait dessus et il ne pouvait plus s’arrêter… C’est vrai
que, tant qu’on a soif, on ne peut pas s’arrêter ; c’est vrai car,
sinon, la soif s’agrippe à votre gorge et vous tue ; elle vous
serre dans ses griffes, vous écharpe…”
*
Pendant longtemps...
“La répulsion et l’attraction sont deux pôles de l’existence.
D’un côté, des œufs “mayonnaise”, de l’autre un “pool” d’eau
sombre... Car nous sommes envahis, je déteste. L’œuf s’est
répandu à partir de sa poche percée… Veut-il s’arrêter ?
De ce tas, nous ne déduisons rien. Les œufs sont comme il
veut et nous aussi. On ne pourra les réduire à l’état de valise...
Il faudrait avoir, pour ça, les dents longues… Mais le bateau
qui navigue n’y a pas la tête ; ses voiles étendues ne perdent
pas le cap de vue… Imaginez, un rocher noir piston perdu en
mer qui n’étend pas ses sympathies : c’est même… Ne diraiton pas une araignée ? La vie, de ce point de vue, n’est pas
plus l’extension de la mort, que l’œuf rayonnant ne prolonge
ce concept d’être ! L’œuf bleu, sur la poêle posé, résonne de
ses nœuds intrinsèques jusque loin.... Le réseau, lacis serré de
liquides qui émanent de l’œuf, restreint les possibilités
d’action ! La nonne vierge ne sait pas vérifier son verbe à
l’aune de la prédiction…”
*
Et traversant les champs enneigés et venteux, elle ne
jouirait pas des biens accumulés :
“Je ne sais pas voir ce qui se passe devant moi…, comme
l’espace magique qui prolifère. La table est ronde, de bois
faite et ne demande pas à être mangée... Semblable à Henri
Michaux, je pose une pomme devant moi… Donc sur la
table… Et j’attends qu’elle se transforme ! Seulement, elle ne
le fait pas, et c’est moi : je deviens une pomme !
Quel abat-jour, je suis, quel crétin aussi !”
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Il n'était pas question de désespérer...
“Il ne s’était pas levé pour rien… Depuis longtemps, il ne
s’était pas levé. Il n’avait pas pris conscience que tout - tout,
entendez-vous bien ! - se rassemblait en un cheveu. Et les
cheveux même ténus ne peuvent être fabriqués à partir de
rien… Ses yeux pendaient hors des orbites. Il ne pouvait rien
dire, émasculé. Le silence se fabrique ainsi.
On ne veut pas du silence !
L’endroit où il était couché, une sorte de pensionnat, était
plein de lits sans silence… Des lits en silence sont des lits
farouchement silencieux. Des lits dont on ne peut rien dire…
Le silence ne se fabrique pas ainsi. On ne veut pas de ses yeux
qui pendent émasculés ! Pourtant, ils les ont gobés. Ils… : ce
sont les conseillers du roi. Ils ont voulu les briser, les
"incenser". Ce sont des conseillers du roi brutaux et féroces ;
épais et globuleux ! Du coup, face à son lit, il les a dévorés
tous crus, n’en a fait qu’une bouchée ! Sa grande langue
sortie, tatouée presque !”
*
Ni d’espérer :
“Je ne sais pas ce que je veux…
Et dans le silence inaccompli…
Dans le silence des mots non faits…
Où réside encore le secret…
Repose mon cœur !”
*
Le désespoir était interdit de même que certains rêves…
Car elle rêvait trop et se perdait dans des désirs d'absolu...
Lucy se prenait les pieds dans les mythes…
“Elle n’a jamais vu ça. Jusqu’ici, elle était plongée dans les
comptes… La tête baissée, elle peinait à la relever… Sa
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chevelure longue, brune traînait par terre ; on aurait dit une
serpillière, un maudit drapeau flottant au vent !
Elle était née dans le Var, un département où l’on votait
plutôt à gauche. Elle avait tout connu, la gauche, la droite et la
majorité… Elle ne désirait plus rien d’autre ! Ses jours étaient
comptés ; elle peinait sans relâche. C’est qu’elle n’aurait pas
fini à temps, ils viendraient la relever avant le jour : le jour,
c’était sa mort, c’était certain ! Et c’était bon la mort, telle
qu’elle s’en faisait une idée. Ce n’était pas bon, c’était mieux.
Elle recherchait l’anéantissement, la paix de l’âme car elle
avait trop souffert, son âme suffoquait de trop plein…
Ce jour-là, elle s’était préparée… Quand elle s’était levée,
c’était le matin tôt. Les oiseaux gazouillaient… On les aurait
dit incertains, par la fenêtre ; sorte de caution théorique pour
un système qu’on rêve d’aboutir… Elle aussi rêvait qu’avec
ses forces, elle parviendrait à le décrire : rien de moins que le
paradis !
Puis cette femme s’est levée, et c’était doux de se lever
comme doux d’aimer. Sa chambre aux fenêtres grandes
ouvertes donnait sur un pré soigneusement bercé. Le berceau
de moutons. Une peinture de Gainsborough ; un chromo d’un
pré Anglais par jour de pluie.
Puis elle s’était caressée doucement entre les jambes…
Elle croyait encore qu’elle pourrait vivre longtemps…
Pourtant, elle avait appris que non… Sa jouissance était
nulle... Elle ne jouissait plus de rien, ce qui aurait dû
l’avertir ! Quand ils sont venus la chercher… C’était tard dans
la nuit... Elle ne rêvait plus de rien… De toute façon, elle
avait fait son temps… ”
*
Elle ne pouvait se permettre le désespoir :
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“C’était un matin d’abandon : il n’y en a pas beaucoup et
heureusement ! S’en remettrait-on ? Irait-on si loin qu’on ne
verrait rien ? Ce matin d’abandon était glacé, vidé ; stupéfié
comme cette femme…, qu’on avait abandonnée loin, une fois
ses tripes sorties... Cette femme, c’était pas rien : elle avait le
ventre rouge, vomi… De l’enfer : car ses tripes - à l’intérieur,
si noires d’habitude - étaient rouges. C’est comme le placard à
la Dürer. À la Soutine ! L’écorché vif : on le souhaiterait
abandonné, mais on n’y peut rien ! L’œuf blanc, par-dessus le
marché ! La sérénité en prime !”
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Ou qu’elle ne devait pas…(si elle ne voulait pas mourir).
“Franck était de ces garçons malheureux dont on ne peut
dire qu’ils trouveront un jour le bonheur ; on espère toujours
qu’ils s’arrêteront en ch’min par désir ou manque. Jamais, ils
n’y parviennent ! L’occasion ratée leur arrive à l’oreille, son
bruit assourdi, et même s’ils tentent tel avec le papillon de
l’attraper au vol, ils saisissent seulement le vide… Comme si
le vide était riche de sa substance, ne s’épuisait pas si vite
qu’il était impossible de le saisir !”
*
“Il est acquis : Franck n’est pas beau. C’est un louche
comme parfois en France, un louche ringard. On le conspue
dans la rue… Il oublie d’être. On le dirait absent soudain ! La
leçon à tirer : il ne fait pas bon de ne pas bien être ; il ne faut
pas oublier le rôle que les soleils, ces merveilleux
dramaturges, ont !”
Cependant, elle se délectait de mélancolie…
*
Son esprit devait-il conserver ces rêves ? Ou devait-elle se
préserver du désespoir ?
“La tristesse est ce qui enferme dans la solitude sans
fondements. Où la neige ne repasse pas... On souhaiterait ne
plus être triste. Que la neige ne pleure pas en longs cordeaux,
mais on ne peut pas : on pleure tout ce qu’on sait, on pleut
tout ce qu’on sait ! Dans ce pays imaginaire où les Trégonés
vont trépassant, point de relief, point de lumière... Juste
l’absence d’être au coin du soir !”
*
Fallait-il se réduire au désespoir pour gravir les marches
qui conduisent au ciel ?
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“L’amour sans surface, mais pourvu de cornes, ne
comblera pas la femme… Elle sera inquiétée par les gens de
la tribu qui la violeront à tour de rôle et à répétition. Elle ne
criera pas, car elle est gourmande. Et le ciel ne lui a pas confié
ses petits pour qu’elle crie… Il faut les aimer !”
*
Pour que les anges restent ? Seulement, même quand elle
désirait faire rire, elle ne faisait que du caca :
“surprise ratée mormonne… De ce qui fût,
ne sera pas ombellifère…
Cynisme évident/Doré !
l’argenterie posée :
un rêve, une nuit d’été... !”
*
Elle dit même : encule-moi
et baise la croix !
Elle dit : baise-moi
et se fait ‘roi’ !
C’est une femme ! ”
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Pour réaliser son destin, elle devait se désespérer un bon
moment… Puis abandonner...
“Rousseau, grande découverte pour moi ! Je les aime, je les
aime, je les aime ces hommes qui me donnent de la joie…
Grande découverte, car il sait mieux que personne prolonger
mon dire en affect… Ce que je ressens, il le dit, mais ne dit
jamais rien qui puisse encombrer l’esprit… Car on a dit, la
théorie est bonne pour les chiens ! Préservons-les de nos os
venimeux !
Car Rousseau dit l’amour et sa fadeur, il sera récompensé
d’un merveilleux baiser… Puisse le ciel délivrer un baiser à
ceux qui ont su voir dans le monde toutes ses merveilleuses
douceurs et ses promesses à venir, car il est plus de plaisir en
l’extase qu’en la désillusion…”
*
Certes, elle avait débuté tôt, mais elle ne devait pas
s’arrêter :
“Anabelle était sur le point de rejoindre son ami. C’est
vrai, elle était enceinte et même son ventre ne tenait plus en
place. On aurait dit qu’elle allait accoucher d’un animal… Le
téléphone a sonné. Elle n’a pas répondu : elle a préféré
rejoindre son ami, car il était sept heures. Or on sait mieux à
sept qu’à aucune heure !
Elle a foncé dans la rue oubliant tous ceux qui
s’adressaient à elle et l’a rejoint : sans doute aurait-elle
préféré un autre geste que celui qu’elle a fait alors, mais
non… C’est celui qu’elle a fait ! Elle s’est penchée vers lui :
on était dans la rue et le bruit des motos perturbaient leurs
voix et lui a retiré les yeux… Après, elle les a crachés par
terre !”
*
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Sans, pourtant, aller trop loin :
“Anabelle était gore, ces yeux ainsi sortis, hors de sa
bouche… Mais c’était une belle femme, c’est pour ça ; sinon,
on n’y aurait vu que de la normale… Une fois ôté ses yeux,
ceux de son ami qui avaient roulé par terre, elle a même gobé
son sexe…
Elle a vu à le remplacer ; mais sans doute était-il unique
comme beaucoup de sexes et elle n’y est pas arrivée…
Cependant, elle allait le rendre exceptionnel : elle a collé les
globes de verre qui étaient restés à terre sur l’ipoumonable ver
de terre et les a dispensé de crier !
Les vers de terre remplaçants, une fois collés, se sont agités
pour manifester leur surprise et n’ont plus dit mot. Or, qui ne
dit mot consent ! Et c’est vrai qu’elle les a aimés d’autant
mieux qu’ils avaient accepté leur sort !”
*
Elle devait prolonger le chemin...
“Tous les jours, il fallait se lever, tous les jours...
L’épuisante tâche était compensée par les pensées qu’on
pouvait agiter en même temps… Si le quotidien, son
épouvantable répétition, était quasi-insupportable, le rêve
avec ce qu’il comportait d’envolées miroitantes, de choses
sexuelles, débiles de gamine, n’en était pas moins ce qui
enjolivait le tout, le rendait beau… L’ennui n’était pas seul
en cause : il s’agissait de ne pas se perdre dans le décompte
des jours... Le quotidien fait oublier qu’on vit !
Aujourd’hui, en 2002, il ne se passe rien, mais rien et tout,
c’est pareil. Alors, on se croirait enfermé en soi-même, à ne
pas pouvoir profiter de cette immense richesse d’évènements
offerte aux yeux… Il en résulte une tension puisque tout le
monde vit les évènements par procuration, leurs corps tendus
par l’accomplissement et qu’il ne se passe rien… Il y a un
désir de quelque chose !”
*
Elle pouvait progresser de manière fulgurante !
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”Le corps encombrant émasculé aux pieds nus aux orifices
bouchés attend singe crispé de recevoir la récompense due…”
*
Elle pouvait connaître peine et douleur en pleins
d'endroits. Elle devait simplement ajuster son besoin
d’expression et sa relative vulgarité :
“C’est l’aveuglante confiance en soi qui fait de l’être
humain, tel une rose, la proie des passions, puis le transforme
en tigre acharné avant de le dévorer tout cru… Ne pas oublier
l’axiome selon quoi chaque tigre est un requin pour l’autre !”
*
“Similaires aux roses tordues, les êtres humains hébétés
vont… Ce sont des veaux : on ne peut trouver pareil
repoussoir ailleurs !”
*
“L’angélus de minuit a sonné ! Puisse t-il vermifuger
l’attente, ne pas oublier la sœur...”
*
Le tout était de n'pas le perdre le nord…
“La merde k’t’as dans les yeux, ça t’force à dessiller ! Tu
peux plus ouvrir la bouche, t’en as plein ! Plein les gommes.
Couilles… Peux plus rêver. C’est impossible ! Pour ça,
faudrait savoir. Voir qu’il n’y a rien en jeu… Sinon le hasard
de l’existence !
Pourquoi ça t’excite ? Qu’est ce que t’as fait pour ça ?
Fallait rien demander, t’aurais rien eu. C’est pour ça qu’on les
enferme, les folles. Elles peuvent claquebauder, elles
ouvriront plus le bec !”
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L'essentiel était qu'elle devienne une rose des vents...
