UN ANGLAIS A` PARIS: LE VOYAGE DE CHARLES BLAGDEN EN

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UN ANGLAIS A` PARIS: LE VOYAGE DE CHARLES BLAGDEN EN
UN ANGLAIS À PARIS: LE VOYAGE DE CHARLES BLAGDEN EN 1783
by
DANIELLE M. E. FAUQUE*
Groupe d’Histoire et de Diffusion des Sciences d’Orsay (GHDSO),
Université Paris-XI, 91405 Orsay, France
RÉSUMÉ
Dès la signature en janvier 1783 des préliminaires de paix suivant la fin de la guerre
d’indépendance américaine, les échanges entre les savants britanniques et français reprirent
leur cours normal. Au cours de son séjour parisien en 1783, le francophile Charles Blagden
(avec le soutien de Joseph Banks) noua des liens qui favorisèrent des échanges épistolaires
entre les savants des deux pays via la Royal Society et l’Académie royale des sciences. Entre
autres, la relation qu’il entretint avec le chimiste Claude-Louis Berthollet se transforma au
cours des voyages successifs qu’il devait faire en France en véritable amitié. L’étude de la
correspondance de Blagden, reçue ou envoyée, maintenant conservée à la Royal Society,
éclaire le climat d’émulation et quelques-uns des débats scientifiques de la fin du XVIIIe
siècle, en particulier sur la question de la nature de l’eau entre les années 1783 et 1786, qui
constitue le sujet principal de cet article.
Mots-clés: Royal Society; Académie royale des sciences; nature de l’eau;
Charles Blagden; Antoine Lavoisier; correspondance scientifique
L’année 1783 est une année remarquable à plusieurs titres. La bataille de Yorktown, le 19
octobre 1781, avait mis fin à la guerre d’Amérique, et il convenait maintenant de laisser la
place aux diplomates. Le 20 janvier 1783, les préliminaires de la paix étaient signés à
Versailles. À Paris, le peuple fit la fête, on acclama Benjamin Franklin et le marquis de La
Fayette. Les échanges avec l’Angleterre pouvaient reprendre: échanges commerciaux, mais
aussi échanges épistolaires plus libres, et plus fréquents. Dans le même temps, les tractations
pour la préparation du traité de paix qui devait être signé à Paris favorisaient la présence
d’une importante communauté britannique dans la capitale. Les visiteurs anglais se firent
donc plus nombreux, attirés, tout en étant critiques, par le mode de vie de la société
aristocratique, de la grande bourgeoisie, par les beaux esprits, et cet esprit des Lumières qui
constituaient à leurs yeux une représentation assez fidèle de la République des Lettres. Dans
le même temps, une partie de cette société française cultivée était fascinée par le mode de
gouvernance britannique, et sa monarchie constitutionnelle, par la liberté d’entreprendre que
l’on semblait pouvoir exercer outre-Manche, par une certaine simplicité de vie qui accordait à
*[email protected]
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la nature beaucoup d’attention. Une véritable anglophilie, voire une anglomanie était née, et
les visiteurs français entreprenaient un tour d’Angleterre pour découvrir l’opulence des
régions industrielles de Londres, Manchester et plus particulièrement Birmingham.
LE
MONDE DE
CHARLES BLAGDEN: LONDRES
ET
PARIS
Charles Blagden (1748–1820), âgé de trente-cinq ans en 1783, est un personnage-clé dans ces
échanges.1 Ancien médecin des armées, il avait servi sur le navire-hôpital, le Pigot, pendant
la guerre d’Amérique. Ami de Sir James Banks,2 il s’était déjà fait connaı̂tre par quelques
études scientifiques, et avait été élu fellow de la Royal Society en 1772. En fonction à
Plymouth à partir de 1780, il avait langui après la vie scientifique londonienne. Henry
Cavendish le prit comme secrétaire et assistant; il s’installa définitivement à Londres à
l’automne de 1782. Dès lors, il se montrait particulièrement actif au sein de la Société.
Blagden arriva à Paris au début du mois de juin 1783, et revint à Londres dans les premiers
jours d’août.3 Il assista à l’expérience d’Antoine Lavoisier et Pierre Simon Laplace sur la synthèse
de l’eau, et fut reçu aux meilleures tables. Au cours de son séjour, Blagden fit connaissance avec
des savants outre ceux déjà cités, comme le marquis de Condorcet, Jean-Baptiste Bochard de
Saron, ainsi que César-François Cassini de Thury et son fils Jean-Dominique, comte de Cassini.
Il fréquenta certainement les cercles cultivés où il pouvait rencontrer Benjamin Franklin et David
Hartley. Quand Blagden repartit pour Londres, il quittait des amis et des relations, ce qui lui
permit de tisser un réseau qu’il prit soin d’entretenir toute sa vie.
Blagden devait revenir fréquemment en France, et plus particulièrement à Paris. En 1787,
comme ami et comme commissaire de la Royal Society, Blagden vint à Calais, avec les
astronomes français, et sa francophilie et son excellente maı̂trise du français contribua aux
bonnes relations entre les deux équipes, française et britannique, pendant l’entreprise dont
l’objectif était de déterminer la différence de longitude entre les deux observatoires, celui de
Paris et celui de Greenwich.4 En 1788, il revint à Paris, chez son ami, le chimiste ClaudeLouis Berthollet, qu’il avait rencontré en 1783,5 et visita la manufacture fondée par Ignace de
Wendel au Creusot.6 Il séjourna à Paris en 1792,7 puis à nouveau au moment de la paix
d’Amiens en 1802, puis sous la Restauration après 1815. Il mourut d’ailleurs à Arcueil le 26
mars 1820, chez Berthollet. Il est enterré au cimetière du Père Lachaise, à Paris.8
À partir de quelques exemples pris dans la correspondance venant de France, de Blagden
à Banks en 1783, et dans celle des savants français à Blagden sur la période 1783–1788,
nous pouvons brosser un tableau des relations qu’entretenaient des savants dans la période
prérévolutionnaire. Les sujets les plus souvent discutés concernent la nature de l’eau, les
expériences sur la chaleur, les expériences aérostatiques,9 les échanges de livres et de
mémoires, les recommandations pour tel ou tel visiteur, et les demandes réciproques
d’admission à l’Académie royale des sciences ou à la Royal Society. Les thèmes abordés
ici, qui traversent alors toute la société, sont aussi présents dans d’autres correspondances
contemporaines de celle ici étudiée. On y retrouve les mêmes curiosités et les mêmes
préoccupations, comme dans la correspondance de Banks, de James Watt à Joseph Black10
ou de Richard Kirwan et Louis-Bernard Guyton de Morveau,11 ou encore dans la
correspondance de Lavoisier, pour ne citer que celles-ci, dans le contexte de cet article.12
Les lettres de Blagden doivent donc être lues comme faisant partie de ce large échange de
part et d’autre de la Manche.
3
PRINTEMPS 1783
Les premiers mois de 1783 sont des plus intéressants à la Royal Society. Les discussions
portaient entre autres sur les dernières expériences de Cavendish et celles de Joseph Priestley.
Cavendish avait commencé la lecture d’un mémoire sur un nouvel eudiomètre le 20 février
1783, et l’avait terminée le 27 février.13 Dans ce mémoire, il présentait un instrument plus
propre à mesurer la ‘phlogistication’ de l’air.14 Cette méthode de détermination de la ‘pureté’
de l’air avait été inventée par Priestley, puis reprise, et développée par plusieurs
autres savants dont Antoine Lavoisier. Cavendish comparait les qualités de son instrument
à celles des autres eudiomètres, et détaillait le protocole expérimental à mettre en oeuvre
pour l’utiliser.15
En ce printemps, on débattait aussi de la transformation de l’eau en air comme de la
transformation de l’air en eau, autour des propositions de Priestley. De Birmingham, dans une
lettre à Banks du 21 avril 1783, Priestley rapportait les expériences sur les métaux qui lui
permettraient de réfuter les propositions de Lavoisier. Priestley restait convaincu que le métal
était composé d’une chaux et de phlogistique, au contraire de Lavoisier pour qui les métaux
étaient des substances simples.16 Dans sa lettre à Banks du 21 avril 1783, Priestley faisait
aussi part de ses dernières observations sur la conversion de l’eau en air17 et signalait avoir
mentionné ses idées à Watt.18 Ce dernier avait d’ailleurs écrit à Priestley le 26 avril à ce sujet.
