L0288 AVIS D`EXPERT - Nantes Aménagement

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L0288 AVIS D`EXPERT - Nantes Aménagement
Cabinet LAFON Antoine – Architecte Expert
11 rue de Toscane – 44240 LA CHAPELLE SUR ERDRE
Tél. 02.40.40.45.14
Antoine LAFON
Architecte D.P.L.G.
Expert près la cour d’Appel de Rennes
Email : [email protected]
La Chapelle sur Erdre, le 28/04/2015
NANTES METROPOLE AMENAGEMENT
2 rue Carnot
44000 NANTES
N/REF : L288
AVIS D’EXPERT
A la demande de NANTES METROPOLE AMENAGEMENT, je me suis rendu au 10 rue Arsène
Leloup – 44000 NANTES correspondant aux Salons Mauduit, le 21/04/2015.
Etaient présents le 21/04/2015 de 9H 30 à 11 H 30 :
Madame DUCHENE, NANTES METROPOLE AMENAGEMENT
Monsieur CAMMERMAN, Société ADI (Atlantique Développement Immobilier)
et
Monsieur LAFON, expert
DEMANDE FORMULEE
-
Donner un avis sur la possibilité éventuelle de renforcer la charpente existante des Salons
Mauduit
Définir s’il existe une urgence à intervenir concernant la stabilité de cette charpente
PIECES COMMUNIQUEES
-
Avis technique établi par la SOCOTEC en date du 18/03/2011
Diagnostic de structure établi par le BET structure E2C ATLANTIQUE en date du
22/07/2002
Plans et coupes du bâtiment
Note technique EGIS du 22/04/2015
Architectes inscrits au Conseil Régional de l’Ordre des Architectes des Pays de la Loire – n° 016932
Membres d’une Association Agréée par l’Administration Fiscale acceptant le règlement des honoraires par chèque
SIRET 529 384 208 00029 – Code APE 7111Z
RAPPEL HISTORIQUE ET DATES PRINCIPALES
Les Salons Mauduit ont été créés en 1905. L’activité alors des Salons permet aux nantais de se
retrouver pour s’adonner au patin à roulettes et à des réceptions.
Dans les années 1930, ces Salons ont été réaménagés et ont reçu des décorations constituées de
plafonds en staff, de bas-reliefs en staff, de verrières, de fresques, de type art déco encore visibles
aujourd’hui.
En 1980 les Salons Mauduit sont vendus à la Ville de NANTES.
Une opération de rénovation a été menée dans les années 1990 avec des remises en état des
Salons, l’adjonction d’une cuisine moderne et de bâtiments annexes permettant d’augmenter la
capacité d’accueil des salons initiaux.
En 2002, la fermeture des Grands Salons Mauduit a été décidée suite à des fragilités structurelles
décelées dans les charpentes du Grand Salon et du Salon de l’Arche dans le cadre d’une étude
acoustique.
C’est dans ce contexte qu’un diagnostic des structures a été confié au bureau d’études E2C. Le
Grand Salon et le Salon dit de « L’Arche» sont fermés au public depuis au vu des faiblesses
structurelles constatées en 2002.
CONSTATS
Les Salons Mauduit sont constitués de différents salons dont deux salons principaux dénommés
« Grand Salon » et « Salon de l’Arche »
« GRAND SALON » :
Le revêtement de sol de ce Grand Salon est constitué d’un plancher.
Une verrière a été aménagée en partie centrale dans un le faux-plafond en staff,
De faux pilastres en staff contribuent à la décoration des parois ainsi que cinq bas-reliefs en staff
qui reprennent des allégories liées à la mythologie.
Le faux-plafond et la verrière sont supportés par une charpente métallique.
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« SALON DE L’ARCHE »
Un deuxième salon de surface moindre, séparé du précédent par une coursive, dénommé Salon de
l’Arche de par la présence d’une fresque/laque réalisée par l’artiste Jean DINAND.
Le revêtement de sol est également constitué d’un plancher.
Un second jour est aménagé dans ces salons par l’intermédiaire d’une verrière longitudinale a
caissons.
Le faux-plafond et la verrière sont supportés par une charpente traditionnelle en bois par le biais
d’une structure secondaire.
CONSTAT SUR CHARPENTE METALLIQUE (GRAND SALON)
GRAND SALON
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La structure métallique est constituée de fermes triangulées avec des cornières simples ou doubles
assemblées par boulons ou rivets
Les sections des profilés utilisés pour cette charpente sont faibles.
