La résiliation du bail commercial en cas de redressement judiciaire

Transcription

La résiliation du bail commercial en cas de redressement judiciaire
Université Robert Schuman
Strasbourg III
Année universitaire : 1999 - 2000
LA RéSILIATION DU BAIL
COMMERCIAL EN CAS DE
REDRESSEMENT JUDICIAIRE du
Locataire
Mémoire soutenu par Mlle Angélique HEMMER en vue de
l’obtention du D.E.A. droit des affaires
sous la direction de M. J.L. Vallens
PLAN
PARTIE I : La résiliation du bail commercial par l’administrateur
p. 17
CHAPITRE I : Le droit de résiliation de l’administrateur après une mise en demeure du
bailleur
p. 22
CHAPITRE II : Les autres hypothèses de droit à résiliation de l’administrateur
p. 35
PARTIE II : La résiliation du bail commercial par le bailleur
p. 48
CHAPITRE I : L’interdiction de principe : la résiliation pour des causes antérieures au
jugement d’ouverture
p. 52
CHAPITRE II : La résiliation pour des causes postérieures au jugement d’ouverture
p. 66
PARTIE III : Les conséquences liées à la résiliation du bail commercial
p. 85
CHAPITRE I : Les privilèges accordés au bailleur par le droit des procédures
collectives :
-1-
une sécurité de paiement partielle
p.
88
CHAPITRE II : Une meilleure garantie de paiement pour le bailleur : le recours à des
mécanismes de droit commun
p. 99
Abréviations
AJPI
Actualité
juridique
de
la
propriété
immobilière
Ann. loyers
Annales des loyers
art.
Article
Bull. civ.
Bulletin des arrêts des chambres civiles de la
Cour de cassation
C. civ.
Code civil
C. com.
Code de commerce
CA
Arrêt de la Cour d’appel
Cass. civ.,
Arrêt de la Cour de cassation ( 1°, 2°, 3°
chambre civile)
Cass. com.,
Arrêt de la Cour de cassation (chambre
commerciale et financière)
CGI
Code général des impôts
D.
Décret
D. 2000, chr.,
Recueil Dalloz, année, partie chronique
D. 2000, I.R.,
Recueil Dalloz, année, partie informations
rapides
D. 2000, jur.,
Recueil Dalloz, année, partie jurisprudence
D. 2000, som.,
Recueil Dalloz, année, partie sommaire
D. aff.
Dalloz affaires
Defrénois
Répertoire du notariat Defrénois
-2-
Dr. et patrimoine
Droit et patrimoine
Dr. sociétés
Droit des sociétés
Gaz. Pal. 2000, I, pan.,
Gazette du Palais, année, semestre, partie
panorama
Gaz. Pal. 2000, II, doct.,
Gazette du palais, année, semestre, partie
doctrine
Gaz. Pal. 2000, I, jur.,
Gazette du Palais, année, semestre, partie
jurisprudence
Gaz. Pal. 2000, II, som.,
Gazette du Palais, année, semestre, partie
sommaire
JCP éd. E 2000, II, n° 1518
Semaine juridique, édition entreprise, année,
partie
JCP éd. E 2000, I, pan., p. 228
Semaine juridique, édition entreprise, année,
semestre, partie panorama, page
JCP éd. G 2000, I, n°
Semaine juridique, édition générale, année,
semestre, page
JCP éd. N 2000, prat., p. 108, n°
Semaine
juridique,
édition
notariale
et
immobilière, année, partie pratique, page,
numéro
JCP éd. N 2000, II, p. 188
Semaine
juridique,
édition
notariale
et
immobilière, année, semestre, page
JO
Journal officiel
L.
Loi
Loyers et copr.
Loyers et copropriété
NCPC
Nouveau Code de procédure civile
Petites affiches
Les Petites affiches
Quot. jur.
Le Quotidien Juridique
RD imm.
Revue de droit immobilier
Rev. Administrer
Revue Administrer
Rev. huissiers
Revue des huissiers
Rev. loyers
Revue des loyers
Rev. proc. coll.
Revue des procédures collectives
RJDA 2000, chronique, p. 18
Revue de jurisprudence de droit des affaires,
année, partie chronique, page
-3-
RJDA 2000, n° 318, n° 458
Revue de jurisprudence de droit des affaires,
numéro périodique, numéro
RTD com.
Revue trimestrielle de droit commerciale
RTD civ.
Revue trimestrielle de droit civil
T. com
Jugement du tribunal de commerce
INTRODUCTION
-4-
Le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres dans le cadre du droit des
procédures collectives. De sa pérennité vont dépendre les perspectives de redressement de
l’entreprise en difficulté. Aussi, au nom de la survie de l’exploitation, l’article 36 du décret du
30 septembre 1953 relatif aux baux commerciaux , dispose :
« la faillite et la liquidation judiciaire [redressement judiciaire] n’entraînent pas de
plein droit, la résiliation du bail des immeubles affectés à l’ industrie, au commerce ou
à l’artisanat du débiteur ... » .
Notons immédiatement que la résiliation anéantit uniquement le contrat à exécution
successive pour l’avenir, on ne saurait réclamer au preneur qu’il restitue la jouissance des
lieux loués ! Ce principe de non-résiliation a été repris et généralisé à l’ensemble des contrats
en cours par l’article 37 alinéa 5 de la loi du 25 janvier 1985.
La loi de 1985 est empreinte du souci de limiter autant que possible la résiliation des
contrats en cours . La raison en est simple : la volonté du bailleur de résilier le bail
commercial est antinomique avec la finalité première de la loi du 25 janvier 1985 à savoir la
sauvegarde de l’entreprise en difficulté. Effectivement, en cette période de crise qu’est le
redressement judiciaire, le contrat de bail - comme la plupart des contrats en cours - est « le
sang »1 de l’entreprise en difficulté, l’ultime richesse de l’exploitation en déclin. Le bailleur
animé par une volonté - légitime - de mettre fin au contrat de bail qui le lie avec le débiteur
failli apparaît comme un obstacle au redressement de l’entreprise voire comme le « paria »
de la procédure. Aussi, au nom de la survie de l’exploitation, le législateur a paralysé sa
faculté de résiliation du contrat de bail pour des causes antérieures au jugement d’ouverture et
l’a encadrée (strictement) pour l’avenir. La situation du bailleur est, ainsi, inconfortable en
période de redressement judiciaire mais il serait excessif de crier à l’injustice. En effet, la
1
Gastaud, synthèse in colloque C.R.A.J.E.F.E. 1996, Petites affiches 8 juil. 1996, p. 29
-5-
faculté de résilier du bailleur est une entrave au redressement de l’entreprise qu’il faut
neutraliser aux fins de sauver l’exploitation. Toutefois, en période de liquidation judiciaire, les
données du problème ne sont plus les mêmes, la sauvegarde d’entreprise n’est plus la priorité,
les créanciers reviennent au devant de la scène. Dès lors, la restriction à la faculté de résilier
du bailleur, qui pouvait se légitimer en cas de redressement, n’a plus lieu d’être. Aussi, le
bailleur recouvre-t-il une certaine liberté quant à la résiliation du contrat de bail pendant la
liquidation. Cependant, cette époque de la procédure collective ne sera pas envisagée dans
notre étude, qui se limite strictement à la phase de redressement judiciaire.
S’intéresser au sort du bail commercial en cas de redressement judiciaire du locataire
équivaut à s’intéresser à l’interférence entre le droit des procédures collectives et le droit
commun du bail. La loi du 25 janvier 1985 est à la confluence d’une multitude de droits : le
droit du travail, le droit des obligations, le droit des régimes matrimoniaux… Et c’est là, sans
doute, sa plus grande originalité. À chaque fois que le droit des procédures collectives
« télescope » les autres branches du droit, le constat est inéluctable : le régime traditionnel est
mis à mal. Le droit des baux commerciaux ne déroge pas à la règle : au contraire, la situation
est d’autant plus complexe, qu’elle nécessite la conciliation de trois régimes juridiques : le
droit commun du louage prévu par le Code civil2, le statut protecteur des baux commerciaux
résultant du décret du 30 septembre 1953 et enfin, l’article 38 de la loi de 1985 concernant le
régime spécifique du « bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise » .
L’application du décret du 30 septembre 1953 aux locataires soumis à une procédure
collective ne doit pas faire oublier que le statut des baux commerciaux a un champ
d’application propre, plus large que celui de la loi du 25 janvier 1985. En effet l’article 2
alinéa 1er de la loi du 25 janvier 1985 dispose que :
« Le redressement et la liquidation judiciaires sont applicables à tout commerçant, à
tout artisan, à tout agriculteur et à toute personne morale de droit privé » .
L’article premier du décret, quant à lui, subordonne, principalement, l’application du
statut à l’exploitation d’un fonds de commerce. En outre, ce fonds doit appartenir à un
commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés ou à un
chef d’entreprise immatriculé au répertoire des métiers. Cependant, pour diverses raisons, le
2
art. 1752 et s
-6-
législateur a entendu étendre le champ d’application du statut à certaines catégories de
locataire non commerçants ou à certains types d’activités non commerciales3. Ainsi, par
exemple, certains professionnels indépendants peuvent bénéficier de la protection du statut
des baux commerciaux.
Dans son ensemble, le décret du 30 septembre 1953 n’est déjà pas très favorable au
bailleur d’un immeuble abritant un fonds de commerce et restreint son droit à résiliation par
rapport au droit commun du louage. Le bailleur peut, certes, invoquer le manquement du
preneur à ses obligations : non-paiement des loyers, dégradation des lieux… aux fins de
rompre le bail sur le fondement de l’article 1184 du Code civil. Cependant, son droit de
résilier est limité par le droit au renouvellement du preneur. En effet, cette prérogative légale
du bailleur est la pierre angulaire du décret sur les baux commerciaux en ce sens qu’elle
confère au preneur, aux termes du contrat de bail, le droit de continuer à jouir des locaux
loués en obtenant la conclusion d’un nouveau contrat ; à défaut de renouvellement effectif, il
pourra recevoir une indemnité égale au préjudice que lui occasionne la disparition du contrat
de bail. Dès lors, la faculté de résilier du bailleur est strictement encadrée voire partiellement
paralysée. D’autant plus que le statut protecteur des baux commerciaux réglemente le jeu de
la clause résolutoire afin d’en neutraliser l’automaticité4, en précisant, dans son article 25
que :
«toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein-droit à défaut de
paiement du loyer aux échéances convenues ne produit effet qu’un mois après un
commandement de payer resté infructueux » .
En conséquence, la résiliation du bail commercial est limitée par rapport à celle du
louage civil. Cette restriction à la faculté de résiliation du bailleur est davantage accentuée
encore si une procédure collective est ouverte à l’égard du locataire. La raison en est simple :
le droit au bail est, dans bon nombre d’entreprises, l’un des éléments prépondérants du fonds
de commerce, qu’il est nécessaire de sauvegarder afin de préserver l’unité économique de
l’exploitation. À cette fin, le législateur de 1985 a restreint la faculté de résiliation du bailleur
en excluant, d’une part, toute possibilité de résilier le bail commercial du seul fait de
3
4
art. 2 D. 30 sept. 1953
Saint-Alary-Houin, La résiliation du bail commercial, Petites affiches 8 juil. 1996, p. 22
-7-
l’ouverture de la procédure collective5 et en limitant, d’autre part, les actions en résiliation
fondées sur le non-paiement d’une somme d’argent6. Ainsi, en cas d’ouverture d’une
procédure de redressement judiciaire à l’égard du preneur, la faculté pour le bailleur de
résilier le bail commercial est limitée par les deux réglementations spécifiques que sont : le
décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux et la législation sur les procédures
collectives.
Par contrat de bail, il faut entendre : « un contrat par lequel une personne (le bailleur)
remet un bien à la disposition d’une autre personne (le locataire ou preneur) et lui confère la
jouissance contre le paiement d’un certain prix (le loyer) et pendant un certain temps »7.
Cependant, la loi de 1985 ne régit pas l’ensemble des contrats de bail mais uniquement « le
bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise »8 ou bail commercial c’est-à-dire « le
bail à loyer des locaux auxquels les parties donnent une destination commerciale, industrielle
ou artisanale et qui est soumis à un statut dérogatoire au droit commun dit de la propriété
commerciale (décret du 30 septembre 1953) »9 . Dès lors, le bail d’habitation - qui a une
destination purement personnelle puisqu’il sert à l’habitation du débiteur et de ses proches doit être exclu du champ d’application de la loi sur les procédures collective ; pourtant, ce ne
fut pas toujours le cas car sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, l’article 52 visé le bail des
immeubles « affectés à l’activité professionnelle du débiteur y compris les locaux qui
dépendent de ces immeubles servant à l’habitation du débiteur ou de sa famille » .
Par ailleurs, excepté le bail d’habitation, le bail commercial doit être distingué du
crédit-bail immobilier. Cependant, eu égard à la définition donnée par l’article 1er alinéa 2 de
la loi du 2 juillet 1966, l’assimilation est tentante ; cette disposition énonce que constituent
des opérations de crédit-bail immobilier celle par lesquelles :
« une entreprise donne en location des biens immobiliers à usage professionnel
achetés par elle ou construits pour son compte, lorsque ces opérations, quelle que soit
leur qualification, permettent aux locataires de devenir propriétaires de tout ou partie
des biens loués, au plus tard à l’expiration du bail, soit par cession en exécution d’une
promesse unilatérale de vente soit par acquisition directe ou indirecte des droits de
propriété du terrain sur lequel ont été édifiés le ou les immeubles loués soit par le
5
art. 37 al. 6 L. 25 janv. 1985
art. 38 et 47 L. 25 janv. 1985
7
Garbit, Baux commerciaux in Lamy droit commercial 2000, n° 778
8
art 38 al. 1er L. 25 janv. 1985
9
Cornu, Vocabulaire juridique, V° bail commercial, P.U.F, 8° éd., 2000 ,
6
-8-
transfert de plein-droit de la propriété des constructions édifiées sur un terrain appartenant
audit locataire » .
Conformément à cette définition, l’un des éléments constitutifs du crédit-bail
immobilier est le bail d’immeuble mais est-ce suffisant pour considérer l’application du décret
de 1953 et de la loi de 1985. La doctrine était divisée. Pour certains10, l’existence parmi les
opérations juridiques d’un contrat de louage, qui en constitue l’essentiel devait entraîner
l’application du décret ; pour d’autres11, en revanche, le crédit-bail immobilier est au premier
chef une technique de financement. La Cour de cassation a mis fin à toute controverse en
retenant que le crédit-bail immobilier est une opération qui a pour objet l’acquisition d’un
immeuble par celui qui effectue des versements échelonnés sur la durée du contrat12 et que à
ce titre, il devait être exclu du statut protecteur des baux commerciaux ainsi que de l’article 38
de la loi de 198513.
Enfin, le contrat de bail et le contrat de location gérance ne doivent pas être
confondus. Ce dernier est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds de commerce
concède l’exploitation de celui-ci à une autre personne moyennant un certain prix. Dès lors,
elle constitue un bail dont l’objet est un fonds de commerce et porte, donc, sur un bien
mobilier incorporel et non sur un immeuble14. Toutefois, le droit au bail des locaux
d’exploitation peut être l’un des éléments du fonds de commerce. Dans ce cas, le locatairegérant reçoit la jouissance de locaux et une partie de sa redevance correspond à cette dernière.
La frontière entre ces deux conventions est difficile à établir ; d’autant plus que, souvent, les
parties recourent à la location gérance afin d’éluder le statut protecteur des baux
commerciaux. Le critère essentiel du contrat de location gérance est l’existence d’un fonds de
commerce et notamment d’une clientèle. La jurisprudence de la Cour de cassation est
constante, sur ce point, à défaut de transmission de clientèle, le contrat est un contrat de bail et
non une location gérance15. En conséquence, la location gérance est exclue du décret du 30
septembre 1953 et de la loi de 1985 mais les juges du fond doivent rester vigilants compte
tenu du fait que les contrats de location gérance dissimulent, souvent, des contrats de bail. La
10
Viatte, Le crédit-bail immobilier et le décret du 30 septembre 1953, Rev. loyers 1974, p. 483 ; Solal,
L’application du statut des baux commerciaux aux contrats de crédit-bail immobilier, AJPI 1978, p. 493
11
Calon, Crédit-bail immobilier et statut des baux commerciaux, JCP éd. G 1977, I, n° 2842
12
cass. 3° civ., 10 juin 1980, Bull. civ III, n° 113, p. 84
13
cass. com., 11 mars 1997, Dr; sociétés 1997, n° 82, obs. Chaput
14
Garbit, Droit commercial, op.cit, n° 782
15
cass. 3° civ., 17 juin 1975, Bull. civ III, n° 204, p. 157 ; cass. 3° civ., 18 mai 1978, Bull. civ III, n° 205, p. 159
-9-
qualification des conventions est essentiel car elle détermine le régime juridique applicable
au contrat. Une telle qualification ne saurait résulter de la simple appellation conférée par les
parties à la convention mais de la réunion de ses éléments constitutifs. À défaut, les juges du
fond pourront requalifier ladite convention.
Si le contrat est - à juste titre - qualifié de bail commercial, la faculté de résiliation du
bailleur sera limitée en cas de redressement judiciaire de son locataire. Pourtant, au fil des
législations, cette restriction s’est estompée et les droits du bailleur, dans le conflit d’intérêts
qui l’opposait au locataire, furent peu à peu restaurés.
Sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, les droits du bailleur étaient malmenés. En
effet, le débiteur assisté du syndic ou le syndic seul avait la faculté de résilier
discrétionnairement le contrat de bail avec pour seule obligation préalable la notification de sa
demande au bailleur16. En contrepartie, le bailleur pouvait - contrairement à la législation
actuelle - introduire une demande en résiliation du contrat de bail pour des causes antérieures
au jugement d’ouverture de la procédure dans un délai de trois mois ; étaient visées à la fois
les actions en résiliation judiciaire et celles visant à faire constater le jeu de la clause
résolutoire pour inexécution d’une obligation du bail antérieurement à l’ouverture de la
procédure. Malgré cette faculté offerte au bailleur par le législateur de 1967, sa situation
restait des plus inconfortables.
Son sort n’est guère plus enviable sous l’empire de la loi de 1985. En effet, les droits
du bailleur sont doublement limités : il est non seulement soumis aux restrictions
traditionnelles comme tout créancier à savoir : la suspension des poursuites individuelles,
l’obligation de déclarer ses créances, la continuation des contrats en cours… mais également
au régime d’exception de l’article 38 au terme duquel il était prévu :
« le bailleur ne peut introduire ou poursuivre une action en résiliation du bail des
immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement des loyers que
s’il s’agit des loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement d’ouverture du
redressement judiciaire ».
16
art. 52 al. 2 et 3 L. 13 juil. 1967
-10-
Le fondement d’une telle disposition est clair. Au lendemain de l’ouverture du
redressement judiciaire, les capacités financières du débiteur sont des plus limitées. Or,
permettre au bailleur d’introduire une action en résiliation au moindre incident de paiement
postérieur à l’ouverture de la procédure conduirait à ruiner toute perspective de redressement
de l’exploitation ; d’où ce moratoire de trois mois qui à l’époque correspondait à la durée
(initiale) de la période d’observation. En conséquence, le droit à résiliation du bailleur est
neutralisé au nom de la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, objet premier de la loi du 25
janvier 1985. En effet, restreindre la faculté de résilier du bailleur, c’est assurer la permanence
du contrat de bail et donc les chances de pérenniser l’entreprise
La loi de 1994, traditionnellement qualifiée de loi de restauration des droits des
créanciers, a amélioré le sort du bailleur sans que l’on puisse toutefois dire que sa situation
soit favorable. Cette amélioration vient surtout des modifications apportées à l’article 38 :
désormais, le critère conditionnant l’introduction de l’action en résiliation n’est plus la date
d’exigibilité des loyers mais l’occupation des lieux et le délai de répit de trois mois instauré
par la loi de 1985 est réduit, à présent, à deux mois. On ne peut que saluer le réalisme du
législateur : certes, il faut maximiser les chances de sauvegarder l’entreprise en difficulté mais
pas en sacrifiant, excessivement, les créanciers. La survie de l’exploitation ne doit pas, d’une
part, compromettre la situation du bailleur en obérant - trop lourdement - sa situation
financière et d’autre part, grever inutilement le passif privilégié de la période d’observation
alors que l’entreprise en difficulté était vouée à la liquidation dès les premières minutes de la
procédure collective. Par ailleurs, le nouvel article 37 - tel qu’il est issu de la réforme de 1994
- applicable à l’ensemble des contrats en cours17 a également contribué à l’amélioration du
sort du bail. Dorénavant, si l’administrateur renonce expressément à la continuation du bail en
cours ou laisse sans réponse la mise en demeure adressée par le bailleur, le contrat sera résilié
de plein droit alors que sous l’empire de la loi de 1985, le silence de l’administrateur
emportait seulement présomption irréfragable de renonciation au contrat, qui était insuffisante
pour emporter la résiliation de plein-droit18. Le nouvel article 37 a, ainsi, le mérite de clarifier
la situation antérieure. Cependant, l’innovation ne s’arrête pas là. Désormais, l’administrateur
est autorisé à poursuivre l’exécution des contrats en cours à condition de payer au comptant la
prestation promise sous peine de résiliation de la convention. Le texte va plus loin encore
puisqu’il prévoit que le mandataire qui poursuit un contrat en cours doit s’assurer qu’il
17
18
pour l’application de l’article 37 au contrat de bail : cf : II° partie, chapitre I, I.
cass. com., 11 déc. 1990, RTD com. 1991, p. 103, note Chaput
-11-
dispose des fonds nécessaires aux fins d’honorer les
échéances. D’autre part,
l’administrateur se doit d’être plus prudent et diligent quant à la continuation des contrats à
exécution ou payement échelonnés dans le temps dans la mesure où il doit y mettre fin s’il lui
apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme
suivant. La rédaction du nouvel article 37 appelle immédiatement une constatation : le contrat
de bail est désormais précaire. Effectivement, l’administrateur après avoir opté pour la
poursuite du bail peut parfaitement, quelques jours plus tard - voire quelques heures plus tard
- y mettre un terme notamment en raison de difficultés de trésorerie. Dès lors, les choix de
l’administrateur seront dictés, principalement, par les capacités financières de l’entreprise en
difficulté et non plus par l’utilité du contrat pour la sauvegarde de ladite entreprise. Ainsi, la
valeur contractuelle du contrat reprend le pas sur sa valeur économique.
En effet, dans le cadre du droit des procédures collectives, tout contrat en cours et
notamment le contrat de bail revêt un caractère dual c’est-à-dire qu’il ne doit pas seulement
être considéré comme un lien juridique unissant deux personnes mais également comme une
valeur économique. Or, en général, l’utilité du contrat eu égard au redressement de
l’entreprise va, primer les conditions de l’engagement inhérentes à sa formation19. Ainsi, la
théorie générale des obligations20 permet si l’une des parties ne respecte pas ses obligations
contractuelles tantôt de résilier21 le contrat tantôt de se prévaloir de l’exception d’inexécution.
Pourtant, dans le cadre d’une procédure collective, ces deux sanctions contractuelles sont
paralysées. La première par l’article 47 qui dispose :
« le jugement d’ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous
les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant
[…]à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent »
et la seconde par l’article 37 alinéa 4 énonçant :
« le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le
débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture » .
19
Gastaud, synthèse in colloque C.R.A.J.E.F.E. 1996, op. cit.
notamment : art. 1184 C. civ.
21
s’il s’agit d’un contrat à exécution successive, cas qui nous intéresse plus particulièrement
20
-12-
De même, l’article 38 alinéa second prévoit que le défaut d’exploitation du fonds de
commerce durant la période observation n’entraîne pas la résiliation du contrat de bail alors
même que l’exploitation est une condition essentielle de la conclusion dudit contrat. La loi de
1985 met en valeur ce caractère ambivalent du contrat de bail : valeur contractuelle – valeur
économique. Cependant, en mettant à la charge l’administrateur à la fois l’obligation de payer
au comptant et l’obligation de prévisibilité raisonnable quant aux capacités de trésorerie
futures de l’entreprise, le législateur de 1994 a témoigné du fait que l’on ne pouvait jamais
totalement s’affranchir du rapport d’obligations.
Ainsi, du cumul des articles 37 et 38 de la loi de 1985, une constatation s’impose : la
liberté de résilier du bailleur est neutralisée pour des causes antérieures à l’ouverture du
redressement judiciaire mais réglementée pour l’avenir. C’est que sur ce point, sans doute,
que la disparité de régime entre le redressement à la liquidation judiciaires est la plus notable.
En effet, l’article 153-3 dans sa rédaction de 1994 dispose dans son quatrième alinéa que :
« le bailleur qui entend demander ou faire constater la résiliation pour des causes
antérieures au jugement de liquidation judiciaire doit, s’il ne l’a déjà fait, introduire
sa demande dans les trois mois du jugement » .
Le bailleur retrouve, ainsi, un droit que la loi de 1985 lui avait enlevé à savoir introduire ou
poursuivre une action en résiliation du bail commercial pour des causes antérieures à
l’ouverture de la liquidation judiciaire. Par causes antérieures, il faut évidemment entendre
l’inexécution par le preneur d’une obligation en nature : défaut d’entretien des lieux loués,
changement de destination… mais, doit-on considérer que le texte vise également le nonpaiement des loyers antérieurs ? L’article 47 sur la suspension des poursuites individuelles et
l’article 33 alinéa premier qui interdit de payer toute créance née antérieurement au jugement
d’ouverture semble se heurter à l’application de l’article 153 - 3 alinéa 4. Pourtant, cet article
doit s’appliquer au défaut de paiement des loyers car :
Ø en premier lieu, l’article 153-3 constitue une disposition spéciale régissant le « bail
des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise » et conformément à l’adage
specialia generalibus derogant, il doit primer les règles générales qui gouvernent la
liquidation judiciaire.
-13-
Ø en second lieu, l’article 153 -3 ne distingue pas entre les manquements du locataire
consistant en l’exécution d’une obligation en nature et les manquements d’ordre
pécuniaire ; dès lors, il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas22.
En conséquence, le bailleur pourra engager une action soit en résiliation judiciaire23
soit en constatation du jeu de la clause résolutoire24 pour défaut de payement des loyers
afférent à une période de jouissance antérieure à l’ouverture de la procédure collective. Il reste
à se demander dans quel délai le bailleur doit introduire son action. Le problème repose dans
la formule sibylline de l’article 153 - 3 alinéa 4 in fine qui dispose que :
« Les dispositions de l’article 38 sont applicables » .
Considérer que la première et la seconde phrase de l’article 153 - 3 alinéa 4 forment un tout
conduit à admettre que l’action en résiliation du bail commercial ne pourra être intentée
qu’après un délai d’attente de deux mois après le jugement d’ouverture. Mais, une telle
solution n’est pas satisfaisante pour autant qu’elle aboutit à appliquer une disposition relative
à la résiliation du contrat de bail pour des causes postérieures au jugement d’ouverture (article
38) à l’article 153-3 alinéa 4 qui a trait à la résiliation pour des causes antérieures. Dès lors, il
est préférable de considérer que la dernière phrase de l’article 153-3 est autonome par rapport
au reste de l’article. Le bailleur ne pourra, ainsi, introduire une action en résiliation pour
défaut de paiement des loyers correspondant à une période de jouissance postérieure à
l’ouverture de la procédure qu’après un moratoire de deux mois alors que l’action fondée sur
des causes antérieures devra être introduite dans les trois mois du jugement25.
En conséquence, l’article 153 - 3 en fragilisant la pérennité du contrat de bail renforce
les droits du bailleur. Il deviendra, alors, un interlocuteur à part entière de l’administrateur et
pourra ainsi le contraindre à payer les échéances de retard s’il souhaite poursuivre le contrat
de bail ou encore mettre en cause son droit d’option. Ce renforcement de la position du
bailleur est légitime dans la phase de liquidation dans la mesure où la continuation du contrat
de bail n’est plus la priorité absolue ; en revanche, accorder un tel droit au bailleur pendant la
22
Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, Gaz. Pal. 1995, I, doct., p.
10
23
sur le fondement de l’art. 1184 C. civ.
24
sous réserve du respect de l’ art. 25 D. 30 sept. 1953
25
Gaudin, Le sort du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaires du preneur, D. aff. 1996,
n° 34, p. 1083
-14-
période de redressement de l’entreprise en difficulté constituerait une entrave à la sauvegarde
de l’entreprise. Ainsi, au nom de la poursuite de l’activité, le droit de résiliation du bailleur
doit nécessairement être limité - voire neutralisé quelquefois - pendant le redressement
judiciaire.
Suite au redressement judiciaire de son preneur, deux préoccupations animent le
bailleur à savoir conserver une certaine liberté de résilier le bail d’une part, et récupérer les
biens loués ainsi que préserver de bonnes chances de pouvoir recouvrer ses créances, d’autre
part. Or, de telles préoccupations ne seront pas pleinement satisfaites dans le cadre du
redressement judiciaire du locataire car s’il est vrai que la réforme de 1994 a amélioré le sort
du bailleur, il n’en reste pas moins qu’il serait excessif d’affirmer que sa position est devenue
confortable.
La loi du 1994 en réformant l’article 37 de la loi de 1985 relatif à l’option de
l’administrateur sur la continuation ou la résiliation des contrats en cours a fragilisé la
pérennité desdits contrats et par là même amélioré la situation des créanciers. En effet,
dorénavant, après une décision de principe de continuation du contrat de bail, l’administrateur
pourra être amené à réexaminer l’opportunité de son choix eu égard aux moyens financiers
dont dispose l’entreprise en difficulté pour financer « le terme suivant » . Les nouvelles
diligences mises à la charge du mandataire sont autant de limites à la poursuite du bail
commercial. Dès lors, le bailleur pourra obtenir plus aisément la libération des locaux loués.
Cependant, son sort sera largement tributaire du comportement de l’administrateur : soit qu’il
demeure silencieux consécutivement à la mise en demeure du bailleur, soit qu’il renonce
expressément à la poursuite du contrat de bail, soit qu’après avoir opté initialement pour la
continuation, il n’honore plus les échéances contractuelles ou s’estime dans l’incapacité
d’honorer les loyers à venir ( première partie ).