“Le rabattu du bois tressonne sans fard à mes ogeilles. Qui
dire, que dire ? La plante du pot, vertu et vertugadin, s’ignore
alors que le blosh cirrupeux internet se va vaporisant, dans le
langage commun… Derrière le bureau, l’homme super sévère
manouche sans ruhr ni malheur, sourit pas à pauvre
incontinente qu’est derrière ! Il rit pas, sourit pas. Mais moi
reste en demeure, derrière pieds du bureau !”
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Elle avait passé et passerait encore des années à hésiter ;
des années au cours desquelles elle méconnaîtrait son propre
jugement !
“Les hommes n’avaient rien laissé sur la banquise…
Rien : ni ses yeux qu’ils avaient croqués, ni ses livres qu’il
avaient dévorés !
Après un temps, elle s’est levée. Elle n’était pas faîte pour
être éternellement en train. Elle s’est levée et a dispersé d’un
geste négligeant l’aromate glissant. C’était le citron ! Elle
s’est levée, et a repoussé les miettes qui entre temps s’étaient
logées ici… Elle n’a rien dit. Puisqu’il ne sert pas de parler…
Et puis elle est partie. Le monde s’était arrogé le droit, bien à
tort sans doute, de se préserver un espace abyssal où étaient
gardés en secret, les nourritures et les autres… Elle faisait
partie des nourritures, même si elle ne serait mangeable que
plus tard.
Les miettes, c’est comme les phénomènes : on se les retire
de la bouche pour se mieux les conserver ! Avec ses yeux,
semblables aux vers de terre pédonculés donc, elle se faisait
fort d’aller au Groenland. D’y manger ce qui avait été mis de
côté, les ipoumonables vers de terre et d’en revenir…
Seulement, elle ne reviendrait pas : nue sur la banquise, elle
irait au bout du monde…”
*
Certains jours, elle soupçonnait que la maturité seulement
lui procurerait sûreté et autorité au point de formuler le
jugement dernier !
“Il n’est resté que les yeux pour pleurer et il les a retirés !
Les yeux infâmants ont roulé circumvera et ont été aspergés
d’eau chaude… C’est leur pisse engagée dans le ruisseau, ce
sont aussi les fleurs du Gâtinais !
« Il ne faut pas préjuger du châtiment qui leur sera
attribué ! dit le rabbin… Il ne leur sera rien fait », et il leur a
défait la mâchoire d’un coup de pied ! Le crâne a roulé, il
-
22 -
n’est plus resté que les yeux exorbités qui regardaient le
ciel… Le châtiment est l’endroit où l’on désire ! ”
*
Finalement, elle prendrait le jugement dernier pour un
rire, le rire de dieu… !
“Un homme rit. C’est le rabbin, dans la rue. Il rit depuis si
longtemps et, de façon si forcée, qu’il est impossible
d’imaginer qu’on a pu l’y obliger… En vérité, son rire nous
terrifie : il est l’aumône qu’on a su garder, le bien-être
oublié… Je voudrais le faire taire, ma main sur sa bouche… Il
ne faut pas. Impossible, je ne dois pas ! L’océan me
recouvrira, au cas. Car le ciel est plombé et les hommes
doivent rire, il faut que ça sorte !”
-
23 -
7
Ce fût des années tristes. Lucy ne savait pas parler,
ignorait les plaisirs de la vie…
“Inaugurer. Baiser.
Breakthrough… Image.
Soleil sonore : quand le soleil vient !
Ne pas oublier : on aime. Et c’est pas, en vain !
Autre côté. Saule.
Bord d’eau, liseron. Boredom !
Soleil seul juché sur un éperon.
De taille, c’ui-là !
Ne pas rire, quand il vient... !”
*
“C’est comme le brouillard dans la tête : quand il tombe,
on rit. Seulement, on rit pas souvent ! On devrait, c’est pas
bien de pas rire ! On devrait peut-être aussi s’enculer plus
souvent… Ou rire encore. Le baiser sur la bouche, c’est un
énorme trône. Après, il peut plus rien dire : il a la bouche
baisée… En avoir plus rien à foutre, c’est comme baiser sur la
bouche. Après, sa nouille repose : auprès de la mienne, elle
est pas lasse… C’est qu’on devrait en avoir rien à foutre. Mais
on peut pas, c’est comme ça...”
*
Elle ne connaissait que les descentes ; des descentes
comme des précipices ou des cynismes :
“Il s’agit de philosopher sans dire ; de dire sans
philosopher… Car philosopher, ce n’est pas dire. Car dire,
c’est jamais que se démettre ! Or il faut se compromettre...
Alors pourquoi philosopher ? Pour trouver ce qui est à dire et,
ne pas perdre le jonc, voilà !
Les faits s’accumulent comme des nuages au dessus de nos
têtes. Nous mourrons avant de les avoir soupesés… Un géant
même les prendra à bras le corps, leur sucera la moelle ; leur
pompera le jonc. L’en restera rien, un résidu sec !
-
24 -
Et après avoir goûté ces merveilleux bonbons, l’on
reposera au paradis où même les esprits sèchent d’avoir été si
heureux… Ces bonbons seront colorés, chaque couleur
correspondra à une forme de l’esprit !”
*
“Comment, du coup, une demeurée pareille peut se glisser
dans une entreprise ? Elle pisse de rire... !”
*
“Arrêter, c’est accepter avoir perdu !
Foin des cailloux ; c’est l’hypostase
qui va régner : le régime du nouveau Russe !”
Personne, ni elle, ni nul animal, ne peut s’abreuver avec
autant d’injures !
*
Ni on ne peut, ni on ne doit.
“Voici… C’est le plus grand danger aujourd’hui :
appelons-le pour simplifier, bien que…, la blatte aux
miroirs... La théorie est la suivante : on croit ce qu’on
voudrait voir. Or rien n’est plus faux, cependant magique, que
l’entourloupe aux miroirs où tout le monde aujourd’hui se
perd… On se regarde : tu me regardes… Oh, que tu es beau !
Qu’elle est belle ! On s’oublie : il suffit, on s’est trouvé beau !
Un autre jour viendra, on se trouvera laid…. En attendant,
on vit la société aux miroirs, doux vertige dont personne ne
voudrait, mais qui attire tout le monde… Mais moi, je dis :
phalènes, vampires ! Reculez, c’est mon sang, ma bête qui
respire ! Elle n’a rien dit, elle, la pauvre… Elle s’est tue, la
bête. C’est vrai qu’on l’a désignée comme la princesse à
boire !”
*
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25 -
“La beauté de l’endroit séduit. Il n’est pas d’endroit plus
sûr... Les lieux sont poétiques… Dans ce lieu, elle a donné sa
main, car il n’y en avait pas d’autres. Il faut dire : sa main
était charnue... Une belle occasion !
L’espérance de vie est réduite en un bateau et seule proue !
Les ironies sont rassemblées. Noires et comme des vertus,
elles fourmillent ! Les vertugadins, assemblée de béjaunes et
pécores, vont à vau l’eau afin de ne pas oublier le tirant de la
barque... Les amours ci-joint n’ont rien à leur envier !”
*
Seulement, sortir des emmerdes, de ce fatras canonisé,
requiert beaucoup d'énergie…
“La neige, amas brûlé de graisse refroidie, se consume au
gré des parois. Elle n’en a pas pour longtemps à perdre même
ce qui a été sien, le plus cher d’entre elles, où est au cœur ce
qui repose et, qui n’a pas de nom !
Je, à genoux, prie pour nous ?”
*
Elle n'en avait plus, ou insuffisamment, au regard de
l’encombrement généralisé de son esprit :
“Du besoin de théorie, de proférer des propos généraux...
Pourquoi ça ? Pour dire… Or, dire, ce n’est jamais que se
démettre… Dire, ce n’est jamais qu’oublier le silence ! Du
coup, les propos généraux se profèrent à l’envi….
La philosophe, car elle a les cheveux longs, secoue la tête.
Elle ne sait pas, placée comme elle est, ce qui serait bon pour
son propos… Elle ne sait pas, mais secoue la tête : cela
viendra. Elle s’appelle comment déjà ? Giordano Bruni ! Elle
sait qu’il n’est pas nécessaire de tout calculer à l’avance ;
c’est après coup qu’on compte ses sucées ! Elle lèche son
propre visage après coup ! Elle mesure mieux alors, ce qui est
de son ressort et non. Elle mesure mieux tout… Son nom,
d’autant plus bizarre, qu’il n’est pas bien dit, est Isabella
Bruni. C’est elle qui écrit ce livre…”
-
26 -
*
Elle ne parvenait pas à dissiper le brouillard :
“On ne peut dire ce qui sera dit de tout ça ; on ne peut dire
car tout est rond : le monde et ma parole aussi… Ce qu’on
peut dire, par contre, qui est fort, très fort même, est la
noirceur même…, celle du monde et de moi-même ; celle du
moine et de Sirius…”
Le ciel n’était pas à sa portée ! Elle devait désespérer !
*
Le ciel est comme un cheval...
“Où tu vas je vais...
L’amour est à tes pieds... À mon pied, quoi !
Langoureuse impression.
Ressort matériel de l’action. Quand il gémit. Vomit.
Utilise son poing pour dire non. Se ronge le frein.Vomit
avec plaisir. N’utilise pas sa gerbe pour dire mieux…
Oublie même qu’il a pu dire mieux !
Oublie. Vomit. Rit !
En cœur de concert ! Comme s’il s’agissait de gémir, de ne
pas vomir !
Retenir son haut-le-cœur : ne pas l’oublier, pleurer !
Elle a pleuré, ses yeux secs embués d’une sorte
d’impression qu’on a au matin, qu’on n’oublie pas le soir !
Sans doute, par regret.
Le doute en question, c’est l’apocalypse. Ça ronge, mais ça
n’oublie pas…
Ça ronge, mais ne laisse pas tranquille...
Les humeurs du matin s’assument ! Coupées de biais !
Rangées à la verticale...
On les a rangées, oubliées... Avec les verres à pied, tout ce
qui un jour change l’humeur, mais ne la prolonge pas…
Humeurs adventices. Sans souci, un matin de printemps.
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27 -
On a été dans le champ et ça jaillit. Ne va pas loin.
Ne jaillit pas plus loin !
Après, on oublie : c’est l’après printemps !
Le printemps mûr !”
*
Le ciel est un ch’val… Gai et visionnaire :
“C’est vrai qu’elle n’était pas banale, qu’elle ne pleuvait
pas non plus. C’est vrai… Là, répandue sur son bras de
chaise, les bras écartés, mais pas en croix, elle se répandait en
sanglots ! Peut-être ses bras éloignés, ses membres séparés
par le fleuve conjoint, aurait-elle gagné à ne pas rejoindre
l’espace terre ? Les femmes sont comme ça : on ne peut rien
désespérer ! Leur immanence est si éloignée d’une prairie,
d’un ris de veau, qu’on ne peut en parler… Les ruisseaux vont
bien bouchés et le sang qui circule à l’intérieur ne s’altère pas
à l’air libre… Puissent tous les ruisseaux demeurer sereins !”
*
“Il est vain, Zorro témoignera, de dire plus. L’expansion
est latérale. Ne pas chercher ! Remuer la boue. L’empêcher de
déborder sur les terrains mal comprimés...
Se rouler. Dedans. Verrue, ver de terre. Boue vivante.
Arrosée de sperme. Déguisée - pourquoi pas ? - en étron !
Signification silencieuse de ce qui n’a pas de nom. N’en
mérite pas. N’a pas vécu pour ça !
Les anges sont gardés. Mal profilés.
Utiles à l’adversité, ils ne prolongeront pas leur séjour icibas !
On est seul, pauvre... Les villes sont ruinées et on se
retrouve dans l’abattoir désossé de ce qui n’a pas de nom et
n’en mérite pas !”
*
Cette cavale n’était pas rien ; c’était Rossinante tout cru,
pur jus ; un creux philosophique ou une pensée inutile !
-
28 -
“Penser, qu’est-ce que c’est ? Penser, c’est se penser
soi… D’abord, se penser… Puis c’est penser l’autre ; l’autre
d’amour, l’autre de désespoir… Penser soi, c’est savoir qu’en
son trou gisent les forces de recul expliquant la pensée ;
penser, c’est d’abord se penser soi… Puis penser l’autre !
Ce qui est difficile est d’avoir une pensée de soi ou, plutôt,
de savoir que l’on pense… Savoir que l’on pense, c’est se
penser soi ; et là, on tourne en rond… ; seulement se penser
soi, ce n’est pas que penser soi, c’est aussi penser l’autre et,
là, on sort du cercle… Peut-être maladroitement, peut-être
rien, mais enfin, notre monde s’élargit… Si c’est de l’art, de
la philosophie, peu importe…
Se penser soi, du coup, c’est éventuellement une pensée de
soi qui se bat en brèche… Se penser soi, dans ce contexte,
c’est se prendre au sérieux ; ce que le corps dit, ce qu’il dit,
obstinément, avec maturité désormais, est matière à
réflexion…
Seulement, si c’est de la pensée pure, comment
l’objectifier ? La rendre « objet » ? Il ne faut pas chercher à le
faire : comme toute pensée est pensée pure ; comme toute
pensée est un corps s’autorisant de lui-même, il convient de
prendre en compte ce qui sont des mondes, autant de
possibilités… La pensée est ce règne du creux… La pensée
est ce règne minéral s’autorisant de lui même…”
*
De l’ischtrumaphr :
“L’ischtrumaphr, sorte de conglomérat entre le désir d’être
et l’ennui… L’ennui n’est réservé qu’aux bêtes !
L’ischtrumaphr aux petits ! Ils sont sournois ceux qui ont
dit… L’ischtrumaphr lui a pincé le nez, cruellement ; mordu
les antennes, sucé les tétons… Il n’a pas gémi, ni ne s’est
cruellement dédit… Les années empierrées ont préféré lui
retirer le cœur ; il s’est dit : tant pis, j’irais ailleurs… »
*
De l’œil de la Reine :
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29 -
“Le crâne échéant que le rabbin a décrit…. Voir dans ses
yeux de Reine l’épitaphe qu’aucun n’a pu signer ! Ici gît ce
qui explique le monde, l’horreur réservée à beaucoup… C’est
un crâne, debout, sur un trône…
« Ton hospitalité puisse t-elle, dit-elle, m’épargner un sort
pareil ! » Et elle fait révérence...
