Français Oral 2010

CONCOURS EXTERNE DE RECRUTEMENT
DES INSTITUTEURS DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ÈTAT
RECRUTÉS À MAYOTTE
Session 2010
Épreuve : Français.
Compréhension orale.
Durée : 30 minutes
Points : 30
Pages : 5
CE TEXTE NE DOIT PAS ÊTRE DISTRIBUÉ AUX CANDIDATS
À dire deux fois, sans oublier au début le chapeau et à la fin le nom de l’auteur et la référence du texte.
Nous allons vous lire un texte deux fois. Vous êtes invités à prendre des notes pendant les lectures pour
pouvoir tout à l'heure répondre par écrit à un questionnaire à choix multiples.
***
Ce texte est extrait d’une interview du romancier Michel Tournier, prix Goncourt, au micro du journaliste Jacques
Chancel sur France-Inter en 1980.
MICHEL TOURNIER […] La société actuelle vit sur une certaine idée de l’enfant. Et cette idée de l’enfant, elle est
récente, elle date du 19e siècle, et disons qu’elle est issue des amours monstrueuses et contre nature de la reine
Victoria et de Victor Hugo. Dans les deux, il y a Victor, voyez, bon. Alors, qu’est-ce que c’est que l’enfant pour la
reine Victoria et pour Victor Hugo ? C’est un ange. C’est un ange tombé du Ciel, un ange de pureté, et cet ange, il
ne faut pas le souiller. Et la société est sale car dans la société il y a de l’argent mais il y a surtout du sexe. Or selon
cette vision des choses, il y a entre le sexe et l’enfant, n’est-ce pas… C’est horrible, le contact est absolument
horrible, c’est l’eau et le feu. Il ne faut surtout pas que la moindre tache de sexe vienne souiller cet ange de pureté
qui est tombé du Ciel.
Tout ça est assez rigolo parce que finalement ça fait complètement abstraction de la révolution de Freud. Et il y a
une date qui m’amuse beaucoup parce qu’elle a quelque chose de symbolique, c’est 1885. Qu’est-ce qui s’est passé
en 1885 ? C’est la mort de Victor Hugo, avec des funérailles absolument splendides. Malgré le corbillard des
pauvres qu’il avait voulu, n’est-ce pas, c’étaient les plus belles funérailles qu’on ait jamais vues en France. Mais
c’est aussi l’arrivée à Paris d’un étudiant venu suivre à la Salpêtrière les cours du célèbre Charcot, et cet étudiant
s’appelait Sigmund Freud. Et je me suis toujours demandé – ce serait peut-être possible de le savoir – si Freud était
allé suivre les funérailles de Victor Hugo… Peut-être, il était là. Parce que ce serait quelque chose de symbolique
parce que Freud apporte de l’enfant une idée qui est violemment opposée à celle que s’en faisaient Victor Hugo et
la reine Victoria. Qu’est-ce que nous dit Freud ? Freud nous dit : « Mais pas du tout, mais l’enfant, l’enfant est un
nœud de pulsions… érotiques, l’enfant est un pervers polymorphe, l’enfant cherche des satisfactions par tous les
bouts de son corps, n’est-ce pas, la bouche, l’anus… Tout ça se met en branle, n’est-ce pas, chez l’enfant… C’est
un véritable petit cochon, l’enfant... »
Alors à ce moment-là, il rejoint, si vous voulez, une idée qui était celle de l’Ancien Régime. Car si vous interrogez
Fénelon, Bossuet, sur les enfants, ils vous diront tous la même chose. Ils vous diront : « Mais l’enfant c’est
dégoûtant, l’enfant, c’est une bête, il faut l’écarter de la société parce qu’il ne mérite pas de faire partie de la
société. » Alors on l’envoie en nourrice ou bien on l’enferme dans des internats avec des Jésuites. Et alors quel est
le rôle de l’éducation ? Eh bien le rôle l’éducation, c’est justement de faire de cette petite bête sale et brute un
citoyen, un chrétien. Alors il y a un rôle essentiellement, euh… morigénateur de l’éducation. La société est bonne,
l’enfant est mauvais, il faut que la société façonne cette petite brute pour qu’il soit présentable, pour qu’on puisse
le montrer dans un salon, et ça, pas avant quinze-seize ans.
Et alors avec Jean-Jacques Rousseau et Victor Hugo, on renverse tout ce principe : la société est mauvaise et
l’enfant, lui, est un ange de pureté. En réalité, tout ça est extrêmement fantasmatique, mais dans l’idée de Freud,
n’est-ce pas… Freud n’est pas tout à fait un retour à l’Ancien Régime, parce qu’il a quand même conservé quelque
1/2
chose de la mythologie de Hugo à l’égard de l’enfant. Freud nous dit : « L’enfant est une brute, l’enfant est une
bête, l’enfant est sale, l’enfant a des pulsions érotiques, » etc. Mais il y a quand même quelque chose qu’il a retenu
du 19e siècle et de Victor Hugo : c’est que cette bête est fragile. Ah, attention ! C’est une bête mais il ne faut pas la
malmener, il ne faut pas lui faire subir des chocs trop durs, sinon il en conservera des traces toute sa vie et il en
sera en quelque sorte blessé, mutilé et diminué. Et ça alors, c’était une idée qui était complètement étrangère à
l’Ancien Régime. Pour l’Ancien Régime, il n’y avait absolument rien qui puisse choquer cette petite bête brute
qu’on appelle enfant, et quand on torturait un malheureux en place de Grève, tout le premier rang du public était
formé par les enfants. On pensait même que ça leur faisait du bien de voir ça parce que ça leur inspirait une saine
frousse du crime. Alors Freud nous dit : « Bon, l’enfant est une petite bête, pleine d’instincts et de perversions,
mais il est fragile. Faites attention… » Et alors vous savez ce que ça a donné aux États-Unis, n’est-ce pas, où sous
prétexte de ne pas donner de complexes aux enfants, on leur laisse faire absolument n’importe quoi.