Quant au régime spécial du bail d’immeuble26, il limite la liberté de résilier du bailleur
aux fins d’assurer la permanence du contrat de bail et de favoriser le redressement de
l’exploitation. Ainsi, le constat quant à la faculté de résilier du bailleur ne peut être que
pessimiste. Cependant, sa situation n’est pas identique s’il se prévaut du non-paiement des
créances antérieures au jugement d’ouverture ou de celles qui sont postérieures audit
jugement. Dans le premier cas, sa liberté de résilier le contrat de bail est notablement
26
art. 38 L. 25 janv. 1985
-15-
restreinte voire neutralisée alors que dans le second, le bailleur retrouve son droit à
résiliation mais avec des restrictions par rapport au droit commun ( deuxième partie ).
Enfin, les paiements consécutifs à cette résiliation seront également restreints afin de
ne pas de grever trop lourdement le passif du débiteur. La loi de 1985 octroie, principalement,
deux garanties de paiement au bailleur d’immeuble aux fins de recouvrir les sommes qui lui
sont dues, il s’agit du privilège du bailleur et du privilège de l’article 40. Or, compte tenu de
l’efficacité relative de ces garanties le bailleur aura tout intérêt - lorsqu’il le peut - à recourir
à des techniques du droit des obligations telles la compensation ou le cautionnement afin
d’accroître ses chances d’obtenir le règlement de ses créances ( troisième partie ).
-16-
PARTIE I :
LA RESILIATION DU BAIL
COMMERCIAL PAR L’ADMINISTRATEUR
La nécessité de maintenir la plupart des contrats en cours lors de l’ouverture d’une
procédure collective apparaît comme une évidence. Il serait, en effet, illusoire d’envisager un
quelconque redressement de l’entreprise en difficulté si brusquement ses principaux
cocontractants lui faisaient défaut. À ce titre, la poursuite de certains contrats semble
-17-
indispensable voire vitale à la survie de l’entreprise. Il en va ainsi notamment de bon nombre
de contrats de fournitures et surtout du bail des locaux professionnels. Aussi, le législateur de
1985 a conféré à l’administrateur le droit de décider de la continuation ou de la non
continuation des contrats en cours sans que les cocontractants ne puissent refuser en opposant
le non-paiement des créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure collective.
La loi du 25 janvier 1985 a, cependant, passé sous silence trois points qui méritent
attention. D’une part, contrairement à ce qui est prévu en matière de liquidation judiciaire27,
aucune disposition de la loi de 1985 n’envisage la possibilité pour l’administrateur de résilier
le bail commercial dès l’ouverture de la procédure collective. Ce silence des textes peut, sans
doute, s’expliquer par le fait que le contrat de bail est tellement important pour la survie de
l’entreprise qu’il est difficilement concevable d’envisager toute perspective de redressement
sans le maintien dudit contrat. Ainsi, eu égard à la finalité assignée au redressement judiciaire,
l’administrateur ne saurait se prononcer en faveur de la résiliation dès le jugement d’ouverture
de la procédure collective. Toutefois, dans l’hypothèse - marginale - où l’administrateur serait
contraint de résilier le bail dès l’ouverture de la procédure, on voit mal quelle disposition
légale pourrait l’en empêcher. Certes, la loi de 1985 n’autorise pas expressément une telle
résiliation mais, force est de constater qu’elle ne l’interdit pas non plus. Une telle résiliation
serait en parfaite adéquation avec la finalité assignée à la loi sur les procédures collectives. En
effet, si la poursuite du bail en cours apparaissait nuisible financièrement au redressement de
l’entreprise, l’administrateur serait légitimement en droit d’y mettre fin dès le jugement
d’ouverture. Par ailleurs, dans le cas où le mandataire est mis en demeure d’opter pour la
continuation ou la résiliation du bail commercial par le bailleur, il peut parfaitement opter
initialement pour la poursuite du contrat et quelques jours plus tard voire le lendemain se
rétracter et opter pour la résiliation de ce dernier. Si une telle faculté de résiliation est ouverte
à l’administrateur consécutivement à sa mise en demeure, il serait difficilement concevable
d’envisager qu’il soit privé de la possibilité de mettre un terme au contrat de bail dès
l’ouverture de la procédure. Pourtant, une partie de la doctrine28 s’élève contre cette
interprétation et soutient que le législateur n’ayant pas prévu expressément la faculté pour
l’administrateur de résilier le bail dès le début de la procédure, seul le bailleur peut y mettre
fin après une mise en demeure adressée à celui-ci. Les arguments de ces auteurs ont le mérite
27
art. 153.3 al.4 L. 25 janv. 1985
Derrida, Godé et Sortais, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, 3° éd., n° 404 ; Grundeler,
La résiliation du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaire des entreprises, Rev.
Administer 1998 n°296, p. 13
28
-18-
de respecter scrupuleusement la lettre de l’article 37 mais semblent faire abstraction de
l’esprit de la loi du 1985. Quoi qu’il en soit ces débats auraient pu être évité si le législateur
avait clairement prévu - comme c’est le cas dans l’article 153.3 de la loi du 25 janvier 1985
pour la liquidation judiciaire - que le bail sera résilié sur la simple demande de
l’administrateur s’il est dans l’incapacité d’assurer le paiement des loyers.
D’autre part, l’article 38 de la loi de 1985 - spécifique au bail commercial - ne donne
aucune précision sur le droit éventuel de l’administrateur d’opter pour la continuation ou la
non-continuation du bail. Pourtant, au-delà des débats doctrinaux relatifs à l’autonomie du
champ d’application de l’article 38 par rapport à l’article 3729, il paraît quasi-inconcevable de
ne pas appliquer cette règle en matière de bail. D’ailleurs, si les querelles doctrinales se sont
multipliées quant à la combinaison de ces deux articles, force est de constater que l’alinéa
premier de l’article 37 n’a jamais réellement prêté à discussion30 et les auteurs semblent être
unanimement convaincus que le sort du bail au même titre que celui des autres contrats est
tributaire du choix de l’administrateur. Ainsi, l’administrateur - ou le débiteur (entrepreneur
ou dirigeant) autorisé par le juge-commissaire dans le cadre d’une procédure simplifiée31 peut exiger la continuation ou la résiliation du bail en dépit des stipulations contractuelles
contraires.
Enfin, une autre question se pose : quel est le sort du contrat de bail si le bailleur
n’adresse pas de mise en demeure et si l’administrateur ne prend pas position sur la
convention ? Une fois encore la loi de 1985 est muette sur la question. Dans ce cas, ni le
bailleur ni l’administrateur ne prend expressément position pour la continuation ou la
résiliation du contrat. Il ne saurait être résilié faute d’acte positif de la part de l’un ou l’autre
cocontractant. La convention doit continuer à lier les parties jusqu’à la décision de
l’administrateur car aucune disposition légale n’en permet la résiliation. Le bail sera, par voie
de conséquence, tacitement continué jusqu’à ce que le bailleur adresse - éventuellement - une
mise en demeure à l’administrateur. Mais, une telle hypothèse est rare : le bailleur n’entend
pas, en général, rester trop longtemps dans l’expectative quant au sort du bail commercial et
dès lors, il mettra l’administrateur en demeure d’opter. Pour cette raison, nous nous
attacherons principalement à la résiliation du bail commercial suite à la mise en demeure de
l’administrateur. Soulignons, toutefois, dès à présent que le créancier sera quelquefois hésitant
29
Cf : II° partie, chap.II, I.
contra : Auque, Le bail commercial n’est pas un contrat comme les autres, Rev. proc. coll. 1997, p. 133
31
art.141 al.2 L. 25 janv. 1985
30
-19-
à adresser une mise en demeure car les créances nées pendant la période d’observation et
relatives à des contrats en cours au jour du jugement d’ouverture, pour lesquels
l’administrateur n’a pas encore exercé son option
bénéficient de l’article 4032. Or, le
créancier pourra légitimement préférer bénéficier du privilège l’article 40 plutôt que de voir
le contrat de bail résilié de plein-droit. Il sera alors du devoir de l’administrateur de prendre
parti pour la rupture afin de ne pas grever trop lourdement le passif de la période
d’observation.
Cette faculté offerte à l’administrateur par l’article 37 alinéa premier n’a pas été
remise en cause - du moins dans son principe - par la réforme de 1994. Cette loi a, toutefois,
précisé les modalités de la prise de décision de l’administrateur et les obligations de ce
dernier. En premier lieu, le défaut de réponse de l’administrateur dans le délai d’un mois qui
lui est imparti suite
la mise en demeure du cocontractant n’emporte plus comme
précédemment présomption irréfragable de renonciation au contrat mais résiliation de plein
droit dudit contrat33. En second lieu, l’administrateur doit s’assurer lorsqu’il demande
l’exécution d’un contrat qu’il disposera des fonds nécessaires pour honorer ses engagements
et il est tenu de mettre fin aux contrats à exécution ou paiement échelonnés dans le temps
« s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du
terme suivant ». Les dispositions nouvelles mettent, ainsi, à la charge de l’administrateur une
obligation impérative de prudence qui conduira à la mise en jeu de sa responsabilité
personnelle toutes les fois où il poursuivra l’occupation des locaux sans disposer des fonds
nécessaires ou sans solliciter de délais. Cette obligation nouvelle à laquelle l’administrateur
est astreint génère une multiplication des actions en responsabilité à son encontre. Aussi, par
crainte de voir leur responsabilité engagée, les administrateurs vont - souvent - être enclins à
se prononcer en faveur de la résiliation du bail et occulter la nécessité de poursuivre ce contrat
eu égard au redressement de l’entreprise en difficulté. Les administrateurs ne vont -ils pas
alors perdre de vue l’objectif premier de la loi de 1985 : la sauvegarde de l’entreprise ?
Dès lors, l’option de l’administrateur apparaît au cœur d’un dispositif complexe, qui
s’articule dans une perspective d’ensemble. Le contrat de bail pourra être résilié peu après
l’ouverture de la procédure collective consécutivement à une mise en demeure du bailleur
( chapitre I ) ou il pourra être résilié après une décision de continuation de principe si les
32
33
cass. com. 16 oct 1990, JCP éd. E 1992, II, n° 300 note Le Corre
art. 37 al. 3 L. 25 janv. 1985
-20-
moyens financiers disponibles pour honorer le terme suivant viennent remettre en cause
l’opportunité de la décision initiale ( chapitre II ).
CHAPITRE I :
Le droit à résiliation de l’administrateur
après une mise en demeure du bailleur
-21-
La plupart des contrats en cours au jour de l’ouverture de la procédure collective sont
nécessaires voire indispensables à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Quant au maintien
du contrat de bail, il apparaît comme une pièce maîtresse du redressement de l’entreprise. Dès
lors, il est difficilement concevable d’envisager la résiliation dudit contrat à l’initiative de
l’administrateur consécutivement à la mise en demeure du bailleur. Cette option en faveur de
la résiliation semble, somme toute, théorique. Quoiqu’il en soit avant même d’examiner le
choix opéré par l’administrateur après sa mise en demeure ( II ), il convient d’examiner les
conditions préalables à l’exercice du droit d’option ( I ).
I. Les conditions préalables à l’exercice du droit d’option
Le bail commercial se poursuit de plein droit jusqu’à la décision de l’administrateur ou du débiteur sous l’autorisation du juge-commissaire en régime simplifié qui peut imposer
la continuation du contrat - d’ y renoncer expressément ou encore de laisser sans réponse la
mise en demeure adressée par le bailleur. Mais, avant même de permettre à l’administrateur
d’exercer son droit d’option, il conviendra d’examiner ce que le législateur entend par le
terme de contrats en cours et plus précisément de bail en cours ( §1 ), de voir que
l’administrateur ou le débiteur doit disposer des éléments nécessaires afin de prendre parti
( §2 ) et enfin, dans la mesure où l’on se place dans l’hypothèse où l’administrateur doit opter
suite à une mise en demeure du bailleur il faudra s’attacher à la forme et au délai de la mise en
demeure ( §3 ).
§ 1 : La notion de « bail en cours » au jour de l’ouverture de la procédure collective
La notion de contrat en cours est une notion-clé en matière de procédure collective34 et
notamment dans le cadre de l’article 37 alinéa 1er de la loi de 1985 puisqu’elle permet de
déterminer le domaine d’application de cette disposition. Il est indéniable que cette option
offerte à l’administrateur est une dérogation légale au droit commun des contrats. D’une part,
34
Derrida, La notion de contrat en cours à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, RJDA 1993,
chronique, p. 399
-22-
l’administrateur peut mettre unilatéralement et discrétionnairement un terme à un contrat
régulièrement conclu. D’autre part, le cocontractant ne saurait invoquer le non-paiement des
créances antérieures au jugement d’ouverture pour refuser l’exécution d’un contrat : la voie de
l’exception d’inexécution lui étant fermée, il ne lui restera plus qu’à déclarer sa créance
antérieure et à honorer ses engagements. Eu égard au caractère dérogatoire de l’article 37
alinéa 1er par rapport au droit civil des obligations, il serait légitime de penser que la
jurisprudence ait retenu une conception restrictive de cette disposition. Or, il n’en est rien, les
contrats ont une valeur économique telle, qu’ils apparaissent comme la clé de voûte du
redressement de l’entreprise. En particulier, le bail des locaux où s’exerce l’activité
professionnelle du débiteur est capital pour la poursuite de l’exploitation. Aussi, les tribunaux
ont tenté d’en assurer le maintien aussi souvent que possible et ils ont à cette fin adopter la
conception la plus large possible de la notion de « bail en cours » , et ce alors même que
l’article 38 ne donne pas expressément à l’administrateur le pouvoir d’opter pour la
continuation ou la non-continuation du bail.
La date d’effet de la clause résolutoire35 pour défaut de paiement des loyers est sans
nul doute la meilleure preuve de l’acceptation large de la notion de contrat en cours en
matière de bail réglementé retenue par les juges. L’hypothèse envisagée est simple : le
bailleur a fait délivrer un commandement de payer à son locataire et le délai offert à ce dernier
est expiré sans que qu’il ne se soit acquitté de sa dette. En principe, à l’expiration de ce délai,
la clause résolutoire est acquise et le bail résilié36. Dès lors, il est légitime de penser que
l’ouverture d’une procédure collective n’aura aucune incidence sur ladite résiliation et ce,
même si le bailleur n’aurait pas fait constater celle-ci afin d’obtenir l’expulsion du preneur.
Or, il n’en est rien puisque la chambre commerciale de la Cour de cassation37 a décidé qu’une
décision du tribunal relative à la constatation de la résiliation du bail n’était pas passée en
force de chose jugée « de sorte que l’action tendant à la constatation de la résiliation du bail
ne pouvait plus être poursuivie ». Cette jurisprudence de la Haute juridiction est constante
depuis lors38. En conséquence, si la clause résolutoire du bail a donné lieu à une décision
passée en force de chose jugée avant l’ouverture de la procédure collective, la résiliation est
acquise mais tant qu’une telle décision n’a pas été rendue, la clause n’a pas joué ses effets et
le bail est toujours en cours. Néanmoins, il faut préciser que si le locataire après avoir reçu un
35
cf : article 25 du décret du 30 septembre 1953
cass. 3° civ., 13 fevr. 1985, Bull. Civ III, n°33, p. 24
37
cass. com., 12 juin 1990, D. 1990, jur., p. 450 note Derrida
38
cass. com., 12 fevr. 1991, Loyers et cop. 1991, n° 262; cass. com., 14 mai 1991, D.1991, I.R., p.165 ; cass.
com., 16 mars 1993, D. 1993, I.R., p.96
36
-23-
commandement relatif à la clause résolutoire, a sollicité et obtenu des délais de paiement en
justice mais ne les a pas respectés antérieurement à l’ouverture de la procédure collective, la
résiliation sera acquise et il n’y aura plus de contrat en cours que le bailleur sera tenu
d’exécuter. Dès lors, pour déterminer si le bail est « en cours », il est indispensable de
rechercher si, à la date du jugement d’ouverture, une décision ayant force de chose jugée39 a
été ou non rendue à l’égard du débiteur.
L’exigence d’une décision passée en force de chose jugée avant le jour du jugement de
redressement judiciaire peut, à première vue, être perçue comme une volonté des tribunaux de
retenir la conception la plus large possible de la notion de « bail en cours » afin de favoriser
le redressement judiciaire de l’entreprise en difficulté, mais finalement, ces derniers ne se
contentent ils pas purement et simplement d’appliquer les règles du droit commun des
contrats pour définir si au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective le bail est
un contrat en cours.
Outre, la notion de bail en cours qui conditionne le droit d’option de l’administrateur,
ce dernier doit également avoir la vision la plus exacte possible de la situation du débiteur
préalablement à sa décision de continuer ou résilier le bail.
§2 : Une connaissance précise de la situation du débiteur
Il relève de l’évidence de préciser que l’administrateur est tenu de s’enquérir
précisément et exactement de la situation du débiteur avant même de prendre parti pour la
continuation ou la non-continuation du contrat de bail. Cette exigence se justifie non
seulement eu égard aux incidences que le maintien ou la résiliation du contrat aura sur la
survie de l’entreprise mais également compte tenu du caractère dérogatoire au droit commun
des obligations que revêt ce droit d’option reconnu à l’administrateur. Pourtant, cette tâche est
moins aisée qu’elle n’y paraît. En effet, à ce stade de la procédure, les informations sont
parcellaires et imprécises, ce qui justifie, sans doute, le fait qu’en général l’administrateur ne
prendra pas expressément position avant d’être mis en demeure d’opter par le bailleur.
39
art. 500 NCPC : « à force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif
d’exécution. Le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai de recours
si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai ». Le pourvoi en cassation n’est pas suspensif.
-24-
L’administrateur doit concilier d’une part, l’utilité du contrat pour le redressement de
l’entreprise et d’autre part, les capacités de trésorerie de cette dernière. Pour mener à bien une
telle conciliation, l’administrateur doit disposer d’un inventaire complet des actifs de
l’entreprise et éventuellement de la liste des contrats en cours pour déterminer lesquels il
serait opportun de poursuivre. Quant au bail, l’administrateur choisira dans la majorité des
cas, de le poursuivre à condition bien évidemment de disposer des moyens de financement
pour honorer les échéances. Ainsi, comme le souligne un auteur40, si l’administrateur
« dispose d’un pouvoir qualifié de discrétionnaire il ne doit l’exercer qu’à bon escient » .
Enfin, comme nous envisageons l’hypothèse où l’administrateur exercera son droit
d’option consécutivement à une mise en demeure du bailleur, il convient d’analyser la forme
et les délais de cette dernière.
§ 3 : La forme et les délais de la mise en demeure
Suite à sa déclaration de créances, le bailleur doit se préoccuper de savoir si le bail
sera ou non poursuivi. Or, en général, l’administrateur ou le débiteur est encore dans
l’incapacité de se prononcer en faveur d’un plan de continuation, un plan de cession ou une
liquidation judiciaire. Il ne prendra pas parti immédiatement pour la poursuite ou la résiliation
du bail. Le bailleur pourra alors le contraindre d’opter en lui adressant une mise en demeure :
la loi est restée obscure voire silencieuse sur la forme ( A ) et les délais de cette dernière ( B ).
A. La forme
La loi de 1985 pas plus que la loi de 1994 ne précise la forme ou le contenu de la mise
en demeure notifiée par le bailleur à l’administrateur. Le nouvel article 37 reste muet sur la
question. Pourtant, cette forme revêt une certaine importance notamment au niveau probatoire
puisqu’elle fait courir le délai d’un mois imparti à l’administrateur pour opter. Aussi, cette
mise en demeure sera - dans la majeure partie des cas - notifiée soit par lettre recommandée
avec accusé de réception soit par exploit d’huissier. La jurisprudence41 a précisé qu’elle doit
être dépourvue de toute ambiguïté. En effet, si le législateur n’a imposé aucune formule
sacramentelle, il n’en reste pas moins que la mise en demeure doit contenir une interrogation
40
41
Haehl, L’option de l’administrateur, Petites affiches 8 juil. 1996, p. 4
CA Paris, 26 févr. 1993, Loyers et copr. 1993, n° 268, note Brault
-25-
claire de l’administrateur sur sa volonté de poursuivre ou non le bail, d’une part, et sur
l’identification du bail dont il est question42, d’autre part. Les juridictions du fond sont
compétentes pour apprécier la validité de ladite mise en demeure. Il faut préciser que dans le
cadre de la procédure simplifiée c’est-à-dire sans administrateur, la sommation de poursuivre
ou non le bail sera adressée au chef d’entreprise ou au dirigeant de la société.
B. Les délais
L’article 37 dispose :
« ... le contrat est résilié de plein droit après une mise en demeure adressée à
l’administrateur restée plus d’un mois sans réponse … ».
Le délai est, donc, légalement prévu : il est d’un mois. Par contre, le texte ne mentionne pas
explicitement le point de départ de ce délai : commence-t-il à courir à compter de la
notification elle-même ou de sa réception par l’administrateur (procédure générale) ou le
débiteur (procédure simplifiée) ? La formulation de l’article 37 laisse à penser que le délai
court à compter de la réception de la mise en demeure par son destinataire. Ce délai peut être
réduit ou prorogé par le juge commissaire saisi par l’administrateur sans pouvoir excéder deux
mois. L’administrateur peut, donc, obtenir jusqu’à trois mois de réflexion pour prendre parti,
ce qui lui permettra de disposer d’éléments chiffrées précis nécessaires pour envisager les
perspectives d’avenir de l’entreprise. Le juge-commissaire est tenu de statuer dans le mois
consécutif à la notification du bailleur et la décision de prorogation relève de sa seule
appréciation43. Ce délai ainsi que sa prorogation éventuelle par le juge-commissaire n’ont pas
été modifiés par la loi du 10 juin 1994.
Une fois ces conditions préalables remplies, le choix offert à l’administrateur est
simple : ou bien il exigera la continuation du bail ou bien il se prononcera en faveur de la
résiliation.
II. Les termes de l’option de l’administrateur
42
43
cass.com., 2 févr. 1993, JCP éd. G 1994, II, n° 22212, note Lévy
cass. com., 8 déc. 1987, D. 1988, jur., p.52 obs. Derrida
-26-
La prise de position de l’administrateur peut résulter d’une décision unilatérale
formelle de l’administrateur portée à la connaissance du cocontractant : hypothèse plutôt rare
en pratique dans la mesure où il préférera pour des raisons évidentes laisser se poursuivre les
contrats en cours jusqu’à la mise en demeure du bailleur. Face à ce risque d’inertie de
l’administrateur, le législateur a mis à la disposition du bailleur le moyen de forcer sa
décision. Ainsi, selon l’article 37 :
« le contrat est résolu de plein droit après une mise en demeure adressée à
l’administrateur restée plus d’un mois sans réponse » .
Le silence conservé par l’administrateur plus d’un mois après la notification de ladite mise en
demeure vaudra décision implicite de résiliation. À ce propos, il faut souligner que le
législateur a expressément prévu que le bail est résilié de plein droit si aucune réponse n’a été
faite par l’administrateur plus d’un mois après la mise en demeure formulée par le bailleur
( §1 ) mais, paradoxalement, la loi reste muette quant à l’éventualité d’une décision expresse
de mettre un terme au bail : comment alors interpréter ce silence des textes ( §2 )?
§1 : Le silence de l’administrateur suite à la mise en demeure du bailleur
Dès 1985, le législateur a prévu que le silence de l’administrateur fait présumer sa
renonciation à la poursuite du contrat de bail et plus généralement à tous les contrats.
Toutefois, en 1994, le défaut de réponse de l’administrateur dans le délai d’un mois n’emporte
plus comme auparavant présomption irréfragable de renonciation au contrat ( A ) mais
résiliation de plein-droit dudit contrat ( B ).
A. Le régime antérieur : un alourdissement des modalités d’exercice du droit d’option
Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, l’administrateur était présumé avoir
renoncé à la continuation du bail faute d’avoir pris position dans le délai d’un mois qui lui
était imparti. La doctrine s’était interrogée alors sur la nature de cette présomption dont le
-27-
caractère irréfragable a fini par être retenu par la Cour de cassation44. La chambre
commerciale, dans son arrêt du 11 décembre 1990, ne s’est pas contentée de préciser la nature
de la présomption, elle a précisé que son caractère irréfragable ne suffisait pas à emporter la
résiliation de plein-droit du contrat. Dès lors, le bailleur se voyait contraint de saisir le juge
aux fins de faire constater la résiliation du contrat de bail.
Une telle démarche présentée l’insigne inconvénient de rendre plus contraignantes les
modalités d’exercice du droit d’option, le bailleur se voyait adjoindre deux obligations
successives : d’une part, mettre en demeure l’administrateur d’opter et d’autre part, saisir la
juridiction compétente à défaut de réponse de sa part. Philippe.H.Brault45, notamment, a
souligné les difficultés liées à une telle jurisprudence en particulier au regard des loyers
exigibles pendant la période postérieure à l’expiration du délai d’un mois jusqu’à la restitution
effective des locaux. En effet, la Cour de cassation a jugé que si le mandataire optait
expressément pour la renonciation à la continuation du bail conformément à l’article 37, il
commettait dans l’hypothèse où il ne restituait pas les locaux une faute quasi-délictuelle
susceptible d’entraîner le paiement d’une indemnité d’occupation recouvrée selon l’article
4046. Une telle indemnité présupposerait évidemment que la faute commise par
l’administrateur présente un lien de causalité avec le préjudice subi par le bailleur. Or, dans le
cas de renonciation implicite à la continuation du bail (silence de l’administrateur pendant
plus d’un mois), la présomption de renonciation - même irréfragable - n’emporte pas la
résiliation de plein-droit dudit contrat mais autorise uniquement le bailleur à s’en prévaloir
pour faire constater la résiliation. Dès lors, on pourrait en déduire que l’administrateur qui ne
restitue pas les locaux à l’expiration du délai d’un mois ne commet aucune faute dans la
mesure où il n’y est pas tenu faute de notification de la résiliation. Ainsi, à la date d’expiration
du délai d’un mois, l’administrateur est non seulement dégagé de son obligation de payer les
loyers mais, en plus, il n’aura pas à s’acquitter d’une quelconque indemnité d’occupation
faute de notification. Or, comment concevoir que malgré la rétention des locaux ni un loyer ni
une indemnité d’occupation ne soit dû .
Face à de telles incertitudes, la Cour de cassation est venue clarifier la situation en
précisant que « faute pour l’administrateur du redressement judiciaire de la société (…)
d’avoir pris parti dans le délai légal, tel que prolongé par le juge-commissaire, il était
44
cass. com ., 11 déc. 1990, Loyers et copr. 1991, n° 75, obs. Brault
cass.com., 4 févr. 1992, D.1992, somm., p. 2 ; AJPI 1992, p. 446, note Gallet
46
cass.com., 31 mars 1992, D. 1992, I.R., p. 180
45
-28-
présumé avoir renoncé à la continuation du bail et la société était sans droit ni titre de se
maintenir dans les lieux»47 . Cette intervention de la Haute juridiction n’était qu’un premier
pas puisque le législateur de 1994, soucieux de la protection du bailleur, a clarifié davantage
encore la jurisprudence antérieure.
Par ailleurs, dans une décision rendue le 13 octobre 1998 sur le fondement de l’ancien
article 37 de la loi de 1985, La Cour de cassation a décidé que dans l’hypothèse où
l’administrateur renonce à la poursuite du bail commercial , le bailleur - à l’origine de la
demande de résiliation - doit notifier sa demande aux créanciers inscrits sur le fonds48 à peine
d’inopposabilité
de la résiliation aux créanciers49. Une telle démarche a pour finalité
d’informer les créanciers inscrits du risque de disparition de l’élément le plus important du
fonds : le droit au bail. Ainsi informés, les créanciers disposent d’un mois pour intervenir
avant même que le jugement soit rendu ; ils pourront éventuellement exécuter le contrat à la
place du débiteur afin d’éviter une résiliation qui conduirait à une dépréciation de la valeur du
fonds. C’est pour cette raison que F. Pérochon et R. Bonhomme50 ont critiqué cet arrêt,
estimant que dans le cadre de la résiliation de l’article 37, une telle hypothèse n’est pas
envisageable puisque « la résiliation du bail a été décidée dans l’intérêt du débiteur en
redressement ». Cette critique sera, sans doute, prise en compte suite à la réforme de 1994 qui
a mis en place le principe de la résiliation de plein-droit en cas de défaut de réponse de
l’administrateur suite à sa mise en demeure.
B. Le régime issu de la loi de 1994 : un souci de clarification de la part du législateur
1. Le sort du contrat de bail : la résiliation de plein-droit
Sous l’empire de la loi de 1985 (non modifiée), une partie de la doctrine avait appelé
de ses vœux une réforme afin que la simple décision de l’administrateur de ne pas poursuivre
47
cass.com., 31 mai 1994, Loyers et copr., 1995, n° 217, note Brault
conformément à l’article 14 de la loi du 17 mars 1909
49
cass.com., 13 oct. 1998, D. aff. 1998. p. 1846. obs. A.-L. M. -D
50
Entreprises en difficulté – Instruments de crédit et de paiement, 4° éd., n° 204
48
-29-
un contrat suffise à entraîner sa rupture. Un auteur51 avait souligné que « la nécessité pour le
cocontractant de faire résoudre en justice son contrat, lorsque l’administrateur renonce à sa
continuation constituait un mode de rupture inutilement lourd » et préconisait, au terme
d’une analyse particulièrement développée que « les contrats en cours se trouvent résiliés de
plein droit lorsque l’administrateur n’use pas de la faculté de les poursuivre » . En 1994, le
législateur, dans l’article 37 alinéa 1 de la loi de 1985 consacre la jurisprudence antérieure52
relative aux conséquences à tirer du silence de l’administrateur consécutivement à une mise
en demeure restée infructueuse et résoud, ainsi, de manière pertinente le sort du contrat de bail
en s’inspirant des propositions de la doctrine. Désormais, le silence conservé par
l’administrateur plus d’un mois après la mise en demeure du bailleur produit des effets plus
énergiques53 qu’en 1985 : il n’emporte plus simplement une présomption irréfragable de
renonciation au contrat mais sa résiliation de plein-droit. En précisant que le contrat est
« résilié de plein droit », le nouvel article 37 alinéa 1 présente l’insigne avantage de mettre un
terme à certaines controverses nées sous l’empire de l’ancienne législation. Dorénavant, la
jurisprudence selon laquelle la résiliation du bail ne pourra prendre effet qu’au jour de sa
constatation par la juridiction compétente devra être abandonnée. Pour autant, il serait
illusoire de considérer que ce nouvel article résoud toutes les difficultés, non seulement ce
n’est pas le cas, mais, en plus, il appelle des remarques propres à sa nouvelle rédaction et
notamment à la compétence du juge-commissaire pour constater cette résiliation de pleindroit.