L’autre ne bouge pas, considère le crâne à ses pieds. Celle
qui l’a précédée... L’écrase d’un coup de talon... Se jette sur
sa visiteuse, lui arrache la joue d’un coup de dents, mord ses
yeux, les engloutit...”
*
Cette cavale ou son ciel, c’était pas rien ; c'était la version
la plus forte de Lucy en personne… De fait, il, ce ciel, l’avait
fait rêver : suffisamment pour effaroucher la bête…
Insuffisamment pour faire tenir debout la femme !
“Il était une belle femme... Toute chamarrée d’or ! Elle se
tordait comme une liane : un serpent d’Ève. On ne pouvait la
tenir entre ses mains... Elle était comme un sac inépuisable.
Ses trésors étaient contenus...
Un jour, on lui retire les yeux… Escarboucles précieuses !
On les met dans le sac pour les y reprendre plus tard... On lui
retire les membres pour les manger. Sa tête n’est plus
d’avoine ; ses os sont brisés ! Or, telle Dalila présentant sa
tête à Samson, elle renaît. Et, ses yeux sertis d’escarboucles
précieuses, vomit ce qui lui a été présenté sur un plateau
d’or... La coupe de la vierge ! Honie !
L’homme n’est pas présent, ni n’assiste à la scène. Dès
lors, il ne lui retire ni la bouche, ni les yeux. Il ne les vomit
même pas. Ce qui lui donne l’excellent prétexte de dire, assis
sur son banc : vous n’avez pas vu ? Je n’ai pas participé…”
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30 -
8
En vérité, je vous le dis, pour toute théorie, il y a du bien et
du mal...
“Fleur. Anonymat garanti !
Je touche les paupières.... Elles battent comme si saillait le
papillon. Elles battent, car elles savent à l’avance que rien ne
se passe. Elles battent, car on ne sait quoi leur prédire…
Pour toutes ces raisons, d’autres encore, on n’ira pas loin
sur le chemin où la dame achevée tressaille d’une vie encore
palpitante, bat de la bouche d’où elle n’a jamais battu,
s’endort souverainement... Puissent tous les lézards nous
raconter la même histoire : celle, infiniment triste, de la dame
Murakao qui mourut sur le chemin...
On ne trouve pas souvent de telles dames… !”
*
Des bonheurs et des malheurs.
“Aujourd’hui. C’est aujourd’hui… Je ne suis pas sûre de ce
que je dis… Le serais-je jamais ?
C’est… Un rien m’entoure. Ce sont le bruit de l’oiseau, un
avion au loin (dans le ciel de Paris, pourquoi ? N’est-ce pas
interdit ?), une radio portative etc.
De tout cela, je me repais : ce rien qui m’entoure n’est-il
pas le résumé du monde ?”
*
Toute théorie a ses perdants :
“Sans doute, sur l’étal, bien étalée, gît une femme.
Elle n’est pas grand-chose…
Sans doute, rien !
Mais elle fait de la peine à voir !”
*
Lucy disposait d'une théorie toute simple...
-
31 -
“C’est la rage du cerveau
qui voit l’invisible ! Il s'ronge/Il s'ronge
et ses trous sont diminués.
On n’y mettra pas une queue.
Ni même moins.
Ni queue, ni relief...
Il faut savoir quand le
vent s’abaisse...”
Elle était d’amour !
*
Simple, mais si difficile à formuler ! Les démons étaient
nombreux :
“C’est la guerre, nous dit-on…
Hier, la guerre des Gaules ;
aujourd’hui, celle des Césars !
On nous dit, c’est la guerre :
on ne veut pas nous dire
qu’il reste à l’écrire.
Il reste à écrire le conte des Césars,
c’est-à-dire de ceux qui, par leurs propos, ont fixé le cours
de la guerre ! ”
*
Des démons verts et rouges la tiraient vers le bas et
l'empêchaient de progresser...
“Voilà l’histoire : un jour viendra, il y aura la guerre ; ce
jour est proche, prochain… Pendant la guerre, elle s’engagera.
Seulement, c’est une femme… Qu’est-ce que cela veut
dire ? ”
-
32 -
*
Les démons étaient nombreux et l'aimaient, elle,
particulièrement :
“Lucy Malhone, vierge anonyme, était morte. C’était un
personnage mythique. On en trouve comme ça dans les
contes. Un jour, on l’avait vue nue. C’était un jour sans gloire
comme il y en a beaucoup… La vierge anonyme est arrosée
de pluie, et les pluies mythiques sont dispersées en l’air.... Ces
pluies sont les plus belles, éclaboussantes ! Celles qui sont
réservées au visage qu’elles arrosent de sperme… Celles qui
sont réservées au bas du corps pour l’étreindre de force !
Pourquoi, alors que ces pluies sont les plus belles, les avezvous évitées ? C’est vrai qu’elles ne sont pas attribuées aux
dignes pleureuses. On doit les vendre pour savoir qu’en
faire !”
*
Elle ne connaissait pas le bonheur :
“Synonyme d’errance… La visée haute. Générale.
Christique ! Pourquoi christique ? Pour se débarrasser de soi,
ne plus avoir à faire avec cette sacrée pelure... Tout bien
considéré y a t-y pas d’autres moyens ? Si : se transformer en
abat-jour... °
°pour abriter la lumière !”
*
Nul bonheur !
“Les femmes n’ont pas d’arbres… Les femmes n’ont pas
de bras ! Il y a longtemps, elles les ont inaugurés et elles les
ont perdus sur des chemins fleuris… Les femmes n’ont rien
sur la tête, elles n’ont jamais rien eu... Sans doute ne désirent-
-
33 -
elles rien ! Les femmes sont aveugles et quand elles arrivent
au Paradis, objet de tous leurs souhaits, elles s’assoient au sol
et attendent… Dieu arrive. Il leur marche sur les pieds, puis
leur demande pardon… Néanmoins, il n’y a pas de pardon à
accorder…
Les femmes, elles, ne le souhaitent pas. Elles restent
élégamment assises et attendent la suite. Il n’y a jamais de
suite car le rabbin ou le curé les détestent et n’ont de cesse de
leur envoyer des gouttes d’eau bénie… Elles ne se plaignent
pas. Ne savent pas…
Elles patientent jusqu’à l’arrêt : leur visage est immobile,
tout en tensions. Elles ne peuvent rien dire. On le voit, ce sont
sans doute des femmes ! Elles ne parviendront à se lever
qu’un jour de pleine lumière. Alors, elles quitteront le Paradis
qui n’est pas pour elles. Elles emmèneront leurs gosses et
iront se fabriquer un faux bassin de langes où régnera l’amour
! Seulement, ce n’est pas aujourd’hui, ni demain à vrai dire. Il
faudrait, pour ça, que les femmes soient récupérables ! ”
*
Bien des années passèrent ainsi !
“Pour toute proposition de civilisation, il s’en dégage une
autre.... Pourquoi ?
On a besoin d’un contretype argentique ! C’est Lucy
Malhone qui le dit !”
*
1...
“Une jeune fille trouble dans une grotte va mettre la
guerre... Un espace vert comme le monde ; des réseaux.
C’est le monde constitué en réseaux ! Après la guerre
Palestine-Israël, il ne restera plus rien du monde, mais il se
reconstruira. Sera beau de nouveau !
-
34 -
Pas comme cet ignoble serpent qu’on nous a collés en
classe. Il a profité de notre aveuglement pour se faufiler
partout...”
*
“À propos de la première vision... La grotte est trouble,
moite, explosive ! Je viens y chercher de quoi faire sauter la
ville…
Ville blanche comme mes joues, mes mains, mon cerveau,
car le monde a oublié !”
*
“La deuxième vision est plus ancienne, moins troublante.
Un état de fait !
Monde sans avenir. Les individus, des fourmis. Des vers à
soie. Derrière, invisible, le monde réel qui crie famine...
Avec la pelouse, ils ont réussi à tout cacher…”
*
2...
Sans savoir tirer parti…
“Il n’y a pas d’avenir…, dit le rabbin, si le seul mur, le seul
mur possible est au contraire ce qui ne doit pas s’amener ! Un
être qui ronge, silencieux… Dans sa cabane, toutes les prises
d’électricité, le potentiel rongeur est idoine et ne doit pas se
répercuter sur tes doigts ! Un être si merveilleux que sa vue
plus terrible que toutes les autres vous fait suffoquer. Vous
conduit là où vous ne devez pas être, sur la tranche d’être, on
a tous un pile/et un face. On a tous ce qui nous amène à être et
ce qui nous en éloigne, mais si, chez vous, il n’y avait que du
refus ?
Hanne la chatte songe à ça ; elle n’a pas beaucoup de tête ;
moins de miches encore ! Elle songe à ça, se gratte sous les
pieds et disparaît ! Le rabbin dit : il n’y aura pas de
philosophie, je ne sais pas en faire !”
-
35 -
*
3...
Tout en crevant les yeux des idoles :
“L’ombre de l’arbre est gluante ; elle n’est pas d’une seule
pièce, mais ressemble à une semelle de chaussure !
L’Érythrée non plus n’est pas d’une seule pièce ! Seulement,
c’est un continent noir ignoré et elle y règne - c’est la Reine
Noire - à tout bout de champ… Mais c’est vrai que sur ce
genre de continent, les femmes règnent toujours…
Semblables à des statues d’Éthiopie, silencieuses dans le noir.
Elles trônent sans bruit et, se propagent à tout bout de
champ… Silencieuses… Sans bruit !
Et les nuées d’onde la ramassent… Elle, la reine
d’Éthiopie, silencieuse, à tout bout de champ, la ramassent, la
recueillent dans leurs bras… La projettent dans la piscine… Il
y a comme une nuée d’ombre ! Loufoques d’eau, sombres, on
ne voit pas au travers… C’est normal, ce sont des Érythrées
qui, comme des mouches, une nuée d’ombre, se
rassembleront, en masse, pour attaquer les arbres. Pour ne pas
laisser dépasser ce qui s’engendre… Sombres, elles se
rassembleront et comme si elles étaient la mer à boire,
sermonneront l’office exécutoire !”
*
4...
Mais de quelle sorte étaient les pierres qui figuraient leurs
yeux ?
“La tristesse n’a pas d’ombre ! Elle s’est déployée sur mon
sol - c’était un jour de soleil – et ne l’a plus quitté... Elle s’est
déployée sur mon sol et ne l’a plus quitté !
Je l’ai fuie ! Je l’ai fuie : on ne peut rester avec la
tristesse… Elle est ce fait majeur, cette inégalité d’âme qu’on
ne peut supporter… Elle est même la beauté qu’on ne peut
vendre !
Pourtant, revenant de loin, de ce monde de la tristesse qui
m’avait causé tant de douleur, je n'ai rien dit. Je n'ai rien dit.
Le jour ne s’est pas fait en une tasse ; et même si l’on voulait,
-
36 -
et l’on veut parfois, il en faut des nuits pour apprendre ! Et
encore, si personne ne veut entendre... Et c’était vrai,
personne ne voulait entendre… Personne ! Et l’oreille tendue,
je ne percevais que silence… Les fleurs d’ombre qui étaient
comme des corbeaux, des voltigeurs perdus, tournaient ; ils
étaient autour de moi, ils étaient autour d’eux…
Alors quand la tristesse est revenue, a tout voulu noyer de
son ombre, encore, nous avons dit, moi et les autres, tous
levés : venez, venez, ombres ! Nous ne vous craignons plus…
Seulement, la beauté de l'instant s’est achevée !”
Des pierres ou des douleurs ?
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37 -
Deuxième jour
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38 -
Bien des années passèrent… L’émotion l’accablait :
“La poubelle recueille les principales ordures... Hé ben, la
poubelle est le lieu où se concentre ton humiliation ! Ce n’est
pas le principal, ni même le désiré, mais celui qui a été choisi
après coup… Dedans, au fond, s’éparpillant comme des
détritus ramassés des vagues, il y a : la tête de Dalila ; peutêtre celle de Samson… Le porte-culottes de l’abbé-épée et le
miroir de ma Reine. Il faut du noir (comme le fond de la
poubelle) pour abroger le silence et du rouge (comme le sang
de la tête) pour connaître la satisfaction… ”
*
Elle ne voulait pas de la joie, car cette folie ne lui suffisait
pas…
“Il marche dans mon pied… Il n’est pas droit. Alors, je me
demande s’il m’en veut. Auquel cas, l’imbécile, je l’enverrais
rayonner ailleurs... L’imbécile fait triste mine, ne répond pas.
Il croit, à me bouder, qu’il se fera oublier mais non, je vois
bien qu’il a un cal, qu’il gonfle, gonfle et finira par
exploser… Si ça se trouve, à ce moment, ma figure explosera
aussi. Ne restera de nous, que deux tristes lambeaux
déchiquetés sur le caillou… Un intermédiaire de
satisfaction !”
*
“Car le mort est vert et n’a pas de sens, car il a perdu son
sang et sa vie, il ne restera pas seul... On l’aimera, on aime
les dépouillés…”
-
39 -
10
La joie était insuffisante ; cette femme recherchait la
contradiction qui fait tourner la tête…
La contradiction est là pour montrer que l’exactitude naît
d’une pression interne mal dirigée...
“La vie n’est pas un phénomène. On n’apprend rien de soi
en vivant puisqu’on vit… On est le pur phénomène… La
lumière éclairée… Tant de beauté nuit à l’éclairage de jour…
Où ne réside rien… Sinon la pure abstraction, pure
phénoménalité de ce qui n’est pas… Où ne repose rien…
Même pas l’abat-jour à être ! C’est dans ces contradictions
que je me débats….”
