UN ANGLAIS A` PARIS: LE VOYAGE DE CHARLES BLAGDEN EN
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UN ANGLAIS A` PARIS: LE VOYAGE DE CHARLES BLAGDEN EN
UN ANGLAIS À PARIS: LE VOYAGE DE CHARLES BLAGDEN EN 1783 by DANIELLE M. E. FAUQUE* Groupe d’Histoire et de Diffusion des Sciences d’Orsay (GHDSO), Université Paris-XI, 91405 Orsay, France RÉSUMÉ Dès la signature en janvier 1783 des préliminaires de paix suivant la fin de la guerre d’indépendance américaine, les échanges entre les savants britanniques et français reprirent leur cours normal. Au cours de son séjour parisien en 1783, le francophile Charles Blagden (avec le soutien de Joseph Banks) noua des liens qui favorisèrent des échanges épistolaires entre les savants des deux pays via la Royal Society et l’Académie royale des sciences. Entre autres, la relation qu’il entretint avec le chimiste Claude-Louis Berthollet se transforma au cours des voyages successifs qu’il devait faire en France en véritable amitié. L’étude de la correspondance de Blagden, reçue ou envoyée, maintenant conservée à la Royal Society, éclaire le climat d’émulation et quelques-uns des débats scientifiques de la fin du XVIIIe siècle, en particulier sur la question de la nature de l’eau entre les années 1783 et 1786, qui constitue le sujet principal de cet article. Mots-clés: Royal Society; Académie royale des sciences; nature de l’eau; Charles Blagden; Antoine Lavoisier; correspondance scientifique L’année 1783 est une année remarquable à plusieurs titres. La bataille de Yorktown, le 19 octobre 1781, avait mis fin à la guerre d’Amérique, et il convenait maintenant de laisser la place aux diplomates. Le 20 janvier 1783, les préliminaires de la paix étaient signés à Versailles. À Paris, le peuple fit la fête, on acclama Benjamin Franklin et le marquis de La Fayette. Les échanges avec l’Angleterre pouvaient reprendre: échanges commerciaux, mais aussi échanges épistolaires plus libres, et plus fréquents. Dans le même temps, les tractations pour la préparation du traité de paix qui devait être signé à Paris favorisaient la présence d’une importante communauté britannique dans la capitale. Les visiteurs anglais se firent donc plus nombreux, attirés, tout en étant critiques, par le mode de vie de la société aristocratique, de la grande bourgeoisie, par les beaux esprits, et cet esprit des Lumières qui constituaient à leurs yeux une représentation assez fidèle de la République des Lettres. Dans le même temps, une partie de cette société française cultivée était fascinée par le mode de gouvernance britannique, et sa monarchie constitutionnelle, par la liberté d’entreprendre que l’on semblait pouvoir exercer outre-Manche, par une certaine simplicité de vie qui accordait à *[email protected] 1 2 la nature beaucoup d’attention. Une véritable anglophilie, voire une anglomanie était née, et les visiteurs français entreprenaient un tour d’Angleterre pour découvrir l’opulence des régions industrielles de Londres, Manchester et plus particulièrement Birmingham. LE MONDE DE CHARLES BLAGDEN: LONDRES ET PARIS Charles Blagden (1748–1820), âgé de trente-cinq ans en 1783, est un personnage-clé dans ces échanges.1 Ancien médecin des armées, il avait servi sur le navire-hôpital, le Pigot, pendant la guerre d’Amérique. Ami de Sir James Banks,2 il s’était déjà fait connaı̂tre par quelques études scientifiques, et avait été élu fellow de la Royal Society en 1772. En fonction à Plymouth à partir de 1780, il avait langui après la vie scientifique londonienne. Henry Cavendish le prit comme secrétaire et assistant; il s’installa définitivement à Londres à l’automne de 1782. Dès lors, il se montrait particulièrement actif au sein de la Société. Blagden arriva à Paris au début du mois de juin 1783, et revint à Londres dans les premiers jours d’août.3 Il assista à l’expérience d’Antoine Lavoisier et Pierre Simon Laplace sur la synthèse de l’eau, et fut reçu aux meilleures tables. Au cours de son séjour, Blagden fit connaissance avec des savants outre ceux déjà cités, comme le marquis de Condorcet, Jean-Baptiste Bochard de Saron, ainsi que César-François Cassini de Thury et son fils Jean-Dominique, comte de Cassini. Il fréquenta certainement les cercles cultivés où il pouvait rencontrer Benjamin Franklin et David Hartley. Quand Blagden repartit pour Londres, il quittait des amis et des relations, ce qui lui permit de tisser un réseau qu’il prit soin d’entretenir toute sa vie. Blagden devait revenir fréquemment en France, et plus particulièrement à Paris. En 1787, comme ami et comme commissaire de la Royal Society, Blagden vint à Calais, avec les astronomes français, et sa francophilie et son excellente maı̂trise du français contribua aux bonnes relations entre les deux équipes, française et britannique, pendant l’entreprise dont l’objectif était de déterminer la différence de longitude entre les deux observatoires, celui de Paris et celui de Greenwich.4 En 1788, il revint à Paris, chez son ami, le chimiste ClaudeLouis Berthollet, qu’il avait rencontré en 1783,5 et visita la manufacture fondée par Ignace de Wendel au Creusot.6 Il séjourna à Paris en 1792,7 puis à nouveau au moment de la paix d’Amiens en 1802, puis sous la Restauration après 1815. Il mourut d’ailleurs à Arcueil le 26 mars 1820, chez Berthollet. Il est enterré au cimetière du Père Lachaise, à Paris.8 À partir de quelques exemples pris dans la correspondance venant de France, de Blagden à Banks en 1783, et dans celle des savants français à Blagden sur la période 1783–1788, nous pouvons brosser un tableau des relations qu’entretenaient des savants dans la période prérévolutionnaire. Les sujets les plus souvent discutés concernent la nature de l’eau, les expériences sur la chaleur, les expériences aérostatiques,9 les échanges de livres et de mémoires, les recommandations pour tel ou tel visiteur, et les demandes réciproques d’admission à l’Académie royale des sciences ou à la Royal Society. Les thèmes abordés ici, qui traversent alors toute la société, sont aussi présents dans d’autres correspondances contemporaines de celle ici étudiée. On y retrouve les mêmes curiosités et les mêmes préoccupations, comme dans la correspondance de Banks, de James Watt à Joseph Black10 ou de Richard Kirwan et Louis-Bernard Guyton de Morveau,11 ou encore dans la correspondance de Lavoisier, pour ne citer que celles-ci, dans le contexte de cet article.12 Les lettres de Blagden doivent donc être lues comme faisant partie de ce large échange de part et d’autre de la Manche. 3 PRINTEMPS 1783 Les premiers mois de 1783 sont des plus intéressants à la Royal Society. Les discussions portaient entre autres sur les dernières expériences de Cavendish et celles de Joseph Priestley. Cavendish avait commencé la lecture d’un mémoire sur un nouvel eudiomètre le 20 février 1783, et l’avait terminée le 27 février.13 Dans ce mémoire, il présentait un instrument plus propre à mesurer la ‘phlogistication’ de l’air.14 Cette méthode de détermination de la ‘pureté’ de l’air avait été inventée par Priestley, puis reprise, et développée par plusieurs autres savants dont Antoine Lavoisier. Cavendish comparait les qualités de son instrument à celles des autres eudiomètres, et détaillait le protocole expérimental à mettre en oeuvre pour l’utiliser.15 En ce printemps, on débattait aussi de la transformation de l’eau en air comme de la transformation de l’air en eau, autour des propositions de Priestley. De Birmingham, dans une lettre à Banks du 21 avril 1783, Priestley rapportait les expériences sur les métaux qui lui permettraient de réfuter les propositions de Lavoisier. Priestley restait convaincu que le métal était composé d’une chaux et de phlogistique, au contraire de Lavoisier pour qui les métaux étaient des substances simples.16 Dans sa lettre à Banks du 21 avril 1783, Priestley faisait aussi part de ses dernières observations sur la conversion de l’eau en air17 et signalait avoir mentionné ses idées à Watt.18 Ce dernier avait d’ailleurs écrit à Priestley le 26 avril à ce sujet. Une polémique entre Priestley et