2. La constatation de la résiliation de plein droit par le juge-commissaire
Avant la réforme de 1994, le bail n’étant pas résilié de plein droit, le bailleur était tenu
de saisir le juge des référés afin qu’il constate la résiliation. À l’heure actuelle, la résiliation
51
Bussy-Dunaud, Les modalités de la rupture d’un contrat en cours lorsque l’administrateur renonce à sa
continuation ( article 37 de la loi du 25 janvier 1985), D. 1992, chr ., p. 23
52
cass. com., 11 déc. 1990, op. cit.
53
Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op. cit.
-30-
de plein droit sera constatée par le juge-commissaire conformément à l’article 61.1 du
décret du 27 décembre 1985 complété par le décret du 21 octobre 199454.
Ce nouvel article soulève quelques difficultés :
Ø d’une part, l’article 37, dans sa version nouvelle, prévoit la résiliation de plein-droit
des contrats en cours afin d’alléger la procédure antérieure. Or, une telle résiliation
est-elle compatible avec la saisine du juge-commissaire pour constater cette dernière ?
L’administrateur peut-il, après une mise en demeure restée plus d’un mois sans
réponse, faire produire à la résiliation tous ses effets (restitution des locaux…) ou doitil attendre l’intervention du juge-commissaire ? Au regard de la rédaction de l’article
61.1 du décret du 27 décembre 1985, la saisine du juge-commissaire semble s’
imposer . Ainsi , le texte énonce : « le juge-commissaire constate » et non pas « peut
constater ». Par résiliation de plein-droit, on entend, en principe, une rupture du
contrat sans procédure judiciaire et sans clause conventionnelle et, par voie de
conséquence, indépendamment du principe nul ne peut se faire justice à soi-même. Si
l’on retient une conception stricte de la notion de « plein- droit », on ne saurait
considérer que la résiliation instaurée par l’article 37 joue de plein-droit. Toutefois,
une certaine souplesse s’impose. En effet, le recours au juge-commissaire s’explique
aisément et ne contrevient pas au principe même de la résiliation de plein-droit : il
s’agit pour le juge-commissaire de dater cette résiliation et de lui donner une « valeur
juridictionnelle » afin d’éviter par la suite des difficultés liées aux obligations
pécuniaires de chaque partie et aux conséquences qui sont attachées. Aussi, le jugecommissaire dispose avant tout d’un pouvoir de constatation plutôt qu’ un pouvoir
d’appréciation : sa compétence est liée . Ceci est encore plus vrai dans l’hypothèse où
l’administrateur manifeste son refus de poursuivre le contrat en cours dans le délai qui
lui est imparti, le juge ne pourra que constater la résiliation dudit contrat à cette date.
Ø d’autre part, ce texte pose un autre problème lié au retard de l’administrateur dans la
restitution effective des locaux consécutivement à la résiliation de plein-droit. Quelle
juridiction le bailleur devra-t-il saisir pour solliciter l’expulsion du locataire? Sous
l’empire de l’ancien texte, la compétence du juge des référés avait été retenue.
54
« le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein-droit des contrats
dans les cas prévus aux premier et troisième alinéa de l’article 37 et à l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985,
ainsi que la date de cette résiliation »
-31-
Désormais, depuis la loi du 10 juin 1994, il appartient au juge commissaire de
constater la résiliation de plein-droit et de fixer la date de cette dernière avec les
conséquences qui en découlent. Mais, ce texte ne lui attribue nullement compétence
pour ordonner l’expulsion des occupants. Dès lors, le bailleur n’a d’autre alternative
que de saisir le juge des référés.
Sous l’empire de la loi de 1985, le silence de l’administrateur suite à sa mise en
demeure avait donné naissance à de nombreuses controverses que la loi de 1994 a eu le mérite
de réduire à néant en prévoyant la résiliation de plein-droit. Pour autant, cette réforme ne fut
pas le remède miracle à toutes les difficultés. En effet, force est de constater que le nouvel
article 37 de la loi de 1985 et l’article 61.1 du décret d’application ont également été à
l’origine d’un certain nombre d’incertitudes.
§2 : La décision expresse de mettre fin au bail : une lacune rédactionnelle de la loi de 1985
Aussi surprenant que cela puisse paraître, ni les textes antérieurs ni le nouvel article 37
de la loi de 1985 n’ont envisagé les conséquences liées au refus de poursuivre le bail
régulièrement notifié par l’administrateur dans le délai d’un mois. Cette « lacune »55 ou
« coquille rédactionnelle »56 est une évidence, qui peut être palliée par le bon sens. Comment
pourrait-on objectivement envisager que le contrat de bail se poursuive malgré le refus
valablement notifié de l’administrateur alors même qu’il est résilié de plein-droit par le
silence de ce dernier plus d’un mois après sa mise en demeure. Pour certains auteurs57, cette
oubli législatif ne mérite pas de longs débats : ils se contentent d’assimiler le silence de
l’administrateur suite à sa mise en demeure et sa décision expresse de mettre fin au bail.
D’autres, au contraire, passe totalement sous silence cette distinction. Quelle que soit la
position adoptée, elle appelle la même constatation : l’assimilation de ces deux hypothèses
est indiscutable. Pour définitivement s’en convaincre, un auteur58 a eu recours à l’analyse
téléologique et à rechercher la volonté du législateur lorsqu’il a édicté l’article 37. Sa
conclusion est inéluctable : « il ne fait aucun doute que celui-ci (le législateur) a voulu mettre
55
Brault, La résiliation du bail dans le cadre du redressement ou de la liquidation judiciaire ( loi du 25 janvier
1985 modifiée par la loi du 10 juin 1994), Gaz. Pal. 1995, I, doct., p. 243
56
Monéger, Baux commerciaux et réforme du droit des entreprises en difficulté, JCP éd N 1995, prat., p. 663, n°
3339, n° 26
57
Lemistre et Mercier, Le nouveau régime de la continuation des contrats en cours, Petites affiches 14 sept.
1994, p. 55
58
Monéger, op . cit.
-32-
fin à une incertitude sur le sort du contrat dans le cas où l’administrateur reste muet. Le
silence produit des effets résolutoires automatiques, a fortiori doit-il en être de même lorsque
l’administrateur exprime clairement sa volonté d’y mettre fin ». Enfin, on peut faire sienne la
remarque de M. Boccara59 qui indique que la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 31
mai 1994 qu’en raison de « la renonciation (de l’administrateur), la société preneuse était
sans droit ni titre à se maintenir dans les lieux par elle-même ou des occupants de son chef,
ce dont il résultait que la cession litigieuse n’avait pu conférer à ses occupants un droit au
bail que la société avait perdu » . Étant donné que suite à la renonciation de l’administrateur,
la société locatrice était sans droit ni titre, on peut logiquement en déduire que celle-ci a
entraîné la résiliation du bail commercial. Ainsi, la preuve est encore une fois apportée que la
renonciation expresse à la continuation du contrat de bail vaut résiliation de ladite convention.
Encore faut-il s’interroger sur la nature de cette résiliation : est-elle de plein droit
comme dans l’hypothèse visée à l’article 37 ? La doctrine n’est pas unanime. Pour certains
auteurs60, le refus explicite de l’administrateur de poursuivre le contrat n’entraîne pas ipso
facto sa résiliation, il faudrait à cette fin saisir le juge de droit commun et non le jugecommissaire. D’autres61, au contraire, soutiennent que le contrat est inéluctablement résilié de
plein-droit suite à la décision de l’administrateur d’y mettre fin et la constatation par le juge
commissaire s’impose. Cette position semblait être de loin la plus opportune. En effet, si le
contrat de bail est résilié de plein droit suite aux silence de l’administrateur plus d’un mois
après sa mise en demeure par le bailleur, a fortiori la manifestation expresse de volonté de
mettre un terme au contrat de bail devrait produire les mêmes effets. Il serait difficile - voire
quasi-impossible - d’expliquer que dans cette dernière hypothèse les modalités de résiliation
auxquelles l’administrateur serait astreint soient plus lourdes dans un cas que dans l’autre. De
plus, admettre cette solution conduirait – du moins pour le cas où d’administrateur opte
expressément pour la non-continuation - à revenir au système antérieur à la réforme de 1994.
Quoi qu’il en soit, au-delà des débats doctrinaux, cette lacune rédactionnelle n’a pas
eu une incidence considérable en pratique : le contentieux en la matière est peu développé.
Finalement que l’option soit exprimée de façon implicite ou résulte d’une volonté expresse de
l’administrateur, elle n’en reste pas moins le témoignage du refus de l’administrateur de
poursuivre le bail.
59
Procédures collectives et contrats en cours : La loi de réforme du 10 juin 1994, JCP éd. E 1994, II, n° 385
notamment : Haehl, L’option de l’administrateur, op.cit.
61
notamment : Lemistre et Mercier, Le nouveau régime de la continuation des contrats, op. cit. n° 10
60
-33-
L’option de l’administrateur en faveur de la non-continuation d’un contrat en cours et
notamment la conséquence majeure qui en découle à savoir la résiliation de plein-droit est
sans nul doute une des innovations les plus notables de la réforme de 1994. Elle vient mettre
un terme à toute une série d’incertitudes qui s’était développée autour de l’article 37 de la loi
de 1985. Or, cette résiliation de plein-droit n’a pas eu que des vertus salutaires. Il ne faut pas
oublier que tout contrat, au-delà des liens contractuels qui l’engendre, est une valeur
d’exploitation pour l’entreprise. Mettre un terme à un contrat, c’est diminuer la valeur
économique de l’entreprise. Le contrat de bail en est l’illustration parfaite : opter pour la noncontinuation de ce contrat appauvrirait considérablement la valeur d’exploitation de
l’entreprise et annihilerait toute chance de redressement. En raison de la nécessité d’une telle
convention, l’administrateur essayera aussi souvent que possible de la maintenir. Toutefois,
cette volonté de l’administrateur d’assurer la pérennité du contrat en cours est loin d’être
suffisante, encore faut-il qu’il en ait les moyens.
CHAPITRE II :
-34-
Les autres hypothèses de droit a résiliation
de l’administrateur
L’administrateur peut opter pour la continuation du contrat de bail. Dans ce cas,
l’objectif poursuivi par le législateur transparaît aisément : respecter et ménager les divers
intérêts en présence. Certains contrats doivent nécessairement être poursuivis afin d’assurer le
redressement de l’entreprise mais leur continuation ne doit ni grever davantage le passif du
débiteur ni permettre la survie artificielle de l’activité en plaçant le bailleur dans une situation
délicate et en diminuant le gage des autres créanciers. C’est pour cette raison, que la loi de
1994 a astreint l’administrateur à une obligation de prudence lorsqu’il a opté initialement en
faveur de la poursuite d’un contrat en cours. Aussi, le contrat de bail est plus que jamais
précaire et ce, non seulement parce que l’administrateur qui a décidé de la poursuite du bail
doit y mettre fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds nécessaires pour honorer le
terme suivant ( I ) mais également car l’article 37 alinéa 3 de la loi de 1985 prévoit une
résiliation de plein-droit du contrat continué à défaut de paiement au comptant aux dates
convenues ( II ).
I. La résiliation « prévisionnelle »
On sait que toutes les nouvelles dispositions de l’article 37 n’ont pas été accueillies à
bras ouverts par tous les administrateurs. La loi du 10 juin 1994 a mis à la charge de ceux-ci
une véritable obligation de prudence et de diligence, qui réduit notablement leur marge de
manœuvre en les obligeant à anticiper sur les défaillances effectives du débiteur ( §1 ). De
telles contraintes mises à la charge de l’administrateur durant la période d’observation risque
de le rendre plus hésitant à poursuivre certains contrats en cours de peur de voir sa
responsabilité professionnelle engagée s’il ne renonce pas à temps à poursuivre ce contrat
( §2).
§ 1 : Le droit de repentir de l’administrateur
La gestion prévisionnelle de trésorerie de l’administrateur se doit d’être minutieuse
afin de lui permettre de s’assurer au moment où il demande l’exécution d’un contrat que les
-35-
fonds disponibles sont suffisants pour honorer les échéances ( A ). Dans l’hypothèse où la
surface financière du débiteur est insuffisante pour honorer les termes de la convention, le
mandataire se doit « d’y mettre fin » . Les incertitudes qui entourent cette formule appelle des
précisions ( B ).
A. L’obligation de prévisibilité raisonnable
L’article 37 alinéa 2 dispose :
« au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l’administrateur s’assure, au
moment où il demande l’exécution, qu’il dispose des fonds nécessaires à cet effet... S’il
s’agit d’un contrat à exécution ou payement échelonnés dans le temps,
l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne dispose pas des fonds nécessaires
pour remplir les obligations du terme suivant » .
L’innovation instituée par la réforme ne passe pas inaperçue. Désormais, l’administrateur ne
pourra se contenter d’exécuter ses obligations contractuelles notamment payer les loyers et les
charges conformément à l’article 37 alinéa premier mais il devra vérifier qu’il dispose d’une
trésorerie suffisante pour payer à l’échéance le loyer, mise à part l’hypothèse marginale ou le
bailleur consent des délais de paiement. Le contrat de bail - comme tous les contrats à
exécution successive - devient précaire car sa poursuite peut être remise en cause à chaque
terme en raison de ce droit de repentir octroyé à l’administrateur. Aussi, pour souligner
l’incertitude qui entoure la permanence du contrat, un auteur62 a, justement, préféré parler de
« continuations successives suspendues à la faculté pour le débiteur de payer le loyer »
plutôt que de continuation proprement dite.
On a souvent affirmé - à raison - que le droit des procédures collectives privilégie le
contrat en tant que valeur d’exploitation plus que les liens contractuels proprement dits.
Dorénavant, dans le cadre du contrat continué, l’utilité dudit contrat pour l’entreprise en
difficulté que ce soit pour poursuivre l’activité ou pour mettre en place un plan de
redressement n’est plus la priorité absolue. L’administrateur devra essentiellement s’attacher à
la nécessité de fournir la contrepartie financière au cocontractant du débiteur failli. Le
62
R. Martin, Le sort du bail dans les procédures collectives, Ann. Loyers 1996, p. 1276, n° 26
-36-
versement de la contre-prestation promise devient une véritable obligation de moyens63 de
prévisibilité raisonnable à la charge de celui-ci. Ainsi, l’administrateur se déterminera sur le
sort du contrat de bail « au vu des documents prévisionnels dont il dispose » . Une telle
expression appelle des éclaircissements. S’agit-il des documents comptables trouvés par
l’administrateur lors de sa prise de fonctions ou de documents qu’il se doit de faire établir ? Il
va de soi que les organes de la procédure ne pourront se contenter des éléments prévisionnels
fournis par le débiteur sans scrupuleusement les vérifier soit personnellement soit en ayant
recours à un expert. Or, un tel contrôle peut nuire au bon déroulement de la procédure car sa
mise en œuvre nécessitera un lapse de temps plus ou moins long qui retardera le moment où
l’administrateur optera pour la continuation ou la résiliation du contrat continué. Il se doit,
pourtant, d’opter dans les plus brefs délais et avant même que le financement des contrats à
exécution ou payement échelonnés dans le temps ne soit compromis. Aussi, dans la majeure
partie des cas, l’administrateur prendra parti en s’appuyant sur les documents qu’il a établi ou
fait établir lors de sa prise de fonction pour gérer au mieux l’entreprise en difficulté64. En ce
qui concerne plus particulièrement les baux commerciaux en cours, l’administrateur pourra
apprécier l’opportunité de poursuivre le contrat en prenant connaissance notamment des
sommes produites au passif par le bailleur et le montant des loyers et des charges rappelé
éventuellement par le bailleur dans la mise en demeure.
En conséquence, une telle obligation de prudence impose à l’administrateur
d’anticiper sur d’éventuels impayés. Dans de telles circonstances, ne va-t-il pas être enclin à
limiter autant que possible les contrats poursuivis au détriment de la survie de l’entreprise.
L’administrateur se doit désormais d’être plus sélectif dans le choix des contrats qu’il entend
poursuivre. En restreignant de la sorte la marge de manœuvre de l’administrateur, le
législateur a voulu éviter les défaillances d’entreprises en cascade et assurer une position plus
confortable aux créanciers en leur offrant des garanties d’exécution du contrat continué.
B.Les modalités d’exercice du droit de résiliation prévisionnelle
63
64
Déclaration Dailly, Déb. Sénat, séance du 7 avril 1994, JO, p. 833
Monéger, op. cit., n° 34
-37-
Si l’on peut, à présent, comprendre les motivations qui ont conduit le législateur a
octroyer un tel droit à résiliation prévisionnelle à l’administrateur, force est de constater que
les modalités d’exercice effectives de ce droit ne sont pas mentionnées à l’article 37 alinéa 2.
En effet, cette disposition se contente de préciser :
« l’administrateur y met fin s’il lui apparaît qu’il ne disposera pas des fonds
nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant ».
Mais, que doit-on entendre précisément par le terme « y mettre fin ». Si l’on s’en tient à la
lettre du texte, il s’agit d’un pouvoir unilatéral de résiliation conféré à l’administrateur,
soumis à aucun formalisme particulier. Doit-il être assimilée à une résiliation ? Le troisième
alinéa de l’article 37 est clair sur ce point , il prévoit une résiliation de plein droit « à défaut
de paiement dans les conditions définies à l’alinéa précédent ». Or, l’alinéa second vise deux
hypothèses :
Ø soit les contrats portant sur une somme d’argent, lorsque le paiement n’a pu être
effectué au comptant et que le débiteur n’a pas consenti des délais
Ø soit dans les contrats à exécution ou payement échelonnés dans le temps, lorsque
l’administrateur se rend compte qu’il ne pourra pas honorer les échéances du terme
suivant.
La résiliation prévisionnelle étant visée à l’alinéa second de l’article 37, le terme de mettre fin
devrait perdre toute ambiguïté et être assimilé au verbe résilier.
Toutefois, certains auteurs65 objectent - à juste titre - à cette thèse de ne pas respecter
scrupuleusement l’article 37 alinéa 3 qui dispose : « à défaut de paiement dans les conditions
définies à l’alinéa précédent ». Or, dans l’hypothèse de la résiliation prévisionnelle,
l’administrateur à honorer toutes les échéances contractuelles mais a préféré mettre un terme
au contrat avant toute défaillance financière éventuelle du locataire : il n’y a eu, en principe,
aucun incident de paiement. Dès lors, on ne peut pas parler de résiliation de plein-droit mais
65
Brault, La résiliation du bail dans le cadre du redressement et de la liquidation judiciaires, op. cit. ; Haehl, op.
cit., n° 40 ; Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op. cit., n° 6
-38-
plutôt de « résiliation par la volonté unilatérale de l’administrateur »66 . Cette résiliation
nécessite aucun formalisme particulier : ni mise en demeure ni préavis ni notification aux
créanciers inscrits67. Une question reste, néanmoins, en suspend : le juge-commissaire doit–il
être saisi pour constater et dater la résiliation conformément à l’article 61.1 du décret du 27
décembre 1985 ? Le texte réglementaire est clair : le juge-commissaire subordonne son
intervention aux « cas prévus au premier et troisième alinéas de l’article 37 » hors la
résiliation prévisionnelle à l’initiative de l’administrateur est prévu par article 37 alinéa 2 et
par conséquent exempt de tout recours au juge-commissaire. Enfin, si cette résiliation
prévisionnelle ne requière aucun formalisme particulier, il n’en reste pas moins que
l’administrateur aura tout intérêt à prévenir le bailleur d’une telle résiliation par lettre
recommandée avec accusé de réception : une telle démarche aurait l’insigne mérite de fixer la
date de rupture du contrat de bail.
En conclusion, on ne peut que déplorer que l’article 37 alinéa 3 n’envisage la
résiliation de plein droit qu’ « à défaut de paiement » et non pas « en cas d’inexécution des
obligations visées à l’alinéa précédent » ce qui aurait, sans doute, permis d’appliquer sans
équivoque l’alinéa 3 de l’ article 37 aux deux cas de résiliation prévus à l’alinéa second. Sans
aller jusqu’à requérir une réforme législative, l’intervention de la Cour de cassation serait la
bienvenue pour préciser la nature et les modalités d’exercice de cette résiliation
prévisionnelle.
La loi du 10 juin 1994 a conféré à l’administrateur une maîtrise quasi-totale des
contrats en cours et plus particulièrement du bail commercial. Désormais, il pourra
parfaitement décider de la résiliation d’une convention alors même que quelques temps plus
tôt il en avait exigé sa continuation. Une telle faculté de résiliation est exorbitante de droit
commun et s’inscrit en rupture avec le régime antérieur. Sous l’empire de l’ancienne
législation, la décision de continuation de l’administrateur était irrévocable et seul le créancier
pouvait en demander la résiliation68 en cas d’inexécution par le débiteur de ses obligations. Ce
pouvoir nouveau confié à l’administrateur trouve ses limites dans l’obligation qui lui est faite
à l’alinéa second de l’article 37 d’anticiper sur la défaillance effective du preneur au vu « des
documents prévisionnels » dont il dispose. Une telle obligation suppose une gestion
66
Pédamon, op. cit.
Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la loi de réforme du 10 juin 1994, op. cit.
68
conformément à l’article 1184 du Code civil
67
-39-
minutieuse de trésorerie sous peine de prendre le risque d’une action en responsabilité toutes
les fois où il n’aura pas dénoncé à temps un contrat qu’il ne pouvait financièrement maintenir.
§ 2 : Les incidences de la réforme de l’article 37 : la multiplication des actions en responsabilité
à l’encontre de l’administrateur
Il est délicat de définir une ligne directrice pour affirmer avec certitude que la réforme
de l’article 37 est ou non bénéfique aux administrateurs. Tantôt favorable : ils ont un droit de
vie ou de mort sur les contrats en cours , tantôt défavorable : un excès d’optimisme de leur
part sur les possibilités de trésorerie de l’entreprise en difficulté d’honorer les échéances
contractuelles peut conduire à une mise en cause systématique de leur responsabilité. Comme
le souligne pertinemment un auteur69 : « l’administrateur à tous les droits sauf ceux de la
désinvolture et de l’irresponsabilité ».
Cette obligation de prudence et de diligence mise à la charge de l’administrateur a pu
amener certains à parler « d’un nouveau régime de responsabilité »70.Nouveau, certes, dans
le sens où aucune obligation de ce type - susceptible d’engager la responsabilité du
mandataire - n’était expressément mentionnée dans l’ancien article 37 mais l’innovation
s’arrête là. Cette obligation, n’est, finalement, qu’un rappel du devoir de vigilance pesant sur
tout professionnel et la contrepartie normale des larges prérogatives reconnues à
l’administrateur.
Aussi, conformément à l’article 1382 du code civil, l’administrateur engage sa
responsabilité chaque fois qu’il aura commis une faute génératrice d’un dommage. Il faut
bien avouer que pendant la période d’observation, sa responsabilité risque d’être fréquemment
engagée compte tenu du nombre de fautes qu’il est susceptible de commettre. Le nouveau
régime de l’article 37 relatif à la réitération de l’option et l’obligation prudentielle qui
l’accompagne ne font d’ailleurs qu’augmenter ces sources de responsabilité. Aussi, l’
administrateur pourra voir sa responsabilité engagée lorsqu’il a poursuivi un contrat qui
n’était pas indispensable à la survie de l’entreprise sans disposer des fonds pour le payer. À
l’inverse, il sera également considéré comme fautif s’il n’a pas sollicité la poursuite d’un
69
70
Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la réforme du 10 juin 1994, op. cit.
Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la réforme du 10 juin 1994, op. cit.
-40-
contrat primordial eu égard au redressement de l’entreprise71. La chambre commerciale de
la Cour de cassation72 a précisé que le juge devait se placer au jour de la naissance de la
créance et non en tenant compte d’éléments survenus ultérieurement pour apprécier la faute.
Ainsi présenté, le choix de l’administrateur - notamment lors de la réitération de son
option - apparaît comme un véritable « casse-tête » . Il va donc être enclin à sélectionner
minutieusement les contrats qu’il entend poursuivre. Le risque est alors grand que par crainte
de voir sa responsabilité engagée, il se montre trop prudent et résilie des contrats nécessaires
au maintien de l’activité.
Le contrat de bail est sans doute, le meilleur exemple pour illustrer ce « tiraillement »
du mandataire de justice. Le choix est cornélien : soit résilier le contrat de bail et
compromettre quasi-inéluctablement toute perspective de redressement soit poursuivre le
contrat au risque d’alourdir le passif de la période observation, d’une part, et d’engager sa
responsabilité professionnelle envers le bailleur pour manquement à son obligation de
prudence et de diligence, d’autre part.
Les créanciers, conscients du choix délicat auquel l’administrateur est soumis seront
prompts à multiplier les actions en responsabilité pour manquement à son obligation
impérative. Si les fautes susceptibles d’être commises par le mandataire se sont accrues avec
la réforme de 1994, force est de constater que toutes les actions en responsabilité ne seront pas
couronnées de succès. Pour démontrer qu’il n’est pas fautif, il appartiendra à l’administrateur
de prouver qu’au vu des documents prévisionnels dont il disposait au jour où il a réitéré son
option, il lui était impossible de prévoir la défaillance financière du débiteur. Il va de soi, que
l’administrateur ne saurait se voir imputer tout incident de paiement, il n’est pas dans sa
mission de prévoir l’imprévisible. Par contre, l’administrateur ne saurait s’exonérer de sa
responsabilité en obtenant une décision du juge - commissaire sur l’option73 car dans une telle
hypothèse, le juge-commissaire serait amené à statuer hors de ses fonctions.
La finalité première du nouvel article 37 alinéa second est seulement d’éviter que le
mandataire n’exerce son option à la légère, sans tenir compte des possibilités de trésorerie de
l’entreprise débitrice. En édictant un tel régime de responsabilité, le législateur a également
71
cass. com., 9 juin 1998, Quot. Jur. 16 juil. 1998, p.45 ; D. 1998, som., p. 329, obs. Honorat
cass. com., 17 fevr. 1998, RJDA 1998, n° 884, p. 642
73
sauf cas prévu à l’article 40 al. 3 – 3°
72
-41-
voulu mettre fin à des situations difficilement acceptables qui s’étaient développées sous
l’empire de l’ancien texte et notamment des défauts de règlement, des restitutions tardives de
locaux… De tels comportements étaient évidemment inexcusables de la part de ce « chef
d’entreprise intérimaire »74 tenu au respect des obligations légales et conventionnelles
auxquelles chaque chef d’entreprise est astreint. Un telle attitude de l’administrateur ne saurait
quoi qu’il arrive être légitimée mais elle peut s’expliquer. Sous l’empire de la loi 1985 (dans
sa version initiale), les indemnités nées de la résiliation étaient couvertes par article 40 ;
aussi, par crainte de grever davantage le passif de la période observation, l’administrateur
tardait à restituer les locaux. Depuis la réforme de 1994, le problème ne se pose plus : si le
bail est poursuivi puis résilié les dommages-intérêts doivent être déclarés au passif. Par souci
d’alléger le passif de l’article 40 et d’inciter l’administrateur à résilier au plus tôt un contrat
qu’il n’est plus en mesure de poursuivre, le législateur a fait prévaloir l’origine de la créance
sur son fait générateur conformément aux vœux du groupe de travail du ministère de la
justice75.
La multiplication des actions en responsabilité à l’encontre de l’administrateur appelle
une interrogation : le mandataire n’est-il pas finalement astreint à une obligation de résultat ?
Une telle sévérité peut s’expliquer par le fait que l’entreprise débitrice est déjà dans une
situation financière délicate et il ne saurait être question que l’administrateur l’obère
davantage en agissant à la légère.
II. La résiliation de plein-droit pour défaut de paiement comptant
Lorsque l’administrateur prend parti pour la poursuite des contrats en cours, il se doit
d’en payer le prix « au comptant » , sauf si l’administrateur obtient de la part du cocontractant
du débiteur des délais de paiement, induisant de la sorte l’application de l’article 40-3 de la loi
de1985. Bien qu’une telle obligation semble viser principalement les contrats à exécution
instantanée, il n’en reste pas moins que les fournisseurs ne sont pas les seuls à mériter une
telle garantie de paiement ; aussi doit-on estimer que la formule s’étend également à tous les
contrats à paiement ou exécution échelonnés dans le temps et par voie de conséquence au bail
commercial. Une telle obligation n’est pas une innovation de la loi de 1994 mais un rappel de
l’ancien alinéa premier devenu la troisième phrase du deuxième alinéa actuel ( § 1 ). Par
74
Guyon, Droit des affaires, t. 2,– Entreprises en difficulté- Redressement judiciaire- Faillite, 7°éd., 1999
Vallens, A propos de la réforme de la loi sur les entreprises en difficulté : le rapport du groupe de travail du
ministère de la justice, Petites affiches 18 févr. 1994, p. 11 , n° 48
75
-42-
contre, la sanction consécutive au non-respect de l’obligation de payer comptant à savoir la
résiliation de plein-droit est une nouveauté issue de la réforme ( § 2 ).
§ 1 : Les incertitudes juridiques liées à la formule « payer au comptant »
Toute la difficulté de l’article 37 alinéa 2 est de définir la formule « au comptant ».
Est-elle synonyme d’ « à l’échéance » ? Les positions doctrinales diffèrent. Pour certains76,
une telle expression signifierait que l’administrateur est tenu, dans le cadre du bail
commercial de respecter les échéances contractuelles initialement prévues ou dans
l’hypothèse d’un contrat de fourniture de marchandises de payer à la réception de la facture.
En somme, l’article 37 alinéa 2 n’instaurerait aucun régime particulier quant aux modalités de
paiement : les règles seraient similaires que le débiteur soit in bonis ou en redressement
judiciaire. Le seul changement résiderait dans le fait que le défaut de paiement à la date
prévue entraînerait la résiliation de plein-droit du contrat.