*
Elle avait espéré que de la contradiction naîtrait le silence
et, du silence, une force de direction...
“Il y avait le soleil... Et puis le soleil noir !
Après, y avait le soleil tout court...
Et c'est resté lettre morte.
Après, y avait sa femme...
Belle, mais elle puait un peu !
On a pas pu la retenir : elle a mordu.”
*
“La beauté de cette mystérieuse dame naît du jour, du
ciel… Elle naît rien pour elle-même ! Je voudrais la saisir
comme une insensée cerise : je ne peux, le fruit dans sa parure
blanche reste à me narguer… Je ne peux et je suis
malheureuse, croyant que la beauté mettra un terme à mon
discrédit… Seule la beauté me couvrira d’honneurs !
Les fleurs du Japon, sur l’arbre, reposent et, sans fard, me
distinguent…”
*
-
40 -
Cependant, rien n’en était sorti. Ni joie, ni sens de
direction…
“Le nœud de tout être se trouve au centre,
là où il n’a jamais joui,
ne jouira jamais…
Le centre est là où repose le discrédit...
Le centre est le cœur de l’honneur !
Le silence y règne,
mais, point abattues, y demeurent
ce qu’on croît être les corolles vierges…
Alors quand on vomit, vrombit,
on entend ce qui croît y loger :
le cœur de l’être qui gémit faiblement !”
Cette recherche l’avait définitivement minée !
*
Pourtant, la joie est source de toute vie ! Il y avait
plusieurs sortes de joie : la première était impulsive et
surgissait de nulle part…
C'était comme une vague et cela exaspérait les gens
calmes…
“Bavardages : c’est la certitude de ce qui est dit. Un vrai
discours de pleutre ! Évaluation contingente ; besoins sociaux.
Réduire la nuisance pour qui, pourquoi ? Pas discuté : hors
champ, l’économiste dit !
Nombreux hors champ que l’enquête ne résout pas sentiment d’inconnaissance, d’improbabilité aussi… Ce qui
est hors champ n’a pas écho dans nos esprits ! Aussi ne reste
comme préoccupation : chômage/chômage technique
plus/moins !
123456, c’est ce qu’il faut gagner pour vivre. Vivre pour
gagner : se résoudre à perdre… Ne plus perdre, ne plus
gagner ; se résigner à ne rien avoir. Rien avoir dans le silence
de l’Absolu...
-
41 -
Hors champ, dit l’économiste averti. Résoudre un
problème gestionnaire, presque technique. Catégories bien
pensantes… Fait de vous de futurs citoyens ; jouit de cette
formulation mathématique... Le sentiment d’un outil, pouvoir
frapper le monde…
Et si je gagne plus, moins... Et si je perds ma vie à traîner
dans les bureaux... À ne plus pouvoir avaler même le sperme
jaillissant de ta bouche déversoir... Nous sommes allés/nous
yrons faire la révolution ! Quelle révolution ; pour quel
abattis ?
Stalag n°25 pour ne pas avoir obéi aux conséquences
inénarrables des hors champs potentiels. Ne pas avoir évalué
les manques à gagner putatifs ; c’est le monde... Je manque/Je
ne sais pas/nous ne savons rien/compter ainsi !”
*
Ces derniers préféraient les mers à l'étale...
“Qualité présumée d’un matin d’être…
Où rien, sinon le pur reposoir !
Pourquoi tant de silence, alors que rien n’est venu ?
Si, une fleur, une marguerite : rien d’autre !”
*
“Les bruits de la route sont exagérés… Disqualifions,
disqualifions ! Les illusions sont perdues, les miroirs retirés.
De ses lunettes, elle voit l’ombre perdue, la perle de mer...
Puisse Dieu tous les occasionner !”
*
“Riaba ma poule ! Ne rien penser de l’existence qui n’ait
déjà été vécu… C’est, en vérité, la profondeur des choses
passées ! Comme ce qui amène l’histoire à réfléchir sur ellemême, les hommes à ne pas oublier qui ils sont ! L’horreur
d’un tel passé est si grande qu’on ouvre la bouche grande
d’effroi. Baillant aux corneilles…”
-
42 -
*
Ou de petites ondes et les vagues qu’elle énonce, débite :
ripples !
“Il ne faut pas retourner la peau… C’est l’envers d’un
endroit… Il ne faut pas retourner la peau comme si c’était
l’envers d’un endroit, du rond-de-cuir de pensée… Mais les
peaux et les marguerites des fleurs à peau ne connaîtront pas
le bonheur… Car le bonheur est l’envers de ce qui est dit, le
bonheur est l’envers de ce qui est promis !
Mais aussi l’ombelle blanche est des meilleures... Il ne faut
pas la brusquer sinon elle perd des fleurs… Un homme noir
au bras poilu s’en est approchée, l’a destituée de sa place
rayonnante… Triste, mais souvent, ç’en est ainsi, car les
hommes brusques ne font pas attention au cabinet blanc…
On peut dire : ils y plongent la main, méconnaissant son
fonctionnement amoureux…
Ce sont des hommes à cabinet : les ministres sont comme
ça, les pingouins le sont aussi ! Libres sur la banquise, ils
requièrent de l’air libre ; mais l’air n’est pas libre, l’air est à
payer et il faut respirer pour payer ! L’amour aussi n’est pas
libre ; c’est qu’on en fait une denrée, une denrée
surexploitée… Un extrémisme ! Comme un drapeau planté !
Par ailleurs, si les hommes ne sont pas rares, les femmes
oui. Elles prient aussi ; croient en dieu, se multiplient… Elles
n’ont pas accès à l’objet et ne sauront rien, car elles n’ont pas
de lunettes ! Les femmes rares se multiplient car leur corps
souffrant est prisonnier !
Elles s’allongent par terre et se touchent : la voie est libre ;
elles ont multiplié les voies d’accès… Mais elles ne peuvent
dire : la pourriture s’installe et croît avant de demeurer… La
femme, car c’est elle surtout, subit cela comme les résidus
d’angoisse. Elle ne peut rien dire ; c’est son fond biologique ;
il ne lui reste plus qu’à cerner l’angoisse qui la circonscrit !
-
43 -
La femme, car c’est elle surtout, subit cela comme un
résidu d’angoisse : ils crieront sur la banquise… Comme un
résidu d’angoisse. Ce sont des enfants ; des portes ouvertes
aux vents d’hiver ! La femme, car c’est elle surtout, subit cela
comme un résidu d’angoisse, est une porte ouverte à tous les
vents ! La femme, les femmes…
Elles se transformeront en ce qui doit subir avant d’avoir
dit 'ouf' ! Les hommes ne regrettent rien ; ils ne regrettent pas
ce qui les forcent à s’arrêter ! Les cartables aiment la neige
molle, ils le déplorent…
Alors, tels des moineaux silencieux, les hommes se
transformeront en ce qui doit produire ; ils susurreront à
l’oreille de l’averti que rien ne les y oblige ; ils aimeront se
dire que l’amour ne se propage pas ainsi !
Seulement, il ne reste que les enfants ; les enfants crieront
leur joie pour rester sur la banquise… Ce sont de véritables
fontaines de verre ; comme si des larmes des glaces avaient
dégouliné sur leurs joues…
Mais qui les protègera des accidents de la route ? Ce sont
de véritables fontaines de verre… Nul homme n’est
susceptible de dire le contraire ! Ils aimeront ce qu’ils
rencontrent comme le produit du neuf, du né sur place…”
Son pas était lourd. Cette femme se traînait.
Rossinante n’arrivait pas à démarrer !
-
44 -
11
Elle n'allait nulle part, mais restait dans la course ! En
tous cas, c'est ce qu’elle se disait ! Tout ça n’avait pas de
sens, mais il lui fallait bien progresser…
“Il a pris son cul pour un torchon et s’est essuyé le nez…
Il a pris son nez pour un académicien et a tenté de se forger
une épée…
Souvent, les hommes se trompent : il faut les conduire en
enfer !”
*
À pas lents, lentement…
“La pluie transforme le dire en miraculeux portefeuille…
Non seulement le dire, mais la femme : la femme ne sait pas
devenir ! Mais il n’est pas de pluie qui dure ! Et les pluies
sont traversées par les mensongers dires… De ceci, les abribus ne sont pas à l’abri… Seuls les bus qui projettent leurs
dires à l’arrière ne feront pas l’économie du dire traversé !
Les femmes en conséquence (qui sont souvent à l’arrière
du bus) donneront leur coup de poing à l’endroit où demeure
le garde-champêtre au dire traversé !
Dans ce cas précis, les abri-pitres sont tous les mêmes. On
ne peut garantir leur protection étant donné qu’il ne fera pas
beau demain… Arlequins ! Venez, venez, criez !
La vestiture arc-en-ciel ne sera pas toujours décernée ! Sur
vos épaules, elle ornera le bât qui blesse, le manteau qui ne
dure pas… Il est en laine et n’est pas forcément de saison…
Quand elle le retirera de ses épaules, les banquises seront
glacées et les terminaux froids. D’où les bagages n’atterriront
pas forcément au bon endroit... ”
*
Le sourire aux lèvres... Le oui à la bouche !
“Dire oui, cela voudrait dire ouvrir la bouche… Ouvrir la
bouche : cela voudrait dire oui… Et mettre un chapeau
-
45 -
dessus. Mettre un chapeau dessus, c’est comme une
pomme : on la désirerait mieux…, à soi !
Puis on lâche tout ; on se dit qu’on ferait mieux de se
désintégrer, de se transformer en mousse… Seulement, on ne
le fait pas, on préfère boire la lie… ”
*
“Accepter : c’est dire oui ! À la limite… Refuser, c’est se
définir à défaut ! Je ne prétends pas secouer le cocotier, mais
un peu de stérilité ne fait pas de mal ! ”
*
Et ressentir pleinement la beauté...
“Dans ce paradis, pas d'Ève, ni d'Adam… Il aimerait ses
boucles s'il les avait mâchées… Il aimerait ses boucles s'il les
avait touchées... Il aime sa bouche. Il croit même qu'il l'a
touchée ! Après, il n'y a plus de Paradis… Seulement, des
poissons et des guppies…”
En intégrant l’art… L’art de la réalité !
*
Elle devait devenir une parfaite intellectuelle... Elle se
moucherait le nez...
“Pas d’individu relatif. Cela n’existe pas : les individus
sont des absolus ; existent pour eux-mêmes… Des sortes de
soleils qu’on ne peut détrôner… Imaginez la puissance d’un
tel homme : n’est-ce pas Superman ? C’est ainsi : il faut croire
en l’absolu pour être. Seulement, ne pas oublier - sinon il y a
danger - qu’on est relatif, c’est-à-dire en proie à d’autres
absolus… C’est à cette condition (comme on dit voler dans un
poulailler) qu’on pourra épuiser son savoir-faire… Si
absolu ! ”
*
Il fallait croire en l’avenir, l’écrire...
-
46 -
“La philosophie est ce qu’elle ne peut se résoudre à faire :
c’est tout elle ! Cela voudrait dire préférer un système à un
autre. La philosophie est ce qu’elle ne fait pas. Elle ne fait pas
de poésie non plus… Ses intentions ne sont pas pures.
Elle fait du langage, car elle pense que le langage peut
marquer comme la philosophie et suppurer comme l’amour
(la poésie)… Le langage, en définitive, est ce qui ne se dit pas
autrement !”
*
Il fallait croire au miracle et ne pas désespérer. Pourtant
rien au quotidien n’y invitait !
“La vie quotidienne n’est pas un hasard… Elle vous
balance de gré à gré… Soudain vous êtes sur le fil comme un
oiseau perché ! Elle est ce qui vous retient, alors que vous
partez... La vie quotidienne est le fil à la patte… Elle n’existe
que depuis le 19ème siècle. C’est un concept parfait. Il
n’existe rien en dehors de lui. On vit tous les jours comme si
on était enfermé. La prison n’est qu’une, les barreaux
lâches… Ce concept bourgeois qui signifie l’abandon de Dieu
va de pair avec la vie la plus emmerdante qui soit... On
s’emmerde !!!
Pour se dégager de cette m..., passez-moi l’expression, on
devra faire des mains et des pieds… Si tant est que la lune et
son expression, reflet sur l’eau, puissent construire un mirage
primaire ! Pour ça, se détacher. Le détachement est la clé de
voûte de constitution du monde, son allure ! Son aspect… On
dirait un diamant dans un monde cristallin. L’échappe d’un
monde futur ! On ne sait pas comment le monde va aller… Il
peut très bien mal tourner. On se retrouverait alors avec du
charbon. Un amas calciné de bonnes raisons. Mais s’il tourne
bien, que sa beauté nous fascine durablement… Alors, on
n’oubliera pas qu’on le doit à la vie quotidienne : on aura su
prendre nos distances !”
-
47 -
12
En chemin, elle devait éprouver le plaisir ; tel était le
message de ses "cellules"... Elle voulait jouir et proliférer :
“Il n’aime pas imaginer : de façon générale, les hommes
n’aiment pas imaginer ; c’est pas qu’ils n’en soient pas
capables, mais ils n’aiment pas ça…. En aucun cas, les
hommes n’aiment les œufs : une femme en casse un sur la
table, l’épluche, bout par bout, laisse la coquille en plan et lui
met dans la bouche... Un homme…, tous les hommes : ils
suffoquent ! Les hommes n’aiment pas les œufs, car ils ne
peuvent pas les avaler… Mais les œufs non plus ne peuvent
pas avaler les hommes. Alors ? Elle en a pris un plutôt noir, et
l’a cassé sur sa tête. Il en est sorti un jus liquide gluant et noir,
un vomi de pigeon. Elle ne s’en est pas remise... C’est pas
facile car les oiseaux perdus à la campagne ne crachent pas
comme ça : ils laissent les chasseurs abréger leurs
souffrances… Mais à la campagne, rien n’est pareil... ”
*
“SEX SEX SEX SEX SEX
six six six six six
SEXESEXESEXESEXESEXESEXE
six six six
PISS
Méthod to shit
SEXESEXESEXESEXESEXESEXE
six six six
SEX SEX SEX
...
