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Direction de la recherche sur la faune Société de la faune et des parcs du Québec et Département de biologie, Université Laval Centre d'études nordiques Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle Département de biologie, Université du Québec à Rimouski TAILLE DES DOMAINES VITAUX SAISONNIERS ET PHILOPATRIE DE DEUX POPULATIONS NORDIQUES DE CERFS DE VIRGINIE (Odocoileus virginianus) par Louis Lesage Département de biologie, Université Laval et Centre d'études nordiques Michel Crête Direction de la recherche sur la faune Société de la faune et des parcs du Québec Jean Huot Département de biologie, Université Laval et Centre d'études nordiques André Dumont Corporation de gestion de la Forêt de l'Aigle et Jean-Pierre Ouellet Département de biologie, Université du Québec à Rimouski traduit de l'anglais par Christine Lefebvre pour Société de la faune et des parcs du Québec Québec, août 2001 ii Référence à citer: _________________________________________________________________________ Lesage, L. et al. 2001. Taille des domaines vitaux saisonniers et philopatrie de deux populations nordiques de cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus). Société de la faune et des parcs du Québec, Direction de la recherche sur la faune, Québec. 30 p. _________________________________________________________________________ Dépôt légal - Bibliothèque nationale du Québec, 2002 ISBN : 2-550-38611-6 iii RÉSUMÉ Entre 1994 et 1997, nous avons comparé l’utilisation de l’espace chez deux populations de cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) qui hivernent dans deux ravages voisins du sudest du Québec, caractérisés par des conditions de neige abondante. Une population était à faible densité (10 cerfs/km2) et avait accès à une nourriture hivernale abondante (127 000 ramilles/ha), alors que la deuxième population, à plus forte densité (20 cerfs/km2), disposait d’une quantité de nourriture réduite (68 000 ramilles/ha). À cause de la compétition intraspécifique pour les ressources, nous avions anticipé que la population à haute densité serait caractérisée par des domaines vitaux plus petits, démontrerait une plus grande philopatrie et devrait connaître plus de dispersions. Les cerfs des deux populations occupaient des domaines vitaux d’été de taille similaire, mais ceux-ci étaient beaucoup plus grands (mâles adultes = 1182 ha; femelles adultes = 1102 ha; mâles d'un an = 6033 ha; femelles d’un an = 2528 ha) que d’autres domaines vitaux mesurés ailleurs en Amérique du Nord. En hiver, la population à haute densité était plus philopatrique que celle à basse densité, une situation inexistante en été. La plupart des cerfs sont demeurés migrateurs durant l’étude (n = 93) mais quatre des cinq cerfs qui se sont dispersés, provenaient de la population à haute densité. Nous discutons des avantages adaptatifs d’utiliser de grands domaines vitaux estivaux pour les populations de cerfs de Virginie qui font face à des conditions hivernales difficiles. Nos résultats apportent des pistes d’explication sujet de l’apparition et de l’agrandissement des ravages de cerfs. v TABLE DES MATIÈRES RÉSUMÉ ..............................................................................................................................iii TABLE DES MATIÈRES ................................................................................................... v LISTE DES TABLEAUX ..................................................................................................vii LISTE DES FIGURES........................................................................................................ix 1. INTRODUCTION ........................................................................................................... 1 1.1 Aire d'étude.................................................................................................................. 4 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES....................................................................................... 6 2.1 Télémétrie.................................................................................................................... 6 2.2 Estimation des domaines vitaux .................................................................................. 7 2.3. Philopatrie................................................................................................................... 8 2.4 Analyses statistiques.................................................................................................... 8 3. RÉSULTATS ................................................................................................................. 10 4. DISCUSSION................................................................................................................. 13 4.1 Taille des domaines vitaux ........................................................................................ 13 4.2 La philopatrie versus la densité de la population....................................................... 15 4.3. Formation et dynamisme des ravages....................................................................... 16 REMERCIEMENTS .......................................................................................................... 19 LISTE DES RÉFÉRENCES.............................................................................................. 20 vii LISTE DES TABLEAUX Page Tableau 1. Taille (ha) moyenne (E.S.; n) des domaines vitaux hivernaux et estivaux estimée à l'aide de la méthode du polygone convexe (95 %) pour deux populations de cerfs de Virginie (ravage de Pohénégamook (RPK; population de haute densité) et ravage du Lac Témiscouata (RLT; population de basse densité)) du sud-est du Québec. Les densités hivernales étaient de : RLT = 10 cerfs/km2 et RPK = 20 cerfs/km2.................................................................................... 