Pour d’autres, au contraire, le paiement comptant est « un paiement immédiat,
antérieur à l’échéance contractuelle »77 . Une telle analyse appelle une triple remarque :
Ø obliger le locataire ou tout autre débiteur à payer avant l’échéance prévue au contrat
contrevient à la finalité première de la loi de 1985 : sauvegarder l’entreprise en
difficulté. Dans le cadre du bail commercial, le preneur devrait payer son loyer « le
premier jour de la période de jouissance correspondante »78. Ainsi, si un loyer est
payable le premier de chaque mois, le locataire sera tenu de payer, par exemple, le 1er
janvier le loyer pour l’occupation des locaux allant du premier au 31 janvier. Force est
alors de constater qu’une telle situation - même si, en général, les contrats de bail
prévoient que les loyers sont payables d’avance - privilégie les créanciers puisque si le
débiteur est in bonis le risque d’impayé est plus grand que s’il est en redressement
judiciaire : la situation est somme toute paradoxale.
Ø par ailleurs, une telle interprétation serait en contradiction avec l’article 56 de la loi de
1985 qui prévoit : « le jugement d’ouverture du redressement judiciaire ne rend pas
76
Lemistre et Mercier, Le nouveau régime de la continuation des contrats ( article 37 de la loi du 25 janvier
1985), op.cit. ; Monéger, Baux commerciaux et réforme du droit des entreprises en difficulté, op.cit. ; Pédamon,
op. cit., n°6
77
Pérochon et Bonhomme, op.cit., n° 198
78
Pérochon et Bonhomme, op . cit.
-43-
exigible les créances non échues à la date de son prononcé ». Aussi, admettre que la
formule payer au comptant signifie « avant l’échéance contractuelle » constitue non
seulement une déchéance du terme, mais également, une atteinte à la règle en vertu de
laquelle dans le cadre d’un contrat continué, chaque partie est tenue d’exécuter les
obligations mises à sa charge par le contrat. En effet, lorsque la convention est
poursuivie, les relations entre les parties restent régies par les dispositions prévues lors
de la conclusion du contrat sans modification particulière. En privant le débiteur du
bénéfice du terme, la loi des parties n’est plus respectée.
Ø enfin, payer avant l’échéance contractuelle peut être source de difficultés sérieuses en
pratique. Comme le souligne justement MM. Lemistre et Mercier79 le payement à
l’échéance contractuelle et le seul « compatible avec le fonctionnement normal d’une
entreprise » . De plus, une telle interprétation de l’article 37 priverait le débiteur de
toute possibilité d’opposer l’exception d’inexécution en cas de non-respect de ses
engagements par son cocontractant.
Tous ces arguments sont autant de raisons de rejeter la définition : payer au comptant =
payer immédiatement, avant l’échéance contractuelle. Pourtant, aussi paradoxal et incohérent
que cela puisse paraître, cette définition doit être retenue pour un motif simple et
indiscutable : elle est la seule conforme à la lettre de l’article 37 alinéa second. Cette
disposition prend tout son sens dans le cadre des contrats à terme. Pour ceux-ci, le payement
devra nécessairement se faire avant l’échéance contractuelle au risque de faire perdre tout
utilité à ces dispositions. Effectivement, cette règle est la conséquence directe de l’inefficacité
de l’article 40 qui relègue les fournisseurs au cinquième rang . La finalité de ce texte est, par
conséquent, de prémunir efficacement les créanciers contre le risque d’ impayé car même en
leur qualité de créanciers privilégiés, les fournisseurs engagés vis-à-vis du débiteur
postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective n’étaient pas
suffisamment garantis par l’article 40 dans l’hypothèse où le chef d’entreprise ne respectait
pas les termes du contrat. Or, si l’on admet que payer au comptant équivaut à payer à
l’échéance contractuelle, le sort des créanciers n’est pas forcément meilleur car le risque
d’impayé est toujours imminent faute de moyens financiers du débiteur pour honorer ses
engagements à la date convenue. Par contre, en obligeant un paiement avant le terme stipulé à
79
Le nouveau régime de la continuation des contrats ( article 37 de la loi du 25 janvier 1985), op.cit. n° 14
-44-
l’origine, une telle éventualité est annihilée et le passif de la période d’observation n’est pas
grevé inutilement.
En conséquence, l’article 37 alinéa 2 entraîne, d’une part, la déchéance du terme, ce qui
signifie pour le locataire d’un immeuble affecté à l’activité de l’entreprise, l’obligation de
payer les loyers le premier jour de la période où il commence à jouir des locaux et, d’autre
part, la poursuite du contrat conformément à des modalités qui ne sont pas celles qui avaient
été initialement prévues.
Une telle interprétation nous conduit à constater que l’article 37 alinéa 2 améliore
davantage la situation des créanciers que celle de l’entreprise en difficulté. Le payement
antérieur à l’échéance contractuelle s’inscrit, certes, en marge des modalités de paiement
traditionnel mais sauf à retenir une maladresse rédactionnelle du législateur de 1994, cette
analyse est la seule compatible avec les dispositions légales.
Ainsi, le paiement comptant devient la règle. À défaut de se conformer à une telle
obligation, l’administrateur prend le risque de voir le contrat résilié. Encore faut-il préciser les
modalités d’exercice d’une telle résiliation.
§ 2 : Les modalités d’exercice de la résiliation
Si l’administrateur ne dispose pas de fonds disponibles suffisants pour payer au comptant
et si le cocontractant ne lui accorde pas de délais de paiement, la sanction est lourde et
immédiate : le contrat est résilié de plein droit conformément au troisième alinéa de l’article
37. Une telle résiliation peut être lourde de conséquences puisque le texte poursuit :
« le parquet, l’administrateur, le représentant des créanciers ou un contrôleur peut
saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d’observation ».
L’alinéa 3 de l’article 37 fait à nouveau référence à la résiliation de plein droit comme
c’était déjà le cas pour l’alinéa premier visant l’interrogation de l’administrateur par le
créancier sur la continuation ou la non continuation des contrats en cours. Une fois encore, la
formule « résilier de plein droit » ne dispense pas l’administrateur de la saisine du jugecommissaire aux fins de constater et dater ladite résiliation. Quant au bailleur, il ne peut,
-45-
contrairement au droit commun, prendre l’initiative de l’action résolutoire mais pourra
donner son accord à la poursuite des relations contractuelles à condition que l’administrateur
le lui demande. Notons, que dans la majeure partie des cas, le mandataire de justice sollicitera
l’aval du cocontractant pour poursuivre le contrat. Dans une telle hypothèse, le créancier sera
partagé entre la continuation de la convention et ses risques d’impayés éventuels ou la
résiliation accompagnée d’indemnités qui ne bénéficieront pas d’un paiement privilégié et
devront être déclarées au passif. Ce choix laissé à la discrétion du cocontractant du débiteur
peut être vital à la survie de l’entreprise. Le bailleur, notamment, devient « le maître du jeu »
car il est conscient de la nécessité pour l’administrateur d’assurer la pérennité du contrat de
bail eu égard au redressement de l’entreprise. La sauvegarde de l’entreprise va, alors, être
largement tributaire de la décision du bailleur d’accorder ou non des délais de règlement ; le
rôle de négociateur de l’administrateur va, ainsi, s’en trouver renforcé.
Cette résiliation de plein-droit peut avoir une conséquence irrémédiable : la saisine du
tribunal « aux fins de mettre fin à la période d’observation ». La lettre du texte est clair : il
s’agit d’une simple faculté offerte au juge, il faut dès lors espérer que la jurisprudence
applique cette nouvelle disposition avec souplesse. Il ne faut pas oublier que l’objectif
premier de la loi de 1985 est la sauvegarde de l’entreprise en difficulté ; cet objectif a, certes,
été tempéré par la loi de 1994 qui est empreinte de la volonté de limiter le passif de la période
d’observation, mais quoi qu’il en soit, il serait, somme toute, regrettable voire inconcevable
de prononcer la liquidation judiciaire au moindre incident de paiement du débiteur.
Le constat est indiscutable : le nouveau régime des contrats en cours fragilise la
permanence du bail à usage commercial ; fragilisation qui conforte la situation du bailleur qui
peut se défaire plus facilement des liens contractuels et obtenir plus aisément la libération de
ses locaux .
En conclusion, l’administrateur a entre ses mains le sort du contrat de bail et plus
généralement de tous les contrats en cours. De son comportement et de ses décisions va
dépendre la continuation ou la résiliation des conventions. Traditionnellement, on parle de
« l’option » de l’administrateur mais ne serait-il pas plus juste de parler « des options »80 .
En effet, le pouvoir décisionnel du mandataire de justice ne saurait se limiter à son droit
80
Haehl, L’option de l’administrateur, op.cit. n° 10
-46-
d’option initial ; il est tenu dans le cadre des contrats continués de réitérer son option à
chaque échéance contractuelle compte tenu des possibilités de trésorerie du débiteur.
Et, c’est là sans doute, l’innovation la plus notable de la réforme de 1994 : la précarité du
contrat continué, qui peut être résilié à tout moment. Ce pouvoir unilatéral est exorbitant
conféré à l’administrateur - d’autant plus qu’il n’est pas partie au contrat - trouve ses limites
dans les obligations auxquelles il est astreint, qui ont pour finalité de protéger les droits du
cocontractant et par voie de conséquence du bailleur. L’obligation de prudence et de diligence
mise à la charge de l’administrateur témoigne d’un certain réalisme de la part du législateur :
il faut éviter les dérives liées au maintien abusif d’une exploitation déficitaire : la sauvegarde
de l’entreprise ne doit pas se faire au détriment des créanciers. Reste à voir si le régime
spécial du bail d’immeuble affecté à l’activité de l’entreprise fait preuve des même faveurs
vis-à-vis du bailleur.
-47-
PARTIE II :
LA RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL
PAR
LE BAILLEUR
Hormis l’hypothèse du redressement judiciaire du locataire, le bailleur d’un immeuble
abritant un fonds de commerce dispose schématiquement de trois moyens - à l’efficacité
limitée - pour mettre un terme au contrat de bail :
-48-
Ø Le bailleur peut rompre le bail pour un manquement suffisamment grave du locataire à
ses obligations contractuelles ou légales conformément à l’article 1184 du Code civil.
Les motifs susceptibles d’être invoqués sont multiples : le défaut de paiement des
loyers, la modification de la destination des lieux loués, la réalisation de travaux sans
autorisation, la dégradation des lieux…
Ø L’article 5 du décret du 30 septembre 1953 prévoit81, par ailleurs, un congé avec refus
de renouvellement, qui peut être défini comme un acte juridique par lequel l’une des
parties met fin au contrat. Si ce congé s’accompagne de l’offre de payer une indemnité
d’éviction, le bailleur ne sera pas tenu de préciser les raisons de ce refus de
renouvellement82. Dans le cas contraire, les griefs du bailleur à l’encontre du preneur
doivent être mentionnés dans le congé ; l’omission ou l’insuffisance de motifs est une
cause de nullité.
Ø Enfin, le bailleur peut intenter une action visant à la constatation du bénéfice de la
clause résolutoire après une mise en demeure notifiée conformément à l’article 25 du
décret du 30 septembre 1953. La clause résolutoire est « la stipulation par laquelle le
bailleur et le preneur conviennent à l’avance que l’inexécution d’une des obligations
du contrat emportera sa résiliation »83 . Une telle clause est, en principe, licite lorsque
le débiteur est in bonis. Dans la majeure partie des cas, elle est mise en œuvre dans
l’hypothèse du défaut de paiement des loyers et des charges. L’article 25 du décret du
30 septembre 1953 réglemente strictement, cependant, le jeu de la clause résolutoire
en disposant que :
81
« par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux de locaux soumis aux dispositions du
présent décret ne cessent que par l’effet d’un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à
l’avance »
82
cass. 3 ° civ., 5 janv. 1993, Gaz. Pal. 1993, II, jur., p. 310, note Barbier
83
Garbit, Baux commerciaux in Lamy droit commercial, n° 1118
-49-
« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit à défaut de
paiement du loyer aux échéances convenues ne produit effet qu’un mois après un
commandement de payer resté infructueux » .
Cette condition de forme est un obstacle à l’automaticité de ladite clause.
Comme nous pouvons le constater, le décret sur les baux commerciaux restreint le droit de
résilier par rapport au droit commun du louage84. Si le locataire est mis en redressement
judiciaire, la situation du bailleur sera encore moins confortable. En effet, l’ouverture de la
procédure collective va influer, d’une part, sur son droit d’introduire un action en résiliation
judiciaire et d’autre part, sur le jeu de la clause résolutoire. La question qui vient
immédiatement à l’esprit est celle de savoir si le bailleur peut mettre fin au bail si son preneur
est mis en redressement judiciaire. La loi du 25 janvier 1985 pas plus que les législations
antérieures n’envisage la résiliation de plein droit du bail commercial en cas d’ouverture
d’une procédure de redressement judiciaire. Une telle disposition réduirait considérablement
voire irrémédiablement toute chance de redressement de l’entreprise. L’article 36 du décret de
1953 quant à lui, prohibe les clauses de résiliation de plein-droit stipulées dans les contrats de
bail et dispose :
« la faillite et la liquidation judiciaire n entraîne pas de plein droit, la résiliation du bail
des immeubles affectés à l’industrie, au commerce ou à l’artisanat du débiteur (…). Toute
stipulation contraire est réputée non écrite » .
Quant à la loi du 25 janvier 1985 dans son article 37 alinéa 5 , elle précise :
« nonobstant toute disposition légale ou toute clause contraire, aucune indivisibilité,
résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une
procédure de redressement judiciaire » .
En conséquence, conformément à l’objectif premier de la loi de 1985 à savoir la sauvegarde
de l’entreprise en difficulté, le redressement judiciaire - pas plus que la liquidation judiciaire n’est une cause de résiliation de plein droit du bail commercial et ce, en dépit du caractère
84
prévu par les articles 1752 et s du C. civ.
-50-
intuitu personnae du contrat de bail et de l’importance attachée par le cocontractant à
l’insolvabilité du débiteur.
Par ailleurs, le bailleur ne peut rompre le contrat de bail pour non-paiement des loyers
antérieurs à l’ouverture de la procédure collective. Effectivement, l’article 47 de la loi de
1985 précise que le jugement d’ouverture de la procédure collective interdit toute action en
vue d’obtenir « la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent » .
Aussi, le bailleur ne pourra intenter une action en résiliation du bail commercial fondée sur le
défaut de paiement des loyers antérieurs au jugement : il aura pour seule alternative de
déclarer sa créance au passif de la procédure conformément aux dispositions de l’article 50 de
la loi de 1985.
Comme nous l’avons vu, le bail commercial est une pièce maîtresse du redressement de
l’entreprise en difficulté. Dès lors, afin d’assurer la pérennité de l’exploitation, le droit à
résiliation du bailleur sera nécessairement limité par rapport au droit commun. Cependant, la
marge de manœuvre laissée au bailleur pour résilier le contrat varie selon l’origine de la
créance. Ainsi, la faculté de résilier le bail pour des causes antérieures au jugement
d’ouverture est considérablement limitée voire paralysée ( chapitre I ) ; en revanche, le
bailleur dispose d’une certaine liberté pour résilier le contrat de bail pour défaut de paiement
des créances nées après l’ouverture de la procédure collective ( chapitre II ).
-51-
CHAPITRE I :
L’interdiction de principe : la résiliation
pour des causes antérieures au jugement
d’ouverture
L’article 38 de la loi de 1985 spécialement consacré au bail commercial dispose dans
son alinéa premier tel que modifié par la réforme de 1994 qu’ :
« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation
judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de
l’entreprise pour défaut de paiement des loyers et des charges afférent à une
occupation postérieure audit jugement » .
Cet article met en exergue que seul le non-paiement des loyers et des charges postérieurs au
jugement d’ouverture peut donner lieu à une action en résiliation du bail commercial. Par
conséquent, on peut en déduire, a contrario, que la résiliation pour défaut de paiement des
sommes dues pour une occupation antérieure à l’ouverture du redressement judiciaire est
impossible. Une telle disposition viendrait alors renforcer l’article 47 de la loi de 1985 sur la
suspension des poursuites individuelles. Cette interdiction de principe vise tout à la fois la
résiliation judiciaire du bail qui ne génère aucun problème spécifique, et la résiliation du
contrat par le jeu d’une clause résolutoire non acquise avant le jugement ( I ). Une telle
prohibition perdure lorsqu’un plan de redressement est arrêté ( II ). Par contre, la rédaction de
l’article 38 ne semble pas faire obstacle à la résiliation du bail pour des causes antérieures à
l’ouverture de la procédure autres que le non-paiement des loyers et des charges ( III ).
I.L’illustration de cette interdiction de principe : le jeu de la clause résolutoire
L’article 47 de la loi de 1985 est clair : il suspend les poursuites engagées sur le
fondement d’une créance antérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective et
visant à la résolution du contrat pour défaut de paiement. Dans l’hypothèse où une clause
-52-
résolutoire85 est stipulée dans le contrat de bail, la situation se complique : il devient
nécessaire de déterminer l’ « état d’avancement »86 du mécanisme de la clause résolutoire à
la date d’ouverture du redressement judiciaire afin de définir si l’article 47 a ou non vocation
à s’appliquer. Une telle démarche se justifie par l’interférence entre l’article 47 de la loi de
1985 et l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 qui dispose :
« toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein-droit à défaut de
paiement du loyer aux échéances convenues ne produira effet qu’un mois après un
commandement de payer demeuré infructueux … ».
Toute la difficulté liée à la combinaison de ces deux articles repose sur la
détermination du moment à compter duquel la résiliation est acquise. Après une période
d’incertitudes où les positions doctrinales avaient été partagées ( §1 ), la chambre
commerciale de la Cour de cassation a mis fin à toute controverse en précisant que la mise en
œuvre de la clause résolutoire suppose une décision ayant autorité de chose jugée ( §2 ).
§ 1 : Les controverses doctrinales sur l’acquisition de la clause résolutoire
Traditionnellement, le contrat de bail contient une clause résolutoire relative à
l’inexécution par le locataire de l’une de ses obligations contractuelles et notamment le défaut
de paiement des loyers et des charges. Une telle clause est devenue de style. Si la clause
résolutoire pour non-paiement des loyers et des charges se trouve acquise avant le jugement
d’ouverture, le bailleur pourra obtenir l’expulsion du preneur en dépit des dispositions de
l’article 47 de la loi de 1985. Mais avant toute chose, il conviendra de déterminer à quel
moment la clause résolutoire est acquise : suffit-il que le délai prévu au commandement soit
expiré ou faut-il attendre qu’une décision de justice constate cette résiliation ? Deux thèses
peuvent être soutenues. La première fondée sur l’idée que la clause résolutoire est acquise dès
lors que le commandement de payer délivré par le bailleur est resté infructueux pendant un
mois conformément à l’article 25 alinéa 1er du décret de 1953. Une telle interprétation avait,
par ailleurs, séduit certaines juridictions du fond87. La seconde thèse serait fondée sur l’alinéa
second de l’article 25 qui dispose que :
85
cf introduction de cette partie pour la définition de la clause résolutoire
Gaudin, Le sort du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaires du preneur, op. cit.
87
notamment : CA Aix-en-Provence, 22 déc. 1987, D. 1989, p. 45, note Putman
86
-53-
« les juges saisis d’une demande présentée dans les formes et conditions prévues à
l’article 1244 du Code civil, peuvent en accordant des délais suspendre la résiliation
et les effets des clauses de résiliation « pour défaut de payement du loyer au terme
convenu », lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de
justice ayant acquis l’autorité de force jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le
locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».
Aussi, tant que le locataire est en mesure d’invoquer et d’obtenir des délais d’exécution la
clause peut être suspendue à tout moment. Dès lors, si à l’ouverture de la procédure
collective, la résiliation n’a pas fait l’objet d’une décision ayant l’autorité de chose jugée, la
clause résolutoire n’a pas pu jouer et le bail commercial demeure un contrat en cours soumis
à l’article 37 et 38 de la loi de 1985.
Face à de tels divergences de juridictions et controverses doctrinales, la Cour de
cassation se devait d’intervenir pour clarifier la situation.
§ 2 : La condition jurisprudentielle d’acquisition de la clause résolutoire : une décision ayant
autorité de chose jugée
La Haute juridiction est finalement intervenue pour déterminer les conditions
auxquelles l’acquisition de la clause résolutoire est subordonnée ( A ). La position qu’elle a
adopté appelle, cependant, des remarques dans la mesure où d’une part, elle ne respecte pas le
mécanisme avant tout contractuel de ladite clause ( B ) et d’autre part, elle n’a pas toujours su
tirer les conséquences liées au fait que l’ordonnance de référé constatant la résiliation n’était
pas revêtue de l’autorité de chose jugée ( C ).
A. La mise en œuvre de la clause résolutoire
La chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question
dans une espèce où le preneur avait été placé en redressement judiciaire postérieurement au
jugement constatant la résiliation du bail et ordonnant son expulsion. La décision a été frappée
d’appel. La Haute juridiction en a conclu que dans la mesure où la décision relative à la
constatation de la résiliation du bail n’était pas passée en force de chose jugée avant le
-54-
jugement d’ouverture, l’action tendant à la constatation de la résiliation devait être
suspendue88.
Il résulte de cette jurisprudence ainsi que de la combinaison des articles 38 alinéa 1er,
47 alinéa 1er de la loi de 1985 et de l’article 25 du décret du 30 septembre 1953, que le
bailleur ne pourra plus, à compter du redressement judiciaire, agir en résiliation dans les
hypothèses suivantes :
Ø lorsque le commandement a été notifié antérieurement au jugement d’ouverture mais
que le délai d’un mois n’est pas expiré à cette date
Ø de même, si le délai d’un mois est expiré avant l’ouverture de la procédure collective
mais que tantôt le bailleur n’a pas introduit d’action en justice pour constater le jeu de
la clause résolutoire tantôt a introduit une action mais aucune décision ayant autorité
de chose jugée n’a été rendue
Ø enfin, si le locataire, suite à la réception du commandement a sollicité la suspension
des effets de la clause résolutoire et obtenu des délais de paiement qu’il a respecté.
Par conséquent, le bailleur pourra poursuivre l’expulsion du preneur uniquement dans les
cas suivants :
Ø le bénéfice de la clause résolutoire a été constaté par une décision passée en force de
chose jugée
Ø le locataire, suite à la réception du commandement a sollicité des délais qui lui ont été
refusés par une décision passée en force de chose jugée antérieurement l’ouverture du
redressement judiciaire
Ø le locataire a obtenu des délais de paiement mais ne les a pas respectés dans la période
antérieure à l’ouverture du redressement judiciaire. Dans une telle hypothèse, la clause
résolutoire a joué dès la première défaillance du débiteur.
88
cass. com., 12 juin 1990, op. cit.
-55-
Désormais, l’expulsion du locataire ne pourra avoir lieu que si le bailleur avait
antérieurement au jugement d’ouverture un droit acquis à la résiliation c’est-à-dire qu’une
décision de justice passée en force de chose jugée constatant la résiliation ait été rendue avant
le début de la procédure. Une telle solution a pour effet de retarder le moment de la résiliation
effective. L’expulsion, quant à elle, est avant tout une mesure sur la personne et non sur les
biens qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 47 et peut, donc, être
valablement poursuivie postérieurement à l’ouverture de la procédure. La Cour de cassation a,
en effet, décidé que la clause résolutoire prévue dans le contrat de bail ayant produit ses effets
avant l’ouverture de la procédure collective, l’expulsion ne constitue pas une voie d’exécution
au sens de l’article 4789.
B.Le mécanisme contractuel de la clause résolutoire mis à mal par le droit des procédures
collectives
Une telle solution est critiquable. En effet, en matière de clause résolutoire, la résiliation
devrait intervenir par l'effet d'un mécanisme purement contractuel : le contrat de bail étant
résilié de plein droit à l'expiration du délai prévu par le décret du 30 septembre 1953. Le juge
peut simplement constater le jeu de la clause résolutoire et ne dispose d’aucun pouvoir
d'appréciation : sa décision est purement déclarative et ne saurait, en principe, remettre en
cause des situations contractuelles appelées à jouer de plein-droit.
On pourrait, donc, estimer que même si le bailleur n'a pas encore saisi le juge pour
constater cette résiliation aux fins d'expulser le locataire, le jugement d'ouverture du
redressement judiciaire sera sans incidence sur ladite résiliation. À ce titre, la loi du 13 juillet
1967 n'était pas restée hermétique à ce type d'argumentation puisqu'elle permettait au bailleur
d'agir dans les trois mois de jugement pour faire constater la résiliation. La loi du 25 janvier
1985, quant à elle, ne contient aucune indication de ce style et reste relativement muette sur la
question. L'article 47 de la loi est souvent invoqué pour justifier la suspension du jeu de la
clause résolutoire mais force est de constater que cette disposition interdit uniquement les
actions en résolution pour défaut de paiement mais nullement celles visant à faire constater
une résiliation conventionnelle intervenue avant l'ouverture de la procédure.
89
cass. 3° civ., 24 févr. 1990, RTD com. 1990, p. 478, obs. Chaput ; Rev. huissiers 1990, p. 1058, note Martin
-56-
Pour autant, si l’automaticité de la clause résolutoire serait davantage en adéquation avec
les principes juridiques, il n'en reste pas moins que la Cour de cassation - comme nous l'avons
vu - impose une solution différente pour les baux soumis au décret du 30 septembre 1953.
Ainsi, le constat pour le bailleur ne peut être que pessimiste : sa liberté de résilier est des plus
limitée. En effet, il sera désormais long et difficile pour lui d'obtenir un véritable droit acquis
à la résiliation car il est relativement rare qu'une décision de justice constatant la résiliation du
bail commercial exempt de tout recours suspensif soit rendue avant le jugement d'ouverture
de la procédure collective. Comme le souligne F.Pérochon et R. Bonhomme : « le cas risque
d'être exceptionnel car le débiteur menacé de résiliation a tout intérêt à déposer son bilan
pour bénéficier du jeu des articles 37 et suivants... »90.
C.La limite de cette jurisprudence : l’absence d’autorité de la chose jugée de l’ordonnance de
référé ?
En général, le bailleur qui souhaite agir en constatation du jeu de la clause résolutoire est
tenu de saisir le Président du tribunal de grande instance en sa qualité de juge des référés un
mois après avoir notifié au locataire un commandement de payer, resté infructueux.
Comme nous l’avons vu, si l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée
avant l’ouverture du redressement judiciaire, le droit à résiliation du bailleur est acquis et il
pourra, en principe, poursuivre l’expulsion du preneur par la suite. Il conviendrait peut-être
d’être moins catégorique et de se rappeler qu’une telle ordonnance n’a pas l’autorité de la
chose jugée au principal91. Dès lors, si le locataire venait à saisir les juges du fond, elle
pourrait être remise en cause. Certaines juridictions inférieures, ont pourtant contesté cette
absence d’autorité de chose jugée en soutenant que dans le cadre d’une ordonnance de référé
constatant la résiliation d’un bail commercial en vertu d’une clause résolutoire, le juge
constate simplement par une décision déclarative le jeu de ladite clause de telle sorte que
l’ordonnance ne saurait être remise en cause. Toutefois, la Cour de cassation n’hésite pas à
censurer de telles décisions92. Une telle jurisprudence de la Haute juridiction appelle une
interrogation : les juges du fond seront-ils enclins à remettre en cause l’ordonnance de référé
ayant constaté le jeu de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ? Une des
rares hypothèses envisageable serait celle où le bailleur a mis en œuvre des manœuvres
90
Entreprises en difficulté –Instruments de crédit et de paiement, op. cit., § 204
art. 488 NCPC
92
cass. 3° civ., 12 oct. 1994, RD imm. 1995, p.172, note Collart-Dutilleul et Derrupé
91
-57-
frauduleuses pour obtenir la résiliation du bail : il en serait ainsi, par exemple, s’il a signifié
le commandement au preneur pendant les congés annuels de l’entreprise.
Même si l’hypothèse est marginale, on peut tout de même se demander quels seraient les
moyens envisageables pour éviter un risque éventuel de remise en cause de l’ordonnance. La
solution serait de faire constater la résiliation par une décision des juges du fond mais elle
présenterait l’inconvénient majeur d’engager le bailleur dans une procédure relativement
longue et n’aboutirait pas forcément à un jugement assorti de l’exécution provisoire93. Dès
lors, la solution envisagée par R . Martin fondée sur le jeu entre les concepts d’ autorité de
chose jugée et de force de chose jugée apparaît comme la plus satisfaisante : « Il suffit que les
juges du fond, pour se mettre à l’abri d’une cassation, s’abstiennent d’accorder à la décision
de référé l’autorité de la chose jugée et qu’il se limite à indiquer que l’effet de la clause a été
constatée dans une décision qui même provisoire est passé en force de chose jugée »94.
En conclusion, il est dans l’intérêt du bailleur de mettre en jeu la clause résolutoire le plus
rapidement possible sous peine d’être privé de ses effets si son preneur venait à être placé en
redressement judiciaire avant qu’il ne dispose d’un droit acquis à la résiliation. L’obligation
- contraignante - faite au bailleur de disposer d’une décision constatant la résiliation passée en
force de chose jugée apporte la preuve que la loi du 25 janvier 1985 pose une interdiction
générale de résilier le bail commercial pour défaut de paiement d’une somme d’argent
antérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire.
De telles restrictions à la liberté de résiliation du bailleur ne sont pas propres à la période
d’observation mais perdure en cas d’arrêt d’un plan de redressement qu’il soit de continuation
ou de cession.
93
Grundeler, La résiliation du bail commercial en cas de redressement ou liquidation judiciaires du locataire,
op.cit.
94
R. Martin, Le sort du bail dans les procédures collectives, Ann. Loyers 1996, p. 1272, n° 17
-58-
II. La résiliation pour des causes antérieures au jugement d’ouverture également
neutralisée dans le cadre d’un plan de redressement
L’alinéa second de l’article premier de la loi du 25 janvier 1985 dispose :
« le redressement judiciaire est assuré selon un plan arrêté par décision de justice à
l’issue d’une période d’observation. Ce plan prévoit soit la continuation de
l’entreprise, soit sa cession ».
Ainsi, le plan apparaît comme un moyen mis au service de l’entreprise afin d’en assurer le
redressement. Envisagé en tant que tel, il apparaît difficile de concevoir que le bailleur
retrouve son droit à résiliation pour des causes antérieures au jugement d’ouverture de la
procédure collective que ce soit dans le cadre d’un plan de continuation ( §1 ) ou d’un plan de
cession ( §2 ).