La méthode est le voix
employée
pour satisfaire la douce RÉALITÉ !”
*
Elle avait du plaisir à transgresser...
“A. Vs Ts = rien
-
48 -
Pas parier sur ces choses là !”
*
Ça provoquait l’effroi :
“La bleue... Elle n’est pas gagnée. Elle exprime du mieux
qu’elle peut ce qu’il ne faut pas : l’ouragan à la base… Les
terriens seront velus ; les amarres indisposées… On trouvera
aussi bien dans le champ d’ici que dans le champ d’en bas,
des excroissances exposées ! Son nom sera tâché d’horreur...
Comme une béance s’ouvrira sur son visage !”
*
Elle avait l'art...
“La société (dame personnifiée, agissons ainsi qu’elle ne
puisse rien dire) prolifère à l’insensé : on ne peut plus
l’arrêter... Ses ramifications sont sans fin. On en retrouve des
bouts éparpillés… À l’autre bout de la planète…
Vigueur de l’incandescence ! La société, cette douteuse
dame, (elle doute, cette dame) ne prolonge pas son dire au
delà des sphères autorisées… Elle s’en va et à l’horizon, le
père Boiteux (on ne peut plus l’arrêter) va montrer ses jambes
pour ne plus douter de soi ! ”
*
De ramener tout à elle...
Parmi ces proliférations, il en était une qui consistait à ne
pas commettre un meurtre, mais à l'écrire :
“La femme régnait en maîtresse sur son château depuis des
années ! Non que les dents lui aient poussé, qu’elle soit
devenue particulièrement carnassière ou autoritaire, mais elle
était devenue la maîtresse femme des lieux, régnant presque
seule…
Pourtant, dans le château, il y avait aussi ses frères et ses
sœurs. Depuis le temps, elle les avait presque oubliés...
Chacun avait son rôle dans la demeure. Il était convenu de ne
-
49 -
pas y défaillir dans la mesure où le sort de tous en
dépendait ! Mais un jour, la femme s’assied sur sa chaise,
sorte de trône abandonné et se lamente sur son sort... Elle
n’était pas heureuse depuis si longtemps d’être seule… Elle
n’y voyait plus d’intérêt, se demandait ce qu’elle pourrait
faire à l’avenir.
Sa chaise grinçait et personne ne répondait quand un de ses
frères, Ars, le plus jeune, frappe à la porte… Elle lui demande
ce qu’il veut, depuis tout le temps qu’elle ne l’a vu, comment
peut-il encore vouloir quelque chose ? Il lui dit, au travers du
battant de bois, elle entend sa voix grinçante, qu’il veut ses
yeux, mais qu’en échange, il lui donnera un diadème de sucre
candi rosé si précieux que tout le monde lui enviera !
Elle grommelle - cette femme n’a jamais su ce qu’elle
voulait - mais accepte, en contrepartie de quoi, diadème ou
pas, il va la distraire un peu… Il devra s’asseoir à ses pieds et
lui raconter des histoires ! Il acquiesce rapidement,
s’approche d’elle, lui retire les yeux, les gobe tous crus, lui
met le diadème sur la tête comme promis et s’assied à ses
pieds…
Elle n’a jamais rien vu de tel ; elle est dans le noir complet
sauf pour des douleurs qui la lancinent au point qu’elle en voit
mille chandelles ! Elle se tord souffrante, mais ne perd pas
une miette de ce que son frère, Ars, le petit Ars le blond, lui
raconte.
- il était une fois, dit-il commençant traditionnellement, les
harengs servaient d’appât dans la pêche aux diadèmes…
Un royaume très riche où vivaient plein de princesses avait
coulé, submergé par de puissants flots, et les couronnes,
désormais inaccessibles, gisaient sur le sol sableux… Il fallait
les repêcher et seuls les harengs pouvaient le faire… Car ils
étaient des magiciens qui, une fois au fond, se changeaient en
hommes, prenaient pied et pouvaient fouiller.
L’avantage était qu’ils régnaient ainsi en maîtres dans ces
mers… Alors quoi ? lui demande la sœur, aveugle
désormais… Alors rien ! lui dit le frère, brutal, qui se change
en hareng et plonge dans les profondeurs noires de son
regard... !”
-
50 -
*
Elle commettait ainsi des fables, de véritables légendes
pourries, des meurtres par écrit !
“Les civilisations ne sont pas à repêcher. Il y a les bonnes
et les mauvaises... De guingois et non averties ! La petite fille,
un chaperon rouge, tente d’en pêcher une. Dans la mare, elle
ne trouve que pelles et râteaux… Au point de plus savoir
qu’en faire ! Elle en a marre, elle jette sa cane. À ce momentlà, un homme surgit et lui tend la patte.
Elle ne la prend pas, imagine déjà la scène suivante : il va
la frapper, elle se retrouver par terre…. Mais il n’en fait rien,
il lui tend la main et, dedans, repose une civilisation… Oh !
Pas énorme, bigarrée, mais une civilisation quand même !
Elle s’en empare, joyeuse, la regarde et la croque comme un
joyau… Jamais empire ne fut détruit avec tant de joie !”
*
Et c'est dans la pourriture qu’elle apprit à parler… Et ce
fût un effort !
“Le jardin. Dans la cour, près de la tour… Au loin, les
abbatiales ! Au loin ! Cloches de mouton vont à l’abandon…
Si loin qu’on puisse aller, on est jamais !”
*
“Il faut demeurer dans l’oubli de soi ; oubli serein de soi...
Pour ne pas rire, pour ne pas rire quand il dit : oh, venez chez
moi !”
*
“La parole est rincée, la parole est pure ! Vive comme
l’eau claire, elle parcourt les arcanes de la pensée…”
*
Ensuite, elle prononça les mots suivants :
-
51 -
“Pas d’être sans repos ! Voilà qui tient ! Il faut du repos
pour former un être…”
Elle tînt haut la chandelle !
“Il n’y aura pas d’engloutissement. On croit que. On croit
que… Vaudrait mieux ne pas ! ”
Elle prit une pose rageuse, les poings serrés !
“La dépression est la garantie que j’existe, mais le repos...
Le repos... ”
Et elle s'est rassise, au bord de la mer…
“Y aurait-il des lilas ? Non, juste le ressac…”
*
Et elle finit par dire !
“…Les lumignons attardés de la chair pourrie sont du
baume au corps pour celui qui les voit. En quoi la vieillesse
n’est pas toujours une douleur !
Elle peut être une grandeur...”
-
52 -
13
C'est grâce aux fables qu'elle apprit à parler :
“Pluie, un matin de soleil, les jupes repliées : c’est comme
l’été... Pourtant, c’est pas l’été : c’est la guerre ! Tout autour
de nous, elle se poursuit... Ce sont champs de mine explosant.
Et tutti-quanti !
Les hommes serrés n’osent plus rien dire. Un geste et ils se
retrouvent dispensés de nez. Peut-être d’yeux ou d’oreilles…
La pluie est un parapluie qui ne saurait abriter... En temps de
guerre ! Les hommes n’aiment pas la guerre. L’odeur de la
boue sur mes pieds n’évacue pas le réel…”
*
C’est grâce aux fables qu’elle apprit à aimer. Ce fût l'art.
Elle fût émue par Fra Lippo Lippi, le grand argentier et
par Arcimboldo, le mort. Ensuite, ce fût par Cézanne, le trop
vivant…
“Paysages.
Ce que je reconnais
comme paysages
est la capacité des autres…
À se nicher, en mon sein.
Beauté des autres ; de l’arbre au vent !
Tout ceci rejoint
une méthode d’accomplissement.
Paysages : ce que je reconnais… Du mien,
dans le monde !”
*
Elle regarda Boltanski...
“Pine dans l’cul, double corne ! Balançoire arrangée par
Boltanski° le beau Diable...
-
53 -
°célèbre artiste en provenance de l’Est...”
*
Lucy prononça le nom de Filiou...
“Pièce de Filiou°. En accord avec l’âme. Car ordinaire
quotidien…
Sans dépassement de soi !
Oubli de soi. Négation de soi.
Taille-crayon ; taille-pipe. Pipe
taille-pipe ; speculum oreille
lancé dans.
Oubli de soi ; négation de soi.
Et Ben crie ; il lui a fait
mal à l’oreille, le salaud !
Salop ! Salop. Salop. Salope !
Ils crient tous en cœur : salope, que son cœur soit léché…,
que son âme soit léchée, qu’il ne reste plus rien d’elle qui
ne soit pas léché !
Misère de dieu ; sans doute,
sans Mercy !
°célèbre artiste des années 1980. ”
*
Lucy murmura...
“Femme nue : maillot de bain
orange ; se croit... Résidu de
l’art contemporain !
Touche son ventre. Croit.
Absurdit de l’art contemporain !
SCHurchura SCHuger doit être l’auteur.”
-
54 -
*
Il y a longtemps, elle avait connu l’œuvre de Pollock :
“Le ciel tombe sur l’obstacle,
et nous ne trouvons rien,
entre les deux, pour rattraper le sang…
Pollock a dit :
ne tissez pas votre toile d’araignée,
elle ne sera jamais assez tendue pour figurer le ciel…
Pollock a dit, mais nous ne lui
avons pas obéi !”
-
55 -
14
Pourquoi Pollock ne suffisait pas ?
C’était son modèle. C'était un homme libre !
Fatiguée de tant d'espoirs déçus, elle alla au bord du lac.
Elle préférait se taire :
“Croire en l’absence de Dieu... Consiste à ne pas croire…
C’est dans l’néant que se croisent les désirs ; ils deviennent
vie… Des épées étincellent dans le noir...
Leur beauté est un spectacle. C’est le cœur qui croît !”
*
À la surface de l'eau, elle ne voyait qu'elle…
“L’oubli de soi. Majeur…
Dans une caverne inexplorée. Où de nombreux monstres
jaillissent... Est demandé !
Les jours sont nombreux, on n’y peut rien ! ”
Elle a ouvert la bouche et elle a vagi.
“Les moutons, bêtes féroces, seront pris dans l’amour de
toi ! Un étau étranglé ! Une étrange demeure…”
*
C’était une présence !
“C’est à l’occasion de la doctrine qu’il souhaitait épeler
son nom… Seulement, les mots l’embarrassaient. Il n’arrivait
pas à les sortir ! Alors, comme avec un serin, un oiseau qu’il
aurait mangé, il les a sortis un à un de sa bouche…
En chemin, ce faisant, il s’est rendu compte que ses ailes
pliées devaient faire mal à l’oiseau, il les a défroissées
soigneusement, les a caressées avec le plat de la main. Puis, il
a vu que l’oiseau ne disait rien : et il a sucé sa tête !
C’est alors qu’il s’est dit : ‘pourquoi je ne parlerais pas,
moi ?’ Et il a prononcé les mots enchanteurs de ‘magie, feu de
-
56 -
dieu, expulsion finale’. C’est vrai, il ne savait pas encore ce
que ces mots voulaient dire. Mais, déjà, il ne se sentait pas
embarrassé de les prononcer…
Il faut dire là où on ne sait pas…”
*
Mais juste elle, c'était peu… Enfin, il y eut autre chose…
Elle avait grandi !
“L’amour de production du cœur confine l’esprit…
Enfer… Pas de fin, une terminaison… Ci-gît, jaillit, ce qui n’a
pas de cœur… Bâton…
Il aime/Suce, suce ! Jamais ne dira : le paradis est proche !
…
Le temps est compté. Viendra avec l’axe du temps. Sera
mélangé… La théorie, pourrie aristocratie !
Mêlée de bière, mes lèvres hument tes lèvres, plongent
dans la gorge… Le ruisseau s’apaise… Il est temps avant que
ne soit trop tard, la plaie irréversible... Il est bon d’humer les
siens !”
*
C'était prématuré : le germe n'était pas mûr.
“On n’oublie pas le printemps : il est derrière nous... T’es
con ou quoi ?
T’as... Et si t’as pas... Vu ? Il s’agit pas…
Procopée/syncopée (Il moite(moisisse !
Je l’aime comme il est ! Faut pas dire ça... Les hommes, y
sont comme ça... Y montent...
Vivent (:c’est abrégé !
2
Faut pas dire (les hommes y vivent comme ça... C’est pas
des singes !!!
-
57 -
*
“Son cœur plombé retient la tristesse…. Elle n’a aucun
recours devant l’adversité. La nuit est noire ; il faut retirer ses
yeux, les mâcher pour pénétrer ce que Dieu ferait !
Sans doute, tu a dit mûr ; mais comme tu aurais dit
“citron”, probablement ? Sinon, tu n’aurais rien dit...”
-
58 -
15
Car elle était encore absente, insuffisamment présente...
“Le jet monte et ne veut pas redescendre…”
*
Ou trop présente !
“C’est vrai, elle souffrait atrocement de la tête… À
l’intérieur, il y avait des crampons cloutés qui lui déchiraient
le crâne ! Quand elle jouissait, ils la déchiraient encore plus.
C’était comme une maladie. Un quelque chose qui ne veut
pas partir et qui, lentement, vous empoisonne. De la mortaux-loups…
Les rats lui avaient bouffé le crâne… Ils étaient rentrés par
les orbites : lui avaient déchiré les yeux, le tout… Et pourquoi
pas la marmelade qui lui faisait office de clou ?
C’était deux géants dans son cerveau : y en avait un qui lui
dévorait l’âme. Tous les jours, elle avait envie de se
suicider… Et l’autre qui ne l’oubliait pas, la regardait en riant.
Un pilon à la main !”
*
Lucy germait au centre de l’œil au point que la souffrance
de sa maturation lui décolle le fond de l’orbite. Elle se tût...
“C’est triste ! La maturité demande une grande tristesse !