27 Tableau 2. Pourcentage moyen (E.S.; n) de la réutilisation des domaines vitaux saisonniers lors d'années consécutives ou non consécutives pour deux populations de cerfs de Virginie. Les densités hivernales étaient de: RLT = 10 cerfs/km2 et RPK = 20 cerfs/km2............................................... 28 Tableau 3. Taille (ha) moyenne des domaines vitaux hivernaux et estivaux de populations de cerfs de Virginie en Amérique du Nord. ............................ 29 ix LISTE DES FIGURES Page Figure 1. Répartition de domaines vitaux estivaux de cerfs de Virginie des ravages du Lac Pohénégamook (haute densité) et du Lac Témiscouata (basse densité), dans le sud-est du Québec entre 1994 et 1997 ............................................................................................... 30 Figure 2. Exemple de domaine vital estival discontinu utilisé par un cerf de Virginie dans le sud-est du Québec. L'aire grise correspond au domaine vital saisonnier, incluant toutes les localisations, basé sur la méthode du polygone convexe à 95 %; les aires noircies représentent les aires utilisées consécutivement durant le même été, ce que nous avons considéré comme étant le domaine vital réel .............................................................................................................. 31 Figure 3 a). Évolution spatiale du ravage de cerfs de Virginie de Phénégammook (haute densité) entre 1977 et 1997 .................................. 32 Figure 3 b). Évolution spatiale du ravage de cerfs de Virginie du Lac Témiscouata (densité basse) entre 1979 et 1997 ........................................ 33 1 1. INTRODUCTION La théorie de l'optimisation (Cohen 1967) et le concept des stratégies évolutives stables (Parker et Stuart 1976) peuvent expliquer la raison pour laquelle la migration a évolué chez les vertébrés. En effet, chez les mammifères terrestres, la migration peut permettre d'avoir accès à une alimentation de haute qualité (Skogland 1984; Albon et Langvatn 1992), d'éviter les prédateurs (Bergerud et Page 1987; Seip 1992) et de réduire l'impact de conditions climatiques difficiles (Messier et Barrette 1985; Nicholson et al. 1997; Undertmark 1998). Les cervidés des régions tempérées et nordiques démontrent des patrons variables d'utilisation de l'espace et la plupart des espèces peuvent migrer ou demeurer sédentaires selon les conditions climatiques locales (Craighead et al. 1972; Thomas et Toweill 1982; Eberhardt et al. 1984; Garrott et al. 1987; Bradshaw et al. 1995; Undertmark 1998). Les populations de cerfs de Virginie (Odocoileus virginianus) qui résident dans les régions où il y a peu de neige, semblent être plus sédentaires (Larson et al. 1978; Lincoln 1992; Loudon et Brinklow 1992) que les populations nordiques qui migrent entre des domaines vitaux estivaux et hivernaux (Messier et Barrettte 1985; Nelson 1995; Van Deelen et al. 1998). Les domaines vitaux hivernaux de cerfs de Virginie, que nous appelons ravages, sont caractérisés par des peuplements inéquiens mélangés et conifériens. Les îlots de conifères interceptent et maintiennent la neige (Huot 1974; Crawford 1984), ce qui réduit la dépense énergétique des cerfs pour leurs déplacements (Parker et al. 1984). De plus, les conifères réduisent la vitesse du vent et ainsi, diminuent les dépenses d'énergie nécessaires à la thermorégulation (Verme 1968; Crawford 1984). Les arbustes et les jeunes arbres, dont les ramilles représentent la principale source de nourriture hivernale (Skinner et Telfer 1974; Dumont et al. 1998), croissent généralement dans les trouées. Les ravages sont constitués de réseaux de sentiers qui permettent d'avoir accès à de la nourriture et d'éviter les prédateurs (Telfer et Kelsal 1984; Messier et Barrette 1985). Dépendamment des conditions d'enneigement, les cerfs vont demeurer ou non dans le réseau de pistes. Un séjour prolongé dans les ravages cause une baisse graduelle du brout disponible et crée ainsi, une augmentation de l'énergie consacrée à la recherche de nourriture, ce qui résulte en 2 une utilisation plus rapide des réserves corporelles qui souvent, mène à l'inanition (Potvin et al. 1981). Les cerfs ont l'habitude de migrer entre leurs domaines vitaux hivernal et estival (Aycrigg et Porter 1997; Van Deelen et al. 1998). Les jeunes apprennent ces routes de migration en suivant les adultes (Tierson et al. 1985). Les jeunes femelles tendent à demeurer plus près de leur mère après avoir atteint l'âge adulte que leurs frères (Nelson et Mech 1984). Porter et al. (1991) utilisent l'analogie de « pétale de rose » pour décrire les arrangements spatiaux des domaines vitaux des unités familiales de cerfs de Virginie. Ces groupes matriarcaux peuvent demeurer stables au fil du temps car la présence de femelles expérimentées et apparentées dans leur entourage est avantageuse (Aycrigg et Porter 1997). Les cerfs se rappellent de leurs patrons de migration comme l'ont démontré les animaux marqués qui ont continué à migrer dans la même direction et sur la même distance malgré qu'ils aient été déplacés dans de nouvelles aires (Nelson 1994). Cependant, les comportements de migration ne sont pas observés chez tous les cerfs de Virginie. En effet, quelques individus abandonnent leur patron traditionnel de migration ou demeurent au même endroit toute l'année (Nelson et Mech 1984; Aycrigg et Porter 1997; Nelson 1998). Les comportements de dispersion sont observés plus fréquemment chez les jeunes mâles (Nelson et Mech 1984) peut-être parce que les autres mâles les exluent à cause des possibilités d'accouplement (Shields 1987). De plus, l'augmentation des densités de population favorise la dispersion des mâles (Nelson et Mech 1984) mais non des femelles (Clutton-Brock et al. 1982; Nixon et al. 1991; Nelson et Mech 1992). Les