Je relève plusieurs déformations d’arbalétriers ainsi que d’un poinçon métallique au niveau du
connecteurs centrale de la ferme principale.
La déformation du plat métallique concerne le nœud 5 central inférieur de la ferme principale.
Cette déformation révèle un déplacement longitudinal.
Je relève que la panne intermédiaire supportant la couverture par l’intermédiaire d’une lisse en
bois festonne (voir photo).
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La verrière en partie centrale est supportée par des attaches dont certaines sont courbes et ne
peuvent assurer une tenue mécanique suffisante.
Je ne relève pas de contreventement dans le plan de la couverture. Seule une triangulation existe
en tête de poteaux. Je ne relève pas de buton permettant de lutter contre le déversement des pannes
dans le sens longitudinal.
La structure métallique primaire supporte le faux-plafond en staff ainsi que la verrière par
l’intermédiaire de deux ossatures secondaires constituées de bastaings en bois.
Je note des inflexions de cette structure secondaire (voir photo) avec des amorces de dissociation
des bastaings en bois liaisonnés par un simple clouage entre eux (voir photo).
Si la stabilité de la structure métallique primaire peut se justifier par le calcul, il est impossible de
modéliser les structures secondaires supportant le faux-plafond en staff ainsi que les verrières.
Ce point est confirmé dans le rapport de E2C.
Les profilés de charpente ont reçu une peinture anticorrosion mais non intumescente.
NOTA : la peinture intumescente permet par une expansion, quand elle est soumise à de fortes
chaleurs, par un effet de « meringue » de protéger et retarder le fluage de la charpente.
Je note que des éléments de charpente ont fait l’objet de transformation avec des profilés
sectionnés et remplacés par d’autres assemblages boulonnés.
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L’accès à cette charpente se fait par des passerelles en bastaings qui sont implantés
longitudinalement et reposant entre autre sur la structure secondaire.
L’accès à ces passerelles est fortement limité par la mise en œuvre de conduites de ventilation et
j’ai renoncé à progresser plus en avant au vu de l’état de la structure (voir photo).
Les cheminements piétons présentent des inflexions.
La peinture anti corrosion a été appliquée seulement sur les parties visibles de la charpente.
Les poteaux métalliques intégrés dans les parois sont pourvus de leur traitement initial.
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ANALYSE
La destination initiale de ce bâtiment était de recevoir une activité liée à la pratique du patin à
roulette. Sa structure a été conçue comme un bâtiment industriel qui a fait l’objet au fil de son
histoire d’ajout de charges permanentes.
Les faibles sections des profilés constituant la charpente métallique permettent, sans calcul, de
considérer que cette charpente suffit actuellement à supporter simplement les charges permanentes
exercées par le faux-plafond et la verrière.
Cette « impression » est corroborée par la vérification par le calcul de la stabilité de cette
charpente effectuée par le bureau d’études E2C en 2002 qui, dans ses conclusions (page 67 de son
rapport), relève un sous-dimensionnement général qui affecte à la fois les pannes, les fermes
intermédiaires, les portiques principaux et les poutres longitudinales.
Ces déformations sont évolutives car mes constats ne sont pas tous décrits dans le rapport E2C.
La stabilité au feu de cette charpente n’est pas assurée de par les faibles sections utilisées et
l’absence de peinture intumescente.
Pour mémoire, les éléments en staff représentent une protection coupe-feu efficace mais, du fait de
la discontinuité de ces plafonds avec l’incorporation des verrières, ce staff ne peut plus jouer son
rôle vis-à-vis du feu. Ce point est aggravé par l’absence de protection de type peinture
intumescente.
Il est rappelé dans les conclusions de E2C que les charges climatiques, qui correspondent à des
contraintes affectant les bâtiments notamment liés à l’accumulation de neige ou des pressions liées
aux vents, ne peuvent être reprises par la capacité des fermes.
L’évolution des déformations engendrera la ruine du bâtiment en cas de sollicitions extérieures
liées à un évènement climatique exceptionnel ou à une secousse sismique sachant que la région
NANTAISE est désormais classée en zone 3.
Je n’ai pas pu effectuer de constat sur les encastrements éventuels des poteaux au niveau des
fondations qui de par leur ancienneté et leur contact avec le sol laisse présager une dégradation par
corrosion mais la SOCOTEC mentionne dans son rapport suite à sa visite sur site le 21/02/2011 :
« Des parties métalliques et maçonnées sont visibles en pied de poteau, par contre des éléments
métalliques se détachent à la main, les semelles des poteaux sont fortement corrodées »
Dans le cadre du rapport E2C (2002) il avait été étudié tout un ensemble de renforcement.