Watt, bien connue, s’ensuivit sur les priorités respectives,19 et qui conduisit la Royal Society à la publication de la lettre de Watt en 1784.20 Ainsi en cette fin d’avril 1783, le sujet était largement débattu à Londres. Pour beaucoup de chimistes, les quatre éléments des Anciens (terre, eau, air et feu) restaient la base de la chimie des principes, donc l’eau et l’air étaient, pour prendre une expression moderne, des substances simples. Cependant, la question de la transformation d’un principe en un autre constituait toujours un sujet de recherche. Lavoisier avait montré dès 1768 que l’eau ne se changeait pas en terre. Que Priestley affirmât que l’eau se changeait en air méritait donc une attention particulière. Des nouvelles en avaient été d’ailleurs envoyées à l’Académie royale des sciences à Paris, où, le mercredi 7 mai, le duc de La Rochefoucauld avait lu une lettre de son correspondant officiel à Londres, Edmond-Charles Genest, et qui contenait les détails des expériences faites par Priestley en présence de Genest lui-même.21 Le mercredi 14, une nouvelle lettre venant de Londres, comportant deux feuilles, datée du 6 mai, non signée mais attribuée à Genest, avait été lue en séance: ‘M. Priestley a éclairci ses premières expériences par lesquelles il croyoit avoir transformé l’eau en air’.22 Dans une première expérience, Priestley soumettait, dans une cornue, un mélange d’argile pilée et de quartz imbibé d’eau, à un feu modéré; il en retirait de l’air déphlogistiqué23 extrêmement pur. Dans une seconde expérience, il utilisait un eudiomètre dans lequel il avait introduit un mélange d’un tiers d’air déphlogistiqué et deux tiers d’air inflammable. Soumis à l’étincelle électrique, ‘l’air se décompose et en essuiant exactement le tube avec un morceau de papier, celui-ci contracte en humidité une pesanteur égale à celle du volume d’air enfermé dans le tube’.24 Si Laplace était présent à cette séance du 14 mai, Lavoisier et Gaspard Monge étaient absents. Mais ces deux derniers furent présents le 21 mai. Monge ne tarda pas à repartir pour l’école de Mézières où il refit les expériences de Priestley.25 Lavoisier étudia très attentivement les propositions de Priestley, et il estima être en mesure de les commenter le 31 mai. Pour lui, l’air obtenu par Priestley, ne provenait pas de la transformation de l’eau en air mais de l’air extérieur qui était passé à travers les pores du récipient.26 Dans l’intervalle, à la Royal Society, Priestley, qui avait refait ses expériences et modifié certaines de ses 4 observations, lut son mémoire le 26 juin 1783, lequel fut publié immédiatement dans les Philosophical Transactions.27 Blagden devait sans aucun doute être particulièrement bien au courant de cette question. Un autre sujet d’intérêt à la Royal Society durant ce printemps 1783 concerne les expériences de Thomas Hutchins pour déterminer les degrés du froid,28 et dont le mémoire fut lu à la Royal Society les 1er, 8 et 15 mai.29 Cet imposant mémoire30 de presque soixante-dix pages présentait les expériences menées par le gouverneur de Fort Albany, dans la baie d’Hudson, durant l’hiver 1781–1782, à la demande de la Royal Society. Utilisant les thermomètres fournis par la Royal Society, les cinq premières expériences, pour mettre en évidence le point de congélation du mercure, furent faites selon le protocole élaboré par la Société à la suite des expériences de Hutchins parvenues à cette compagnie en 1779.31 Le point de congélation du mercure observé fut 408 sous zéro, selon une échelle non clairement précisée, mais probablement Fahrenheit.32 À la séance suivante, le 22 mai 1783, Blagden commençait la lecture de l’un de ses mémoires les plus importants. Il s’agissait de son histoire sur la congélation du mercure.33 Il débutait par un historique des expériences de Hutchins, dont il saluait les qualités. Cette valeur du point de congélation du mercure corrigeait toutes les opinions courantes à cette époque, qui le situaient beaucoup plus bas. La méthode recommandée par la Royal Society s’était révélée excellente, et l’expérimentateur à la hauteur des espoirs mis en lui. Blagden rappelait ensuite l’essentiel des expériences antérieures, leurs protocoles et leurs résultats. Ce texte également de soixante-dix pages devait donc être très avancé lorsque le mémoire de Hutchins fut lu en séance à la Royal Society. L’étude de Blagden était la plus complète sur les tentatives, y compris celle de Hutchins, faites jusqu’ici pour déterminer si le mercure gelait, et à quelle température. Ce mémoire dont la lecture fut terminée le 5 juin reçut un excellent accueil. Blagden en emporta avec lui plusieurs exemplaires imprimés pour distribuer aux savants français. La Royal Society suspendit ses séances ensuite jusqu’au 19 juin.34 Blagden n’assista pas à cette dernière séance, pas plus qu’au dı̂ner du Royal Society’s Dining Club. On peut imaginer cependant qu’au cours de cette dernière semaine, il retrouva Banks dans une taverne de Londres, pour un dernier repas. Et tout en fumant une pipe, chacun dut réitérer ou quelques conseils, ou les promesses engagées.35 Il reçut des vœux et des recommandations de ses proches, ainsi le 25 mai, son frère Thomas, de Bristol, lui écrivit: ‘I most sincerely wish you every happiness & pleasure during you stay in France’.36 Son frère lui rapportait aussi ses dernières expériences sur l’application de l’électricité à ses patients, nouvelle thérapie très à la mode. Il fit ses adieux à ses proches puis partit. ACCUEIL PARISIEN À Paris, Blagden logeait à l’Hôtel d’Espagne, rue Guénégaud, sur la rive gauche de la Seine. Cette rue longe le nouvel Hôtel des Monnaies, où Condorcet, secrétaire perpétuel de l’Académie royale des sciences, résidait.37 Cet hôtel était aussi proche du Collège des Quatre Nations, lequel abrite l’Institut de France depuis 1805. Il était au cœur du Faubourg de SaintGermain et du Quartier latin, où les libraires, les fabricants d’instruments scientifiques, et les imprimeurs tenaient boutique. Il était aussi à deux pas du Procope, célèbre café que les partisans de la Grande Encyclopédie, les savants, les nouvellistes et les philosophes, et beaucoup d’académiciens aimaient fréquenter, et dont l’arrière donnait sur la Cour du commerce. On peut toujours parcourir une partie de cette petite rue aux pavés inégaux, 5 bordée de boutiques situées au rez-de-chaussée des bâtiments d’époque, qui permettent de ressentir l’atmosphère que les voyageurs, les philosophes, les savants, et les curieux devaient ressentir. Les fenêtres de guingois, le peu de lumière, la lueur des chandelles, la chaleur des salles au plafond bas, tout concourait à faire bouillonner les idées dans ce Paris prérévolutionnaire. Mais le plus important pour Blagden était que cet Hôtel d’Espagne était à proximité de l’Académie royale des sciences. Celle-ci se tenait dans un bâtiment bordant la Cour carrée du Louvre, que l’on apercevait de l’autre côté de la Seine. L’Hôtel d’Espagne était donc remarquablement bien situé pour le fellow de la Royal Society; il suffisait de traverser le Pont-Neuf pour être au centre de la vie scientifique française.38 Blagden arriva avant le 11 juin. C’est à cette date qu’il envoya sa première lettre à Banks.39 Il y contait ses premiers contacts et ses premières impressions de la société parisienne. En ce début de séjour, il rencontra en premier lieu Lalande et Lavoisier. Bien que Lalande l’eût bien reçu et l’encouragea, l’entrevue ne semble pas avoir eu de suite. Ainsi, écrivit-il à Banks: ‘[Lalande] received me well, with the appearence of wishing to promote my views, but I have not since heard any thing of him’. Au contraire, si les contacts avec Lavoisier furent sans chaleur, Blagden fut invité à sa table et à assister à ses nouvelles expériences sur la respiration animale et sur la chaleur: ‘[Lavoisier] also received me well, but without any warmth; however I was asked to dine with him next day, & he then shewed me some of his new experiments’. Blagden indiquait également que Laplace travaillait avec Lavoisier et effectuait les calculs. Blagden ajoutait que ‘[Laplace] is evidently a very able man, but one of the most self-sufficient I have ever seen. M. Lavoisier has certainly a good opinion of himself also, but not carried to such a degree of extravagance’. Dans la conversation, Blagden avait également parlé aux deux savants de son histoire du point de congélation du mercure. Ce sujet apparut nouveau aux deux savants français qui furent très intéressés: ‘the subject of mercurial congelation was new to them in the detail’. Dans la deuxième lettre à Banks, datée du 18 juin, Bladgen continuait le récit de ses activités parisiennes. Le duc de Chaulnes lui avait montré ses collections, il n’avait pas revu Lalande, il était allé dı̂ner chez Lavoisier. Il avait aussi assisté à au moins une autre séance de l’Académie des sciences, où il avait été très bien reçu. Dans cette semaine si chargée d’occupations, il avait sans doute été amusé par les automates qui prononcent la phrase ‘le Roi donne la paix à l’Europe.’