Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1

Transcription

Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1
Lecture de la première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (1,22-25)
Frères,
alors que les Juifs réclament des signes miraculeux,
et que les Grecs recherchent une sagesse,
nous, nous proclamons un Messie crucifié,
scandale pour les Juifs,
folie pour les nations païennes.
Mais pour ceux que Dieu appelle,
qu’ils soient juifs ou grecs,
ce Messie, ce Christ, est puissance de Dieu et sagesse de Dieu.
Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes,
et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (2,13-25)
Comme la Pâque juive était proche,
Jésus monta à Jérusalem.
Dans le Temple, il trouva installés
les marchands de bœufs, de brebis et de colombes,
et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes,
et les chassa tous du Temple,
ainsi que les brebis et les bœufs ;
il jeta par terre la monnaie des changeurs,
renversa leurs comptoirs,
et dit aux marchands de colombes :
« Enlevez cela d’ici.
Cessez de faire de la maison de mon Père
une maison de commerce. »
Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit :
L’amour de ta maison fera mon tourment.
Des Juifs l’interpellèrent :
« Quel signe peux-tu
nous donner
pour agir ainsi ? »
Jésus leur répondit :
« Détruisez ce sanctuaire,
et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent :
« Il a fallu quarante-six
ans pour bâtir ce sanctuaire,
et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais lui parlait du sanctuaire de son corps.
Aussi, quand il se réveilla d’entre les morts,
ses disciples se rappelèrent qu’il avait dit cela ;
ils crurent à l’Écriture
et à la parole que Jésus avait dite.
Pendant qu’il était à Jérusalem pour la fête de la Pâque,
beaucoup crurent en son nom,
à la vue des signes qu’il accomplissait.
Jésus, lui, ne se fiait pas à eux,
parce qu’il les connaissait tous
et n’avait besoin d’aucun témoignage sur l’homme ;
lui-même, en effet, connaissait ce qu’il y a dans l’homme.
HOMELIE
Deux chocs dans les lectures de ce jour.
- D'abord une parole de St Paul :
"Alors que les Juifs réclament des signes miraculeux,
et que les Grecs recherchent une sagesse,
nous, nous proclamons un Messie crucifié,
scandale pour les Juifs, folie pour les nations païennes".
- Ensuite, un geste de Jésus: en chassant les marchands du Temple, il s'attaque à la
base même du culte rendu à Dieu.
Et ces deux chocs pourraient bien nous rejoindre profondément dans ce que nous
vivons aujourd'hui.
D'abord la parole de St Paul.
Le peuple juif croyait en Dieu qui se révélait par des signes prodigieux et des
miracles impressionnants.
Un Dieu vainqueur et tout-puissant.
Pour la foi juive de l'époque, le Messie, l'envoyé de Dieu, serait un chef militaire et
religieux qui chasserait les armées païennes du pays et exercerait le pouvoir au nom
de Dieu lui-même. Non seulement sur la nation juive, mais aussi sur toutes les
nations de la terre.
La foi juive ne pouvait donc qu'être profondément choquée par la croix de Jésus: cet
homme faible, humilié, crucifié, ne pouvait pas être le Messie, l'envoyé de Dieu.
La civilisation grecque, elle, était basée sur la philosophie, c'est-à-dire sur la tentative
de tout comprendre et tout expliquer de façon rationnelle et logique. Un Dieu mort
sur une croix, ce n'est pas rationnel. Ça n'a aucun sens, c'est une ineptie, une folie.
Et nous, de quel Dieu témoignons-nous aujourd'hui ?
Nous disons et nous répétons que Dieu est amour. Et nous avons raison !
Mais osons-nous ne serait-ce qu'une parole sur la croix ?
Osons-nous dire que Dieu a connu l'échec, un échec radical, puisqu'il a été rejeté,
humilié, condamné, exécuté ?
Osons-nous le dire, et le croyons-nous nous-mêmes ?
Le langage de la croix est aussi choquant aujourd'hui qu'hier.
Pour nos contemporains et peut-être pour nous-mêmes.
Et pourtant, la croix est au cœur de notre foi, puisqu'elle est ouverture vers Pâques,
vers notre vie renouvelée en la résurrection du Christ.
Aujourd'hui encore, nous n'avons personne d'autre à annoncer qu'un Messie crucifié.
Quand nous sommes entrés dans cette église, nous avons tracé sur nous le signe de
la croix. Avons-nous mesuré la gravité de ce geste ?
Avons-nous mesuré que nous proclamons ainsi un Messie crucifié ?
Avons-nous mesuré que nous acceptons ainsi pour nous-mêmes la croix, l'échec, le
renoncement à nous-mêmes pour ne vivre que de la confiance en l'amour infini de
Dieu ?
Décidément, les paroles de St Paul n'ont pas fini de nous choquer !
Tout aussi choquant: le geste du Christ.
En chassant "les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs",
Jésus s'attaque aux bases même du culte rendu à Dieu, à savoir les sacrifices et la
pratique de l'aumône.
C'est étrange: Jésus ne s'est jamais attaqué aux idoles païennes, mais il s'attaque
aux idoles de son propre peuple et de sa propre foi.
Plus encore, dans l'évangile Jésus reproche souvent aux siens leur manque de foi
alors qu'il s'émerveille de la foi d'un païen comme le centurion romain 1 ou d'une
étrangère comme la syro-phénicienne 2.
Double interpellation pour nous.
Quelles sont aujourd'hui "nos" idoles ?
Je ne parle pas des autres, des idoles de ceux qui ne pensent pas et ne croient pas
comme nous, mais je parle de bien nous, partagés que nous sommes entre la
sincérité de notre foi en Jésus, le Messie crucifié, et les fausses sécurités dont –moi
le premier- nous croyons avoir besoin ?
Que célébrons-nous ensemble quand nous sommes réunis pour l'Eucharistie ?
Mais encore comment reconnaissons-nous la foi des "païens" d'aujourd'hui, de ceux
qui ne fréquentent pas plus nos églises que le centurion romain ou la syrophénicienne ne fréquentaient le Temple de Jérusalem ?
Mgr Albert Rouet, archevêque émérite de Poitiers, déclare par exemple: "Puis-je
taxer d’incroyant mon ami militant syndical communiste qui, durant toute sa carrière,
a refusé d’avoir un salaire supérieur au plus bas pratiqué dans l’entreprise ? Il avait
une foi première plus développée que certains, dotés d’un système religieux dans la
tête, mais sans grand-chose dans les tripes. 3"
1
2
3
Matthieu 8,5-13
Marc 7,24-30
Albert Rouet: interview dans Témoignage Chrétien 22 Février 2013
- Chaque jour, et particulièrement en ce temps de Carême, laissons-nous convertir
par le Christ, le Messie crucifié.
- Soyons vibrants de son don d'amour sur la croix, véritable échec humain, mais
porte ouvrant sur la vie éternelle.
- Prenons nos fausses sécurités pour ce qu'elles sont: des idoles devant lesquelles
trop souvent nous nous prosternons.
- Découvrons en nos frères humains l'Evangile en actes, sinon en paroles.
- Et gardons-nous bien de parler de l'amour de Dieu si nous ne sommes pas capables
d'en vivre réellement.
Un beau programme, non ?
Non seulement pour ce temps de Carême, mais pour toute notre vie !