§1. Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de continuation
Au terme de l’article 69 alinéa 1 de la loi de 1985 :
« le tribunal décide… la continuation de l’entreprise lorsqu’il existe des possibilités
sérieuses de redressement et de règlement du passif » .
À compter du jugement qui arrête le plan de continuation, la période d’observation prend fin
et le débiteur recouvre, en principe, la plénitude de ses prérogatives95. La question est alors de
savoir si le bailleur retrouve également la pleine jouissance de ses droits lui permettant, ainsi,
d’exercer une action en résiliation du bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou
des charges antérieures à l’ouverture de redressement judiciaire ou de mettre en jeu la clause
résolutoire, neutralisée pendant la période d’observation. Même si le législateur n’a pas
expressément exclu une telle hypothèse, la réponse se doit d’être négative conformément,
d’une part, à l’esprit de la loi du 25 janvier 1985 et , d’autre part, à la nature juridique du plan.
Effectivement, le bailleur et tous les cocontractants du débiteur ont définitivement déclaré
leurs créances à la procédure conformément à l’article 50 ; aussi, seront-ils payés
95
sous réserve du respect des art. 65 à 80 L. 25 janv. 1985
-59-
conformément aux modalités d’exécution du plan et il ne saurait être question pour eux
d’invoquer le non-paiement des créances antérieures. Comme le souligne MM. Jeantin et Le
Cannu : « la procédure collective a, sur ce point, apuré le passif »96. En somme, lorsqu’un
plan de continuation est arrêté, les contrats en cours sont poursuivis de plein-droit et le
bailleur ne pourra ni intenter une action en résiliation judiciaire pour non-respect par le
preneur de ses engagements antérieurs ni se prévaloir des mêmes causes pour faire jouer la
clause résolutoire. Les titulaires de créances antérieures auront, alors, pour seule alternative de
se soumettre au régime uniforme de paiement - prévu par les articles 74 et suivants de la loi
de 1985 - en espérant un jour être payés. Dans l’hypothèse où le plan de continuation serait
résolu pour non-respect par le débiteur de ses engagements, la même solution devrait être
reconduite dans la mesure où consécutivement à la résolution du plan, une nouvelle procédure
collective serait ouverte et que le bailleur ne pourrait se prévaloir du défaut de paiement des
loyers ou des charges antérieures à ladite procédure97. Notons que le bailleur recouvre son
droit à résiliation du contrat de bail, si le preneur ne respecte pas ses obligations contractuelles
dans le cadre du plan. En effet, consécutivement au jugement arrêtant le plan, le locataire est,
à nouveau, considéré in bonis. Aussi, tout défaut de paiement du créancier à l’échéance
convenue ouvre la possibilité au bailleur d’exercer les actions du droit commun que se soit en
paiement ou en résiliation.
En conséquence, une fois de plus, les principes de la loi de 1985 sont respectés : le
bailleur est privé de son droit à résiliation pour des causes antérieures au jugement
d’ouverture, il devra se contenter de n’être qu’un « créancier des dividendes inscrits au
plan »98.
§ 2. Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de cession
Une seconde voie peut être empruntée pour mener à bien le redressement de l’entreprise :
la cession de l’entreprise. Ses finalités sont similaires à celle du plan de continuation à savoir
redresser l’entreprise et payer les créanciers.
96
Droit commercial, Instruments de paiement et de crédit – Entreprises en difficulté, 5° éd., n° 714
CA Paris, 23 mars 1988, JCP éd. E 1988, II, n° 15335, obs. Cabrillac
98
Saint-Alary-Houin, La résiliation du bail commercial, op.cit., n° 21
97
-60-
La cession est une solution externe : il s’agit de transmettre l’entreprise ou certaines
branches d’activité à un tiers qui d’une part, en paie le prix et d’autre part, s’engage à
redresser l’exploitation déficitaire. Conformément à l’article 86 alinéa 1 de la loi de 1985 :
« le tribunal détermine les contrats de crédit-bail, de location ou de fournitures de
biens ou services nécessaires au maintien de l’activité » .
Cette atteinte à la liberté contractuelle99 se justifie eu égard au caractère essentiel de certains
contrats pour assurer le redressement de l’entreprise : le contrat de bail fait évidemment parti
de ceux-là et sera, en principe, cédé avec les actifs. On peut, alors, se poser la même question
que dans l’hypothèse du plan de continuation : le bailleur retrouve-t-il son droit de résilier le
bail commercial pour non-paiement des loyers et des charges antérieures à l’ouverture de la
procédure ?
La réponse semble plus évidente encore que dans l’hypothèse précédente et repose dans
la définition même de la cession. Le cessionnaire n’a aucune obligation vis-à-vis des
créanciers du cédant et il n’est en aucune façon tenu de ses dettes100 : le cessionnaire n’est pas
l’ayant cause à titre universel du cédant. Dès lors, il est inconcevable que le bailleur puisse
opposer au preneur le défaut de paiement des loyers antérieurs au jugement d’ouverture pour
obtenir la résiliation du bail commercial. Admettre une telle éventualité serait irréaliste et
découragerait, par avance, tout repreneur potentiel.
Par ailleurs, le contrat de bail contient, fréquemment, des dispositions qui réduisent les
possibilités de transmission de la convention tantôt en prévoyant l’autorisation du bailleur
avant toute cession éventuelle tantôt en stipulant une clause de préemption. Or, de telles
clauses sont privées d’effet et dès lors, ne sauraient être opposées par le bailleur à
l’administrateur pour obtenir la résiliation du bail. Le jugement qui emporte la cession doit
s’exécuter en dépit des clauses contraires. Ce qui explique que la loi de 1985 prévoit
expressément dans son article 38.1 tel qu’il est issu de la loi de 1994 qu’ :
99
dans la mesure où le cocontractant se voit imposer un nouveau partenaire
sauf, dans certaines hypothèses, pour les biens grevés d’une sûreté
100
-61-
« en cas de cession du bail, toute clause imposant au cédant des dispositions
solidaires avec le cessionnaire est inopposable à l’administrateur ».
Ainsi, l’article 38.1 prévu initialement pour la clause de solidarité semble avoir été
généralisé aux autres clauses de même nature, privant de la sorte le bailleur de toute action en
résiliation du contrat de bail sur le fondement du non-respect desdites clauses101.
Aussi, comme dans le cas d’un plan de continuation, dans l’hypothèse d’un plan de
cession, le bailleur ne peut se prévaloir du non-respect des engagements antérieurs pour
obtenir la résiliation du contrat de bail. Cependant, en cas de manquement de son nouveau
partenaire à ses obligations, le bailleur retrouve la pleine jouissance de ses droits.
Enfin, une dernière question pourrait être posée : le bailleur doit-il ou plus justement peutil demander la résiliation du contrat de bail non cédé ( hypothèse somme toute théorique ) ?
La loi de 1985 ne semble pas s’être intéressée directement à la question. À première vue, il
serait tentant de rapprocher cette hypothèse de celle de l’article 37 prévoyant la résiliation de
plein-droit des contrats en cours en cas de renonciation à leur poursuite par l’administrateur.
Mais, une telle approche est pertinemment rejetée par M-H. Monsérié102 qui souligne que les
deux situations ne peuvent être assimilées dans la mesure ou dans le cadre de l’article 37
l’intervention du juge-commissaire pour constater la résiliation est nécessaire pour
« juridiciser » la rupture alors que pour le contrat non cédé, le tribunal a déjà statué sur
l’absence de cession et une autre intervention judiciaire serait superflue. Dès lors, l’auteur
propose de retenir la caducité du contrat « qui ne résulte pas de la perte d’un des éléments de
validité du contrat après sa conclusion mais de la perte de l’utilité du contrat appréciée par
rapport à l’objectif de redressement de l’entreprise ».
Le principe selon lequel le créancier ne peut agir en résolution pour manquement du
débiteur à ses obligations pécuniaires antérieures à l’ouverture du redressement judiciaire est
strictement respecté tant durant la période d’observation que durant le plan de redressement.
La raison est évidente : les chances de survie de l’entreprise en difficulté deviendraient
purement hypothétiques voire illusoires si tous les créanciers pouvaient actionner le débiteur
en paiement pour des causes antérieures à la procédure. Pourtant, force est de constater que
101
V. jurisprudence citée par Soinne in Rev. proc. coll.1995, p. 171
Les contrats dans le redressement et la liquidation judiciaire des entreprises, préface C. Saint-Alary-Houin,
Bibl. de droit de l’entreprise, Litec, 1994, n° 415 et ss.
102
-62-
l’article 47 de la loi ne paralyse pas la faculté de résilier le bail pour des raisons autres que le
non-paiement d’une somme d’argent.
III. Une exception marginale à cette interdiction : la résiliation du contrat de bail
pour des causes autres que le non-paiement des loyers et des charges
La loi du 25 janvier 1985 paralyse le droit du bailleur de résilier le contrat de bail pour
non-paiement des loyers et des charges nées antérieurement au jugement d’ouverture du
redressement judiciaire. Pourtant, il existe une hypothèse où le bailleur retrouve la pleine
jouissance de son droit, il s’agit de la résiliation pour des causes autres que le non-paiement
des loyers. En effet, l’article 47 de la loi de 1985 relatif à l’arrêt des poursuites individuelles
suspend ou interdit uniquement les actions en justice tendant :
Ø « à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent »
Ø « à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent ».
Ne sont visées dans ces dispositions que les défaillances à caractère pécuniaire et ce, pour
une raison évidente, elles seules peuvent faire l’objet d’une déclaration de créance au passif
de la procédure conformément à l’article 50. Aussi, s’il s’agit non pas du défaut de paiement
des loyers ou des charges, mais de le l’inexécution d’une obligation de faire telle que : le
défaut d’entretien des lieux loués, l’inexécution de l’obligation d’assurance ou encore si le
bailleur souhaite récupérer les locaux loués pour les reconstruire, les surélever ou les
restaurer… le bailleur sera en droit de réclamer la résiliation du bail.
Une question peut se poser : l’action en résiliation pourrait-elle être fondée sur le défaut
d’exploitation des lieux loués? L’article 38 dans son dernier alinéa dispose :
« le défaut d’exploitation pendant la période d’observation d’un ou plusieurs
immeubles loués par l’entreprise n’entraîne pas sa résiliation de plein droit ».
Le texte répond à la question en visant uniquement le défaut d’exploitation pendant la période
d’observation et non avant l’ouverture de la procédure collective. Cependant, il faut rester
prudent car dans l’hypothèse où le défaut d’exploitation a commencé avant le jugement
-63-
d’ouverture mais s’est poursuivi ultérieurement, l’article 38 sera appelé à jouer et le bailleur
ne pourra poursuivre son action en résiliation du bail commercial.
L’action en justice ne requiert aucun formalisme particulier, il suffit au bailleur de mettre
en cause, dans la procédure en cours, l’administrateur et le représentant des créanciers. La loi
du 13 juin 1967 avait limité dans le temps le droit d’agir du bailleur, mais une telle disposition
ne fut pas reprise par la loi de 1985 du moins pour le redressement judiciaire car dans le cadre
de la liquidation judiciaire, cette même action en résiliation est enfermée dans un délai de
trois mois à compter du jugement d’ouverture103 afin d’éviter, dans la perspective d’une
cession éventuelle qu’un contrat en cours ne soit résilié trop tardivement.
Pour être complet, il faut préciser que certains auteurs se refusent à reconnaître au bailleur
un tel droit à résiliation pour des causes autres que le non-paiement des loyers antérieurs au
jugement d’ouverture. Se fondant sur l’article 37 alinéa 5 de la loi de 1985 qui dispose : « le
cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur
d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture », ces auteurs en déduisent que le bailleur
ne pourrait ni poursuivre ni introduire une demande en résiliation judiciaire pour une cause
antérieure à l’ouverture de la procédure et ce quelle que soit la nature du manquement dont il
est question.
Or, une telle opinion est contestable eu égard à la dernière phrase de l’article 37 alinéa 5
qui précise : « le défaut d’exécution de ses engagements n’ouvre droit au profit des créanciers
qu’à déclaration au passif ». L’article 37 ne vise, ainsi, que les défauts d’exécution qui
peuvent donner lieu à une déclaration au passif conformément à l’article 50 de la loi de 1985
c’est-à-dire des défaillances exclusivement pécuniaires. Dès lors, les causes de résiliation
autre que le non-paiement des loyers et charges sont exclues du champ d’application de
l’article 37 alinéa 5.
Si la résiliation pour des causes autres que le non-paiement des loyers peut être judiciaire,
il ne faut pas oublier qu’elle peut également résulter de la mise en jeu d’une clause
résolutoire. Dans ce cas, les règles applicables à la clause résolutoire visant le non-paiement
des loyers et des charges ne seront pas intégralement transposables. Effectivement, même si le
bail n’est pas résilié au jour du jugement d’ouverture, le bailleur pourra introduire ou
103
art. 153-3 al. 4
-64-
poursuivre une action en justice tendant à la constatation de la résiliation conventionnelle
pour toute défaillance antérieure au jugement d’ouverture autre que le défaut de paiement
d’une somme d’argent.
Toutefois, il existe une constante entre la clause résolutoire pour non-paiement des loyers
et des charges et celle relative aux causes autres que le non-paiement d’une somme d’argent :
la résiliation est définitivement acquise que suite à une décision ayant autorité de chose jugée
constant le jeu de ladite clause. Dès lors, elle pourra être remise en cause par le preneur
jusqu’à cette date.
En conséquence, la rupture du contrat de bail pour des causes autres que le non-paiement
des loyers et des charges est l’une des rares hypothèses où le bailleur va pouvoir utiliser avec
une certaine liberté son droit de résilier. Dans les autres cas c’est-à-dire lorsque les
défaillances du débiteur antérieures au redressement judiciaire ont un caractère pécuniaire, le
droit de résilier du bailleur est paralysé. Ce « gel » du droit à résiliation est une fois encore,
justifié par l’esprit de la loi de 1985. Cependant, la situation du bailleur devient plus
confortable lorsqu’il évoque une inexécution par le preneur des obligations liées à une
occupation postérieure à l’ouverture de redressement judiciaire.
-65-
CHAPITRE II :
LA RESILIATION POUR DES CAUSES POSTERIEURES AU
JUGEMENT D’OUVERTURE
Comme il l’a été mainte fois rappelé, la loi du 25 janvier 1985 a pour finalité première de
sauvegarder l’entreprise en difficulté. Un tel objet a nécessairement conduit le législateur à
restreindre les droits du créancier et particulièrement du bailleur compte tenu de l’importance
du contrat de bail pour le redressement de l’exploitation. Ainsi, le bailleur voit ses droits
doublement limités : non seulement il subit les restrictions similaires à tous les créanciers :
suspension des poursuites individuelles, déclaration de créance…mais en plus, il est soumis
au régime d’exception de l’article 38.
La loi du 10 juin 1994, qualifiée communément de « loi de restauration des droits des
créanciers », a rendu la situation du débiteur plus confortable en lui permettant d’exiger le
paiement au comptant des loyers du contrat continué, d’une part, et en l’autorisant à introduire
un action en résiliation du bail en cas de non-paiement des loyers postérieurs au jugement
d’ouverture de la procédure collective, deux mois après ledit jugement, d’autre part.
En effet, l’article 38 - qui instaure le régime spécial du bail des immeubles affectés à
l’activité de l’entreprise - dans son alinéa 1er dispose :
« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire
ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise
pour défaut de paiement des loyers et des charges afférent à une occupation postérieure
audit jugement . Cette action ne peut être introduite moins de deux mois après le jugement
d’ouverture » .
-66-
Alors que l’article 37 alinéa 5 restreint le droit à résiliation du bailleur pour des causes
antérieures à l’ouverture de la procédure, l’article 38 restaure son droit, pour l’avenir.
Dorénavant, le bailleur pourra résilier le contrat de bail pour des causes postérieures au
jugement d’ouverture c’est-à-dire non seulement pour les manquements du preneur à ses
obligations postérieures au jugement d’ouverture mais également pour les manquements qui
ont débutés avant celui-ci et se sont poursuivis par la suite104. Cependant, ce droit à résiliation
offert au bailleur est doublement limité. D’une part, l’article 38 alinéa 2 prévoit purement et
simplement une exception à la faculté pour le bailleur de résilier le bail pour des causes
postérieures en disposant :
« nonobstant toute clause contraire, le défaut d’exploitation pendant la période
d’observation dans un ou plusieurs immeubles loués par l’ entreprise n’entraîne pas
résiliation du bail ».
D’autre part, l’article 38 prévoit un tempérament à cette faculté de résiliation puisque le
bailleur ne pourra agir en résiliation pour défaut de paiement des loyers et des charges qu’à
l’expiration d’un délai de deux mois après l’ouverture de la procédure collective.
Outre ces conditions de mise en œuvre ( II ), l’article 38 de la loi de 1985 pose une autre
difficulté, qui a généré de nombreuses controverses doctrinales à savoir la compatibilité entre
le régime général des contrats en cours (article 37) et le régime spécial du bail commercial
(article 38) ( I ).
I.Les articles 37 et 38 de la loi de 1985 : cumul ou autonomie ?
Le moins que l’on puisse dire c’est que le problème lié à la conciliation des articles 37 et
38 de la loi de 1985 a fait couler beaucoup d’encre et la loi du 10 juin 1994 n’a pas mis un
terme à un problème qui reste entier : le régime spécial du bail d’ immeuble affecté à l’activité
de l’entreprise doit-il se cumuler ou se démarquer du régime général des contrats en cours ?
Les débats doctrinaux se sont cristallisés, en fait, autour de l’alinéa 3 de l’article 37 ; il est
vrai que les deux premiers alinéas ne prêtent guère à de longues discussions. Le mécanisme
général de l’option de l’article 37 alinéa premier avec ou sans mise en demeure adressée par
le bailleur à l’administrateur s’applique à tous les contrats en cours au jour de l’ouverture du
104
Garbit, Baux commerciaux, op.cit., n° 1160
-67-
redressement judiciaire et par voie de conséquence, au contrat de bail. Il ne saurait être
question de ne pas soumettre le bail commercial à l’option de l’administrateur ; d’autant plus
que ledit contrat a un rôle capital à jouer dans le redressement de l’entreprise en difficulté.
Dès lors, admettre que l’article 37 alinéa premier s’applique au contrat de bail emporte
une conséquence inéluctable : l’article 37 alinéa 2 qui précise les modalités d’application de
l’alinéa premier à savoir le paiement comptant et l’obligation de prévisibilité raisonnable régit
également la question. Si la doctrine semble être unanime sur l’application des deux premiers
alinéas105, les divergences se sont multipliées sur la question de la sanction consécutive au
non-respect par le mandataire de justice de ses obligations. L’article 37 alinéa 3 dispose , en
effet , qu’ « à défaut de paiement dans les conditions définies à l’alinéa précédent et d’accord
du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles, le contrat est résilié de plein
droit » conformément aux modalités prévues par l’article 61.1 du décret du 27 décembre
1985 qui attribue compétence au juge commissaire pour constater et dater cette résiliation « à
la demande de tout intéressé » . La question posée par cet alinéa est simple - la réponse l’est
moins - : le bailleur peut-il se prévaloir de ce mode de résiliation ou son droit de résilier est-il
cantonné au régime spécifique institué par l’article 38 ? Les deux thèses ont été soutenues.
La doctrine dominante106 soutient que l’article 38 et l’article 37 doivent s’appliquer
cumulativement. À l’appui d’un tel raisonnement, les auteurs invoquent l’article 37 in fine qui
dispose : « les dispositions du présent article ne concerne pas le contrat de travail » . Ce texte
n’exclut donc pas expressément le contrat de bail ; or, si le législateur a pris le soin de
mentionner que le contrat de travail n’était pas régi par l’article 37, pourquoi n’en aurait-il pas
fait de même pour le bail commercial. De plus, lorsque l’article 37 se réfère au
« cocontractant du débiteur », il ne différencie pas les cocontractants « ordinaires » du
bailleur107 ; dès lors, comme le souligne l’adage il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne
distingue pas.
105
contra : Auque, Le bail commercial n’est pas un contrat comme les autres ( Articles 37 et 38 de la loi du 25
janvier 1985), op. cit.
106
Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la loi de réforme du 10 juin 1994, op.cit. ; Monéger,
Baux commerciaux et réforme du droit des entreprises en difficulté, op.cit. ; Grundeler, La résiliation du bail
commercial en cas de redressement ou de liquidation du locataire, op.cit. ; Gallet, Bail commercial et
redressement ou liquidation judiciaire du preneur : la nouvelle donne après les lois des 10 juin et 8 août 1994,
op .cit.
107
Grundeler, La résiliation du bail commercial en cas de redressement ou de liquidation du locataire, op.cit.
-68-
Un tel raisonnement ne fait pas l’unanimité. En effet, une opinion divergente108 minoritaire mais avec des arguments de poids - prône l’autonomie du régime spécial du bail
commercial sur le régime général des contrats en cours. Pour ces auteurs, admettre le cumul
des articles 37 et 38 conduirait à réduire considérablement le champ d’application de l’article
38, pour en faire « un régime purement résiduel » 109. Effectivement, l’article 38 deviendrait
inapplicable chaque fois que l’échéance du loyer interviendrait moins de deux mois après le
jugement c’est-à-dire durant la période pendant laquelle le bailleur est privé du droit à
résiliation qui lui est offert par l’article 38. Ainsi, la thèse du cumul permettrait au bailleur de
saisir le juge-commissaire110 pendant les deux premiers mois après l’ouverture de la
procédure collective pour faire constater la résiliation de plein droit du contrat de bail alors
même que la suspension du droit à résiliation du bailleur pendant cette période est l’une des
spécificités récurrentes du régime spécial du contrat de bail. De plus, l’article 61.1 du décret
du 27 décembre 1985 précise qu’il appartient au juge-commissaire de constater « à la
demande de tout intéressé » ; or, cette formule ne concernerait pas le bailleur, qui ne pourrait
se prévaloir du régime simplifié de résiliation. Ainsi, le bailleur serait soumis exclusivement
au régime de l’article 38 de la loi de 1985 conformément à l’adage specialia generalibus
derogant et l’article 61.1 du décret - simple texte de procédure - ne saurait « commander le
champ d’application d’une loi »111. Enfin, la décision rendue par le Tribunal de commerce de
Paris112 renforce cette thèse de l’autonomie de l’article 38 en mettant en exergue que le
contrat de bail ne peut pas être assimilé à un contrat en cours « ordinaire » . Ce jugement
déboute des bailleurs de leur recours contre une ordonnance du juge-commissaire qui avait
rejetée leur demande en résiliation du bail commercial sur le fondement de l’article 37 alinéa
3. Les motifs des juges sont des plus explicites et témoignent d’un souci quasi-pédagogique:
« la création d’un cas nouveau de résiliation de plein droit au bénéfice du bailleur conduirait
à écarter l’application à un cas de résiliation pour faute de l’article 25 du décret de 1953 sur
les baux commerciaux qui relève de l’ordre public de protection… Si tel avait été l’intention
du législateur, il l’aurait clairement manifesté dans une disposition nette ou, à tout le moins,
cette intention aurait était affirmée à l’occasion des débats et travaux préparatoires… Il est
108
Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op.cit. ; Vallens, Bail
commercial et redressement judiciaire : la résiliation du bail commercial après la loi du 10 juin 1994, JCP éd. E
1996, I, n°536 ; Auque, Le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres, op.cit.
109
Auque, Le contrat de bail n’est pas un contrat comme les autres, op.cit.
110
article 61.1 D. 27 décembre 1985
111
Garbit, Baux commerciaux, op. cit.,n° 1172
112
T. com. Paris, 18 juin 1996, Juris - Data n° 043303
-69-
fondé de considérer que le législateur n’a pas voulu bouleverser l’état du droit antérieur en
créant un cas nouveau de résiliation » .
En conséquence, même si le contrat de bail n’est pas expressément exclu du bénéfice de
l’article 37 comme c’est le cas du contrat de travail, il n’en restait pas moins que l’article 38
est un texte dérogatoire. Aussi, les dispositions spéciales de ce texte doivent l’emporter sur le
régime général des contrats en cours conformément au principe d’interprétation specialia
generalibus derogant. À défaut, l’article 38 perdrait toute utilité et pourrait purement et
simplement être supprimé ; or, ce n’est pas prendre beaucoup de risques que d’affirmer que
tel n’était pas le souhait du législateur lorsqu’il a institué ce régime.
II.Les spécificités du régime spécial du bail commercial ( l’article 38 de la loi du 25
janvier 1985)
Si la loi du 25 janvier 1985 paralyse le droit à résiliation du bailleur pour des causes
antérieures au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, elle réglemente, en revanche,
l’avenir. Ainsi, en cas de non-paiement des loyers et des charges postérieures à l’ouverture de
la procédure, il pourra intenter une action en résiliation du bail commercial pour manquement
du preneur à ses obligations. Cette faculté de résiliation du bailleur est régie par l’article 38 de
la loi de 1985 qui dispose :
« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire
ou la résiliation de plein-droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise
pour défaut de payement des loyers et des charges afférent à une occupation postérieure
audit jugement. Cette action ne peut être introduite moins de deux mois après le jugement
d’ouverture. Nonobstant toute clause contraire, le défaut d’exploitation pendant la
période d’observation d’un ou plusieurs immeubles loués par l’entreprise n’ entraîne pas
résiliation » .
Force est de constater que si cet article restaure le droit pour le bailleur d’introduire une
action en justice aux fins de résilier le bail commercial, ce droit est à la fois limité et tempéré.
Cependant, l’insigne avantage de ce nouvel article 38 de la loi de 1985 tel que modifié par la
loi du 10 juin 1994 est de mettre un terme à toute une série de controverses doctrinales qui
s’étaient développées sous l’empire de l’ancienne législation. Aussi, avant même de nous
-70-
attacher aux conditions de mise en œuvre de ce nouvel article 38 ( §2 ), il conviendra de voir
dans quelle mesure ce nouvel article est venu clarifier la situation antérieure ( § 1 ).
§ 1 :Le régime antérieur à la loi du 10 juin 1994: une jurisprudence contestée et contestable
Avant la loi du 10 juin 1994, le régime spécial du bail commercial prévu par l’article 38
était formulé de la manière suivante :
« le bailleur ne peut introduire ou poursuivre une action en résiliation du bail des
immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement des loyers que s’il
s’agit des loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement d’ouverture du
redressement judiciaire ».
Ce texte avait posé une double difficulté : d’une part, quant au sens de la formule « introduire
ou poursuivre » ( A ) et d’autre part, quant critère préalable auquel l’action en résiliation du
bail est suspendu : devait-on prendre en compte la jouissance effective des locaux ou la date
d’exigibilité des loyers ( B ).
A.La résiliation pour défaut de paiement des loyers et des charges antérieures au jugement
d’ouverture : mythe ou réalité ?
L’article 38 prévoyait un « délai de grâce » de trois mois pendant lequel le bail se
poursuivait sans que le bailleur puisse opposer au locataire un manquement à ses obligations.
Au terme de cette période, le bailleur retrouvait la plénitude de ses prérogatives et pouvait
agir en résiliation. Sur ce point précis, la doctrine s’était divisée. Cette action pouvait-elle
exclusivement être fondée sur le défaut de paiement des loyers échus postérieurement à
l’ouverture de la procédure collective ou conformément au terme « poursuivre » mentionné à
l’ancien article 38, le défaut de paiement des loyers et des charges antérieures au jugement
d’ouverture du redressement judiciaire pouvait être une cause de résiliation ? Cette question a
généré une multiplication des controverses doctrinales, somme toute justifiées par la rédaction
de l’article 38 alinéa premier.
-71-
D’un côté, M. Boccara113, au terme d’une analyse particulièrement développée, soutenait
que l’article 38 était parfaitement clair et autorisait le bailleur - une fois le délai de trois mois
écoulé - non seulement à introduire mais également à poursuivre une action en résiliation. Or,
au titre des actions susceptibles d’être poursuivies, seules peuvent être concernées « les
actions qui étaient pendantes à la date du jugement d’ouverture » c’est-à-dire qui avaient
pour fondement des causes de résiliation antérieures à l’ouverture de la procédure collective.
En effet, d’une part, ces loyers antérieurs à l’ouverture de la procédure collective étaient
échus depuis plus de trois mois et d’autre part, l’article 47 de la loi de 1985 ne saurait être
applicable au régime spécialement réglementé par l’article 38, conformément à l’opinion de
l’auteur. Ainsi, cet article 38 alinéa premier instaurerait un régime dérogatoire de résiliation
par rapport à l’article 37 de la loi de 1985.
Une opinion divergente114 soutenait, au contraire, que seul le défaut de paiement des
loyers postérieurs au jugement d’ouverture pouvait justifier cette action en résiliation. Il ne
saurait être question d’admettre que l’article 38 déroge à l’article 47 dans la mesure ou rien de
tel n’est expressément envisagé par cette première disposition. De plus, admettre la résiliation
du bail commercial pour des causes antérieures au jugement d’ouverture contreviendrait à la
finalité de la loi puisque dès l’expiration du délai de trois mois, le bailleur pourrait introduire
une action en résiliation du contrat continué et ruiner, ainsi, toutes chances pour
l’administrateur de sauver l’entreprise. Cependant, ces auteurs admettaient que le terme
« poursuivre » était maladroit. Aussi, par souci de cohérence, appelaient-ils de leurs vœux
qu’il soit supprimé de l’article 38 alinéa 1er.
Face à de telles incertitudes et compte tenu de leurs incidences pratiques, l’intervention de
la Cour de cassation était attendue. Ainsi, la chambre commerciale est-elle venue préciser le
sens et la portée de l’article 38 alinéa premier et clarifier la situation antérieure en décidant
que : « le bailleur peut, à l’expiration du délai de trois mois suivant le jugement qui a ouvert
le redressement judiciaire, agir en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers qui
sont échus postérieurement à l’ouverture de la procédure collective »115. Cette jurisprudence
a été confirmée par la Haute juridiction de manière explicite : « les dispositions de l’article 38
alinéa 1er de la loi du 25 janvier 1985, qui ne permettent au bailleur d’exercer l’action en
113
Baux commerciaux et redressement judiciaire : le refus de l’article 38, JCP éd. G 1991, II, n°3518
Bihr, Redressement judiciaire et résiliation du bail commercial pour défaut de paiement du loyer ( controverse
à propos de l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985), Defrénois 1989, art. 34387
115
cass.com., 17 oct. 1989, Defrénois 1990, art. 34801, note Bihr
114
-72-
résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise pour défaut de paiement
des loyers que s’il s’agit des loyers échus depuis plus de trois mois après le jugement
d’ouverture s’appliquent aux seuls loyers échus postérieurement à l’ouverture de la
procédure collective, à l’exclusion des loyers antérieurs à cette ouverture, le non-paiement de
ceux-ci n’ouvrant droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif »116 .