Ne pas savoir se détacher, ne pas savoir rêver :
les ombres sont folles d’avoir crû autant !
Ombres, lessive (sans doute, l’envers
sur le sol gît, comme la découpe
de ce qui n’a pas d’ombre,
le mort !
Le curé l’enterre,
l’envers de la femme : sa soutane relevée... !”
*
Le germe était dans le corps et proliférait…
-
59 -
“Femme au trou du cul épluché.
Sa banane s’en va en couilles...
Et nous irons les trucider !
Il désire, dit-il,
et sa banane parle,
manger mon oronge
à la grâce de Dieu !
Je lui répète qu’ayant été
récemment consommée,
ma fleur de passion
n’engendre plus rien de bien ! °
°Rien de bien ! Il ne faut pas
désirer rien de bien,
sinon les épluchures iront
outremer !”
*
Il allait, ce germe, être capable de prononcer des mots là
où nul n'avait chanté avant !
“La mort le poursuit comme un long et vain songe… Une
queue qu’on avait pas rêvée ! Lentement, souffrant, le baobab
se fait rêve et demeure, pourtant, sur la cheminée... Il n’avait
pas tant rêvé : il aurait dû !
Les corbeaux se sont déployés dans le noir, ont recouvert
son corps d’ombre - miséreux - sont partis à l’assaut, n’ont
pas manqué leur proie… On ne peut rêver moins si on a pas
aimé. Il ne suffit pas d’aimer ; il faut proliférer… Le vain
soleil !”
*
Lucy avait identifié la mort ; la répétition n'était-elle pas la
mort du style ? De quelle mort s’agissait-il ?
-
60 -
De quelle mort voulait Lucy ? D’une mort qui la rende
égale à son œuvre, d'une mort qu'elle puisse embrasser
pleinement…
“Casoar… Babar… Il gît l’animal,
tout en faisant… Il gît : et c’est très bien comme ça !
Tortillon autour de mon doigt : ses poils
comme un matelas doux…
Toujours recommencé,
la mer de Valery !”
Mais une vie peut-elle être égale à une œuvre?
*
Impossible ! Une vie n'avait pas de style...
“La pensée doit se marquer par elle-même et écriture. Elle
ne peut oublier son médiat, mais ne doit pas lui confier trop
d’espoir…
Le souffle est la pensée. Il est chose !”
*
Comment une vie pouvait se transformer en œuvre ?
“En effet, l’esprit mal réglé ne sait pas définir ce qui
l’attire… Se régler, c’est se définir ! Aimer d’autant plus
fort...
Face à l’abstraction du néant, c’est se choisir un point
d’attache... Se tenir à un bout et s’envoler à l’autre, le secret
de l’exploration de l’espace !”
*
Autant se définir comme de la pure couleur…
“La rocaille sans doute !
Ils m’ont dit, fais pas ça, fais pas ci !
Je veux lui répondre
que l’amour de moi…
-
61 -
Il ne faut pas conduire ses chars
dans le mauvais sens…
Une flèche aîlée...,
et voilà !
Théoriquement : on ne gagne pas…
Trop étreint !
Embrasse mal !”
*
De la musique ou un son… Lucy abandonna cette voie
aussi...
“Elle n’avait pas réussi en dépit des tensions à asseoir son
point de vue. C’était vrai qu’aujourd’hui, elle parlait dans le
vide et nul ne sait à quel point le vide est vide ! C’est un
gouffre béant, une harmonie vibrante, une douloureuse
conjugaison du passé avec le présent…
Les singes sont demeurés en haut de l’arbre, et on ne les
fera pas redescendre : c’est de la philosophie… Conjuguons
les verbes d’été et les verbes d’amour. On les verra se joindre
pour une danse endiablée…”
*
Elle avait échoué...
“La rouge fleur, trégonée désespérée, s’en va... C’est sans
dire, mais sans pleuvoir également…
Où dit, où gît… C’est si certain que sans ça ?
Où repose le dur du dît, l’exclamation de l’excellence, sans
fard, va.”
*
Elle avait échoué car elle avait confondu les limites de soi
et les limites du monde…
“Malaise dans la civilisation… Le mot est de Freud ! Il
aurait gagné à en dire plus... Effilocher les mots jusqu’à qu’ils
sortent de sa bouche… Les vains mots que voilà ! Quand on
-
62 -
pense, aujourd’hui, le sang d’encre qu’on se fait ! Les
femmes sont gaillardes ; les hommes épuisés. Car il ne reste
plus qu’elles, elles seront le relais. Il ne faut pas abîmer les
beaux vases Ming ! ”
*
Elle se condamnait à l’errance !
“Les jours se passent sans répit… On ne peut trouver
d’accrochage différent en dépit d’une extraction de la
personnalité. On a pris son crâne, on l’a déposé sur la table.
On en a extrait la personnalité, avec une pince à épiler. Pour
mieux tirer. Comme ça les douleurs résonnent mieux. Elles
font plus mal : on les entend plus loin ! ”
Elle n'aimait pas alors que toute vie nécessite de l’amour !
*
Et elle faisait de la poésie…
“(l’amour ébloui
entraîne le bousin, on ne sait où.
Le bousin réplique :
(C’est comme Delphine et Jeanette)
voi + loin ne
te conduira
pas Bien loin)
Fin de l’intermède.”
...
-
63 -
16
Lucy flottait au gré des vents… Même si elle avait besoin
de connaître les limites :
“Lèvres découpées, fendues. Morcelées par le bas !
Amour propre... Enlevé !
Misère de l’amour. Ce qui ne reste pas après qu’il ait fait
son coup !
La plèvre nue suinte de son jus : misère accordéon…
Nudité glacée : touche les deux bords.
Ils sont ramassés,
lèvres sanguinolentes !
Ils sont couturés. Fermés…
Puisse leur rassemblement, opéré par force, qui crée un
monticule foré, une plèvre de nu, ne pas ôter l’air qui reste à
l’individu…
Amour propre ôté, lèvres couturées…
Reste. Marron. Homme sans honneur, femme sans vertu.
Humiliée, forée !
Les ouimh-ouimh, personnages de Gulliver, nus, pauvres
hommes, esclaves de chevaux vont... Et c’est nous qui les y
avons réduits…
Enfermés, enforés...
Dans cette situation. Merdique !
Il faut beaucoup d’amour propre
pour arriver à décoller de ce trou
d’ombre ; ce voile de Persée
où toute une civilisation nous a portés ;
à quoi elle a réduit nos efforts !”
*
Mais elle ne croyait pas en ses talents, rejetait le sentiment
de vide…
“Qui n’a pas attendu son devenir
ne sait pas ce que c’est d’être !”
-
64 -
D’où Lucy voulait de valeurs refuges.
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65 -
17
Longtemps après, Lucy a compris que ses démarches
étaient inutiles. L'essentiel était ailleurs… Ailleurs. Il ne
n'était ni dans l’art, ni dans la forme aboutie…
D’où une interrogation en ellipse :
“Ma poésie vigueur nulle part ailleurs d’accrocher les
choses ici bas avec le ciel qui les sous tend !”
*
“Tient en suspens les mots !
Rire d’avant-guerre. Quand je riais encore !”
*
Elle se concentra sur son jardin :
“C’est un homme, un vilain... Il va au marché. Il ne porte
pas de cabas. S’il en avait un, on y trouverait prunes, fraises et
confiture ! On lui mettrait le sac sur la tête. Cela ferait comme
un chapeau ! Les hommes sont étêtés : il leur manque le
cerveau. À leurs pieds étalé… Sale cerveau !
Les plus grands génies ont dit : qu’il le vende à l’encan !
Qu’il l’oublie en librairie ; parmi les pages à feuilleter, on
trouvera un cerveau ! C’est un homme sans troubles.
Seulement, il n’est pas amène ; il ne la ramène pas. Quand il
prend sa paire de rollers et, va sur la piste, il n’oublie pas qu’il
est un débutant. Ne jamais oublier, sinon ça vous tombe sur le
nez comme si c’était amène ! ”
*
Elle entreprit de jardiner !
“Toujours à te contrarier ! Comme s’il y avait un Dieu et
qu’il allait te sauver… Faut pas confondre, ma fille, c’est pas
avec ça que tu sauveras les lapins malins…°
-
66 -
°Les lapins malins sont ce que tout à chacun redoute : un
adversaire à sa mesure !”
*
Un jardin pourri :
“…
– Madame ! Madame ! C’est pas là que vous allez…
– Eh oui ! Et pourquoi ça ? Se retourne, le tue du regard.
Il dit. Et vomit. Ses pattes sont blanches, c’est un gars de
banlieue.
Il dit. Et vomit. C’est un gars de banlieue…
– Madame, madame ! C’est pas le bon chemin, par là… Il
dit. Et vomit : c’est un gars de banlieue.
Les gars de banlieue. Ils disent. Et vomissent. C’est
pourquoi on les hait…”
*
Un jardin philosophique, un jardin d'hiver... :
“Son langage est pluriel, fait référence à beaucoup de
langues ! La première est le bâton fort : ce qu’on manie dans
le noir, sans même le savoir… La deuxième est le bâton
blanc, tout plein de lumière. La dernière est verte comme les
hospitaliers, ordre de moines souverains qu’on voit remonter
les routes, par temps de pluie et d’hiver…”
*
Un jardin de Paradis !
Lucy devait s’enraciner et cultiver l'amour jardinier :
“La prudence ne sied pas aux imbéciles. Elle est fille de
ruine et mère de haricot… Haricot géant qui pousse aux
marches du palais. Quand l’arobase dessinée ouvre les
portes… Il ne mangera pas les yeux. Il dessinera les testicules
sur sa face. Car tous les élans sont verts ! Multiples et
anonymes. On ne peut les représenter ! Ce qui fait : quand il
le mangera, géant sourd aux onomatopées, il criera…
-
67 -
L’imbécile est celui qui ne sait pas quand il crie. Il crie
en dépit du bon sens… Seulement, sa tête sera sauvée !!!!”
*
Elle devait mûrir !
“Faro. Faro. C’est l’appel du large !!!
Les bateaux, voiles et monocoques, résonnent ; ils sentent
bon la mer !”
D’où elle s’est réattelée à la tâche. Plus modestement !
-
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Dernier jour
-
69 -
18
Premièrement, Lucy devait sortir de ses contradictions....
Elle devait vivre !
“Pas de pluie ! Les gouttes lapidaires ne tombent pas sur
les feuilles… Car la lumière les inonde… Un géant vient ; on
le voit de loin. Il tient entre ses mains le sort incertain de
l’épluche-feuilles : c’est un parangon de vertu, un bonhomme
rouge… Que veut-il ? Que réclame t-il alors que personne ne
l’entend ? Ce sont les secrets de sa vertu. Il n’a pas voulu
lâcher l’aspect byzantin de sa personne… C’est quand il lit, il
ne veut pas se faire comprendre. Quand il écrit, il ne veut pas
qu’on le voit. Devenir transparent, invisible, sa recette... Du
coup, les fleurs, des marguerites, reposent dans la coupelle
remplie d’eau… À moitié noyées, elles gisent merveilleuses
d’or !”
*
Elle devait oublier l'espace paradoxal !
“C’est le mystère. C’est la misère !
Fleurs cueillies aux abattoirs !
Il régresse sans nom : c’est son pied,
qui lui cause des misères. Il dit : c’est sans doute…
Il ne sait pas ce que la morgue glacée lui réserve !
Le pic à glace dans les yeux, la bouche retirée,
ses angoisses ôtées. Il ne sait pas ce que son doute…
Prolonge. Sans doute, l’obscurcie noire.
Il n’est, c’est sans doute ça, qu’un piéton moyen.
Appelons-le Grin-Grin…
Car il grince des dents, vomit sa bile
quand elle est à naître !
Le grin-grin monte aux arbres...
Le grin-grin ne va pas bien.
Il n’imagine pas parmi d’autres le bruit du soir, quand il
souffre.
-
70 -
Il n’imagine pas : car il sait !”
Elle devait aimer.
*
De proche en proche, elle fit son chemin :
“Pas droit, pas droit, mais noir quand même ; les cahots et
les cailloux de la route restent systématiquement en
demeure… Ils roulent sous mes pieds et je les suspens aux
branches… En l’air, comme ça suspendus, ils n’hurlent
plus… ”
*
Elle se mit à progresser :
“La femme a rangé ses fusils dans le pistolet à étui : coincé
comme il était dans le mangeoir à vivre, il n’a pu rien dire !
Pourtant, souvent, on gagne à parler et les gens comme lui
seront les premiers à pardonner !”
*
À tirer profit !
“Il a dit, et c’est pas l’amitié qui le lui permet car qu’estce sinon le lointain bruit et ouragan de la voix : pas été, il n'a
pas été reconnu… Autant ça peut être une tristesse, autant ça
n’est rien ! Qu’est-ce qui échappe, sinon l’idoine ? Le vol-auvent, la beauté de ce qui n’a pas de sens. Savez-vous d’où
provient l’éclair ? Minéral comme le dernier germe !”
*
“Les hommes sont prédictibles. On ne peut leur faire ouvrir
la bouche. Ils ont décidé de la fermer... La gueule de force.
Mais à l’intérieur, on trouve des chicots noirs…”
*
Elle voulait alimenter sa vie...
-
71 -
“Pluie Incertaine....
Si loin quand elle bat des ailes...
Prolongeant l’amphigourion : le lieu où ne pas être,
incertaine, battant des ailes...
Elle va dans le pré, courant comme ça...
Ses bras figurant ses ailes. Elle ne tombe pas : elle court,
elle court... Cernée d’un halo rouge !”
*
Elle savait, au fond d’elle-même, que la souffrance est
puissance d’être !
“...
- un peu de torture hein, c’est réservé aux tordus ? suggère
t-elle.
- Comment peux-tu parler comme ça ? Ne vois-tu pas que
tu te fais du mal, dit-il.