hypothèses proposées pour expliquer la dispersion sont : l'augmentation du succès de reproduction chez ceux qui se dispersent (Shields 1987), le nombre élevé d'accouplements (Bengtsson 1978; Shields 1987) et une plus grande accessibilité aux ressources alimentaires de qualité (Nicholson et al. 1997). Au Québec, les cerfs de Virginie sont au nord-est de leur aire de répartition. Au cours du siècle dernier, cette espèce a étendu son aire de distribution du sud du Québec à l'extrémité de la péninsule gaspésienne, sur la rive sud du fleuve St-Laurent (Martin 1980) en tirant avantage de l'agriculture et des coupes forestières, qui procurent la nourriture et l'abri 3 nécessaires aux cerfs (Huot et al. 1984). De plus, les populations de cerfs ont également bénéficié de l'extermination des loups gris (Canis lupus, Martin 1980). Dans le sud-est du Québec, les densités de populations restent basses (< 0,3 cerf/km2) et fluctuent avec les hivers occasionnellement longs et rigoureux, ce qui provoque un taux élevé de mortalité (Potvin et al. 1981; Lamontagne et Potvin 1994). Dans certaines circonstances, les populations locales de cerfs de Virginie peuvent même s'éteindre. Nous avons comparé l'utilisation des habitats d'été et d'hiver de deux populations de cerfs utilisant des ravages voisins du sud-est du Québec. Dans le premier ravage, riche en nourriture, la densité de population était basse. La densité du second ravage était stable mais deux fois plus grande que dans le premier quoique la disponibilité de la nourriture y était moindre (Dumont et al. 2000). Pendant l'étude, le nombre de cerfs de Virginie de la population de haute densité était régularisé par la compétition pour la nourriture dans le ravage (Dumont et al. 2000). Nous avons émis l'hypothèse que l'augmentation de la densité multipliait les contacts entre les congénères et les conflits sociaux pour l'accès à la nourriture. Nous avons assumé que l'augmentation des interactions sociales amenait la concentration des activités des cerfs au centre de leur domaine vital où ils pouvaient mieux compétitionner pour les ressources alimentaires à cause de leur connaissance de l'habitat. Étant donné l'organisation sociale matriarcale et les patrons de migration traditionnels de cette espèce, nous avons également présumé que les densités de populations hivernale et estivale seraient proportionnelles quoique beaucoup plus basses en été. Finalement, nous avons spéculé que la dispersion des cerfs adultes pouvait se produire lorsqu'un individu ne pouvait pas trouver suffisamment de ressources alimentaires au centre de son domaine vital pour s'assurer des chances moyennes de survie et de reproduction. Dans le cas des cerfs de Virginie, selon ce raisonnement, la dispersion peut se produire dans les ravages. Les données des ruminants, des carnivores et des rongeurs procurent quelques appuis pour l’hypothèse de la diminution de la taille des domaines vitaux avec l'augmentation de la densité (Courtois et al. 1998; Mazurkiewicz et Rajska-Jurgiel 1998; Okarma et al. 1998; Philips et al. 1998). Pour les deux populations de cerfs à l'étude, nous avons prédit que 1) les cerfs de la population de haute densité devraient avoir de plus petits domaines vitaux 4 que la population de basse densité; 2) la philopatrie (fidélité à un domaine vital saisonnier) devrait être plus importante en hiver qu'en été pour les deux ravages et devrait être encore plus marquée pour la population de haute densité; 3) la dispersion des cerfs devrait s'effectuer plus souvent dans la population de haute densité. 1.1 Aire d'étude L'aire d'étude était localisée à environ 200 km à l'est de la ville de Québec dans les collines 2 appalachiennes et couvrait 4 400 km . Le territoire était constitué d'une mosaïque de terres agricoles (moins de 20 % de la surface totale) et d'un mélange de forêts conifériennes et décidues. L'aire d'étude se situait dans une zone de transition entre la forêt feuillue et la forêt boréale (Rowe 1972). Le sapin baumier (Abies balsamea), le bouleau blanc (Betula papyrifera), le peuplier faux-tremble (Populus tremuloides), l'érable à sucre (Acer saccharum), le bouleau jaune (Betula alleghaniensis), le thuja occidental (Thuja occidentalis), le hêtre à grandes feuilles (Fagus grandifolia), l'érable rouge (Acer rubrum) et l'épinette blanche (Picea glauca) étaient les espèces prédominantes d'arbres (Rowe 1972). Les espèces arbustives les plus communes étaient l'érable à épis (Acer spicatum), le noisetier à long bec (Corylus cornuta) et l'érable de Pennsylvanie (Acer pensylvanicum). Les forêts étaient gérées intensivement pour l'exploitation commerciale. Les précipitations annuelles étaient en moyenne de 1 105 mm, dont 33 % tombaient en neige. Le couvert de neige était présent du début décembre à la fin d'avril (Environnement Canada 1993). L'indice de pénétration dans la neige, mesuré à l'aide d'un pénétromètre imitant l'enfoncement d'un cerf dans la neige (Verme 1968), était de 4 995 jours-cm-enfoncement (1976-1995) dans les deux aires d'étude, une variable positivement corrélée avec la taux de mortalité des cerfs au Québec (Potvin et Breton 1992). La densité des cerfs était de 0,3 2 cerf/km en 1993 dans la zone de chasse qui inclut la zone d'étude (Lamoureux 1994). Cette 2 aire fut sous un moratoire de chasse de 1993 à 1996 (Daigle 1998). Les coyotes (0,1/km : 2 Richer 2000) et les ours noirs (0,1/km : Lamoureux 1997) étaient des prédateurs potentiels 5 des cerfs. La région du Bas Saint-Laurent n'est pas tellement populeuse avec quelques villes et villages dispersés. Nous avons étudié les populations des ravages du lac Témiscouata (RLT; population de basse densité) et de Pohénégamook (RPK; population de haute densité) (figure 1) entre 2 2 1994 et 1997. Les RLT et RPK couvraient 217 km et 25 km respectivement pendant la période d'étude. La taille du RPK est