.40 LA ROYAL SOCIETY ET L’ACADEMIE ROYALE Les thèmes abordés dans la correspondance avec Banks sont relativement restrictifs. Blagden n’écrivait certainement pas tout sur ce qu’il faisait, ce qu’il voyait, ou sur les personnes qu’il rencontrait. La correspondance qu’il recevra par la suite à Londres le montre. Les lettres à Banks semblent être aussi des lettres plus politiques que des lettres exclusivement d’amis très proches. Manifestement les deux savants avaient des intérêts communs qui motivaient une partie de leurs échanges. Et comme la première lettre à Banks le suggère, Blagden était venu à Paris dans un but précis et qui est confirmé dans la lettre du 18 juin 1783: ‘This afternoon, I go to the academy, & hope there to know better what the people are at here, & what I have to expect here that may be useful to our future plans’.41 La lecture de la correspondance de Blagden et de la liste des élections des membres étrangers à la Royal Society et à l’Académie royale des sciences laisseraient supposer que Blagden et Banks désiraient établir des liens privilégiés avec l’Académie royale des sciences de Paris, ou avec certains de ses membres. La présence de Blagden, proche de Banks, 6 président de la Royal Society depuis 1778, suscita de la part des Français une demande de collaboration avec la société britannique. Dans sa lettre à Banks du 27 juin 1783, Blagden signalait que ‘some members of the Academy of sciences have intimated to me how much they would like a fair and honorable correspondence with the Royal Society for the communication of our respective ideas and discoveries’.42 La demande, très précise, devait respecter un strict protocole. Il s’agirait de désigner deux personnes, une de chaque académie, elles devraient s’informer mutuellement, au nom de chaque compagnie. Les lettres échangées seraient conservées dans les archives de chaque société, les deux correspondants n’ayant en leur possession qu’une copie. L’engagement était important, et Blagden ne pouvait le décider seul. Il en référait à Banks, et lui demandait conseil. Le 1er juillet, il y revenait encore: ‘The plan of correspondence between the Royal Society & the French Academy of Sciences was well received by the gentlemen to whom it was mentioned’.43 Mais les choses n’avancèrent pas. Après avoir été élu secrétaire de la Royal Society le 5 mai 1784,44 Blagden reprit rapidement l’idée d’une correspondance avec l’Académie royale des sciences de Paris. Il mit alors tout en œuvre pour en être élu membre correspondant. Ne pouvant solliciter pour luimême une telle faveur, il entreprit de mettre à contribution ses relations. C’est ainsi que le comte de Catuélan entra en scène. Jacques du Merdy de Catuélan était un fervent anglophile.45 Il effectuait des séjours fréquents en Angleterre, et était lié avec la meilleure société. Il avait entrepris une traduction des œuvres de Shakespeare en vingt volumes avec la participation de deux autres traducteurs, Le Tourneur et Fontaine-Malherbes.46 L’ouvrage dédié au roi ne fut exécuté que par souscription, et commença de paraı̂tre en 1777. Les familles royales de France, d’Angleterre et l’impératrice de Russie figuraient sur la liste des souscripteurs, parmi lesquels on comptait aussi des ministres, des diplomates, et de nombreux britanniques. Les archives de la Royal Society conservent six lettres de Catuélan à Blagden, sur la période du 2 novembre 1783 au 22 septembre 1784. Ami intime de l’académicien Jean-Baptiste Le Roy,47 Catuélan fréquentait aussi Laplace et Lavoisier. Blagden et Catuélan se rencontrèrent à Paris, et le début de leur correspondance fait état d’un désir de Blagden d’entreprendre une correspondance amicale entre les deux pays via le chevalier de Fleurieu. Les propos sont masqués, mais la prudence semble être de mise. Catuélan assurait son correspondant de sa parfaite discrétion et de faire usage de toute sa diplomatie pour faire aboutir ce projet.48 Mais Blagden, pris dans la tourmente qui traversait alors la Royal Society, n’avait toujours pas répondu en février.49 Catuélan lui écrivit à nouveau, et tout en donnant des nouvelles de Paris, se rappelait au bon souvenir du savant anglais.50 La réponse de Blagden parvint au mois de mai. Il l’avertissait de son élection comme secrétaire de la Royal Society, et probablement sous-entendait qu’une élection comme membre correspondant de l’Académie royale des sciences lui serait agréable. Le 24 mai 1784, de son château de Normandie, Catuélan promit à nouveau de mettre tout son pouvoir en action pour répondre au désir de son ami, et lui rapportait en détail ses entreprises et entrevues. En particulier, en lui annonçant le succès de Blagden, il avait suggéré à Le Roy que ‘l’Académie des sciences ferait une chose digne d’elle en secondant le choix d’une société qui était sa sœur, et en [l’] adoptant dans son sein en qualité de correspondant’. L’académicien avait acquiescé à cette idée, et allait se charger ‘avec grand plaisir de la négociation’, et qu’il ne manquerait pas d’y associer Lavoisier et Laplace ‘qui y mettront la même chaleur’ que lui.51 Les élections n’auraient lieu que trois mois plus tard.52 Dans la lettre suivante, Catuélan rapporta les grands traits de l’avancée des négociations, en particulier ses contacts avec Condorcet, Lavoisier et Laplace.53 Le 1er septembre, le secrétaire de la Royal Society était élu, à l’unanimité des académiciens 7 Figure 1. Lettre du comte Jacques du Merdy de Catuélan à Charles Blagden, 2 septembre 1785 (RSA, CBC, vol. III, C.13) (Royal Society Archives copyright). Dans cette lettre, Catuélan informe Blagden de son élection comme membre correspondant de l’Académie royale des sciences. Anglophile connu pour sa traduction des oeuvres de Shakespeare, Catuélan est un noble breton allié à la puissante famille des Guéménée-Rohan. présents à la séance de l’Académie royale des sciences, membre correspondant de Berthollet. Dès le 2 septembre, Catuélan l’avertit de cette bonne nouvelle (figure 1).54 Mais hélas, cette lettre arriva très tardivement, le messager ayant négligé sa mission. Il semblerait que Catuélan ne reçut pas de réponse à cet envoi. Le 22 septembre, il répondit sur un ton un peu désabusée à une lettre, accompagnée de deux mémoires, de Blagden, envoyée le 3 septembre. C’est la dernière lettre connue d’échange entre les deux correspondants.55 Berthollet avertit également Blagden de ce succès.56 Leur correspondance maintenant officielle allait contribuer à renforcer l’amitié qui s’était nouée à Paris entre les deux hommes.57 Ces relations très positives entre la Royal Society et l’Académie royale des sciences – qui n’allèrent cependant pas jusqu’à un échange officiel et régulier entre les deux compagnies comme le souhaitait Condorcet58 – se poursuivirent avec l’élection de Banks comme associé étranger de l’Académie royale des sciences en 1787,59 puis l’élection à la Royal Society, comme membres étrangers, de Lavoisier60 et de Guyton de Morveau en 1788, puis de Laplace en 1789. Banks prêta des instruments ayant fait partie de la campagne de