Une telle solution n’était, certes, pas en stricte conformité avec la lettre de l’article 38
alinéa premier mais elle avait le mérite d’être cohérente. En effet, il était inconcevable que le
législateur de 1985 ait voulu à ce point privilégier le bailleur en lui permettant d’introduire
une action en résiliation pour des causes antérieures à l’ouverture du redressement judiciaire
et ce alors même que les autres créanciers ne pourraient se prévaloir d’une telle action et
devraient se contenter d’une déclaration au passif pour les sommes qui leurs sont déjà dues.
Toutefois, une réforme législative apparaissait nécessaire soit pour infirmer la position de
la Cour de cassation soit pour la confirmer en supprimant définitivement le mot
« poursuivre » afin de lever toute ambiguïté sur l’article 38 alinéa premier. Le législateur de
1994 en réformant cette disposition a dissipé les zones d’ombre sur la question.
B.La condition préalable à l’exercice de l’action
L’introduction de l’action en résiliation du bailleur nécessitait, au préalable, que les loyers
« soient échus depuis plus de trois mois » après l’ouverture de la procédure. Malgré
l’apparente clarté du texte, la doctrine s’était interrogée sur le sens à donner à cette formule :
devait-on prendre en compte la période de jouissance effective des locaux ou plutôt la date
d’exigibilité des loyers ? Les solutions retenues sont différentes si l’on se place dans l’une ou
l’autre de ces hypothèses. Si par exemple, les loyers trimestriels sont payables le 1er janvier
pour la période de janvier-mars et que la procédure est ouverte le 3 janvier, les loyers courus à
partir du 3 janvier doivent être payés et peuvent fonder une action en résiliation si on se place
dans l’hypothèse où l’on retient la jouissance effective des locaux. Par contre, dans le second
cas de figure, seuls les loyers échus après le 3 janvier pouvaient fonder une action en
résiliation : dans un tel cas, le bailleur pouvait attendre jusqu’à six mois pour introduire
l’action.
116
cass.com., 3 nov. 1992, JCP éd. G 1993, II, n° 22117, note Boccara
-73-
Certains auteurs117 soutenaient que la distinction entre loyers stipulés ou non d’avance
n’influait pas sur le champ d’application de l’article 38 puisque le terme échu semble se
référer à la date d’exigibilité des loyers . Dès lors, il suffit « qu’aucun règlement ne soit établi
pendant le délai imparti » pour que le bailleur puisse introduire son action en résiliation à
l’expiration dudit délai. La Cour de cassation , quant à elle, avait exigé que les loyers soient
échus depuis trois mois au moins118 Il aura fallu attendre un arrêt du 14 juin 1994 pour voir la
Cour de cassation adopter une position en conformité avec l’esprit de l’article 38 : « dès lors
que le défaut de paiement du loyer payable d’avance, échu avant le jugement, couvrait pour
partie une période de jouissance postérieure à ce jugement, l’action du bailleur en résiliation
exercée au moins trois mois après celui-ci était recevable »119.
Une telle jurisprudence fut consacrée par l’article 38 de la loi du 10 juin 1994, qu’il
convient d’analyser plus précisément à présent.
§ 2 : Le nouvel article 38 : un renforcement des droits du bailleur
La loi du 10 juin 1994 n’a modifié ni le champ d’application du texte ni son fondement.
L’objectif poursuivi par le législateur est le même qu’en 1985 : il a voulu éviter que le bailleur
ne poursuive immédiatement le preneur en paiement des loyers arriérés alors même que ce
dernier est dans une situation financière délicate. En effet, au lendemain de l’ouverture du
redressement judiciaire, la surface financière du débiteur est des plus limitée. Or, admettre
l’exercice d’une action en résiliation du bail commercial dès l’ouverture de la procédure
compromettrait lourdement toute perspective de redressement du locataire d’où cette période
de répit. La réforme de 1994 a consolidé le droit à résiliation du bailleur en réduisant le délai
d’attente avant l’introduction de l’action à deux mois, d’une part, et en prenant en compte
uniquement la période de jouissance locative et non plus les échéances des loyers comme
critère préalable à l’exercice de l’action en résiliation, d’autre part. Cependant, ce droit de
résilier du bailleur connaît un tempérament lorsqu’il se prévaut du non-paiement des loyers ou
des charges ( A ) et une exception dans l’hypothèse du défaut d’exploitation de l’immeuble
loué pendant la période d’observation ( B ).
117
notamment Soinne, Traité de procédures collectives, n° 1368
cass.com., 2 nov. 1993, JCP éd. E 1994, pan.13, p. 5
119
cass.com., 14 juin 1994, D. 1995, jur., p. 105, note Derrida
118
-74-
A.Le tempérament à la liberté de résilier du bailleur
L’action en résiliation du bail des immeubles « affectés à l’activité de l’entreprise »
prévue par l’article 38 vise uniquement le « défaut de paiement des loyers et des charges
afférent à une occupation postérieure audit jugement ». Dès lors, il conviendra de s’attacher
au sens que revêt les termes « affectés à l’activité de l’entreprise » et « afférent » afin de
déterminer le champ d’application de l’article 38 alinéa 1er ( 1 ). Puis, la signification de ce
texte devra être précisé au regard des conditions d’exercice de l’action en résiliation qu’il
instaure ( 2 ).
1.Le champ d’application de l’article 38 alinéa 1er
Rares sont les mots qui ont dû créer une telle polémique en droit des procédures
collectives : l’orthographe du mot « afférent » a fait naître des controverses doctrinales dont le
législateur n’aurait pu soupçonner l’existence lors de l’élaboration de la loi du 10 juin 1994
( b ). La formule « affectés à l’activité de l’entreprise », quant à elle, mérite également des
éclaircissements, bien qu’elle ait généré moins de difficulté d’interprétation que la précédente
( a ).
a. Les baux visés
L’article 38 évoque tantôt le bail des immeubles « affectés à l’activité de l’entreprise »
(alinéa 1) tantôt « un ou plusieurs immeubles loués par l’entreprise » (alinéa 2). Ces deux
formules doivent recevoir une interprétation similaire. Sous l’empire de la loi de 1967,
l’article 52 concernait le bail des immeubles « affectés à l’activité professionnelle du débiteur
y compris des locaux qui dépendent de ces immeubles servant à l’habitation du débiteur ou de
sa famille ». Désormais, de tels locaux ne relèvent plus de l’article 38. Cependant, pour être
précis, il faut noter que si un seul contrat de bail a été établi à la fois pour la partie de
l’immeuble à usage commercial et pour celle à usage personnel, il n’est pas question
d’appliquer deux régimes différents, tous ces lieux seront soumis aux mêmes règles120. En
conséquence, par « immeubles affectés à l’activité de l’entreprise » , l’article 38 entend le bail
de l’immeuble où s’exerce l’activité du commerçant, de l’artisan, de l’agriculteur, d’une
personne exerçant une profession libérale ou encore de toute personne morale en difficulté.
120
Soinne, op.cit., n°1367
-75-
Par contre, la chambre commerciale de la Cour de cassation exclue du bénéfice de
l’article 38 le crédit-bail en décidant qu’il ne pouvait être assimilé à un contrat de bail et que,
dès lors, l’article 25 du décret du 30 septembre 1953 relatif aux baux commerciaux et l’article
38 de la loi du 25 janvier 1985 ne lui étaient pas applicables121.
Enfin, cette disposition n’est pas applicable au refus de renouvellement du bail puisque le
texte vise expressément le cas de résiliation.
b. Un mot bien singulier : l’adjectif « afférent » contenu dans l’article 38 de la loi du 25 janvier
1985
L’adjectif « afférent » figurant dans l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985 a été
orthographié au singulier dans la version de la loi parue au journal officiel. Pourtant, dans de
nombreuses chroniques, certains auteurs - corrigeant ce qu’ils considéraient comme une
erreur rédactionnelle du législateur - emploient le terme au pluriel. Une telle rectification n’est
pas anodine. En effet , si l’ adjectif « afférent » est au singulier, il vise le défaut de paiement
qui est afférent tandis que si l’adjectif est au pluriel, il concerne les loyers et les charges qui
sont afférents.
Si l’on s’en tient à la lettre du texte en retenant que c’est le défaut de paiement qui est
afférent à l’occupation postérieure, l’action en résiliation du bailleur ne pourra avoir pour
fondement que le non-paiement des loyers et des charges exigibles après le jugement. Par
contre, si l’on admet la version plurielle du terme « afférent » , la résiliation du bail
commercial devient possible dès lors que le défaut de paiement des loyers et des charges a
trait à une occupation postérieure des locaux. La doctrine dominante se rallie à une telle
conception même si elle n’est pas en adéquation avec une lecture littérale de l’article 38 où l’
adjectif « afférent » est au singulier. Ainsi, M. Pédamon122 affirme : « par faveur pour les
intérêts du bailleur, il (le nouvel article 38 alinéa premier) l’autorise à demander la
résiliation judiciaire ou la résiliation de plein droit du bail… pour défaut de paiement des
loyers et des charges afférents à deux mois d’occupation postérieure au jugement de
redressement judiciaire. Désormais, seule la période de jouissance locative est prise en
considération. Dès lors qu’elle a duré deux mois, qu’elle se situe après l’ouverture de la
121
122
cass. com., 11 mars 1997 : Dr. sociétés 1997, n° 82, obs. Chaput
Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op.cit.
-76-
procédure et que les loyers correspondants n’ont pas été acquittés, quelle que soit la date à
laquelle ils sont devenus exigibles, le bailleur est en droit d’agir ». Une telle opinion pourrait
se justifier par l’adage « l’erreur est humaine » et dès lors, le législateur n’est jamais à l’abri
d’une faute d’orthographe. D’autant plus que lors des travaux préparatoires, le terme
« afférent » fut utilisé au pluriel à de nombreuses reprises123. Tous les auteurs n’ont pas été
pleinement satisfaits par cette thèse et une partie - minoritaire - d’entre eux124 a objecté qu’
admettre la version plurielle de l’adjectif contreviendrait à certaines dispositions de la loi du
25 janvier 1985 notamment à l’article 33 relatif à l’interdiction de payer toute créance née
antérieurement au jugement d’ouverture et à l’article 47 sur la suspension des poursuites
individuelles. Aussi, dans le cas de loyers payables d’avance, la créance de loyers est née
antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire et ne peut, dès lors,
donner naissance à une action en justice. Une telle analyse appelle une objection dans la
mesure où l’on peut soutenir qu’une créance de loyer est postérieure à l’ouverture de la
procédure collective à partir du moment où elle concerne une occupation postérieure au
jugement. Ainsi, même si le fait générateur de la créance à savoir la jouissance des locaux est
postérieure à son exigibilité, celui-ci doit être considéré comme la date de naissance de la
créance : « le payement n’est qu’une modalité d’exécution de l’obligation. Celle-ci née de la
jouissance »125. Par conséquent, le bailleur peut intenter une action en résiliation pour les
loyers impayés afférents à cette période de deux mois même si les loyers sont payables
d’avance. Bien qu’une telle analyse ne soit pas strictement compatible avec le terme
« afférent » orthographié au singulier, il n’en reste pas moins qu’elle est en conformité avec la
jurisprudence antérieure126 et avec les dispositions de la loi du 25 janvier 1985127. Enfin,
soulignons pour être complet, que l’article 38 ne vise que le non-paiement des loyers et des
charges ; aussi, le bailleur ne sera pas tenu au respect du délai de deux mois pour agir en
résiliation dans l’hypothèse où le preneur se serait rendu responsable d’un manquement autre
à ses obligations : défaut d’entretien des lieux loués… En effet, hormis le cas du nonpaiement des loyers et des charges, le bailleur conserve tous ses moyens d’action à la fois
contractuels et légaux pour sanctionner le comportement fautif du locataire postérieurement
au jugement d’ouverture.
123
Déb. Ass. Nat., 1° séance, 24 nov. 1993, JO, p.6260
Raffin et Roziau, Parfois le pluriel…est bien singulier. Observations afférentes…à l’adjectif afférent contenu
dans le texte de l’article 38 de la loi du 10 juin 1994, JCP éd.E 1996,I, n° 518
125
Saint-Alary-Houin, La résiliation du bail commercial, op.cit., n° 18
126
cass.com., 14 juin 1994, op.cit.
127
Vallens, Bail commercial et redressement judiciaire : la résiliation du bail commercial après la loi du 10 juin
1994, op.cit.
124
-77-
2.Les conditions de mise en œuvre de l’article 38
L’article 38 alinéa premier tel qu’il résulte de la réforme de 1994 précise qu’ :
« à compter du jugement d’ouverture, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire
ou la résiliation de plein droit du bail des immeubles affectés à l’activité de l’entreprise
pour défaut de payement des loyers et des charges afférent à une occupation postérieure
audit jugement. Une telle action ne peut être introduite moins de deux mois après le
jugement d’ouverture » .
Ainsi, la résiliation fondée sur l’article 38 de la loi de 1985 peut être judiciaire conformément
à l’article 1184 du Code civil ou de plein droit c’est-à-dire consécutive à la mise en jeu de la
clause résolutoire prévue au contrat, seule cette forme de résiliation pose véritablement
problème ( b ). Cependant, dans un cas comme dans l’autre, l’introduction de l’action est,
d’une part, conditionnée par le défaut de paiement correspondant à l’occupation des lieux
loués postérieurement au jugement d’ouverture ( a ) et d’autre part, subordonnée au délai
d’attente de deux mois ( c ).
a. La nouvelle condition préalable à l’introduction de l’action en résiliation : l’occupation des
lieux loués
La nouvelle rédaction de l’article 38 vient mettre un terme aux hésitations antérieures
puisque désormais le bailleur pourra agir en résiliation du bail commercial pour le nonpaiement des créances nées après le jugement d’ouverture même si la créance correspondant à
une occupation postérieure est échue antérieurement audit jugement. Dès lors, il convient de
distinguer si le loyer est ou non payable d’avance.
Ø S’il est payable à terme échu et trimestriellement, supposons que le jugement
d’ouverture intervient le 1er avril, pour la période février-avril, les loyers de févriermars devront faire l’objet une déclaration de créance tandis que le mois d’avril
bénéficiera du privilège de l’article 40. Le loyer du mois d’avril pourra faire l’objet
d’une procédure en résiliation dès le 1er juin c’est-à-dire après l’écoulement du délai
d’attente de deux mois.
-78-
Ø Dans la même hypothèse, si les loyers sont payables d’avance, une fois encore, seul
le mois d’avril sera réglé au titre de l’article 40. Le bailleur pourra agir en résiliation
pour défaut de paiement du loyer du mois de mars dès le 1er juin.
Ces deux exemples témoignent du fait que le régime institué par l’article 38 est identique
que le loyer soit à terme échu ou à échoir.
b..La résiliation de plein-droit du bail commercial est-elle autonome par rapport au décret du 30
septembre 1953?
Outre la résiliation judiciaire, le bailleur peut invoquer la clause résolutoire stipulée dans
le contrat de bail pour fonder son action en résiliation. Cette faculté offerte au bailleur a fait
couler beaucoup d’encre : cette résiliation conventionnelle est-elle appelée à jouer
automatiquement ou doit-elle respecter les modalités fixées par le décret du 30 septembre
1953 ? En d’autres termes, l’article 38 de la loi du 25 janvier 1985 est-il ou non autonome par
rapport à l’article 25 du décret de 1953 ?
Pour appuyer la thèse de l’autonomie, il serait possible d’avancer l’article 61.1 du décret
du 27 décembre 1985 tel qu’il résulte du décret du 21 octobre 1994 qui précise:
« le juge-commissaire constate à la demande de tout intéressé la résiliation de plein-droit
des contrats dans le cas prévus au premier et troisième alinéas de l’article 37 et à
l’article 38 » .
Or, précédemment, le bailleur devait saisir le juge des référés, un mois après la délivrance
d’un commandement de payer - resté infructueux - au bailleur afin qu’il constate le jeu de la
clause résolutoire. Ce même magistrat était également en mesure d’accorder des délais de
grâce conformément à l’article 1244.1 du Code civil. Le décret de 1994, en attribuant au jugecommissaire le pouvoir de constater la résiliation de plein droit du contrat de bail remettrait-il
en cause cette situation en évinçant le statut protecteur des baux commerciaux128. Si tel était le
cas, il faudrait en déduire que l’article 38 est une dérogation légale à l’article 25 du décret du
128
Pédamon, Les incidences de la loi du 10 juin 1994 sur le bail à usage commercial, op.cit.
-79-
30 septembre 1953 qui exonérerait le bailleur des formalités prévues pour la mise en jeu de
la clause résolutoire129.
Cependant, la solution inverse doit être retenue. Tout d’abord, il serait contraire à l’esprit
de la loi de 1985 de concevoir que le législateur ait voulu priver l’entreprise en difficulté du
bénéfice du statut protecteur des baux commerciaux à un moment où il a un rôle majeur à
jouer dans le redressement de l’exploitation. À ce titre, d’ailleurs, les travaux préparatoires de
la loi de 1994 étaient clairs : la résiliation du bail des immeubles affectés à l’activité de
l’entreprise doit intervenir « sans préjudice de l’application de l’article 25 du décret sur les
baux commerciaux ou de l’article 1244 du Code civil qui permet en tout état de cause
d’accorder des délais »130 . De plus, comme le souligne C. Saint-Alary-Houin131, la règle en
matière de contrat continué est l’exécution dudit contrat dans les conditions initialement
prévues par les parties. Aussi, si l’une des parties manque à ses obligations, le droit commun
reprend son empire c’est-à-dire que le décret du 30 septembre 1953 a vocation à s’appliquer.
Par conséquent, afin que la clause résolutoire soit définitivement acquise, le bailleur devra
notifier au preneur un commandement de payer, attendre, d’une part, l’écoulement du délai
d’un mois rendant ledit commandement infructueux et, d’autre part, l’écoulement des délais
de grâce éventuellement accordés par le juge des référés. Quant à l’article 61.1 du décret du
27 décembre 1985 qui attribue compétence au juge-commissaire pour constater la résiliation
de plein-droit du contrat de bail, il sera appelé à jouer qu’à partir du moment où les modalités
prévues à l’article 25 du décret de 1953 seront respectées. En conclusion, le juge-commissaire
interviendra à la demande du bailleur lorsque :
Ø le locataire, après avoir reçu un commandement de payer visant la clause résolutoire, a
sollicité des délais de paiement qu’il n’a pas obtenu
Ø le locataire, après avoir reçu un commandement de payer visant la clause résolutoire, a
sollicité la suspension de la clause et obtenu des délais de paiement qu’il n’a pas
respecté
129
Brault, La résiliation du bail dans le cadre du redressement ou de la liquidation judiciaire, op.cit.
Intervention de Ph. Houillon, Déb. Ass . nat., 1°séance, 24 nov. 1993, J.O., p.6260
131
La résiliation du bail commercial, op.cit., n° 20
130
-80-
Toutefois, que ce soit dans le cadre de la résiliation conventionnelle ou de la résiliation
judiciaire, le bailleur ne sera autorisé à agir qu’une fois le délai de deux mois prévu à l’article
38 écoulé.
c. Un moratoire de deux mois pour le locataire en redressement judiciaire
Par faveur pour le bailleur, la loi du 10 juin 1994 a réduit le délai d’attente pour introduire
l’action en résiliation du bail commercial à deux mois au lieu de trois prévu initialement.
Passé ce délai, le bailleur pourra introduire l’action à condition que le défaut de paiement des
loyers échus depuis plus de deux mois après le jugement d’ouverture de la procédure
collective soit établi car il s’agit d’une condition de fond de la résiliation et non pas d’une
condition de recevabilité de l’action132.
Ce délai de deux mois - qui a pour point de départ le jugement d’ouverture du
redressement judiciaire - ne vise que la date d’introduction de l’action en résiliation du contrat
de bail. Par action en résiliation, il faut entendre en outre, « la signification d’une assignation
aux fins de résiliation judiciaire ou de constatation du jeu de la clause résolutoire »133 . Par
contre, la notification d’une mise en demeure avec jeu éventuel de la clause résolutoire
pendant cette période ne semble pas prohibée. En effet, l’article 38 interdisant toute
« action » en résiliation ne vise pas la signification par laquelle le bailleur demande au
locataire d’exécuter ses obligations. Ainsi, le délai d’un mois prévu par l’article 25 du décret
du 30 septembre 1953 commencera à courir pendant le délai d’attente de deux mois,
permettant éventuellement au bailleur d’introduire son action en constatation du jeu de la
clause résolutoire dès l’expiration dudit délai. Par ailleurs, on peut se demander si le
commandement visant la clause résolutoire signifiée avant le jugement d’ouverture produira
ses effets pour les loyers postérieurs. La réponse n’est pas clairement établie. Dès lors, il sera
plus prudent pour le bailleur de renouveler son commandement postérieurement au jugement
d’ouverture pour être certain qu’il sera valablement opposable aux organes de la procédure134.
D’autant plus que durant le délai d’attente de deux mois, le bailleur ne pourra introduire
aucune action en résiliation : il aura, donc, tout intérêt à renouveler son commandement
durant ce lapse de temps pour être certain de pouvoir agir en constatation du jeu de la clause
résolutoire après ce moratoire de deux mois.
132
cass.com., 2 nov. 1993, op. cit.
Boccara, Procédures collectives et contrats en cours : la loi de réforme du 10 juin 1994, op.cit.
134
Soinne, op.cit. n° 1368
133
-81-
Finalement, le répit accordé à l’entreprise en difficulté est de courte durée puisque passé
le délai de grâce de deux mois, le bailleur va retrouver la plénitude de ses droits. Or, si les
loyers sont payables d’avance - comme c’est le cas habituellement - et que le preneur n’a pas
honoré les échéances contractuelles antérieurement à l’ouverture de la procédure collective
pour une période de jouissance postérieure, le contrat de bail aura de grandes chances d’être
résolu.
Si le droit de résilier du bailleur pour défaut de paiement des loyers et des charges est
suspendu pendant deux mois uniquement, son droit de mettre un terme au contrat de bail pour
défaut d’exploitation des locaux est, quant à lui, paralysé pendant toute la période
d’observation, dérogeant de la sorte à la liberté de résilier du propriétaire des locaux affectés à
l’activité professionnelle.
B.La dérogation à la liberté de résilier du bailleur : le défaut d’exploitation des lieux loués
L’article 38 dans son alinéa second interdit au bailleur, pendant toute la période
d’observation, de se prévaloir du défaut d’exploitation pour intenter une action en résiliation
du bail. Toute clause contraire - fréquemment stipulée dans un contrat de bail - sera privée
d’effet.
Le fondement d’une telle disposition relève de l’évidence. Durant la période
d’observation, la situation de l’entreprise débitrice est des plus précaire et il ne saurait être
question pour le bailleur de se prévaloir de la moindre interruption d’activité pour poursuivre
une action en résiliation du contrat de bail compromettant de la sorte toute perspective de
redressement.
L’article 38 alinéa second est une véritable entrave à la liberté de résilier du bailleur
puisqu’en droit commun, le défaut d’exploitation est considéré comme un motif grave et
légitime de résiliation ; l’obligation d’exploiter étant inhérent à la nature même du bail
commercial.
Ce droit de résilier est paralysé pendant toute la « période d’observation » c’est-à-dire
durant vingt mois maximum en régime général et huit en régime simplifié. on peut
s’interroger sur le point de savoir si le terme « période d’observation » doit être entendu au
-82-
sens strict excluant de la sorte la liquidation judiciaire. À l’appui de l’application de l’article
38 à la liquidation judiciaire, on peut soutenir que l’article 38 alinéa 1 est applicable durant
cette phase de la procédure, or, l’alinéa premier et second étant indissociables l’un de l’autre,
l’action en résiliation pour défaut d’exploitation ne saurait être poursuivie pendant la
liquidation judiciaire. De plus, c’est notamment en période de liquidation judiciaire que
l’article 38 alinéa second prend tout son sens car comme l’indique B. Soinne : « c’est
précisément lorsqu’il y a conversion en liquidation judiciaire qu’il est important de laisser au
liquidateur un certain délai sans exploitation pour lui permettre de procéder à la résiliation
du bail ». Enfin, l’article 153-3 alinéa 4 de la loi de 1985 est clair : « les dispositions de
l’article 38 sont applicables, que l’activité soit ou non poursuivie ». Comme il n’y a pas lieu
de distinguer où la loi ne distingue pas, l’alinéa second comme l’alinéa premier sera
applicable à la liquidation judiciaire.
Par conséquent, la faculté pour le bailleur de résilier le contrat de bail pour défaut
d’exploitation des locaux est suspendu pendant la période d’observation et la liquidation
judiciaire mais bien évidemment, toutes les autres fautes du locataire (excepté également le
non-paiement des loyers et des charges) peuvent fonder une action en résiliation.
En conclusion, la finalité de l’article 38 est d’assurer la pérennité du bail commercial
pendant les deux mois suivant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire aux fins,
d’une part, de préserver l’actif de l’entreprise et d’autre part, de maintenir l’activité durant
cette période ; ainsi, le redressement de l’entreprise en difficulté ne pourra en être que facilité.
Pourtant, en 1994, le législateur semble revoir ses positions : sacrifier les créanciers sur l’autel
de la faillite n’est pas la meilleure solution. Elle peut nuire tant au créancier qui voit ses
impayés croître et sa situation financière se dégrader tant au débiteur dont l’entreprise est
- souvent - artificiellement maintenue en vie. Aussi, par souci de rééquilibrer les relations
contractuelles, le législateur a quelque peu restauré le droit de résilier du bailleur en réduisant
le délai d’attente pour introduire l’action en résiliation à deux mois au lieu de trois et en
prenant en compte la jouissance effective des locaux loués indépendamment de la date
d’exigibilité des loyers comme critère préalable à l’exercice de l’action. Mais, pour
véritablement parler de rééquilibrage dans les relations contractuelles, faudrait-il encore que
la loi ait accordé au bailleur des garanties de paiement suffisantes pour lui permettre de
recouvrer ses créances. Or, rien n’est moins sûr compte tenu du fait que le locataire est en
-83-
redressement judiciaire et que les garanties du bailleur risquent, par voie de conséquence,
d’être limitées par rapport au droit commun.
-84-
PARTIE III :
Les CONSEQUENCES LIEES A LA
RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL
-85-
Une fois la résiliation du bail commercial acquise, les préoccupations qui animent le
bailleur sont double : d’une part, obtenir le paiement des loyers échus ou à échoir
postérieurement au jugement d’ouverture (art 40) et préserver au mieux ses droits sur les
loyers échus antérieurement au jugement d’ouverture et demeurés impayés (art 50) et d’autre
part, récupérer les lieux loués. En effet, la résiliation peut être définie comme la résolution
d’un contrat successif qui exclue la rétroactivité c’est-à-dire que la convention est résolue
pour l’avenir.
Ainsi, conformément au prétentions du bailleur et à la définition de la résiliation, le
locataire des locaux affectés à l’activité de l’entreprise se devra de quitter de son propre chef
le local loué et de le restituer dans l’état où il l’a trouvé135. À défaut de restitution des locaux,
il pourra être frappé d’expulsion en sa qualité d’occupant sans titre. Quant à l’administrateur,
il se doit de veiller à la restitution des lieux loués sous peine d’engager sa responsabilité136.
Il se posera alors la délicate question de la procédure à suivre pour contraindre le preneur
à libérer les locaux. Comme nous l’avons vu précédemment, le juge-commissaire est avant
tout le juge de la procédure collective et sa mission, conformément à l’article 61.1 du décret
du 27 décembre 1985 est principalement de constater et de dater la résiliation du contrat de
bail, les termes de cette disposition ne semblent pas lui permettre d’aller plus loin en
ordonnant l’expulsion du locataire. D’ailleurs, il est difficilement concevable d’envisager que
le juge-commissaire, qui est, en principe, un juge consulaire, puisse rendre une décision
relative au droit de propriété137. Aussi, le bailleur n’aura d’autre alternative que de se tourner
vers une juridiction de droit commun et plus précisément vers le juge des référés civils aux
fins de se faire délivrer un titre exécutoire d’expulsion. Cet « éparpillement » des
compétences est regrettable mais il ne saurait être question de confier à un juge spécialisé le
soin d’ordonner l’expulsion du locataire.
Par ailleurs, le bailleur est souvent créancier de diverses sommes telles que des arriérés de
loyers ou de charges, une indemnité d’occupation, des dommages-intérêts... qu’il sera
soucieux de recouvrer. Précisons immédiatement que si au jour de l’ouverture de la procédure
collective, des loyers ou des charges sont demeurés impayés par le preneur, le bailleur se doit
135
art. 1730 C.civ.
jurisprudence citée par Soinne in Rev. proc. coll. 1994, p. 76
137
R. Martin, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, op.cit., n° 22
136
-86-
de déclarer sa créance au représentant des créanciers dans le délai de deux mois consécutif à
la publication au BODACC du jugement d’ouverture conformément à l’article 50 de la loi de
1985 sous peine de la voir éteinte tant à l’égard du débiteur principal que de la caution138. Le
créancier qui a omis de déclarer sa créance peut solliciter un relevé de forclusion de la part du
juge-commissaire dans le délai d’un an à partir du jour du prononcé du jugement d’ouverture.
Le bailleur doit être vigilant car les tribunaux sont réticents à excuser une telle défaillance. En
principe, la déclaration de créance émane du créancier c’est-à-dire du bailleur. Par contre, si le
bailleur est une personne morale, seul le représentant légal de la société peut déclarer la
créance à moins qu’il ne délègue cette faculté à un de ses préposés ou mandataires
- l’administrateur des biens en général - : ce dernier devra justifier d’un pouvoir écrit. La loi
n’exige aucune forme sacramentelle mais précise le contenu de la déclaration139 . Cette
déclaration de créance de loyer ne présente aucune originalité par rapport à celle relative aux
autres créances.