demeurée relativement stable depuis sa première délimitation en 1976 mais le ravage s'est progressivement déplacé vers le village. Le RLT 2 2 est passé de 10 km en 1968 à 228 km en 1998 (A. Dumont et al.2000). Le RLT est situé complètement en milieu forestier, sans habitation permanente, et compte seulement quelques chalets, tandis que le RPK est partiellement entouré par le village où se situe 20 % des cerfs qui fréquentent des sites d'alimentation artificiels (Grenier et al. 1999). Les inventaires aériens et de broutement démontrent que ces deux ravages sont très différents : 2 pour le RLT, la densité de cerfs se situait autour de 10 cerfs/km avec 127 000 ramilles de 2 feuillus/ha, comparé à 20 cerfs/km et 68 000 ramilles/ha pour le RPK (Dumont et al. 2000). Dans le RPK, la population a atteint sa capacité de support (K) pendant l'étude et est restée relativement stable tandis que la population du RLT était en expansion (Dumont et al. 2000). 6 2. MATÉRIEL ET MÉTHODES 2.1 Télémétrie Les cerfs ont été capturés en janvier à l'aide de trappes Stephenson (Rongstad et McCabe 1984) placées le long de sentiers et appâtées avec des ramilles de thuja et de la moulée commerciale. Tous les cerfs étaient immobilisés dans un filet, sexés et munis d’une étiquette à l'oreille ainsi que d'un collier émetteur. Les manipulations duraient environ 5 minutes par cerf et furent approuvées par le Comité de protection des animaux de l'Université Laval. Les cerfs étaient identifiés comme immatures (8 à 9 mois) ou adultes (> 1,5 an), en tenant compte de leur taille et de l'apparition et du remplacement des dents (Severinghaus 1949). Nous avons capturé 38 jeunes (16 mâles et 22 femelles) et 41 adultes (18 mâles et 23 femelles) dans le RPK entre 1994 et 1997. Douze jeunes (quatre mâles et huit femelles) et neuf adultes (deux mâles et sept femelles) ont été capturés dans le RLT 1994 et 1995. Nous avons exclu de notre analyse les localisations estimées pendant les migrations printanières et automnales et durant la saison de reproduction à cause des changements dans les comportements et les déplacements (Nelson et Mech 1981; Labinski et Fritzen 1998). Les cerfs restaient par ailleurs relativement sédentaires en hiver (15 décembre au 21 avril) et pendant l'été (10 mai au 25 septembre). Les cerfs étaient localisés au sol par triangulation et par voie aérienne en utilisant une antenne fixée à l'aile d'un avion. En 1994, 1995 et 1996, les cerfs étaient localisés hebdomadairement par avion. En 1997, les inventaires aériens avaient lieu toutes les semaines en hiver et à l'automne et deux fois par semaine pendant l'été. Nous avons également utilisé la triangulation pour localiser les cerfs en été durant les deux dernières années de l'étude. Les localisations terrestres couvraient toutes les heures du jour tandis que les localisations aériennes étaient effectuées seulement le jour. Nous avons considéré deux 7 localisations successives indépendantes si elles étaient séparées d'au moins huit heures (White et Garrott 1990). Les localisations terrestres étaient effectuées avec deux systèmes mobiles de télémétrie. Le premier était constitué d'une antenne yagi de neufs éléments montée sur le toit d'un camion (Amlaner et Macdonald 1979; Lovallo et al. 1994). Les azimuts étaient mesurés à l'aide d'une boussole électronique (Azimuth 1000 Digital Compass, KVH Industries, Inc., RI; Lovallo et al. 1994). Le deuxième système était constitué d'une antenne yagi de sept éléments montée sur un véhicule tout-terrain et dans ce cas, les azimuts étaient pris à l'aide d'une boussole conventionnelle. Des stations fixes localisées au GPS ont été utilisées pour la triangulation. Le logiciel LOCATE II (Pacer, Truro, Nova Scotia, Canada; Nams 1990) a été utilisé pour estimer les positions des cerfs à partir des données de télémétrie et l’ellipse de confiance (Lenth 1981). Nous avons mesuré la précision des localisations aériennes et terrestres au cours de 24 tests à l'aveugle utilisant des colliers émetteurs cachés dont la localisation précise avait été determinée à l'aide d’un topofil et de cartes écoforestières 1 : 20 000. 2.2 Estimation des domaines vitaux Nous avons utilisé le polygone convexe minimal (PCM, intervalle de confiance de 95 %) pour estimer les domaines vitaux hivernal et estival de chaque cerf (logiciel CALHOME : Kie et al. 1994). Nous avons déterminé le nombre de localisations nécessaires pour estimer les domaines vitaux saisonniers à l'aide d'un échantillon de 20 cerfs pour lesquels nous avons mesuré les domaines vitaux saisonniers avec un échantillon croissant de localisations. Le nombre moyen de localisations nécessaires pour obtenir une asymptote était de 25 (E.S. = 2). Nous avons tracé et comparé le polygone convexe minimal 95 % des domaines vitaux d'été et d'hiver à condition de rencontrer ce seuil (Kenward 1987; Harris et al. 1990). 8 Nous avons estimé la taille des domaines vitaux des cerfs immatures séparément pour le premier hiver et le deuxième été parce qu'ils sont probablement moins philopatriques au moment de la séparation de leur mère. Pour les individus suivis pendant plus d'un an, nous avons calculé une taille moyenne des domaines vitaux saisonniers et un pourcentage de superperposition des domaines vitaux. Pour les cerfs qui ont été marqués lorsqu'ils étaient faons, nous avons estimé leurs domaines vitaux de jeunes et d'adultes. Nous avons cartographié les domaines vitaux calculés à l'aide du logiciel CALHOME en utilisant le logiciel LAMBERT (Thériault 1993) avant d'utiliser MapInfo (MapInfo 1997) pour déterminer les distances de migration et le degré de superposition des domaines vitaux pour les années successives. 