Une polémique entre Priestley et Watt, bien connue, s’ensuivit sur les priorités respectives,19
et qui conduisit la Royal Society à la publication de la lettre de Watt en 1784.20
Ainsi en cette fin d’avril 1783, le sujet était largement débattu à Londres. Pour beaucoup
de chimistes, les quatre éléments des Anciens (terre, eau, air et feu) restaient la base de la
chimie des principes, donc l’eau et l’air étaient, pour prendre une expression moderne, des
substances simples. Cependant, la question de la transformation d’un principe en un autre
constituait toujours un sujet de recherche. Lavoisier avait montré dès 1768 que l’eau ne se
changeait pas en terre. Que Priestley affirmât que l’eau se changeait en air méritait donc une
attention particulière. Des nouvelles en avaient été d’ailleurs envoyées à l’Académie royale
des sciences à Paris, où, le mercredi 7 mai, le duc de La Rochefoucauld avait lu une lettre de
son correspondant officiel à Londres, Edmond-Charles Genest, et qui contenait les détails des
expériences faites par Priestley en présence de Genest lui-même.21
Le mercredi 14, une nouvelle lettre venant de Londres, comportant deux feuilles, datée du
6 mai, non signée mais attribuée à Genest, avait été lue en séance: ‘M. Priestley a éclairci ses
premières expériences par lesquelles il croyoit avoir transformé l’eau en air’.22 Dans une
première expérience, Priestley soumettait, dans une cornue, un mélange d’argile pilée et de
quartz imbibé d’eau, à un feu modéré; il en retirait de l’air déphlogistiqué23 extrêmement pur.
Dans une seconde expérience, il utilisait un eudiomètre dans lequel il avait introduit un
mélange d’un tiers d’air déphlogistiqué et deux tiers d’air inflammable. Soumis à l’étincelle
électrique, ‘l’air se décompose et en essuiant exactement le tube avec un morceau de papier,
celui-ci contracte en humidité une pesanteur égale à celle du volume d’air enfermé dans le
tube’.24 Si Laplace était présent à cette séance du 14 mai, Lavoisier et Gaspard Monge étaient
absents. Mais ces deux derniers furent présents le 21 mai. Monge ne tarda pas à repartir
pour l’école de Mézières où il refit les expériences de Priestley.25 Lavoisier étudia très
attentivement les propositions de Priestley, et il estima être en mesure de les commenter le 31
mai. Pour lui, l’air obtenu par Priestley, ne provenait pas de la transformation de l’eau en air
mais de l’air extérieur qui était passé à travers les pores du récipient.26 Dans l’intervalle, à la
Royal Society, Priestley, qui avait refait ses expériences et modifié certaines de ses
4
observations, lut son mémoire le 26 juin 1783, lequel fut publié immédiatement dans les
Philosophical Transactions.27 Blagden devait sans aucun doute être particulièrement bien au
courant de cette question.
Un autre sujet d’intérêt à la Royal Society durant ce printemps 1783 concerne les
expériences de Thomas Hutchins pour déterminer les degrés du froid,28 et dont le mémoire fut
lu à la Royal Society les 1er, 8 et 15 mai.29 Cet imposant mémoire30 de presque soixante-dix
pages présentait les expériences menées par le gouverneur de Fort Albany, dans la baie
d’Hudson, durant l’hiver 1781–1782, à la demande de la Royal Society. Utilisant les
thermomètres fournis par la Royal Society, les cinq premières expériences, pour mettre en
évidence le point de congélation du mercure, furent faites selon le protocole élaboré par la
Société à la suite des expériences de Hutchins parvenues à cette compagnie en 1779.31 Le
point de congélation du mercure observé fut 408 sous zéro, selon une échelle non clairement
précisée, mais probablement Fahrenheit.32
À la séance suivante, le 22 mai 1783, Blagden commençait la lecture de l’un de ses
mémoires les plus importants. Il s’agissait de son histoire sur la congélation du mercure.33 Il
débutait par un historique des expériences de Hutchins, dont il saluait les qualités. Cette
valeur du point de congélation du mercure corrigeait toutes les opinions courantes à cette
époque, qui le situaient beaucoup plus bas. La méthode recommandée par la Royal Society
s’était révélée excellente, et l’expérimentateur à la hauteur des espoirs mis en lui. Blagden
rappelait ensuite l’essentiel des expériences antérieures, leurs protocoles et leurs résultats. Ce
texte également de soixante-dix pages devait donc être très avancé lorsque le mémoire de
Hutchins fut lu en séance à la Royal Society. L’étude de Blagden était la plus complète sur les
tentatives, y compris celle de Hutchins, faites jusqu’ici pour déterminer si le mercure gelait, et
à quelle température. Ce mémoire dont la lecture fut terminée le 5 juin reçut un excellent
accueil. Blagden en emporta avec lui plusieurs exemplaires imprimés pour distribuer aux
savants français. La Royal Society suspendit ses séances ensuite jusqu’au 19 juin.34 Blagden
n’assista pas à cette dernière séance, pas plus qu’au dı̂ner du Royal Society’s Dining Club. On
peut imaginer cependant qu’au cours de cette dernière semaine, il retrouva Banks dans une
taverne de Londres, pour un dernier repas. Et tout en fumant une pipe, chacun dut réitérer ou
quelques conseils, ou les promesses engagées.35
Il reçut des vœux et des recommandations de ses proches, ainsi le 25 mai, son frère
Thomas, de Bristol, lui écrivit: ‘I most sincerely wish you every happiness & pleasure during
you stay in France’.36 Son frère lui rapportait aussi ses dernières expériences sur l’application
de l’électricité à ses patients, nouvelle thérapie très à la mode. Il fit ses adieux à ses proches
puis partit.
ACCUEIL PARISIEN
À Paris, Blagden logeait à l’Hôtel d’Espagne, rue Guénégaud, sur la rive gauche de la Seine.
Cette rue longe le nouvel Hôtel des Monnaies, où Condorcet, secrétaire perpétuel de
l’Académie royale des sciences, résidait.37 Cet hôtel était aussi proche du Collège des Quatre
Nations, lequel abrite l’Institut de France depuis 1805. Il était au cœur du Faubourg de SaintGermain et du Quartier latin, où les libraires, les fabricants d’instruments scientifiques, et les
imprimeurs tenaient boutique. Il était aussi à deux pas du Procope, célèbre café que les
partisans de la Grande Encyclopédie, les savants, les nouvellistes et les philosophes, et
beaucoup d’académiciens aimaient fréquenter, et dont l’arrière donnait sur la Cour du
commerce. On peut toujours parcourir une partie de cette petite rue aux pavés inégaux,
5
bordée de boutiques situées au rez-de-chaussée des bâtiments d’époque, qui permettent de
ressentir l’atmosphère que les voyageurs, les philosophes, les savants, et les curieux devaient
ressentir. Les fenêtres de guingois, le peu de lumière, la lueur des chandelles, la chaleur
des salles au plafond bas, tout concourait à faire bouillonner les idées dans ce Paris
prérévolutionnaire. Mais le plus important pour Blagden était que cet Hôtel d’Espagne était à
proximité de l’Académie royale des sciences. Celle-ci se tenait dans un bâtiment bordant la
Cour carrée du Louvre, que l’on apercevait de l’autre côté de la Seine. L’Hôtel d’Espagne
était donc remarquablement bien situé pour le fellow de la Royal Society; il suffisait de
traverser le Pont-Neuf pour être au centre de la vie scientifique française.38
Blagden arriva avant le 11 juin. C’est à cette date qu’il envoya sa première lettre à
Banks.39 Il y contait ses premiers contacts et ses premières impressions de la société
parisienne. En ce début de séjour, il rencontra en premier lieu Lalande et Lavoisier. Bien que
Lalande l’eût bien reçu et l’encouragea, l’entrevue ne semble pas avoir eu de suite. Ainsi,
écrivit-il à Banks: ‘[Lalande] received me well, with the appearence of wishing to promote
my views, but I have not since heard any thing of him’. Au contraire, si les contacts avec
Lavoisier furent sans chaleur, Blagden fut invité à sa table et à assister à ses nouvelles
expériences sur la respiration animale et sur la chaleur: ‘[Lavoisier] also received me well,
but without any warmth; however I was asked to dine with him next day, & he then shewed
me some of his new experiments’. Blagden indiquait également que Laplace travaillait avec
Lavoisier et effectuait les calculs. Blagden ajoutait que ‘[Laplace] is evidently a very able
man, but one of the most self-sufficient I have ever seen. M. Lavoisier has certainly a good
opinion of himself also, but not carried to such a degree of extravagance’. Dans la
conversation, Blagden avait également parlé aux deux savants de son histoire du point de
congélation du mercure. Ce sujet apparut nouveau aux deux savants français qui furent très
intéressés: ‘the subject of mercurial congelation was new to them in the detail’.