La question qui se pose alors est de savoir si le bailleur va bénéficier d’une sécurité de
paiement pour les sommes qui lui sont dues . Il est certain que le bailleur est titulaire d’un
certain nombre de privilèges : que se soit le privilège du bailleur ou celui de l’article 40 mais
leur efficacité reste somme toute partielle ( chapitre I ). Dès lors, la sécurité de paiement du
bailleur sera parfois mieux assurée s’il a recours à des procédés relevant du droit commun tels
la compensation ou le cautionnement ( chapitre II ).
138
139
art 53 L. 25 janv. 1985
art. 51 L. 25 janv. 1985
-87-
CHAPITRE I :
LES PRIVILEGES ACCORDES AU BAILLEUR PAR
LE DROIT DES PROCEDURES COLLECTIVES : UNE
SECURITE DE PAIEMENT PARTIELLE
Le bailleur d’immeuble jouit d’un double privilège. D’une part, il bénéficie du privilège
du bailleur prévu par l’art 2102-1 du Code civil qui est « un privilège spécial sur le prix de
tout ce qui garnit la maison louée pour l’exécution du bail, en première ligne les loyers et les
charges »140 . Or, une telle garantie est limitée par l’article 39 de la loi du 25 janvier 1985
( I ). D’autre part, le bailleur - comme tout créancier - peut invoquer l’article 40 pour les
créances nées postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire mais là
encore les limites de cette disposition vont rapidement transparaître notamment depuis la loi
du 10 juin 1994 qui a restreint le nombre des créances garanties ( II ).
I.Le privilège du bailleur : une sûreté restreinte par rapport au droit commun
Outre, l’article 38 relatif au droit de résiliation du bailleur et l’article 38.1 qui a trait à la
cession de bail, la loi du 25 janvier consacre un autre article spécifique au bail commercial : il
s’agit de l’article 39 -non modifié par la loi du 10 juin 1994 - qui traite du privilège du
bailleur, en le restreignant par rapport au droit commun. En effet, alors même que l’article
2102-1 du Code civil confère au bailleur un privilège sur « tout ce qui garnit les lieux loués »
aux fins de garantir soit le paiement de tous les loyers échus ou à échoir si le contrat de bail
est authentique ou sous seing privé avec une date certaine soit à défaut d’une telle forme, le
règlement des loyers pour « une année à partir de l’expiration de l’année courante » , l’article
39, quant à lui, vient restreindre à la fois l’étendue de créances garanties ( 1 ) et, dans
certaines hypothèses l’assiette de cette sûreté lorsque le preneur est en redressement
140
R. Martin, Le sort du bail commercial dans les procédures collectives, op.cit., n° 39
-88-
judiciaire. Par ailleurs, cette restriction aux droits du bailleur tient également au rang que ce
privilège confère au bailleur dans la classification de l’article 40 ( 2 ).
§ 1 : L’étendue des créances garanties
Déjà sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, le privilège du bailleur était notablement
restreint par rapport au droit commun. La législation antérieure opérait une distinction entre
d’une part, les loyers échus antérieurement au jugement d’ouverture du redressement
judiciaire et d’autre part, les loyers de l’année courante et à échoir. Pour les premiers, le
privilège du bailleur était limité aux deux dernières années de location échue141. Par contre,
pour le second une différenciation était nécessaire :
Ø si le bail était résilié, le privilège garantissait l’année courante pour tout ce qui
concernait l’exécution du bail. Ainsi été compris les loyers mais également, par
exemple, les éventuels dommages-intérêts alloués par les tribunaux ou le coût des
travaux incombant au locataire. Par contre, pour les loyers à échoir, le privilège
n’avait plus vocation à jouer puisque par définition le bail étant résilié, le bailleur
avait récupéré les lieux loués.
Ø si le bail n’était pas résilié, le bailleur ne pouvait exiger le paiement d’avance des
loyers à échoir conformément à l’article 2012 du Code civil. En effet, sous
l’empire de la loi du 13 juillet 1967, la poursuite du bail commercial était
subordonnée au paiement des loyers échus ou éventuellement à des garanties
suffisantes pour assurer leur règlement ultérieur142. Les loyers postérieurs
devenaient de la sorte des dettes de la masse garantie par un nouveau privilège143.
La loi du 25 janvier 1985 a globalement maintenu le régime institué en 1967.
Effectivement, en ce qui concerne les créances échues avant l’ouverture de la procédure et qui
ont fait l’objet d’une déclaration, le privilège du bailleur est également limité aux deux
dernières années précédant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire144. S’agissant,
par ailleurs, des loyers de l’année courante et des loyers à échoir, le législateur de 1985 a
141
art 53 L. 13 juil. 1967
art. 52 al. 5 L. 13 juil. 1967
143
Garbit, Baux commerciaux, op.cit., n° 964
144
art. 39 al.1 L. 25 janv. 1985
142
-89-
maintenu la distinction entre l’hypothèse où le bail était résilié et celle où il ne l’était pas à
une exception près. À présent, si le bail est poursuivi, le bailleur ne pourra exiger le payement
des loyers à échoir même si tous les loyers échus n’ont pas été acquittés. En effet, l’article 39
alinéa 3 dispose :
« si le bail n’est pas résilié, le bailleur ne peut exiger le paiement des loyers à échoir
lorsque les sûretés qui lui ont été données lors du contrat sont maintenues ou lorsque
celles qui ont été fournies depuis le jugement d’ouverture sont jugées suffisantes ».
Cette disposition n’a pas repris la formule de l’article 53 alinéa 2 de la loi de 1967 précisant :
« ... le bailleur, une fois payé tous les loyers échus ... ». Par ailleurs, cet article appelle une
autre remarque : si l’on retient une lecture a contrario, on pourra en déduire qu’à partir du
moment où les sûretés dont bénéficient le bailleur deviennent insuffisantes, il devrait pouvoir
exiger le paiement des loyers à échoir. Une telle faculté serait en contradiction avec l’article
56 sur l’absence de déchéance du terme mais en conformité avec l’article 37 alinéa 2 sur
l’exigence d’un paiement comptant145. Pour tous les autres loyers non garantis par le
privilège, le bailleur pourra produire ses créances à la procédure en qualité de créancier
chirographaire.
Nous pouvons constater que l’étendue des créances garanties est limitée en cas de
redressement judiciaire du preneur. La situation du locataire est d’autant moins enviable
qu’outre une restriction des créances garanties, le bailleur peut également voir l’assiette de
son privilège réduite si l’ administrateur décide, conformément à l’article 39 alinéa 4 de
vendre avec autorisation du juge-commissaire :
« les meubles garnissant les lieux loués soumis à un dépérissement prochain, à
dépréciation imminente ou dispendieux à conserver, ou dans la réalisation ne met pas en
cause, soit l’existence du fonds, soit le maintien de garanties suffisantes pour le
bailleur ».
Reste à voir si le privilège du bailleur a bénéficié du « printemps des sûretés réelles »146 et
bénéficie d’un rang honorable dans la classification de l’article 40.
145
146
cf : I ° partie, chapitre II, II
Cabrillac et Pétel, Le printemps des sûretés réelles, Petites affiches 14 sept. 1994, p. 59
-90-
§ 2 : Le rang (médiocre) du privilège du bailleur dans la classification de l’article 40
Le privilège du bailleur est un privilège spécial sur les meubles garnissant les lieux loués
qui repose, comme il est traditionnellement affirmé sur l’idée de gage tacite147.
L’article 40 dans son alinéa 2 dispose qu’en cas de liquidation judiciaire, les créances nées
régulièrement après le jugement d’ouverture sont payées :
« par priorité à toutes les autres créances à l’exception ( … ) des frais de justice, de
celles qui sont garanties par des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties
d’un droit de rétention ou constituées en application de la loi du 18 janvier 1951 relative
au nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement ».
Le problème est alors de savoir si le privilège du bailleur est ou non assorti d’un droit de
rétention148. Une chose est sûre : les meubles meublant les lieux loués sont destinés à garantir
le paiement des loyers dans le cadre du privilège du bailleur. En effet, l’article 1752 qui met à
la charge du preneur une obligation de garnissement des lieux loués sous peine d’expulsion
doit principalement se comprendre dans la perspective dudit privilège. De là à en déduire que
le bailleur dispose d’un droit en rétention, le pas est peut être grand149. En effet, le droit de
rétention est « le droit de « retenir » une chose qui aurait dû être restituée »150. À ce titre, il
se distingue d’une simple hypothèque dans la mesure où il prive le débiteur de l’utilité de la
chose. Dès lors, le droit de rétention permet aux créanciers du débiteur de faire pression sur
lui afin qu’il les rembourse. Or, le privilège du bailleur ne confère nullement au bailleur une
telle garantie puisqu’il se limite à un privilège « sur le prix de tout ce qui garnit les locaux
loués »151. Le bailleur ne détient pas matériellement les meubles garnissant les lieux loués et
son privilège ne saurait, donc, être assimilé à un droit de rétention.
Ainsi, le privilège du bailleur aura un rang tout à fait médiocre dans la classification de
l’article 40 puisque le bailleur ne pourra être payé qu’après les créances salariales super
privilégiées, les frais de justice, les créances antérieures bénéficiant du reclassement et les
147
Rippert et Roblot, Traité de droit commercial, t.2, 15 ° éd., par Germain et Delebecque, n° 3266
Cornu, Vocabulaire juridique, V° rétention : « droit reconnu à un créancier de retenir entre ses mains l’objet
qu’il doit restituer à son débiteur, tant que celui-ci ne l’a pas lui-même payé »
149
contra Cabrillac et Pétel, op.cit., n° 9
150
Simler et Delebecque, Droit civil, Les sûretés, la publicité foncière, Précis Dalloz, 3° éd., 2000
151
art. 2102-1 C. civ.
148
-91-
créanciers de l’article 40. Dès lors, ses chances de recouvrer ses créances antérieures, sur le
fondement de ce privilège, sont minimes.
Enfin, on peut noter que si un plan de cession est arrêté, la situation du bailleur n’est guère
plus favorable. En effet, l’article 93 alinéa 3 de la loi de 1985 qui prévoit :
« la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le
remboursement d’un crédit consenti à l’entreprise pour lui permettre le financement d’un
bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire »
est inapplicable au privilège du bailleur qui n’est pas destiné à garantir un crédit consenti à
l’entreprise. Ainsi, conformément à l’article 93 alinéa 1 : « ... une quote-part du prix est
affectée par le tribunal à chacun de ces biens pour la répartition du prix et l’exercice du droit
de préférence » ; le bailleur ne pourra, donc, recouvrer ses créances que conformément au
rang qu’il occupe dans le classement de l’article 40 c’est-à-dire que seront payés avant lui les
salariés super privilégiées, les créanciers de l’article 40, les privilèges fiscaux à l’exception
des six mois de loyers qui passe avant le privilège des contributions indirectes152.
En conséquence, ce privilège mobilier spécial offre au bailleur une garantie de paiement
restreinte. Garantie de paiement qui semble mieux assurée pour les créances postérieures au
jugement d’ouverture du redressement judiciaire par l’article 40.
II. Le privilège de l’article 40
Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire
doivent, en principe, être payées au comptant conformément àl’article 37 alinéa 2 et l’article
40 alinéa 1. Toutefois, cette règle du paiement comptant n’est qu’un idéal et le législateur de
1985 en était bien conscient puisque dès la seconde phrase de l’article 40 alinéa 1, il est
précisé :
«...lorsqu’elles [ les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture ] ne sont pas
payées à l’échéance en cas de continuation, elles sont payées par priorité à toutes les autres
créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés... ».
152
art. 1927 CGI
-92-
Cet article ne soulève aucune difficulté particulière quant à sa mise en œuvre : le bailleur
sera dans une position identique à n’importe quel autre créancier qui souhaite exercer le
privilège de l’article 40 ( B ). Par contre, tout le problème sera de répertorier les créances du
bailleur susceptibles de bénéficier de l’article 40 en sachant que la loi du 10 juin 1994 à
reclassé au plus justement déclassé certaines créances ( A ).
§ 1 : Les créances garanties par l’article 40
L’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 institue un privilège général sur les immeubles et
les meubles du débiteur qui a - en théorie - pour finalité d’assurer un paiement prioritaire aux
créances postérieures au jugement d’ouverture. Face à la multitude de créances générées par
la période d’observation, le législateur se devait d’établir une certaine hiérarchie prévue par
l’article 40 alinéa 2. Dans la classification de l’article 40, les créances du bailleur seront
placées au cinquième rang hormis l’hypothèse où dans le cadre du bail continué, il a consenti
des délais de paiement : dans ce cas, ses créances figureront au troisième rang. Encore faut-il
d’abord déterminer les créances qui relèveront de l’article 40.
Une certitude : les loyers ou charges échus postérieurement à l’ouverture de la procédure
collective bénéficieront du privilège de l’article 40. Par contre, la jurisprudence se montre
hésitante quant aux loyers payables d’avance lorsqu’une partie de ceux-ci correspond à une
période de jouissance des locaux loués postérieure au jugement d’ouverture. En raisonnant par
analogie avec le nouvel article 38 alinéa 1, il paraît plus opportun de considérer que ces
créances de loyers relèvent de l’article 40. En effet, selon l’article 38 tel qu’issu de la réforme
de 1994, le bailleur pourra introduire une action en résiliation du bail commercial pour défaut
de paiement des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture même si la créance
correspondant à une occupation postérieure est échue antérieurement audit jugement. Ainsi, le
législateur a fait prévaloir le fait générateur du loyer sur sa date d’exigibilité. Si le législateur
prend en compte la jouissance des locaux indépendamment de la date d’échéance des loyers
pour déterminer à partir de quel moment le bailleur pourra agir en résiliation du contrat de
bail, comment envisager qu’il est par ailleurs exclu ces mêmes loyers du bénéfice de l’article
40. Il serait paradoxal de considérer que pour déterminer si une créance est ou non postérieure
au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, la loi de 1985 retienne alternativement
deux critères tantôt la date d’exigibilité du loyer (article 40) tantôt son fait générateur (article
38). Aussi, par souci d’uniformisation, il faut admettre que si une fraction des loyers payables
-93-
d’avance est afférente à une occupation postérieure à l’ouverture de la procédure, elle doit
relever du privilège de l’article 40 : seule la période de jouissance doit être prise en compte.
Par ailleurs, la résiliation du contrat de bail peut, théoriquement, permettre au bailleur
d’obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice qu’il a subi. Effectivement, le contrat est
résilié sans préavis. Avant la loi du 10 juin 1994, il fallait dissocier deux cas de figure : d’une
part, celui où l’administrateur décidait de ne pas poursuivre le bail et d’autre part, celui où le
bail était résilié postérieurement à sa continuation. Dans le premier cas, les indemnités nées de
la résiliation devaient être déclarées au passif alors que dans le second cas, le bailleur pouvait
se prévaloir de l’article 40.
Dorénavant, si l’administrateur n’use pas de sa faculté de poursuivre le contrat de bail, les
dommages-intérêts devront comme précédemment être soumis à l’article 50153. De même, si
un contrat régulièrement poursuivi est résilié par la suite, les indemnités et pénalités seront
exclues de l’article 40154. Cette dernière hypothèse ne fait, pourtant, pas l’unanimité en
doctrine. À nouveau, le cœur du débat repose sur un mot qui est le mot « disposition » .
Effectivement, la dernière phrase de l’alinéa 3–3 de l’article 40 précise :
« en cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités
sont exclues du bénéfice de la présente disposition » .
Une telle rédaction permet deux interprétations. Si l’on considère que le terme « présente
disposition » ne vise que l’article 40 alinéa 3 – 3, il faudrait en déduire que ces créances sont
exclues du troisième rang de l’article 40 pour être à reléguées au cinquième155. Par contre, si
l’on admet que la « présente disposition » vise l’article 40 dans son intégralité, le bailleur sera
tenu de déclarer ses indemnités et pénalités au passif156. Une telle opinion est davantage en
conformité avec les travaux préparatoires qui témoignent d’une volonté de ne « pas grever
d’une manière inéquitable les créances de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 »157 .
153
art. 37 al. 5 L. 25 janv. 1985
art. 40 al. 3 – 3 L. 25 janv. 1985
155
Derrida et Sortais, La réforme du droit des entreprises en difficulté [ premier aperçu], D. 1994, chr., p. 269, n°
40
156
Campana et Legeais, Le nouvel article 40 de la loi du 25 janvier 1985, Petites affiches 14 septembre 1994, p.
50
157
JO. Ass. Nat., 24 nov. 1993, p. 6257
154
-94-
Outre les travaux préparatoires, l’article 66 alinéa 2 du décret du 27 décembre 1985 vient
appuyer la thèse de l’exclusion totale des dommages-intérêts de l’article 40 en énonçant que
ces derniers doivent être déclarés à la procédure. Ainsi, le législateur considère-t-il ces
indemnités et pénalités comme des créances antérieures à la procédure.
De même, les loyers courus entre le jugement d’ouverture et la résiliation du bail par
l’administrateur relèvent de l’article 40158. Aussi, le bailleur peut-il être tenté de retarder la
notification de la mise en demeure afin de bénéficier aussi longtemps que possible du
privilège. Si l’administrateur attend - comme c’est souvent le cas - d’être mis en demeure
pour opter, le passif de la période d’observation risque d’être lourdement grevé. Cette
situation est critiquée159 car elle n’est pas conforme à l’article 40 alinéa 1 qui exige des
« créances nées régulièrement » . Or , le bailleur ne contrevient à aucune disposition de la loi
de 1985 en retardant l’envoi de la notification. D’autant plus, que ce « retard » peut avoir des
causes multiples qui ne sauraient justifier la non-régularité systématique de la créance.
En conséquence, les dommages-intérêts résultant de la résiliation du bail commercial ne
bénéficient jamais du privilège de l’article 40 même si la rupture du contrat est postérieure au
jugement d’ouverture. Ces créances ne sont pas la contre-partie d’une prestation fournie au
débiteur dans le cadre de l’exécution du contrat de bail donc elles doivent être exclues de
l’article 40160. Face à cette volonté du législateur d’alléger le passif de la période
d’observation, le bailleur aura pour seul - et maigre - consolation de voir ses indemnités de
résiliation bénéficier du privilège prévu par l’article 39 alinéa second.
Le bailleur peut également être créancier d’une indemnité d’occupation due par le preneur
pour la jouissance des lieux loués entre la résiliation du contrat de bail et la restitution
effective des lieux loués. Pour la Cour de cassation161, une telle créance bénéficie de l’article
40. En effet, cette indemnité a pour fait générateur une occupation des locaux postérieure à la
résiliation du bail donc a fortiori postérieure à l’ouverture de la procédure collective ; dès lors,
le privilège de l’article 40 doit jouer .
158
cass.com., 2 févr. 1993, Rev. proc. coll. 1993, p. 405, obs. Saint-Alary-Houin
Soinne, op. cit., n° 1364-1
160
Pérochon et Bonhomme, op. cit., n° 212
161
cass. com., 25 janv. 1994, D. 1994, p. 539, obs. Gallet
159
-95-
Même si la loi de 1994 a restreint des créances du bailleur susceptibles d’être payées en
application de l’article 40, il n’en reste pas moins que mise à part les indemnités de résiliation,
le bailleur a des chances de recouvrer les sommes qui lui sont dues. D’autant plus, que
l’article 40 ne génère aucune difficulté particulière quant à sa mise en œuvre .
§ 2 : Les modalités de mise en œuvre de l’article 40
Dans l’absolu, l’article 40 confère une garantie des plus sécurisantes aux créanciers en
prévoyant que les créances postérieures nées régulièrement sont payées à l’échéance. Ainsi, à
l’échéance, le bailleur peut exiger le paiement des loyers qui lui sont dus par le preneur.
L’administrateur se doit d’honorer de tels engagements puisqu’en principe, s’il a opté pour la
continuation du contrat, c’est qu’il dispose des fonds nécessaires pour respecter les échéances
contractuelles. Pourtant, la théorie ne coïncide pas toujours avec la pratique et le mandataire
aura parfois des difficultés à payer les créances au terme convenu. Dans ce cas, le bailleur
pourra exercer des poursuites individuelles aux fins de recouvrer sa créance162. Aussi, devra-til se faire délivrer un titre exécutoire par une juridiction de droit commun163 condamnant le
locataire au paiement des sommes dues. Ce titre lui permettra alors de diligenter des
procédures civiles d’exécution. Il serait logique qu’il procède, en premier lieu, à une saisievente des meubles garnissant les lieux loués sur lesquels il bénéficie d’un privilège spécial164
mais rien ne l’y oblige, il pourra tout à fait préférer mener à bien une saisie-attribution, par
exemple. Ces voies d’exécution doivent être exercées le plus rapidement possible par le
bailleur car entre les créanciers postérieurs règnent le prix de la course, alors même que la
procédure est dite collective : le premier à agir sera le premier payé en dépit des créances
bénéficiant d’un classement préférable dans l’article 40165.
Cependant, il peut arriver que la période d’observation soit trop brève pour diligenter ces
procédures civiles d’exécution ou encore que le créancier néglige d’agir ; dans de telles
hypothèses, il va se créer un passif de l’article 40166. Ainsi, - comme nous l’avons déjà
souligné - les créances postérieures vont être payées par priorité aux créances antérieures. Par
162
cass.com., 20 juin 1989, JCP éd. E 1997, II, n° 15658, obs. Cabrillac et Pétel ; Rev. proc. coll. 1990, p. 237,
obs. Saint-Alary-Houin
163
une ordonnance de référé en principe
164
art. 39 L. 25 janv. 1985
165
cass. com. 11 févr. 1997, Rev. proc. coll. 1997, p.312, obs. Conet et p. 457, obs. Saint-Alary-Houin ; JCP éd.
E 1997, I, n° 1, obs. Cabrillac ; RTD com. 1998, p. 210, obs. Martin Serf
166
R. Martin, op.cit., n° 29
-96-
contre, cette priorité est variable selon le rang occupé par la créance dans le classement de
l’article 40 alinéa 3 : certains privilégiés seront alors forcément plus privilégiés que
d’autres167. L’article 40 dans son intégralité instaure un classement général entre les créances
antérieures et postérieures alors que l’article 40 alinéa 3 prévoit une classification spécifique
aux créances postérieures.
Dans la première classification, le rang occupé par les créances du bailleur dépendra de
savoir si le locataire est en redressement ou liquidation judiciaire :
Ø « en cas de cession totale ou lorsqu’elles [ les créances postérieures ] ne sont pas
payées à l’échéance en cas de continuation », les créances de l’article 40 seront
payées après les créances salariales super privilégiées168.
Ø en cas de liquidation judiciaire, les créances du bailleur seront prioritaires sur les
créances antérieures à l’exception une fois encore des créances salariales super
privilégiées mais également « des frais de justice, de celles qui sont garanties par
des sûretés immobilières ou mobilières spéciales assorties d’un droit de rétention
ou constituées en applications de la loi du 18 janvier 1951 relative au
nantissement de l’outillage et du matériel d’équipement ».
En conséquence, l’article 40 alinéa 1 confère au bailleur une garantie du paiement tout à
fait satisfaisante pour ses créances postérieures. Par contre, si une liquidation judiciaire
survient ultérieurement, il n’en va pas de même puisque le bailleur sera primé par bon nombre
de titulaires de sûretés réelles. Or, en principe, la plupart des biens du locataire risque d’être
grevés de sûreté réduisant considérablement les chances de paiement du bailleur. Sans
compter que les créances du bailleur n’occuperont, en général, que le cinquième rang169 dans
le classement spécifique de l’article 40 alinéa 3. Dès lors, le bailleur ne doit pas se faire trop
d’illusions sur cette priorité de paiement que lui accorde l’article 40 hormis l’hypothèse où un
plan de redressement est arrêté. Pour préserver au mieux ses intérêts, il lui appartiendra de
diligenter des procédures civiles d’exécution au moindre incident de paiement puisque
l’article 40 ne saurait le rassurer totalement sur le sort de ces créances postérieures. Le
167
Pérochon et Bonhomme, op. cit., n° 218
à cette exception, il faut également ajouter celles posées par les articles 33 alinéa 3 et 34 de la loi du 25
janvier 1985
169
le troisième au mieux si des délais de paiement ont été consentis
168
-97-
législateur en édictant l’article 40 poursuivait un objectif louable : trouver un équilibre entre
les créances postérieures nées de la poursuite des contrats en cours et les créances antérieurs
assorties de sûretés réelles : les deux étant nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise.
Le résultat n’est pourtant pas toujours satisfaisant ; à tel point, qu’il devient parfois excessif
de parler de privilège en se référant à l’article 40170.
Les perspectives de paiement offertes au bailleur que ce soit par le privilège de l’article 39
ou celui de l’article 40, étant relatives, le bailleur aura une dernière alternative : se tourner
vers des procédés de paiement relevant du droit commun tels la compensation ou encore le
cautionnement.
170
Pérochon et Bonhomme, op.cit., n° 225
-98-
CHAPITRE II :
UNE MEILLEURE GARANTIE DE PAIEMENT POUR
LE BAILLEUR : LE RECOURS A DES
MECANISMES DE DROIT COMMUN
Le bailleur, désireux de recouvrer ses créances, aura dans la plupart des cas recours au
moyen le plus classique à savoir intenter une action en paiement : mode normal d’extinction
d’une obligation. Cependant, le créancier peut trouver satisfaction par des moyens indirects.
Un de ceux-ci est la compensation qui peut être définie comme un mécanisme d’extinction
simultanée de deux obligations, de même nature, existant entre deux personnes simultanément
créancière et débitrice l’une de l’autre. Outre l’extinction des obligations réciproques, la
compensation a une véritable fonction de garantie permettant à chaque partie d’opposer à
l’autre l’exception de compensation afin de s’exonérer de son paiement ( I ) . Exception faite
de la compensation qui a une fonction de garantie, le bailleur peut recourir à une véritable
sûreté fréquemment invoquée dans le cadre d’une procédure collective : le cautionnement.
Pour cela, il lui suffira de conclure un contrat de cautionnement lors de la signature du bail ou
ultérieurement aux fins de se prémunir contre les éventuels impayés de son débiteur. La
caution va s’engager à exécuter elle-même le contrat de bail dans le cas où le locataire ne
remplirait pas ses engagements. Le cautionnement est un contrat accessoire qui va s’adjoindre
au contrat principal. Dès lors, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à
l’égard du preneur va forcément influer sur les obligations de la caution. Il est délicat de
déterminer si la loi de 1985 est ou non favorable à la caution. En effet, les dispositions de la
loi relative au cautionnement témoignent tantôt d’un souci de protection de la caution tantôt
d’une volonté de prémunir les créanciers contre l’insolvabilité du débiteur. Du sort réservé à
la caution dépendra l’efficacité du cautionnement et corrélativement les perspectives de
paiements du bailleur ( II ).
-99-
I. L’exception de compensation
On apparente souvent l’exception de compensation à l’exception d’inexécution ou encore
à un droit de rétention. Traditionnellement, on distingue trois types de compensation : la
compensation légale, la compensation judiciaire et la compensation conventionnelle sachant
que les deux dernières ont vocation à s’appliquer lorsque les conditions de la compensation
légale ne sont pas remplies et que le juge saisi par une demande reconventionnelle
(compensation judiciaire) ou les parties d’un commun accord (compensation conventionnelle)
décident de la compensation.
Toutefois, ces modes de compensation ont une portée limité en droit des procédures
collectives puisque l’article 1298 du Code civil prévoit que la compensation n’a pas lieu au
préjudice des droits acquis par les tiers. Or, en cas de procédure collective, le paiement est
interdit pour les créances antérieures à l’ouverture de la procédure. Ainsi, le non-paiement des
créances antérieures constitue un obstacle au jeu de la compensation ( § 1 ). En revanche, il se
peut que les dettes réciproques des deux parties se trouvent liées par un lien étroit : un lien de
connexité, qui va influer sur le mécanisme de la compensation, on parlera alors de
compensation de dettes connexes ou plus précisément de « super-compensation » . Ce
qualificatif se justifie par le fait que cette compensation permet tantôt d’invoquer la
compensation si tous les conditions légales ne sont pas remplies tantôt de permettre le jeu de
ce mécanisme même si un paiement est interdit, c’est le cas notamment en cas de procédure
collective. Dès lors, cette compensation privilégiée permettra l’extinction d’une créance
antérieure car elle a lien avec une créance postérieure, dérogeant ainsi au principe de nonpaiement des créances antérieures à la procédure ( § 2 ).
§ 1 : L’efficacité limitée de la compensation légale, judiciaire et conventionnelle en droit des
procédures collectives
L’exception de compensation légale ne joue pas automatiquement, elle présuppose que
certaines conditions soient remplies au préalable : ainsi, les créances doivent-elles être
réciproques, fongibles, liquides et exigibles. Néanmoins, en cas de procédure collective, de
telles conditions ne sauraient suffire pour que la compensation joue de plein droit.
Conformément à l’esprit du droit de la faillite, un autre critère doit impérativement être pris
-100-
en compte : la date de naissance des obligations en cause. En effet, l’article 33 de la loi de
1985 est clair :
« le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, l’interdiction de payer toute
créance née antérieurement au jugement d’ouverture ».
Or, la compensation est traditionnellement assimilée à un mode de paiement171 sans
circulation d’argent. Aussi, si les conditions légales172 sont remplies avant le jugement
d’ouverture, il ne se pose aucun problème : les dettes réciproques vont s’éteindre à hauteur de
la plus faible173 pendant la période suspecte notamment174. En matière de contrat de bail,
l’exemple le plus significatif est celui de la compensation entre les loyers impayés et le dépôt
de garantie175. Le bailleur pourra, ainsi, obtenir le paiement des loyers échus antérieurement à
la procédure afférents à une occupation antérieure en les compensant avec le dépôt de
garantie. Cependant, il doit être prudent car si le contrat de bail ne contient pas de clause
stipulant que le dépôt de garantie lui sera acquis en cas de résiliation du contrat, il se doit de
préciser lors de sa déclaration de créance qu’il souhaite faire jouer la compensation afin de
conserver le dépôt176.
Si l’article 33 de la loi de 1985 ne fait pas obstacle à la compensation des créances nées
avant l’ouverture de la procédure collective, il n’en va pas de même pour celles qui sont nées
a posteriori.