James Cook, pour la grande expédition circumterrestre dirigée par Jean-François de Galaup de La Pérouse, qui partit de 8 Cherbourg en 1785.61 L’aventure du méridien en 1787 renforça encore ces relations.62 Le voyage de Jérôme de Lalande en Angleterre en août 178863 apparaı̂t aussi dans une certaine mesure comme la poursuite des échanges entre les deux académies pendant cette période. L’EAU N’EST PAS UNE SUBSTANCE SIMPLE Blagden entendit Laplace et Lavoisier rapporter leurs expériences sur la chaleur à l’Académie le 18 juin 1783. Puis, en compagnie d’autres académiciens, il assista à l’expérience de l’eau effectuée par ces deux savants le 24 juin. Il s’agissait de la combustion de l’air inflammable (hydrogène) dans l’air déphlogistiqué (oxygène). Cette expérience semble isolée dans le registre de laboratoire numéro VIII de Lavoisier, il n’y a rien à ce sujet ni avant le 24 juin, ni après.64 Lavoisier utilisa deux caisses pneumatiques de son invention améliorées par l’ingénieur Jean-Baptiste Meusnier qui travaillait dans son laboratoire.65 L’une contenait de l’air déphlogistiqué, l’autre de l’air inflammable. Deux tuyaux envoyaient ces deux gaz en continu sous une cloche probablement retournée sur du mercure. La combustion était amorcée par étincelle électrique, produite par une machine électrostatique. La quantité d’eau obtenue fut évaluée à environ trois gros (11,5 grammes), pour une masse de gaz consommés d’environ une once, un gros et douze grains (35 grammes). En conclusion, sur le registre, on lit: ‘Il faut supposer une perte des deux tiers de l’air ou qu’il y a perte de poids’. On se contenta d’affirmer le lendemain à l’Académie que le résultat était de l’eau pure. Jusqu’ici, les savants accordaient la présence de l’humidité constatée ou recueillie à celle ordinairement présente dans l’air. En général, la quantité des gaz consommés était très petite, et la masse d’eau produite ne permettait pas de mettre les savants sur la bonne piste. Le mode de production était nouveau. Ce n’était plus l’eudiomètre enfermant une quantité finie de gaz, mais un dispositif en quelque sorte dynamique fournissant à la demande, en continu, les quantités de gaz nécessaires, selon des proportions déterminées par avance. Dans l’annonce du 25 juin 1783, Lavoisier et Laplace disaient avoir ‘répété’ devant plusieurs membres de l’Académie royale des sciences ‘la combustion de l’air combustible combiné avec l’air déphlogistiqué’. Ils avaient utilisé ‘soixante pintes environ de ces airs et la combustion a été faite dans un vaisseau fermé. Le résultat a été de l’eau très pure’.66 Les deux savants ne s’avançaient donc ni sur le plan quantitatif, ni sur le plan théorique. L’annonce est faite plutôt pour prendre date. Le mot ‘répété”, inscrit dans les procès-verbaux de l’Académie royale des sciences, laisse entrevoir que cette expérience n’était pas un premier essai. En effet, le dispositif est tel qu’il ne peut être mis en oeuvre rapidement, il nécessite un étalonnage préalable, et l’aide d’assistants. On ne peut imaginer que, demandant la présence de plusieurs témoins dignes de foi, les savants aient pris le risque de l’improvisation. Mais depuis quand s’y essayaient-ils ? Depuis la réception de la lettre de Genest au mois de mai, ou depuis la rencontre avec Blagden ? Nous ne le savons pas. Le 25 juin, Blagden rendit compte de cette expérience à Banks,67 répétition pour lui de l’expérience de Cavendish: Yesterday the important experiment of M. Cavendish’s relative to the production of water from the combustion of dephlogisticated & inflammable air was repeated at Mr Lavoisier’s, in conséquence of the account I had given of it from Dr Priestley’s paper, and Mr Cavendish’s verbal information; several members of the Academy of Sciences were present; & we obtained near three drams of water which was very pure, neither impregnated with fixed air, nor in any other way acidutilated. The deflagration was performed gradually. 9 Après avoir décrit le dispositif, et ajouter que ‘the experiment was good’, Blagden confirmait que les résultats ne permettaient pas de déterminer les proportions d’air et d’eau, que l’on pouvait seulement affirmer la pureté de l’eau obtenue. Laplace et Lavoisier avaient l’intention de poursuivre cette étude, écrivait-il, ‘with the necessary precision for determining the weights’. À l’Académie, l’annonce, faite ce même jour, avait fait grand bruit, et l’expérience était considérée comme de première importance. Blagden ajoutait alors: ‘I thought it right to send you the earliest possible information, which should be communicated to Mr Cavendish & Dr Priestley, if you have an opportunity’. Il insistait à nouveau ensuite sur la surprise des savants de voir autant d’eau ruisseler dans le vaisseau, et de n’obtenir aucun autre produit. Lavoisier s’attendait, selon sa théorie, à trouver un acide.68 Pour les autres académiciens présents, cette eau était contenue en dissolution dans les airs consommés, ‘an opinion which I hope will soon be brought to the test of weight and measure’.69 Bladgen pensait comme Carl Wilhelm Scheele, que les gaz manquants s’étaient échappés sous forme de chaleur. Cette lettre du 25 juin est particulièrement importante. Elle résume à elle seule les positions partagées par la communauté des chimistes de l’Europe, et traduit bien l’attitude dubitative prise par cette dernière face aux interprétations de Lavoisier et de ses disciples. L’expérience du 24 juin marque le début de ce qu’on peut appeler l’affaire de l’eau, et qui se terminera pour la partie française au printemps 1785, affaire bien étudiée par les historiens des sciences.70 Mais le ballon à air chaud qui s’était élevé dans le ciel d’Annonay le 4 juin 1783 allait permettre d’avancer dans la démonstration de la nature de l’eau. L’invention des frères Montgolfier faisait l’objet de toutes les conversations, et de toutes les lettres.71 L’Académie nomma une commission dont Lavoisier, puis un peu plus tard Meusnier, firent partie. L’idée fut aussi de remplacer l’air chaud par de l’air inflammable, ce que firent Jacques Charles et les frères A.-J. et N.-L. Robert le 27 août.72 Lavoisier et Meusnier produisirent de l’air inflammable en faisant passer de la vapeur d’eau dans un canon de fusil porté au rouge.73 La communauté savante restait très partagée. Dès le 10 avril 1784, Berthollet écrivait à Blagden: Mr Lavoisier pense que l’eau s’est décomposée dans cette expérience, que son air déphlogistiqué s’est combiné avec le fer, et que son gas inflammable s’est échappé: pour moi, il me paraı̂t que c’est simplement le gas inflammable du fer qui se dégage; mais il faut attendre les expériences qu’ils font encore sur cet objet et qu’ils doivent communiquer au public dans la séance publique de l’Académie qui doit se tenir le 21 de ce mois; en attendant il y a grande apparence qu’on pourra se servir de ce procédé en grand.74 Dans la lettre suivante du 6 septembre, Berthollet annonçait la lecture de deux mémoires de Lavoisier sur la décomposition de l’eau: Il a prétendu prouver que tout le gas inflammable qu’on retire des métaux, lorsqu’on les dissout par le moyen des acides, ne vient ni des métaux, ni des acides, mais que les métaux s’emparent de l’air déphlogistiqué de l’eau, se réduisent par là en chaux et deviennent solubles dans les acides, et qu’alors l’autre partie de l’eau, le gas inflammable se dégage.75 Berthollet résumait clairement l’interprétation de Lavoisier, mais il n’était pas encore convaincu comme l’atteste l’emploi de l’expression ‘prétendu prouvé’. Dans les Observations sur la physique, les attaques furent virulentes.76 En réaction aux propositions lavoisiennes, c’est-à-dire que l’eau était un corps composé, le rédacteur des Observations décida de publier une traduction d’un mémoire que Cavendish avait commencé de lire à la Royal Society le 15 janvier 1784. Dans ce mémoire, ‘Experiments on air’, 10 Cavendish revendiquait le fait d’avoir montré le premier que l’eau était le seul résultat de la combustion de l’air inflammable (hydrogène) dans l’air déphlogistiqué (oxygène), et que cette eau, corps simple, avait été libérée par la condensation des deux gaz. Cette traduction parut dans le fascicule des Observations du mois de décembre 1784, puis au long du premier semestre de 1785. Cavendish affirmait qu’il avait commencé ses expériences au cours de l’été 1781, et en avait fait part à Priestley; il rappelait que ‘c’[était] aussi l’été dernier qu’un de mes amis en fit part à M. Lavoisier, ainsi que des conséquences que j’en tirois, que l’air déphlogistiqué est l’eau dépouillée de phlogistique’, que Lavoisier était incrédule jusqu’à ce qu’il expérimente par lui-même.77 On reconnaı̂tra dans l’ami en question, Charles Blagden, et il est clair que pour Cavendish, c’était Blagden qui avait fourni aux savants français des informations essentielles. Grâce à la publication de la traduction du mémoire de Cavendish, les Observations sur la physique fournissaient au public francophone les éléments du débat en 1785. Or depuis le mois de décembre 1784, Lavoisier et Meusnier préparaient ce qu’il est convenu d’appeler la grande expérience de l’eau. L’eau fut décomposée puis recomposée les 27 et 28 février en présence des commissaires, avec mise sous scellés des produits obtenus. Le dernier contrôle fut effectué le 12 mars.78 Le résultat ébranla un certain nombre de contemporains, et l’année 1785 vit la conversion à la théorie lavoisienne de plusieurs savants dont Berthollet.79 Puis Cavendish se convertit en 1787,80 Priestley ne se convertit jamais. D’autres lettres françaises reçues par Blagden, autres que celles écrites par Berthollet, portent trace des péripéties de cette affaire. Dès le 7 mars 1785, dernier jour des analyses, Laplace lui avait écrit, en lui promettant d’envoyer des informations dans un prochain courrier.81 L’année précédente, Laplace lui avait déjà exprimé son sentiment dans l’affaire de l’eau: permettez-moi de vous entretenir de la décomposition de l’eau qui me paroit extrêmement vraisemblable, et sur laquelle on a fait ici plusieurs expériences, en réfléchissant sur la nature de l’air inflammable qui se dégage des métaux par l’action des acides, je trouvais de grandes difficultés à l’attribuer soit aux acides soit aux métaux.82 Jean Darcet accepta peu à peu les propositions de la nouvelle chimie, probablement après avoir assisté à la grande expérience de 1785. Ce qu’il était loin d’accepter un an auparavant. En effet, le 19 juillet 1784, il écrivait à Blagden, que ‘la découverte de M. Cavendish est certainement une bien importante, puisqu’elle nous mène à la connaissance de l’analyse de l’eau, dont nous nous (sic) étions encore fort éloigné’.83 LA CORRESPONDANCE EN ACTION La correspondance était acheminée à son destinataire pour des voies diverses et parfois détournées; on évitait si possible la poste, trop onéreuse, et on profitait des courriers des grandes maisons, voir des services de l’État. Claude de La Blancherie recommandait à Blagden d’envoyer son courrier par le service de Calonne, contrôleur général des finances.84 Blagden envoyait son courrier de Paris à Banks via la Maison d’Orléans.85 Chaque voyageur prenait dans ses bagages les lettres et paquets de ses amis et de ses relations. Ainsi, Peter Woulfe se chargeait d’une lettre de Darcet pour Blagden à laquelle était joint un exemplaire de l’ouvrage de Victor-Aimé Gioanetti que Blagden désirait obtenir.86 En retour, Woulfe livrait paquets et courriers à la communauté française.87 Le voyageur emportait aussi les objets ou les livres commandés, payait les prix demandés, puis se faisait rembourser. 11 L’information pouvait circuler très vite. Les lettres échangées entre Blagden et Banks mettaient une semaine environ à traverser la Manche. Mais, il arrivait également que des lettres ou des paquets se perdissent, ou fussent délivrés avec beaucoup de retard, comme nous l’avons vu pour le petit mot de Catuélan,88 ce qui pouvait engendrer amertume et suspicion. C’est aussi la mésaventure arrivée à un petit ouvrage de Laplace. Le 24 février 1784, Laplace prévint Blagden qu’il envoyait un colis par l’intermédiaire du libraire Barrois l’aı̂né, de Paris, lequel devait le faire parvenir à Joseph White, libraire à Londres. Ce colis contenait un paquet destiné à Jean-André Deluc ainsi que onze exemplaires ‘de son petit astronomie physique’ dont Laplace précisait les destinataires.89 Il s’agissait d’un ouvrage pour lequel il avait reçu l’approbation de l’Académie le 31 janvier, Théorie du mouvement et de la figure elliptique des planètes.90 Le 8 juin, ses ouvrages n’étaient toujours pas arrivés à destination, manifestement perdus, ou oubliés dans une caisse du libraire londonien. Il en expédia à nouveau quelques exemplaires.91 Il n’y a pas de correspondance entre Blagden et Lavoisier pour cette période, excepté une recommandation pour Charles Gossard de Virly datée du 30 avril 1785, qui « a déjà parcouru presque toute l’Europe et a reçu des leçons de chimie de Bergmann, s’est élevé avec Morveau dans les airs.».92 Une part importante de la correspondance porte sur cet échange de recommandations, dont on peut penser que Blagden fit aussi usage. En 1784, Auguste Broussonet recommandait le comte de Castiglioni.93 Le 1er juin 1785, Étienne Anisson, fils du directeur général de l’Imprimerie royale, remerciait de l’accueil qui lui avait été réservé au cours de son voyage à Londres, et s’offrait en retour à le recevoir chez lui lors de son prochain séjour parisien.94 Comme nous l’avons vu, la lettre apportait aussi des nouvelles sur les recherches en cours ou demandait des informations.95 Blagden collectait les observations de phénomènes lumineux sur lesquels Le Roy le renseignait. Ce dernier exposait aussi un projet de traduction du mémoire sur la congélation du mercure.96 Les humeurs des uns et des autres, les vexations, ou les sympathies se signalent au gré de l’écriture.97 C’est toute une société qui revit à la lecture de cette correspondance. Selon P. Bret, la correspondance apparaı̂t comme un moyen de diffusion de la science à part entière - malgré la part inévitable de la subjectivité - et comme le moyen de diffusion le plus rapide, alors que les publications académiques attendaient le plus souvent plusieurs années, et pour les périodiques quelques semaines au mieux.98 Cependant, si la correspondance se veut d’abord le témoignage de cette République des lettres, par le ton policé qui y est toujours de mise, les visites n’étaient pas seulement d’amitié. On espionnait aussi ou était soupçonné d’espionnage. La réussite économique de la Grande-Bretagne intriguait. Le voyage de Barthélemy Faujas de Saint-Fond, proche de Georges-Louis Leclerc de Buffon, fut aussi l’occasion de réunir des informations d’ordre technique et économique.99 La réciproque était vraie. En 1788, Blagden qui regrettait de n’avoir pu obtenir une recommandation de Lavoisier pour visiter la manufacture sidérurgique du Creusot, s’était adressé à Guyton de Morveau; il avait été très bien reçu par son fondateur Wendel.100 En 1960, Sir Gavin de Beer publiait un ouvrage au titre évocateur, The Sciences were never at war.101 Il illustrait cette maxime par une étude de plusieurs échanges de correspondance avec des savants étrangers, de Hans Sloane à Humphry Davy. Il s’en dégage un sentiment général que si la guerre a ralenti les échanges, elle les a rarement totalement interrompus. Dès la paix revenue, les échanges reprenaient avec une grande intensité. C’est le cas de Blagden qui revint en France en 1802, dès la paix d’Amiens signée le 27 mars, pour y séjourner fréquemment ensuite. Il fut même invité le 4 mai par le Consul (probablement le 12 Premier consul, Napoléon Bonaparte), lequel lui fit grande impression.102 L’information scientifique passait, nécessaire à tous, aussi vitale que l’air que l’on respire. On était de la République des lettres, de ces citoyens du monde avant l’heure, qu’entre gens de culture, on pouvait partager les Lumières. La lettre était aussi à la fois un appel au voyage, et un récit de voyage.103 Elle annonçait un visiteur, elle décrivait les découvertes, elle rendait compte de la visite. En tant que citoyen de ce monde, Blagden était un acteur important. REMERCIEMENTS Cet article est une version revue et étendue de la communication donnée à la Maison française d’Oxford, lors du colloque organisé par l’European Society for the History of Science (ESHS), la Société française d’histoire des sciences et des techniques (SFHST), la Maison française d’Oxford (MFO), et la British Society for the History of Science (BSHS), ‘Échanges franco-britanniques entre savants depuis le XVIIe siècle/Franco-British interactions in science since the seventeenth century’, 24–25 mars 2006. Je voudrais remercier ici très vivement Patrice Bret pour ses conseils très précis sur une première version de cet article, ainsi que pour les riches discussions antérieures que nous avons eu sur la période étudiée. Je remercie également l’éditeur pour la traduction de mon texte français originel. Tout au long des visites faites à la Bibliothèque de la Royal Society, l’aide apportée par Keith Moore et son équipe m’a été très précieuse, et je leur en suis très reconnaissante. La version anglaise de ce texte est publiée in Notes and Records of the Royal Society. 