Dans la deuxième lettre à Banks, datée du 18 juin, Bladgen continuait le récit de ses
activités parisiennes. Le duc de Chaulnes lui avait montré ses collections, il n’avait pas revu
Lalande, il était allé dı̂ner chez Lavoisier. Il avait aussi assisté à au moins une autre séance de
l’Académie des sciences, où il avait été très bien reçu. Dans cette semaine si chargée
d’occupations, il avait sans doute été amusé par les automates qui prononcent la phrase ‘le
Roi donne la paix à l’Europe.’.40
LA ROYAL SOCIETY
ET L’ACADEMIE ROYALE
Les thèmes abordés dans la correspondance avec Banks sont relativement restrictifs. Blagden
n’écrivait certainement pas tout sur ce qu’il faisait, ce qu’il voyait, ou sur les personnes qu’il
rencontrait. La correspondance qu’il recevra par la suite à Londres le montre. Les lettres à
Banks semblent être aussi des lettres plus politiques que des lettres exclusivement d’amis très
proches. Manifestement les deux savants avaient des intérêts communs qui motivaient une
partie de leurs échanges. Et comme la première lettre à Banks le suggère, Blagden était venu à
Paris dans un but précis et qui est confirmé dans la lettre du 18 juin 1783: ‘This afternoon, I go
to the academy, & hope there to know better what the people are at here, & what I have to
expect here that may be useful to our future plans’.41
La lecture de la correspondance de Blagden et de la liste des élections des membres
étrangers à la Royal Society et à l’Académie royale des sciences laisseraient supposer que
Blagden et Banks désiraient établir des liens privilégiés avec l’Académie royale des sciences
de Paris, ou avec certains de ses membres. La présence de Blagden, proche de Banks,
6
président de la Royal Society depuis 1778, suscita de la part des Français une demande de
collaboration avec la société britannique. Dans sa lettre à Banks du 27 juin 1783, Blagden
signalait que ‘some members of the Academy of sciences have intimated to me how much
they would like a fair and honorable correspondence with the Royal Society for the
communication of our respective ideas and discoveries’.42 La demande, très précise, devait
respecter un strict protocole. Il s’agirait de désigner deux personnes, une de chaque académie,
elles devraient s’informer mutuellement, au nom de chaque compagnie. Les lettres échangées
seraient conservées dans les archives de chaque société, les deux correspondants n’ayant
en leur possession qu’une copie. L’engagement était important, et Blagden ne pouvait le
décider seul. Il en référait à Banks, et lui demandait conseil. Le 1er juillet, il y revenait
encore: ‘The plan of correspondence between the Royal Society & the French Academy of
Sciences was well received by the gentlemen to whom it was mentioned’.43 Mais les choses
n’avancèrent pas.
Après avoir été élu secrétaire de la Royal Society le 5 mai 1784,44 Blagden reprit
rapidement l’idée d’une correspondance avec l’Académie royale des sciences de Paris. Il mit
alors tout en œuvre pour en être élu membre correspondant. Ne pouvant solliciter pour luimême une telle faveur, il entreprit de mettre à contribution ses relations. C’est ainsi que le
comte de Catuélan entra en scène. Jacques du Merdy de Catuélan était un fervent
anglophile.45 Il effectuait des séjours fréquents en Angleterre, et était lié avec la meilleure
société. Il avait entrepris une traduction des œuvres de Shakespeare en vingt volumes avec la
participation de deux autres traducteurs, Le Tourneur et Fontaine-Malherbes.46 L’ouvrage
dédié au roi ne fut exécuté que par souscription, et commença de paraı̂tre en 1777. Les
familles royales de France, d’Angleterre et l’impératrice de Russie figuraient sur la liste des
souscripteurs, parmi lesquels on comptait aussi des ministres, des diplomates, et de nombreux
britanniques. Les archives de la Royal Society conservent six lettres de Catuélan à Blagden,
sur la période du 2 novembre 1783 au 22 septembre 1784. Ami intime de l’académicien
Jean-Baptiste Le Roy,47 Catuélan fréquentait aussi Laplace et Lavoisier. Blagden et Catuélan
se rencontrèrent à Paris, et le début de leur correspondance fait état d’un désir de Blagden
d’entreprendre une correspondance amicale entre les deux pays via le chevalier de Fleurieu.
Les propos sont masqués, mais la prudence semble être de mise. Catuélan assurait son
correspondant de sa parfaite discrétion et de faire usage de toute sa diplomatie pour faire
aboutir ce projet.48 Mais Blagden, pris dans la tourmente qui traversait alors la Royal Society,
n’avait toujours pas répondu en février.49 Catuélan lui écrivit à nouveau, et tout en donnant
des nouvelles de Paris, se rappelait au bon souvenir du savant anglais.50 La réponse de
Blagden parvint au mois de mai. Il l’avertissait de son élection comme secrétaire de la Royal
Society, et probablement sous-entendait qu’une élection comme membre correspondant de
l’Académie royale des sciences lui serait agréable. Le 24 mai 1784, de son château de
Normandie, Catuélan promit à nouveau de mettre tout son pouvoir en action pour répondre au
désir de son ami, et lui rapportait en détail ses entreprises et entrevues. En particulier, en lui
annonçant le succès de Blagden, il avait suggéré à Le Roy que ‘l’Académie des sciences ferait
une chose digne d’elle en secondant le choix d’une société qui était sa sœur, et en [l’] adoptant
dans son sein en qualité de correspondant’. L’académicien avait acquiescé à cette idée, et allait
se charger ‘avec grand plaisir de la négociation’, et qu’il ne manquerait pas d’y associer
Lavoisier et Laplace ‘qui y mettront la même chaleur’ que lui.51 Les élections n’auraient lieu
que trois mois plus tard.52 Dans la lettre suivante, Catuélan rapporta les grands traits de
l’avancée des négociations, en particulier ses contacts avec Condorcet, Lavoisier et Laplace.53
Le 1er septembre, le secrétaire de la Royal Society était élu, à l’unanimité des académiciens
7
Figure 1. Lettre du comte Jacques du Merdy de Catuélan à Charles Blagden, 2 septembre 1785 (RSA, CBC, vol. III,
C.13) (Royal Society Archives copyright). Dans cette lettre, Catuélan informe Blagden de son élection comme
membre correspondant de l’Académie royale des sciences. Anglophile connu pour sa traduction des oeuvres de
Shakespeare, Catuélan est un noble breton allié à la puissante famille des Guéménée-Rohan.
présents à la séance de l’Académie royale des sciences, membre correspondant de Berthollet.
Dès le 2 septembre, Catuélan l’avertit de cette bonne nouvelle (figure 1).54 Mais hélas, cette
lettre arriva très tardivement, le messager ayant négligé sa mission. Il semblerait que Catuélan
ne reçut pas de réponse à cet envoi. Le 22 septembre, il répondit sur un ton un peu désabusée à
une lettre, accompagnée de deux mémoires, de Blagden, envoyée le 3 septembre. C’est la
dernière lettre connue d’échange entre les deux correspondants.55 Berthollet avertit également
Blagden de ce succès.56 Leur correspondance maintenant officielle allait contribuer à renforcer
l’amitié qui s’était nouée à Paris entre les deux hommes.57
Ces relations très positives entre la Royal Society et l’Académie royale des sciences – qui
n’allèrent cependant pas jusqu’à un échange officiel et régulier entre les deux compagnies
comme le souhaitait Condorcet58 – se poursuivirent avec l’élection de Banks comme associé
étranger de l’Académie royale des sciences en 1787,59 puis l’élection à la Royal Society, comme
membres étrangers, de Lavoisier60 et de Guyton de Morveau en 1788, puis de Laplace en 1789.
Banks prêta des instruments ayant fait partie de la campagne de James Cook, pour la grande
expédition circumterrestre dirigée par Jean-François de Galaup de La Pérouse, qui partit de
8
Cherbourg en 1785.61 L’aventure du méridien en 1787 renforça encore ces relations.62 Le
voyage de Jérôme de Lalande en Angleterre en août 178863 apparaı̂t aussi dans une certaine
mesure comme la poursuite des échanges entre les deux académies pendant cette période.
L’EAU N’EST
PAS UNE SUBSTANCE SIMPLE
Blagden entendit Laplace et Lavoisier rapporter leurs expériences sur la chaleur à l’Académie le
18 juin 1783. Puis, en compagnie d’autres académiciens, il assista à l’expérience de l’eau
effectuée par ces deux savants le 24 juin. Il s’agissait de la combustion de l’air inflammable
(hydrogène) dans l’air déphlogistiqué (oxygène). Cette expérience semble isolée dans le registre
de laboratoire numéro VIII de Lavoisier, il n’y a rien à ce sujet ni avant le 24 juin, ni après.64
Lavoisier utilisa deux caisses pneumatiques de son invention améliorées par l’ingénieur
Jean-Baptiste Meusnier qui travaillait dans son laboratoire.65 L’une contenait de l’air
déphlogistiqué, l’autre de l’air inflammable. Deux tuyaux envoyaient ces deux gaz en continu
sous une cloche probablement retournée sur du mercure. La combustion était amorcée par
étincelle électrique, produite par une machine électrostatique. La quantité d’eau obtenue fut
évaluée à environ trois gros (11,5 grammes), pour une masse de gaz consommés d’environ
une once, un gros et douze grains (35 grammes). En conclusion, sur le registre, on lit: ‘Il faut
supposer une perte des deux tiers de l’air ou qu’il y a perte de poids’. On se contenta
d’affirmer le lendemain à l’Académie que le résultat était de l’eau pure. Jusqu’ici, les savants
accordaient la présence de l’humidité constatée ou recueillie à celle ordinairement présente
dans l’air. En général, la quantité des gaz consommés était très petite, et la masse d’eau
produite ne permettait pas de mettre les savants sur la bonne piste. Le mode de production
était nouveau. Ce n’était plus l’eudiomètre enfermant une quantité finie de gaz, mais un
dispositif en quelque sorte dynamique fournissant à la demande, en continu, les quantités de
gaz nécessaires, selon des proportions déterminées par avance.