2.3. Philopatrie Pour quantifier la philopatrie, nous avons calculé le pourcentage de superposition des domaines vitaux saisonniers pendant plusieurs années consécutives. Nous avons exprimé la superposition comme un pourcentage du domaine vital pour une année donnée en comparaison avec l'année suivante. Pour les individus suivis pendant plus de deux ans, nous avons aussi calculé la superposition pour différentes saisons séparées de deux ou trois ans. 2.4 Analyses statistiques Nous avons vérifié si la taille des domaines vitaux saisonniers et le pourcentage de superposition variaient selon l'âge, le sexe et la densité du ravage, en utilisant une ANOVA factorielle qui incluait toutes les variables (SAS 1993); aucune interaction était assez forte pour être significative (P > 0,05). Nous avons analysé les domaines vitaux estivaux et hivernaux séparément à cause de leur importante diminution pendant l'hiver. Nous nous sommes assurés que les résidus étaient homogènes (observation visuelle de la courbe) et 9 normalement distribués (test de Shapiro-Wilk). Nous avons apporté une transformation logarithmique à la taille des domaines vitaux afin d'atteindre ces conditions. 10 3. RÉSULTATS Nous avons localisé les 100 cerfs 4 885 fois par avion et 1 514 fois par camion de janvier 1994 à septembre 1997. Les localisations terrestres furent effectuées toute la journée (00h20-23h52 heure local) tandis que les localisations aériennes furent effectuées seulement le jour (7h16-18h23 heure locale). Les tests de précision avec les 24 colliers de localisations connues ont donné une erreur moyenne de 170 ± 36 (E.S.) m et 392 ± 77 m pour les localisations terrestres et aériennes respectivement. Nous n'avons trouvé aucune relation entre les erreurs terrestres et aériennes pour les mêmes colliers cachés (r2 = 0,004; F = 0,20; P = 0,90; n = 24). En regroupant les positions aériennes et terrestres, nous avons localisé en moyenne 29 ± 4 fois chaque cerf par saison. L'ellipse de confiance de 95 % calculée par LOCATE II pour les localisations terrestres était en moyenne de 64,7 ± 11,5 ha (n = 805, données de 1996 seulement). La taille de l'ellipse de confiance n'était pas liée à l'erreur de localisation dans nos tests de précision (R2 = 0,02; F = 1,02; P = 0,81; n = 21) et nous n'avons rejeté aucune localisation en se basant sur ce critère (Zimmerman et Powell 1995). Les domaines vitaux d'été couvraient une surface continue où les cerfs erraient. Cependant, des 106 domaines vitaux délimités entre 1994 et 1997, 12 avaient un patron différent constitué de deux aires ou plus séparées et utilisées consécutivement durant l'été (figure 2). Une distance plus grande ou égale au diamètre de la plus grande aire séparait deux zones d’utilisation intense. Ces domaines vitaux auraient couvert de trop grandes étendues si nous avions utilisé la méthode du polygone convexe minimal, dans certains cas plus de 24 000 ha. Huit femelles (cinq adultes et trois jeunes) et un jeune mâle ont utilisé ce type de domaine vital d'été discontinu; huit de ces neuf cerfs étaient dans la population de basse densité du RLT. Les trois cerfs qui avaient des domaines vitaux estivaux discontinus et qui ont été suivis pendant 2 ans, ont utilisé ce type d'habitat pendant seulement une année. Pour les cerfs suivis pendant 3 ans, un des cerfs a utilisé un domaine vital discontinu pendant seulement un an, un autre pendant 2 ans et le troisième pendant 3 ans. Finalement, deux cerfs suivis pendant 4 ans ont utilisé des domaines vitaux discontinus pendant seulement un an. Tous les cerfs qui avaient des domaines vitaux estivaux dicontinus avaient des 11 domaines vitaux continus pendant l'hiver. De plus, trois adultes et deux jeunes femelles de la population de basse densité du RLT sont retournés prématurément au ravage en 1995 (entre le 16 juillet et le 26 septembre). Pour les cerfs marqués lorsqu'ils étaient faons, nous n'avons trouvé aucune corrélation entre la taille du domaine vital et le pourcentage de superposition à l’âge immature et l’âge adulte. Conséquemment, nous avons considéré comme indépendantes, les mesures prises sur le même individu pour les deux catégories d'âge. La taille des domaines vitaux hivernaux ne différait pas selon les populations (P = 0,54) ni selon la catégorie d'âge (P = 0,27) ou le sexe (P = 0,85), mais ils étaient plus petits que les domaines vitaux d'été (tableau 1). En été, la taille des domaines vitaux ne différait pas entre les populations (P = 0,91) mais la catégorie d'âge (P = 0,04) et le sexe (P = 0,03) influençaient l'utilisation de l'habitat. Les jeunes avaient des domaines vitaux plus grands que les adultes et les mâles avaient des domaines vitaux plus grands que ceux des femelles. Les patrons de migration sont demeurés relativement constants entre 1994 et 1997 pour les deux populations (figure 1). Chaque année, les cerfs du RPK migraient au nord-ouest du ravage tandis que les cerfs du RLT migraient dans des directions variables. Les distances moyennes de migration, entre les domaines vitaux estivaux et hivernaux, étaient de 26,4 km (± 1,7; n = 15) et 9,7 km (± 1,2; n = 18) pour les RPK (population de haute densité) et RLT (population de basse densité) respectivement. Les distances de migration ne variaient pas significativement selon le sexe (P = 0,64) ni selon la catégorie d'âge (P = 0,51) mais variaient selon les ravages (P = 0,04). Pendant deux années consécutives, la superposition des domaines vitaux était plus grande en été qu'en hiver (P = 0,04). En hiver, le pourcentage moyen de superposition des domaines vitaux des cerfs de la population de haute densité excédait celui des cerfs de la population de basse densité (P = 0,04) mais était indépendant de la classe d'âge (P = 0,29) et du sexe (P = 0,41; tableau 2). Pendant l'été, le degré de superposition n'était pas 12 significativement différent entre les populations (P = 0,86), ni entre les classes d'âge (P = 0,88) ou le sexe (P = 0,97). La superposition diminuait à 43 % ( ± 10; n = 36) entre deux étés non consécutifs, indépendamment des ravages. Quatre cerfs ont migré dans un ravage différent de celui dans lequel ils avaient été marqués dont trois provenant de la population de haute densité. Un mâle de la population de haute densité est demeuré dans son habitat d'été où il est mort. Un autre a été blessé dans un accident de voiture en décembre et a migré à proximité du RPK mais ne s'est pas rendu jusque dans le ravage et est mort en janvier. 