- La problématique du mal est engendrée par mon esprit
souffrant. Je ne peux l’en dégager
- Oublie alors ! Oublie et viens avec moi ! Il l’entraîne par
la main…
Ils s’allongent dans un pré.
- Ne vois-tu pas beaucoup de douceur, demande t-il,
désignant au messager, l’ange ailé, le pré ?
Elle dit, hésitant, car elle est très triste :
- Je n’ai pas cette possibilité ! Je ne vois que ruines partout
et amour triomphant…
La violence des sentiments m’amène à affirmer le désir
comme succès de la vie sur la vie... Espérer sans espoir, c’est
croire en la vie !”
Elle deviendrait même la réserve inépuisable de ce qui
devait être…
*
Seulement, il restait des vents contraires !
-
72 -
“L’aveuglement aux circonstances - sinueuses utopies du centre pousse l’être humain, sabotant son propre travail,
s’emparant des restes laissés par les autres, à ne plus pouvoir
pleurer… Il rechigne à étaler ses larmes et ne laisse aucun
doute quant à leur destination !”
*
Des ennemis imaginaires et réels menaçaient sa paix :
“A. Amour.
B. Babar.
C. Caca : je ne saurais rien ! Parti, ne reviendra pas.
D. Dimension.
Il gît élégant. Porte-manteau. C’est sans fard qu’on rit !
Le reste de l’alphabet importe peu. Les morceaux du
puzzle n’ont plus qu’à s’assembler… Le cœur de l’être est
formé de rien. Il faut donc beaucoup de drapeaux pour
l’orner !
Le cœur de l’être attend le jour qui vient. Vampire qui
aspire à sa proie…
Coiffé d’un chapeau, il ressemble à monsieur K.
Il est une marque blanche au cœur. Elle signifie le néant,
mais aussi le jour à naître… ”
*
Parfois la paix même devenait inquiétante !
“On croirait que des choses comme la pollution sont
anecdotiques ! Elles procèdent, en vérité, du masque
révélateur ; le masque révélateur est ce qui dissimule le
monde ; le cache de ses voiles insignifiants ! En réalité, il faut
soigner les symptômes, mais ne pas oublier qu’ils fédèrent des
vérités de toutes sortes… Gigantesque paranoïa où les
boutons sur le visage veulent cacher les yeux...”
-
73 -
*
La paix recelait de l’inachevé, de l'incomplet qui
s’apparentait à la mort…
“Si on creuse dans l’ombre du présent - prenant le temps
de ne plus voir ce qui se déroule et, poursuit le temps de
l’achèvement - on voit, ô ombre miraculeuse, notre mort en
creux…”
-
74 -
19
Lucy avait atteint la fin !
“– Il pleut dehors, il pleut ! dit-elle, repoussant le rideau
tombé sur l’appui fenêtre…
– Il ne faut pas regarder dehors. On se fait du mal, répond
t-il.
– Si on ne regarde pas dehors, répond t-elle, on ne voit
rien… Brouillard, chaos… L’ intérieur n’a pas de forme !”
*
Le bout du chemin :
“L’oubli majeur consiste à se laisser soi ! On ne se résigne
pas au paradis. On voudrait l’enfer...”
*
Fini de se battre avec son ombre !
“Toujours l’effort de construction d’un savoir qui tienne au
corps conduit au désespoir… Je n’ai su qu’inscrire par le biais
de la langue ; on parlera de poésie, ou par celui du sens ; on
me dira tentée par l’essai, que de vaines inscriptions…
Toujours sentir le souffle du vent sur ce que j’inscris.”
*
“Trivial ! Trivial... Empf, dit-il empreint de bonne volonté.
Elle rumine, puis se perd dans des considérations annexes.
Elle ne sortira pas de chez elle avant doom night ! Le puits se
referme et les étreint… ”
*
De se mordre la queue pendant la nuit :
“La baby-sitter ne reviendra pas ! Elle a mangé l’enfant ;
son oreille d’abord. Ses pieds ensuite. Elle s’est fourvoyée
-
75 -
dans un gigantesque guêpier. À son image… Elle ne
reviendra pas de cet enfer terrestre d’où même les hommes ne
reviennent pas !”
*
Le jour aussi :
“L’œil dans sa main repose. Il demande à être vierge,
palpite. Elle vient le relever de sa souffrance. Lui demande à
être ! Il la regarde d’un air curieux. Il n’avait jamais été
épouvanté. Surtout, par une femme. Elle ne gémit pas, ne se
plaint pas, le repose au sol… C’est une fleur soudain…
Elle le gobe ; se penche, cul découvert… Il la saute : jaillit,
son sperme jaillit ; et oublie d’en parler… Le silence
retombe : nuisible, sur l’œil. Il n’est rien dit de plus. Et le
silence s’éteint. La femme, allongée par terre, en gémit
correctement. L’homme se contente de la caresser… Il n’est
rien de plus pour ces deux-là, sinon le soleil couchant… ”
*
Elle tirerait profit de la nuit et du jour.
“Saisir une telle chance... C’est ne pas saisir sa chance !
Qui pend là au bout de l’arbre, réclame d’être dépendue. Ripe,
elle crie : prenez-moi ! Prenez-moi ! Mais personne ne veut
de ce fruit succulent et engorgé de sang...”
*
Elle aimerait le jour et la nuit !
“Elle n’était que gonflements… Ça, car elle n’était que
seins. Ses seins étaient surabondants, pléthoriques. Par contre,
elle en usait avec parcimonie, n’aimait pas les produire en
spectacle… Se voulait indifférente à l’égard du monde !
Cette femme était folle : pas à cause des seins… À cause
de la tête... Elle en usait surabondamment ; en oubliait qu’elle
n’était pas inépuisable ! Cette femme était folle, car elle était
creuse, creuse comme une marmite et une soupière géante !
-
76 -
Creuse car, quand les morts sont debout, on ne leur fait pas
toc-toc sur l’épaule ! On les oublie aussitôt...”
*
“Un tissu sur le mur, ça reflète l’époque. On voit dedans
des châteaux en trompe-l’œil, des D.J. trompés et des lascars
bien véreux… On ne me voit pas, moi ! Je suis transparente...
Même mon ombre est partie ! Je ne me regrette pas : d’abord,
ça ne sert à rien. Puis on ne me reconnaîtrait pas. En vérité, il
faut savoir s’abstenir...”
Elle avançait !
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77 -
20
Un fruit mûr allait se montrer !
“Le soleil a rayonné…, frappant le reflet de l’Imago dans
mon miroir…
Rigît où repose l’envolée du trésor…,
frappant car on ne sait qu’en faire… Envolées chapardées !
Brouillon rouge du Veau d’or…”
*
Un fruit juteux...
“Iridescence de ce qui n’a pas de lieu, est traversé par
d’innombrables humeurs. Tumeurs. Fleurs pubescentes dont
on a pas osé couper les tiges... Tigres. Ceux qu’on a pas vus
en traversant la forêt…”
*
Un fruit qui n'était pas pour les prêtres :
“La mort, la mort…
La mort…, y tort/Le bruit du papier…
Dans la rue…
Pas de voisins.
Sans sérénité, ni tort ajouté.
La mort entre amis...”
*
Ni même le fruit de femmes scandaleuses :
“Son trou du cul s’agite au feu de ma flamme
…
…
Pourquoi avoir envie d’y plonger le doigt ?”
*
“La jeune fille parle au jeune homme. Elle veut décrire les
bienfaits de son visage : tu as le nez aquilin...
Oui ?
-
78 -
Tu as la bouche comme une mince ligne droite...
Oui. Pourquoi pas ?
Tes mains...
Hé bien ?
Tes mains, quand elles m’enserrent, étranglent mon cou...
Oui.
Tu n’es pas beau. Tu es laid : tu es tout ça !
Oui, dit le garçon résigné. Il sait qu’il n’y a rien à faire...
Contre la vengeance féminine, il n’y a qu’à se baisser…”
*
Un fruit beau comme Lucy ou digne d'Hilda :
“Hilda, se disait-elle, c’est un beau nom… C’est un nom,
encule moi ça ! Ils ne sauront pas défaire la vigueur de ce
nom qui frappe d’appel la vierge fouettée… Ils : les servants.
Alors, de façon manichéenne, ils comploteront contre le
monde en train de se faire…”
*
”Il ne sert à rien de réfléchir, pensait l’affreuse Hilda,
affreuse comme les blés, alors qu’elle n’avait pas évacué
encore ce qui la faisait le plus souffrir, à savoir l’hyper
pensée…
L’hyper pensée est ce moment où le cerveau se met à
accélérer au point de ne plus savoir arrêter ! Il est des jours où
cela entraîne son occupant de façon mortelle… Il est mort. Ils
sont morts ; tous morts. On ne les reverra plus… Elle ne
désire plus y revenir. Tant ça la fait souffrir ! Elle a beau se
dire : il ne sert à rien d’y penser, toute pensée, entendons-nous
consciente et remâchée, est une souffrance.
Ce qu’on souhaiterait abolir dans sa propre tête, ne plus
voir venir à l’horizon comme un chien qu’on aboie. Il n’y fait
rien. La pensée reste là, insistante, douloureuse : un drame au
fer rouge. Certaines de ces pensées concernent le monde : par
exemple, comment feuilleter un journal dans un kiosque à
papier… Alors, on se sent mieux. Comme éteint, mouché.
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79 -
La chandelle d’un tableau de De Latour : une chandelle
sans flammes sur une table…”
*
Un fruit beau comme la maladie !
“Mon langage est tel que je ne peux le penser, il me vient à
la bouche immédiatement… Le comique n’est pas un rire, le
comique est un sourire ! Le comique est heureux quand il rit.
Pourtant, il ne rit jamais : il sourit.
C’est peut-être mieux à vrai dire. Sinon, il serait très
malheureux… Ainsi, s’affirme une distance ; il se tient,
comme sur un fil, au-dessus d’un canal… Le rire n’est pas
vrai : le rire est l’impression que donne l’orifice quand il
s’exprime à haute voix, il ne faut pas lui faire confiance ! On
meurt à petits coups à faire confiance au rire !
Je le sais : ma pensée est compliquée ; qu’elle ne
désoriente pas ; le rire est la seule chose qu’on ne peut
affirmer de plein. Il n’existe pas, il n’est que la seule
expression du sourire…”
*
Un fruit qui n'était pas sérieux...
“On ne peut débrouiller ce qui ne peut l’être ; le miracle
reste en vos mains, celles qui sont noires et rouges… Que
vous portez à vos joues… Pour ne pas les mâcher ; les dérober
au regard de l’invisible… Qui se les ait appropriées...
Vous dîtes, vous dîtes qu’il n’est rien en ce monde que
vous ne connaissez ? La moindre parcelle de lin blanc,
comme si posée sur la pelouse... Et moi, je vous dis que ce
n’est pas vrai !
Personne ne connaît rien... À rien. Personne ne connaît rien
car seul le rien est connaissable ! Peut être pris avec soi et,
monté comme le petit chose... Un objet de rien, de moindre
valeur. À caractère atroce qui pleure sur mes valises !!!”
*
-
80 -
Un fruit bien-aîmé (et bienheureux) qui ne confondait
pas le réel avec une nuit de cristal :
“… Plaisir net. Figure. Si menaçante. Horrible...
Qu’on ne peut décrire… Il faut, sans doute, ne pas
oublier... Cerner mieux… Retirer ton épine du pied ! Sans
doute, du point de vue de l’absurde, là où on se pointe, se
néglige pour mieux s’aimer, il y a volupté d’être. Pour le réel,
il n’y a rien, juste des mots et encore quels mots ! C’est
abstrait, mais cela peut se dire aussi de la manière suivante ; il
n’y aura pas de raison outre le langage… Le langage est sa
raison. Et c’est en quoi nous communions !”
*
Un fruit dont pouvaient profiter tous ceux qui
appartenaient au cercle !
“On ne peut pas se trouver extérieur à l’être car, on est
l’être ! En cela, les pensées absolutistes niant la possibilité du
lien entre l’être et la matière sont fausses !
Nous sommes l’être, comment concevoir l’autre chose ?
C’est un ballet… Le ballet de la vie, de la mort : elles restent
à l’intérieur de ce cercle… ”
Il était destiné aux danseurs qui dessinaient avec leurs
pieds un espace dans l’espace...
*
Ils aimaient même l’espace quand il était l’espace...
“Maria était une belle femme… Une femme qu’on règle
dans du pain. Beaucoup de belles femmes sont capables
d’exprimer leur désir… D’autres préfèrent le porter en croix
de dentelles ! Elles ne sont pas folles, ces femmes : ce sont
des allumées car, ainsi, leur désir ne fera pas feu de tout bois !
Il s’allumera et s’éteindra rétrospectivement…
Puis on l’éteindra avec les doigts : les femmes ne porteront
pas, alors, leur guipure de dentelles comme une croix de
-
81 -
bénitier autour de leur cou… Elles l’oublieront et le
noieront !”
-
82 -
21
Ils l'aimaient, le dansaient !
“C’est don Quixot, l’homme aux lumières qui trace dans
l’espace infini ; sans lumières,
où repose l’évidence tracée par ma main…
Rose, rosâtre…
Par moments striée de lumières, de boîtes de conserves…
Il gît dans son nez, repose en cœur, de quoi casquer !
‘Casque, retourne à l’envers !’ Et il hurle face à son miroir,
parle à son bénitier,
assis à l’envers,
dans l’espace sans repos.
C’est à cet endroit-là que le sang se répand, striant la main
de rouge…
Évidence un peu confuse mais pour nous résumer : don
Quixot, l’arme à la main, bénitier sur le ciboire, parcourt
l’espace sans lumières, strié d’évidences.
Il court de grands risques, mais il n’a pas confiance. Alors,
tout va bien : il se méfie à juste titre.
Parcourant cet espace sans lumières, il sursaute. Il vient de
tomber sur son image épouvantée.