Dans l’annonce du 25 juin 1783, Lavoisier et Laplace disaient avoir ‘répété’ devant
plusieurs membres de l’Académie royale des sciences ‘la combustion de l’air combustible
combiné avec l’air déphlogistiqué’. Ils avaient utilisé ‘soixante pintes environ de ces airs et la
combustion a été faite dans un vaisseau fermé. Le résultat a été de l’eau très pure’.66 Les deux
savants ne s’avançaient donc ni sur le plan quantitatif, ni sur le plan théorique. L’annonce est
faite plutôt pour prendre date. Le mot ‘répété”, inscrit dans les procès-verbaux de l’Académie
royale des sciences, laisse entrevoir que cette expérience n’était pas un premier essai. En
effet, le dispositif est tel qu’il ne peut être mis en oeuvre rapidement, il nécessite un
étalonnage préalable, et l’aide d’assistants. On ne peut imaginer que, demandant la présence
de plusieurs témoins dignes de foi, les savants aient pris le risque de l’improvisation. Mais
depuis quand s’y essayaient-ils ? Depuis la réception de la lettre de Genest au mois de mai, ou
depuis la rencontre avec Blagden ? Nous ne le savons pas.
Le 25 juin, Blagden rendit compte de cette expérience à Banks,67 répétition pour lui de
l’expérience de Cavendish:
Yesterday the important experiment of M. Cavendish’s relative to the production of water
from the combustion of dephlogisticated & inflammable air was repeated at Mr
Lavoisier’s, in conséquence of the account I had given of it from Dr Priestley’s paper, and
Mr Cavendish’s verbal information; several members of the Academy of Sciences were
present; & we obtained near three drams of water which was very pure, neither
impregnated with fixed air, nor in any other way acidutilated. The deflagration was
performed gradually.
9
Après avoir décrit le dispositif, et ajouter que ‘the experiment was good’, Blagden
confirmait que les résultats ne permettaient pas de déterminer les proportions d’air et d’eau,
que l’on pouvait seulement affirmer la pureté de l’eau obtenue. Laplace et Lavoisier avaient
l’intention de poursuivre cette étude, écrivait-il, ‘with the necessary precision for determining
the weights’.
À l’Académie, l’annonce, faite ce même jour, avait fait grand bruit, et l’expérience était
considérée comme de première importance. Blagden ajoutait alors: ‘I thought it right to send
you the earliest possible information, which should be communicated to Mr Cavendish & Dr
Priestley, if you have an opportunity’. Il insistait à nouveau ensuite sur la surprise des savants
de voir autant d’eau ruisseler dans le vaisseau, et de n’obtenir aucun autre produit. Lavoisier
s’attendait, selon sa théorie, à trouver un acide.68 Pour les autres académiciens présents, cette
eau était contenue en dissolution dans les airs consommés, ‘an opinion which I hope will soon
be brought to the test of weight and measure’.69 Bladgen pensait comme Carl Wilhelm
Scheele, que les gaz manquants s’étaient échappés sous forme de chaleur. Cette lettre du 25
juin est particulièrement importante. Elle résume à elle seule les positions partagées par la
communauté des chimistes de l’Europe, et traduit bien l’attitude dubitative prise par cette
dernière face aux interprétations de Lavoisier et de ses disciples.
L’expérience du 24 juin marque le début de ce qu’on peut appeler l’affaire de l’eau, et qui
se terminera pour la partie française au printemps 1785, affaire bien étudiée par les historiens
des sciences.70
Mais le ballon à air chaud qui s’était élevé dans le ciel d’Annonay le 4 juin 1783 allait
permettre d’avancer dans la démonstration de la nature de l’eau. L’invention des frères
Montgolfier faisait l’objet de toutes les conversations, et de toutes les lettres.71 L’Académie
nomma une commission dont Lavoisier, puis un peu plus tard Meusnier, firent partie. L’idée
fut aussi de remplacer l’air chaud par de l’air inflammable, ce que firent Jacques Charles et les
frères A.-J. et N.-L. Robert le 27 août.72 Lavoisier et Meusnier produisirent de l’air
inflammable en faisant passer de la vapeur d’eau dans un canon de fusil porté au rouge.73 La
communauté savante restait très partagée. Dès le 10 avril 1784, Berthollet écrivait à Blagden:
Mr Lavoisier pense que l’eau s’est décomposée dans cette expérience, que son air
déphlogistiqué s’est combiné avec le fer, et que son gas inflammable s’est échappé: pour
moi, il me paraı̂t que c’est simplement le gas inflammable du fer qui se dégage; mais il faut
attendre les expériences qu’ils font encore sur cet objet et qu’ils doivent communiquer au
public dans la séance publique de l’Académie qui doit se tenir le 21 de ce mois; en
attendant il y a grande apparence qu’on pourra se servir de ce procédé en grand.74
Dans la lettre suivante du 6 septembre, Berthollet annonçait la lecture de deux mémoires
de Lavoisier sur la décomposition de l’eau:
Il a prétendu prouver que tout le gas inflammable qu’on retire des métaux, lorsqu’on les
dissout par le moyen des acides, ne vient ni des métaux, ni des acides, mais que les métaux
s’emparent de l’air déphlogistiqué de l’eau, se réduisent par là en chaux et deviennent
solubles dans les acides, et qu’alors l’autre partie de l’eau, le gas inflammable se dégage.75
Berthollet résumait clairement l’interprétation de Lavoisier, mais il n’était pas encore
convaincu comme l’atteste l’emploi de l’expression ‘prétendu prouvé’.
Dans les Observations sur la physique, les attaques furent virulentes.76 En réaction aux
propositions lavoisiennes, c’est-à-dire que l’eau était un corps composé, le rédacteur des
Observations décida de publier une traduction d’un mémoire que Cavendish avait commencé
de lire à la Royal Society le 15 janvier 1784. Dans ce mémoire, ‘Experiments on air’,
10
Cavendish revendiquait le fait d’avoir montré le premier que l’eau était le seul résultat de la
combustion de l’air inflammable (hydrogène) dans l’air déphlogistiqué (oxygène), et que
cette eau, corps simple, avait été libérée par la condensation des deux gaz. Cette traduction
parut dans le fascicule des Observations du mois de décembre 1784, puis au long du premier
semestre de 1785. Cavendish affirmait qu’il avait commencé ses expériences au cours de l’été
1781, et en avait fait part à Priestley; il rappelait que ‘c’[était] aussi l’été dernier qu’un de mes
amis en fit part à M. Lavoisier, ainsi que des conséquences que j’en tirois, que l’air
déphlogistiqué est l’eau dépouillée de phlogistique’, que Lavoisier était incrédule jusqu’à ce
qu’il expérimente par lui-même.77 On reconnaı̂tra dans l’ami en question, Charles Blagden,
et il est clair que pour Cavendish, c’était Blagden qui avait fourni aux savants français
des informations essentielles. Grâce à la publication de la traduction du mémoire de
Cavendish, les Observations sur la physique fournissaient au public francophone les éléments
du débat en 1785.
Or depuis le mois de décembre 1784, Lavoisier et Meusnier préparaient ce qu’il est
convenu d’appeler la grande expérience de l’eau. L’eau fut décomposée puis recomposée les
27 et 28 février en présence des commissaires, avec mise sous scellés des produits obtenus.
Le dernier contrôle fut effectué le 12 mars.78 Le résultat ébranla un certain nombre de
contemporains, et l’année 1785 vit la conversion à la théorie lavoisienne de plusieurs savants
dont Berthollet.79 Puis Cavendish se convertit en 1787,80 Priestley ne se convertit jamais.