13 4. DISCUSSION Étant donné les différences de densité de population et de disponibilité de nourriture entre les deux ravages, nous avions prédit que la compétition pour les ressources allait influencer l’utilisation de l’espace différemment selon la densité de population du ravage. Comme prévu, les cerfs de la population de haute densité étaient plus philopatriques que ceux de la population de faible densité pendant l’hiver. De plus, généralement, un plus grand nombre d’émigrants provinrent de la population de haute densité. Cependant, contrairement à nos prédictions, la philopatrie était plus élevée en été qu’en hiver et les deux populations avaient des domaines vitaux semblables. 4.1 Taille des domaines vitaux Les cerfs provenant des deux populations occupaient des domaines vitaux de taille similaire mais leurs domaines vitaux estivaux étaient plus vastes que ceux d’ailleurs en Amérique du Nord (tableau 3). Notre méthode de calcul de la taille des domaines vitaux dissimule probablement une tendance pour les cerfs du ravage de basse densité à se déplacer dans des aires plus vastes que ceux des cerfs du ravage de haute densité, si nous considérons que huit des 19 cerfs de la population de basse densité utilisaient des domaines vitaux discontinus par comparaison à un sur 54 cerfs dans la population de haute densité. L’aire totale utilisée par les cerfs en été que nous avons mesurée, peut représenter un maximum pour les cerfs de Virginie et les domaines vitaux pourraient devenir discontinus au-dessus de ce seuil. Ce genre de domaine vital estival très vaste suggère que la compétition intraspécifique restreinte et les faibles coûts de locomotion (Parker et al. 1999) favorisent l'expansion du domaine vital. On pourrait avancer que la rareté du brout ait causé un tel agrandissement du domaine vital (Mysterud 1999) mais le brout estival était abondant dans notre aire d'étude (Rouleau 2001). De plus, les cerfs de Virginie du territoire à l'étude avaient les tailles corporelles et les réserves adipeuses automnales les plus importantes de tout le Québec (Lesage et al. 2001; S. Boucher, non publié). L'utilisation 14 d'un grand domaine vital estival, par les cerfs nordiques vivant à basse densité, peut augmenter leurs opportunités de reproduction, la détection et l'utilisation d'habitats inutilisés et l'établissement de ravages adéquats (Larson et al. 1978; Labiski et Fritzen 1998). Au contraire, les cerfs des populations de haute densité estivale semblent réduire la taille de leur domaine vital et éviter la compétition avec les voisins, voire changer leurs patrons de migration (Courtois et al. 1998; Larson et al. 1978; Okarma et al. 1998; Philips et al. 1998). Selon notre étude, pendant l'hiver, la compétition pour les ressources ne semble pas influencer la taille du domaine vital quoique les cerfs vivant dans la population de basse densité aient brouté environ le double de nourriture que ceux de la population de haute densité (Dumont et al. 2000). Cette similarité entre la taille des domaines vitaux pourrait résulter de la précision relativement basse de nos localisations hivernales qui ont été utilisées pour estimer la taille des domaines vitaux. Cependant, les cerfs des deux populations avaient des domaines vitaux hivernaux de taille semblable à ceux des autres populations de l'Amérique du Nord (tableau 3). Étant donné le budget énergétique négatif de la plupart des cerfs pendant l'hiver (Mautz 1978; Parker et al. 1999), les cerfs semblent diminuer la taille de leur domaine vital à un minimum, afin d’éviter les prédateurs potentiels (Parker et al. 1999) indifféremment de la disponibilité du brout. La finesse des pattes des cerfs de Virginie augmente l’enfoncement dans la neige et les coûts de locomotion (Parker et al. 1984; Telfer et Kelsall 1984). Pour pallier à cette caractéristique, les cerfs de Virginie maintiennent des réseaux de sentiers pendant leur séjour dans le ravage (Telfer et Kelsall 1984) qui a duré plus de 120 jours lors de notre étude (Dumont et al. 1998). Les cerfs des deux populations ont maintenu des réseaux de pistes de taille semblable mais les cerfs de la population de haute densité avaient seulement la moitié du brout disponible de ceux de la population de basse densité (Dumont et al. 2000). 15 4.2 La philopatrie versus la densité de la population Nous avons exprimé la philopatrie en termes de taux de fidélité qu'ont eue les cerfs à leurs domaines vitaux saisonniers utilisés l'année précédente. Les cerfs de l'étude se sont comportés de façon semblable aux autres populations de cerfs de Virginie, c'est-à-dire en suivant des routes de migration traditionnelles et en étant très philopatriques dans l'utilisation de l'espace (Verme 1973; Tierson et al. 1985; Nelson et Mech 1987; Porter et al. 1991). Notamment, l'incidence des cerfs qui ne migraient pas était très faible dans notre étude comparativement aux autres populations (Nelson et Mech 1987; Van Deelen et al. 1998), probablement à cause de la sévérité des hivers. Dans notre hypothèse, nous assumions que la compétition pour les ressources pourrait renforcer la philopatrie et que la fidélité aux domaines vitaux pourrait être plus grande en hiver qu'en été (augmentation de la densité en hiver) et plus grande pour les cerfs de la population de haute densité que ceux de la population de basse densité. Au cours de l'hiver, la population de haute densité était plus philopatrique que celle de basse densité mais contrairement