Effectivement, le principe du non-paiement des créances antérieures annihile l’efficacité
d’un paiement par compensation après le jugement d’ouverture. Cette prohibition du jeu de la
compensation légale après l’ouverture de la procédure se justifie aisément eu égard aux
grands principes directeurs du droit des procédures collectives. Admettre un tel procédé
contreviendrait non seulement au principe de non-paiement des créances antérieures mais
également à l’égalité des créanciers devant la procédure collective ou encore à la suspension
171
même s’il n’y a pas exécution active des obligations par chaque partie
art.1291 C. civ.
173
hormis l’hypothèse de la fraude
174
cass.com., 17 mai 1994, Bull.civ 1994 IV, n° 178, p. 112
175
Le dépôt de garantie est une somme d’argent versée par le locataire au bailleur lors de la conclusion du bail et
restituée à son terme après l’apurement des comptes. Ce dépôt est une garantie pour le bailleur de la bonne
exécution du bail et notamment du paiement de tout ce qui pourra lui être dû lorsque le preneur quittera les lieux
176
Gallet, Baux commerciaux et redressement judiciaire : la compensation entre loyers arriérés et dépôt de
garantie, Rev. loyers 1999, p. 138
172
-101-
des poursuites individuelles relatives au défaut de paiement des créances nées avant le
jugement d’ouverture.
Quant à la compensation judiciaire, elle échappe aux règles classiques de compétence
puisque l’article 70 du Nouveau Code de procédure civile dispose que :
« les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se
rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant [… ] toutefois, la demande en
compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien… » .
La compensation judiciaire ne saurait évidemment être assimilée à la compensation légale :
cette dernière s’opérant de droit lorsque les conditions prévues par la loi sont remplies. Or, la
compensation judiciaire qui requiert une demande reconventionnelle présuppose que les
conditions de la compensation légale ne soient pas remplies177 et que les juges du fond vont
utiliser leur pouvoir souverain pour accorder ou non le bénéfice de la compensation. La
compensation judiciaire va, alors, pallier au défaut d’une condition légale. Cependant, il faut
éviter les assimilations trop faciles, la compensation judiciaire est différente de la
compensation des créances connexes en ce sens qu’elle est laissée à la discrétion des juges du
fond178 et ne nécessite pas la connexité des créances réciproques. En cas de redressement
judiciaire du preneur, les tribunaux sont réticents à admettre la compensation qu’elle soit
judiciaire ou conventionnelle179 postérieurement à l’ouverture de la procédure compte tenu du
fait que le risque de fraude et d’atteinte aux règles du droit des procédures collectives est
imminent.
La solution est toute autre lorsque les créances sont connexes : dans ce cas, le législateur a
largement admis l’opposition de la compensation à la procédure collective.
177
en général, la créance n’est pas encore liquide et/ou exigible ; la certitude étant un préalable indispensable à
toute compensation
178
alors que la compensation des créances connexes est de droit si les conditions sont réunies
179
lorsque deux personnes sont réciproquement créancière et débitrice l’une de l’autre, elles peuvent librement
se libérer de leurs obligations conformément au principe de la liberté des conventions. En principe, aucune
disposition d’ordre public n’y fait obstacle sauf en cas de procédure collective où l’égalité des créanciers
demeure la règle
-102-
§ 2 : La « super-compensation » des créances connexes : une garantie de paiement quasiabsolue
La connexité entre les créances réciproques permet d’admettre la compensation alors
même que toutes les conditions de la compensation légale ne sont pas remplies notamment les
conditions d’exigibilité et de liquidité ; ainsi, parle-t-on de la connexité comme d’une
condition « joker » . Par contre, il est impératif que la créance soit certaine.
La compensation des créances connexes est assimilable à un mode de paiement et en cette
qualité, elle tombe sous le coup de l’interdiction de l’article 33. Cependant, elle a également
une fonction de garantie puisqu’elle permet à chaque créancier de résister à la demande en
paiement effectif de son partenaire en opposant l’exception de compensation des dettes
connexes. En 1985, la doctrine était hésitante quant à savoir si une créance antérieure pouvait
se compenser avec une créance postérieure. La Cour de cassation, dans un arrêt célèbre180 a
mis fin à toute incertitude en ajoutant une dérogation jurisprudentielle aux dérogations
existantes au principe de l’interdiction de paiement des créances antérieures : la compensation
des dettes connexes. Une telle dérogation est devenue légale en 1994 lorsque le législateur a
modifié l’article 33 de la loi de 1985 qui dispose désormais : « l’interdiction de paiement des
créances antérieures ne fait pas obstacle au paiement par compensation des créances
connexes » . Ainsi, le législateur a admis la compensation, qu’il subordonne à la condition de
connexité à laquelle la jurisprudence ajoute celle de la déclaration par le bailleur de sa créance
antérieure181 afin qu’elle soit soumise à la procédure de vérification et éventuellement
acceptée par le juge-commissaire conformément à l’article 50. Une telle disposition répond à
la fois à un souci d’équité et à la volonté de restaurer un certain équilibre entre le débiteur et
ses créanciers. En effet, comment pourrait-on obliger le cocontractant à s’acquitter de ce qu’il
doit au débiteur sans pouvoir exiger de ce dernier l’exécution de ses obligations alors même
que les créances sont interdépendantes puisqu’elles sont issues d’un même contrat, d’un
même ensemble contractuel ou se rattachent à une même convention-cadre.
Si l’on reprend l’exemple du dépôt de garantie, le bailleur pourra invoquer, lorsque la
résiliation du bail est postérieure à l’ouverture du redressement judiciaire du preneur, la
180
cass. com. 19 mars 1991, JCP éd. E 1991, I, n° 23, obs. Cabrillac et Pétel ; RJ com. 1992, p. 24, note
Pédamon ; D. 1992, som., p. 257, obs. Derrida
181
cass.com., 15 oct. 1991, Bull. civ. IV, n° 290, p. 201
-103-
compensation entre les loyers correspondants à cette période postérieure et le dépôt de
garantie.
Dès lors, la connexité va jouer un rôle de quasi-sûreté : celle-ci est tout à fait particulière
puisqu’elle permettra au bailleur de primer absolument tous les créanciers. Ainsi, le créancier
pourra-t-il d’une part, s’affranchir de l’ordre préférentiel de paiement établi par l’article 40 et
d’autre part, s’affranchir des délais fixés par le plan de continuation puisque la Cour de
cassation a admis la compensation entre la dette d’un créancier et une créance connexe
déclarée alors même qu’elle était soumise aux délais d’un plan de continuation182.
En conséquence, la compensation des dettes connexes est assimilable à un « superprivilège » qui permettra au bailleur, à toute époque de la procédure ultérieure au jugement
d’ouverture, d’éviter le concours avec les autres créanciers. Pour reprendre une dernière fois
l’exemple de la compensation entre le dépôt de garantie et les loyers arriérés183, elle pourra
être invoquée à tout moment après le jugement d’ouverture excepté l’hypothèse - marginale dans laquelle le dépôt de garantie est cédé en même temps que le fonds de commerce et une
clause stipule la subrogation du cessionnaire dans la créance du cédant sur le bailleur184. Ainsi
présentée la « super-compensation » est de loin la garantie de paiement la plus fiable dont le
bailleur pourrait se prévaloir. J. Mestre résumait à ce titre parfaitement la situation en
affirmant : « le plus sûr moyen d’être payé, lorsqu’on est créancier d’un insolvable, reste bien
d’être également son débiteur »185.
Outre la compensation, le bailleur pourrait recourir à un autre procédé de droit commun
- à l’efficacité certes plus limitée - pour recouvrir ses créances : le cautionnement.
II. L’efficacité mitigé du cautionnement en cas de redressement judiciaire du
locataire
L’économie même du cautionnement est de placer le créancier à l’abri des difficultés
économiques de son débiteur et de l’insolvabilité qu’elle pourrait entraîner. Dans cet esprit, il
182
cass.com., 24 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996,pan., p.121
mais le bailleur pourra également opposer, par exemple, la compensation entre des loyers et des charges
impayés et des créances de réparation dont il sera débiteur
184
Gallet, Baux commerciaux et redressement judiciaire : la compensation entre loyers arriérés et dépôt de
garantie, op.cit.
185
RTD civ. 1988, p. 138
183
-104-
serait logique d’admettre que cette garantie va jouer un rôle capital en droit des procédures
collectives en prémunissant le créancier contre la défaillance du débiteur failli. La loi de 1985
comportait peu de dispositions relatives au cautionnement et celles existantes étaient peu
protectrices des intérêts de la caution. Ainsi, le législateur de 1994 a fait beaucoup d’efforts
pour préciser le sort réservé à la caution tout au long de la procédure collective. Cependant,
force est de constater que les performances du législateur sont inégales tantôt protégée tantôt
accablée, la caution est dans une situation complexe qui s’explique notamment par le fait
qu’elle est à la confluence de deux législations : le droit des procédures collectives et le droit
du cautionnement. Si le bailleur a pris le soin de réclamer la conclusion d’un cautionnement
aux fins de se prémunir contre d’éventuels impayés, l’efficacité de sa garantie sera variable et
lui aussi sera soit protégé ( § 1 ) soit accablé ( § 2 ).
§ 1 : Une garantie tantôt efficace contre la défaillance du débiteur failli
La spécificité du cautionnement réside dans la dépendance étroite entre l’obligation
principale et l’obligation garantie qui s’explique par le fait que s’il y a bien deux engagements
distincts, il n’en reste pas moins qu’il n’y a qu’une seule et unique dette. Dès lors, tous ce qui
affecte la dette principale aura des incidences sur l’obligation de la caution. Mais ce n’est pas
toujours le cas puisque, la loi du 25 janvier 1985 prévoit des hypothèses où la caution sera
tenue plus lourdement que le débiteur lui-même.
Ainsi, sous l’empire de la loi de 1985 (non modifiée par la loi de 1994), l’article 47 sur la
suspension des poursuites individuelles était inapplicable à la caution. De la sorte, les
créanciers pouvaient poursuivre la caution postérieurement à l’ouverture du redressement
judiciaire sous réserve que la créance ait été exigible ; l’exception de l’article 47 était
purement personnelle au débiteur. Par souci de protéger les cautions, le législateur de 1994 est
revenu partiellement sur ses positions puisque désormais le jugement d’ouverture suspend
toute action contre les cautions personnes physiques jusqu’au jugement arrêtant le plan de
redressement ou prononçant la liquidation, peu importe que le débiteur soit une personne
morale ou une personne physique. Le législateur est allé plus loin encore puisqu’il a
également prévu qu’à l’issue de la période d’observation, le tribunal peut encore accorder des
délais de paiement dans la limite de deux ans. Une telle disposition avait été prise par faveur
pour les dirigeants qui se portent cautions de leurs entreprises afin de les inciter à déposer
rapidement le bilan en cas de difficultés. Le législateur a pensé que ces derniers seraient plus
-105-
enclins à déclarer la cessation des paiements en sachant qu’ils ne seraient pas poursuivis
immédiatement sur leur patrimoine personnel. A contrario, l’article 55 alinéa second autorise
la poursuite des cautions personnes morales par les créanciers durant toute la période d’
observation.
Cette nouvelle disposition fut mal ressentie par les créanciers qui n’obtiendront pas de la
caution personne physique le paiement escompté pendant toute la durée de la période
d’observation. Aussi, par souci d’équité, le législateur a tout de même donné quelques gages
aux créanciers. D’une part, l’article 55 alinéa 3 leur permet de prendre des mesures
conservatoires mais qui ne sauraient tant que les poursuites sont suspendues être converties en
mesures d’exécution. Et, d’autre part, eu égard à leurs sacrifices, les créanciers bénéficieront
d’une autre compensation : le cours des intérêts n’est plus arrêté à l’égard des cautions186. Il
s’en suit que les cautions - simples ou solidaires - à condition que le cautionnement fut
souscrit à compter du 11 juin 1994 seront tenues de payer une dette à laquelle le débiteur n’est
pas obligé. Force est alors de constater que la caution sera tenue plus lourdement que le
débiteur principal.
Par conséquent, même si le législateur de 1994 est apparu soucieux de protéger les intérêts
de la caution, il n’en reste pas moins que dans certaines hypothèses, le cautionnement pourra
prémunir efficacement le créancier contre la défaillance du débiteur. Aussi, si les sommes
dues par le preneur au bailleur sont garanties par un cautionnement, ce dernier pourra
actionner la caution :
Ø dès l’ouverture de la procédure collective aux fins de recouvrer les sommes qui lui
sont dues à condition que la caution soit une personne morale
Ø aux fins de recouvrer les sommes correspondant aux intérêts légaux et
conventionnels ainsi qu’aux intérêts de retard et majorations 187 dues au-delà de la
date du jugement prononçant le redressement judiciaire.
186
art. 55 al. 1 L. 25 janv. 1985
« à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou
supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus » (art. 55 al. 1 L. 25 janv.
1985)
187
-106-
Ø aux fins de recouvrer les sommes qui lui sont dues même si des délais et remises
ont été octroyés par le créancier au débiteur dans le cadre d’un plan de
continuation ; ces derniers étant exclus du bénéfice de l’article 1287 du Code
civil188.
Ø aux fins de récupérer les créances impayées, même si la liquidation est clôturée
pour insuffisance d’actifs car la dette n’est pas, pour autant, éteinte189.
Il n’apparaît pas choquant190 que la caution soit tenue plus lourdement que le débiteur
car, d’une part, il est dans l’essence même du cautionnement de garantir le créancier contre
les défaillances et donc a fortiori contre l’insolvabilité du débiteur et d’autre part, la caution
n’est pas totalement démunie car elle dispose de recours tant à l’égard du débiteur (qui
risquent d’être infructueux compte tenu de sa situation financière)191 que du créancier luimême192. De plus, la situation de la caution est loin d’être dramatique car la loi de 1985 lui est
globalement favorable.
§ 2 : Une sûreté tantôt mise à mal par le droit des procédures collectives
Considérée dans sa globalité, tant la loi de 1985 que la jurisprudence de la Cour de
cassation témoignent d’une volonté de protéger la caution, qui transparaît dans les « moyens
de défense » offerts à la caution afin de mettre en échec le recours éventuel du créancier.
Tout d’abord, l’article 56 de la loi de 1985 qui dispose : « le jugement d’ouverture
d’une procédure de redressement judiciaire ne rend pas exigible les créances non échues à la
date de son prononcé » a été déclaré, par la chambre commerciale, applicable à la caution193.
Aussi, si la caution ne peut se retrancher derrière l’article 47 sur la suspension des poursuites
individuelles pour paralyser l’action des créanciers, elle pourra, en revanche, se prévaloir de
la non déchéance du terme.
188
cass.com. 17 déc. 1992 (Gattegno c/. Banque Worms), Dr. et patrimoine 1993, n°5 p. 29, obs. Pétel
cass. com., 8 juin 1993, JCP éd. E 1993, I, n° 8, obs. Pétel et n° 6, obs. Simler ; RTD com. 1993, p. 583, obs.
Mestre
190
même si cela contrevient à certaines dispositions du Code civil : notamment aux articles 2012, 2013 et 2036
191
art. 2028 et 2032 C.civ.
192
actions en responsabilité notamment
193
cass. com., 14 nov. 1989, RTD com.1990, p.494, obs. Martin-Serf
189
-107-
Ensuite, l’article 2036 du code civil prévoit que :
« la caution peut opposer toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur
principal et qui sont inhérentes à la dette ».
Or, la Cour de cassation a précisé que l’extinction de la créance suite à sa non déclaration par
le créancier est une exception inhérente à la dette et dès lors, la caution peut valablement
l’opposer au créancier194.
Enfin, l’ article 2037 permet à la caution d’être libéré de ses engagements à la triple
condition que :
Ø un droit susceptible de profiter à la caution par subrogation ait été perdu
Ø la perte du droit soit imputable au créancier
Ø la faute du créancier ait causé un préjudice à la caution.
Cette disposition pourra être invoquée par la caution toutes les fois où le bailleur a tardé à
faire jouer la clause résolutoire de sorte que, par l’effet du redressement judiciaire du
locataire, la caution ne peut plus être subrogée dans l’action résolutoire195.
Ces moyens de défense mis à la disposition de la caution afin de se décharger de ses
obligations attestent du fait que le législateur n’a pas souhaité voir la caution tenue plus
lourdement que le débiteur lui-même. Ces faveurs pour la caution ne signifient pas, pour
autant, que la conclusion d’un contrat de cautionnement n’aura aucun intérêt pour le bailleur.
Cependant, le bailleur aura vraisemblablement tout intérêt à obtenir soit un cautionnement
émanant d’une personne morale (établissement bancaire) soit une garantie à
première
demande196.
Compte tenu de l’efficacité relative des privilèges octroyés par la loi de 1985 que se soit le
privilège du bailleur ou celui de l’article 40 ; le bailleur aura tout intérêt à recourir à des
procédés de droit commun afin de maximiser ses chances de recouvrer ses créances. À ce
titre, la compensation des créances connexes semble être la « reine » des garanties de
194
cass. com. 17 juil. 1990, D. 1991, somm., p. 12, obs. Derrida ; D. 1990, p. 4, note Honorat
cass. 1 °civ., 17 févr. 1993, Bull. civ I, n° 75, p. 49
196
Lévy, Le redressement et la liquidation judiciaires du preneur, AJPI 1994, p. 736
195
-108-
paiement dont le bailleur pourra se prévaloir, mais encore faudra-t-il qu’il soit lui-même
débiteur du locataire-débiteur. En conséquence, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les
chances de payement du créancier seront proportionnelles aux sommes qu’il doit à son propre
débiteur.
-109-
CONCLUSION
En conclusion, il faut remarquer qu’au-delà des imperfections rédactionnelles des textes,
le dispositif relatif aux bail commercial mis en place par la loi du 25 janvier 1985 à l’insigne
-110-
mérite de respecter l’esprit de cette loi à savoir : poursuivre l’exploitation de l’entreprise
dans la perspective de son redressement. À cette fin, la poursuite de certains contrats en cours
apparaît comme une nécessité. En effet, en cette période de crise qu’est le redressement
judiciaire, la principale - voire l’unique - richesse de l’entreprise sont les contrats qui la lient à
ses fournisseurs, ses distributeurs, son bailleur… ; le contrat de bail fait, d’ailleurs, partie de
ceux dont l’entreprise ne saurait se passer. Alors pour en assurer la pérennité, il faut limiter
autant que possible le droit à résiliation du bailleur. Pour atteindre un tel objectif, le jugement
d’ouverture du redressement judiciaire purge les manquements fautifs du preneur antérieurs à
l’ouverture de la procédure. De la sorte, le contrat de bail poursuivi postérieurement au
jugement d’ouverture n’est ni fondamentalement identique ni fondamentalement différent de
celui qui unissait le locataire et le bailleur avant ledit jugement. Effectivement, il continue à
lier les mêmes parties mais prive le bailleur de certains de ses droits tels : l’exception
d’inexécution, la résiliation du bail pour défaut d’exploitation… Ainsi, le lien contractuel vat-il devoir plier devant la valeur économique du contrat de bail au nom de la sauvegarde de
l’entreprise en difficulté. Le droit des procédures collectives consacrent alors « une théorie
renouvelée du droit des contrats »197 .
197
Gastaud, synthèse de la journée d’études organisée par le C.R.A.J.E.F.E., op. cit.
-111-
bIBLIOGRAPHIE
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IV.Notes, observations, rapports et conclusions
G
La résiliation du bail commercial par l’administrateur
Cass. 3° civ., 13 févr. 1985, Bull.civ. III, n° 33, p. 24.
Cass. com., 8 déc. 1987, D. 1988, jur., p. 52, obs. Derrida.
Cass. com., 12 juin 1990, D. 1990, jur., p. 450, note Derrida.
Cass. com., 16 oct. 1990, JCP éd. E 1992, II, n° 300, note Le Corre.
-116-
Cass. com., 11 déc. 1990, Loyers et copr. 1991, n° 75, obs. Brault ; RTD com. 1991, p. 103, note
Chaput
Cass. com., 12 févr. 1991, Bull. civ. IV, n° 65, p. 45.
Cass. com., 14 mai 1991, D. 1991, I.R., p. 165.
Cass. com. 4 févr. 1992, AJPI 1992, p 446 note Gallet.
Cass. com., 31 mars 1992, D. 1992, I.R., p. 180.
Cass. com. 2 févr. 1993, JCP éd. G 1994, II, n° 22212, note Lévy.
CA Paris, 26 févr. 1993, Loyers et copr. 1993, n°268, note Brault.
Cass. com., 16 mars 1993, D. 1993, I.R., p. 96.
Cass. com., 31 mai 1994, Loyers et copr. 1995, n° 217, note Brault.
Cass. com., 17 févr. 1998, RJDA 1998, n° 884, p. 642.
Cass. com., 9 juin 1998, Quot. Jur. 16 juil. 1998, p. 45 ; D. 1998, som., p. 329, obs. A. Honorat.
Cass. com., 13 oct. 1998, D. aff. 1998, p. 1846, obs. A.-L. M.-D.
G
La résiliation du bail commercial par le bailleur
Cass. 3° civ., 17 juin 1975, Bull. civ III, n° 204, p. 157.
Cass. 3° civ., 18 mai 1978, Bull. civ III, n° 205, p. 159
Cass. 3° civ., 10 juin 1980, Bull. civ III, n° 113, p. 84.
-117-
Cass. 3° civ., 19 mars 1986, Bull. civ. III, n° 32, p. 25.
CA Aix-en-Provence, 22 déc. 1987, D. 1989, p. 45, note Putman.
CA Paris, 23 mars 1988, JCP éd. E 1988, II, n° 15335, obs. Cabrillac.
Cass. com., 17 oct. 1989, Defrénois 1990, art. 34801, note Bihr.
Cass. 3° civ., 21 févr. 1990, RTD com. 1990, p. 478, obs. Chaput ; Rev. huissiers 1990, p. 1058, note
Martin.
Cass. com., 3 nov. 1992, JCP éd. G 1993, II, n° 22117, note Boccara.
Cass. 3° civ., 5 janv. 1993, Gaz. Pal. 1993, II, jur., p. 310, note Barbier.
Cass. com., 2 nov. 1993, JCP éd. E 1994, pan. 13, p. 5.
Cass. com. 14 juin 1994, D. 1995, jur., p. 105, note Derrida.
Cass. 3° civ., 12 oct. 1994, RD imm. 1995, p. 172, note F. Collart-Tilleul et Derrupé.
T. com. Paris, 18 juin 1996, Juris-Data n° 043303.
Cass. com., 11 mars 1997, Dr. sociétés 1997, n° 82, obs. Chaput.
G
Les conséquences liées à la résiliation du bail commercial
Cass. com., 20 juin 1989, JCP éd. E 1997, II, n° 15658, obs. Cabrillac et Pétel .
Cass. com. 14 nov. 1989, RTD com. 1990, p. 494, obs. Martin-Serf.
Cass. com., 17 juil. 1990, D. 1991, somm., p. 12, obs. Derrida ; D. 1990, p. 494, obs. Honorat.
-118-
Cass. com., 19 mars 1991, JCP éd. E 1991, I, n° 23, obs. Cabrillac et Pétel ; RJ com 1992, p. 24, note
Pédamon ; D. 1992, som., p.257, obs. Derrida.
Cass.com., 15 oct. 1991, Bull. civ. IV, n° 290, p. 201.
Cass. com., 17 déc. 1992, Dr. et patrimoine 1993, n° 5, p. 29, obs. Pétel.
Cass. com., 2 févr. 1993, Rev. proc. coll. 1993, p. 405, obs. Saint-Alary-Houin.
Cass. 1° civ., 17 févr. 1993, Bull. civ. I, n° 75, p. 49.
Cass. com., 8 juin 1993, JCP éd. E 1993, I, n° 8, obs. Pétel et n° 6, obs. Simler ; RTD com. 1993, p.
583, obs. Mestre.
Cass. com., 25 janv. 1994, D. 1994, p. 539, obs. Gallet.
Cass. com., 17 mai 1994, Bull. civ. IV, n° 178, p. 212.
Cass. com., 24 oct. 1995, Gaz. Pal. 1996, pan., p. 121.
Cass. com., 11 févr. 1997, Rev. proc. Coll. 1997, p. 312, obs. Conet et p. 457, obs. Saint-Alary-Houin ;
JCP éd. E 1997, I, n° 1, obs. Cabrillac ; RTD com. 1998, p. 210, obs. Martin-Serf.
Table DES MATIères
-119-
Annonce du plan
p.1
Abréviations
p.2
Introduction
p.4
PARTIE I : LA RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL PAR L’ADMINISTRATEUR
p.17
CHAPITRE I : Le droit de résilier de l’administrateur après une mise en demeure du bailleur
p.22
I. Les conditions préalables à l’exercice de l’option
p.22
§ 1 : La notion de « bail en cours » au jour de l’ouverture de la procédure collective
p.23
§ 2 : Une connaissance précise de la situation du débiteur
p.24
§ 3 : La forme et les délais de la mise en demeure
p.25
A. La forme
p.25
B. Les délais
p.26
II. Les termes de l’option
p.27
§ 1 : Le silence de l’administrateur suite à la mise en demeure du bailleur
p.27
-120-
A. Le régime antérieur : un alourdissement des modalités d’exercice du droit d’option
p.28
B.Le régime issu de la loi du 10 juin 1994 : un souci de clarification de la part du
législateur
p.30
1. Le sort du contrat de bail : la résiliation de plein-droit
p.30
2. La constatation de la résiliation de plein-droit par le juge-commissaire
p.31
§ 2 : La décision expresse de mettre fin au bail : une lacune rédactionnelle de la loi de 1985
p.32
CHAPITRE II : Les autres hypothèses de droit à résiliation de l’administrateur
p.35
I. La résiliation « prévisionnelle »
p.35
§ 1 : Le droit de repentir de l’administrateur
p.36
A. L’obligation de prévisibilité raisonnable
p.36
B. Les modalités d’exercice du droit de résiliation prévisionnelle
p.38
§ 2 : Les incidences de la réforme de l’article 37 : la multiplication des actions en
responsabilité à l’encontre de l’administrateur
-121-
p.40
II. La résiliation de plein-droit pour défaut de paiement comptant
p.42
§ 1 : Les incertitudes juridiques liées à la formule « payer au comptant »
p.43
§ 2 : Les modalités d’exercice de la résiliation
p.45
PARTIE II : LA RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL PAR LE BAILLEUR
p.48
CHAPITRE I : L’interdiction de principe : la résiliation pour des causes antérieures au
jugement d’ouverture
p.52
I. L’illustration de cette interdiction de principe : le jeu de la clause résolutoire
p.52
§ 1 : Les controverses doctrinales sur l’acquisition de la clause résolutoire
p.53
§ 2 : La condition jurisprudentielle d’acquisition de la clause résolutoire : une décision ayant
autorité de chose jugée
p.54
A. La mise en œuvre de la clause résolutoire
p.54
B. Le mécanisme contractuel de la clause résolutoire mis à mal par le droit des
procédures collectives
p.56
C. La limite de cette jurisprudence : l’absence d’autorité de la chose jugée de
l’ordonnance de référé ?
p.57
-122-
II. La résiliation pour des causes antérieures au jugement d’ouverture également neutralisée
p.59
dans le cadre d’un plan de redressement
§ 1 : Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de continuation
p.59
§ 2 : Le droit à résiliation du bailleur dans le cadre d’un plan de cession
p.60
III.Une exception marginale à cette interdiction : la résiliation du contrat de bail pour des
causes autres que le non paiement des loyers et des charges
p.63
CHAPITRE II : La résiliation pour des causes postérieures au jugement d’ouverture
p.66
I. Les articles 37 et 38 de la loi du 25 janvier 1985 : cumul ou autonomie ?
p.67
II. Les spécificités du régime spécial du bail commercial ( l’article 38 de la loi du 25 janvier
1985)
p.70
§ 1 : Le régime antérieur à la loi du 10 juin 1994 : une jurisprudence contestée et contestable
p.71
A. La résiliation pour défaut de paiement des loyers et des charges antérieures au
jugement d’ouverture : mythe ou réalité ?
p.71
B. La condition préalable à l’exercice de l’action
p.73
§ 2 : Le nouvel article 38 : un renforcement des droits du bailleur
p.74
-123-
A. Le tempérament à la liberté de résilier du bailleur
1.Le champ d’application de l’article 38 alinéa 1er
a. Les baux visés
p.75
p.75
p.75
b. Un mot bien singulier : l’adjectif « afférent » contenu dans l’article 38
de la loi du 25 janvier 1985
2. Les conditions de mise en œuvre de l’article 38
p.76
p.78
a. La nouvelle condition préalable à l’introduction de l’action en
résiliation : l’occupation des lieux loués
p.78
b. La résiliation de plein-droit du bail commercial est-elle autonome par
rapport au décret du 30 septembre 1953 ?
p.79
c. Un moratoire de deux mois pour le locataire en redressement
judiciaire
p.81
B.La dérogation à la liberté de résilier du bailleur : le défaut d’exploitation des lieux
loués
p.82
PARTIE III : LES CONSEQUENCES LIEES A LA RESILIATION DU BAIL
COMMERCIAL
p.85
CHAPITRE I : Les privilèges accordés au bailleur par le droit des procédures collectives :
une sécurité de paiement partielle
p.88
I.Le privilège du bailleur : une sûreté restreinte par rapport au droit commun
p.88
§ 1 : L’étendue des créances garanties
p.89
-124-
§ 2 : Le rang ( médiocre ) du privilège du bailleur dans la classification de l’article 40
p.91
II. Le privilège de l’article 40
p.92
§ 1 : Les créances garanties par l’article 40
p.93
§ 2 : Les modalités de mise en œuvre de l’article 40
p.96
CHAPITRE II : Une meilleure garantie de paiement pour le bailleur : le recours à des
mécanismes de droit commun
p.99
I.L’exception de compensation
p.100
§ 1 : L’efficacité limitée de la compensation légale, judiciaire et conventionnelle en droit
des procédures collectives
p.100
§ 2 : La « super-compensation » des créances connexes : une garantie de paiement quasiabsolue
p.103
II. L’efficacité mitigée du cautionnement en cas de redressement judiciaire du locataire
p.104
§ 1 : Une garantie tantôt efficace contre la défaillance du débiteur failli
p.105
§ 2 : Une sûreté tantôt mise à mal par le droit des procédures collectives
p.107
Conclusion
p.110
-125-
Bibliographie
p.112
Table des matières
p.120
-126-