D’autres lettres françaises reçues par Blagden, autres que celles écrites par Berthollet,
portent trace des péripéties de cette affaire. Dès le 7 mars 1785, dernier jour des analyses,
Laplace lui avait écrit, en lui promettant d’envoyer des informations dans un prochain
courrier.81 L’année précédente, Laplace lui avait déjà exprimé son sentiment dans l’affaire
de l’eau:
permettez-moi de vous entretenir de la décomposition de l’eau qui me paroit extrêmement
vraisemblable, et sur laquelle on a fait ici plusieurs expériences, en réfléchissant sur la
nature de l’air inflammable qui se dégage des métaux par l’action des acides, je trouvais de
grandes difficultés à l’attribuer soit aux acides soit aux métaux.82
Jean Darcet accepta peu à peu les propositions de la nouvelle chimie, probablement après
avoir assisté à la grande expérience de 1785. Ce qu’il était loin d’accepter un an auparavant.
En effet, le 19 juillet 1784, il écrivait à Blagden, que ‘la découverte de M. Cavendish est
certainement une bien importante, puisqu’elle nous mène à la connaissance de l’analyse de
l’eau, dont nous nous (sic) étions encore fort éloigné’.83
LA
CORRESPONDANCE EN ACTION
La correspondance était acheminée à son destinataire pour des voies diverses et parfois
détournées; on évitait si possible la poste, trop onéreuse, et on profitait des courriers des
grandes maisons, voir des services de l’État. Claude de La Blancherie recommandait à
Blagden d’envoyer son courrier par le service de Calonne, contrôleur général des finances.84
Blagden envoyait son courrier de Paris à Banks via la Maison d’Orléans.85 Chaque voyageur
prenait dans ses bagages les lettres et paquets de ses amis et de ses relations. Ainsi, Peter
Woulfe se chargeait d’une lettre de Darcet pour Blagden à laquelle était joint un exemplaire
de l’ouvrage de Victor-Aimé Gioanetti que Blagden désirait obtenir.86 En retour, Woulfe
livrait paquets et courriers à la communauté française.87 Le voyageur emportait aussi les
objets ou les livres commandés, payait les prix demandés, puis se faisait rembourser.
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L’information pouvait circuler très vite. Les lettres échangées entre Blagden et Banks
mettaient une semaine environ à traverser la Manche. Mais, il arrivait également que des
lettres ou des paquets se perdissent, ou fussent délivrés avec beaucoup de retard, comme nous
l’avons vu pour le petit mot de Catuélan,88 ce qui pouvait engendrer amertume et suspicion.
C’est aussi la mésaventure arrivée à un petit ouvrage de Laplace. Le 24 février 1784, Laplace
prévint Blagden qu’il envoyait un colis par l’intermédiaire du libraire Barrois l’aı̂né, de Paris,
lequel devait le faire parvenir à Joseph White, libraire à Londres. Ce colis contenait un paquet
destiné à Jean-André Deluc ainsi que onze exemplaires ‘de son petit astronomie physique’
dont Laplace précisait les destinataires.89 Il s’agissait d’un ouvrage pour lequel il avait reçu
l’approbation de l’Académie le 31 janvier, Théorie du mouvement et de la figure elliptique
des planètes.90 Le 8 juin, ses ouvrages n’étaient toujours pas arrivés à destination,
manifestement perdus, ou oubliés dans une caisse du libraire londonien. Il en expédia à
nouveau quelques exemplaires.91
Il n’y a pas de correspondance entre Blagden et Lavoisier pour cette période, excepté une
recommandation pour Charles Gossard de Virly datée du 30 avril 1785, qui « a déjà parcouru
presque toute l’Europe et a reçu des leçons de chimie de Bergmann, s’est élevé avec Morveau
dans les airs.».92 Une part importante de la correspondance porte sur cet échange de
recommandations, dont on peut penser que Blagden fit aussi usage. En 1784, Auguste
Broussonet recommandait le comte de Castiglioni.93 Le 1er juin 1785, Étienne Anisson, fils
du directeur général de l’Imprimerie royale, remerciait de l’accueil qui lui avait été réservé au
cours de son voyage à Londres, et s’offrait en retour à le recevoir chez lui lors de son prochain
séjour parisien.94
Comme nous l’avons vu, la lettre apportait aussi des nouvelles sur les recherches en cours
ou demandait des informations.95 Blagden collectait les observations de phénomènes
lumineux sur lesquels Le Roy le renseignait. Ce dernier exposait aussi un projet de traduction
du mémoire sur la congélation du mercure.96 Les humeurs des uns et des autres, les vexations,
ou les sympathies se signalent au gré de l’écriture.97 C’est toute une société qui revit à la
lecture de cette correspondance. Selon P. Bret, la correspondance apparaı̂t comme un moyen
de diffusion de la science à part entière - malgré la part inévitable de la subjectivité - et
comme le moyen de diffusion le plus rapide, alors que les publications académiques
attendaient le plus souvent plusieurs années, et pour les périodiques quelques semaines au
mieux.98 Cependant, si la correspondance se veut d’abord le témoignage de cette République
des lettres, par le ton policé qui y est toujours de mise, les visites n’étaient pas seulement
d’amitié. On espionnait aussi ou était soupçonné d’espionnage. La réussite économique de
la Grande-Bretagne intriguait. Le voyage de Barthélemy Faujas de Saint-Fond, proche de
Georges-Louis Leclerc de Buffon, fut aussi l’occasion de réunir des informations
d’ordre technique et économique.99 La réciproque était vraie. En 1788, Blagden qui
regrettait de n’avoir pu obtenir une recommandation de Lavoisier pour visiter la manufacture
sidérurgique du Creusot, s’était adressé à Guyton de Morveau; il avait été très bien reçu par
son fondateur Wendel.100
En 1960, Sir Gavin de Beer publiait un ouvrage au titre évocateur, The Sciences were
never at war.101 Il illustrait cette maxime par une étude de plusieurs échanges de
correspondance avec des savants étrangers, de Hans Sloane à Humphry Davy. Il s’en dégage
un sentiment général que si la guerre a ralenti les échanges, elle les a rarement totalement
interrompus. Dès la paix revenue, les échanges reprenaient avec une grande intensité. C’est le
cas de Blagden qui revint en France en 1802, dès la paix d’Amiens signée le 27 mars, pour y
séjourner fréquemment ensuite. Il fut même invité le 4 mai par le Consul (probablement le
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Premier consul, Napoléon Bonaparte), lequel lui fit grande impression.102 L’information
scientifique passait, nécessaire à tous, aussi vitale que l’air que l’on respire. On était de la
République des lettres, de ces citoyens du monde avant l’heure, qu’entre gens de culture, on
pouvait partager les Lumières. La lettre était aussi à la fois un appel au voyage, et un récit de
voyage.103 Elle annonçait un visiteur, elle décrivait les découvertes, elle rendait compte de la
visite. En tant que citoyen de ce monde, Blagden était un acteur important.
REMERCIEMENTS
Cet article est une version revue et étendue de la communication donnée à la Maison
française d’Oxford, lors du colloque organisé par l’European Society for the History of
Science (ESHS), la Société française d’histoire des sciences et des techniques (SFHST),
la Maison française d’Oxford (MFO), et la British Society for the History of Science
(BSHS), ‘Échanges franco-britanniques entre savants depuis le XVIIe siècle/Franco-British
interactions in science since the seventeenth century’, 24–25 mars 2006. Je voudrais
remercier ici très vivement Patrice Bret pour ses conseils très précis sur une première version
de cet article, ainsi que pour les riches discussions antérieures que nous avons eu sur la
période étudiée. Je remercie également l’éditeur pour la traduction de mon texte français
originel. Tout au long des visites faites à la Bibliothèque de la Royal Society, l’aide apportée
par Keith Moore et son équipe m’a été très précieuse, et je leur en suis très reconnaissante.
La version anglaise de ce texte est publiée in Notes and Records of the Royal Society.
62 (4), December 2008.
NOTES
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La correspondance de Charles Blagden conservée dans les archives de la Royal Society (noté par
la suite RSA) est réunie par ordre alphabétique dans six volumes. Elle est notée CBC dans la suite
de cet article. Pour l’analyse des travaux de Blagden, voir Frederick H. Getman, ‘Sir Charles
Blagden’ in Osiris, 3, 69–87 (1937).
Les informations biographiques des personnages cités sont extraites des dictionnaires nationaux,
du Dictionary of scientific biography (Charles Gillispie, ed.), et de l’Index biographique de
l’Académie des sciences, 1666–1978 (Institut de France, Gauthier-Villars, 1979). Dans cet
article, nous nous référerons aussi à l’ouvrage de Warren R. Dawson, recensant la
correspondance de Banks, The Banks letters. A calendar of the manuscript correspondence of
Sir Joseph Banks (Trustees of the British Museum, London, 1958). Neil Chambers a récemment
publié un certain nombre de ces lettres dans Scientific Correspondence of Sir Joseph Banks,
1765–1820, six vol. (Pickering & Chatto, London, 2007).