à nos prédictions, la philopatrie estivale excédait la philopatrie hivernale (Tierson et al. 1985; Aycrig et Porter 1997; Van Deelen et al. 1998). La plus faible fidélité des cerfs aux habitats hivernaux pourrait dépendre des variations dans la disponibilité du brout d'une année à l'autre. À un niveau individuel, la disponibilité de la nourriture peut dépendre du taux de broutement de l'hiver précédent, des coûts associés à la locomotion dans la neige et du réseau de sentiers fait par les autres cerfs, des facteurs susceptibles de modifier l'emplacement du domaine vital. Comme le comportement de concentration des cerfs dans les ravages semble dicté par l'évitement de la prédation plutôt que pour les ressources alimentaires (Nelson 1998), une plus faible philopatrie pendant l'hiver peut être un mécanisme supplémentaire pour échapper aux prédateurs potentiels (Messier et Barrette 1985). 16 4.3. Formation et dynamisme des ravages La capacité de survie des faons au cours de leur premier hiver peut limiter la distribution du cerf de Virginie dans le nord-est de l'Amérique du Nord (Lesage et al. 2001. En effet, les ravages jouent probablement un rôle important dans le maintien et l'expansion des populations nordiques. La compréhension de la formation et de l'expansion des ravages peut nous aider dans la conservation des cerfs de Virginie nordiques. Étant donné la transmission de la connaissance de l'utilisation de l'espace des mères à leurs filles, il est plausible que les ravages soient occupés par des individus dominants qui ont accès à des habitats d'hiver de haute qualité. Conséquemment, leurs descendants tendent à dominer la population (Gaillard et al. 1998). Dans un vieux ravage, la plupart des individus peuvent provenir de quelques familles seulement. Certaines études génétiques supportent ce point de vue (Cronin et al. 1991; Mathews et Porter 1993). Un jeune ravage peut être créé lorsqu'une biche adulte (possiblement avec ses filles; Porter et al. 1991; McNulty et al. 1997) se disperse et passe l'hiver dans une nouvelle aire. Les émigrants adoptent probablement de nouveaux ravages à proximité de leur habitat d'été ou le long de leur route de migration pour se rendre à leur ravage. Si la densité de cerfs était basse avant la création du nouveau ravage, les ressources alimentaires devraient être abondantes dès le début. Les cerfs fondateurs peuvent alors trouver amplement de nourriture pendant toute l'année dans le nouveau ravage, tout en agrandissant leur domaine vital durant l'été. Cependant, les arbustes et les petits arbres sont sensibles à la perte des feuilles pendant l'été (Hjälten et al. 1993; Canham et al. 1994; Ouellet et al. 1994; Bergström et Danell 1995; Manseau 1996; Crête et Doucet 1998) et dans les ravages, la défoliation répétitive doit être limitée pour que les plantes puissent refaire leurs réserves (Crête et Doucet 1998) et produire des pousses qui seront broutées par les cerfs pendant l'hiver. Nous proposons que la migration pourrait se produire à ce stade intermédiaire de la formation d'un ravage. La population de basse densité (RLT) était peut-être à ce stade lors de notre étude, parce que le broutement était faible dans ce ravage (Dumont et al. 1998), les distances de migration étaient courtes et 17 plusieurs individus ont fait un retour prématuré dans le ravage en 1995, suggérant que la nourriture pouvait y être facilement disponible. Les jeunes femelles et, à un moindre degré, les jeunes mâles, établissent leur domaine vital hivernal en périphérie de celui de leur mère (Hoskinson et Mech 1976; Porter et al. 1991; Nelson et Mech 1999), ce qui cause avec le temps un agrandissement du ravage, à condition qu'il y ait un habitat adéquat (Dumont et al. 1998). L'évolution spatiale des deux populations au fil des vingt dernières années illustre ce phénomène (figure 3). Le mécanisme que nous proposons pour expliquer l'expansion des cerfs de Virginie vers le nord diffère de celui proposé par Nelson et Mech (1999) qui soutiennent que la création de nouveaux ravages et, conséquemment, la récente expansion des cerfs de Virginie en Amérique du Nord, résulterait de la dispersion des jeunes, bien que les jeunes femelles n'aient pas tendance à ce comportement. La surface du ravage de haute densité (RPK) est demeurée relativement constante, soit de 2 20 à 30 km depuis 1976 mais ce ravage s'est progressivement déplacé vers le sud-est près d'un village où les gens nourrissent les cerfs. Pendant l'étude, on a fourni aux cerfs environ 7 000 kg de moulée et de grains chaque hiver (Dumont et al. 2000). Cette quantité représentait 15 % de la consommation totale de nourriture des cerfs quoique seulement 20 % des animaux du ravage fréquentaient les sites d'alimentation (Grenier et al. 1999; Dumont et al. 2000). Un habitat inadéquat et des barrières physiques ont empêché l'expansion du ravage vers d'autres directions. Pour cette raison, la population avait atteint une forte densité qui était régularisée par la compétition pour la nourriture pendant l'hiver. 