Il a peur, il crie…
Seulement, ce qu’il ne sait pas – et qu’il ne saura jamais –
c’est que son image, c’est pas lui-même.
Son image, c’est l’autre effrayé. L’autre bordé de
nouilles… Image de cauchemar : la méduse en offre une
semblable !
Et l’autre n’a rien à voir avec lui.
Si bien qu’il lui tend la main. L’autre ne la saisit pas ; il la
refuse et lui tourne le dos.
Si bien que don Quixot tout effrayé par ce double de luimême, si effrayé qu’il s’en raye les yeux, les transperce dans
le noir, va vers lui et lui tend la main.
L’autre la refuse, mais c’est déjà trop tard ; il est nuit et les
loups se dispersent… Don Quixot se fâche, l’attrape au lasso,
le fouette, le déshabille.
Il est nu : l’autre ne sait plus rien dire.
-
83 -
Humilié, il se rhabille et demande pardon.
L’espace béant... L’espace béant, c’est l’espace qu’on crée
à force de paroles !
Don Quixot n’était pas au courant !”
*
Cet espace était sans temps :
“C’est après bien des années que la maturité vient, en
catimini disons ! Comme une prêtresse cachée, elle n’est pas
comparable à ce qu’on dit d’elle ; elle n’est pas cachée, juste
soumise ; semblable au taureau qu’on prend par les cornes,
elle demande à s’affirmer à l’ombre d’elle-même... Le taureau
n’est pas là, le taureau est absent. Semblable à ce qu’on dit
d’elle, un masque de fantôme, absence confirmée, on a cru
pendant des années qu’elle pourvoirait à tout ; or ce n’est pas
vrai, elle n’a rien vu !”
*
“L’hystérie du ciel, son ouverture, un trou du cul sans nom,
car on peut pas les fermer tous pareils ! Le cil bat, record
absolu dans l’œil, le reflet du ciel. Ouverture maximum de
visibilité !
Dans ma main, bat aussi l’œil !”
*
Il n’avait pas d’épaisseur car il était dépourvu de
matière...
“Silence ! Silence ! Vous qui avez tant vomi et ne reculez
pas devant le meurtre pour bannir toute expression de votre
visage… Il ne faut pas aboyer quand se retire le venin…
Aspic chargé de troubles silences silence, vous qui avez tant
vomi et que je vois hésiter à la veille de vous pendre ! ”
*
“Lumières.
-
84 -
Noël : juste ciel ! Urinoir
Défécatoir : c’est Noël !
La prune de l’invisible : l’invisible
en prune ! Un soleil sur ma mémoire !
Urinoir Défécatoir....
Magies. Soleil tourné vers l’intérieur,
n’oubliant pas son reflet-miroir !!
Vision de l’impossible : quand on rêve encore !!!”
*
Cet espace était sans centre (et, donc, sans tête)...
“Silences… Silences !
C’est le vomi qui tue l’eschatologie en herbe…
Sans rédemption il vient à moi…
Et son silence est fort…
Comme ceux
dont, soudain,
on ne voit pas la raison !
Silences… Silences…
Vous qui avez tant vomi !
La fête est sans conséquences !
Aura du demeuré…
Bruit de l’ombre qui satisfait le silence !”
*
Malgré tout c'était un espace timide :
“L’amour, c’est la balade au gué. La rivière vide écume ses
poissons. Le visage pourri se parsème d’étoiles…
C’est poissons par 10 aines !”
*
Il ressemblait à une fille étrennant des lunettes de vue !
“Bidou… Sexe, encule !
-
85 -
Encule-le ! Ne le garde pas dans la bouche !!
Baise-le, alors…
N’oublie pas ; c’est un mastodonte !”
*
“Précipice devant nous ; amour de dieu…”
*
“La conscience de soi est ce qui ébranle la raison !”
*
Un ordre géométrique, mais sans conscience !
“Il gît ! Il gît ! crie t-il sur la plage de Dunkerque. C’est un
homme tout mou, responsable de bien des morts… On
pourrait l’aspirer à la paille, un tuyau pardi ! Il imaginerait,
alors, toutes sortes de rêves. Beaucoup sont lénifiants ;
d’autres gardés en réserve pour des jours meilleurs…”
-
86 -
22
Son tracé devenait net...
“L’homme ne sait pas ce qu’il dit quand il parle... C’est un
mongolito, véritable débile… Du haut d’un perchoir, à
l’arrière dans une back-room, il prononce des mots indécis,
signe de son affairement… Saura t-il mieux enfin ?
À force d’essayer tous les perchoirs, d’occuper une place
même mineure au Paradis, pourra t-il prononcer les mots qui
le conduiront tout droit où il veut aller ? Il ne pourra pas, car
un caillou bloque sa bouche… Ce caillou repose au fond des
rivières… On peut se baisser, l’y ramasser ; l’homme qui ne
l’y trouve pas, ne se baisse pas pour le ramasser, est un perdu
de Dieu... Est-ce un perdu de Dieu, un schmolock ?
L’homme incapable de féconder la rivière avec les cieux
au-dessus de lui, mais pas le ciel, ne saura jamais soulever le
moindre caillou… Il dit, et c’est au-dessus de lui : je n’irai pas
chercher bien loin ce que je ne trouve pas… Je n’irai pas, car
je ne sais pas. Les chemins sont pavés d’enfer et chaque pas
me rapproche de la bouche d’Inferno… Au lieu de me
recueillir, j’irai récolter les fruits de la belle fleur... Chaparder
dans les champs jusqu’à que mort s’ensuive !”
*
Elle l’aimait….
“Il a ri et ses joues étaient sur moi...”
*
“Il n’y aura plus de villes. Seulement des champs
d’herbes ! Les femmes auront été violées. Leurs membres
séparés traîneront sur la pelouse… Elles se lèveront, toutes
mortes, et prendront pour membres leurs conjoints... Ils auront
les yeux exorbités ; seront disqualifiés pour la finale. Leur
bouche sera mangée ! Il ne restera plus rien de ce monde que
les enfants ; ils se tiendront debout jusqu’à l’orée du
lendemain.
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Yeux, bouche exorbitée, doigts palmés !”
*
Lucy aimait le secret rayonnement de cet espace :
“Je lis. Je dis. Je ris le lis sans savoir où gît le cri. Le ris de
la voisine…
Le coquillage connaît plein d’amour…
La texture du liquide ressemble à un secret feuilleté
où l’on peut lire l’avenir.
L’irrigation concomitante ne dévoile pas tous ses secrets
et, c’est par un temps d’été, qu’on voit la floraison achevée…
Alors, la langue la poursuit ; elle n’est jamais la même, elle
non plus, mais ne s’en console pas !
Quand les êtres humains auront vaincu, se seront
dépourvus de leur vain siège, tous iront langue en avant porter
la bonne parole… Chacun est messager !”
*
Il lui ouvrait les yeux sur le monde, la berçait de lumière !
“S’ouvrir à la torture,
les doigts en moins, puis les doigts de pied…
Ensuite les yeux…
Il les a gobés ; ce sont des fétiches, des amulettes ; ils sont
rois, mais rois de quoi ?”
*
“La rabatteuse s’est emparée de moi ;
elle m’a giflée : la joue droite…
Elle s’est emparée de moi : elle m’a fessée, la fesse
droite...
Après, elle m’a prise dans ses bras. Et m’a embrassée !”
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Elle aimait les espaces intérieurs :
“Impossible, se disait-elle, de tenir. Il va falloir réfléchir !
Les sujets sont nombreux. Un seul préoccupe vraiment.
Le corps. Ce qui se passe dans l’œil, paupières fermées !
Les troubles huméraux, les humeurs fébriles…
Ce qui passe devant l’œil dans un contexte de fermeture,
d’occultation : on cherche à se cacher beaucoup…
Ce faisant on parle. De quoi : de soi bien sûr ! Du bus
traversant ; de la méli-mélo mélancolie…
Il n’est pas sûr qu’on arrive à dire. Et quoi ? Sans doute,
des bouts aggravés de conversation…”
*
“Amour de l’incroyant
Ne réside rien. Le demeuré demeuré brut !
C’est en quoi la foi est un épiphénomène…
Sourie ! Sourie vainement, petite fille ! Je dois voir tes
dents ! Elles sont exactement ce que je dois voir !
Ouvre la bouche ; ferme les yeux : tu verras, le rire sera
cerné, oublié…
Il ne restera plus sur la plage que la cendre de tes pas...
Peut-être volatilisé ! Peut-être rien !
Le silence noir de ton nom ô combien accompli... C’est…
Ne m’oblige pas à être !!”
*
“Ils n’ont plus d’yeux, mais ils ont des joues.
Les yeux on les a mangés. Les joues, on les a désertées.”
*
Elle aimait les espaces extérieurs...
“C’est le bruit… En articulant la douleur, qu’on
parvient à sommer les vierges…
Ultra-toit : les assommer peut-être ?
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Alors on va, pic-à-glace,
retirer ce qui n’a pas de nom :
l’œuf, peut-être la dame emboutie !”
*
Elle aimait les espaces extérieurs et les espaces
intérieurs... Désormais, elle ne les pensait plus contraires...
“Dans l’attente reste face au ciel…
N’imagine rien : laisse la pluie se
déverser sur ton visage,
t’envahir…
Laisse la ruisseler jusqu’à
qu’elle atteigne ton con, là où pleurent même les feuilles
d’arbres !
J’ai attendu longtemps ; il n’est pas venu : ni son chapeau,
ni lui !
Ni ses mains pliées dans son dos,
ni son air benêt alors qu’il mourait d’envie de plonger
sa main dans mon con
tout plié de pluie.
Je ne lui ai rien pardonné :
ni son chapeau, ni lui !
Il ne faut pas pardonner
aux hommes pleins d’eaux.
Ces hommes ont aspiré la rivière à sec…
Je suis partie alors, et la volonté avec moi, celle de faire le
bien comme le mal !
Je suis partie alors et les marguerites m’ont suivie.
Si bien que pliant mon con,
les fleurs ruisselantes ont demandé pardon.
Lui face au ciel (si miraculeux, si tendu) n’en demandait
pas tant !”
Sagement, les mains croisées sur sa jupe noire reposant en
son creux, elle attendait…
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Cependant, son ciel, cet espace, son épistémé, n'avait ni
forme, ni vigueur :
“ Il ne suffit pas d’être nihiliste : il faut être riche de soi.
Surtout ! Surtout, ne maudissez pas nos ennemis. S’ils se
retournaient ? Je n’ai aucune pitié pour moi, ni pour les
autres ! Nous sommes peu ragoûtants… Vomir sur les autres
permet de s’éviter soi... Question de haine !
Il ne faut pas oublier qu’il est difficile d’aimer, mais qu’il
faut aimer pour ne pas être dégoûtée… Le dégoût tue et ne
conduit nulle part !”
*
“Il ne faut pas expliquer, il faut penser : la science naîtra de
là. L’explication est ce qui perd l’homme : elle n’a pas
d’excuses, elle ne sait rien faire ; par contre, la pensée...
Penser, penser ! Bon sang, oui ! Telle est l’explication. Il
ne faut pas penser, il faut ratiociner.
Savoir ce que l’on dit... C’est à la portée de tout être
humain… Encore, fallait-il y penser !”
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Cette fois, la jeune fille se dit : mon espace est mûr…
“Il n’y a pas d’espace de sortie. Le monde est infesté. Ce
sont des cocons de soie et des chenilles… Ils rient : c’est de la
catastrophe à venir ! Ces aveugles ne voient pas qu’ils tissent
leur mort : doctrine économique !
Alors, la femme s’élève, toute de rouge vêtue, et crie
contre l’armée qui n’a rien vu venir… Les ouragans sont
pleins. Et les chars d’assaut ne feront pas office !
Les vermisseaux viendront, tous plein de fiel, et
construiront des cocons aux endroits-clés… Le monde
s’épanouira à partir de là.”
*
C’était le déluge :
“Ces nuages étant présents comme une impasse au-dessus
de la terre, je ne verrais plus sans frayeur la terre s’abattre sur
moi ! Ce sera comme le drame de Noé... Éclairs, orage
précipitant la lumière au bas !”
*
La pluie d'orient...
“Souvenir ! Souvenir ! Souvenir d’orient, souvenir de
quand j’étais petite…
Souvenir si…
Injuste : ça, c’est Caliméro (poussin malheureux de la
télé !). Il a dit. Ils disent tous. Ne pas faire attention : leur voix
est capturée par le silence…
Le silence leur fait foi ; ils sont croyants, donc, actifs…
Résonner de façon souveraine. Où le souverain n’a pas
lieu, n’aura pas lieu.
Il faut plier les draps, déposer armes et bagages…
Repartir en guerre : mouchoir souverain, ténu, mais réel ;
réel, mais souvenir.
L’humeur du biblique, sitôt intronisé qu’on n’y peut rien,
jette l’opprobre sur nos fronts souverains.
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Nos langues se délient. Elles ne diront plus rien. C’est
trop tard : la guerre est passée, la revanche est née !
Les mouchoirs blancs le long du désert, la beauté de tes
cerises (joues rouges), tout ceci réussit à façonner un désert,
un océan d’incompréhension.
C’est trop tard, la mer des larmes est née ; on n’y jettera
plus rien !”
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Au sein de cet espace, naît le nom !
“Il n’y a rien au centre sinon ma manche… Il n’y a rien au
centre sinon ma manche. La mouche l’a piquée, l’a enduite
de suc gras. Il n’y a rien au centre ; ni ma manche, ni autre…
Seulement au centre, contre toute attente, la manche se
lève et, sans dissimuler la figure, accomplit le geste : c’est le
geste réparateur, le geste final… Celui qui libère l’amour ; le
délivre de ce qui l’empêche de se figurer à jamais… Voilà la
problématique de l’amour… C’est le geste qui permet à
l’autorisation d’advenir. Le geste qui consiste à se moucher le
nez !”
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