Ces travaux ont étés envisagé en 2002 alors que E2C n’avait pas connaissance de l’état réel des
pieds de poteau métallique et de l’évolution du classement sismique.
Les travaux décrits sont très importants et ne peuvent se concevoir sans la mise à nu de la structure
métallique dans son intégralité ce qui revient à la démolition de tous les éléments liés à cette
structure, soient les verrières, les faux plafonds et l’ensemble des décors Arts Déco en staff.
Les charges ajoutées par les renforcements nécessiteront par procédé itératif des renforcements
plus importants.
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Comme le rappelle la notice technique émise par EGIS en page 4/4, les cahiers techniques de
l’AFPS (Association Française du génie Parasismique - N°35 Avril 2014 - page 44/59) précisent
que l’ajout des masses dans un bâtiment doit être limité à 10% de la masse initiale afin d’éviter
l’aggravation de la vulnérabilité sismique du bâtiment.
Cette limite sera largement dépassée dans le cadre d’une réhabilitation avec des renforts
structurels conséquents.
BAS-RELIEFS DANS LE GRAND SALON
Les cinq bas-reliefs d’une dimension de 4 x 5 m environ sont constitués d’éléments de staff
revêtus d’une patine assemblés sur site, d’après les informations recueillies.
Des sondages ont été menés en périphérie des bas-reliefs. A partir de ces sondages, j’ai pu
effectuer les constats suivants :
Je note l’existence d’un profilé métallique vertical en partie médiane sur la face arrière du basrelief et un encadrement de ce décor qui est maintenu par tout un ensemble d’entretoises et de
polochons constitués de plâtre et de filasses constituant une fixation rigide de ces panneaux vis-àvis de la structure.
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SALON DE L’ARCHE
La fresque/laque de l’artiste Jean DINAND se situe en fond de salle.
Je n’ai pas pu accéder à la charpente et les constats ont été effectués à partir du sol.
La verrière et ses caissons en staff sont supportés par une ossature métallique secondaire.
Il m’est précisé que le faux-plafond a commencé à se lézarder à proximité de la fresque et dans les
angles de la verrière.
Ces lézardes sont le révélateur d’un affaissement de la structure primaire ou secondaire qui
supporte la verrière.
Une partie de la verrière sur trois travées a fait l’objet d’une dépose à titre conservatoire afin de
préserver la fresque.
Je ne relève pas, tant au niveau du staff que du plancher de cette salle, de traces d’infiltration
d’eau.
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Je note à partir du sol la réalisation de polochons pour le maintien de la verrière à la structure
métallique.
Il convient de rappeler que ce type de fixation par polochons armés de filasse présente comme
défaut principal que, si une fixation n’assure plus sa fonction, les charges se reportent de proche
en proche et mettent la stabilité de l’ouvrage en péril.
CONCLUSIONS
SUR LE RENFORT DE LA CHARPENTE :
Les constats et analyses sont recoupés par l’analyse au chapitre 2.4 du rapport E2C page 3/4.
- Vérification de la capacité portante de la charpente :
« Suivant les résultats de calculs, il apparait que la charpente actuelle ne peut pas supporter les
charges climatiques neige et vent appliquées selon les règlements en vigueur.
Les contreventements, les dispositifs anti flambage, les dispositifs d’anti déversement, les sections
des membres supérieurs des fermes ainsi que la section des poteaux en partie haute sont
insuffisants.
Dans l’état actuel, la charpente ne peut recevoir aucune charge supplémentaire. Au contraire, elle
doit être renforcée pour répondre aux exigences de la réglementation en vigueur ». (Rapport
établi en 2002).
Au vu de l’importance des renforcements envisagés pour palier au manque de stabilité
structurelle et au feu avec une démolition de l’enveloppe de ce bâtiment et de son contenu,
de l’état de corrosion des poteaux et de l’évolution de la réglementation sismique, il n’est
pas concevable de préserver cette structure.
SUR L’URGENCE A INTERVENIR :
Au vu des constats effectués corroborés par les rapports de E2C et de SOCOTEC, la stabilité de
la charpente et des ossatures secondaires est tributaire d’aléas climatiques ou sismiques qui, par
définition, sont impossibles à prévoir.
Il convient d’effectuer dès à présent la dépose des éléments représentant un intérêt
patrimonial avant que survienne la ruine incontrôlée de ce bâtiment.
Antoine LAFON,
Architecte D.P.L.G.
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