CBC, vol. III, D.11: Félix Vicq d’Azir à Blagden, Hôtel d’Espagne, 28 juillet 1783. Dans sa
dernière lettre à Banks, Blagden espère prendre le petit-déjeuner avec Banks le 7 août, Blagden à
Banks, de Paris, 23 juillet [1783] (Dawson, 57). Blagden arrive probablement peu avant le 7 août,
puisqu’il dı̂ne avec le Royal Society’s Dining Club le 7 août, mais non la semaine précédente, le
31 juillet. Les listes des personnes présentes aux dı̂ners du Royal Society’s Dining Club sont dans
les archives de la Royal Society. Voir Thomas Edward Allibone, The Royal Society and its dining
clubs (Pergamon Press, Oxford, etc., 1976).
Blagden à Banks, de Calais, 30 sept. 1787, in Dawson, 71. Voir Jean-Pierre Martin et Anita
McConnell, ‘Joining the observatories of Paris and Greenwich’ dans le présent numéro de Notes
and Records of the Royal Society.
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Blagden à Banks, de Paris, 13 juillet 1788, in Dawson, 72, et Chambers, vol. III, 415. Pour la
relation Blagden-Berthollet, voir Michelle Sadoun-Goupil, Le Chimiste Claude-Louis Berthollet
(1748–1822), sa vie, son œuvre (Vrin, Paris, 1977).
Œuvres de Lavoisier. Correspondance (noté OLC par la suite), vol. V, 1787–1788, dirigé par
Michelle Goupil (Académie des sciences, Paris, 1993), lettre de Louis-Bernard Guyton de
Morveau à Antoine Lavoisier du 30 août 1788, p. 206. Ignace de Wendel était commissaire des
Forges royales et avait fondé récemment la manufacture du Creusot.
Blagden à Banks, de Paris, 7 août 1792, in Dawson, 78. Gavin R. De Beer, ‘The Diary of Sir
Charles Blagden’, Notes and Records of the Royal Society, 8, 65–89 (1950–1951).
Pour un compte rendu des funérailles de Blagden par un témoin oculaire, voir la lettre de Richard
Chenevix à Charles Hatchett, 3 avril 1820 (RSA, MS 859/2/33). Je remercie beaucoup Keith
Moore pour avoir attiré mon attention sur cette lettre.
Le premier envol public d’un ballon à air chaud fabriqué par les frères Montgolfier eut lieu le 4
juin 1783 à Annonay (Ardèche). Le premier envol public d’un ballon à hydrogène eut lieu le 27
août 1783 au Champ de Mars à Paris. Une ‘mongolfière’ (ou ballon à air chaud) présentée à Paris
le 12 septembre, fut détruite par la pluie. La suivante essayée le 19 septembre fut un succès.
Blagden n’était donc pas présent lors des premiers essais parisiens. Voir OLC, fascicule IV,
1784–1786, introduit par M. Goupil, annexe II, p. 293 (Belin, Paris, 1986). Voir Charles C.
Gillispie, The Montgolfier brothers and the invention of aviation, 1783–1784 (Princeton
University Press, Princeton, NJ, 1983).
Voir Eric Robinson and Douglas McKie (eds), Partners in science. Letters of James Watt and
Joseph Black (Cambridge University Press, Cambridge, 1970).
Voir Emmanuel Grison, Michelle Goupil & Patrice Bret, A scientific correspondance during the
Chemical Revolution. Louis-Bernard Guyton de Morveau & Richard Kirwan, 1782–1802
(University of California, Berkeley, CA, 1994).
Pour l’importance du rôle des correspondances scientifiques, voir Patrice Bret, ‘Formes et
fonctions de la correspondance scientifique autour de la Révolution: Lavoisier, Guyton de
Morveau et Berthollet, chimistes et épistoliers (1772–1822)’, Journée d’étude du CRHST, Paris,
9 février 1996, in Thérèse Charmasson (dir.), ‘Les archives scientifiques. Préservation, typologie
et utilisations’, Gazette des Archives, 30, n8 179, 355–379, en particulier p. 378–379 (1997). Voir
aussi René Taton, ‘Le rôle et l’importance des correspondances scientifiques aux XVIIe et XVIIIe
siècles’, in Revue de synthèse, 97, 7–22 (1976), réédité in René Taton, Études d’histoire des
sciences recueillies pour son 85e anniversaire par Danielle Fauque, Myriana Ilic & Robert
Halleux, p. 57–68 (Brepols, Turnhout, Belgique, 2000). Voir Hans Bots, ‘Étude des réseaux de
correspondance: l’influence du colloque de Chantilly de 1975’, Archives internationales
d’histoire des sciences, 57, n8 159, 591–599 (déc. 2007), article qui complète le précédent.
RSA, MS, Journal Book, vol. 31. In Philosophical Transactions (noté par la suite Phil. Trans. R.
Soc.), on lit en tête de l’article ‘read January 16, 1783’: ‘An Account of a new eudiometer’, Phil.
Trans. R. Soc.), 73, 106–135 (1783). En fait, ce mémoire a été enregistré à cette date (rec’d
January 16, 1783). Comme le Journal Book de la Société le confirme, il fut lu les 20 et 27 février.
Le manuscrit original du mémoire (RSA, Letters and papers, Decade VIII, n818) montre combien
il est aisé de lire ‘read’ au lieu de ‘rec’d’.
Pour la description et l’usage voir Christa Jungnickel and Russell McCormmach, Cavendish
(The American Philosophical Society, Philadelphia, 1996).
Ce protocole est établi dans le cadre d’une doctrine du phlogistique, principe inflammable
contenu dans de nombreux corps. Il ne peut être libre. Quand une substance riche en phlogistique
réagit avec une substance qui en est dépourvue, il passe d’un corps à un autre, c’est la
phlogistication. Ici, le phlogistique passe de l’air nitreux à l’air commun qui se trouve donc
phlogistiqué. Le test à l’air nitreux (monoxyde d’azote) ne peut donner que le degré de
phlogistication de l’air commun, sans prétendre à définir sa nature, ou pour les antiphlogiticiens
sa composition: ‘But it must be observed, that the nitrous test shews the degree of phlogistication
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of air, and that only’ écrit Cavendish, op. cit., n. 13, p. 135. Aujourd’hui nous dirions que
le monoxyde d’azote absorbe l’oxygène de l’air, et laisse l’azote, qui porte le nom
d’air phlogistiqué.
Joseph Priestley, ‘Experiments relating to phlogiston, and the seeming conversion of water into
air’, communiqué par Sir Joseph Banks, et lu le 26 juin 1783, Phil. Trans. R. Soc. 73, 398–434
(1783), particulièrement p. 399.
Ibid., 414.
Ibid., 416.
David Philip Miller, James Watt, Henry Cavendish and the nineteenth-century ‘Water
Controversy’ (Ashgate, Aldershot, 2004).
James Watt, ‘Thoughts on the constituent parts of water and of dephlogisticated air; with an
account of some experiments on that subject’, lettre à Jean-André Deluc, 26 novembre 178[3], lue
le 29 avril 1784, Phil. Trans. R. Soc. 74, 329–353 (1784).
Un membre correspondant de l’Académie royale des sciences est un membre élu, officiellement
rattaché à un académicien. Diplomate et botaniste, Edmond-Charles Genet alias Genest, est
correspondant du duc de La Rochefoucauld d’Enville depuis le 21 août 1782. Voir Registres
manuscrits des procès-verbaux des séances de l’Académie royale des sciences (noté RMARS par
la suite) pour 1783, 115 verso. Ces registres sont consultables sur le site Gallica de la
Bibliothèque nationale de France, sous le titre ‘Procès-verbaux/Académie royale des sciences’
(http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb375720275/date).
RMARS (1783), 117 recto.
L’air déphlogistiqué est de l’oxygène, et l’air inflammable est de l’hydrogène.
Archives de l’Académie des sciences de Paris (noté ArAS par la suite), Pochette de séance, 14
mai 1783.
Voir pour les expériences de Monge sur la composition de l’eau in René Taton, ‘L’œuvre de Monge
en chimie, sa collaboration et ses relations avec Lavoisier’ in Michelle Goupil (éd.), Lavoisier et la
Révolution chimique, actes du colloque tenu à l’occasion du bicentenaire de la publication du Traité
élémentaire de chimie, p. 55–90 (Sabix – École polytechnique, Palaiseau, 1992).
RMARS (1783), 138. Voir aussi William A. Smeaton, ‘Is water converted into air? Guyton de
Morveau acts as arbiter between Priestley and Kirwan’, Ambix, 15, n8 2, 73–83 ( juin 1968).
Guyton de Morveau était très circonspect sur cette proposition de Priestley, voir en particulier
p. 77. Voir aussi in Grison & al., op. cit., n. 11, lettre de Guyton à Kirwan du 10 avril 1783, et
lettres de Kirwan à Guyton des 14 et 22 mai 1783, p. 59–73.