2 2 À l'opposé, le ravage de basse densité (RLT) est passé de 20 km en 1979 à 217 km en 1996, conséquence d'un habitat hivernal adéquat à proximité. Cependant, l'habitat hivernal des cerfs de Virginie nordiques est restreint et tous les ravages finissent par arrêter de prendre de l’expansion ou peuvent même diminuer à cause des feux de forêts, des épidémies d'insectes ou de la coupe de bois. 18 La population de haute densité (RPK) fait probablement face à cette situation dans une aire d'hivernage populeuse avec une forte compétition pour la nourriture (Dumont et al. 2000). Dans ce cas, l'avantage de se disperser vers de nouvelles aires peut dépasser les bénéfices engendrés en demeurant dans le même ravage (Nicholson et al. 1997). En effet, l'émigration vers de nouveaux ravages s’est produit plus fréquemment dans la population de haute densité (4 des 5 émigrations) que dans celle de basse densité. Un cerf est demeuré dans son habitat estival mais il est mort durant l'hiver, tandis que trois autres ont migré vers deux ravages connus. Cependant, la dispersion était moins fréquente dans notre aire d’étude qu'ailleurs en Amérique du Nord (Nelson et Mech 1987, 1992), ce qui peut réfléter la forte compétition pour l'alimentation ou le faible risque de mortalité dans d'autres populations. Le mécanisme de dispersion des cerfs de Virginie que nous proposons différe de celui observé chez le chevreuil (Capreolus capreolus) où la dispersion diminue à mesure que la densité augmente (Linnel et al. 1998) tout comme la taille des domaines vitaux (Tufto et al. 1996). Les population de cerfs de Virginie du sud-est du Québec occupent un habitat où le risque d'extinction est présent à cause de la rigueur de l'hiver et de la vulnérabilité des ravages face aux feux de forêt et aux épidémies d'insectes. L'utilisation saisonnière de l'espace que les cerfs font semble minimiser ce risque, mais les gestionnaires de la forêt et de la faune devraient protéger soigneusement les aires d'hivernage connues dans cette région parce que la recolonisation peut être longue une fois qu'une population est disparue. 19 REMERCIEMENTS Cette étude a été subventionnée par la Société de la faune et des parcs du Québec, par la Fondation de la faune du Québec et par le Fonds FCAR et le CRSNG. Nous remercions toutes les personnes qui nous ont aidés dans la capture des animaux et dans le suivi télémétrique des cerfs: J. Bachand, C. Bélanger, M. Bélanger, N. Bergeron, C. Daigle, J. Gosselin, D. Grenier, R. Isabel, C. Lefebvre, R. Lemieux, C. Pelletier, P. Pettigrew, G. Picard, H. Poulin, D. Roy et A. St-Louis. Hélène Crépeau, du Service de consultation statistique de l'Université Laval, nous a conseillés pour les analyses statistiques. Y. Brousseau, du Département de géographie de l'Université Laval, nous a aidés pour les analyses GIS. C. Barrette, J. Schaefer et T. R. Van Deelen ont commenté des versions préliminaires du manuscrit. L. Lesage a bénéficié d'une bourse d'études de la Nation Huronne Wendat durant la réalisation de ce travail. 20 LISTE DES RÉFÉRENCES ALBON , S. D. et R. LANGVATN. 1992. Plant phenology and the benefit of migration in a temperate ungulate. Oikos, 65: 502-513. AMLANER, C. J. Jr. et D.W. MACDONALD. 1979. A handbook of biotelemetry and radio-tracking. Pergamon Press. Oxford. AYCRIGG, J. L. et W.F. PORTER. 1997. Sociospatial dynamics of white-tailed deer in the Central Adirondack, New York. J. Mammal. 78: 468-482. BENGTSSON, B. O. 1978. Avoiding inbreeding: at what cost? J. Theor. Biol., 73: 439444. BERGERUD, A. T. et R. E. PAGE. 1987. 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Zool. 73: 11231133. 27 Tableau 1. Taille (ha) moyenne (E.S.; n) des domaines vitaux hivernaux et estivaux estimés à l'aide de la méthode du polygone convexe (95 %) pour deux populations de cerfs de Virginie (ravage de Pohénégamook (RPK; population de haute densité) et ravage du lac Témiscouata (RLT; population de basse densité)) du sud-est du Québec. Les densités hivernales étaient de: RLT = 10 cerfs/km2 et RPK = 20 cerfs/km2. Sexe RPK (haute densité) Été Hiver RLT (basse densité) Été Hiver Immatures M F 7484 (2993; 10) 2726 (1489; 12) M F 1247 (245; 14) 910 (181; 24) 32 (0; 1) 65 (13; 5) 3440 (1978; 4) 2652 (1460; 6) 134 (50; 4) 81 (21; 8) 1144 (242; 5) 2812 (1777; 13) 272 (206; 4) 112 (30; 13) Adultes 193 (96; 7) 102 (25; 7) 28 Tableau 2. Pourcentage moyen (E.S ; n) de la réutilisation des domaines vitaux saisonniers lors d'années consécutives ou non consécutives pour deux populations de cerfs de Virginie. Les densités hivernales étaient de: RLT = 10 cerfs/km2 et RPK = 20 cerfs/km2. Été consécutif Été b non consécutif Hiver consécutif Hiver b non consécutif Population Âge Sexe RLT Adultes M 55 (24; 3) 24 (6; 3) 27 (9; 2) F 57 (16; 10) 55 (20; 5) 25 (11; 7) n.d. n.d. Immatures M F 58 (32; 2) 57 (32; 11) 9 (0; 1) 15 (10; 8) 29 (2; 2) 35 (11 ; 6) n.d. n.d. Adultes M F 44 (7; 7) 61 (3; 10) 38 (28; 2) 73 (15; 4) 35 (7 ; 6) 35 (10 ; 8) 31 (13 ; 3) 27 (14 ; 2) Immatures M F n.d. 55 (17; 8) 9 (9; 8) 74 (16; 5) 54 (5 ; 2) 30 (11 ; 5) 34 (0; 1) 32 (15; 3) (basse densité) RPK (haute densité) a Non disponible b Séparés par deux ans a 29 Tableau 3. Taille (ha) moyenne des domaines vitaux hivernaux et estivaux de populations de cerfs de Virginie en Amérique du Nord. Localisation Hiver (ha) Été (ha) Référence Québec 129 2435 Cette étude Nouveaua Brunswick 370 277 Drolet (1976) a 22 - 26 Kilgo et al. (1998) a 23 Labisky et Fritzen (1998) a Floride Floride a 178 a 43 69 Mooty et al. (1987) a 44 83 - 319 Nelson et Mech (1981, 1987) 267 Nixon et al. (1991) Wisconsin Minnesota Minnesota a Illinois a 135 225 Tierson et al. (1985) b 194 - 212 170 - 490 Van Deelen (1995) a 634 326 Wood et al. (1989) New York Michigan Montana a Valeurs moyennes rapportées b Larson et al. (1978) Valeurs médianes rapportées Figure 1. Distribution des domaines vitaux estivaux de cerfs de Virginie du ravage de Pohénégamook (RPK: densité élevée) et du Lac Témiscouata (RLT: densité basse), sud-est du Québec, 1994-1997 . 30 Légende RPK RLT Ravage 31 Figure 2. Exemple d’un domaine vital discontinue utilisé par des cerfs de Virginie du sudest du Québec. Le grand polygone pâle correspond au domaine vital saisonnier en incluant tous les points selon la méthode du polygone convexe à 95 %; les surfaces plus foncées représentent les parties utilisées intensément et de façon consécutive durant le même été, ce que nous avons calculé comme le domaine vital véritable 32 Figure 3 a). Évolution spatiale du ravage de cerfs de Virginie de Phénégamook (densité élevée) entre 1977 et 1997 33 Figure 3 b). Évolution spatiale du ravage de cerfs de Virginie du Lac Témiscouata (densité basse) entre 1979 et 1997