62 (4), December 2008. NOTES 1 2 3 4 La correspondance de Charles Blagden conservée dans les archives de la Royal Society (noté par la suite RSA) est réunie par ordre alphabétique dans six volumes. Elle est notée CBC dans la suite de cet article. Pour l’analyse des travaux de Blagden, voir Frederick H. Getman, ‘Sir Charles Blagden’ in Osiris, 3, 69–87 (1937). Les informations biographiques des personnages cités sont extraites des dictionnaires nationaux, du Dictionary of scientific biography (Charles Gillispie, ed.), et de l’Index biographique de l’Académie des sciences, 1666–1978 (Institut de France, Gauthier-Villars, 1979). Dans cet article, nous nous référerons aussi à l’ouvrage de Warren R. Dawson, recensant la correspondance de Banks, The Banks letters. A calendar of the manuscript correspondence of Sir Joseph Banks (Trustees of the British Museum, London, 1958). Neil Chambers a récemment publié un certain nombre de ces lettres dans Scientific Correspondence of Sir Joseph Banks, 1765–1820, six vol. (Pickering & Chatto, London, 2007). CBC, vol. III, D.11: Félix Vicq d’Azir à Blagden, Hôtel d’Espagne, 28 juillet 1783. Dans sa dernière lettre à Banks, Blagden espère prendre le petit-déjeuner avec Banks le 7 août, Blagden à Banks, de Paris, 23 juillet [1783] (Dawson, 57). Blagden arrive probablement peu avant le 7 août, puisqu’il dı̂ne avec le Royal Society’s Dining Club le 7 août, mais non la semaine précédente, le 31 juillet. Les listes des personnes présentes aux dı̂ners du Royal Society’s Dining Club sont dans les archives de la Royal Society. Voir Thomas Edward Allibone, The Royal Society and its dining clubs (Pergamon Press, Oxford, etc., 1976). Blagden à Banks, de Calais, 30 sept. 1787, in Dawson, 71. Voir Jean-Pierre Martin et Anita McConnell, ‘Joining the observatories of Paris and Greenwich’ dans le présent numéro de Notes and Records of the Royal Society. 13 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 Blagden à Banks, de Paris, 13 juillet 1788, in Dawson, 72, et Chambers, vol. III, 415. Pour la relation Blagden-Berthollet, voir Michelle Sadoun-Goupil, Le Chimiste Claude-Louis Berthollet (1748–1822), sa vie, son œuvre (Vrin, Paris, 1977). Œuvres de Lavoisier. Correspondance (noté OLC par la suite), vol. V, 1787–1788, dirigé par Michelle Goupil (Académie des sciences, Paris, 1993), lettre de Louis-Bernard Guyton de Morveau à Antoine Lavoisier du 30 août 1788, p. 206. Ignace de Wendel était commissaire des Forges royales et avait fondé récemment la manufacture du Creusot. Blagden à Banks, de Paris, 7 août 1792, in Dawson, 78. Gavin R. De Beer, ‘The Diary of Sir Charles Blagden’, Notes and Records of the Royal Society, 8, 65–89 (1950–1951). Pour un compte rendu des funérailles de Blagden par un témoin oculaire, voir la lettre de Richard Chenevix à Charles Hatchett, 3 avril 1820 (RSA, MS 859/2/33). Je remercie beaucoup Keith Moore pour avoir attiré mon attention sur cette lettre. Le premier envol public d’un ballon à air chaud fabriqué par les frères Montgolfier eut lieu le 4 juin 1783 à Annonay (Ardèche). Le premier envol public d’un ballon à hydrogène eut lieu le 27 août 1783 au Champ de Mars à Paris. Une ‘mongolfière’ (ou ballon à air chaud) présentée à Paris le 12 septembre, fut détruite par la pluie. La suivante essayée le 19 septembre fut un succès. Blagden n’était donc pas présent lors des premiers essais parisiens. Voir OLC, fascicule IV, 1784–1786, introduit par M. Goupil, annexe II, p. 293 (Belin, Paris, 1986). Voir Charles C. Gillispie, The Montgolfier brothers and the invention of aviation, 1783–1784 (Princeton University Press, Princeton, NJ, 1983). Voir Eric Robinson and Douglas McKie (eds), Partners in science. Letters of James Watt and Joseph Black (Cambridge University Press, Cambridge, 1970). Voir Emmanuel Grison, Michelle Goupil & Patrice Bret, A scientific correspondance during the Chemical Revolution. Louis-Bernard Guyton de Morveau & Richard Kirwan, 1782–1802 (University of California, Berkeley, CA, 1994). Pour l’importance du rôle des correspondances scientifiques, voir Patrice Bret, ‘Formes et fonctions de la correspondance scientifique autour de la Révolution: Lavoisier, Guyton de Morveau et Berthollet, chimistes et épistoliers (1772–1822)’, Journée d’étude du CRHST, Paris, 9 février 1996, in Thérèse Charmasson (dir.), ‘Les archives scientifiques. Préservation, typologie et utilisations’, Gazette des Archives, 30, n8 179, 355–379, en particulier p. 378–379 (1997). Voir aussi René Taton, ‘Le rôle et l’importance des correspondances scientifiques aux XVIIe et XVIIIe siècles’, in Revue de synthèse, 97, 7–22 (1976), réédité in René Taton, Études d’histoire des sciences recueillies pour son 85e anniversaire par Danielle Fauque, Myriana Ilic & Robert Halleux, p. 57–68 (Brepols, Turnhout, Belgique, 2000). Voir Hans Bots, ‘Étude des réseaux de correspondance: l’influence du colloque de Chantilly de 1975’, Archives internationales d’histoire des sciences, 57, n8 159, 591–599 (déc. 2007), article qui complète le précédent. RSA, MS, Journal Book, vol. 31. In Philosophical Transactions (noté par la suite Phil. Trans. R. Soc.), on lit en tête de l’article ‘read January 16, 1783’: ‘An Account of a new eudiometer’, Phil. Trans. R. Soc.), 73, 106–135 (1783). En fait, ce mémoire a été enregistré à cette date (rec’d January 16, 1783). Comme le Journal Book de la Société le confirme, il fut lu les 20 et 27 février. Le manuscrit original du mémoire (RSA, Letters and papers, Decade VIII, n818) montre combien il est aisé de lire ‘read’ au lieu de ‘rec’d’. Pour la description et l’usage voir Christa Jungnickel and Russell McCormmach, Cavendish (The American Philosophical Society, Philadelphia, 1996). Ce protocole est établi dans le cadre d’une doctrine du phlogistique, principe inflammable contenu dans de nombreux corps. Il ne peut être libre. Quand une substance riche en phlogistique réagit avec une substance qui en est dépourvue, il passe d’un corps à un autre, c’est la phlogistication. Ici, le phlogistique passe de l’air nitreux à l’air commun qui se trouve donc phlogistiqué. Le test à l’air nitreux (monoxyde d’azote) ne peut donner que le degré de phlogistication de l’air commun, sans prétendre à définir sa nature, ou pour les antiphlogiticiens sa composition: ‘But it must be observed, that the nitrous test shews the degree of phlogistication 14 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 of air, and that only’ écrit Cavendish, op. cit., n. 13, p. 135. Aujourd’hui nous dirions que le monoxyde d’azote absorbe l’oxygène de l’air, et laisse l’azote, qui porte le nom d’air phlogistiqué. Joseph Priestley, ‘Experiments relating to phlogiston, and the seeming conversion of water into air’, communiqué par Sir Joseph Banks, et lu le 26 juin 1783, Phil. Trans. R. Soc. 73, 398–434 (1783), particulièrement p. 399. Ibid., 414. Ibid., 416. David