JACQUES CHANCEL : Je retiens ces trois conceptions : pour les Classiques, l’enfant est une bête ; pour les
Romantiques, bien évidemment, c’est un ange ; et puis il y a Freud qui vient tout normalement dans votre
conversation. Et notre société, vous le dites, en est restée à la conception romantique, c’est à dire la drôle d’alliance
Victor Hugo et la reine Victoria.
Michel Tournier,
au micro deJacques Chancel
dans l’émission Radioscopie, France-Inter, 1980.
2/2
SESSION 2010
CONCOURS EXTERNE DE RECRUTEMENT
DES INSTITUTEURS DE LA FONCTION
PUBLIQUE DE L’ETAT RECRUTES A MAYOTTE
Ne rien
inscrire dans
le cadre
Spécialité
N° Inscription :
NOM : (en majuscules d’imprimerie)
:
Epreuve de :
Prénom :
Repère de l’épreuve :
CONCOURS EXTERNE DE RECRUTEMENT
DES INSTITUTEURS DE LA FONCTION
PUBLIQUE DE L’ETAT RECRUTES A MAYOTTE
Ne rien
inscrire dans
le cadre
Spécialité
NOTE :
La copie ne doit porter
ni signature, ni signes
susceptibles d’en
déterminer l’origine.
:
Epreuve de :
Repère de l’épreuve :
Ce questionnaire comporte trois pages
Questions
1)
2)
3)
Cette interview est
une discussion où l’écrivain et le journaliste donnent chacun leur point de vue.
un quasi monologue où seul l’écrivain s’exprime vraiment.
une rétrospective historique des différentes conceptions de l’enfance.
une liste de conseils à l’usage des parents et des éducateurs.
une sorte d’hommage poétique à l’enfance.
Quel titre pourrait convenir à cet extrait ?
La conception freudienne de l’enfance.
La conception romantique de l’enfance.
Trois conceptions de l’enfance.
La conception de l’enfance sous l’Ancien Régime.
Différentes conceptions de l’enfance.
Dans cette interview, Michel Tournier
prend parti pour la conception freudienne.
présente les différentes conceptions sans prendre parti.
prend parti pour la conception romantique.
adhère à la conception de l’Ancien Régime.
Attention, pour chaque question, il y a deux réponses à cocher.
Pour chaque question, cochez les DEUX réponses qui correspondent le mieux au texte que vous
avez entendu. En cas de rature, confirmez votre réponse en entourant les cases choisies.
ne propose aucune conception personnelle.
1/3
5)
6)
7)
8)
La Reine Victoria et Victor Hugo :
partageaient la même représentation romantique de l’enfance.
avaient des représentations opposées de l’enfance.
ont donné naissance à des enfants anormaux.
pensaient qu’il faut protéger l’enfant des souillures de la société.
considéraient l’enfant comme un être pervers.
Selon la conception romantique de l’enfance,
l’enfant ne mérite pas de faire partie de la société.
l’enfant est un être pur et innocent.
l’enfant est bon et la société mauvaise.
la société est bonne et l’enfant mauvais.
l’enfant est comme un animal qu’il faut dresser.
La date de 1885 est importante selon Michel Tournier parce que
elle marque symboliquement le passage d’une époque à une autre.
c’est la mort de Victor Hugo et l’arrivée de Freud à Paris.
elle a permis la synthèse des conceptions romantique et freudienne de l’enfance.
une dispute a éclaté entre Victor Hugo et Freud.
c’est la rencontre de Victor Hugo et de Freud à Paris.
Selon la conception de Freud, l’enfant
est un être fragile qu’il faut protéger.
est fondamentalement bon.
n’éprouve pas de pulsions sexuelles.
est un ange de pureté.
éprouve de nombreuses pulsions sexuelles.
Attention, pour chaque question, il y a deux réponses à cocher.
4)
Selon la conception de l’Ancien Régime
l’enfant est bon et la société mauvaise.
la société est bonne et l’enfant mauvais.
l’enfant est comme un animal qu’il faut dresser.
l’enfant doit partager l’intimité de ses parents.
l’enfant est un être humain à part entière.
2/3
10)
À propos de l’enfance, le philosophe Jean-Jacques Rousseau
rejette la conception romantique.
est proche de la conception de l’Ancien Régime.
s’oppose à la conception de Victor Hugo.
est proche de la conception de Victor Hugo.
marque une rupture avec la conception de l’Ancien Régime.
L’époque contemporaine
a conservé la conception romantique de l’enfance.
rejette la conception romantique de l’enfance.
a tendance à laisser trop de liberté à l’enfant.
ne laisse pas l’enfant s’exprimer suffisamment.
préconise les châtiments corporels.
Attention, pour chaque question, il y a
deux réponses à cocher.
9)
3/3