Voir n. 16.
RSA, MS, Letters & Papers, Decade VIII, n829.
RSA, MS, Journal Book, vol. 31, 1782–1785.
Thomas Hutchins, ‘Experiments for ascertaining the point of mercurial congelation’, Phil. Trans.
R. Soc. 73, 303–370 (1783), voir p. 307, pl. p. 370.
Ibid., 305–306.
Ibid., 303–304. Plusieurs des thermomètres avaient été fabriqués par Nairne et Blunt, ou par
Troughton. La température de fusion du mercure est de -38,9C aujourd’hui. Remarquons que 40F
sous zéro (‘cypher’) correspond exactement à -40C.
Charles Blagden, ‘History of the congelation of quicksilver’, Phil. Trans. R. Soc. 73, 329–397 (1783).
RSA, MS, Journal Book, vol. 31, 1782–1785, 211.
RSA, MS, Blagden’s Diary, 3e carnet, par exemple, le jeudi 30 janvier 1783, p.57. L’examen du
Diary montre que les deux savants dı̂nent souvent ensemble au Crown and Arms, comme ce 30
janvier, alors même que la veille, Blagden était reçu chez Banks, probablement pour un dı̂ner plus
formel. Pour une réception chez Banks voir Barthélemy Faujas de Saint-Fond, Voyage en
Angleterre, en Écosse et aux ı̂les Hébrides, 2 vol., p. 6–7 (H.-J. Jansen, Paris, 1797). Traduit et
publié par A. Geikie sous le titre A Journey through England and Scotland to the Hebrides in
1784, 2 vol. (Glasgow, 1907). Voir aussi T. E. Allibone, op. cit. n. 3.
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CBC, vol. II, B.298: Thomas Blagden à Charles Blagden, 25 mai 1783.
Le nouvel Hôtel des monnaies a été achevé en 1775. Dans ses laboratoires, le commissaire du roi
pour les essais et affinages, Mathieu Tillet, travaillait les métaux précieux. Voir M. Tillet, ‘Sur les
méthodes qu’employent les essayeurs pour fixer le titre des matières d’or’, in Histoire de
l’Académie royale des sciences pour 1776, avec les mémoires (noté HARS par la suite),
Mémoires, p. 377–430 (Imprimerie royale, Paris, 1779).
Voir Howard C. Rice, Jr, Thomas Jefferson’s Paris, 31–32, plan p.60 (Princeton University Press,
Princeton, New Jersey, 1976).
Blagden à Banks, 11 juin 1783, in Dawson, 56, et Chambers, vol. 2, 86–88. Les citations qui
suivent en sont extraites.
Blagden à Banks, 18 juin 1783, in Dawson, 56, et Chambers, vol. 2, 88–90. Les automates sont
sans doute ceux de la collection de Jacques Vaucanson, décédé en 1782, en léguant ses machines
au Roi. Voir A. Doyon et L. Liaigre, Jacques Vaucanson, mécanicien de génie (PUF, Paris,
1966).
Chambers, op. cit., n. 40, vol. 2, 90.
CBC, vol. II, B.166: Blagden à Banks, 27 juin 1783.
Blagden à Banks, 1er juillet 1783 in Dawson, 56, et Chambers, vol. 2, 98.
Henry Lyons, The Royal Society, 1660–1940. A history of its administration under its charters,
p. 213–215 (CUP, Cambridge, 1944).
Jacques Gury, ‘Un Anglomane breton au XVIIIe siècle: le comte de Catuélan’, in Annales de
Bretagne et des pays de l’Ouest (Anjou, Maine, Touraine), 79, n8 3, 589–624 (1972); id., ‘Les
Bretons et la shakespearomanie: le comte de Catuélan’, in An. Bretagne, 83, n8 4, 703–713
(1976). Catuélan bénéficiait d’une pension royale. Allié à la puissante famille des GuéménéeRohan, il était un personnage qui comptait au début des années 1780.
Shakespeare traduit de l’anglais, 20 vol., trad. par le comte de Catuélan, Le Tourneur, FontaineMalherbe (Vve Duchesne, et al., Paris, 1776–1782). Madeleine Horn-Monval considère que Le
Tourneur est le premier traducteur, voir M. Horn-Monval, Les Traductions françaises de
Shakespeare (CNRS, Paris, 1963). Shakespeare traduit de l’anglais, révisé en 1821–1822, a été
utilisé au moins jusqu’à la fin du XXe siècle.
Voir aussi CBC, vol. IV, L.31: Jean-Baptiste Le Roy à Blagden, 10 février 1784.
CBC, vol. III, C.8: Catuélan à Blagden, 2 novembre 1783.
Une allusion à ces difficultés se trouve dans CBC, vol. II, B.331: Pierre-Marie-Auguste
Broussonet à Blagden, 12 octobre 1784. Voir aussi Lyons, op. cit., n. 44; Chambers, op. cit.,
vol. 1, General introduction, pp. XXIII–XXVI.
CBC, vol.III, C.9: Catuélan à Blagden, 17 février 1784.
CBC, vol. III, C.10: Catuélan à Blagden, 24 mai 1784.
CBC, vol. IV, L.32: Le Roy à Blagden, 20 août 1784.
CBC, vol. III, C.11: Catuélan à Blagden, 2 juillet 1784.
CBC, vol. III, C.13: Catuélan à Blagden, 2 septembre [1784]. La notification de l’élection de
Blagden est dans RMARS (1784), 1er septembre, p. 228 verso.
CBC, vol. III, C.12: Catuélan à Blagden, 22 septembre 1784.
CBC, vol. I, B.125: Claude-Louis Berthollet à Blagden, 6 septembre 1784.
Voir M. Sadoun-Goupil (1977), op. cit., n.5. Id., ‘Inventaire et analyse de la correspondance
inédite de Berthollet’, tapuscrit, in dossier Berthollet (ArAS).
CBC, vol. III, D.15: Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat de Condorcet à Blagden, 12 août 1785.
Charles-Louis L’Héritier de Brutelle à Banks, 31 déc. 1787, et 4 fév. 1788, in Dawson, 537. Voir
aussi CBC, vol. II, B.331: Broussonet à Blagden, 12 oct. 1784; id., B.332: Broussonet à Blagden,
20 oct. 1784.
OLC (1993), op. cit., n.6, p.153–154.
Catherine Gaziello, L’expédition de Lapérouse, 1785–1788. Réplique française aux voyages de
Cook, p. 61 (CTHS, Paris, 1984).
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Voir J.-P. Martin et A. McConnell, cit. n. 4.
Blagden à Banks, de Paris, 13 juillet 1788, in Chambers, vol. III, 415.
ArAS, dossier Lavoisier, registre de laboratoire n8 VIII.
RMARS (1782), 5 juin, 102. Lavoisier les utilisait depuis 1782 pour obtenir des températures
élevées afin de faire fondre des substances réfractaires. Voir Jean-Baptiste Meusnier,
‘Description d’un appareil propre à manœuvrer différentes espèces d’air’, HARS pour 1782,
mém., p. 466–475, pl. 475 (Paris, 1784).
RMARS (1783), 25 juin, 144.
Blagden à Banks, 25 juin 1783, in Dawson, 56, et Chambers, vol. II, 95–96.
Pour Lavoisier, le principe oxygène réagissant avec une substance conduisait obligatoirement à la
formation d’un acide. Rappelons que l’étymologie du mot oxygène signifie ‘qui engendre
l’acide’.
Voir n. 67.
Voir Miller, op. cit., n. 19. Pour une courte synthèse de cette affaire, voir D. Fauque, ‘La Grande
expérience de Lavoisier’, in Pour La Science, 336, 26–31 (octobre 2005). Voir OLC (1986), op.
cit n.9, annexe IV: ‘Les grandes expériences d’analyse et de synthèse de l’eau, 27 février – 1er
mars 1785’, 305–309. Voir aussi C.-L. Berthollet, ‘Cinquième leçon. 12 ventôse/2 mars’, in
Étienne Guyon (dir.), L’École normale de l’an III. Leçons de physique, de chimie et d’histoire
naturelle. Haüy, Berthollet, Daubenton, p. 289–296 (ENS Ulm, Paris, 2006), particulièrement
p. 294; introduction des leçons de chimie par Bernadette Bensaude-Vincent, Patrice Bret et Pere
Grapi, p. 239–252. Destinée à former de façon accélérée par les meilleurs savants de l’époque,
des maı̂tres pour les futurs collèges de la république, l’École de l’an III s’est tenue à Paris de
janvier à mai 1795. Berthollet considérait que l’information donnée par Blagden, concernant les
travaux de Cavendish, avait été déterminante pour Lavoisier.