Philip Miller, James Watt, Henry Cavendish and the nineteenth-century ‘Water Controversy’ (Ashgate, Aldershot, 2004). James Watt, ‘Thoughts on the constituent parts of water and of dephlogisticated air; with an account of some experiments on that subject’, lettre à Jean-André Deluc, 26 novembre 178[3], lue le 29 avril 1784, Phil. Trans. R. Soc. 74, 329–353 (1784). Un membre correspondant de l’Académie royale des sciences est un membre élu, officiellement rattaché à un académicien. Diplomate et botaniste, Edmond-Charles Genet alias Genest, est correspondant du duc de La Rochefoucauld d’Enville depuis le 21 août 1782. Voir Registres manuscrits des procès-verbaux des séances de l’Académie royale des sciences (noté RMARS par la suite) pour 1783, 115 verso. Ces registres sont consultables sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France, sous le titre ‘Procès-verbaux/Académie royale des sciences’ (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb375720275/date). RMARS (1783), 117 recto. L’air déphlogistiqué est de l’oxygène, et l’air inflammable est de l’hydrogène. Archives de l’Académie des sciences de Paris (noté ArAS par la suite), Pochette de séance, 14 mai 1783. Voir pour les expériences de Monge sur la composition de l’eau in René Taton, ‘L’œuvre de Monge en chimie, sa collaboration et ses relations avec Lavoisier’ in Michelle Goupil (éd.), Lavoisier et la Révolution chimique, actes du colloque tenu à l’occasion du bicentenaire de la publication du Traité élémentaire de chimie, p. 55–90 (Sabix – École polytechnique, Palaiseau, 1992). RMARS (1783), 138. Voir aussi William A. Smeaton, ‘Is water converted into air? Guyton de Morveau acts as arbiter between Priestley and Kirwan’, Ambix, 15, n8 2, 73–83 ( juin 1968). Guyton de Morveau était très circonspect sur cette proposition de Priestley, voir en particulier p. 77. Voir aussi in Grison & al., op. cit., n. 11, lettre de Guyton à Kirwan du 10 avril 1783, et lettres de Kirwan à Guyton des 14 et 22 mai 1783, p. 59–73. Voir n. 16. RSA, MS, Letters & Papers, Decade VIII, n829. RSA, MS, Journal Book, vol. 31, 1782–1785. Thomas Hutchins, ‘Experiments for ascertaining the point of mercurial congelation’, Phil. Trans. R. Soc. 73, 303–370 (1783), voir p. 307, pl. p. 370. Ibid., 305–306. Ibid., 303–304. Plusieurs des thermomètres avaient été fabriqués par Nairne et Blunt, ou par Troughton. La température de fusion du mercure est de -38,9C aujourd’hui. Remarquons que 40F sous zéro (‘cypher’) correspond exactement à -40C. Charles Blagden, ‘History of the congelation of quicksilver’, Phil. Trans. R. Soc. 73, 329–397 (1783). RSA, MS, Journal Book, vol. 31, 1782–1785, 211. RSA, MS, Blagden’s Diary, 3e carnet, par exemple, le jeudi 30 janvier 1783, p.57. L’examen du Diary montre que les deux savants dı̂nent souvent ensemble au Crown and Arms, comme ce 30 janvier, alors même que la veille, Blagden était reçu chez Banks, probablement pour un dı̂ner plus formel. Pour une réception chez Banks voir Barthélemy Faujas de Saint-Fond, Voyage en Angleterre, en Écosse et aux ı̂les Hébrides, 2 vol., p. 6–7 (H.-J. Jansen, Paris, 1797). Traduit et publié par A. Geikie sous le titre A Journey through England and Scotland to the Hebrides in 1784, 2 vol. (Glasgow, 1907). Voir aussi T. E. Allibone, op. cit. n. 3. 15 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 CBC, vol. II, B.298: Thomas Blagden à Charles Blagden, 25 mai 1783. Le nouvel Hôtel des monnaies a été achevé en 1775. Dans ses laboratoires, le commissaire du roi pour les essais et affinages, Mathieu Tillet, travaillait les métaux précieux. Voir M. Tillet, ‘Sur les méthodes qu’employent les essayeurs pour fixer le titre des matières d’or’, in Histoire de l’Académie royale des sciences pour 1776, avec les mémoires (noté HARS par la suite), Mémoires, p. 377–430 (Imprimerie royale, Paris, 1779). Voir Howard C. Rice, Jr, Thomas Jefferson’s Paris, 31–32, plan p.60 (Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1976). Blagden à Banks, 11 juin 1783, in Dawson, 56, et Chambers, vol. 2, 86–88. Les citations qui suivent en sont extraites. Blagden à Banks, 18 juin 1783, in Dawson, 56, et Chambers, vol. 2, 88–90. Les automates sont sans doute ceux de la collection de Jacques Vaucanson, décédé en 1782, en léguant ses machines au Roi. Voir A. Doyon et L. Liaigre, Jacques Vaucanson, mécanicien de génie (PUF, Paris, 1966). Chambers, op. cit., n. 40, vol. 2, 90. CBC, vol. II, B.166: Blagden à Banks, 27 juin 1783. Blagden à Banks, 1er juillet 1783 in Dawson, 56, et Chambers, vol. 2, 98. Henry Lyons, The Royal Society, 1660–1940. A history of its administration under its charters, p. 213–215 (CUP, Cambridge, 1944). Jacques Gury, ‘Un Anglomane breton au XVIIIe siècle: le comte de Catuélan’, in Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest (Anjou, Maine, Touraine), 79, n8 3, 589–624 (1972); id., ‘Les Bretons et la shakespearomanie: le comte de Catuélan’, in An. Bretagne, 83, n8 4, 703–713 (1976). Catuélan bénéficiait d’une pension royale. Allié à la puissante famille des GuéménéeRohan, il était un personnage qui comptait au début des années 1780. Shakespeare traduit de l’anglais, 20 vol., trad. par le comte de Catuélan, Le Tourneur, FontaineMalherbe (Vve Duchesne, et al., Paris, 1776–1782). Madeleine Horn-Monval considère que Le Tourneur est le premier traducteur, voir M. Horn-Monval, Les Traductions françaises de Shakespeare (CNRS, Paris, 1963). Shakespeare traduit de l’anglais, révisé en 1821–1822, a été utilisé au moins jusqu’à la fin du XXe siècle. Voir aussi CBC, vol. IV, L.31: Jean-Baptiste Le Roy à Blagden, 10 février 1784. CBC, vol. III, C.8: Catuélan à Blagden, 2 novembre 1783. Une allusion à ces difficultés se trouve dans CBC, vol. II, B.331: Pierre-Marie-Auguste Broussonet à Blagden, 12 octobre 1784. Voir aussi Lyons, op. cit., n. 44; Chambers, op. cit., vol. 1, General introduction, pp. XXIII–XXVI. CBC, vol.III, C.9: Catuélan à Blagden, 17 février 1784. CBC, vol. III, C.10: Catuélan à Blagden, 24 mai 1784. CBC, vol. IV, L.32: Le Roy à Blagden, 20 août 1784. CBC, vol. III, C.11: Catuélan à Blagden, 2 juillet 1784. CBC, vol. III, C.13: Catuélan à Blagden, 2 septembre [1784]. La notification de l’élection de Blagden est dans RMARS (1784), 1er septembre, p. 228 verso. CBC, vol. III, C.12: Catuélan à Blagden, 22 septembre 1784. CBC, vol. I, B.125: Claude-Louis Berthollet à Blagden, 6 septembre 1784. Voir M. Sadoun-Goupil (1977), op. cit., n.5. Id., ‘Inventaire et analyse de la correspondance inédite de Berthollet’, tapuscrit, in dossier Berthollet (ArAS). CBC, vol. III, D.15: Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat de Condorcet à Blagden, 12 août 1785. Charles-Louis L’Héritier de Brutelle à Banks, 31 déc. 1787, et 4 fév. 1788, in Dawson, 537. Voir aussi CBC, vol. II, B.331: Broussonet à Blagden, 12 oct. 1784; id., B.332: Broussonet à Blagden, 20 oct. 1784. OLC (1993), op. cit., n.6, p.153–154. Catherine Gaziello, L’expédition de Lapérouse, 1785–1788. Réplique française aux voyages de Cook, p. 61 (CTHS, Paris, 1984). 16 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 Voir J.-P. Martin et A. McConnell, cit. n. 4. Blagden à Banks, de Paris, 13 juillet 1788, in Chambers, vol. III, 415. ArAS, dossier Lavoisier, registre de laboratoire n8 VIII. RMARS (1782), 5 juin, 102. Lavoisier les utilisait depuis 1782 pour obtenir des températures élevées afin de faire fondre des substances réfractaires. Voir Jean-Baptiste Meusnier, ‘Description d’un appareil propre à manœuvrer différentes espèces d’air’, HARS pour 1782, mém., p. 466–475, pl. 475 (Paris, 1784). RMARS (1783), 25 juin, 144. Blagden à Banks, 25 juin 1783, in Dawson, 56, et Chambers, vol. II, 95–96. Pour Lavoisier, le principe oxygène réagissant avec une substance conduisait obligatoirement à la formation d’un acide. Rappelons que l’étymologie du mot oxygène signifie ‘qui engendre l’acide’. Voir n. 67. Voir Miller, op. cit., n. 19. Pour une courte synthèse de cette affaire, voir D. Fauque, ‘La Grande expérience de Lavoisier’, in Pour La Science, 336, 26–31 (octobre 2005). Voir OLC (1986), op. cit n.9, annexe IV: ‘Les grandes expériences d’analyse et de synthèse de l’eau, 27 février – 1er mars 1785’, 305–309. Voir aussi C.-L. Berthollet, ‘Cinquième leçon. 12 ventôse/2 mars’, in Étienne Guyon (dir.), L’École normale de l’an III. Leçons de physique, de chimie et d’histoire naturelle. Haüy, Berthollet, Daubenton, p. 289–296 (ENS Ulm, Paris, 2006), particulièrement p. 294; introduction des leçons de chimie par Bernadette Bensaude-Vincent, Patrice Bret et Pere Grapi, p. 239–252. Destinée à former de façon accélérée par les meilleurs savants de l’époque, des maı̂tres pour les futurs collèges de la république, l’École de l’an III s’est tenue à Paris de janvier à mai 1795. Berthollet considérait que l’information donnée par Blagden, concernant les travaux de Cavendish, avait été déterminante pour Lavoisier. Voir n.9. Voir aussi Charles C. Gillispie, Science and polity in France. The end of the Old Regime, p. 457 (Princeton University Press, Princeton, 1980). Voir aussi Marie Thébault-Sorger, «L’air du temps». L’aérostation: savoirs et pratiques à la fin du XVIII e siècle (1783–1785), thèse, EHESS (Paris, 2004). OLC (1986), op.cit., n.9, annexe II, ‘Lavoisier et les deux commissions académiques successives pour l’étude des aérostats’, 293–304. J.-B. Meusnier et A. Lavoisier, ‘Mémoire où l’on prouve par la décomposition de l’eau, que ce fluide n’est point une substance simple, etc.’, lu par Meusnier le 21 avril 1784, HARS pour 1781, mém. p. 259–283 (Paris, 1784). CBC, vol. II, B.124: Berthollet à Blagden, 10 avril 1784. CBC, vol. II, B.125: Berthollet à Blagden, 6 sept. 1784. Un exemple en est donné par l’article de l’abbé de La Métherie, ‘Lettre aux auteurs du Journal de Physique sur les substances métalliques, et particulièrement sur leur air inflammable, du 15 mai 1784’, in Observations sur la physique, l’histoire naturelle et les arts (noté OP par la suite), vol. 24, p. 473–481 (1784). H. Cavendish, ‘Experiments on air’, Phil. Trans. R. Soc. 74, 119–153 (1784). La traduction de Bertrand Pelletier parut sous le titre ‘Expériences sur l’air’, OP, vol. 25, 417–429 (1784); id., vol. 26, 38–51 (1785); id., vol. 27, 107–116 (1785), mais Cavendish en fut si mécontent qu’il fit publier une nouvelle traduction à Londres en 1785. La citation est tirée de Cavendish, ‘Expériences sur l’air’, op. cit., OP. vol. 26 (1785), p. 39. La phrase originale de Cavendish est: ‘During the last summer [1783] also, a friend of mine gave some account of them to M. Lavoisier, as well as of the conclusion drawn from them, that dephlogisticated air is only water deprived of phlogiston’, op. cit., Phil. Trans. R. Soc. 74, p. 134 (1784). Rappelons que dans ce contexte, l’air inflammable (hydrogène) est de l’eau saturée de phlogistique. En réagissant, les deux gaz libèrent l’eau, et le phlogistique se manifeste par le grand dégagement de chaleur. ArAS, dossier Lavoisier, dernière date et signature du registre de laboratoire n8 X. 17 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 Berthollet avait publiquement annoncé sa conversion à la séance publique de Pâques, le 6 avril 1785. Voir James Riddick Partington, ‘Berthollet and the antiphlogistic theory’, Chymia, 5, 130–138 (1959). Berthollet défend sa nouvelle position dans une lettre à Blagden du 17 juin 1785 (CBC, vol. I, B.126), étudiée par M. Sadoun-Goupil, ‘La correspondance Berthollet-Blagden’, in XIIe Congrès international d’histoire des sciences, Paris, 1968. Actes, t. VI, Histoire de la chimie depuis le XVIIIe siècle, 91–97 (Lib. A. Blanchard, Paris, 1971). M. Sadoun-Goupil écrit par inadvertance que la séance publique de Pâques a eu lieu le 6 juin au lieu du 6 avril 1785. Voir Grison et al., op. cit., n. 11, 167. Lettre de Richard Kirwan à Guyton du 2 avril 1787: ‘PS. Mr Cavendish a renoncé au phlogistique’. CBC, vol. IV, L.18: Pierre-Simon Laplace à Blagden, 7 mars 1785. Ibid., L.17: Laplace à Blagden, 8 juin 1784. CBC, vol. III, D.6: Jean Darcet (ou D’Arcet) à Blagden, 19 juillet 1784. CBC, vol. IV, L.2: Mammès Claude Pahin-Champlain de La Blancherie, à Blagden, 18 juillet 1785. CBC, vol. II, B.166: Blagden à Banks, 27 Juin 1783. Rappelons que Berthollet était médecin attaché à la Maison d’Orléans, et que cette voie d’acheminement fut par la suite très souvent utilisée par Blagden. La Maison d’Orléans entretenait des relations étroites avec plusieurs personnalités britanniques. CBC, vol. III, D.5: Darcet à Blagden, 9 octobre 1783. Darcet joint à sa lettre, à titre de cadeau, un exemplaire de l’ouvrage de Victor-Aimé Gioanetti, l’Analyse des eaux minérales de S. Vincent et de Courmayeur dans le duché d’Aoste ( J.-M. Briolo, Turin, 1779), ouvrage qui rend compte de l’analyse des eaux naturelles en appliquant les dernières découvertes de la nouvelle chimie. Signalons aussi que Kirwan avait demandé cet ouvrage à Blagden par l’intermédiaire de Banks, afin qu’il le lui rapporte de Paris, voir Lettre de Banks à Blagden, alors à Paris, 27 juin 1783 in Chambers, vol. 2, 97. CBC, vol. VI, W.28: Peter Woulfe à Blagden, 15 juillet 1784. Voir note 54. CBC, vol IV, L.16: Laplace à Blagden, 24 février 1784. RMARS (1784), 31 janv., 22–25. P. S. Laplace, Théorie du mouvement et de la figure elliptique des planètes (Paris, 1784), 153 pages. Voir Charles C. Gillispie, with the collaboration of Robert Fox and Ivor Grattan-Guinness, Pierre-Simon Laplace 1749–1827. A life in exact science (Princeton University Press, Princeton, 1997), ch. 15, 109, et bibliographie, réf. 1784a, 298. Ce texte n’est pas publié dans les œuvres complètes. Laplace offrait un exemplaire de son ‘astronomie physique’ à Blagden, et lui demandait d’en faire parvenir un exemplaire à Banks, Cavendish, William Herschel, Nevil Maskelyne, Waring, Kirwan, Dr. Price, et les trois derniers à qui il voulait. CBC, vol. IV, L.17: Laplace à Blagden, 8 juin 1784. CBC, vol. III, D.4: Lavoisier à Blagden, 30 avril 1785. Il s’agit d’une lettre référencée de façon erronée dans le fichier de la Royal Society sous le nom hypothétique ‘Dannuit?’ et la date de 30 avril 1789. La signature de Lavoisier est en effet difficile à lire pour qui ne la connaı̂t pas. Cette lettre est identifiée formellement par Patrice Bret comme étant la lettre de Lavoisier dont la minute estdans les archives de l’Académie des sciences de Paris et publiée dans OLC (1986), op. cit., n.9, p.115. Charles Gossart de Virly était président de la cour des comptes de Dijon, et membre de l’Académie de Dijon. CBC, vol. II, B.331: Broussonet à Blagden, 12 octobre 1784. Le ton des lettres de Broussonet semble révéler une relation très proche, tant le ton utilisé par Broussonet est libre. CBC, vol. I, A.28: Étienne-Alexandre-Jacques Anisson-Duperron à Blagden, 1er juin 1785. Berthollet s’explique sur le mesmérisme in CBC, vol.I, B.125, 6 sept. 1784. Jean-Baptiste Bochard de Saron parle des aérostats in CBC, vol. III, D.55, 2 sept. 1783, ainsi que A. Guyot, in CBC, vol. IV, G.51, 2 sept. [1783]. CBC, vol. IV, L.31: Le Roy à Blagden, 10 fév. 1784, id., L.32, 20 août 1784. 18 97 98 99 100 101 102 103 La Blancherie se plaint de Faujas de Saint-Fond à Blagden, in CBC, vol. IV, L.1, 13 juillet 1785 et L.2, 18 juillet 1785. P. Bret, op. cit., n. 12, p. 379. Voir Faujas de Saint-Fond, op. cit. n. 35. Voir John R. Harris, Industrial espionage and technology transfer. Britain and France in the eighteenth century (Ashgate, Aldershot, 1998), particulièrement p. 530–531. OLC (1993), op. cit., n. 6: lettre de Guyton de Morveau à Lavoisier, 30 août 1788, p. 206. Sir Gavin De Beer, The Sciences were never at war, 105–107 (Nelson, Londres, 1960). CBC, vol. VI, ANON 11, à Blagden, rue d’Enfer, Paris, 14 floréal an 10 (4 mai 1802). Blagden rendit compte de sa rencontre avec Bonaparte le 25 mai, voir De Beer, op. cit. n. 101, p. 107. Voir aussi Maurice Crosland, The Society of Arcueil. A view of French science at the time of Napoleon I, 50 (Heinemann, Londres, 1967). Daniel Roche, Les Républicains des lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle (Fayard, Paris, 1988).