Voir n.9. Voir aussi Charles C. Gillispie, Science and polity in France. The end of the Old
Regime, p. 457 (Princeton University Press, Princeton, 1980). Voir aussi Marie Thébault-Sorger,
«L’air du temps». L’aérostation: savoirs et pratiques à la fin du XVIII e siècle (1783–1785), thèse,
EHESS (Paris, 2004).
OLC (1986), op.cit., n.9, annexe II, ‘Lavoisier et les deux commissions académiques successives
pour l’étude des aérostats’, 293–304.
J.-B. Meusnier et A. Lavoisier, ‘Mémoire où l’on prouve par la décomposition de l’eau, que ce
fluide n’est point une substance simple, etc.’, lu par Meusnier le 21 avril 1784, HARS pour 1781,
mém. p. 259–283 (Paris, 1784).
CBC, vol. II, B.124: Berthollet à Blagden, 10 avril 1784.
CBC, vol. II, B.125: Berthollet à Blagden, 6 sept. 1784.
Un exemple en est donné par l’article de l’abbé de La Métherie, ‘Lettre aux auteurs du Journal de
Physique sur les substances métalliques, et particulièrement sur leur air inflammable, du 15 mai
1784’, in Observations sur la physique, l’histoire naturelle et les arts (noté OP par la suite),
vol. 24, p. 473–481 (1784).
H. Cavendish, ‘Experiments on air’, Phil. Trans. R. Soc. 74, 119–153 (1784). La traduction de
Bertrand Pelletier parut sous le titre ‘Expériences sur l’air’, OP, vol. 25, 417–429 (1784); id.,
vol. 26, 38–51 (1785); id., vol. 27, 107–116 (1785), mais Cavendish en fut si mécontent qu’il fit
publier une nouvelle traduction à Londres en 1785. La citation est tirée de Cavendish,
‘Expériences sur l’air’, op. cit., OP. vol. 26 (1785), p. 39. La phrase originale de Cavendish est:
‘During the last summer [1783] also, a friend of mine gave some account of them to M. Lavoisier,
as well as of the conclusion drawn from them, that dephlogisticated air is only water deprived of
phlogiston’, op. cit., Phil. Trans. R. Soc. 74, p. 134 (1784). Rappelons que dans ce contexte, l’air
inflammable (hydrogène) est de l’eau saturée de phlogistique. En réagissant, les deux gaz libèrent
l’eau, et le phlogistique se manifeste par le grand dégagement de chaleur.
ArAS, dossier Lavoisier, dernière date et signature du registre de laboratoire n8 X.
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Berthollet avait publiquement annoncé sa conversion à la séance publique de Pâques, le 6 avril
1785. Voir James Riddick Partington, ‘Berthollet and the antiphlogistic theory’, Chymia, 5,
130–138 (1959). Berthollet défend sa nouvelle position dans une lettre à Blagden du 17 juin 1785
(CBC, vol. I, B.126), étudiée par M. Sadoun-Goupil, ‘La correspondance Berthollet-Blagden’, in
XIIe Congrès international d’histoire des sciences, Paris, 1968. Actes, t. VI, Histoire de la chimie
depuis le XVIIIe siècle, 91–97 (Lib. A. Blanchard, Paris, 1971). M. Sadoun-Goupil écrit par
inadvertance que la séance publique de Pâques a eu lieu le 6 juin au lieu du 6 avril 1785.
Voir Grison et al., op. cit., n. 11, 167. Lettre de Richard Kirwan à Guyton du 2 avril 1787: ‘PS. Mr
Cavendish a renoncé au phlogistique’.
CBC, vol. IV, L.18: Pierre-Simon Laplace à Blagden, 7 mars 1785.
Ibid., L.17: Laplace à Blagden, 8 juin 1784.
CBC, vol. III, D.6: Jean Darcet (ou D’Arcet) à Blagden, 19 juillet 1784.
CBC, vol. IV, L.2: Mammès Claude Pahin-Champlain de La Blancherie, à Blagden, 18 juillet
1785.
CBC, vol. II, B.166: Blagden à Banks, 27 Juin 1783. Rappelons que Berthollet était médecin
attaché à la Maison d’Orléans, et que cette voie d’acheminement fut par la suite très souvent
utilisée par Blagden. La Maison d’Orléans entretenait des relations étroites avec plusieurs
personnalités britanniques.
CBC, vol. III, D.5: Darcet à Blagden, 9 octobre 1783. Darcet joint à sa lettre, à titre de cadeau, un
exemplaire de l’ouvrage de Victor-Aimé Gioanetti, l’Analyse des eaux minérales de S. Vincent et
de Courmayeur dans le duché d’Aoste ( J.-M. Briolo, Turin, 1779), ouvrage qui rend compte de
l’analyse des eaux naturelles en appliquant les dernières découvertes de la nouvelle chimie.
Signalons aussi que Kirwan avait demandé cet ouvrage à Blagden par l’intermédiaire de Banks,
afin qu’il le lui rapporte de Paris, voir Lettre de Banks à Blagden, alors à Paris, 27 juin 1783 in
Chambers, vol. 2, 97.
CBC, vol. VI, W.28: Peter Woulfe à Blagden, 15 juillet 1784.
Voir note 54.
CBC, vol IV, L.16: Laplace à Blagden, 24 février 1784.
RMARS (1784), 31 janv., 22–25. P. S. Laplace, Théorie du mouvement et de la figure elliptique
des planètes (Paris, 1784), 153 pages. Voir Charles C. Gillispie, with the collaboration of Robert
Fox and Ivor Grattan-Guinness, Pierre-Simon Laplace 1749–1827. A life in exact science
(Princeton University Press, Princeton, 1997), ch. 15, 109, et bibliographie, réf. 1784a, 298. Ce
texte n’est pas publié dans les œuvres complètes. Laplace offrait un exemplaire de son
‘astronomie physique’ à Blagden, et lui demandait d’en faire parvenir un exemplaire à Banks,
Cavendish, William Herschel, Nevil Maskelyne, Waring, Kirwan, Dr. Price, et les trois derniers à
qui il voulait.
CBC, vol. IV, L.17: Laplace à Blagden, 8 juin 1784.
CBC, vol. III, D.4: Lavoisier à Blagden, 30 avril 1785. Il s’agit d’une lettre référencée de façon
erronée dans le fichier de la Royal Society sous le nom hypothétique ‘Dannuit?’ et la date de 30
avril 1789. La signature de Lavoisier est en effet difficile à lire pour qui ne la connaı̂t pas. Cette
lettre est identifiée formellement par Patrice Bret comme étant la lettre de Lavoisier dont la
minute estdans les archives de l’Académie des sciences de Paris et publiée dans OLC (1986), op.
cit., n.9, p.115. Charles Gossart de Virly était président de la cour des comptes de Dijon, et
membre de l’Académie de Dijon.
CBC, vol. II, B.331: Broussonet à Blagden, 12 octobre 1784. Le ton des lettres de Broussonet
semble révéler une relation très proche, tant le ton utilisé par Broussonet est libre.
CBC, vol. I, A.28: Étienne-Alexandre-Jacques Anisson-Duperron à Blagden, 1er juin 1785.
Berthollet s’explique sur le mesmérisme in CBC, vol.I, B.125, 6 sept. 1784. Jean-Baptiste
Bochard de Saron parle des aérostats in CBC, vol. III, D.55, 2 sept. 1783, ainsi que A. Guyot, in
CBC, vol. IV, G.51, 2 sept. [1783].
CBC, vol. IV, L.31: Le Roy à Blagden, 10 fév. 1784, id., L.32, 20 août 1784.
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La Blancherie se plaint de Faujas de Saint-Fond à Blagden, in CBC, vol. IV, L.1, 13 juillet 1785
et L.2, 18 juillet 1785.
P. Bret, op. cit., n. 12, p. 379.
Voir Faujas de Saint-Fond, op. cit. n. 35. Voir John R. Harris, Industrial espionage and
technology transfer. Britain and France in the eighteenth century (Ashgate, Aldershot, 1998),
particulièrement p. 530–531.
OLC (1993), op. cit., n. 6: lettre de Guyton de Morveau à Lavoisier, 30 août 1788, p. 206.
Sir Gavin De Beer, The Sciences were never at war, 105–107 (Nelson, Londres, 1960).
CBC, vol. VI, ANON 11, à Blagden, rue d’Enfer, Paris, 14 floréal an 10 (4 mai 1802). Blagden
rendit compte de sa rencontre avec Bonaparte le 25 mai, voir De Beer, op. cit. n. 101, p. 107. Voir
aussi Maurice Crosland, The Society of Arcueil. A view of French science at the time of Napoleon
I, 50 (Heinemann, Londres, 1967).
Daniel Roche, Les Républicains des lettres. Gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle (Fayard,
Paris, 1988).